La déclaration de sinistre est d’abord un exercice de vérité : l’assuré doit exposer fidèlement les faits et transmettre les pièces utiles, car l’assureur instruit le dossier sur la seule base de ces éléments. Dès qu’apparaît une altération volontaire de la réalité — sinistre fictif, circonstances arrangées, surévaluation délibérée — on n’est plus dans l’approximation ou le simple retard, mais dans la fraude.
Cette qualification emporte des réponses plus fermes. Au civil, la déchéance ne peut jouer qu’en vertu d’une clause valable et opposable et suppose la preuve de la mauvaise foi ; si l’assuré a provoqué le dommage, la garantie est exclue pour faute intentionnelle. Au pénal, les mêmes faits sont susceptibles de constituer des manœuvres frauduleuses (escroquerie) ou des faux. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’examen des sanctions de la déclaration frauduleuse.
Nous nous focaliserons ici sur la réponse pénale.
La réponse à une fraude commise à l’occasion d’un sinistre n’appelle pas seulement une réponse civile et plus particulièrement une sanction contractuelle, elle est également susceptible de tomber sous le coup de la loi pénale. Deux qualifications dominent. L’escroquerie (C. pén., art. 313-1) vise aussi bien la mise en scène ou la provocation délibérée du sinistre (incendie volontaire, sinistre inventé) que la tromperie sur ses circonstances ou son étendue (constat mensonger, fausses factures, surévaluation organisée) dès lors que ces manœuvres tendent à obtenir une indemnité indue. Les infractions de faux (C. pén., art. 441-1, 441-7) répriment, en parallèle ou en concours, l’altération frauduleuse de la vérité dans des écrits ou attestations utilisés pour étayer la demande d’indemnisation.
a. L’escroquerie à l’assurance
L’escroquerie suppose, d’une part, des manœuvres frauduleuses (usage d’un faux nom/qualité, abus d’une qualité vraie, mise en scène ou production de pièces falsifiées) et, d’autre part, la remise par la victime de fonds, d’un bien, d’un service ou la souscription d’un engagement (C. pén., art. 313-1).
Appliquée à l’assurance, l’infraction recouvre les situations classiques : sinistre inventé ou volontairement provoqué, constat ou attestation mensongers, factures truquées, fausse date ou majoration délibérée du dommage. Les juridictions exigent plus qu’un simple mensonge: une activité positive de tromperie (mise en scène, faux documents, déclarations coordonnées) propre à décider l’assureur à ouvrir la garantie.
Il peut être observé que la tentative d’escroquerie est punissable (C. pén., art. 313-3 et 121-5). Elle est retenue de façon pragmatique : déposer un constat amiable mensonger et solliciter l’indemnisation suffit à caractériser un commencement d’exécution, le préjudice de l’assureur résidant a minima dans les diligences engagées (ouverture de dossier, vérifications) (v. Cass. 1re civ., 30 janv. 1995, n° 93-85.513). À l’inverse, pas de tentative si l’assuré n’a accompli aucune démarche auprès de l’assureur : une plainte pour vol sans déclaration à l’assureur demeure au stade des actes préparatoires (Cass. crim., 17 déc. 2008, n°08-82.085).
L’infraction peut être commise par l’assuré seul ou avec des complices (intermédiaire, réparateur, « témoin » complaisant). Les peines de principe sont de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende (C. pén., art. 313-1), sans préjudice des peines complémentaires.
b. Les infractions de faux
Le recours à des documents falsifiés constitue à lui seul un faux et/ou un usage de faux. Est un faux, au sens de l’article 441-1 du code pénal, toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice, dans un écrit ou tout autre support (papier ou numérique). Sont typiquement en cause : devis ou factures fabriqués ou majorés, constats amiables mensongers, certificats de complaisance, rapports techniques retouchés, images ou fichiers modifiés. L’usage est consommé dès la présentation du document à l’assureur, à l’expert ou à l’intermédiaire : nul besoin d’un paiement effectif pour que l’infraction soit constituée.
Un régime spécial vise les attestations et certificats : l’article 441-7 incrimine à la fois leur établissement inexact et leur usage. Les peines encourues sont trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (art. 441-1) et, pour les attestations/certificats inexacts, un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (art. 441-7).
En pratique, ces infractions peuvent être poursuivies isolément (quand aucune somme n’a encore été versée) ou cumulées avec l’escroquerie (art. 313-1), les documents falsifiés constituant alors les manœuvres frauduleuses caractérisant l’escroquerie. Autrement dit, le simple dépôt d’un dossier « arrangé » suffit à faire basculer l’affaire sur le terrain pénal.