Ouverture d’une procédure collective: le principe d’arrêt des inscriptions

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le principe d’arrêt des inscriptions.

L’article L. 622-30 du Code de commerce prévoit que « les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture. Il en va de même des actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels, à moins que ces actes n’aient acquis date certaine ou que ces décisions ne soient devenues exécutoires avant le jugement d’ouverture. »

Ainsi, le jugement d’ouverture marque-t-il la fin de la possibilité pour les créanciers de se constituer des sûretés sur le patrimoine du débiteur.

Cette règle s’explique par le souci de « geler » le patrimoine du débiteur afin d’éviter que la position des créanciers ayant accepté de traiter avec ce dernier après l’ouverture de la procédure de redressement n’ait à souffrir de l’existence d’une sûreté dont il ne pouvait avoir connaissance et qui, s’ils en avaient eu connaissance, aurait pu les conduire à ne pas entrer en affaires avec le débiteur.

Il convient cependant de souligner que si une sûreté est néanmoins inscrite en violation de cette interdiction, elle tombe sous le coût des nullités de la période suspecte, en application des dispositions de l’article L. 621-107 du code de commerce.

I) Le domaine du principe d’arrêt des inscriptions

==> Les créanciers concernés

Le principe d’arrêt des inscriptions a vocation à s’appliquer à tous les créanciers de la procédure à l’exception :

  • Des créanciers privilégiés
  • Des créanciers postérieurs non privilégiés ( com. 20 juin 2000)

==> Les inscriptions visées

Deux catégories d’inscriptions sont visées :

  • Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges
    • Le principe d’arrêt des inscriptions vise, par définition, toutes les sûretés susceptibles de faire l’objet d’une publication
    • Il ne distingue pas selon que la sûreté est
      • mobilière ou immobilière
      • légale ou conventionnelle
      • judiciaire ou conservatoire
  • Les actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels
    • Le principe d’arrêt des inscriptions interdit donc de publier tous les actes et décisions translatifs ou constitutifs de droits réels
    • Il en va ainsi des donations et plus largement des contrats qui exigent une publication
    • Cette disposition traduit un retour au droit antérieur à la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 qui avait supprimé cette interdiction figurant jusqu’alors dans le texte initial de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985.
    • Cette suppression a été justifiée, à l’époque, par le souci de ne pas mettre certains créanciers ayant acquis, avant le jugement d’ouverture, des droits réels sur certains éléments du patrimoine du débiteur, dans l’impossibilité d’exercer leurs droits, faute de publication en raison de l’interdiction des inscriptions.
    • En effet, les retards d’inscription ne sont pas nécessairement imputable au débiteur, les procédures d’inscription, notamment auprès du conservateur des hypothèques, pouvant connaître des délais parfois importants.
    • Toutefois, cette modification a conduit à certains dévoiements.
    • Il a notamment été constaté que l’interdiction de l’inscription des actes translatifs ou constitutifs de droits réels avait suscité certaines fraudes consistant à antidater des contrats de vente afin de permettre à leurs bénéficiaires d’en poursuivre l’exécution après le jugement d’ouverture.
    • Pour contrer de telles manœuvres, le Garde des sceaux avait envisagé, dans une réponse à une question écrite en août 1995, de limiter les possibilités d’inscription aux seuls actes translatifs ou constitutifs de droits réels ou aux décisions judiciaires ayant acquis date certaine avant le jugement d’ouverture.
    • Le principe posé par l’article L. 622-30 du Code de commerce s’inscrit dans cette perspective puisqu’il interdit l’inscription, après le jugement d’ouverture, des actes et des décisions judiciaires, translatifs ou constitutifs de propriété, à condition qu’ils aient acquis date certaine avant le jugement d’ouverture.

II) Les exceptions au principe d’arrêt des inscriptions

Le principe d’arrêt des inscriptions est assorti de deux exceptions

==> Le privilège du trésor

L’article L. 622-30, al. 2 du Code de commerce prévoit que « le Trésor public conserve son privilège pour les créances qu’il n’était pas tenu d’inscrire à la date du jugement d’ouverture et pour les créances mises en recouvrement après cette date si ces créances sont déclarées dans les conditions prévues à l’article L. 622-24. »

Ainsi, le Trésor public bénéficie-t-il d’un régime de faveur dans la mesure où le principe d’arrêt des inscriptions ne s’applique pas à lui.

Il peut donc poursuivre la constitution de sûreté pour les créances dont il est titulaire postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Le privilège du vendeur de fonds de commerce

L’article L. 622-30, al. 3e du Code de commerce prévoit que « le vendeur du fonds de commerce, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, peut inscrire son privilège. »

À l’instar du Trésor public, le vendeur de fonds de commerce n’est pas non plus soumis au principe d’arrêt des inscriptions.

Toutefois, conformément à l’article L 141-6 du Code de commerce « l’inscription doit être prise, à peine de nullité, dans les trente jours suivant la date de l’acte de vente. »

III) Les tempéraments au principe d’arrêt des inscriptions

Deux tempéraments existent au principe d’arrêt des inscriptions :

  • Les inscriptions en renouvellement
    • Lorsqu’il s’agit de renouveler une inscription prise avant le jugement d’ouverture, le principe posé à l’article L. 622-30 du Code de commerce n’est pas applicable (V. en ce sens com. 24 avr. 1974).
  • Les inscriptions complémentaires
    • Sont ici concernées les inscriptions judiciaires dont la constitution suppose la réalisation de deux inscriptions, la première provisoire, la seconde définitive.
    • Le principe d’arrêt des inscriptions ne pourra toutefois être écarté qu’à la condition que l’inscription provisoire ait été prise avant le jugement d’ouverture.
    • Dans le cas contraire, il demeure pleinement applicable.
    • Dans un arrêt du 17 novembre 1992, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « l’inscription définitive prise dans le délai légal se substitue rétroactivement à l’inscription provisoire d’hypothèque judiciaire et, dès lors, est réputée prise à la date de celle-ci ; qu’il s’ensuit que ne tombe pas sous le coup du deuxième l’inscription définitive, même postérieure à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, dès lors que l’inscription provisoire est antérieure au jugement d’ouverture et n’encourt pas la nullité prévue au troisième pour avoir été prise après la date de cessation des paiements du débiteur» ( com. 17 nov. 1992).
    • Cette règle se justifie par l’absence d’avantage que confère l’inscription définitive au créancier.
    • Ladite inscription ne vient que confirmer une situation d’ores et déjà acquise.

Cass. com. 17 nov. 1992
Sur le moyen unique :

Vu l'article 54 du Code de procédure civile et les articles 57 et 107-7° de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'inscription définitive prise dans le délai légal se substitue rétroactivement à l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire et, dès lors, est réputée prise à la date de celle-ci ; qu'il s'ensuit que ne tombe pas sous le coup du deuxième l'inscription définitive, même postérieure à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, dès lors que l'inscription provisoire est antérieure au jugement d'ouverture et n'encourt pas la nullité prévue au troisième pour avoir été prise après la date de cessation des paiements du débiteur ;

Attendu qu'autorisée par ordonnance du président du Tribunal à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur des immeubles appartenant à M. X..., la Banque nationale de Paris (la banque) a procédé à cette inscription le 7 avril 1988 et a assigné M. X... en paiement de sa créance le 14 avril 1988 ; que M. X... ayant été mis en redressement puis en liquidation judiciaire le 22 juillet 1988, la banque a déclaré sa créance et assigné le liquidateur en déclaration de jugement commun en demandant au Tribunal de constater l'existence de sa créance hypothécaire et d'en fixer le montant ;

Attendu que pour prononcer l'admission de la créance à titre chirographaire, la cour d'appel a retenu qu'en application de l'article 57 de la loi du 25 janvier 1985 les hypothèques ne peuvent plus être inscrites postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, dès lors qu'elle relevait que l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire avait été prise antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, sans constater que cette inscription provisoire à laquelle l'inscription définitive devait se substituer rétroactivement, avait été prise après la date de cessation des paiements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions admettant la créance de la Banque nationale de Paris à titre chirographaire, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon

IV) La sanction du principe d’arrêt des inscriptions

La loi est silencieuse sur la sanction du principe d’arrêt des inscriptions. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de déterminer la sanction applicable.

Il ressort notamment d’un arrêt du 7 novembre 2006 que la violation du principe serait sanctionnée par l’inopposabilité de l’inscription irrégulière (Cass. com. 7 nov. 2006).

Cette décision est confirmée par un arrêt du 25 mars 2009. La chambre commerciale y affirme sans ambiguïté que « selon les dispositions de l’article L.621-50 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, applicables en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, les hypothèques, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture, l’arrêt retient qu’il n’est pas fait exception à cette règle en faveur du titulaire du privilège institué au profit du prêteur de deniers ayant servi à l’acquisition d’un immeuble et en déduit exactement que l’inscription du privilège de la SNVB, prise postérieurement au 13 décembre 2004, est inopposable à la procédure collective, peu important que ladite inscription ait été faite dans le délai de deux mois à compter de l’acte de vente » (Cass. com. 25 mars 2009).

La sanction de l’inopposabilité présente un avantage évident pour le créancier, en ce qu’il est susceptible de pouvoir se prévaloir de sa sûreté à l’issue de la procédure, une fois le plan de sauvegarde ou de redressement adopté.

La nullité le priverait de cette possibilité.

Cass. com. 25 mars 2009
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2007), que par acte du 19 novembre 2004, la Société nancéienne Varin Barnier (la SNVB) a accordé à Mme X... un prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier et garanti par le privilège du prêteur de deniers ; que Mme X... a été mise en liquidation judiciaire le 13 décembre 2004 ; qu'invoquant le bénéfice de ce privilège inscrit le 27 décembre 2004, la SNVB a déclaré sa créance à titre privilégié et hypothécaire ;

Attendu que la société CIC Est, venant aux droits de la SNVB, fait grief à l'arrêt d'avoir admis la créance de la SNVB à titre seulement chirographaire alors, selon le moyen, que si les hypothèques, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture du débiteur, le défaut de publicité ne peut être opposé que par les tiers qui, sur le même bien, ont acquis du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou qui ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques ; que tel n'est pas le cas du liquidateur judiciaire qui représente l'ensemble des créanciers ; qu'en déclarant néanmoins inopposable à la liquidation judiciaire ouverte contre l'emprunteuse le privilège -pourtant inscrit dans le délai légal - dont était assortie la créance de la SNVB, au motif que cette sûreté avait été inscrite postérieurement au jugement d'ouverture de sa cliente, la cour d'appel a violé les articles 2379 du code civil et L. 621-50 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1994, applicable en la cause ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que selon les dispositions de l'article L.621-50 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, applicables en cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, les hypothèques, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture, l'arrêt retient qu'il n'est pas fait exception à cette règle en faveur du titulaire du privilège institué au profit du prêteur de deniers ayant servi à l'acquisition d'un immeuble et en déduit exactement que l'inscription du privilège de la SNVB, prise postérieurement au 13 décembre 2004, est inopposable à la procédure collective, peu important que ladite inscription ait été faite dans le délai de deux mois à compter de l'acte de vente ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’arrêt du cours des intérêts

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le principe d’arrêt du cours des intérêts.

I) Le principe d’arrêt du cours des intérêts

A) Le champ d’application du principe

==> Les créanciers visés

Le principe d’arrêt du cours des intérêts a vocation à s’appliquer à tous les créanciers de la procédure à l’exception :

  • Des créanciers privilégiés qui, par définition, sont payés à l’échéance
  • Des créanciers postérieurs non privilégiés ( com. 20 juin 2000)

Pour les créances qui continuent à produire des intérêts après le jugement d’ouverture, l’article L. 622-28, al. 1er in fine précise que « nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts ». Autrement dit, l’anatocisme est formellement prohibé.

==> Les créances visées

Toutes les créances antérieures au jugement d’ouverture sont visées peu importe :

  • Qu’elles soient assorties de sûretés
  • Qu’elles résultent d’un contrat en cours ou résilié (Cass. com. 16 avr. 1991)
  • Qu’elle soit de nature salariale, sociale ou fiscale (Cass. soc. 10 déc. 1996)

==> Les intérêts visés

– Sont visés par le principe :

  • Les intérêts légaux ( com. 7 févr. 1989)
  • Les intérêts conventionnels ( com. 16 avr. 2008)
  • Les intérêts de retard ( com. 8 juin 1999)
  • Les majorations

Sont exclues du champ d’application du principe :

  • Les clauses pénales
  • Les clauses d’indexation

B) Le contenu du principe

Le principe d’arrêt du cours des intérêts revêt en caractère définitif, en ce sens qu’il n’y aura pas de reprise du cours des intérêts à l’issue de la procédure.

Dans un arrêt du 10 décembre 1996, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrête définitivement le cours des intérêts des créances nées antérieurement à ce jugement et que l’arrêt devait se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce » (Cass. soc. 10 déc. 1996).

Cass. com. 10 déc. 1996
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juin 1994) que M. X..., employé par la société anonyme des Magasins économiques de la Capelette (Mageco), a été licencié pour motif économique le 8 juin 1988 et a saisi le conseil de prud'hommes le 20 juillet 1988 pour obtenir le paiement de primes, d'heures supplémentaires, d'indemnité de préavis, de licenciement ainsi que des dommages-intérêts ; que le conseil de prud'hommes a fait droit partiellement à ses demandes et qu'en appel, un arrêt a été rendu le 15 septembre 1992 accordant certaines indemnités et ordonnant une expertise sur d'autres chefs de la demande ; qu'une procédure de redressement judiciaire a, le 21 octobre 1992, été ouverte à l'égard de la société Mageco, désignant M. Y... en qualité de représentant des créanciers et qu'un plan de continuation a été arrêté par jugement du 4 octobre 1993, désignant M. Y... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Sur les premier, deuxième et sixième moyens réunis : (sans intérêt) ;

Et sur les cinquième, septième, huitième et onzième moyens réunis :

Vu les articles 55 et 127 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts ; que, selon le second de ces textes, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail visés par le juge-commissaire ainsi que les décisions rendues par les juridictions prud'homales sont portées sur l'état des créances déposé au greffe ;

Attendu que, d'une part, la cour d'appel, après avoir suspendu les intérêts à compter de la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, les a fait courir à nouveau à compter du jugement adoptant le plan de continuation ; que, d'autre part, après avoir fixé le montant des sommes dues à M. X... au titre de son contrat de travail, elle a condamné la société Mageco à payer celles-ci à l'intéressé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête définitivement le cours des intérêts des créances nées antérieurement à ce jugement et que l'arrêt devait se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, d'une part, mis hors de cause l'ASSEDIC des Bouches-du-Rhône AGS, d'autre part, condamné la société Mageco à payer à M. X... diverses sommes avec intérêts de droit à compter du 4 octobre 1993, l'arrêt rendu le 7 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Cette solution est différente de celle adoptée sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967. Dans l’hypothèse où la situation du débiteur s’améliorait, le cours des intérêts reprenait.

Le législateur n’a pas souhaité reconduire cette règle en 1985 afin de favoriser le redressement de l’entreprise.

Afin d’accroître les chances de succès, il a été jugé opportun d’alléger autant que possible le passif de l’entreprise

C) Le sort des garants et coobligés

Dans le droit fil de la problématique relative au caractère définitif de l’arrêt du cours des intérêts, la question s’est rapidement posée de savoir si les garants et coobligés étaient susceptibles de bénéficier de la faveur faite par le législateur au débiteur.

  • Première étape
    • Dans un premier temps, la jurisprudence a estimé que les garants et coobligés pouvaient bénéficier de l’arrêt du cours des intérêts
    • Dans un arrêt du 13 novembre 1990 la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la caution n’était pas tenue des intérêts au-delà du 6 janvier 1987, date du jugement prononçant le redressement judiciaire du débiteur, dès lors que l’article 55 de la loi du 25 janvier 1985 n’opère aucune distinction pour l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels et que l’obligation de la caution ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur principal» ( com. 13 nov. 1990).
  • Deuxième étape
    • Vivement critiquée par la doctrine qui estimait que cette solution ne tenait pas compte de la portée de l’engagement de la caution, laquelle avait précisément vocation à garantir le créancier, la loi du 10 juin 1994 est venue briser la jurisprudence en prévoyant que les cautions et coobligés ne peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts
    • La contrepartie était que les cautions personnelles personnes physiques bénéficiaient du principe de l’arrêt des poursuites.
  • Troisième étape
    • La loi du 26 juillet 2005 est revenue sur la règle édictée par le législateur en 1994
    • Elle a en ce sens admis que les personnes physiques cautions, coobligées ou ayant donné une garantie autonome puissent se prévaloir du principe d’arrêt des poursuites
  • Quatrième étape
    • L’inclusion des garanties autonomes dans le champ d’application de la règle a été très critiquée par la doctrine en raison de l’indépendance qui existe entre la garantie souscrite par le garant et la dette principale contrairement au cautionnement.
    • Pourquoi, dès lors, vouloir soumettre au même régime les deux garanties dont les modes de réalisations sont différents ?
    • Le législateur a entendu ces critiques ce qui s’est traduit par une reformulation de la règle énoncée à l’article L. 622-28 du Code de commerce.
    • L’ordonnance du 18 décembre 2008 est venue préciser que le principe d’arrêt du cours des intérêts bénéficie aux « personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie».
    • La référence aux garanties autonomes à disparue à la faveur de la fiducie-sûreté.
    • Il peut, par ailleurs, être observé que les personnes morales sont exclues du bénéfice du principe d’arrêt du cours des intérêts.

II) L’exception au principe d’arrêt du cours des intérêts

L’article L. 622-28 du Code de commerce prévoit que échappent au principe d’arrêt du cours des intérêts : les intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus

  • Un contrat de prêt
    • Seuls les contrats de prêts sont a priori visés par l’exception
    • La jurisprudence l’a toutefois étendu aux ouvertures de crédits
    • Elle néanmoins refusé d’appliquer l’exception à un contrat de crédit-bail ( com. 29 mai 2001).
  • Une durée égale ou supérieure à un an
    • Dans l’hypothèse où la durée est prévue au contrat, l’application de l’exception ne soulèvera pas de difficultés
    • Quid lorsqu’aucune durée n’a été prévue par les parties ?
    • Dans un arrêt du 23 avril 2013, la Cour de cassation a estimé que lorsque « la convention de compte courant ne précise ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds est accordée, ni les modalités de son remboursement […] les modalités de remboursement accordées lors de la cession des titres ne conféraient pas au compte courant la qualité de prêt à plus d’un an» ( com. 23 avr. 20013)
    • Dans le silence du contrat, l’exception au principe d’arrêt du cours des intérêts ne peut donc pas être invoquée par le créancier.

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’arrêt des poursuites individuelles

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le principe d’arrêt des poursuites individuelles.

L’article L. 622-21 du Code de commerce prévoit que :

  • D’une part, il interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17
  • D’autre part, il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

Ainsi, le jugement d’ouverture a-t-il pour effet de suspendre les poursuites individuelles susceptibles d’être diligentées par les créanciers à l’encontre du débiteur.

L’instauration de cette règle procède du même du même objectif que celui poursuivi par le principe d’interdiction des paiements : assurer un savant équilibre entre la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et éviter que certains créanciers mettent en péril la poursuite de l’activité de l’entreprise au moyen d’action en justice.

I) Le domaine de la règle

Le domaine du principe d’arrêt des poursuites individuelles tient, d’une part aux personnes visées et, d’autre part, aux actions diligentées.

A) Les personnes visées

Deux catégories de personnes sont visées par le principe d’arrêt des poursuites :

  • Les créanciers
  • Les garants et coobligés
  1. Les créanciers

Si le principe d’arrêt des poursuites s’adresse en particulier aux créanciers, tous ne sont pas concernés par cette règle.

Il ressort, en effet, de l’article L. 622-21 que ne sont visés que « les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 ».

Trois catégories de créances sont ainsi exclues du champ d’application du principe d’arrêt des poursuites :

  • Les créanciers titulaires d’une créance antérieure
    • Il s’agit là de toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créanciers titulaires d’une créance non privilégiée
    • Il s’agit de toutes les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture mais n’étant, ni utile au déroulement de la procédure ni ne constituant la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur
  • Les créanciers titulaires d’une créance hors procédure
    • Il s’agit de toutes les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture mais qui ne répondent pas à l’exigence de régularité, soit qui sont nées en violation des règles de répartition des pouvoirs.

En dehors de ces trois catégories de créanciers, tous les autres créanciers du débiteur sont soumis au principe d’arrêt des poursuites individuelles.

2. Les garants et coobligés

==> Principe : les garants et coobligés personnes physiques

Il ressort de la lettre de l’article L. 622-21 du Code de commerce que le principe d’arrêt des poursuites ne s’imposerait qu’aux seuls créanciers du débiteur.

Est-ce à dire que cette règle ne bénéficierait pas aux garants ou aux coobligés de ce dernier ?

Par souci de cohérence et d’équité, le législateur a étendu le bénéfice du principe d’arrêt des poursuites à ces derniers par l’ordonnance du 18 décembre 2008.

L’article L. 622-28, al. 2 du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. »

Cette disposition ajoute que « le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. »

Ainsi, dans un plus grand nombre de cas, le dirigeant qui s’est porté garant du débiteur ou a obtenu une garantie de ses proches n’aura pas à craindre les répercussions de l’ouverture de la procédure sur sa situation personnelle.

L’article L. 622-28 précise en outre que « les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »

==> Exclusion : les garants et coobligées personnes morales

Il ressort de l’article L. 622-28 du Code de commerce que le principe d’arrêt des poursuites ne profite qu’aux seuls garants et coobligés personnes morales.

S’agissant des personnes morales, elles sont soumises au droit commun.

Il en résulte que les créanciers du débiteur sont parfaitement fondés à les actionner en paiement dès lors que la créance invoquée est exigible.

B) Les actions visées

  1. L’arrêt des actions en justice

Deux catégories d’action en justice sont visées par le principe d’arrêt des poursuites :

  • Les actions relatives à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent
    • Les actions admises par principe
      • Ne sont a priori visées ici que les actions qui visent à obtenir le paiement d’une somme d’argent.
      • Majoritairement, il s’agira de celles fondées sur un défaut de paiement du débiteur
        • Action en paiement d’un loyer
        • Action en paiement d’un prix de vente
        • Action en réparation d’un préjudice
        • Action en liquidation d’une astreinte
        • Action en recouvrement de l’impôt
        • Action en paiement d’un effet de commerce
      • Que l’action ait été engagée avant le jugement d’ouverture ou qu’elle soit diligentée après, elle est en toute hypothèse, soit suspendue, soit interrompue, soit interdite.
    • Les actions exclues
      • Les actions en exécution d’une obligation de faire
        • Rapidement, la question s’est posée de savoir si les actions exercées en exécution d’une obligation de faire, n’étaient pas visées par le principe d’arrêt des poursuites.
        • L’ancien article 1142 du Code civil prévoyait, en effet, que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts»
        • D’aucuns en ont déduit que, au fond, pareille action tendait à l’obtention d’une somme d’argent.
        • Qui plus est, dans un arrêt du 17 juin 1997, la Cour de cassation a considéré que le principe d’arrêt des poursuites serait opposable au créancier qui sollicitait l’édification d’un mur au motif que « sous couvert de condamnation de la société et de son liquidateur judiciaire à exécuter une obligation de faire, la demande de M. et Mme X… impliquait des paiements de sommes d’argent pour une cause antérieure au jugement d’ouverture» ( com. 17 juin 1997)
        • Cette solution a été confirmée par la jurisprudence postérieure (V. en ce sens com. 17 oct. 2000; Cass. com. 23 janv. 2001)
        • Toutefois, dans un arrêt du 29 avril 2002, la chambre commerciale a estimé que « la demande tendant à obtenir réparation du préjudice résultant de l’inexécution par le bailleur ou le liquidateur qui le représente de ses obligations issues d’un contrat en cours postérieurement au jugement d’ouverture est l’accessoire ou le complément de la demande principale tendant à l’exécution des travaux»
        • Elle en déduit que le principe d’arrêt des poursuites n’était pas applicable en l’espèce ( com. 29 avr. 2002).
        • Cet arrêt opère-t-il un revirement de jurisprudence ?
        • Aucune décision en sens inverse n’a été rendue depuis lors de sorte que l’on est légitimement en droit de répondre par l’affirmative.
      • L’action en nullité d’un contrat
      • L’action en dissolution d’une société
      • L’action tendant à dénoncer la fictivité d’une société
      • L’action tendant à la réalisation d’une expertise
  • Les actions relatives à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent
    • Les actions admises
      • Il s’agit de toutes les actions en résolution d’un contrat fondées sur un défaut de paiement du débiteur
      • Ce principe n’est autre que le corollaire du principe de continuation des contrats en cours
      • Pour mémoire, l’article L. 622-13, II du Code de commerce prévoit que « l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. »
      • Aussi, admettre que les créanciers puissent agir en résolution d’un contrat pour défaut de paiement reviendrait à vider de sa substance le pouvoir conféré à l’administrateur.
      • Ce pouvoir implique que l’administrateur puisse d’autorité, décider de la continuation d’un contrat d’un cours, alors même que le cocontractant souhaiterait mettre un terme à la relation contractuelle en raison d’un défaut de paiement du débiteur.
      • D’où l’application du principe d’arrêt des poursuites dans cette hypothèse.
      • Le sort du créancier en demande de résolution est donc suspendu à la décision de l’administrateur.
    • Les actions exclues
      • Les actions en constatation d’une résolution acquise avant le jugement d’ouverture
        • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « les dispositions de l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ne font pas obstacle à la constatation de la résolution d’un contrat de vente d’un fonds de commerce, par application d’une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant l’ouverture du jugement de redressement judiciaire» ( com. 25 nov. 1997).
      • Les actions en résolution d’un contrat fondées sur un autre motif que le défaut de paiement
        • Action en résolution pour un défaut d’obligation de faire
          • Obligation d’entretien
          • Obligation de remise d’un document
          • Obligation de créer des emplois
          • Obligation d’assurance
          • Obligation de délivrance conforme
        • Action en résolution pour accomplissement d’un acte illicite

2. L’arrêt des procédures d’exécution

L’article L. 622-21 du Code de commerce prévoit que le jugement d’ouverture « arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture. »

Deux sortes de procédures sont ici visées par cette disposition :

  • Les procédures de saisie
  • Les procédures de distribution

==> Les procédures de saisie

  • Les créanciers concernés
    • Sont concernés les mêmes créanciers que ceux visés par le principe d’arrêt des actions en justice, soit
      • Les créanciers titulaires d’une créance antérieure
      • Les créanciers titulaires d’une créance non privilégiée
      • Les créanciers titulaires d’une créance hors procédure
  • La nature de la saisie
    • Principe
      • Le principe énoncé à l’article L. 622-21 est applicable à toutes sortes de saisies
        • Les saisies-attribution
        • Les saisies conservatoires
        • Les saisies-ventes
        • Les saisies immobilières
        • Les saisies des rémunérations
      • Limites
        • Le principe d’arrêt des procédures de saisie a pour limite l’existence d’une situation acquise avant le jugement d’ouverture
        • Tel est en particulier le cas :
          • Lorsque le bien objet d’une saisie a été vendu ( com. 27 mars 2012)
          • Lorsque la saisie-attribution a été dénoncée dans les huit jours au débiteur avant le jugement d’ouverture ( com. 13 oct. 1998).
          • Lorsque l’avis à tiers détenteur a été notifié au débiteur avant le jugement d’ouverture ( com. 8 juill. 2003)
  • L’objet de la saisie
    • Il est indifférent que la saisie porte sur un meuble ou un immeuble
    • L’engagement d’une procédure est interdit ou, le cas échéant être suspendue si elle est en cours
  • Exclusion
    • Parce qu’elles ne portent ni sur des meubles, ni sur des immeubles, les mesures d’expulsion échappe au principe d’arrêt des procédures d’exécution (V. en ce sens 3e civ. 21 févr. 1990).

==> Les procédures de distribution

Le jugement d’ouverture n’a pas seulement pour effet d’arrêter les procédures de saisie, il fait également obstacle à la distribution du produit des saisies diligentées avant le jugement d’ouverture.

L’article R. 622-19 du Code de commerce précise que « conformément au II de l’article L. 622-21, les procédures de distribution du prix de vente d’un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d’un meuble ne faisant pas suite à une procédure d’exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques. »

En cas de caducité, les fonds sont alors remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui par cette remise est libéré à l’égard des parties.

Ainsi, les fonds qui allaient être distribués sont réintégrés dans le patrimoine du débiteur

Dans l’hypothèse où le Tribunal saisi arrêt un plan, le mandataire judiciaire remet ces fonds au commissaire à l’exécution du plan aux fins de répartition.

II) Le contenu de la règle

Il ressort de l’article L. 622-21 du Code de commerce que le jugement d’ouverture :

  • Soit interrompt la procédure
  • Soit interdit la procédure
  • Soit arrête la procédure

Le principe ainsi énoncé a donc vocation à s’appliquer aux différents stades de la procédure.

A) La procédure n’a pas été engagée

Dans cette hypothèse, le jugement d’ouverture interdit le déclenchement d’une procédure nouvelle.

Les créanciers auxquels cette règle est applicable ne pourront dès lors que déclarer leur créance auprès du mandataire désigné.

B) La procédure a déjà été engagée

Trois hypothèses doivent être envisagées :

==> La procédure engagée est une action en justice

  • L’interruption de l’instance
    • Le jugement d’ouverture a pour effet d’interrompre les instances en cours
    • L’article L. 622-22 du Code de commerce précise que l’instance est interrompue jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
    • Afin de permettre au créancier d’anticiper l’interruption de l’instance et de prendre ses dispositions l’alinéa 2 de l’article L. 622-22 précise que le débiteur, partie à l’instance, informe le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.
    • En cas de violation de cette obligation, l’article L. 653-6 du Code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant de la personne morale ou de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
  • La reprise de l’instance
    • Les conditions de la reprise
      • Conformément à l’article L. 622-22 du Code de commerce est subordonnée à la déclaration de créance du créancier poursuivant
      • Pour justifier de l’accomplissement de cette formalité, l’article R. 622-20 prévoit que le créancier doit produire à la juridiction saisie de l’instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance
  • Les effets de la reprise
    • Tout d’abord, lorsqu’il est procédé par le créancier poursuivant à la déclaration de créance les instances en cours sont reprises de plein droit et le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan sont dûment appelés
    • Ensuite, l’article L. 622-22 du Code de commerce prévoit que la reprise de l’instance ne peut avoir pour objet que la constatation des créances et la fixation de leur montant.
    • La juridiction saisie ne pourra en conséquence, ni se prononcer sur la condamnation à une somme d’argent, ni statuer sur la résolution d’un contrat.
    • Enfin, en cas de succès de l’action du créancier poursuivant, la reprise de l’instance aura pour effet de porter le montant de la constatation à l’état des créances.
    • Le créancier sera alors payé selon les règles de répartition de l’actif du débiteur

==> La procédure engagée est une mesure d’exécution

Dans cette hypothèse, la mesure est définitivement arrêtée.

Autrement dit, la procédure d’exécution engagée devient caduque.

==> La procédure engagée est une distribution du prix de saisie

Le jugement d’ouverture a également pour effet d’anéantir la procédure de distribution.

Le prix de la saisie est donc réintégré dans le patrimoine du débiteur.

B) La procédure engagée n’est pas visée par le principe d’arrêt des poursuites

L’article L. 622-23 du Code de commerce prévoit que « les actions en justice et les procédures d’exécution autres que celles visées à l’article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d’observation à l’encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l’administrateur lorsqu’il a une mission d’assistance ou après une reprise d’instance à leur initiative. »

Si donc les procédures qui ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article L. 622-21 du Code de commerce peuvent prospérer, elles n’en sont pas moins subordonnées à la mise en cause du mandataire judiciaire et l’administrateur.

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’interdiction des paiements

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le premier d’entre eux: le principe d’interdiction des paiements.

Aux termes de l’article L. 622-7, I du Code de commerce « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. »

Ainsi, cette disposition érige-t-elle en principe l’interdiction pour le débiteur de payer ses créanciers, en particulier ceux dont la créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

Pour rappel, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ». Il a pour effet de libérer le débiteur à l’égard du créancier et d’éteindre la dette.

Le paiement constitue le principal mode d’extinction des obligations.

Parmi les autres causes de satisfaction du créancier on compte également la compensation dont on s’est longtemps demandé si elle devait être envisagée de la même manière que le paiement s’agissant des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture.

Le législateur a clos le débat lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005. Le mécanisme de la compensation a été rangé dans la catégorie des exceptions dont est assorti le principe d’interdiction des paiements.

I) Le domaine du principe d’interdiction des paiements

Il ressort de l’article L. 622-7 du Code de commerce que le champ d’application du principe d’interdiction des paiements est relativement étendu.

L’application de ce principe est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives qui tiennent :

  • D’une part, à la date de naissance de la créance
  • D’autre part, à l’auteur du paiement

A) La condition tenant à la date de naissance de la créance

Deux catégories de créances doivent être distinguées

  • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture
  1. Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture

Toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture tombent, par principe, sous le coup de l’interdiction des paiements.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présente un intérêt essentiel.

Dès lors que la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture, elle échappe au principe d’interdiction des paiements.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par créance antérieure ?

Si l’on est légitimement en droit de penser qu’une créance peut être qualifiée d’antérieure dès lors que son fait générateur se produit avant le prononcé du jugement d’ouverture, plusieurs difficultés sont nées :

  • tantôt quant à l’opportunité de retenir comme critère de la créance antérieure son fait générateur
  • tantôt quant à la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

a) Sur l’opportunité de retenir le fait générateur comme critère de la créance antérieure

Si, en première intention, l’on voit mal pourquoi le fait générateur d’une créance ne pourrait-il pas être retenu pour déterminer si elle est ou non antérieure au jugement d’ouverture, une difficulté est née de l’interprétation de l’ancien article L. 621-43 du Code de commerce.

Cette disposition prévoyait, en effet, que « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. »

Seules les créances « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » étaient donc soumises au régime de la déclaration.

La formule choisie par le législateur n’était pas dénuée d’ambiguïté : fallait-il prendre pour date de référence, afin de déterminer l’antériorité d’une créance, sa date de naissance ou sa date d’exigibilité ?

Cette question s’est en particulier posée pour les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture mais dont l’exigibilité intervenait postérieurement.

Le contentieux relatif aux créances à déclarer selon leur date de naissance a été très important.

L’enjeu était, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde du 27 juillet 2005, de savoir si le créancier pouvait ou non se faire payer à échéance.

L’arrêt rendu en date du 20 février 1990 par la Cour de cassation est une illustration topique de cette problématique.

Cass. com. 20 févr. 1990
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Service agricole industriel du Clairacais (la société) a été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 15 juillet 1986 et que le personnel a été licencié le 8 août 1986, avec dispense d'accomplir le préavis légal ; que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Lot-et-Garonne (l'URSSAF) n'a été inscrite sur la liste des créances bénéficiant des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 que pour les cotisations afférentes aux salaires de la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; que la contestation par elle formée en vue d'obtenir son admission sur la liste précitée pour les cotisations relatives aux salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, ainsi qu'aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements, a été rejetée par le tribunal, dont la cour d'appel a infirmé la décision ;.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'URSSAF en ce qui concerne les cotisations sur les indemnités de congés payés et de préavis, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement prioritaire des créances nées après le jugement d'ouverture ne peut être obtenu pour des créances nées après le jugement de liquidation ; qu'en déclarant prioritaires des créances sociales afférentes aux indemnités de rupture, la cour d'appel, qui a relevé que les licenciements, fait générateur de la créance, étaient postérieurs au jugement d'ouverture, mais n'a pas constaté qu'ils étaient antérieurs au jugement de liquidation, a violé par fausse application la disposition susvisée ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l'ouverture du redressement judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l'URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire ; que le moyen est donc sans fondement ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu les articles 40 et 47, premier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour accueillir la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt retient que ces salaires ont été versés après l'ouverture du redressement judiciaire, en sorte que la créance de l'URSSAF, qui n'a pris naissance que lors du versement ainsi effectué, bénéficie de la priorité de paiement prévue à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l'URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accueilli la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt rendu le 16 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • son personnel est licencié
    • L’URASSAF est éligible au rang de créancier privilégié seulement pour les créances postérieures au jugement d’ouverture
  • Demande
    • L’URSAFF demande à ce que l’ensemble de ces créances soient admises au rang de créances privilégiées
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 juin 1988, la Cour d’appel d’Agen fait droit à la demande de l’URSAFF
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où les salaires sur lesquels portent les cotisations impayées ont été versés postérieurement à l’ouverture de la procédure, ils n’endossent pas la qualification de créance antérieure.
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 février 1990, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir accédé à la demande de l’URSAFF en qualifiant la créance invoquée de postérieure « alors qu’elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l’URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement»
    • Les créances dont se prévalait l’URSAFF devaient donc être soumises au régime juridique, non pas des créances postérieures, mais à celui des créances antérieures.
    • S’agissant des autres créances invoquées par l’organisme social, lesquels portaient sur des salaires perçus postérieurement au jugement d’ouverture, la chambre commerciale estime à l’inverse que « l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l’ouverture du redressement judiciaire, c’est à bon droit que la cour d’appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l’URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire»
  • Analyse
    • Cette solution adoptée par la Cour de cassation intervient à la suite d’un long débat portant sur le régime juridique des créances de sécurité sociale
    • Très tôt s’est posée la question de la qualification des cotisations sociales qui se rattachaient à des salaires payés après le jugement d’ouverture mais se rapportant à une période de travail antérieure à ce jugement.
    • Deux conceptions s’opposaient sur cette question
      • Première conception
        • On considère que le régime juridique des créances de sécurité sociale est autonome et ne doit pas être influencé par les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises
        • Selon cette conception, les créances doivent donc être réglées à la date normale d’exigibilité dès lors qu’elles sont postérieures au jugement d’ouverture quand bien même les cotisations seraient calculées sur un salaire rémunérant une période d’emploi antérieure au jugement.
      • Seconde conception
        • On peut estimer, à l’inverse, que le fait générateur des cotisations sociales réside dans le travail fourni par le salarié et non le paiement des salaires, quand bien même leur versement constitue une condition de leur exigibilité.
        • Selon cette conception, les cotisations sociales doivent donc être regardées comme des créances antérieures.
    • De toute évidence, la Cour de cassation a opté dans l’arrêt en l’espèce pour la seconde conception.
    • Pour la chambre commerciale, le fait générateur du salaire c’est le travail effectué.
    • Or les cotisations sociales sont afférentes au salaire dû au salarié
    • Par conséquent, leur fait générateur c’est bien le travail du salarié et non la date d’exigibilité du salaire.
    • La Cour de cassation reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir confondu la naissance de la créance et son exigibilité.
    • C’est donc au jour du travail effectué qu’il faut remonter pour déterminer si l’on est en présence d’une créance antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture.

Le critère de rattachement d’une créance à la catégorie des créances antérieure est donc celui de la date de sa naissance.

L’adoption de la date de naissance de la créance comme critère de rattachement à la catégorie des créances antérieure exclut dès lors tout rôle que pourrait jouer la date d’exigibilité de la créance dans ce rattachement.

La date d’exigibilité n’est que celle à laquelle le créancier peut prétendre au paiement.

Elle est, par conséquent, naturellement distincte de la date de naissance qui, en principe, interviendra antérieurement.

Tandis que la date de naissance de la créance se rapporte à sa création, sa date d’exigibilité se rapporte quant à elle à son exécution.

Le débat est définitivement clos depuis l’adoption de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 qui a remplacé la formule « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » par l’expression « est née » qui apparaît plus précise.

C’est donc le fait générateur de la créance dont il doit être tenu compte et non la date d’exigibilité afin de savoir si une créance est soumise au régime de la déclaration ou si, au contraire, elle peut faire l’objet d’un paiement à l’échéance.

b) Sur la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

La détermination du fait générateur d’une créance n’est pas toujours simple.

Pour ce faire, il convient de distinguer les créances contractuelles des créances extracontractuelles.

?) Les créances extracontractuelles

L’antériorité d’une créance extracontractuelle au jugement d’ouverture n’est pas toujours aisée à déterminer.

La détermination de la date de naissance de cette catégorie de créances soulève parfois, en effet, des difficultés.

Bien que la jurisprudence soit guidée, le plus souvent, par une même logique, on ne saurait se livrer à une systématisation des critères adoptés.

Aussi, est-ce au cas par cas qu’il convient de raisonner en ce domaine, étant précisé que les principales difficultés se sont concentrées sur certaines créances en particulier :

==> Les créances de condamnation

Deux sortes de créances doivent être ici distinguées : la créance principale de condamnation et les créances accessoires à la condamnation

  • La créance principale de condamnation
    • Il s’agit de la créance qui a pour effet générateur l’événement à l’origine du litige.
    • La créance de réparation naît, par exemple, au jour de la survenance du dommage.
    • Si donc le dommage survient antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, quand bien même la décision de condamnation serait rendue postérieurement, la créance de réparation endossera la qualification de créance antérieure (V. en ce sens com., 9 mai 1995; Cass. com., 4 oct. 2005, n° 03-19.367)
  • Les créances accessoires à la condamnation
    • Son notamment ici visées les créances de dépens et d’article 700
    • La particularité de ces créances est qu’elles sont attachées, moins au fait générateur du litige, qu’à la décision de condamnation
    • Aussi, toute la difficulté est de déterminer la date de naissance de cette catégorie singulière de créances
    • La jurisprudence a connu une évolution sur ce point :
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que, en raison du caractère accessoire des créances de dépens ou d’article 700, leur qualification dépendait de la date de naissance de la créance principale de condamnation.
      • Telle a été la solution retenue par la chambre commerciale dans un arrêt du 24 novembre 1998
      • Faits
        • Un groupement agricole a subi un préjudice suite à la pollution d’une rivière par une société qui, par suite, fera l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
        • Cette société est déclarée responsable du préjudice causé au groupement agricole
        • Elle est notamment condamnée aux dépens et à l’article 700 (frais irrépétibles)
      • Demande
        • Le groupement agricole demande à l’administrateur que les dépens de première instance et d’appel ainsi que la somme due au titre de l’article 700 soient admis au rang des créances postérieures
      • Procédure
        • Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour d’appel de Rennes déboute l’administrateur de sa demande
        • Pour les juges du fond, il n’y a pas lieu de distinguer selon que les dépens et l’article 700 ont été octroyés avant ou après l’ouverture de la procédure, dans la mesure où leur fait générateur se situe antérieurement au jugement d’ouverture, soit au moment où l’action a été introduite par le groupement
      • Moyens
        • L’auteur du pourvoi soutient que la créance de dépens et d’article 700 est née postérieurement à l’ouverture de la procédure soit au moment du prononcé du jugement dans lequel ils sont octroyés au groupement agricole.
        • Or le jugement a bien été prononcé postérieurement à l’ouverture de la procédure
      • Solution
        • Par un arrêt du 24 novembre 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le créancier
        • Elle estime que « la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d’ouverture dès lors qu’elles sont nées de l’action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d’en fixer le montant»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale, la qualification de la créance de dépens et d’article 700 est adossée à celle de la créance principale.
        • Si cette dernière naît avant le jugement d’ouverture, les créances de dépens et de frais irrépétibles sont soumises au régime des créances antérieures.
        • Dans le cas contraire, elles endossent la qualification de créances postérieures.

Cass. Com. 24 nov. 1998
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 22 juin 1994) et les productions, que le groupement agricole d'exploitation en commun de la Morinais (le GAEC), qui a subi des dommages à la suite de la pollution d'une rivière, a engagé diverses procédures en vue de rechercher la responsabilité de la société Entreprise redonnaise de réparations électriques (société ERRE) et d'obtenir réparation de son préjudice ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ERRE devenue la Société européenne de transformateurs (la SET), le Tribunal, qui a constaté l'intervention volontaire de l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et du représentant de ses créanciers, a déclaré cette société et son dirigeant, M. X..., pris à titre personnel, responsables du préjudice subi par le GAEC, a fixé la créance de ce dernier à l'égard de la SET, a fixé à 10 000 francs la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a dit que les dépens seront supportés in solidum par la SET et M. X... ; que la cour d'appel, statuant sur le recours formé contre ce jugement, l'a confirmé en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a dit que les dépens d'appel seront supportés in solidum par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et M. X... ; que le GAEC a demandé que les dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile lui soient payés par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que le GAEC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les créances de dépens et celles résultant de la mise en oeuvre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient du régime instauré par ledit article, spécialement lorsque le ou les instances en cause ont été reprises par l'administrateur de la procédure collective ; que tel était le cas en l'espèce, ainsi que le GAEC, appelant, le faisait valoir dans ses écritures circonstanciées ; qu'en refusant de dire et juger que les frais de dépens litigieux bénéficieraient du privilège de l'article 40 précité, au motif qu'il n'y a pas lieu de distinguer les frais engagés postérieurement au jugement d'ouverture pouvant bénéficier du rang des dettes de l'article 40 et des autres, en sorte que l'ensemble des frais engagés pour parvenir à rendre la décision définitive est à inclure dans la déclaration de créance à inscrire au passif, excepté les frais engagés par les mandataires judiciaires depuis leur nomination, la cour d'appel a statué sur le fondement de motifs erronés et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel devait, à tout le moins, faire le départ entre les frais et dépens visés antérieurement et ceux visés postérieurement au jugement déclaratif, les organes de la procédure collective ayant repris à leur compte la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel, pour se prononcer pertinemment sur ceux susceptibles de bénéficier du régime de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en refusant de procéder de la sorte, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article précité ;

Mais attendu que la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d'ouverture dès lors qu'elles sont nées de l'action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d'en fixer le montant ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a exactement énoncé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que les frais avaient été engagés avant ou après le jugement d'ouverture, n'a pas violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, inapplicable en la cause ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

    • Seconde étape
      • Dans un arrêt remarqué du 12 juin 2002, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « la créance des dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l’article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective»
      • Ainsi, pour la chambre commerciale, la qualification des créances de dépens et d’article 700 ne doit plus être déterminée en considération de la date de naissance de la créance de condamnation principale
      • Les créances accessoires à la condamnation doivent, en toute hypothèse, échapper à la qualification de créances antérieures, dès lors que la décision de condamnation est rendue postérieurement au jugement d’ouverture.
      • Dans un arrêt du 7 octobre 2009, la Cour de cassation a confirmé cette solution en précisant que « la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622 17 du code de commerce (ancien article L. 621 32), lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective» ( com. 7 oct. 2009)

Cass. com. 12 juin 2002
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 14 décembre 1999), que la société Schwind (la société) ayant été mise en redressement judiciaire le 4 juin 1996, l'URSSAF du Bas-Rhin a déclaré une créance qui a été contestée ;

Et sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que la société reproche à l'arrêt, qui l'a condamnée à payer à l'URSAFF une somme de 3 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, d'avoir dit que cette indemnité et les dépens de l'URSSAF seraient employés en frais privilégiés de procédure collective, alors, selon le moyen, que les créances de dépens obtenues à l'issue d'une action tendant à faire admettre une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, sont des créances antérieures car elles se rattachent à la créance contestée par l'action, de sorte qu'elles peuvent seulement être admises au passif du débiteur et à la condition qu'elles aient fait l'objet d'une déclaration régulière ; qu'en condamnant la procédure collective à payer les dépens, la cour d'appel a violé les articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la créance des dépens et des frais résultant de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l'article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

==> Les créances sociales

La qualification des créances sociales a fait l’objet d’un abondant contentieux, notamment en ce qui concerne la détermination du fait générateur de l’indemnité de licenciement.

Dans un arrêt du 16 juin 2010, la chambre sociale a considéré que le fait générateur de l’indemnité de licenciement résidait, non pas dans la conclusion du contrat de travail, mais dans la décision de licenciement.

Cass. soc. 16 juin 2010
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2008), que M. X..., employé par la société Cider santé (la société) a été licencié le 14 mai 2007 pour motif économique par le liquidateur, la société ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde puis de liquidation judiciaire par jugements successifs du tribunal de commerce des 17 janvier et 2 mai 2007 ; que les sommes représentant les droits du salarié au jour de la rupture de son contrat de travail n'ayant été garanties par l'assurance générale des salaires qu'en partie, le salarié a saisi le juge de l'exécution, qui a autorisé par ordonnances du 16 juillet 2007 deux saisies conservatoires entre les mains des sociétés Repsco promotion et Codepharma ; que Mme Y..., liquidateur de la société, a assigné le 12 septembre 2007 M. X..., la société Repsco promotion et la société Codepharma, devant le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la rétractation de ces deux ordonnances ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt confirmatif de rejeter sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par M. X... entre les mains des sociétés Codepharma et Repso promotion alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 641-13-I du code de commerce ne vise ni les créances nées pour les besoins de la procédure, ni les créances nées pour les besoins de la liquidation judiciaire parmi les créances assorties d'un privilège de procédure ; qu'en qualifiant l'indemnité due au salarié licencié postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de son employeur de «créance née régulièrement pour les besoins de la procédure» pour affirmer que cette créance devait bénéficier d'un traitement préférentiel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que seules les créances nées pendant la poursuite provisoire de l'activité en liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période bénéficient d'un privilège de procédure ; que tel n'est pas le cas de l'indemnité due au salarié, licencié pour motif économique en raison du prononcé, sans poursuite d'activité, de la liquidation judiciaire de son employé ; qu'en élisant néanmoins une telle créance à un rang privilégié aux motifs erronés qu' «il n'y avait pas lieu de distinguer entre créance indemnitaire liée à la rupture du contrat de travail et créance de salaire lorsque ces créances sont nées après l'ouverture de la procédure collective», la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 641-13-I du code de commerce ;

Mais attendu que relèvent notamment du privilège institué par l'article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le licenciement de M. X... avait été prononcé par le liquidateur conformément à ses obligations dans le cadre de la procédure collective en cours, en a exactement déduit que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu'en conséquence, elles relevaient de l'article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l'activité ait cessé immédiatement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Faits
    • Un salarié est licencié pour motif économique par le liquidateur de la société qui l’employait.
    • Cette société faisait l’objet, au moment du licenciement, d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Afin d’obtenir le paiement de ses indemnités, non garanties par l’AGS, le salarié demande au JEX l’autorisation de pratiquer deux saisies conservatoires sur les comptes de son ex-employeur
  • Demande
    • Le liquidateur de la société demande la rétractation des deux ordonnances autorisant la réalisation des saisies demandées par le salarié
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 juin 2008, la Cour d’appel de Versailles déboute le liquidateur de sa demande
    • Pour les juges du fond, dans la mesure où le licenciement a été prononcé dans le cadre de la procédure collective, soit postérieurement au jugement d’ouverture, la créance d’indemnité de licenciement pouvait être admise au rang des créances privilégiées.
  • Solution
    • Par un arrêt du 16 juin 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur
    • La chambre sociale considère que « relèvent notamment du privilège institué par l’article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure»
    • Or elle constate que le licenciement du salarié a été prononcé dans le cadre de la procédure collective en cours.
    • Il en résulte pour elle que « les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu’en conséquence, elles relevaient de l’article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l’activité ait cessé immédiatement ».
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, elles échappaient à la qualification de créance antérieure, à la faveur du régime des créances privilégiées.

==> Les créances fiscales

Le fait générateur d’une créance fiscale est différent selon le type d’impôt auquel est assujetti le débiteur.

En toute hypothèse, la date qui est le plus souvent retenue pour déterminer si une créance fiscale endosse ou non la qualification de créance antérieure est le jour de son exigibilité.

  • S’agissant de l’impôt sur le revenu
    • La Cour de cassation a estimé que la date qui doit être prise en compte, ce n’est pas le jour de perception du revenu, mais l’expiration de l’année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus.

Cass. com. 14 janv. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2001), que par jugement du 21 juillet 1994, M. X... a été mis en liquidation judiciaire ; que le trésorier principal de Bagneux a décerné le 15 février 1996 à l'employeur de Mme X... un avis à tiers détenteur relatif à l'impôt sur les revenus de l'année 1994 des époux X..., dont ceux-ci ont demandé la mainlevée au juge de l'exécution ;

Et sur le moyen unique du pourvoi formé par Mme X..., pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation et de mainlevée de l'avis à tiers détenteur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en estimant que la créance du trésorier principal de Bagneux au titre de l'impôt sur le revenu dû par les époux X... pour l'année 1994 était postérieure à l'ouverture de la procédure collective ouverte le 21 juin 1994 à l'encontre de M. X..., dès lors que les impositions n'avaient été mises en recouvrement que le 31 juillet 1995, sans rechercher si le Trésor public n'était pas tenu de déclarer à titre provisionnel sa créance au passif de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code du commerce ;

2 / que dans leurs conclusions signifiées le 2 février 2000, M. et Mme X... faisaient valoir que le dessaisissement de M. X... consécutif à la liquidation judiciaire de ses biens interdisait toute poursuite exercée sur les biens communs des époux, soit en l'occurrence sur les gains et salaires de Mme X... ; qu'en estimant que la procédure collective ouverte à l'égard de M. X... laissait subsister l'obligation distincte pesant sur son épouse, codébitrice solidaire de l'impôt sur le revenu, sans répondre aux conclusions des époux X... faisant valoir que les biens communs des époux ne pouvaient en toute hypothèse faire l'objet de poursuite, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le fait générateur de l'impôt sur les revenus résultant de l'expiration de l'année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus, l'arrêt, répondant aux conclusions prétendument délaissées, retient exactement que la créance du Trésor public au titre de l'impôt sur les revenus perçus par les époux X... au cours de l'année 1994 était postérieure à l'ouverture, le 21 juin 1994, de la procédure collective de M. X... et que le comptable du Trésor chargé du recouvrement pouvait poursuivre individuellement le débiteur sur ses biens ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche inopérante visée à la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE irrecevable le pourvoi formé par M. X... ;

REJETTE le pourvoi formé par Mme X... ;

  • S’agissant de l’impôt sur les sociétés
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens, en considérant que « le fait générateur de l’impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l’exercice comptable et non pas de la perception des impôts »

Cass. com., 16 déc. 2008
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2007), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.708 ) que la société à responsabilité limitée Network music group (la société) a fait l'objet, le 20 août 1997, d'un jugement de redressement judiciaire, puis, le 5 mai 1998, d'un plan de continuation ; qu'à la suite de la mise en recouvrement, les 31 août et 30 novembre 1998, de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1997 et de la contribution de 10 % y afférente, le trésorier principal de Boulogne-Billancourt (le trésorier) a, en application des dispositions de l'article L. 621-32 du code de commerce, demandé à l'administrateur le règlement de cette créance fiscale due par la société ; que contestant le caractère privilégié de la créance du Trésor, la société a assigné le trésorier et le commissaire à l'exécution du plan ès qualités devant le tribunal de commerce, pour en obtenir le remboursement, motif pris de ce qu'elle était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remboursement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % y afférente, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application des articles 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code, dans leur rédaction alors en vigueur, l'impôt sur les sociétés et la contribution supplémentaire y afférente, dus au titre d'un exercice donné, lequel correspond à une période de 12 mois mais ne coïncide pas nécessairement avec l'année civile, sont réglés spontanément par le contribuable sous forme d'acomptes trimestriels et sans émission d'un avis d'imposition, au plus tard le 20 février, le 20 mai, le 20 août et le 20 novembre de cet exercice et ce, à compter de la date de clôture de l'exercice précédent; que le solde de cet impôt et de son complément doit lui-même être acquitté spontanément par le redevable en même temps qu'il souscrit sa déclaration de résultats de l'exercice considéré c'est-à-dire, dans les trois mois de la clôture de l'exercice ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, avant le 1er avril de l'année suivante ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés résulte de l'expiration de l'année au cours de laquelle les bénéfices sont perçus, bien qu'il soit exigible trimestriellement dans les conditions susvisées et que la date de son fait générateur ne puisse être postérieure à sa date d'exigibilité, les juges d'appel ont purement et simplement violé les textes susvisés ;

2°/ que l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu ne sont pas dus et versés dans des conditions identiques ; que l'impôt sur les sociétés est payé spontanément, par voie d'acomptes, tandis que le paiement de l'impôt sur le revenu est précédé de l'émission d'un avis d'imposition ; que la circonstance que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés soient déterminés dans les mêmes conditions que les bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 209 du code général des impôts est sans incidence sur le fait générateur et les conditions d'exigibilité de l'impôt sur les sociétés qui demeurent différents de ceux de l'impôt sur le revenu ; qu'en assimilant les conditions dans lesquelles l'impôt sur les sociétés est dû avec celles de l'impôt sur le revenu sous prétexte que les modalités de calcul des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés et des bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu étaient identiques, les juges d'appel ont encore violé les dispositions des articles 12, 209, 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

3°/ que les acomptes d'impôt sur les sociétés dus au Trésor public antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et non acquittés, constituent des créances nées antérieurement à cette décision, qui ne peuvent donc être réglées postérieurement et doivent donner lieu à une déclaration du Trésor public en application de l'article L. 621-43 du code de commerce ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés est l'expiration de l'année et non la perception des bénéfices et qu'il n'y avait pas lieu de mettre à part les sommes nées de l'activité de la société antérieure à l'ouverture de la procédure collective, bien que l'impôt sur les sociétés soit exigible au cours de l'exercice de réalisation des bénéfices et doive être réglé spontanément par voie d'acomptes, les juges d'appel ont violé les articles L. 621-24, L. 621-32 et L. 621-43 du code de commerce alors en vigueur ainsi que les articles 1668, 1668 B du code général des impôts et 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

Mais attendu qu'en matière de procédure collective, la date du fait générateur de l'impôt permet de déterminer si la créance doit être déclarée au titre de l'article L. 621-43 du code de commerce ou si son recouvrement peut être poursuivi au titre de l'article L. 621-32 du même code ; que, c'est à bon droit, que la cour d'appel a retenu que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l'exercice comptable et non pas de la perception des impôts, et, après avoir constaté que le principe de la créance des impôts en cause était né au 31 décembre 1997, soit après l'ouverture de la procédure collective, en a déduit que celle-ci relevait de l'article L. 621-32 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • S’agissant de la TVA
    • L’article 269, 1, a) du Code général des impôts prévoit que le fait générateur de la TVA assise sur des prestations de service est, sauf cas particuliers, l’exécution de la prestation en cause et celui de la TVA assise sur une vente est, toujours sous réserve de situations spécifiques, la date de livraison.

==> Créance de dépollution

Dans un arrêt du 17 septembre 2002, la Cour de cassation a estimé que la créance de dépollution naît « de l’arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d’ouverture »

Autrement dit, cette créance dont est titulaire le Trésor a pour fait générateur la décision du préfet ordonnant qu’une somme d’argent soit consignée en vue du financement de la remise en état du site pollué.

Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la Cour de cassation a semblé revenir sur sa décision en retenant comme fait générateur de la créance la date de fermeture du site (Cass. com. 19 nov. 2003).

La portée de cette jurisprudence est toutefois incertaine pour les auteurs.

Cass. com. 17 sept. 2002
Sur le premier moyen :

Vu les articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société d'utilisation du phénol (la société SUP), exploitante d'une installation classée, a été mise en redressement judiciaire le 6 janvier 1994, puis en liquidation judiciaire ;

que le liquidateur, M. X..., n'ayant pas déféré à une mise en demeure de remettre le site en l'état, le préfet lui a ordonné le 8 septembre 1995, par application du troisième texte susvisé, de consigner une somme répondant des travaux à réaliser ; que le liquidateur a soutenu que, n'ayant pas été déclarée à la procédure collective, cette créance du Trésor était éteinte ;

Attendu que pour déclarer éteinte la créance du Trésor et accueillir la demande de restitution de la somme consignée présentée par le liquidateur de la société SUP, la cour d'appel a retenu que l'activité de celle-ci était nécessairement arrêtée le jour de la liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance du Trésor était née de l'arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

?) Les créances contractuelles

La question de la date de naissance des créances contractuelles n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés en matière de procédures collectives.

En principe, les créances contractuelles ont pour fait générateur la date de conclusion du contrat, soit, selon le principe du consensualisme, au jour de la rencontre des volontés.

Cette conception volontariste du contrat devrait, en toute logique, conduire à ne qualifier de créances antérieures que les obligations résultant d’un contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture.

En raison néanmoins du caractère dérogatoire du droit des entreprises en difficulté et des objectifs spécifiques qu’il poursuit, il est des cas où cette conception du fait générateur de la créance contractuelle est remise en cause, à tout le moins est envisagée sous un autre angle.

Au fond, comme le soulignent certains auteurs, tant l’article L. 622-17, qui régit les créances antérieures, que l’article L. 622-13 relatif aux créances postérieures, se prononcent moins sur le fait générateur, que sur le régime qui leur est applicable.

Aussi, le droit des entreprises en difficulté ne remettrait nullement en cause l’approche civiliste du fait générateur des créances contractuelles.

La date du contrat permettrait donc toujours de déterminer le caractère antérieur ou postérieur de la créance et, ce faisant, le régime normalement applicable à la créance à condition toutefois, et là résiderait la particularité du droit des entreprises en difficulté, qu’aucune disposition spécifique ne vienne soumettre cette créance à un régime distinct de celui qui devrait lui être naturellement applicable.

Comme en matière de créance extracontractuelle, c’est également au cas par cas qu’il convient ici de raisonner.

==> Créance résultant d’un contrat de vente

  • Principe
    • Dans un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation a estimé que la créance résultant d’un contrat de vente avait pour fait générateur, non pas la date de conclusion du contrat, mais le jour de son exécution.

Cass. com. 15 févr. 2000
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par ordonnance du 6 septembre 1994, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société SIAQ a admis la créance de la société Etudes et réalisations graphiques (société ERG), à titre chirographaire, pour une certaine somme, tandis que la société ERG soutenait que sa créance était née de la poursuite de l'activité et relevait de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour dire que la créance de la société ERG, correspondant à une commande passée avant le redressement judiciaire de la société SIAQ et livrée à celle-ci postérieurement au jugement d'ouverture, ne relevait pas de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt énonce que " le fait que cette prestation ait profité à la société SIAQ après l'ouverture de la procédure importe peu, dès lors que l'accord des parties sur la réalisation de la commande, qui fige les obligations respectives des parties et fait naître l'obligation au paiement, est intervenu avant la procédure collective " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

  • Faits
    • Contrat de vente conclu entre deux sociétés
    • Entre la conclusion du contrat et la livraison de la marchandise, la société acheteuse est placée en redressement judiciaire
    • La société vendeuse n’est donc pas payée
    • Tandis que le juge-commissaire considère qu’il s’agit là d’une créance antérieure, le vendeur estime que sa créance est née de la poursuite de l’activité
  • Demande
    • Le vendeur se prévaut du bénéfice de l’article 40 de la loi du 25 janvier 85, soit du régime des créanciers privilégiés
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 mai 1996, la Cour d’appel d’Agen déboute le vendeur de sa demande
    • Les juges du fond estiment que le contrat de vente a été conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure, de sorte que la créance revendiquée ne saurait être admise au rang des créances privilégiées
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que le fait générateur de l’obligation de paiement ce n’est pas la conclusion du contrat de vente, mais la délivrance de la chose achetée
    • Or en l’espèce, la délivrance a eu lieu postérieurement au jugement d’ouverture.
    • La créance du vendeur, peut donc bien être admise au rang des créances privilégiées
  • Analyse
    • De toute évidence, la solution retenue ici par la Cour de cassation est totalement dérogatoire au droit commun
    • Techniquement la créance nait bien, comme l’avait affirmé la Cour d’appel, au jour de la conclusion du contrat !
    • C’est la rencontre des volontés qui est créatrice d’obligations et non la délivrance de la chose
    • Tel n’est pas ce qui est pourtant décidé par la Cour de cassation
    • Pour la chambre commerciale c’est l’exécution de la prestation qui fait naître la créance
    • Le droit de revendication du vendeur de meuble dessaisi est manifestement sacrifié sur l’autel du droit des procédures collectives.
    • Cette solution est appliquée de manière générale à tous les contrats à exécution successive
  • Exceptions
    • Contrat de vente immobilière
      • Dans cette hypothèse, la qualification de la créance dépend, non pas de la remise des clés de l’immeuble, mais de son transfert de propriété.
      • Dans un arrêt du 1er février 2000, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le contrat de vente de l’immeuble dont l’une des clauses subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix est un contrat de vente à terme n’incluant pas un prêt et que ce contrat était en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix restant à payer» ( com. 1er févr. 2000).
    • Garantie des vices cachés
      • Dans l’hypothèse où le débiteur endosse la qualité, non plus de vendeur, mais d’acheteur, la créance de garantie des vices cachés a pour fait générateur la date de conclusion du contrat.
      • Cette solution a été consacrée dans un arrêt du 18 janvier 2005.
      • La Cour de cassation a considéré dans cette décision que « la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice» ( com. 18 janv. 2005)

==> Créance résultant d’un contrat à exécution successive

En matière de contrat à exécution successive, la Cour de cassation considère que le fait générateur de la créance réside, non pas dans la date de conclusion du contrat, mais au jour de la fourniture de la prestation caractéristique.

  • Pour le contrat de travail
    • Le fait générateur de la créance de salaire réside dans l’exécution de la prestation de travail.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1988 la Cour de cassation considère, par exemple, que « après avoir retenu exactement que les dispositions relatives à l’exigibilité des cotisations ne pouvaient prévaloir sur celles de la loi du 25 janvier 1985 qui interdisent de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le jugement constate que les cotisations réclamées se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure à l’ouverture de la procédure collective ; qu’en l’état de ces énonciations, c’est à bon droit que le tribunal a décidé qu’une telle créance était née antérieurement au jugement d’ouverture et que, par suite, peu important l’époque à laquelle les salaires correspondants avaient été payés, l’acte tendant à obtenir paiement de cette créance devait être annulé» ( com. 8 nov. 1988).
  • Pour le contrat de bail
    • Le fait générateur de la créance de loyer réside quant à elle dans la jouissance de la chose
    • Dans un arrêt du 28 mai 2002, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la redevance prévue par un contrat à exécution successive poursuivi par l’administrateur est une créance de la procédure pour la prestation afférente à la période postérieure au jugement d’ouverture et constitue une créance née antérieurement au jugement d’ouverture pour la prestation afférente à la période antérieure à ce jugement et soumise à déclaration au passif» ( com. 28 mai 2002)

==> Créance résultant d’un contrat de prêt

Bien que la jurisprudence tende désormais à considérer que le contrat de prêt constitue, non plus un contrat réel, mais un contrat consensuel, en matière de procédure collective, la cour de cassation estime toujours que la qualification endossée par la créance de remboursement est déterminée par la date de déblocage des fonds.

En matière d’ouverture de crédit, la chambre commerciale a estimé que, en ce qu’elle constitue une promesse de prêt, elle « donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client » (Cass. com. 21 janv. 2004).

==> Créance résultant d’un contrat de cautionnement

L’hypothèse visée ici est la situation où la caution, après avoir été actionnée en paiement par le créancier, se retourne contre le débiteur principal.

Elle dispose contre ce dernier de deux recours : un recours personnel et un recours subrogatoire.

  • En cas d’exercice par la caution de son recours subrogatoire
    • Dans cette hypothèse, la créance dont elle se prévaut la caution contre le débiteur n’est autre que celle dont était titulaire le créancier accipiens
    • La date de naissance de cette créance devrait, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à cette créance
  • En cas d’exercice par la caution de son recours personnel
    • Recours de la caution contre le débiteur
      • La détermination du fait générateur de la créance invoquée par la caution est ici plus problématique.
      • Deux approches sont envisageables
        • On peut considérer que la créance a pour fait générateur la conclusion du contrat
        • On peut également estimer que cette créance naît du paiement de la caution entre les mains du créancier accipiens.
      • Selon que l’on retient l’une ou l’autre approche, lorsque le jugement d’ouverture intervient entre la date de conclusion du contrat de caution et la date de paiement, la qualification de la créance sera différente.
      • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a opté pour la première approche.
      • Elle a, autrement dit, considéré que « la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l’article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution» ( com. 3 févr. 2009)

Cass. com. 3 févr. 2009
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 2309 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que poursuivi en paiement des sommes dues par Mme X..., au titre d'un prêt dont il s'était rendu caution, M. de Y... (la caution), a, en application des dispositions de l'article 2309 du code civil , assigné celle-ci, qui avait été mise en liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, en paiement de la somme mise en recouvrement contre lui ;

Attendu que, pour déclarer l'action de la caution recevable et condamner Mme X... à lui payer une certaine somme, l'arrêt retient que l'action indemnitaire est née postérieurement à la clôture de la procédure collective de la débitrice principale puisque l'assignation en paiement de la banque à l'encontre de la caution a été délivrée le 16 novembre 1990 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l'article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution et que l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ne permet pas aux créanciers, de recouvrer l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de cette même loi, la cour d'appel, qui a constaté que l'engagement de caution était du 30 janvier 1984 et que la liquidation judiciaire de Mme X... avait été clôturée le 28 février 1990 pour insuffisance d'actif, a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

  • Recours de la caution contre ses cofidéjusseurs
    • Dans un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation a retenu une solution identique à celle adoptée dans l’arrêt du 3 février 2009.
      • Faits
        • Une banque consent un prêt à une société
        • En garantie, deux associés souscrivent à un cautionnement en faveur de la banque
        • L’un des associés caution cède ses parts sociales à l’autre
        • La société est par suite placée en liquidation judiciaire
        • La caution qui avait cédé ses parts règle à la banque la créance à hauteur du montant déclarée à la procédure
        • La caution se retourne alors contre le commissaire d’exécution au plan afin que lui soit réglée la part due par son ex-coassocié décédé entre-temps
      • Demande
        • La caution qui a réglé la dette principale réclame à l’administrateur le paiement de la part dû par les ayants droit de son cofidéjusseur
      • Procédure
        • Par un arrêt du 2 octobre 2001, la Cour d’appel de Besançon accède à la requête de la caution
        • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’action contre le cofidéjusseur ne naît qu’à partir du moment où l’un d’eux a réglé la dette principale, la créance de la caution naît au jour du paiement de la dette principale
      • Solution
        • Par un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
        • Elle considère que « la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l’article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution»
        • Aussi, la Cour de cassation reproche-t-elle à la Cour d’appel d’avoir pris comme fait générateur de la créance le paiement de la dette principale par la caution.
        • Pour elle, dans la mesure où la souscription du cautionnement a eu lieu antérieurement au jugement d’ouverture, la créance de la caution n’est pas éligible au rang des créances privilégiées.
      • Analyse
        • La solution adoptée par la Cour de cassation ne s’impose pas avec évidence.
        • Car au fond, cette position revient à dire que, au moment où elle s’engage envers le créancier, la caution acquiert :
          • D’une part, la qualité de débiteur accessoire de la dette principale
          • D’autre part, la qualité de créancier chirographaire antérieur quant au recours qui lui est ouvert par le code civil contre son ou ses cofidéjusseurs
        • Au total, il semble désormais être acquis que le recours personnel de la caution, qu’il soit dirigé contre un cofidéjusseur soumis à une procédure collective ou contre le débiteur principal soumis à une procédure collective, naît au jour de la signature du contrat de cautionnement.

Cass. com. 16 juin 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 mars 1986, l'Union des banques régionales (la banque) a consenti un prêt à la société La Lizaine (la société), avec pour garantie le cautionnement solidaire de MM. X... et Y..., associés de la société ; que, le 31 janvier 1988, M. Y... a cédé à M. X... l'ensemble de ses parts sociales ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance qui a été admise pour un certain montant ;

que M. X... a été mis en redressement judiciaire à la suite duquel un plan de cession a été arrêté, M. Z... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que M. Y... ayant réglé, en sa qualité de caution, une somme de 50 000 francs pour solde de la créance de la banque, a assigné M. X... en remboursement de cette somme ; que M. Z..., ès qualités, est intervenu à l'instance ; que M. X... est décédé le 4 mars 1998 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y... alors, selon le moyen, qu'aucune des parties, à qui il appartenait de fixer les termes du litige, n'avait demandé à la cour d'appel de condamner M. Z..., ès qualités, à payer la somme de 25 000 francs à M. Y... ; qu'en prononçant cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions récapitulatives déposées par M. Y... le 20 mai 1999 que ce dernier a sollicité la condamnation de M. Z..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, à lui payer une somme de 50 000 francs en application de l'article 2033 du Code civil ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-32 du Code de commerce ;

Attendu que la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution;

Attendu que pour condamner M. Z..., commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y..., l'arrêt retient que s'agissant de rapports entre deux cautions, et non entre une caution et le débiteur principal, M. Y... ne disposait d'aucune action avant d'avoir payé, ce par application de l'article 2033 du Code civil, que l'origine de sa créance est, dès lors, postérieure à l'ouverture de la procédure collective de M. X..., de telle sorte que cette créance n'était pas soumise à l'obligation de déclaration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'engagement de caution de M. Y... avait été souscrit avant l'ouverture du redressement judiciaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

2. Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture

La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a étendu le champ d’application du principe d’interdiction des paiements en incluant dans son giron les créances qui n’entrent pas dans la catégorie des créances dites privilégiées visées à l’article L. 622-17 du code de commerce.

L’article L. 622-17 les définit comme les créances « nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, le principe d’interdiction des paiements ne s’applique pas seulement aux créances nées antérieurement au jugement d’ouverture, il est également susceptible de s’appliquer aux créances postérieures.
  • D’autre part, pour être applicable à une créance née postérieurement au jugement d’ouverture, ladite créance ne doit pas être considérée comme privilégiée au sens de l’article L. 622-17 du Code de commerce

Aussi, afin d’apprécier l’étendue du champ d’application du principe d’interdiction des paiements, convient-il de déterminer ce que l’on doit entendre par créance privilégiée.

Il ressort de la définition posée à l’article L. 622-17 du Code de commerce qu’une créance privilégiée répond à trois critères cumulatifs qui tiennent

  • D’abord, à la date de naissance de la créance
  • Ensuite, à la régularité de la créance
  • Enfin, à l’utilité de la créance

a) L’exigence de postériorité de la créance au jugement d’ouverture

Pour être qualifiée de privilégiée, la créance doit nécessairement être née postérieurement au jugement d’ouverture.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présentera un intérêt majeur.

Dès lors que la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, elle est imperméable à la qualification de créance privilégiée.

Afin de déterminer si une créance est postérieure, il conviendra alors de raisonner dans les mêmes termes que pour les créances antérieures.

b) L’exigence de régularité de la créance

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise les créances nées régulièrement après l’ouverture de la procédure.

Que doit-on entendre par l’expression « nées régulièrement » ?

Le législateur a entendu viser ici les créances nées conformément aux règles de répartition des pouvoirs entre les différents organes de la procédure.

Pour mémoire, selon la nature de la procédure dont fait l’objet le débiteur, l’administrateur, lorsqu’il est désigné, sera investi d’un certain nombre de pouvoirs, qu’il exercera, parfois, à titre exclusif.

En matière de procédure de sauvegarde, l’article L. 622-1 du Code de commerce prévoit par exemple que si « l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant […] lorsque le tribunal désigne un ou plusieurs administrateurs, il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux. »

Lorsqu’il s’agit d’une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur sera complètement dessaisi de son pouvoir de gestion de l’entreprise à la faveur de l’administrateur (art. L. 641-9 C. com.)

Ainsi, la créance régulière est celle qui résulte d’un acte accompli en vertu d’un pouvoir dont était valablement investi son auteur.

A contrario, une créance sera jugée irrégulière en cas de dépassement de pouvoir par le débiteur ou l’administrateur.

Pour apprécier la régularité d’une créance il faut alors distinguer selon que la créance est d’origine contractuelle ou délictuelle

==> Les créances contractuelles

  • Pour les créances nées de la conclusion d’un contrat
    • La créance naît régulièrement si le contrat a été conclu par un organe qui était investi du pouvoir d’accomplir l’acte.
    • Pour les actes de gestion courante, le débiteur dispose de ce pouvoir en matière de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
  • Pour les créances nées de l’exécution d’un contrat en cours
    • Lorsqu’une décision de continuation a été prise
      • La créance ne peut naître régulièrement qu’à la condition que le contrat ait été poursuivi en vertu d’une décision prise par la personne habilitée
      • Il s’agira
        • soit de l’administrateur lorsqu’il est désigné
        • soit du débiteur après avis conforme du mandataire
      • En matière de liquidation judiciaire, seul le liquidateur est investi de ce pouvoir.
    • Lorsqu’aucune décision de continuation n’a été prise
      • Lorsque la créance trouve son origine dans l’exécution d’un contrat en cours pour lequel aucune décision de continuation n’a été prise, la jurisprudence considère classiquement que cette absence de décision n’entache pas la régularité de la créance.
      • Il est, par ailleurs, indifférent que la décision prise ultérieurement soit favorable ou non à une continuation du contrat en cours (V. en ce sens com. 12 juill. 1994)
  • Cas particulier de la créance de salaire
    • Si, en principe, l’irrégularité de la créance s’apprécie au regard du dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur, il est un cas où cette règle est écartée
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation a, en effet, estimé que quand bien même une créance de salaire serait née irrégulièrement dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, elle pouvait, malgré tout, bénéficier du régime des créances privilégiées.

Cass. soc. 13 juill. 2010
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, bien que faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, M. X... a continué d'exercer son activité et d'employer M. Y... qu'il avait engagé en qualité de manoeuvre avant l'ouverture de la procédure ; qu'ayant appris l'existence de la procédure collective, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et d'un rappel de salaires ;

Attendu pour rejeter cette demande, l'arrêt, qui prononce la résiliation du contrat de travail, retient que les créances dont M. Y... poursuit le paiement, nées de la poursuite d'activité de M. X... après sa liquidation judiciaire, ou de la résiliation du contrat postérieurement à la liquidation judiciaire, ne sont pas nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'ancien article L. 621-32 du code de commerce, qu'elles se trouvent par conséquent hors procédure et que leur montant ne peut pas être fixé dans le cadre de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l'a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l'activité, sans que puissent lui être opposés l'usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement, et alors, d'autre part, que l'article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Alors que la procédure de liquidation est engagée, l’entreprise continue d’employer un salarié alors qu’aucune décision en ce sens n’ayant été prise par le liquidateur
  • Demande
    • Après avoir eu connaissance de la procédure de liquidation, le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité de rupture de son contrat de travail et un rappel de salaire.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 octobre 2007 la Cour d’appel de Montpellier déboute le salarié de sa demande
    • Les juges du fond estiment que la créance invoquée par le salarié est née irrégulièrement, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir du privilège consenti aux créanciers postérieurs
    • Pour la Cour d’appel, il s’agit donc d’une créance hors procédure, de sorte que le salarié ne peut, ni déclarer sa créance, ni en demander le paiement à l’échéance.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article L. 621-32 du Code de commerce
    • La chambre sociale considère :
      • D’une part, qu’« en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l’a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l’activité, sans que puissent lui être opposés l’usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement»
      • D’autre part, « que l’article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial»
    • Autrement dit, pour la haute juridiction, le salarié était parfaitement fondé à réclamer le paiement à échéance de sa créance.
    • Elle justifie sa solution en avançant deux arguments :
      • Premier argument
        • En cas de liquidation judiciaire, le contrat de travail du salarié se poursuivrait de plein droit
        • L’article L. 622-17, VI prévoit en ce sens que les contrats de travail échappent au pouvoir discrétionnaire de l’administrateur concernant la poursuite ou non des contrats en cours.
      • Second argument
        • La créance du salarié, même irrégulière, est opposable à la procédure collective car
          • D’une part, la violation en l’espèce des règles du dessaisissement du débiteur fautif n’est pas imputable au salarié
          • D’autre part, la créance invoquée par le salarié serait parfaitement régulière au regard de l’article L. 621-32 du Code de commerce applicable à la procédure de liquidation judiciaire puisque le contrat de travail n’a pas été rompu par le liquidateur.
  • Analyse
    • De toute évidence, la Cour de cassation se livre ici à une interprétation audacieuse de l’article L. 621-32.
    • En l’espèce, il y avait clairement un dépassement de pouvoir de la part du débiteur
    • Techniquement, la créance était donc bien irrégulière.
    • Aussi, en affirmant que la violation des règles de dessaisissement par le débiteur n’était pas imputable au salarié, la Cour de cassation ajouter une condition au texte.
    • L’article L. 621-32 ne prévoit nulle part qu’une créance peut être considérée comme régulière si le dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur n’est pas imputable au créancier.
    • Lorsque, en outre, la chambre sociale ajoute que l’article L. 621-32 du Code ne concerne que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission, cette affirmation est, là encore, très critiquable.
    • Lorsque, en effet, cette disposition énonce qu’une créance doit être née régulièrement pour être opposable à la procédure et bénéficier d’un privilège de traitement, que fait-elle sinon poser une condition d’admission des créances ?
    • Ce ne sont pas des modalités de paiement dont il était question dans l’arrêt en l’espèce, mais bien de déterminer le bien-fondé du paiement d’une créance née postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Les créances extracontractuelles

Dans la mesure où, par définition, les créances délictuelles et quasi-délictuelles naissent de faits illicites, elles ne devraient, en toute logique, jamais pouvoir être considérées comme nées régulièrement.

Animée par un souci de protection du créancier et, plus encore, d’indemnisation des victimes de dommages causés par le débiteur, la jurisprudence a admis que ces créances puissent être admises au rang des créances privilégiées.

Dans un arrêt remarqué du 13 octobre 1998, la Cour de cassation a que la nature délictuelle d’une créance ne faisait pas obstacle à ce qu’elle puisse être née régulièrement « après le jugement d’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l’administrateur ».

Cass. com. 13 oct. 1998
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Michel Z... a été assigné, le 6 mai 1992, en contrefaçon et paiement de dommages-intérêts par M. Edouard Z... ; que sur l'assignation en intervention forcée délivrée à M. X..., liquidateur judiciaire de M. Michel Z... désigné par un jugement du 22 mai 1986, la cour d'appel a dit que la condamnation en paiement de dommages-intérêts portée contre M. Michel Z..., l'est contre M. Y..., son liquidateur judiciaire ;

Sur la fin de non-recevoir relevée par la défense : (sans intérêt) ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la créance délictuelle de M. Edouard Z... à l'encontre de M. Michel Z... est née postérieurement au jugement d'ouverture et entre ainsi dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 de sorte que M. Michel Z... étant dessaisi de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la condamnation devra être prononcée contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, c'est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l'administrateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la condamnation pécuniaire portée par le jugement contre M. Michel Z... l'est contre M. Y..., liquidateur judiciaire de ce dernier, et en ce qu'il a condamné M. Michel Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

c) L’exigence d’utilité de la créance

Pour être qualifié de créance privilégiée, l’article L. 622-17, I du Code de commerce exige que la créance soit née « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ».

Cette exigence a été introduite par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, complétée ensuite par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.

L’objectif poursuivi par le législateur était de réduire le nombre des créances susceptibles de faire l’objet d’un paiement à échéance, les critères de postériorité et de régularité ayant été jugés insuffisamment sélectifs.

Cette restriction a notamment été suggérée par la Cour de cassation en 2002 dans son rapport annuel.

Selon elle, la priorité conférée à l’ensemble des créances postérieures au jugement d’ouverture était « de nature à rendre plus difficile le redressement de l’entreprise si trop de créanciers peuvent en profiter. Il paraît excessif que la créance fasse ainsi l’objet d’un paiement prioritaire du seul fait qu’elle est née après le jugement d’ouverture ; il serait plus favorable au redressement des entreprises que seules les créances nécessaires à la poursuite de l’activité après le jugement d’ouverture bénéficient d’un tel traitement de faveur ».

Fort de cette invitation à durcir les critères d’admission des créances privilégiées, le législateur en a créé un nouveau : le critère d’utilité.

Afin de déterminer ce que l’on doit entendre par ce nouveau critère il convient d’envisager d’abord la notion d’utilité après quoi nous aborderons l’appréciation de cette notion. Nous nous intéresserons, enfin, aux difficultés d’application qu’elle soulève.

?) La notion d’utilité de la créance

Pour être considérée comme utile au sens de l’article L. 622-17, I la créance doit être née :

  • Soit pour les besoins de la procédure en tant que telle
  • Soit pour les besoins de l’activité de l’entreprise

==> Les créances nées pour les besoins de la procédure

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise ici :

  • Les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure
    • Il s’agit essentiellement des frais de justice, des honoraires de l’administrateur, du mandataire, des avocats, des huissiers des commissaires-priseurs ou encore des frais d’expertise.
  • Les créances nées pour les besoins de la période d’observation
    • Il s’agit de tous les frais engagés par le débiteur nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise, notamment ceux engendrés par la continuation des contrats en cours.

==> Les créances nées pour les besoins de l’activité de l’entreprise

En premier lieu, il peut être observé que cette seconde catégorie de créances privilégiées tend à prendre en compte les cas dans lesquels, par exemple, une commande aurait été passée par le débiteur, donnant lieu à une prestation, mais que le mandataire judiciaire ou l’administrateur ne considérerait pas comme correspondant aux besoins de la procédure ou de la période d’observation.

Il n’y aurait là aucune justification à priver de telles créances d’un paiement prioritaire. D’où sa prise en compte par le législateur.

En second lieu, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, l’article L. 622-17, I du Code de commerce prévoyait que, étaient éligibles au statut des créances privilégiées, les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance ».

Cette disposition vise désormais les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

La précision « pour son activité professionnelle » a ainsi été supprimée de la version initiale du texte.

Cette suppression procède d’une volonté du législateur de ne pas limiter le bénéfice du privilège de priorité aux seules créances nées pour les pour besoins de l’activité professionnelles du débiteur.

Des créances nées en contrepartie d’une prestation étrangère à son activité professionnelle pourraient, en conséquence, être qualifiées de créances privilégiées.

Pour ce faire, elles n’en devront pas moins satisfaire à trois conditions cumulatives :

  • Une créance qui correspond à une prestation
    • Par prestation, il faut entendre la fourniture d’un bien ou d’un service.
    • Cette terminologie a été intégrée dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, de sorte qu’elle ne soulève dès lors plus de difficulté
  • Une créance née en contrepartie de la prestation
    • La créance doit consister en la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
    • La fourniture de cette prestation doit avoir été utile
      • Soit à la procédure
      • Soit au maintien de l’activité de l’entreprise
    • En revanche, il est indifférent que le contrat à l’origine de la créance n’ait fait l’objet d’aucune décision de continuation dès lors qu’elle est née régulièrement.
  • Une créance née pendant la période d’observation
    • La créance ne peut accéder au rang de créance privilégiée que si elle est née pendant la période d’observation
    • Dès lors que la créance naît en dehors de cette période, quand bien même elle serait utile à la procédure où à la poursuite de l’activité, elle ne pourra pas bénéficier du privilège de priorité.
    • C’est là une exigence formelle posée par le texte.

?) L’appréciation de l’utilité de la créance

Une question a agité la doctrine : l’utilité de la créance doit-elle être appréciée en considération de l’acte qui en est à l’origine, ou au regard du bénéfice que le débiteur en retire ?

Les auteurs optent majoritairement pour la première option. Pour déterminer si créance utile pour la procédure ou pour le maintien de l’activité, il convient de se rapporter à son fait générateur.

Seules les circonstances de sa naissance sont à même de renseigner le juge sur l’opportunité de la décision prise par le débiteur.

Au fond, la question qui se pose est de savoir si l’acte d’où résulte la créance a été accompli dans l’intérêt de la procédure ou de l’entreprise.

?) Les difficultés d’application du critère

Les difficultés d’application du critère d’application du critère d’utilité concernent en particulier les créances fiscales et sociales.

Peut-on considérer que de telles créances présentent une utilité pour la procédure dans la mesure où elles conduisent, par nature, à aggraver la situation du débiteur ?

Dans un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation a admis qu’une créance dont se prévalait le RSI puisse bénéficier du statut de créance privilégiée.

Cass. com. 15 juin 2011
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse nationale du régime social des indépendants Participations extérieures (la caisse) a fait signifier à la société ARDDI (la société) le 6 octobre 2008 une contrainte datée du 12 août 2008, portant sur la contribution sociale de solidarité et des sociétés et la contribution additionnelle 2007 assises sur le chiffre d'affaires de l'année 2006 ; que la société, qui a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2006, a fait opposition à cette contrainte le 7 octobre 2008 ;

Attendu que pour annuler cette contrainte, l'arrêt retient que si la créance est bien une créance dont le fait générateur est intervenu postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective, elle ne peut être considérée comme une créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, ni comme une créance répondant aux besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une déclaration conformément à l'article L. 622-24, alinéa 5, du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l'activité de la société, entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce pour l'activité poursuivie postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

  • Faits
    • Le RSI délivre une contrainte à une société en raison de cotisations sociales impayées en date du 6 octobre 2008
    • Depuis deux ans, la société faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
  • Demande
    • Le débiteur revendique l’inopposabilité de la contrainte qui lui a été notifiée
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 avril 2010, la Cour d’appel de Nîmes accède à la requête du débiteur
    • Les juges du fond estiment la créance dont est porteuse la contrainte est certes postérieure à l’ouverture de la procédure collective
    • Toutefois, elle ne remplit pas les critères d’une créance prioritaire dans la mesure où :
      • D’une part, elle ne constitue pas la contrepartie d’une prestation fournie par le débiteur
      • D’autre part, elle n’est pas née pour les besoins de la procédure collective
    • La Cour d’appel en conclut que cette créance aurait dû faire l’objet d’une déclaration, ce qui n’a pas été fait.
    • La créance du RSI serait donc éteinte
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que la « contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l’activité de la société, entrent dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce pour l’activité poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure collective»
    • Autrement dit, la créance dont se prévaut le RSI répondrait, en tous points, aux critères d’éligibilité du privilège de priorité
  • Analyse
    • La solution dégagée par la Cour de cassation est, en l’espèce, parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi.
    • Dans la mesure où le paiement des cotisations sociales est une obligation légale, il est absolument nécessaire que l’entreprise, quelle que soit sa situation, satisfasse à cette obligation à défaut de quoi elle s’expose à aggraver automatiquement son passif.
    • Rien ne justifie, en conséquence, que la créance de RSI ne puisse pas être qualifiée de créance privilégiée.

Ainsi, lorsqu’une créance résulte d’une obligation légale à laquelle est subordonné l’exercice de l’activité de l’entreprise, elle est parfaitement éligible au rang des créances privilégiées.

B) La condition tenant à l’auteur du paiement

 Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Plusieurs situations peuvent se présenter :

==> La saisie-attribution d’une créance à exécution successive

Dans cette situation, le paiement de la dette du débiteur est effectué par un tiers-saisi vers lequel s’est tourné le créancier.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers-saisi peut valablement se libérer entre les mains du créancier s’agissant des créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, à la même que le principe d’interdiction des paiements semble y faire obstacle.

Sur cette question, une divergence de position est née entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile, divergence à laquelle il a été mis un terme par la chambre mixte.

  • La position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 17 mai 2001, la chambre commerciale a admis qu’une saisie-attribution produisait un effet sur les créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ( com., 17 mai 2001),
  • La position de la deuxième chambre civile
    • À l’inverse de la chambre commerciale, la deuxième chambre civile a considéré dans un arrêt du 8 mars 2001 que la saisie-attribution était privée d’efficacité pour les créances de loyers nées postérieurement au jugement d’ouverture ( 2e civ., 8 mars 2001).
  • L’intervention de la chambre mixte
    • Dans un arrêt du 22 novembre 2002, la Cour de cassation a estimé que le principe d’interdiction des paiements ne privait pas d’efficacité la saisie ainsi diligentée ( ch. Mixte, 22 nov. 2002).
      • Faits
        • Un créancier pratique une saisie-attribution entre les mains du locataire du débiteur saisi.
        • Ce dernier est, par suite, placé en liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture intervenant alors postérieurement à la saisie
        • Le tiers saisi (le locataire) ayant réglé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du créancier saisissant, le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir le remboursement de ces sommes et la mainlevée de la saisie.
      • Demande
        • Le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir
          • D’une part, le remboursement des sommes perçues postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation
          • D’autre part, la mainlevée de la saisie-attribution.
      • Procédure
        • Alors que le juge des référés avait accueilli favorablement la demande du liquidateur, la cour d’appel de Versailles infirme la décision dans un arrêt du 19 février 1999
        • Les juges du fond estiment que l’effet attributif de la saisie-attribution est définitivement acquis avant l’ouverture de la procédure collective, de sorte que le créancier était fondé à continuer de percevoir les loyers de son débiteur après le prononcé du jugement d’ouverture.
      • Solution
        • Par un arrêt du 22 novembre 2002, la Chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
        • Elle estime « qu’il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement»
        • Autrement dit, quand bien même l’exécution de la créance se poursuivait postérieurement au jugement d’ouverture, dans la mesure où elle a fait l’objet d’une saisie-attribution antérieurement au jugement, elle n’est pas soumise au régime juridique des créances antérieures.
        • Pour la chambre mixte « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement».
      • Analyse
        • Deux logiques s’affrontaient dans l’arrêt en l’espèce : la logique à laquelle répond le droit des entreprises en difficulté et celle qui sous-tend le droit des voies d’exécution
        • L’ouverture d’une procédure collective n’est pas neutre : elle poursuit comme objectif la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, le maintien de l’activité et de l’emploi ainsi que l’apurement du passif.
        • À l’évidence, la poursuite des effets de la saisie-attribution sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ne favorise guère ce triple objectif.
        • La solution adoptée par la Cour de cassation contrevient, en outre, au principe d’égalité des créanciers, qui n’admet que des dérogations partielles à la faveur des celles créanciers privilégiés.
        • Tel n’était pas le cas en l’espèce, le créancier saisissant n’était pas un créancier susceptible de se prévaloir du bénéfice du paiement à l’échéance.
        • Aussi, pour certains auteurs, les principes qui régissent la naissance des créances à exécution successive ne sauraient être placés sur le même plan qu’une règle spécifique au droit des entreprises en difficulté.
        • L’article L. 622-7, I du Code de commerce ne vise pas à contribuer à la théorie de la formation des créances, mais seulement à préserver l’actif du débiteur.
        • Malgré les critiques, la chambre mixte s’est malgré tout ralliée à la position de la deuxième chambre civile, considérant que la saisie-attribution diligentée antérieurement au jugement d’ouverture produisait bien un effet sur les créances de loyers échus postérieurement audit jugement.

Cass. ch. Mixte 22 nov. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 1999), que la Banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la société Chauray Contrôle, a fait pratiquer à l'encontre de la société Tiar (la société) une saisie-attribution entre les mains des locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X..., agissant en qualité de liquidateur, a saisi un juge des référés pour obtenir le remboursement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que la mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, une créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu'en raison de l'indisponibilité dont elle se trouve frappée dans le patrimoine du débiteur, cette créance échappe à l'effet attributif opéré par la saisie-attribution limité aux seules sommes échues avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en considérant néanmoins que le tiers saisi était tenu de payer les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective au créancier qui a pratiqué une saisie-attribution de la créance de loyers avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant le jugement prononçant la mise en liquidation judiciaire de la société, a décidé, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la mainlevée et a rejeté la demande de remboursement des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> La délégation portant sur une créance à exécution successive

Cette situation correspond à l’hypothèse où dans le cadre d’une délégation :

  • Dans un premier temps, le délégant consent une délégation au délégateur dont il est débiteur avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps, le délégué se libère entre les mains du délégataire postérieurement au jugement d’ouverture.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si le paiement effectué par le délégué entre les mains du délégataire ne contreviendrait pas au principe d’interdiction des paiements, dans la mesure où la délégation a pour effet d’éteindre la dette du délégant-débiteur.

Schéma - délégation

Cette question s’est notamment posée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mars 2005.

Cass. com. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d'un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997 ; qu'en règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson ; que la société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; que la société Colas a assigné la société Thomson et M. X..., ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers ;

Attendu que pour décider que la société Colas n'était pas fondée à demander le paiement des loyers devenus exigibles postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Mirabeau et la condamner, en conséquence, à reverser à cette dernière société les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, ordonner à M. Y..., séquestre, de remettre à la société Mirabeau toutes les sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonner à cette dernière société de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, l'arrêt retient que, par l'effet du jugement déclaratif, aucune partie de l'actif ne peut être distraite au profit d'un créancier particulier, que la délégation imparfaite des loyers dus par la société Thomson ayant laissé subsister la créance de la société Mirabeau, délégante, dans son patrimoine, l'ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d'observation comme après l'adoption d'un plan de continuation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 621-24 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Colas à payer à la société Mirabeau la somme de 682 729,68 euros reçue de M. Y... au titre de l'exécution provisoire, ordonnant à M. Y..., ès qualités, de remettre à la société Mirabeau toutes sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonnant à la société Thomson de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, et ce pour la durée du plan, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d’un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997
    • En règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson
    • La société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999

Schéma 2 - délégation.JPG

  • Demande
    • la société Colas assigne la société Thomson et l’administrateur, ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboule le délégué de sa demande en paiement des loyers devenus exigibles postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Aussi, le condamne-t-elle, de surcroît, à reverser au délégant toutes les sommes reçues du délégataire au titre de la délégation de loyers
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que par l’effet du jugement d’ouverture, aucune partie de l’actif ne peut être distraite au profit d’un créancier particulier
    • Or la délégation imparfaite des loyers dus par le délégataire ayant laissé subsister la créance du débiteur (délégant) dans son patrimoine, l’ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d’observation comme après l’adoption d’un plan de continuation.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation censure la décision prise par la Cour d’appel.
    • Elle considère que « les dispositions de l’article L. 621-24 du Code de commerce ne s’appliquent qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers »
    • Le principe d’interdiction des paiements n’est de la sorte applicable qu’aux seuls débiteurs.
    • Lorsque, dès lors, c’est un tiers qui procède à un paiement qui a pour effet d’éteindre la dette du débiteur, il échappe à la prohibition instituée à l’article L. 622-7, I du code de commerce

Le principe posé par cet arrêt revêt manifestement une portée générale. Son application ne se limite donc pas au seul mécanisme de la délégation.

==> La cession de créances professionnelles

Cette hypothèse correspond à la situation où, dans le cadre d’une cession de créances :

  • Dans un premier temps le cédant cède sa créance avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps le débiteur-cédé se libère postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du cessionnaire.

Dans cette configuration le débiteur-cédé endosse manifestement la qualité de tiers à la procédure collection.

La question qui alors se pose est de savoir si, lorsque le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, cette opération ne contrevient pas au principe d’interdiction des paiements dans la mesure où cela a pour effet d’éteindre la dette du cédant envers le cessionnaire.

Schéma - cession Dailly.JPG

Sur cette question, la position de la jurisprudence a radicalement évolué.

  • Première étape
    • Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a d’abord estimé que l’ouverture d’une procédure collective empêchait que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, quand bien même la cession de créances était intervenue antérieurement au jugement d’ouverture.
    • La chambre commerciale a considéré en ce sens que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement»

Cass. com. 26 avr. 2000
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Socpresse que sur le pourvoi principal formé par la Westpac Banking Corporation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 22 août 1996), que, par contrat souscrit le 23 octobre 1986, la société Socpresse a engagé M. X... pour exercer les fonctions de conseiller aux affaires Pacifique Sud, du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1991 ; que, par un premier bordereau de cession de créances professionnelles du 28 juin 1988, M. X... a cédé ses créances correspondant aux rémunérations dues en vertu de ce contrat, à échéance du 31 décembre 1988 et du 31 mars 1989, à la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la Westpac Banking Corporation (la banque) ; que, par un second acte du 17 décembre 1988, M. X... a cédé les créances se rapportant aux autres rémunérations prévues par ce contrat à la banque qui a notifié les cessions de créances à la société Socpresse, débiteur cédé ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 20 décembre 1989 ; que la société Socpresse a payé les créances cédées par le premier acte mais a refusé le paiement des créances cédées par le second ; qu'elle a été assignée par la banque en paiement de ces dernières créances ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative au paiement des créances échues postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, que la cession de créance profesionnelle future, consentie en période suspecte est valable et le débiteur cédé ne peut opposer au cessionnaire l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du cédant pour refuser de payer les créances aux échéances ; qu'en considérant que la mise en liquidation judiciaire de M. X... a mis un terme aux droits de la banque pour toutes les créances postérieures au jugement, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la loi du 2 janvier 1981 et 107 et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;

  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 7 décembre 2004 la Cour de cassation a abandonné sa position antérieure en considérant que l’ouverture d’une procédure collective ne faisait pas obstacle à ce que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire.
    • Elle a ainsi considéré que « même si son exigibilité n’est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date»

Cass. com. 7 déc. 2004
Statuant tant sur le pourvoi principal présenté par la CRCAM d'Aquitaine que sur le pourvoi incident présenté par la société Labat-Merle (la société Labat) ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 octobre 2000, pourvoi n° P 97-21.744), que, par acte du 27 janvier 1992, la société Euroméca a cédé à la CRCAM d'Aquitaine (la Caisse), selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, la créance qu'elle détenait sur la société Labat au titre d'une commande que celle-ci lui avait passée ; que la société Labat n'a pas accepté cette cession, dont elle avait reçu notification, et a réglé le solde de la facture à la société Euroméca, en règlement judiciaire depuis le 19 février 1992 ;

que la Caisse a fait assigner la société Labat en paiement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, même si son exigibilité n'est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date ;

Attendu que pour rejeter la demande de la Caisse en paiement de la créance par la société Labat, débiteur cédé, l'arrêt retient que la créance cédée est née de la livraison et même de la fabrication postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Euroméca, entreprise cédante, et que ce jugement fait obstacle aux droits de la Caisse sur les créances nées de l'exécution du contrat au cours de la période d'observation et exigibles au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, la cession prenant effet entre les parties et devenant opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau, la cour d'appel, qui a relevé que la cession avait pris effet entre la société Euoméca et la Caisse avant l'ouverture de la procédure collective, ce dont il résulte que le paiement que la société Labat ne contestait pas devoir, et qu'elle avait effectué après avoir reçu notification de la cession, n'était pas libératoire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Et sur le pourvoi incident :

Attendu que ce pourvoi se trouve privé d'objet par la cassation consécutive au pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

II) La sanction du principe d’interdiction des paiements

Plusieurs sanctions sont applicables en cas de violation du principe d’interdiction des paiements

  • L’annulation du paiement
    • Principe
      • Aux termes de l’article L. 622-7, III « tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé»
      • Les sommes payées par le débiteur sont de la sorte réintégrées dans son patrimoine (V. en ce sens com. 3 oct. 2000)
    • Titularité de l’action
      • Tout intéressé
      • Le ministère public
    • Délai de prescription
      • Trois ans
    • Point de départ de la prescription
      • À compter de la date de réalisation du paiement
  • Faillite personnelle
    • L’article L. 653-5, 4° du Code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne qui a « payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers».
    • Cette sanction n’est applicable que dans le cas où le débiteur fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
    • Elle n’est pas encourue en cas de procédure de sauvegarde.
  • Sanction pénale
    • Aux termes de l’article L. 654-8, 1° du Code de commerce « est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros le fait […] pour toute personne mentionnée à l’article L. 654-1, de passer un acte ou d’effectuer un paiement en violation des dispositions de l’article L. 622-7»
    • Ainsi, la violation du principe d’interdiction des paiements est-elle pénalement sanctionnée ce qui témoigne de l’importance que le législateur confère à l’objectif de maintien de l’égalité entre les créanciers et de préservation dans le patrimoine du débiteur des biens essentiels à la poursuite de son activité.

III) Les exceptions au principe d’interdiction des paiements

Le principe d’interdiction des paiements instituée à l’article L. 622-7, I du Code de commerce souffre de plusieurs exceptions.

A) Le paiement par compensation de créances connexes

==> Notion

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Le droit commun exige, outre, leur réciprocité que ces créances soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

En ce que la compensation consiste, au fond, en un double paiement automatique, la question s’est rapidement posée de savoir si elle pouvait opérer entre deux créances dont l’une d’elles ne devenait certaine, liquide ou exigible qu’après le jugement d’ouverture.

Dans cette hypothèse, le principe d’interdiction des paiements ne fait-il pas obstacle à la compensation ?

Schéma - compensation.JPG

  • Première étape : l’admission jurisprudentielle du paiement par compensation
    • Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a, pour la première fois, admis que la compensation puisse opérer entre deux créances dont l’une était née postérieurement au jugement d’ouverture ( com. 19 mars 1991).
    • Avant cette décision, la jurisprudence était pour le moins fluctuante, la loi du 25 janvier 1985 étant silencieuse sur cette question.
  • Deuxième étape : consécration légale du paiement par compensation
    • Il faut attendre la loi du 10 juin 1994 pour que le paiement par compensation soit admis au rang des exceptions au principe d’interdiction des paiements.
    • L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit désormais que si le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, cette règle est écartée en cas de « paiement par compensation de créances connexes».
    • Par exception, le paiement par compensation est donc admis lorsque ses conditions sont réunies postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Conditions

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les conditions d’application de cette exception au principe d’interdiction des paiements.

Elles sont au nombre de trois :

  • Des créances certaines
    • Cela signifie qu’elles ne doivent être pas être contestables
    • Elles doivent être avérées dans leur principe
  • Des créances réciproques
    • Les personnes en présence doivent être simultanément et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre
  • Des créances connexes
    • D’abord, la jurisprudence a défini les créances connexes comme les créances issues de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1958).
    • Ensuite la Cour de cassation a également admis qu’une connexité puisse exister entre créances nées d’une convention cadre ( com. 19 avr. 2005)
    • Enfin, la jurisprudence a encore étendu la notion de connexité en l’appliquant à des créances réciproques qui se rattachaient à « plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations» ( com. 9 mai 1995).
    • Dans cette dernière hypothèse, c’est alors la notion d’opération économique qui fonde le mécanisme ( com. 19 mars 1991).

Au total, il ressort de la jurisprudence que la Cour de cassation envisage la notion de connexité de manière assez souple.

Il peut d’ailleurs être observé que la Cour de cassation n’exige pas que les créances soient liquides et exigibles pour que la compensation puisse opérer dans le cadre d’une procédure collective.

Dans un arrêt du 28 septembre 2004, elle a affirmé en ce sens que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale » (Cass. com. 28 sept. 2004).

==> Efficacité

La compensation ne pourra être efficace, soit emporter extinction de la créance, qu’à la condition que le créancier déclare ladite créance.

Cette exigence est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui estime qu’en l’absence de déclaration, la compensation sera sans effet, de sorte que la créance sera inopposable à la procédure (V. en ce sens Cass. com. 22 févr. 1994 ; Cass. com. 26 oct. 1999).

B) Le paiement des créances alimentaires

L’article L. 622-7, I du Code de commerce exclut expressément les créances alimentaires du champ de l’interdiction des paiements des créances antérieures.

Qui plus est, cette catégorie de créance échappe à l’exigence de déclaration.

C) Le paiement des créances salariales

Aux termes de l’article L. 625-8 du Code de commerce « nonobstant l’existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu’il a une mission d’assistance, par l’administrateur, si le débiteur ou l’administrateur dispose des fonds nécessaires. »

Les créances salariales visées par cette disposition doivent ainsi être payées immédiatement sur les fonds dont dispose l’entreprise.

En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, si le paiement s’avère impossible c’est à l’AGS qu’il reviendra de régler les salariés.

Quant aux créances de salaire résultant d’une prestation de travail postérieure au jugement d’ouverture, elles devront être payées à l’échéance.

D) Le paiement des créances assises sur un, gage, un droit de rétention, une fiducie ou un crédit-bail

L’article L. 622-7, II du Code de commerce prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le débiteur « à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d’option est justifiée par la poursuite de l’activité. »

Ainsi, afin, de mettre un terme à un gage, à un droit de rétention ou encore pour rapatrier le bien dans le patrimoine du débiteur en raison l’existence d’une fiducie ou d’un crédit-bail, ce dernier peut être autorisé par le juge-commissaire à régler une créance née antérieurement au jugement d’ouverture.

Pour ce faire trois conditions doivent être réunies :

  • Première condition
    • Le bien doit avoir fait l’objet alternativement
      • soit d’un gage
      • soit d’un droit de rétention
      • soit d’une fiducie
      • soit d’un crédit-bail
  • Deuxième condition
    • Le bien sur lequel porte la créance antérieure doit être utile à la poursuite de l’activité de l’entreprise.
    • A défaut, le paiement de la créance antérieure ne présentera aucun intérêt.
  • Troisième condition
    • Le débiteur ou l’administrateur doivent obtenir l’autorisation du juge-commissaire

E) Le paiement des créances assises sur une clause de réserve de propriété

Conformément à l’article L. 624-16 du Code de commerce, sur autorisation du juge-commissaire, il peut être fait échec à l’exercice du droit de revendication du vendeur qui bénéfice d’une réserve de propriété par le paiement du prix du bien.

Cette disposition prévoit en ce sens, après avoir énoncé les conditions et les modalités de la revendication, que « dans tous les cas, il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. »

Cette règle constitue une dérogation au principe d’interdiction des paiements. Elle se justifie pour la nécessité de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise.

F) Le paiement provisionnel de créances assises sur des sûretés

Autre dérogation au principe d’interdiction des paiements, la possibilité de payer les créanciers titulaires d’une sûreté.

Plus précisément, l’article L. 622-8 du Code de commerce prévoit que « le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien » lorsque celui-ci est vendu au cours de la période d’observation.

La sûreté peut ici consister tant, en un privilège spécial, qu’en un privilège général. Sont également visés l’hypothèque, le nantissement ou encore le gage.

L’efficacité de la cession de créance professionnelle (Dailly) en cas d’ouverture d’une procédure collective

Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Quid en cas de cession de créance professionnelle par bordereau Dailly?

Cette hypothèse correspond à la situation où, dans le cadre d’une cession de créances :

  • Dans un premier temps le cédant cède sa créance avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps le débiteur-cédé se libère postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du cessionnaire.

Dans cette configuration le débiteur-cédé endosse manifestement la qualité de tiers à la procédure collection.

La question qui alors se pose est de savoir si, lorsque le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, cette opération ne contrevient pas au principe d’interdiction des paiements dans la mesure où cela a pour effet d’éteindre la dette du cédant envers le cessionnaire.

Schéma - cession Dailly.JPG

Sur cette question, la position de la jurisprudence a radicalement évolué.

  • Première étape
    • Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a d’abord estimé que l’ouverture d’une procédure collective empêchait que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, quand bien même la cession de créances était intervenue antérieurement au jugement d’ouverture.
    • La chambre commerciale a considéré en ce sens que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement»

Cass. com. 26 avr. 2000
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Socpresse que sur le pourvoi principal formé par la Westpac Banking Corporation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 22 août 1996), que, par contrat souscrit le 23 octobre 1986, la société Socpresse a engagé M. X... pour exercer les fonctions de conseiller aux affaires Pacifique Sud, du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1991 ; que, par un premier bordereau de cession de créances professionnelles du 28 juin 1988, M. X... a cédé ses créances correspondant aux rémunérations dues en vertu de ce contrat, à échéance du 31 décembre 1988 et du 31 mars 1989, à la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la Westpac Banking Corporation (la banque) ; que, par un second acte du 17 décembre 1988, M. X... a cédé les créances se rapportant aux autres rémunérations prévues par ce contrat à la banque qui a notifié les cessions de créances à la société Socpresse, débiteur cédé ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 20 décembre 1989 ; que la société Socpresse a payé les créances cédées par le premier acte mais a refusé le paiement des créances cédées par le second ; qu'elle a été assignée par la banque en paiement de ces dernières créances ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative au paiement des créances échues postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, que la cession de créance profesionnelle future, consentie en période suspecte est valable et le débiteur cédé ne peut opposer au cessionnaire l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du cédant pour refuser de payer les créances aux échéances ; qu'en considérant que la mise en liquidation judiciaire de M. X... a mis un terme aux droits de la banque pour toutes les créances postérieures au jugement, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la loi du 2 janvier 1981 et 107 et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;

  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 7 décembre 2004 la Cour de cassation a abandonné sa position antérieure en considérant que l’ouverture d’une procédure collective ne faisait pas obstacle à ce que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire.
    • Elle a ainsi considéré que « même si son exigibilité n’est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date»

Cass. com. 7 déc. 2004
Statuant tant sur le pourvoi principal présenté par la CRCAM d'Aquitaine que sur le pourvoi incident présenté par la société Labat-Merle (la société Labat) ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 octobre 2000, pourvoi n° P 97-21.744), que, par acte du 27 janvier 1992, la société Euroméca a cédé à la CRCAM d'Aquitaine (la Caisse), selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, la créance qu'elle détenait sur la société Labat au titre d'une commande que celle-ci lui avait passée ; que la société Labat n'a pas accepté cette cession, dont elle avait reçu notification, et a réglé le solde de la facture à la société Euroméca, en règlement judiciaire depuis le 19 février 1992 ;

que la Caisse a fait assigner la société Labat en paiement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, même si son exigibilité n'est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date ;

Attendu que pour rejeter la demande de la Caisse en paiement de la créance par la société Labat, débiteur cédé, l'arrêt retient que la créance cédée est née de la livraison et même de la fabrication postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Euroméca, entreprise cédante, et que ce jugement fait obstacle aux droits de la Caisse sur les créances nées de l'exécution du contrat au cours de la période d'observation et exigibles au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, la cession prenant effet entre les parties et devenant opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau, la cour d'appel, qui a relevé que la cession avait pris effet entre la société Euoméca et la Caisse avant l'ouverture de la procédure collective, ce dont il résulte que le paiement que la société Labat ne contestait pas devoir, et qu'elle avait effectué après avoir reçu notification de la cession, n'était pas libératoire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Et sur le pourvoi incident :

Attendu que ce pourvoi se trouve privé d'objet par la cassation consécutive au pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

L’efficacité de la délégation de paiement en cas d’ouverture d’une procédure collective

Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Quid en cas de délégation de paiement?

Cette situation correspond à l’hypothèse où dans le cadre d’une délégation :

  • Dans un premier temps, le délégant consent une délégation au délégateur dont il est débiteur avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps, le délégué se libère entre les mains du délégataire postérieurement au jugement d’ouverture.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si le paiement effectué par le délégué entre les mains du délégataire ne contreviendrait pas au principe d’interdiction des paiements, dans la mesure où la délégation a pour effet d’éteindre la dette du délégant-débiteur.

Schéma - délégation.JPG

Cette question s’est notamment posée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mars 2005.

Cass. com. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d'un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997 ; qu'en règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson ; que la société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; que la société Colas a assigné la société Thomson et M. X..., ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers ;

Attendu que pour décider que la société Colas n'était pas fondée à demander le paiement des loyers devenus exigibles postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Mirabeau et la condamner, en conséquence, à reverser à cette dernière société les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, ordonner à M. Y..., séquestre, de remettre à la société Mirabeau toutes les sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonner à cette dernière société de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, l'arrêt retient que, par l'effet du jugement déclaratif, aucune partie de l'actif ne peut être distraite au profit d'un créancier particulier, que la délégation imparfaite des loyers dus par la société Thomson ayant laissé subsister la créance de la société Mirabeau, délégante, dans son patrimoine, l'ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d'observation comme après l'adoption d'un plan de continuation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 621-24 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Colas à payer à la société Mirabeau la somme de 682 729,68 euros reçue de M. Y... au titre de l'exécution provisoire, ordonnant à M. Y..., ès qualités, de remettre à la société Mirabeau toutes sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonnant à la société Thomson de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, et ce pour la durée du plan, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d’un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997
    • En règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson
    • La société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999

Schéma 2 - délégation

  • Demande
    • la société Colas assigne la société Thomson et l’administrateur, ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboule le délégué de sa demande en paiement des loyers devenus exigibles postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Aussi, le condamne-t-elle, de surcroît, à reverser au délégant toutes les sommes reçues du délégataire au titre de la délégation de loyers
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que par l’effet du jugement d’ouverture, aucune partie de l’actif ne peut être distraite au profit d’un créancier particulier
    • Or la délégation imparfaite des loyers dus par le délégataire ayant laissé subsister la créance du débiteur (délégant) dans son patrimoine, l’ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d’observation comme après l’adoption d’un plan de continuation.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation censure la décision prise par la Cour d’appel.
    • Elle considère que « les dispositions de l’article L. 621-24 du Code de commerce ne s’appliquent qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers »
    • Le principe d’interdiction des paiements n’est de la sorte applicable qu’aux seuls débiteurs.
    • Lorsque, dès lors, c’est un tiers qui procède à un paiement qui a pour effet d’éteindre la dette du débiteur, il échappe à la prohibition instituée à l’article L. 622-7, I du code de commerce

Le principe posé par cet arrêt revêt manifestement une portée générale. Son application ne se limite donc pas au seul mécanisme de la délégation.

L’efficacité de la saisie-attribution en cas d’ouverture d’une procédure collective

Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Qui notamment en cas de saisie-attribution portant sur une créance à exécution successive?

Dans cette situation, le paiement de la dette du débiteur est effectué par un tiers-saisi vers lequel s’est tourné le créancier.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers-saisi peut valablement se libérer entre les mains du créancier s’agissant des créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, à la même que le principe d’interdiction des paiements semble y faire obstacle.

Sur cette question, une divergence de position est née entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile, divergence à laquelle il a été mis un terme par la chambre mixte.

  • La position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 17 mai 2001, la chambre commerciale a admis qu’une saisie-attribution produisait un effet sur les créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ( com., 17 mai 2001),
  • La position de la deuxième chambre civile
    • À l’inverse de la chambre commerciale, la deuxième chambre civile a considéré dans un arrêt du 8 mars 2001 que la saisie-attribution était privée d’efficacité pour les créances de loyers nées postérieurement au jugement d’ouverture ( 2e civ., 8 mars 2001).
  • L’intervention de la chambre mixte
    • Dans un arrêt du 22 novembre 2002, la Cour de cassation a estimé que le principe d’interdiction des paiements ne privait pas d’efficacité la saisie ainsi diligentée ( ch. Mixte, 22 nov. 2002).
      • Faits
        • Un créancier pratique une saisie-attribution entre les mains du locataire du débiteur saisi.
        • Ce dernier est, par suite, placé en liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture intervenant alors postérieurement à la saisie
        • Le tiers saisi (le locataire) ayant réglé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du créancier saisissant, le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir le remboursement de ces sommes et la mainlevée de la saisie.
      • Demande
        • Le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir
          • D’une part, le remboursement des sommes perçues postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation
          • D’autre part, la mainlevée de la saisie-attribution.
      • Procédure
        • Alors que le juge des référés avait accueilli favorablement la demande du liquidateur, la cour d’appel de Versailles infirme la décision dans un arrêt du 19 février 1999
        • Les juges du fond estiment que l’effet attributif de la saisie-attribution est définitivement acquis avant l’ouverture de la procédure collective, de sorte que le créancier était fondé à continuer de percevoir les loyers de son débiteur après le prononcé du jugement d’ouverture.
      • Solution
        • Par un arrêt du 22 novembre 2002, la Chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
        • Elle estime « qu’il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement»
        • Autrement dit, quand bien même l’exécution de la créance se poursuivait postérieurement au jugement d’ouverture, dans la mesure où elle a fait l’objet d’une saisie-attribution antérieurement au jugement, elle n’est pas soumise au régime juridique des créances antérieures.
        • Pour la chambre mixte « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement».
      • Analyse
        • Deux logiques s’affrontaient dans l’arrêt en l’espèce : la logique à laquelle répond le droit des entreprises en difficulté et celle qui sous-tend le droit des voies d’exécution
        • L’ouverture d’une procédure collective n’est pas neutre : elle poursuit comme objectif la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, le maintien de l’activité et de l’emploi ainsi que l’apurement du passif.
        • À l’évidence, la poursuite des effets de la saisie-attribution sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ne favorise guère ce triple objectif.
        • La solution adoptée par la Cour de cassation contrevient, en outre, au principe d’égalité des créanciers, qui n’admet que des dérogations partielles à la faveur des celles créanciers privilégiés.
        • Tel n’était pas le cas en l’espèce, le créancier saisissant n’était pas un créancier susceptible de se prévaloir du bénéfice du paiement à l’échéance.
        • Aussi, pour certains auteurs, les principes qui régissent la naissance des créances à exécution successive ne sauraient être placés sur le même plan qu’une règle spécifique au droit des entreprises en difficulté.
        • L’article L. 622-7, I du Code de commerce ne vise pas à contribuer à la théorie de la formation des créances, mais seulement à préserver l’actif du débiteur.
        • Malgré les critiques, la chambre mixte s’est malgré tout ralliée à la position de la deuxième chambre civile, considérant que la saisie-attribution diligentée antérieurement au jugement d’ouverture produisait bien un effet sur les créances de loyers échus postérieurement audit jugement.

Cass. ch. Mixte 22 nov. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 1999), que la Banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la société Chauray Contrôle, a fait pratiquer à l'encontre de la société Tiar (la société) une saisie-attribution entre les mains des locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X..., agissant en qualité de liquidateur, a saisi un juge des référés pour obtenir le remboursement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que la mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, une créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu'en raison de l'indisponibilité dont elle se trouve frappée dans le patrimoine du débiteur, cette créance échappe à l'effet attributif opéré par la saisie-attribution limité aux seules sommes échues avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en considérant néanmoins que le tiers saisi était tenu de payer les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective au créancier qui a pratiqué une saisie-attribution de la créance de loyers avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant le jugement prononçant la mise en liquidation judiciaire de la société, a décidé, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la mainlevée et a rejeté la demande de remboursement des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Le paiement par compensation de dettes connexes: exception au principe d’interdiction des paiements

==> Notion

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Le droit commun exige, outre, leur réciprocité que ces créances soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

En ce que la compensation consiste, au fond, en un double paiement automatique, la question s’est rapidement posée de savoir si elle pouvait opérer entre deux créances dont l’une d’elles ne devenait certaine, liquide ou exigible qu’après le jugement d’ouverture.

Dans cette hypothèse, le principe d’interdiction des paiements ne fait-il pas obstacle à la compensation ?

Schéma - compensation.JPG

  • Première étape : l’admission jurisprudentielle du paiement par compensation
    • Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a, pour la première fois, admis que la compensation puisse opérer entre deux créances dont l’une était née postérieurement au jugement d’ouverture ( com. 19 mars 1991).
    • Avant cette décision, la jurisprudence était pour le moins fluctuante, la loi du 25 janvier 1985 étant silencieuse sur cette question.
  • Deuxième étape : consécration légale du paiement par compensation
    • Il faut attendre la loi du 10 juin 1994 pour que le paiement par compensation soit admis au rang des exceptions au principe d’interdiction des paiements.
    • L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit désormais que si le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, cette règle est écartée en cas de « paiement par compensation de créances connexes».
    • Par exception, le paiement par compensation est donc admis lorsque ses conditions sont réunies postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Conditions

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les conditions d’application de cette exception au principe d’interdiction des paiements.

Elles sont au nombre de trois :

  • Des créances certaines
    • Cela signifie qu’elles ne doivent être pas être contestables
    • Elles doivent être avérées dans leur principe
  • Des créances réciproques
    • Les personnes en présence doivent être simultanément et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre
  • Des créances connexes
    • D’abord, la jurisprudence a défini les créances connexes comme les créances issues de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1958).
    • Ensuite la Cour de cassation a également admis qu’une connexité puisse exister entre créances nées d’une convention cadre ( com. 19 avr. 2005)
    • Enfin, la jurisprudence a encore étendu la notion de connexité en l’appliquant à des créances réciproques qui se rattachaient à « plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations» ( com. 9 mai 1995).
    • Dans cette dernière hypothèse, c’est alors la notion d’opération économique qui fonde le mécanisme ( com. 19 mars 1991).

Au total, il ressort de la jurisprudence que la Cour de cassation envisage la notion de connexité de manière assez souple.

Il peut d’ailleurs être observé que la Cour de cassation n’exige pas que les créances soient liquides et exigibles pour que la compensation puisse opérer dans le cadre d’une procédure collective.

Dans un arrêt du 28 septembre 2004, elle a affirmé en ce sens que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale » (Cass. com. 28 sept. 2004).

==> Efficacité

La compensation ne pourra être efficace, soit emporter extinction de la créance, qu’à la condition que le créancier déclare ladite créance.

Cette exigence est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui estime qu’en l’absence de déclaration, la compensation sera sans effet, de sorte que la créance sera inopposable à la procédure (V. en ce sens Cass. com. 22 févr. 1994 ; Cass. com. 26 oct. 1999).

Le banquier dispensateur de crédit confronté à l’ouverture d’une procédure collective: sort des conventions bancaires

L’une des principales finalités de la procédure de sauvegarde est la poursuite de l’activité économique de l’entreprise (Art. L. 621-1 C. com.)

Pour ce faire, cela suppose de faire le tri parmi les contrats conclus avec ses partenaires commerciaux.

Tandis que certains contrats sont nécessaires à la survie de l’entreprise, d’autres constituent un poids pour elle dont il convient de se délester.

Conformément à l’article L. 622-13 du Code de commerce, ce choix appartient, en principe, à l’administrateur. Il lui appartient de déterminer les contrats dont l’exécution doit être maintenue et ceux qui doivent, soit ne pas être reconduits, soit être résiliés.

En toute hypothèse, ce choix constitue une prérogative exorbitante du droit commun, dans la mesure où l’administrateur peut, d’autorité, décider de la continuation d’un contrat d’un cours, alors même que le concontractant souhaiterait mettre un terme à la relation contractuelle ou, pis, que le débiteur a manqué à ses obligations.

Parce qu’il serait particulièrement injuste de faire peser sur le créancier, sans contrepartie, le risque d’insolvabilité du débiteur en le contraignant à poursuivre l’exécution du contrat, le législateur a instauré un régime de faveur pour ce dernier.

Pour être qualifié de contrat en cours, encore faut-il que l’acte visé endosse la qualification de contrat.

Pour mémoire, le nouvel article 1101 du Code civil définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »

Cela signifie que dès lors que la conclusion d’un acte procède d’une rencontre des volontés, le principe de continuation des contrats en cours a vocation à s’appliquer.

L’examen des textes révèle toutefois que cette règle n’est pas absolue.

Tandis qu’il est des cas où le législateur a expressément exclu du champ d’application de l’article L. 622-13 certaines catégories de contrats, la jurisprudence a, de son côté, parfois tenté d’élargir le domaine des exceptions en y incluant les contrats conclus intuitu personae.

S’il est un certain nombre de contrats qui sont expressément écartés par la loi du champ d’application du principe de continuation des contrats en cours, plus problématique a été la question de savoir si l’on devait appliquer cette exclusion, malgré le silence de la loi, à une autre catégorie d’acte : les contrats conclus intuitu personae.

La particularité de ces contrats est qu’ils sont conclus en considération de la personne du cocontractant.

Aussi, la question s’est-elle posée de savoir si l’application du principe de continuation du contrat en cours ne conduisait pas à porter une atteinte trop grande à la liberté contractuelle.

La fin (la poursuite de l’activité de l’entreprise) doit-elle justifier les moyens (maintien d’une relation non désirée) ?

Cette question s’est notamment posée en matière bancaire, les conventions portant sur les crédits d’exploitation consentis aux entreprises (conventions de compte courant et ouvertures de lignes de crédits) étant particulièrement marquée  par l’intuitu personae.

Pour mémoire lorsqu’une telle convention est conclue pour une durée indéterminée, en application de l’ancien article 60 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 – désormais codifié à l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier – la résiliation d’une telle convention par l’établissement de crédit est soumise au régime juridique suivant :

  • Principe
    • L’ancien article 60 de la loi du 24 juillet 1984 prévoyait que tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours.
    • Ainsi, la résiliation de la convention de compte courant ou d’ouverture de crédit était-elle subordonnée à l’observation d’un délai de préavis.
  • Exception
    • L’ancien article 60 de la loi du 24 juillet 1984 posait deux tempéraments à l’exigence d’observation d’un délai de préavis en cas de résiliation unilatérale de la convention de crédit d’exploitation :
      • En cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit
      • En cas de situation irrémédiablement compromise de l’emprunteur

Compte tenu de cette faculté conférée aux établissements bancaires de résilier avec ou sans préavis la convention de crédit consenti au débiteur, lors de la consécration du principe de continuation des contrats en cours à l’article 37 la loi du 25 janvier 1985, la question s’est rapidement posée de savoir si l’on devait ou non faire primer cette disposition sur l’application de l’article 60 de la loi du 24 juillet 1984.

Autrement dit, comment concilier ces deux dispositions dont il est difficile de déterminer si l’on est une qui doit déroger à l’autre ? L’adage specialia generalibus derogant n’est, manifestement, d’aucune utilité en l’espèce.

Quid de la jurisprudence ?

Il ressort des décisions rendues en la matière que la position de la Cour de cassation a sensiblement évolué.

==> Première étape : Non application du principe de continuation des contrats en cours aux conventions de compte courant

Dans la plupart des contrats synallagmatiques, la personne de l’une des parties au moins est appréciée à travers certains éléments objectifs :

  • Sa solvabilité
  • Sa notoriété
  • Ses connaissances
  • Son aptitude

C’est qualités que présente le cocontractant font, en principe, gage de la bonne exécution du contrat.

C’est la raison pour laquelle, selon une jurisprudence traditionnelle, les contrats conclus intuitu personae doivent être rompus de plein droit lors de l’ouverture d’une procédure collective.

Cette position prétorienne reposait sur le fondement de deux textes :

  • L’article 2003 du Code civil qui met fin au mandat au cas de « déconfiture » de l’une des parties, soit en cas de faillite
    • Le contrat de mandat est par essence un contrat conclu intuitu personnae
  • L’article 1865-4 du Code civil qui prévoyait, avant la réforme du 4 janvier 1978, que le règlement judiciaire ou la liquidation des biens d’un associé emportait dissolution d’une société civile.

Ainsi, sur le fondement de ces deux dispositions, la jurisprudence refusait-elle d’appliquer le principe de continuation des contrats en cours aux contrats conclus intuitu personnae.

Cependant, avec l’entrée en vigueur de la loi du 25 janvier 1985, la nécessité de redresser l’entreprise en difficulté a provoqué une évolution, tant en législation qu’en jurisprudence.

Surtout, la loi du 4 janvier 1978 modifiant les dispositions du Code civil sur les sociétés, n’a pas repris le contenu de l’ancien article 1865-4 qui prévoyait la dissolution de plein droit de la personne morale en cas de « faillite » de l’un des associés.

Le nouvel article 1860 prévoit seulement que « s’il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l’un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l’article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l’intéressé, lequel perdra alors la qualité d’associé. »

Autrement dit, l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’un des membres d’une société entraîne, sauf clause contraire des statuts ou décision unanime des coassociés, son exclusion du groupement.

L’intuitus personae dans les sociétés civiles a donc enregistré un recul avec la loi de 1978.

Sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, les magistrats ont pareillement tempéré le principe de rupture des contrats conclus intuitu personae au cas de règlement judiciaire ou liquidation des biens de l’une des parties.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a estimé, en ce sens, que l’ouverture d’une procédure contre un locataire-gérant n’avait pas pour effet d’engendrer à elle seule la résiliation de la location-gérance du fonds de commerce.

C’est surtout un arrêt de la Cour de Paris en date du 21 mai 1985 qui retient l’attention.

Les faits :

  • Lors de sa mise en règlement judiciaire, un distributeur de film était lié par un contrat de mandat professionnel à un producteur
  • Ce dernier, pour mettre un terme à la convention, s’appuyait sur l’article 2003 du Code civil, celui-là même qui prévoit la rupture de l’accord de représentation au cas de « déconfiture » de l’une des parties et qui a toujours été mis en œuvre en cas de « faillite » de l’une d’elles.

La Cour d’appel rejette la prétention du producteur.

Les juges parisiens ont refusé d’appliquer la règle d’extinction du mandat en termes dépourvus d’équivoque : « La disposition de l’article 38 de la loi de 1967 s’inscrit dans les règles qui, ayant pour fondement le sauvetage de l’entreprise en difficulté, suspendent pendant le cours de la procédure collective l’effet de l’article 2003 du Code civil : la poursuite des contrats en cours à la seule volonté du syndic qui peut l’exiger, est, en effet, l’un des moyens essentiels de la continuation de l’activité ou de l’exploitation ».

Cette volonté dont ont fait montre certains tribunaux a trouvé écho chez le législateur qui, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 1985, a adopté un article 37, al. 5 lequel dispose que « nonobstant toute disposition légale », aucune résiliation ou résolution d’un contrat en cours « ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ».

Le principe de continuation des contrats en cours aurait donc vocation à s’appliquer à tous les contrats.

Aussi, l’article 2003 du Code civil ne saurait-il désormais justifier l’exclusion de l’application de ce principe aux contrats conclus intuitu persoane en cas de déconfiture de l’une des parties.

Au fond, ce texte est neutralisé par l’article 37, alinéa 5 de la loi du 26 juillet 1985 qui prive d’efficacité « toute disposition légale visant à faire dépendre la vie d’un contrat de l’absence de procédure collective. »

C’est dans ce contexte qu’est intervenu l’arrêt du 8 décembre 1987 rendu par la Cour de cassation !

Il n’y avait désormais, plus aucune raison de faire échapper au principe de continuation des contrats en cours, les contrats conclus intuitu personnae.

==> Deuxième étape : application du principe de continuation des contrats en cours aux conventions de compte courant

Par un arrêt remarqué du 8 décembre 1987, la Cour de cassation a donc estimé que le principe de continuation des contrats en cours était dorénavant pleinement applicable aux contrats bancaires (Cass. Com. 8 déc. 1987).

Cass. Com. 8 déc. 1987
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué que la société Stratimme Cappello disposait d'un compte courant ouvert dans les livres de la Banque nationale de Paris (BNP) et bénéficiait, dans le cadre du fonctionnement de ce compte, d'un plafond d'escompte et d'un découvert dont les montants étaient déterminés, qu'elle a été mise en redressement judiciaire avec M. X... pour administrateur, que ce dernier a informé la BNP qu'usant de la faculté que lui offrait l'article 37, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, il optait pour la poursuite de la convention de compte courant, que la banque lui a répondu qu'elle considérait que le compte courant avait été clôturé de plein droit par l'effet du redressement judiciaire, que la société Stratimme Cappello et l'administrateur ont assigné la BNP devant le tribunal qui avait ouvert la procédure pour qu'il ordonne que soient continués la convention de compte courant ainsi que le plafond d'escompte et le découvert contractuellement fixés, et que les premiers juges ont accueilli cette demande ; .

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :

Vu les articles 1er et 37, alinéas 1er et 5, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que l'administrateur d'un redressement judiciaire a la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours lors du prononcé de ce redressement judiciaire sans qu'il puisse être fait de distinction selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne ; qu'il en résulte que l'administrateur doit, lorsqu'il le demande, obtenir la continuation, pendant la période d'observation, des conventions de compte courant, d'ouverture de crédits, de découvert ou d'autorisation d'escomptes en cours au jour du jugement de redressement judiciaire, sauf pour l'établissement financier à bénéficier des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et, s'il y a lieu, de celle du deuxième alinéa de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 ;

Attendu que pour décider que M. X... ne pouvait exiger le maintien de la convention de compte courant et des concours financiers antérieurement accordés par la BNP, la cour d'appel s'est fondée sur ce que ces conventions et concours avaient été consentis par la banque à la société Stratimme Cappello en considération de la personne de son client et, spécialement, de la confiance qu'il lui inspirait, après avoir énoncé, à tort, que le mécanisme de règlement simplifié et de garantie propre au compte courant s'opposait à la continuation de celui-ci et empêchait que l'on puisse tirer un solde provisoire et le déclarer ;

Attendu cependant qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches et moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 1987, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon

  • Faits
    • Une convention de compte courant est conclue entre une société et une banque.
    • Puis une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’encontre de la société
    • L’administrateur décide alors d’opter pour la continuation du contrat, conformément à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985
      • « L’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur»
    • La banque lui oppose que le compte courant aurait été clôturé de plein droit par l’effet du redressement judiciaire
  • Demande
    • Assignation de la banque par l’administrateur en vue d’obtenir la continuation de l’exécution de la convention de compte courant
  • Procédure
    • Par un arrêt du 30 janvier 1987, la Cour d’appel d’Amiens déboute l’administrateur de sa demande
    • Les juges du fond relèvent que la convention conclue entre la banque et la société faisait l’objet d’une procédure de redressement était un contrat conclu intuitu personae.
    • Or selon eux cette catégorie de contrats échapperait à l’application du principe de continuation des contrats en cours
  • Solution de la Cour de cassation
    • Par un arrêt du 8 décembre 1987, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens
    • Au soutien de sa décision, la Cour de cassation considère que « l’administrateur d’un redressement judiciaire a la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours lors du prononcé de ce redressement judiciaire sans qu’il puisse être fait de distinction selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne ; qu’il en résulte que l’administrateur doit, lorsqu’il le demande, obtenir la continuation, pendant la période d’observation, des conventions de compte courant, d’ouverture de crédits, de découvert ou d’autorisation d’escomptes en cours au jour du jugement de redressement judiciaire, sauf pour l’établissement financier à bénéficier des dispositions de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et, s’il y a lieu, de celle du deuxième alinéa de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1984»
    • Ainsi, la chambre commerciale juge que le principe de continuation des contrats en cours s’applique à tous les contrats, qu’ils présentent ou non un caractère intuitu personae.
    • L’article L. 622-13 du Code de commerce n’opère aucune distinction : il n’y avait donc pas lieu de distinguer.
    • Aussi, l’administrateur était-il parfaitement fondé à réclamer, en l’espèce, la poursuite de l’exécution de la convention de compte-courant !
  • Analyse
    • La solution adoptée ici par la Cour de cassation était loin d’être acquise.
    • À la vérité, il s’agit là d’une problématique qui, en son temps, a fortement divisé la doctrine.
    • Trois arguments ont été avancés contre l’application du principe de continuation des contrats en cours aux contrats conclus intuitu personae:
      • 1er argument
        • Certains auteurs ont soutenu l’existence d’une faculté de résiliation unilatérale des prêts consentie à durée indéterminée
          • L’article 60 de la loi du 24 janvier 1984 pour mémoire que « l’établissement de crédit n’est tenu de respecter aucun délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise».
        • Ainsi, si elle est à durée indéterminée, ce qui est le plus souvent le cas, l’ouverture de crédit en compte courant est, en vertu du droit commun. résiliable unilatéralement.
        • La loi de 1985 n’ayant pas modifié ce texte (à l’époque) il dérogerait donc au principe de continuation des contrats en cours.
        • Aussi, serait inconcevable que la survenance de la procédure collective prive le banquier de sa faculté de résiliation unilatérale.
        • Cela reviendrait à créer à sa charge un engagement perpétuel.
      • 2e argument
        • La technique même du compte courant serait incompatible avec une continuation automatique de celui-ci, puisqu’en cas de continuation, les remises postérieures au jugement d’ouverture se fondraient dans le compte et permettrait le règlement de créances antérieures ce qui est contraire au principe d’interdiction des paiements
      • 3e argument
        • La jurisprudence antérieure n’appliquait pas le principe de continuation des contrats en cours aux contrats conclus intuitu personnae
    • Bien que séduisant, ces arguments n’ont manifestement pas emporté la conviction de la Cour de cassation, laquelle était d’autant plus forte que le législateur avait abondé en ce sens deux ans plus tôt, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 1985 entrée en vigueur deux ans plus tôt abondaient en ce sens.
    • Depuis cet arrêt, les conventions de compte courant n’étaient plus exclus du champ d’application de l’article L. 622-13 du Code de commerce.

==> Troisième étape : limitation de l’application du principe de continuation des contrats en cours aux conventions de compte courant

Par un arrêt du 1er octobre 1991, la Cour de cassation a posé une limite à l’application du principe de continuation des contrats en cours aux contrats bancaires : l’article 60, al. 2 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 aux termes duquel « l’établissement de crédit n’est tenu de respecter aucun délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. »

Cass. com. 1er oct. 1991
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Tanneries Carriat, titulaire d'un compte courant à la société Bordelaise de CIC (la banque), qui lui consentait des concours, a été mise en redressement judiciaire le 7 avril 1987 ; qu'à la suite d'un accord entre M. X..., administrateur, et la banque, sur les modalités du maintien des crédits, le juge-commissaire, à la requête de l'administrateur, a ordonné le 17 avril 1987 l'ouverture dans les livres de la banque de nouveaux comptes fonctionnant dans le cadre de cet accord ; que la période d'observation a été prolongée jusqu'au 12 avril 1988 ; que, le 15 avril 1988, le Tribunal a sursis à statuer sur le plan de redressement déposé ; que, par lettre du 19 mai 1988, la banque a fait connaître à M. X... qu'elle ne maintiendrait pas les crédits et la ligne d'escompte après le 23 mai 1988 ; que M. X... a assigné la banque en référé devant le président du tribunal de grande instance afin qu'il soit enjoint à celle-ci de fournir ses prestations et de continuer ses concours dans les termes de l'ordonnance du juge-commissaire ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance ayant accueilli cette demande ;

[…]

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, ensemble l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour décider que la banque devait continuer ses concours jusqu'à décision du Tribunal sur le plan de redressement, l'arrêt énonce que la cessation par la banque, pendant la période d'observation, des crédits antérieurs poursuivis au cours de cette période, n'est pas juridiquement possible, la procédure elle-même interdisant à quiconque d'imposer sa volonté à l'administrateur et au Tribunal ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la continuation des concours bancaires par application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 n'interdit pas que ces concours soient interrompus pendant la période d'observation si les conditions fixées par l'article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984, sont réalisées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première, troisième et quatrième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre d’une société qui avait conclu avait une banque une convention de compte courant
    • Un accord est trouvé entre l’administrateur et la banque s’agissant des modalités du maintien du fonctionnement du compte
    • La période d’observation va, dans le même temps être prolongée
    • Par suite, la banque décide de refuser une ouverture de crédit et d’escompte à la société
  • Demande
    • Assignation par l’administrateur de la banque en référé en vue d’obtenir la continuation de la convention de compte courant
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 février 1989, la Cour d’appel de Pau accède à la requête de l’administrateur
    • Les juges du fond estiment que le principe posé à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 de continuation des contrats en cours fait obstacle à la décision de la banque de résilier unilatéralement la convention de compte courant à laquelle elle était partie.
    • Seul l’administrateur a le pouvoir de mettre fin à pareille convention pendant la période d’observation
  • Solution
    • Par un arrêt du 1er octobre 1991, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1985
    • Elle juge, dans cet arrêt, que « la continuation des concours bancaires par application de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 n’interdit pas que ces concours soient interrompus pendant la période d’observation si les conditions fixées par l’article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984 sont réalisées »
    • Or cette disposition prévoit que le banquier dispose de la faculté de résilier unilatéralement le contrat de prêt consenti à un client « en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise».
    • La Cour de cassation pose ainsi une limite à l’application du principe de continuation des contrats en cours aux contrats bancaires.
  • Analyse
    • Il ressort de cette décision, que la Cour de cassation a essayé de concilier l’article 60 de la loi bancaire avec l’article 622-13 du Code de commerce, soit la faculté pour le bancaire de résilier la convention de compte courant et le pouvoir de l’administrateur de contraindre le banquier à poursuivre sa relation contractuelle avec le débiteur.
    • Cette conciliation procède de l’idée que qu’il est difficilement concevable de maintenir le banquier dans les liens d’une convention de compte courant, alors que la situation du débiteur est irrémédiablement compromise
    • Cela reviendrait à imposer au banquier l’obligation de financer la liquidation judiciaire, soit de régler les dettes de l’entreprise en difficulté
    • Il échoit certes au banquier de concourir au relèvement de la situation de l’entreprise en difficulté.
    • Son concours ne saurait toutefois aller au-delà.
    • Si la Cour de cassation avait refusé l’application de l’article 60 de la loi bancaire, cela aurait eu pour effet de dissuader les banques de prendre des risques dans le financement de l’activité économique.

==> Quatrième étape : la concession au banquier dispensateur de crédit du bénéfice de priorité des créanciers postérieurs

Il ressort d’un arrêt du 9 juin 1992 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation qu’en cas de maintien du concours du banquier lors de l’ouverture d’une procédure collective, un solde provisoire doit être établi, afin qu’il puisse bénéficier du privilège dont jouissent les créanciers postérieurs (Cass. com. 9 juin 1992).

Pour mémoire, aux termes de l’article L. 622-17, I du Code de commerce « les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance »

==> Cinquième étape : encadrement de l’exercice de la faculté de résiliation du banquier dispensateur de crédit

Si, conformément à la position adoptée par la Cour de cassation, le banquier dispose de la faculté de résilier unilatéralement la convention de compte courant qui le lie au débiteur lorsque les conditions de l’ancien article 60, désormais codifié à l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, sont remplies, quid des modalités d’exercice de ce droit dans la mesure où, conformément à l’article L. 622-13 du Code de commerce, cette prérogative appartient, en principe, au seul administrateur ?

La chambre commerciale a répondu à cette question dans un arrêt du 28 juin 1994 (Cass. com. 28 juin 1994).

Cass. com. 28 juin 1994
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 19 novembre 1991), que la société Crédit du Nord (la banque) a adressé, le 28 janvier 1991, à la société Tempier Roustant (la société) une lettre de résiliation de tous ses concours, en invoquant les dispositions de l'article 60, alinéa 1er, de la loi du 24 janvier 1984 ; que, le même jour, le Tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société ; que, le 31 janvier 1991, le juge-commissaire a ordonné le maintien des concours bancaires en cours au jour du jugement d'ouverture, tandis que la société recevait la notification de la décision de la banque ; que l'administrateur judiciaire ayant assigné la banque pour obtenir le maintien de ses concours durant la période d'observation, le Tribunal a accueilli la demande ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le pourvoi, que la continuation des concours bancaires par application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 n'interdit pas que ces concours soient interrompus pendant la période d'observation si les conditions fixées par l'alinéa 1er de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 sont réalisées ; qu'en l'espèce, la banque avait dénoncé par écrit ses concours qui devaient prendre fin pendant la période d'observation à l'expiration du délai de préavis contractuel ; qu'en décidant que l'administrateur pouvait exiger le maintien de ces concours pendant la période d'observation au-delà du délai de préavis contractuel, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 60, alinéa 1er, de la loi du 24 janvier 1984 et, ensemble, l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'interruption, dans les conditions fixées par l'article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984, des concours bancaires continués pendant la période d'observation ne peut, en vertu de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, être provoquée par l'établissement de crédit pour des causes antérieures au jugement d'ouverture et doit donner lieu à une notification écrite à l'administrateur judiciaire qui, en vertu de l'alinéa 1er du même texte, a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant ; qu'en présence d'une résiliation avec préavis décidée par la banque le jour du jugement d'ouverture et en l'absence de notification de la décision de résiliation à l'administrateur judiciaire, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'ordonnance du juge-commissaire enjoignant à la banque de poursuivre ses concours durant la période d'observation devait recevoir son entier effet ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 28 janvier 1991
    • Le jour même la banque avec laquelle le débiteur a conclu une convention de compte courant lui notifie sa décision de résilier ladite convention
    • Le 31 janvier le juge commissaire ordonne le maintien de la convention de compte-courant, tandis que la société reçoit la notification de la banque
  • Demande
    • Assignation par l’administrateur de la banque en vue d’obtenir la continuation de la convention de compte courant durant la période d’observation
  • Procédure
    • Par un arrêt du 19 novembre 1991, la Cour d’appel d’Aix en Provence fait droit à la demande de l’administrateur judiciaire.
    • Les juges du fond estiment que conformément à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, l’administrateur était fondé à réclamer la continuation de la convention de compte courant
  • Moyens des parties
    • La banque soutient avoir satisfait aux conditions exigées par l’alinéa 1er de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1984.
    • Pour mémoire cette disposition prévoit que « Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours».
    • Ainsi, la banque argue-t-elle qu’elle a bien notifié le préavis à la société et que, par conséquent, elle était en droit de résilier unilatéralement la convention de compte courant
  • Problème
    • La question qui se pose est de savoir si la résiliation unilatérale, par une banque, d’une convention de compte courant notifiée le jour de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du titulaire du compte est efficace
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 juin 1994, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la banque
    • Au soutien de sa décision elle considère que « l’interruption, dans les conditions fixées par l’article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984, des concours bancaires continués pendant la période d’observation ne peut, en vertu de l’article 37, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, être provoquée par l’établissement de crédit pour des causes antérieures au jugement d’ouverture et doit donner lieu à une notification écrite à l’administrateur judiciaire qui, en vertu de l’alinéa 1er du même texte, a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant».
    • Il en résulte « qu’en présence d’une résiliation avec préavis décidée par la banque le jour du jugement d’ouverture et en l’absence de notification de la décision de résiliation à l’administrateur judiciaire»
    • Deux enseignements peuvent être retirés de cette décision :
      • D’une part, le bénéfice de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1984, à savoir la faculté pour la banque de résilier unilatéralement une convention de compte ne peut pas être provoqué par la banque si les causes de son invocation sont antérieures au jugement d’ouverture
      • D’autre part, en application de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, seul l’administrateur a la faculté de prendre la décision de l’arrêt ou de la continuation de la convention de compte courant, de sorte que c’est à lui que la banque aurait dû notifier son intention de résilier la convention de compte courant.
  • Analyse
    • Il ressort de cet arrêt que la Cour de cassation opère une distinction entre deux périodes :
      • La période antérieure à l’ouverture de la procédure
      • La période postérieure à l’ouverture de la procédure
    • Pour la chambre commerciale, la banque ne sera fondée à solliciter le bénéfice de l’ancien article qu’à la condition que les causes de la résiliation soient postérieures au jugement d’ouverture.
    • Elle précise que cela vaut tant pour l’alinéa 1er (résiliation avec préavis) que pour l’alinéa 2e (résiliation en raison de la situation du débiteur, sans préavis nécessaire) de l’article 60.
    • A contrario, cela signifie donc que la banque peut demander le bénéfice de l’article 60 si les conditions de sa réalisation sont réunies postérieurement à l’ouverture de la procédure.
    • Immédiatement, la question se pose alors de savoir pourquoi exiger que les conditions soient réalisées postérieurement à l’ouverture de la procédure pour autoriser la banque à exercer sa faculté de résiliation unilatérale ?
    • Dit autrement, pourquoi refuser le bénéfice de l’article 60 pour les conventions dont les causes de résiliation sont antérieures au jugement d’ouverture de la procédure ?
    • Pour le comprendre, il convient de se tourner vers l’article L. 622-21 du Code de commerce.
    • Cette disposition prévoit, en effet, le jugement d’ouverture d’une procédure collective arrête les poursuites.
    • Reconnaître au banquier le pouvoir de résilier une convention de compte courant en invoquant des causes antérieures au jugement d’ouverture serait revenu à admettre que les créanciers puissent poursuivre le débiteur pour le paiement de créances antérieures.
    • Or cette possibilité est formellement exclue par l’article L. 622-21 du Code de commerce !

==> Sixième étape : généralisation de l’application du principe de continuation des contrats en cours à tous les contrats conclus intuitu personae

La solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 8 décembre 1987 a été étendue à tous les contrats conclus intuitu personae, de sorte que le principe de continuation des contrats en cours est désormais applicable à tous les contrats, sans qu’il y ait lieu de distinguer.

Application :

  • Au contrat de crédit-bail
  • Au contrat de location-gérance
  • Au contrat d’entreprise
  • Au contrat d’affacturage
  • Au contrat de franchise
  • Au contrat de concession

La continuation des contrats en cours dans les procédures collectives: notion / régime

L’une des principales finalités de la procédure de sauvegarde est la poursuite de l’activité économique de l’entreprise (Art. L. 621-1 C. com.)

Pour ce faire, cela suppose de faire le tri parmi les contrats conclus avec ses partenaires commerciaux.

Tandis que certains contrats sont nécessaires à la survie de l’entreprise, d’autres constituent un poids pour elle dont il convient de se délester.

Conformément à l’article L. 622-13 du Code de commerce, ce choix appartient, en principe, à l’administrateur. Il lui appartient de déterminer les contrats dont l’exécution doit être maintenue et ceux qui doivent, soit ne pas être reconduits, soit être résiliés.

En toute hypothèse, ce choix constitue une prérogative exorbitante du droit commun, dans la mesure où l’administrateur peut, d’autorité, décider de la continuation d’un contrat d’un cours, alors même que le concontractant souhaiterait mettre un terme à la relation contractuelle ou, pis, que le débiteur a manqué à ses obligations.

Parce qu’il serait particulièrement injuste de faire peser sur le créancier, sans contrepartie, le risque d’insolvabilité du débiteur en le contraignant à poursuivre l’exécution du contrat, le législateur a instauré un régime de faveur pour ce dernier.

Cet effort constant de recherche d’équilibre entre la préservation des intérêts des créanciers et l’objectif de poursuite de l’activité de l’entreprise se retrouve, tant dans l’appréhension par la jurisprudence de la notion de contrat en cours que dans le régime juridique attaché à cette notion.

I) La notion de contrat en cours

Les actes visés par le droit d’option qui échoit à l’administrateur sont « les contrats en cours ».

L’article L. 622-13 du Code de commerce ne définit pas la notion de sorte qu’il convient de se tourner vers la jurisprudence pour en cerner les contours.

A) Un contrat

Pour être qualifié de contrat en cours, encore faut-il que l’acte visé endosse la qualification de contrat.

Pour mémoire, le nouvel article 1101 du Code civil définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »

Cela signifie que dès lors que la conclusion d’un acte procède d’une rencontre des volontés, le principe de continuation des contrats en cours a vocation à s’appliquer.

L’examen des textes révèle toutefois que cette règle n’est pas absolue.

Tandis qu’il est des cas où le législateur a expressément exclu du champ d’application de l’article L. 622-13 certaines catégories de contrats, la jurisprudence a, de son côté, parfois tenté d’élargir le domaine des exceptions en y incluant les contrats conclus intuitu personae.

  1. Les exclusions catégorielles

Plusieurs catégories de contrats échappent à l’application du principe de continuation des contrats en cours

  • Les exclusions prévues par le Code monétaire et financier
    • En application des articles L. 211-40, 330-1 et L. 330-2 du Code monétaire et financier, trois catégories de contrats sont exclues du champ d’application du principe de continuation des contrats en cours
      • Les opérations de compensation et de cessions de créances financières
      • Les contrats de garantie financière
      • Les systèmes de règlement et de livraison d’instruments financiers
  • Les exclusions prévues par le Code de commerce
    • Accord de conciliation amiable
      • Aux termes de l’article L. 611-12 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué en application de l’article
    • Les contrats de travail
      • En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, le contrat de travail échappe au régime juridique des contrats en cours ( L. 622-13 C. com.)
    • Les contrats de fiducie
      • Les contrats de fiducie échappent également à l’application de l’article L. 622-13 du Code de commerce, sauf à ce que « le débiteur conserve l’usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire. »

2. Le cas particulier des contrats conclus intuitu personae

S’il est un certain nombre de contrats qui sont expressément écartés par la loi du champ d’application du principe de continuation des contrats en cours, plus problématique a été la question de savoir si l’on devait appliquer cette exclusion, malgré le silence de la loi, à une autre catégorie d’acte : les contrats conclus intuitu personae.

La particularité de ces contrats est qu’ils sont conclus en considération de la personne du cocontractant.

Aussi, la question s’est-elle posée de savoir si l’application du principe de continuation du contrat en cours ne conduisait pas à porter une atteinte trop grande à la liberté contractuelle.

La fin (la poursuite de l’activité de l’entreprise) doit-elle justifier les moyens (maintien d’une relation non désirée) ?

Cette question s’est notamment posée en matière bancaire, les conventions portant sur les crédits d’exploitation consentis aux entreprises (conventions de compte courant et ouvertures de lignes de crédits) étant particulièrement marquée  par l’intuitu personae.

Pour mémoire lorsqu’une telle convention est conclue pour une durée indéterminée, en application de l’ancien article 60 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 – désormais codifié à l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier – la résiliation d’une telle convention par l’établissement de crédit est soumise au régime juridique suivant :

  • Principe
    • L’ancien article 60 de la loi du 24 juillet 1984 prévoyait que tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours.
    • Ainsi, la résiliation de la convention de compte courant ou d’ouverture de crédit était-elle subordonnée à l’observation d’un délai de préavis.
  • Exception
    • L’ancien article 60 de la loi du 24 juillet 1984 posait deux tempéraments à l’exigence d’observation d’un délai de préavis en cas de résiliation unilatérale de la convention de crédit d’exploitation :
      • En cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit
      • En cas de situation irrémédiablement compromise de l’emprunteur

Compte tenu de cette faculté conférée aux établissements bancaires de résilier avec ou sans préavis la convention de crédit consenti au débiteur, lors de la consécration du principe de continuation des contrats en cours à l’article 37 la loi du 25 janvier 1985, la question s’est rapidement posée de savoir si l’on devait ou non faire primer cette disposition sur l’application de l’article 60 de la loi du 24 juillet 1984.

Autrement dit, comment concilier ces deux dispositions dont il est difficile de déterminer si l’on est une qui doit déroger à l’autre ? L’adage specialia generalibus derogant n’est, manifestement, d’aucune utilité en l’espèce.

Quid de la jurisprudence ?

Il ressort des décisions rendues en la matière que la position de la Cour de cassation a sensiblement évolué.

==> Première étape : Non application du principe de continuation des contrats en cours aux conventions de compte courant

Dans la plupart des contrats synallagmatiques, la personne de l’une des parties au moins est appréciée à travers certains éléments objectifs :

  • Sa solvabilité
  • Sa notoriété
  • Ses connaissances
  • Son aptitude

C’est qualités que présente le cocontractant font, en principe, gage de la bonne exécution du contrat.

C’est la raison pour laquelle, selon une jurisprudence traditionnelle, les contrats conclus intuitu personae doivent être rompus de plein droit lors de l’ouverture d’une procédure collective.

Cette position prétorienne reposait sur le fondement de deux textes :

  • L’article 2003 du Code civil qui met fin au mandat au cas de « déconfiture » de l’une des parties, soit en cas de faillite
    • Le contrat de mandat est par essence un contrat conclu intuitu personnae
  • L’article 1865-4 du Code civil qui prévoyait, avant la réforme du 4 janvier 1978, que le règlement judiciaire ou la liquidation des biens d’un associé emportait dissolution d’une société civile.

Ainsi, sur le fondement de ces deux dispositions, la jurisprudence refusait-elle d’appliquer le principe de continuation des contrats en cours aux contrats conclus intuitu personnae.

Cependant, avec l’entrée en vigueur de la loi du 25 janvier 1985, la nécessité de redresser l’entreprise en difficulté a provoqué une évolution, tant en législation qu’en jurisprudence.

Surtout, la loi du 4 janvier 1978 modifiant les dispositions du Code civil sur les sociétés, n’a pas repris le contenu de l’ancien article 1865-4 qui prévoyait la dissolution de plein droit de la personne morale en cas de « faillite » de l’un des associés.

Le nouvel article 1860 prévoit seulement que « s’il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou règlement judiciaire atteignant l’un des associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé, dans les conditions énoncées à l’article 1843-4, au remboursement des droits sociaux de l’intéressé, lequel perdra alors la qualité d’associé. »

Autrement dit, l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’un des membres d’une société entraîne, sauf clause contraire des statuts ou décision unanime des coassociés, son exclusion du groupement.

L’intuitus personae dans les sociétés civiles a donc enregistré un recul avec la loi de 1978.

Sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, les magistrats ont pareillement tempéré le principe de rupture des contrats conclus intuitu personae au cas de règlement judiciaire ou liquidation des biens de l’une des parties.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a estimé, en ce sens, que l’ouverture d’une procédure contre un locataire-gérant n’avait pas pour effet d’engendrer à elle seule la résiliation de la location-gérance du fonds de commerce.

C’est surtout un arrêt de la Cour de Paris en date du 21 mai 1985 qui retient l’attention.

Les faits :

  • Lors de sa mise en règlement judiciaire, un distributeur de film était lié par un contrat de mandat professionnel à un producteur
  • Ce dernier, pour mettre un terme à la convention, s’appuyait sur l’article 2003 du Code civil, celui-là même qui prévoit la rupture de l’accord de représentation au cas de « déconfiture » de l’une des parties et qui a toujours été mis en œuvre en cas de « faillite » de l’une d’elles.

La Cour d’appel rejette la prétention du producteur.

Les juges parisiens ont refusé d’appliquer la règle d’extinction du mandat en termes dépourvus d’équivoque : « La disposition de l’article 38 de la loi de 1967 s’inscrit dans les règles qui, ayant pour fondement le sauvetage de l’entreprise en difficulté, suspendent pendant le cours de la procédure collective l’effet de l’article 2003 du Code civil : la poursuite des contrats en cours à la seule volonté du syndic qui peut l’exiger, est, en effet, l’un des moyens essentiels de la continuation de l’activité ou de l’exploitation ».

Cette volonté dont ont fait montre certains tribunaux a trouvé écho chez le législateur qui, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 1985, a adopté un article 37, al. 5 lequel dispose que « nonobstant toute disposition légale », aucune résiliation ou résolution d’un contrat en cours « ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ».

Le principe de continuation des contrats en cours aurait donc vocation à s’appliquer à tous les contrats.

Aussi, l’article 2003 du Code civil ne saurait-il désormais justifier l’exclusion de l’application de ce principe aux contrats conclus intuitu persoane en cas de déconfiture de l’une des parties.

Au fond, ce texte est neutralisé par l’article 37, alinéa 5 de la loi du 26 juillet 1985 qui prive d’efficacité « toute disposition légale visant à faire dépendre la vie d’un contrat de l’absence de procédure collective. »

C’est dans ce contexte qu’est intervenu l’arrêt du 8 décembre 1987 rendu par la Cour de cassation !

Il n’y avait désormais, plus aucune raison de faire échapper au principe de continuation des contrats en cours, les contrats conclus intuitu personnae.

==> Deuxième étape : application du principe de continuation des contrats en cours aux conventions de compte courant

Par un arrêt remarqué du 8 décembre 1987, la Cour de cassation a donc estimé que le principe de continuation des contrats en cours était dorénavant pleinement applicable aux contrats bancaires (Cass. Com. 8 déc. 1987).

Cass. Com. 8 déc. 1987
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué que la société Stratimme Cappello disposait d'un compte courant ouvert dans les livres de la Banque nationale de Paris (BNP) et bénéficiait, dans le cadre du fonctionnement de ce compte, d'un plafond d'escompte et d'un découvert dont les montants étaient déterminés, qu'elle a été mise en redressement judiciaire avec M. X... pour administrateur, que ce dernier a informé la BNP qu'usant de la faculté que lui offrait l'article 37, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, il optait pour la poursuite de la convention de compte courant, que la banque lui a répondu qu'elle considérait que le compte courant avait été clôturé de plein droit par l'effet du redressement judiciaire, que la société Stratimme Cappello et l'administrateur ont assigné la BNP devant le tribunal qui avait ouvert la procédure pour qu'il ordonne que soient continués la convention de compte courant ainsi que le plafond d'escompte et le découvert contractuellement fixés, et que les premiers juges ont accueilli cette demande ; .

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :

Vu les articles 1er et 37, alinéas 1er et 5, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que l'administrateur d'un redressement judiciaire a la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours lors du prononcé de ce redressement judiciaire sans qu'il puisse être fait de distinction selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne ; qu'il en résulte que l'administrateur doit, lorsqu'il le demande, obtenir la continuation, pendant la période d'observation, des conventions de compte courant, d'ouverture de crédits, de découvert ou d'autorisation d'escomptes en cours au jour du jugement de redressement judiciaire, sauf pour l'établissement financier à bénéficier des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et, s'il y a lieu, de celle du deuxième alinéa de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 ;

Attendu que pour décider que M. X... ne pouvait exiger le maintien de la convention de compte courant et des concours financiers antérieurement accordés par la BNP, la cour d'appel s'est fondée sur ce que ces conventions et concours avaient été consentis par la banque à la société Stratimme Cappello en considération de la personne de son client et, spécialement, de la confiance qu'il lui inspirait, après avoir énoncé, à tort, que le mécanisme de règlement simplifié et de garantie propre au compte courant s'opposait à la continuation de celui-ci et empêchait que l'on puisse tirer un solde provisoire et le déclarer ;

Attendu cependant qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches et moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 1987, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon

  • Faits
    • Une convention de compte courant est conclue entre une société et une banque.
    • Puis une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’encontre de la société
    • L’administrateur décide alors d’opter pour la continuation du contrat, conformément à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985
      • « L’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur»
    • La banque lui oppose que le compte courant aurait été clôturé de plein droit par l’effet du redressement judiciaire
  • Demande
    • Assignation de la banque par l’administrateur en vue d’obtenir la continuation de l’exécution de la convention de compte courant
  • Procédure
    • Par un arrêt du 30 janvier 1987, la Cour d’appel d’Amiens déboute l’administrateur de sa demande
    • Les juges du fond relèvent que la convention conclue entre la banque et la société faisait l’objet d’une procédure de redressement était un contrat conclu intuitu personae.
    • Or selon eux cette catégorie de contrats échapperait à l’application du principe de continuation des contrats en cours
  • Solution de la Cour de cassation
    • Par un arrêt du 8 décembre 1987, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens
    • Au soutien de sa décision, la Cour de cassation considère que « l’administrateur d’un redressement judiciaire a la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours lors du prononcé de ce redressement judiciaire sans qu’il puisse être fait de distinction selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne ; qu’il en résulte que l’administrateur doit, lorsqu’il le demande, obtenir la continuation, pendant la période d’observation, des conventions de compte courant, d’ouverture de crédits, de découvert ou d’autorisation d’escomptes en cours au jour du jugement de redressement judiciaire, sauf pour l’établissement financier à bénéficier des dispositions de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et, s’il y a lieu, de celle du deuxième alinéa de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1984»
    • Ainsi, la chambre commerciale juge que le principe de continuation des contrats en cours s’applique à tous les contrats, qu’ils présentent ou non un caractère intuitu personae.
    • L’article L. 622-13 du Code de commerce n’opère aucune distinction : il n’y avait donc pas lieu de distinguer.
    • Aussi, l’administrateur était-il parfaitement fondé à réclamer, en l’espèce, la poursuite de l’exécution de la convention de compte-courant !
  • Analyse
    • La solution adoptée ici par la Cour de cassation était loin d’être acquise.
    • À la vérité, il s’agit là d’une problématique qui, en son temps, a fortement divisé la doctrine.
    • Trois arguments ont été avancés contre l’application du principe de continuation des contrats en cours aux contrats conclus intuitu personae:
      • 1er argument
        • Certains auteurs ont soutenu l’existence d’une faculté de résiliation unilatérale des prêts consentie à durée indéterminée
          • L’article 60 de la loi du 24 janvier 1984 pour mémoire que « l’établissement de crédit n’est tenu de respecter aucun délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise».
        • Ainsi, si elle est à durée indéterminée, ce qui est le plus souvent le cas, l’ouverture de crédit en compte courant est, en vertu du droit commun. résiliable unilatéralement.
        • La loi de 1985 n’ayant pas modifié ce texte (à l’époque) il dérogerait donc au principe de continuation des contrats en cours.
        • Aussi, serait inconcevable que la survenance de la procédure collective prive le banquier de sa faculté de résiliation unilatérale.
        • Cela reviendrait à créer à sa charge un engagement perpétuel.
      • 2e argument
        • La technique même du compte courant serait incompatible avec une continuation automatique de celui-ci, puisqu’en cas de continuation, les remises postérieures au jugement d’ouverture se fondraient dans le compte et permettrait le règlement de créances antérieures ce qui est contraire au principe d’interdiction des paiements
      • 3e argument
        • La jurisprudence antérieure n’appliquait pas le principe de continuation des contrats en cours aux contrats conclus intuitu personnae
    • Bien que séduisant, ces arguments n’ont manifestement pas emporté la conviction de la Cour de cassation, laquelle était d’autant plus forte que le législateur avait abondé en ce sens deux ans plus tôt, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 1985 entrée en vigueur deux ans plus tôt abondaient en ce sens.
    • Depuis cet arrêt, les conventions de compte courant n’étaient plus exclus du champ d’application de l’article L. 622-13 du Code de commerce.

==> Troisième étape : limitation de l’application du principe de continuation des contrats en cours aux conventions de compte courant

Par un arrêt du 1er octobre 1991, la Cour de cassation a posé une limite à l’application du principe de continuation des contrats en cours aux contrats bancaires : l’article 60, al. 2 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 aux termes duquel « l’établissement de crédit n’est tenu de respecter aucun délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. »

Cass. com. 1er oct. 1991
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Tanneries Carriat, titulaire d'un compte courant à la société Bordelaise de CIC (la banque), qui lui consentait des concours, a été mise en redressement judiciaire le 7 avril 1987 ; qu'à la suite d'un accord entre M. X..., administrateur, et la banque, sur les modalités du maintien des crédits, le juge-commissaire, à la requête de l'administrateur, a ordonné le 17 avril 1987 l'ouverture dans les livres de la banque de nouveaux comptes fonctionnant dans le cadre de cet accord ; que la période d'observation a été prolongée jusqu'au 12 avril 1988 ; que, le 15 avril 1988, le Tribunal a sursis à statuer sur le plan de redressement déposé ; que, par lettre du 19 mai 1988, la banque a fait connaître à M. X... qu'elle ne maintiendrait pas les crédits et la ligne d'escompte après le 23 mai 1988 ; que M. X... a assigné la banque en référé devant le président du tribunal de grande instance afin qu'il soit enjoint à celle-ci de fournir ses prestations et de continuer ses concours dans les termes de l'ordonnance du juge-commissaire ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance ayant accueilli cette demande ;

[…]

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, ensemble l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour décider que la banque devait continuer ses concours jusqu'à décision du Tribunal sur le plan de redressement, l'arrêt énonce que la cessation par la banque, pendant la période d'observation, des crédits antérieurs poursuivis au cours de cette période, n'est pas juridiquement possible, la procédure elle-même interdisant à quiconque d'imposer sa volonté à l'administrateur et au Tribunal ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la continuation des concours bancaires par application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 n'interdit pas que ces concours soient interrompus pendant la période d'observation si les conditions fixées par l'article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984, sont réalisées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première, troisième et quatrième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre d’une société qui avait conclu avait une banque une convention de compte courant
    • Un accord est trouvé entre l’administrateur et la banque s’agissant des modalités du maintien du fonctionnement du compte
    • La période d’observation va, dans le même temps être prolongée
    • Par suite, la banque décide de refuser une ouverture de crédit et d’escompte à la société
  • Demande
    • Assignation par l’administrateur de la banque en référé en vue d’obtenir la continuation de la convention de compte courant
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 février 1989, la Cour d’appel de Pau accède à la requête de l’administrateur
    • Les juges du fond estiment que le principe posé à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 de continuation des contrats en cours fait obstacle à la décision de la banque de résilier unilatéralement la convention de compte courant à laquelle elle était partie.
    • Seul l’administrateur a le pouvoir de mettre fin à pareille convention pendant la période d’observation
  • Solution
    • Par un arrêt du 1er octobre 1991, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1985
    • Elle juge, dans cet arrêt, que « la continuation des concours bancaires par application de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 n’interdit pas que ces concours soient interrompus pendant la période d’observation si les conditions fixées par l’article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984 sont réalisées »
    • Or cette disposition prévoit que le banquier dispose de la faculté de résilier unilatéralement le contrat de prêt consenti à un client « en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise».
    • La Cour de cassation pose ainsi une limite à l’application du principe de continuation des contrats en cours aux contrats bancaires.
  • Analyse
    • Il ressort de cette décision, que la Cour de cassation a essayé de concilier l’article 60 de la loi bancaire avec l’article 622-13 du Code de commerce, soit la faculté pour le bancaire de résilier la convention de compte courant et le pouvoir de l’administrateur de contraindre le banquier à poursuivre sa relation contractuelle avec le débiteur.
    • Cette conciliation procède de l’idée que qu’il est difficilement concevable de maintenir le banquier dans les liens d’une convention de compte courant, alors que la situation du débiteur est irrémédiablement compromise
    • Cela reviendrait à imposer au banquier l’obligation de financer la liquidation judiciaire, soit de régler les dettes de l’entreprise en difficulté
    • Il échoit certes au banquier de concourir au relèvement de la situation de l’entreprise en difficulté.
    • Son concours ne saurait toutefois aller au-delà.
    • Si la Cour de cassation avait refusé l’application de l’article 60 de la loi bancaire, cela aurait eu pour effet de dissuader les banques de prendre des risques dans le financement de l’activité économique.

==> Quatrième étape : la concession au banquier dispensateur de crédit du bénéfice de priorité des créanciers postérieurs

Il ressort d’un arrêt du 9 juin 1992 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation qu’en cas de maintien du concours du banquier lors de l’ouverture d’une procédure collective, un solde provisoire doit être établi, afin qu’il puisse bénéficier du privilège dont jouissent les créanciers postérieurs (Cass. com. 9 juin 1992).

Pour mémoire, aux termes de l’article L. 622-17, I du Code de commerce « les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance »

==> Cinquième étape : encadrement de l’exercice de la faculté de résiliation du banquier dispensateur de crédit

Si, conformément à la position adoptée par la Cour de cassation, le banquier dispose de la faculté de résilier unilatéralement la convention de compte courant qui le lie au débiteur lorsque les conditions de l’ancien article 60, désormais codifié à l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, sont remplies, quid des modalités d’exercice de ce droit dans la mesure où, conformément à l’article L. 622-13 du Code de commerce, cette prérogative appartient, en principe, au seul administrateur ?

La chambre commerciale a répondu à cette question dans un arrêt du 28 juin 1994 (Cass. com. 28 juin 1994).

Cass. com. 28 juin 1994
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 19 novembre 1991), que la société Crédit du Nord (la banque) a adressé, le 28 janvier 1991, à la société Tempier Roustant (la société) une lettre de résiliation de tous ses concours, en invoquant les dispositions de l'article 60, alinéa 1er, de la loi du 24 janvier 1984 ; que, le même jour, le Tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société ; que, le 31 janvier 1991, le juge-commissaire a ordonné le maintien des concours bancaires en cours au jour du jugement d'ouverture, tandis que la société recevait la notification de la décision de la banque ; que l'administrateur judiciaire ayant assigné la banque pour obtenir le maintien de ses concours durant la période d'observation, le Tribunal a accueilli la demande ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le pourvoi, que la continuation des concours bancaires par application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 n'interdit pas que ces concours soient interrompus pendant la période d'observation si les conditions fixées par l'alinéa 1er de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984 sont réalisées ; qu'en l'espèce, la banque avait dénoncé par écrit ses concours qui devaient prendre fin pendant la période d'observation à l'expiration du délai de préavis contractuel ; qu'en décidant que l'administrateur pouvait exiger le maintien de ces concours pendant la période d'observation au-delà du délai de préavis contractuel, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 60, alinéa 1er, de la loi du 24 janvier 1984 et, ensemble, l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que l'interruption, dans les conditions fixées par l'article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984, des concours bancaires continués pendant la période d'observation ne peut, en vertu de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, être provoquée par l'établissement de crédit pour des causes antérieures au jugement d'ouverture et doit donner lieu à une notification écrite à l'administrateur judiciaire qui, en vertu de l'alinéa 1er du même texte, a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant ; qu'en présence d'une résiliation avec préavis décidée par la banque le jour du jugement d'ouverture et en l'absence de notification de la décision de résiliation à l'administrateur judiciaire, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'ordonnance du juge-commissaire enjoignant à la banque de poursuivre ses concours durant la période d'observation devait recevoir son entier effet ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 28 janvier 1991
    • Le jour même la banque avec laquelle le débiteur a conclu une convention de compte courant lui notifie sa décision de résilier ladite convention
    • Le 31 janvier le juge commissaire ordonne le maintien de la convention de compte-courant, tandis que la société reçoit la notification de la banque
  • Demande
    • Assignation par l’administrateur de la banque en vue d’obtenir la continuation de la convention de compte courant durant la période d’observation
  • Procédure
    • Par un arrêt du 19 novembre 1991, la Cour d’appel d’Aix en Provence fait droit à la demande de l’administrateur judiciaire.
    • Les juges du fond estiment que conformément à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, l’administrateur était fondé à réclamer la continuation de la convention de compte courant
  • Moyens des parties
    • La banque soutient avoir satisfait aux conditions exigées par l’alinéa 1er de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1984.
    • Pour mémoire cette disposition prévoit que « Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours».
    • Ainsi, la banque argue-t-elle qu’elle a bien notifié le préavis à la société et que, par conséquent, elle était en droit de résilier unilatéralement la convention de compte courant
  • Problème
    • La question qui se pose est de savoir si la résiliation unilatérale, par une banque, d’une convention de compte courant notifiée le jour de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du titulaire du compte est efficace
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 juin 1994, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la banque
    • Au soutien de sa décision elle considère que « l’interruption, dans les conditions fixées par l’article 60, alinéa 1er ou alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1984, des concours bancaires continués pendant la période d’observation ne peut, en vertu de l’article 37, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, être provoquée par l’établissement de crédit pour des causes antérieures au jugement d’ouverture et doit donner lieu à une notification écrite à l’administrateur judiciaire qui, en vertu de l’alinéa 1er du même texte, a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant».
    • Il en résulte « qu’en présence d’une résiliation avec préavis décidée par la banque le jour du jugement d’ouverture et en l’absence de notification de la décision de résiliation à l’administrateur judiciaire»
    • Deux enseignements peuvent être retirés de cette décision :
      • D’une part, le bénéfice de l’article 60 de la loi du 24 janvier 1984, à savoir la faculté pour la banque de résilier unilatéralement une convention de compte ne peut pas être provoqué par la banque si les causes de son invocation sont antérieures au jugement d’ouverture
      • D’autre part, en application de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, seul l’administrateur a la faculté de prendre la décision de l’arrêt ou de la continuation de la convention de compte courant, de sorte que c’est à lui que la banque aurait dû notifier son intention de résilier la convention de compte courant.
  • Analyse
    • Il ressort de cet arrêt que la Cour de cassation opère une distinction entre deux périodes :
      • La période antérieure à l’ouverture de la procédure
      • La période postérieure à l’ouverture de la procédure
    • Pour la chambre commerciale, la banque ne sera fondée à solliciter le bénéfice de l’ancien article qu’à la condition que les causes de la résiliation soient postérieures au jugement d’ouverture.
    • Elle précise que cela vaut tant pour l’alinéa 1er (résiliation avec préavis) que pour l’alinéa 2e (résiliation en raison de la situation du débiteur, sans préavis nécessaire) de l’article 60.
    • A contrario, cela signifie donc que la banque peut demander le bénéfice de l’article 60 si les conditions de sa réalisation sont réunies postérieurement à l’ouverture de la procédure.
    • Immédiatement, la question se pose alors de savoir pourquoi exiger que les conditions soient réalisées postérieurement à l’ouverture de la procédure pour autoriser la banque à exercer sa faculté de résiliation unilatérale ?
    • Dit autrement, pourquoi refuser le bénéfice de l’article 60 pour les conventions dont les causes de résiliation sont antérieures au jugement d’ouverture de la procédure ?
    • Pour le comprendre, il convient de se tourner vers l’article L. 622-21 du Code de commerce.
    • Cette disposition prévoit, en effet, le jugement d’ouverture d’une procédure collective arrête les poursuites.
    • Reconnaître au banquier le pouvoir de résilier une convention de compte courant en invoquant des causes antérieures au jugement d’ouverture serait revenu à admettre que les créanciers puissent poursuivre le débiteur pour le paiement de créances antérieures.
    • Or cette possibilité est formellement exclue par l’article L. 622-21 du Code de commerce !

==> Sixième étape : généralisation de l’application du principe de continuation des contrats en cours à tous les contrats conclus intuitu personae

La solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 8 décembre 1987 a été étendue à tous les contrats conclus intuitu personae, de sorte que le principe de continuation des contrats en cours est désormais applicable à tous les contrats, sans qu’il y ait lieu de distinguer.

Application :

  • Au contrat de crédit-bail
  • Au contrat de location-gérance
  • Au contrat d’entreprise
  • Au contrat d’affacturage
  • Au contrat de franchise
  • Au contrat de concession

B) Un contrat en cours

Si l’article L. 622-13 du Code de commerce ne dit pas ce qu’est un contrat en cours, en devine qu’il s’agit:

  • d’une part, d’un contrat définitivement formé
  • d’autre part, d’un contrat dont l’exécution n’est pas achevée.

Si, la première condition ne soulève pas difficulté, plus délicate est l’appréhension de la seconde qui interroge sur deux points :

  • Quid de la date d’efficacité de la résiliation / résolution d’un contrat ?
  • À partir de quand considérer qu’un contrat est intégralement exécuté ?

Un contrat en cours ne peut, a priori, s’entendre que comme un contrat, non arrivé à son terme, non résilié ou résolu et non intégralement exécuté.

  1. Un contrat non arrivé à son terme

Un contrat en cours est celui dont le terme n’est pas intervenu. Par terme, il faut entendre, non pas l’événement dont dépend l’exigibilité de l’obligation, mais celui qui produit un effet extinctif.

Dans cette hypothèse, tant que l’événement stipulé dans le contrat ne s’est pas réalisé, le débiteur doit s’exécuter. Le contrat peut, en conséquence, être regardé comme étant « en cours ».

Lorsque, en revanche, l’échéance fixée se réalise, le contrat est aussitôt anéanti.

Si donc le terme intervient avant le jugement d’ouverture, l’article L. 622-13 du Code de commerce sera inapplicable.

Dans le cas contraire, l’administrateur disposera de sa faculté d’opter pour la continuation du contrat.

2. Un contrat non résilié ou résolu

Pour être en cours, le contrat ne doit pas avoir été anéanti avant l’ouverture de la procédure collective. Or tel est l’effet produit par l’acte de résiliation ou de résolution.

Aussi, dès lors que la résiliation ou la résolution de l’acte est définitivement acquise avant le prononcé du jugement d’ouverture, le principe de continuation des contrats en cours est inapplicable.

Encore faudra-t-il néanmoins être en mesure de déterminer la date à compter de laquelle la résiliation est acquise, ce qui n’est pas souvent aisé, notamment en matière de bail commercial.

Quid, en effet, de l’hypothèse où un congé est régulièrement notifié au débiteur avant le jugement d’ouverture et qu’il prend effet après cette date ?

Doit-on considérer que le contrat de bail a pris fin au jour de la notification du congé ou à la date d’expiration du congé ?

Cette question a donné lieu à l’intervention de l’assemblée plénière qui y a donné une réponse dans un arrêt du 7 mai 2004 (Cass. ass. plén. 7 mai 2004).

Cass. ass. plén. 7 mai 2004
La société Dumas et M. Luigi Y... agissant en qualité d’administrateur judiciaire du redressement judiciaire de cette société, se sont pourvus en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon (3ème chambre) en date du 20 janvier 1995 ;

Cet arrêt a été cassé le 17 février 1998 par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Chambéry qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 1er février 2002 dans le même sens que la cour d’appel de Lyon par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l’arrêt de cassation ;

Un pourvoi ayant été formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, M. le premier président a, par ordonnance du 23 décembre 2003, renvoyé la cause et les parties devant l’Assemblée plénière.

Le demandeur invoque, devant l’Assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Gatineau, avocat de M. Philippe X..., agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Dumas ;

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lesourd, avocat de la SCI Dumas ;

Le rapport écrit de M. Gillet, conseiller, et le projet d’avis écrit de M. de Gouttes, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

(...)

Sur le premier moyen :

Vu les articles 5 et 7 du décret du 30 septembre 1953 devenus les articles L. 145-9 et L. 145-12 du Code de commerce, et l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que le bail commercial renouvelé après délivrance d’un congé est un nouveau bail, le précédent cessant par l’effet du congé ; qu’il en résulte qu’il ne constitue pas un contrat en cours dont l’administrateur du redressement judiciaire du preneur peut exiger l’exécution ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Com., 17 février 1998, Bull., IV, n° 72) que, le 30 juin 1993, la société civile immobilière Dumas (la SCI) a délivré à sa locataire la société anonyme Dumas (la société) un congé pour le 31 décembre 1993, date d’expiration du bail commercial conclu entre elles le 8 octobre 1984, en proposant le renouvellement de ce bail pour un loyer supérieur au précédent ; qu’après avoir accepté le principe du renouvellement en contestant le loyer proposé, la société a été mise en redressement judiciaire le 22 décembre 1993 ; que, le 31 décembre 1993, la SCI a mis l’administrateur en demeure de se prononcer sur la poursuite du bail ; que celui-ci a répondu, le 11 février 1994, qu’il entendait "poursuivre" le bail aux conditions initiales ; que la SCI a assigné la société et son administrateur en résiliation du bail, expulsion et paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour accueillir ces demandes, l’arrêt retient que le congé n’a pas mis fin aux relations contractuelles qui se poursuivaient après l’expiration du bail initial et que le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois entraîne une présomption irréfragable de renonciation à la poursuite du contrat ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors que, le bail en vigueur à la date d’ouverture de la procédure collective étant arrivé à son terme, les relations entre les parties ne pouvaient se poursuivre qu’en vertu d’un nouveau bail, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un contrat en cours au sens du dernier des textes susvisés, la cour d’appel a violé lesdits textes ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er février 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Riom ;

  • Faits
    • Le 8 octobre 1984, une SCI a donné à bail commercial des locaux à la société Dumas.
    • Le 30 juin 1993 elle lui délivre un congé pour le 31 décembre 1993, accompagné d’une offre de renouvellement pour un loyer supérieur au précédent avec exclusion de certains locaux.
    • Le 26 juillet 1993, le locataire a accepté le principe du renouvellement sans donner son accord sur le montant du nouveau loyer.
    • Le 22 décembre 1993, le preneur a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
    • Le 31 décembre 1993, le bailleur, inquiet pour la conservation de ses droits, a adressé une mise en demeure à l’administrateur de se prononcer sur la continuation du
    • L’administrateur, non informé des stipulations du bail en cours lors de l’ouverture de la procédure collective n’a pu demander communication d’une copie du contrat de bail et du congé délivré au preneur que le 20 janvier 1994.
    • Ces documents lui étant parvenus le 27 janvier 1994, le 11 février 1994, il décidait de continuer le bail renouvelé aux conditions de l’ancien contrat.
    • Les 18 et 28 mars 1994, la SCI, invoquant le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois, l’a assigné avec la société en résiliation du bail.
  • Demande
    • La SCI bailleuse demande la résiliation du bail
  • Procédure
    • Les juges du fond (CA Lyon 20 janv. 1995) font droit à sa demande en relevant que le congé n’avait pas mis fin au contrat de bail initial et que le défaut de réponse dans le délai d’un mois de l’administrateur judiciaire avait entraîné une présomption irréfragable de renonciation à la poursuite du contrat.
    • Dans un premier arrêt du 17 février 1998, la Cour de cassation casse et annule cette décision ( com. 17 févr. 1998).
    • La chambre commerciale estime que « à la date de la mise en demeure adressée à l’administrateur, le bail en cours à la date de l’ouverture de la procédure collective arrivait à son terme et un nouveau bail était susceptible d’être conclu après fixation du montant du loyer, de sorte que les dispositions de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 étaient sans application en l’espèce»
    • Par un arrêt du 1er février 2002, la Cour d’appel de Chambéry statuant sur renvoi va résister à la position adoptée par la Chambre commerciale et accéder à la requête de la SCI qui revendiquait le bénéfice de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985.
    • Les juges du fond estiment que :
      • D’une part, le congé délivré par la SCI n’a pas mis fin aux relations contractuelles qu’elle entretenait avec la société preneur
        • Pour la Cour d’appel le renouvellement a été accepté dans son principe, de sorte que le congé a été privé d’effet
      • D’autre part, le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois, entraine, conformément à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 une renonciation à la poursuite du contrat !
  • Enjeux du débat
    • L’article 37, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, codifié à l’article L. 622-13 du Code du commerce, confère à l’administrateur le pouvoir d’exiger l’exécution des contrats en cours.
    • Cette disposition organise donc un droit d’option régissant la continuation des contrats en cours au jour du redressement judiciaire.
    • L’exercice de ce droit varie selon que l’administrateur reçoit ou non une lettre de mise en demeure.
    • Ce dernier dispose alors d’un délai d’un mois pour se prononcer sur le sort du contrat, ce délai pouvant être réduit ou prolongé par le juge-commissaire dans le délai de deux mois, ce que n’a pas demandé, en l’espèce, l’administrateur de la société Dumas .
    • La SCI Dumas, en application de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, a mis en demeure l’administrateur au redressement judiciaire de se prononcer sur la poursuite du bail le 31 décembre 1993, soit au jour de l’échéance du congé qu’elle avait délivré au preneur
    • Elle lui a indiqué, par ailleurs, qu’à défaut de réponse dans le mois il serait présumé y avoir renoncé.
    • Ce n’est que le 11 février 1994 que l’administrateur a informé la SCI de sa décision de poursuivre le
    • La notion de contrat en cours est donc au cœur de l’espèce.
    • Selon que le bail commercial arrivé à son terme est qualifié ou non de contrat en cours, le délai d’un mois prévu à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 est applicable à la prise de position de l’administrateur ou ne l’est pas.
      • Si ce délai de l’article 37 est applicable, la SCI est habilitée à assigner l’administrateur avec la société en résiliation du bail, car on serait en présence d’un contrat en cours
      • Si le délai de l’article 37 n’est pas applicable, cela signifie que l’on est en présence d’un nouveau contrat de bail.
        • Or le défaut de réponse à la mise en demeure de l’administrateur n’entraine résiliation de plein droit que des seuls contrats en cours
        • Cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer aux nouveaux contrats.
      • C’est là tout l’enjeu de la qualification de contrat en cours.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 mai 2004, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • L’assemblée plénière estime en l’espèce que « le bail commercial renouvelé après délivrance d’un congé est un nouveau bail, le précédent cessant par l’effet du congé ; qu’il en résulte qu’il ne constitue pas un contrat en cours dont l’administrateur du redressement judiciaire du preneur peut exiger l’exécution»
    • Autrement dit, pour la haute juridiction, en raison de la délivrance d’un congé au preneur, le bail était arrivé à son terme.
    • Il en résulte que les parties étaient liées, en réalité, par un nouveau contrat de bail
    • Dès lors, pour la Cour de cassation le bailleur n’était pas fondé à se prévaloir de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, cette disposition n’ayant vocation à s’appliquer qu’aux contrats en cours !
    • Au fond, en raison du congé délivré au bailleur, il y a eu une rupture de la continuité du contrat de bail.
    • Pour la Cour de cassation, il aurait donc fallu que le congé ait été délivré après le jugement d’ouverture pour que l’on soit en présence d’un contrat en cours.
    • En définitive, il ressort de cette définition que la délivrance d’un congé consomme l’extinction du bail.

3. Un contrat non intégralement exécuté

Le contrat non intégralement exécuté est celui dont les effets ne sont pas totalement épuisés.

Autrement dit, dès lors que toutes les obligations du contrat n’ont pas été exécutées au jour du jugement d’ouverture, l’article L. 622-13 du Code de commerce est, a priori, applicable.

Il ressort de la jurisprudence qu’il convient, en réalité, de distinguer selon que la prestation caractéristique a ou non été fournie.

==> La prestation caractéristique a été fournie

Dans cette hypothèse, le contrat échappe au principe de continuation des contrats en cours.

En matière de contrat de vente, il conviendra néanmoins de distinguer plusieurs situations :

  • En présence d’un transfert de propriété avant le jugement d’ouverture
    • Lorsque, dans un contrat de vente, le transfert de propriété est intervenu avant le jugement d’ouverture, le principe de continuation des contrats en cours est inapplicable
    • Dans un arrêt du 9 avril 1991, la Cour de cassation censure une Cour d’appel pour avoir qualifié de contrat en cours un contrat de vente « alors que les créances des sociétés pour les sommes échues après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire avaient leur origine dans le contrat de vente et le contrat de prêt conclus antérieurement et que ces contrats n’étaient plus en cours au sens de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, le transfert de propriété des immeubles vendus s’étant, en l’espèce, réalisé dès la signature de l’acte de vente et le montant du prêt ayant été versé par la SOFREA» ( com. 9 avr. 1991).
  • En présence d’un transfert de propriété après le jugement d’ouverture
    • Il de s’agit donc de l’hypothèse où le paiement du prix est effectué antérieurement au jugement d’ouverture et que le transfert de propriété s’opère durant la période d’observation.
    • Dans un arrêt du 1er février 2001, la Cour de cassation que le principe de continuation des contrats en cours redevenait pleinement applicable.
    • Elle a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait décidé « que le contrat de vente de l’immeuble dont l’une des clauses subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix est un contrat de vente à terme n’incluant pas un prêt et que ce contrat était en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix restant à payer » ( com. 1er févr. 2001).
  • En présence d’une clause de réserve de propriété
    • Conformément au nouvel article 2367, al. 2 du Code civil, ma clause de réserve de propriété s’analyse comme « l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement.»
    • Combiné à l’article L. 624-16, al. 4 du Code de commerce qui prévoit que la revendication du bien vendu sous réserve de propriété peut être écartée lorsque le prix est payé immédiatement avec autorisation du juge commissaire, on peut en déduire que, la vente assortie d’une clause de réserve de propriété dont le prix n’a pas été payé avant le jugement d’ouverture, ne peut pas être regardée comme un contrat en cours.
    • Telle est la solution qui a été retenue par la Cour de cassation dans un arrêt, remarqué, du 3 avril. 2001 ( com. 3 avr. 2001).
  • En présence d’une promesse unilatérale de vente
    • La Cour de cassation a jugé, en matière de promesse unilatérale de vente, que pour être un contrat en cours la levée de l’option doit intervenir après le jugement d’ouverture ( com., 3 mai 2011, n° 10-18.031).
    • La chambre commerciale justifie cette solution en soutenant que la « vente ne devient parfaite que par la levée d’option pendant la période d’observation».

==> La prestation caractéristique n’a pas été fournie

Dans cette hypothèse, le contrat est susceptible de faire l’objet d’une continuation par l’administrateur.

Tel sera le cas en matière de prêt, lorsque les fonds prêtés ne sont pas intégralement remis à l’emprunteur.

Dans un arrêt du 2 mars 1993, la Cour de cassation a considéré en ce sens s’agissant de contrats de prêt que « dès lors qu’il n’est pas allégué que les fonds n’avaient pas été intégralement remis à l’emprunteur avant l’ouverture du redressement judiciaire, [ils] n’étaient pas des contrats en cours au sens de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 » (Cass. com. 2 mars 1993).

Cass. com. 2 mars 1993
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt déféré (Lyon, 28 septembre 1990), que la Société de développement régional du Sud-Est (la SDR) a consenti en 1982 deux prêts à la Société civile immobilière du 5 de la rue Ampère à Lyon (la SCI) remboursables chacun en onze annuités ; que la SCI ayant été mise en redressement judiciaire, la SDR a déclaré sa créance ;
Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'avoir admis au titre de la créance de la SDR le montant des intérêts à échoir du jour du jugement d'ouverture de la procédure jusqu'au jour des échéances fixées pour diverses annuités alors, selon le pourvoi, que l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 précise qu'outre les indications prévues à l'article 51 de la loi du 25 janvier 1985, la déclaration de créance contient en particulier les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont retenu la conformité d'une déclaration précisant simplement le montant des intérêts à échoir sans indiquer le mode de calcul de ces intérêts ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 67 du décret précité ;

Mais attendu que l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 n'exige l'indication des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas interrompu que dans le cas où le montant des intérêts ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel n'a pas répondu au moyen des conclusions de la SCI selon lequel la poursuite des contrats de prêt en cours après le jugement arrêtant le plan de redressement ne pouvait être fondée sur les dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, applicables à la seule période d'observation en sorte que ces contrats se trouvaient résiliés ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'à défaut par le jugement arrêtant le plan de redressement de l'entreprise de l'avoir décidé, les contrats de prêt litigieux ne sauraient avoir été poursuivis ; qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 61, 62 et 64 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que les contrats de prêt litigieux, dès lors qu'il n'est pas allégué que les fonds n'avaient pas été intégralement remis à l'emprunteur avant l'ouverture du redressement judiciaire, n'étaient pas des contrats en cours au sens de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de l'application de ce texte, n'encourt pas la critique formulée par le troisième moyen ; d'où il suit qu'aucun des moyens n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

II) Le régime des contrats en cours

Aux termes de l’article L. 622-13 du Code de commerce, « l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. »

Deux points doivent ici être envisagés :

  • L’exercice de l’option
  • Les effets de l’option

A) Le mécanisme de l’option

  1. La titularité de l’option

Deux situations doivent être distinguées :

==> En présence d’un administrateur

Lorsqu’un administrateur est désigné, soit pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 3.000.000 euros et employant au moins 20 salariés, les termes de l’article L. 622-13 du Code de commerce sont extrêmement clairs : l’administrateur a seul pouvoir d’opter pour la continuation des contrats en cours.

==> En l’absence d’administrateur

L’article L. 627-2 du Code de commerce prévoit, dans cette hypothèse, que « le débiteur exerce, après avis conforme du mandataire judiciaire, la faculté ouverte à l’administrateur de poursuivre des contrats en cours et de demander la résiliation du bail en application des articles L. 622-13 et L. 622-14 »

Cette disposition ajoute que « en cas de désaccord, le juge-commissaire est saisi par tout intéressé. »

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 26 juillet 2005, la question s’était posée de savoir si le débiteur devait obtenir l’autorisation du juge commissaire uniquement pour la décision de continuer un contrat en cours ou s’il devait également solliciter ladite autorisation pour mettre un terme à la relation contractuelle.

L’ancien article L. 621-137 du Code de commerce disposait en effet que « le débiteur exerce les fonctions dévolues à celui-ci par l’article L. 621-37 ; il exerce la faculté ouverte par l’article L. 621-122 et par l’article L. 621-28 s’il y est autorisé par le juge-commissaire »

Dans un arrêt du 9 janvier 1996, la chambre commerciale a estimé que « s’agissant de l’exercice de l’option prévue à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, que, dans la procédure simplifiée de redressement judiciaire, en l’absence d’administrateur, l’autorisation du juge-commissaire n’est requise par l’article 141 de la même loi que pour l’exercice par le débiteur de la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours et non pour renoncer à leur poursuite » (Cass. com. 9 janv. 1996).

Pour les auteurs, tout porte à croire que cette jurisprudence est applicable au nouvel article L. 627-2 du Code de commerce, à tout le moins les termes de cette disposition n’imposent pas formellement au débiteur de solliciter l’avis conforme du mandataire judiciaire quant à la renonciation d’un contrat en cours.

2. Les modalités de l’option

a) Le caractère d’ordre public de l’option

Aux termes de l’article L. 622-13, I « nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. »

La faculté d’opter pour la continuation d’un contrat en cours est ainsi un droit d’ordre public. Il ne peut donc pas y être dérogé par convention contraire.

Cela signifie que l’administrateur jouit d’une liberté totale pour opter.

b) L’exercice de l’option

Dans la mesure où l’option appartient au seul administrateur, le cas échéant au débiteur, deux situations doivent être envisagées :

==> L’administrateur prend l’initiative d’exercer l’option

  • L’administrateur opte pour la continuation du contrat en cours
    • L’article L. 622-13 du Code de commerce n’exigeait pas de l’administrateur qu’il manifeste de façon expresse sa volonté de poursuivre un contrat en cours.
    • Et pour cause, en cas d’inaction de ce dernier, tant que le cocontractant ne s’est pas manifesté le contrat se poursuit de plein droit.
    • Dans un arrêt du 7 novembre 2006, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait estimé que « la société Hygeco n’avait pas mis en demeure l’administrateur d’avoir à se prononcer sur la poursuite du contrat en cours et relevé que ni l’administrateur ni la société Hygeco n’avait demandé l’exécution du contrat, retient que les dispositions de l‘article L. 621-28, alinéa 3, du code de commerce, édictant qu’à défaut de paiement dans les conditions prévues, le contrat est résilié de plein droit»
    • La Cour de cassation retient à l’inverse que « l’administrateur n’avait ni expressément ni tacitement opté pour la continuation du contrat, de sorte que sa non-exécution par cet administrateur n’avait pu entraîner sa résiliation de plein droit » ( com. 7 nov. 2006).
    • Ainsi, la décision de l’administrateur d’opter pour la continuation d’un contrat en cours peut être tacite et notamment se déduire de l’exécution du contrat par le débiteur postérieurement à l’ouverture de la procédure.
    • Toutefois, il prend un risque à ne pas se prononcer explicitement.
    • L’article L. 622-13, V prévoit, en effet, que « si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif.»
    • En toute hypothèse, si l’administrateur choisi d’opter pour la continuation du contrat en cours, l’article L. 622-13, II formule deux préconisations
      • Première préconisation
        • Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant.
      • Seconde préconisation
        • S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
  • L’administrateur renonce à la continuation du contrat en cours
    • Droit antérieur
      • De la même manière que lorsqu’il opte pour la continuation du contrat en cours, antérieurement à 2008 il n’était pas nécessaire que la décision de renonciation de l’administrateur soit expresse.
      • L’article L. 622-13 n’interdisait pas que cette décision soit tacite, pour autant que l’acte de renonciation en lui-même ne soit pas équivoque.
      • À l’instar de la décision de poursuite d’un contrat en cours qui peut être vécu par le cocontractant comme une atteinte à sa liberté contractuelle, le choix de l’administrateur de renoncer à une relation contractuelle peut tout autant être perçu comme une atteinte à un droit acquis, notamment lorsqu’il s’agit d’un contrat de bail.
      • Aussi, la question s’est-elle posée de savoir comment concilier le droit pour l’administrateur de renoncer à un contrat en cours et le droit au bail dont jouit le cocontractant lorsqu’il endosse la qualité de preneur ?
      • Dans un arrêt du 19 mai 2004, la Cour de cassation a estimé que « la renonciation de l’administrateur à la poursuite du contrat n’entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice et qu’une telle demande n’entre pas dans les attributions du juge-commissaire »
      • Faits
        • Conclusion de baux commerciaux entre deux sociétés
        • La société bailleur fait par la suite l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
        • Dans le cadre de cette procédure l’administrateur décide de résilier les baux, ce qui a été validé par le juge-commissaire
      • Demande
        • Le preneur conteste devant le Tribunal la résiliation des baux dont elle bénéficie
      • Procédure
        • Par un arrêt du 7 juin 2001, la Cour d’appel de Lyon juge l’appel interjeté par la société preneuse irrecevable.
        • Les juges du fond estiment qu’il appartient au seul juge-commissaire de statuer sur le sort des contrats en cours.
        • La résiliation du bail était dans ces conditions parfaitement fondée puisque validée par le juge-commissaire, puis par le Tribunal
      • Solution
        • Par un arrêt du 19 mai 2004, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1958
        • La Cour de cassation estime en l’espèce « qu’en l’absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation de l’administrateur à la poursuite du contrat n’entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice et qu’une telle demande n’entre pas dans les attributions du juge-commissaire»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale, en matière de contrat de bail, la renonciation par l’administrateur au contrat de bail produit pour seul effet, non pas de mettre un terme au contrat, mais d’ouvrir le droit au preneur de saisir le Tribunal compétent en vue d’obtenir la résiliation en justice.
        • Aussi, le preneur pourra-t-il, s’il le souhaite, conserver le bénéfice de son bail.
  • Droit positif
    • L’ordonnance du 18 décembre 2008 a introduit à l’article L. 622-13 un IV qui prévoit désormais que « à la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant».
    • Ainsi, dans l’hypothèse où l’administrateur n’a pas été mis en demeure d’opter, la résiliation du contrat en cours n’opère pas de plein droit .
    • Pour être effective, la résiliation doit satisfaire à 3 trois conditions cumulatives :
      • Elle doit être judiciairement prononcée par le juge-commissaire
      • Elle doit être nécessaire à la sauvegarde du débiteur
      • Elle ne doit pas porter une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant
    • Il ressort de cette disposition que le pouvoir de renonciation spontanée de l’administrateur à la poursuite d’un contrat en cours est désormais très encadré.

==> L’administrateur ne prend pas l’initiative d’exercer l’option

Afin de ne pas laisser le cocontractant dans l’incertitude, l’article L. 622-13 du Code de commerce lui offre la possibilité d’interpeller l’administrateur aux fins d’obtenir une réponse quant à sa volonté d’opter.

Cette disposition prévoit que « après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l’administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ».

Il ressort de cette disposition que lorsque l’administrateur n’a pas exercé son option, plusieurs étapes sont susceptibles de déterminer le sort du contrat en cours.

  • Première étape : la mise en demeure de l’administrateur
    • Le cocontractant du débiteur peut mettre en demeure l’administrateur d’opter
    • Tant qu’aucune décision n’a été prise, l’exécution du contrat en cours se poursuit.
  • Deuxième étape : l’ouverture d’un délai d’un mois à l’administrateur
    • La mise en demeure de l’administrateur ouvre un délai d’un mois à l’expiration duquel l’administrateur est réputé avoir renoncé au contrat.
    • Le délai a pour point de départ la date de réception par l’administrateur de la mise en demeure.
    • L’article R. 622-13 du Code de commerce précise que le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats en cours ainsi que la date de cette résiliation.
  • Troisième étape : la possible réduction ou prolongation du délai d’un mois
    • Tant que le délai d’un mois n’est pas acquis, le juge-commissaire peut, soit réduire ce délai, soit le proroger.
    • La prorogation du délai ne peut excéder deux mois
    • Le greffier avise le cocontractant de la décision du juge-commissaire accordant à l’administrateur la prolongation prévue au 1° du III de l’article L. 622-13.

B) Les effets de l’option

  1. La continuation du contrat en cours

En cas de continuation du contrat en cours deux périodes doivent être distinguées

==> La période antérieure au jugement d’ouverture

  • La poursuite de l’exécution du contrat
    • Aux termes de l’article L. 622-13, I du Code de commerce « le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. »
    • Ainsi, dès lors que l’administrateur opte pour la continuation du contrat en cours, le cocontractant du débiteur n’a d’autre choix de poursuivre l’exécution du contrat sans qu’il puisse lui opposer le manquement à ses obligations contractuelles antérieurement au jugement d’ouverture
    • L’exception d’inexécution est en somme neutralisée par l’ouverture de la procédure.
    • La Cour de cassation a rappelé cette règle dans un arrêt du 28 juin 2011 dans lequel elle affirme que « le cocontractant du débiteur doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par celui-ci d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture» ( com. 28 juin 2011).
  • Sort des créances antérieures
    • La continuation du contrat en cours ne confère pas plus de droit au cocontractant sur les créances antérieures au jugement d’ouverture dont il est susceptible de se prévaloir
    • L’article L. 622-13 du Code de commerce dispose que « le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.»
    • Cette dispose suggère toutefois, il en ira différemment pour les créances postérieures.

==> La période postérieure au jugement d’ouverture

  • Obligation d’exécution
    • L’article L. 622-13, II, al. 1er prévoit que « l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. »
    • Il s’agit là de la contrepartie que le cocontractant du débiteur est légitimement en droit d’attendre, compte tenu de l’atteinte portée à sa liberté contractuelle.
    • L’administrateur a donc l’obligation de veiller à la bonne exécution du contrat.
    • Qui plus est, toutes les clauses demeurent opposables à l’administrateur ; il ne dispose pas de la possibilité de s’y soustraire.
    • En cas d’inexécution du contrat par le débiteur, son cocontractant disposera de la faculté de solliciter l’exécution forcée, alors même que le jugement d’ouverture a pour effet de suspendre les poursuites.
  • Paiement à échéance
    • L’ancien article L. 622-13 du Code de commerce prévoyant que, en cas de continuation du contrat en cours, le cocontractant jouissant du droit d’être payé à l’échéance.
    • Ce traitement de faveur a toutefois été supprimé pour la procédure de sauvegarde par l’ordonnance du 12 mars 2014.
    • Le paiement au comptant ne peut désormais être sollicité que dans le cadre de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
    • L’article L. 622-13 prévoit seulement désormais que « au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. »
    • Cette disposition précise que « s’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. »
    • Autrement dit, il appartient à l’administrateur d’apprécier la solvabilité du débiteur et sa capacité à satisfaire à ses obligations.
    • S’il constate qu’il n’y parviendra pas, il doit en tirer toutes les conséquences en dénonçant le contrat.
    • L’article L. 622-13, III précise ajoute que « à défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation.»
    • Quid de la sanction de l’administrateur en cas de mauvaise appréciation de la solvabilité du débiteur ?
    • Il engagera sa responsabilité civile à raison de l’exercice de son droit d’opter (V. en ce sens com., 6 juill. 2010)

2. La résiliation du contrat en cours

Il ressort de l’article L. 622-13, III du Code de commerce que deux hypothèses doivent être envisagées :

==> L’absence de réponse à la mise en demeure

Aux termes de l’article L. 622-13 du Code de commerce « le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse. »

Si donc l’administrateur ne répond pas à l’interpellation du cocontractant, il est réputé avoir renoncé à la continuation du contrat.

==> L’absence de fonds nécessaires

L’article L. 622-13, III du Code de commerce prévoit encore que « le contrat en cours est résilié de plein droit à défaut de paiement dans les conditions définies au II et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. »

Cette disposition ajoute que « en ce cas, le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation. »

En toute hypothèse, l’article L. 622-13, IV prévoit que « à la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. »

L’article R. 622-13 apporte deux précisions :

  • D’une part, la demande de résiliation présentée par l’administrateur en application du IV de l’article L. 622-13 est formée par requête adressée ou déposée au greffe.
  • D’autre part, le greffier convoque le débiteur et le cocontractant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et avise l’administrateur de la date de l’audience.