Le Droit dans tous ses états

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Formation du contrat d’assurance: l’obligation précontractuelle d’information commune à tous les produits d’assurance

La formation du contrat d’assurance repose sur un principe essentiel : celui du consentement éclairé du souscripteur. Pour garantir la loyauté de cet engagement, le Code des assurances impose à l’assureur une obligation d’information précontractuelle, dont le cadre principal est fixé à l’article L. 112-2. Ce texte prévoit la remise, avant toute conclusion, de deux documents distincts : une fiche d’information sur le prix et les garanties, d’une part, et, d’autre part, un exemplaire du projet de contrat ou une notice d’information. Chacun de ces documents poursuit une finalité propre, mais tous deux concourent à un même objectif : permettre au futur assuré de comprendre, de manière claire et complète, la portée du contrat envisagé. Ce dispositif, applicable à l’ensemble des contrats d’assurance à l’exception de ceux portant sur les grands risques, participe à l’exigence de transparence dans les relations contractuelles et constitue une garantie fondamentale de la protection du souscripteur.

a. Identification des documents d’information à fournir

Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’article L. 112-2 du Code des assurances impose à l’assureur de remettre au candidat à l’assurance deux documents distincts d’information précontractuels, chacun remplissant une fonction propre:

  • La fiche d’information sur le prix et les garanties
    • La première obligation consiste pour l’assureur à fournir une fiche d’information exposant de manière claire et synthétique les principaux éléments financiers et techniques du contrat proposé.
    • Inspirée par le droit de la consommation, cette fiche vise à présenter de façon simple et standardisée :
      • Le montant de la prime ou de la cotisation, ou, lorsque cela est pertinent, le mode de calcul de celle-ci,
      • La nature et l’étendue des garanties offertes,
      • Les principales exclusions de garantie.
    • Cette fiche est conçue comme un document d’orientation : elle ne contient qu’une information générale sur le produit d’assurance et ne préjuge ni de l’évaluation précise du risque par l’assureur ni de la rédaction des conditions particulières.
    • Elle ne constitue ni un devis, ni une offre contractuelle engageant l’assureur ; son objectif est d’assurer la transparence tarifaire et de permettre une comparaison aisée entre différentes offres du marché.
  • L’exemplaire du projet de contrat et ses pièces annexes ou la notice d’information
    • La seconde obligation prévue par l’article L. 112-2 est alternative : l’assureur doit remettre soit un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, soit une notice d’information.
      • L’exemplaire du projet de contrat
        • Il constitue un document complet qui reprend l’intégralité des stipulations contractuelles, comprenant les conditions générales et, éventuellement, les conditions particulières envisagées.
        • Le projet de contrat est un véritable pré-contrat : il reflète le contenu du contrat définitif, même s’il peut encore être négocié avant signature.
        • Il présente donc l’intégralité des droits et obligations découlant de l’assurance envisagée, dans leur formulation juridique précise.
      • La notice d’information
        • Il s’agit d’un document de synthèse, dont la fonction est essentiellement pédagogique.
        • La notice d’information décrit de manière structurée et accessible :
          • Les garanties offertes par le contrat,
          • Les exclusions de garantie,
          • Les obligations de l’assuré.
        • La notice vise à offrir au futur assuré une vision claire des points essentiels du contrat, sans entrer dans tous les détails contractuels spécifiques.
        • En ce sens, elle joue un rôle fondamental dans l’intelligibilité du contrat, notamment pour les assurés non avertis.

La remise préalable de ces deux types de documents (fiche et projet/notice) poursuit une finalité commune : assurer un consentement libre, éclairé et réfléchi de la part du futur assuré. Elle participe directement aux exigences de loyauté dans la formation du contrat et vise à prévenir les risques de vices du consentement, en particulier l’erreur sur l’étendue des garanties souscrites.

b. Domaine de l’information

==>Principe

L’obligation d’information précontractuelle instituée par l’article L. 112-2 du Code des assurances présente un domaine d’application général.

Elle s’impose à tous les contrats d’assurance, qu’ils aient pour objet la couverture de dommages ou la garantie de personnes. Qu’il s’agisse d’un contrat individuel souscrit à titre personnel ou d’un contrat collectif souscrit par un employeur ou une organisation au profit de tiers adhérents, l’assureur est tenu de remettre, avant la conclusion du contrat, la fiche d’information sur le prix et les garanties, ainsi qu’un projet de contrat ou, à défaut, une notice d’information.

En matière d’assurance collective, cette obligation revêt une dimension essentielle. La Cour de cassation l’a encore récemment rappelé dans un arrêt du 30 mars 2023 (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n° 21-21.008) : l’adhérent à une assurance de groupe doit recevoir une notice individuelle décrivant de façon précise ses garanties, leurs exclusions, ainsi que les modalités de mise en œuvre des prestations. En l’absence de remise de cette notice, l’assureur ne peut opposer à l’adhérent les exclusions de garantie figurant aux conditions générales du contrat collectif.

Le domaine de l’obligation d’information est par ailleurs précisé au regard des règles de protection du consommateur. En effet, bien que les opérations d’assurance soient des prestations de services, le Code de la consommation exclut expressément l’application de son régime général d’information préalable aux contrats d’assurance. Aux termes de l’article L. 111-3 du Code de la consommation, les entreprises régies par le Code des assurances sont soustraites aux exigences générales d’information prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du même code. Le législateur a ainsi reconnu que la protection du souscripteur et de l’adhérent est suffisamment assurée par les dispositions spécifiques du Code des assurances, en particulier par l’article L. 112-2.

Enfin, l’étendue du domaine d’application de cette obligation d’information a été adaptée aux contrats d’assurance conclus à distance. L’article L. 112-2-1 du Code des assurances impose, dans ce cas, des règles particulières renforçant l’information du souscripteur ou de l’adhérent, pour tenir compte des risques spécifiques liés à la souscription par internet, téléphone ou tout autre moyen de communication à distance. Ces dispositions complètent et précisent l’obligation d’information de droit commun prévue à l’article L. 112-2, sans en réduire la portée.

==>Exceptions

L’obligation précontractuelle d’information édictée par l’article L. 112-2 du Code des assurances connaît aujourd’hui une seule exception, tenant aux contrats d’assurance couvrant les “grands risques”, à l’exclusion des assurances temporaires de villégiature ou de voyage, lesquelles ne bénéficient plus de dérogation spécifique.

Les contrats d’assurance portant sur des grands risques, définis à l’article L. 111-6 du Code des assurances, échappent à l’obligation d’information préalable prévue par l’article L. 112-2. Cette exclusion est formellement posée par l’article R. 112-2 du même Code, dans sa version résultant du décret n° 2015-513 du 7 mai 2015.

Dans le cadre des grands risques, l’asymétrie d’information justifiant traditionnellement l’obligation d’information est présumée absente. Le souscripteur est réputé être un professionnel averti, capable d’apprécier par lui-même la portée des garanties proposées et les exclusions éventuelles. Dès lors, l’instauration d’un formalisme protecteur ne se justifie pas.

Sont qualifiés de grands risques au sens de l’article L. 111-6 du Code des assurances deux grandes catégories d’opérations d’assurance.

D’une part, il s’agit des risques sectoriels spécifiques, sans condition de seuil, qui concernent:

  • Les corps de véhicules ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux, ainsi que la responsabilité civile afférente ;
  • Les marchandises transportées ;
  • Les opérations de crédit et de caution, lorsque le souscripteur exerce une activité industrielle, commerciale ou libérale et que le risque assuré est en lien direct avec cette activité ;
  • Les installations d’énergies marines renouvelables, définies par décret en Conseil d’État.

D’autre part, sont également considérés comme grands risques certains risques économiques importants, tels que :

  • Les risques d’incendie et d’éléments naturels ;
  • Les autres dommages aux biens ;
  • La responsabilité civile générale ;
  • Les corps de véhicules terrestres à moteur et leur responsabilité associée ;
  • Les pertes pécuniaires diverses.

Cependant, pour ces risques économiques généraux, le souscripteur doit remplir au moins deux des trois conditions suivantes pour que le contrat entre dans la catégorie des grands risques (C. assur., art. R. 111-1) :

  • Présenter un bilan supérieur à 6,6 millions d’euros ;
  • Réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 13,6 millions d’euros ;
  • Employer en moyenne plus de 250 salariés au cours du dernier exercice.

Lorsque le souscripteur fait partie d’un groupe soumis à une obligation de consolidation comptable, l’appréciation de ces seuils doit être effectuée sur une base consolidée.

Ces critères, actualisés par le décret n° 2023-466 du 14 juin 2023 et l’arrêté du 14 juin 2023, permettent de réserver l’exclusion du champ d’application de l’obligation d’information préalable aux seuls souscripteurs dont la capacité économique et technique est jugée suffisante pour négocier leur contrat d’assurance sans la protection renforcée prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances.

c. Contenu de l’information

Avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’assureur doit communiquer au futur souscripteur deux types distincts de documents d’information, répondant chacun à des exigences de contenu précises.

i. La fiche d’information sur le prix et les garanties

La fiche d’information constitue un document synthétique, destiné à donner au futur assuré une première vision simplifiée des conditions essentielles du contrat envisagé.

Elle doit notamment préciser :

  • Le prix : soit le montant exact de la prime ou de la cotisation, soit, si ce montant n’est pas déterminable à ce stade, les modalités de calcul du prix en fonction des événements susceptibles de survenir.
  • Les garanties principales : une description claire de la nature et de l’étendue des garanties proposées.
  • Les principales exclusions : les risques et situations expressément exclus de la couverture.

Cette fiche, bien que standardisée, n’a pas valeur contractuelle : elle ne constitue ni un devis engageant l’assureur, ni une offre ferme. Son objectif est essentiellement informatif, facilitant notamment la comparaison entre plusieurs offres concurrentes (C. assur., art. L. 112-2, al. 1er).

ii. Le projet de contrat ou la notice d’information

De façon complémentaire, l’assureur est tenu de remettre soit un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, soit une notice d’information. Ces documents présentent un contenu beaucoup plus détaillé et doivent impérativement comporter les éléments suivants (C. assur., art. L. 112-2, al. 2) :

  • La description précise des garanties offertes, incluant leur champ d’application ;
  • La mention claire des exclusions de garantie, en caractères très apparents pour qu’elles soient valablement opposables à l’assuré (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212) ;
  • Les obligations de l’assuré : notamment ses devoirs déclaratifs en matière de risque et de sinistre ;
  • La loi applicable au contrat, si celle-ci n’est pas la loi française (exigence issue de la loi n° 94-5 du 4 janvier 1994) ;
  • Les modalités d’examen des réclamations, y compris :
    • Les voies de recours amiables (dispositifs de médiation mentionnés au Titre Ier du Livre VI du Code de la consommation) ;
    • La faculté pour l’assuré de saisir les juridictions compétentes.
  • L’adresse du siège social de l’assureur et, le cas échéant, celle de la succursale délivrant la couverture.

d. Modalités de l’information

L’obligation d’information précontractuelle imposée par l’article L. 112-2 du Code des assurances est encadrée par des modalités précises quant à la forme, le moment et la preuve de la remise des documents.

i. L’exigence de remise préalable à la conclusion du contrat

Depuis l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018, transposant en droit français la directive (UE) 2016/97 du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances, la remise des documents d’information précontractuelle est devenue obligatoire. Avant toute conclusion de contrat, le distributeur doit communiquer par écrit au futur souscripteur deux documents distincts :

  • D’une part, une fiche d’information sur le prix et les garanties proposées ;
  • D’autre part, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes, ou, à défaut, une notice d’information exposant de manière précise les garanties, leurs exclusions, ainsi que les obligations incombant à l’assuré.

Cette obligation vise à assurer un consentement libre et éclairé du candidat à l’assurance. L’information ainsi délivrée doit être suffisante pour lui permettre de comprendre pleinement la nature et l’étendue de son engagement.

Cette exigence est d’ailleurs confortée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne : selon un arrêt du 20 avril 2023 (CJUE, 9e ch., aff. C-263/22), le consommateur doit avoir eu la possibilité effective de prendre connaissance avant la conclusion du contrat de l’ensemble des clauses contractuelles, notamment celles relatives aux exclusions ou limitations de garantie. À défaut, une telle clause pourrait être qualifiée d’abusive et être écartée.

Ainsi, l’article L. 112-2 du Code des assurances, dans sa rédaction issue de la directive DDA, impose une obligation d’information précontractuelle renforcée, au service d’un consentement libre, éclairé et loyal.

2. La constatation écrite de la remise par le souscripteur

Afin d’assurer l’effectivité de l’obligation d’information précontractuelle, l’article R. 112-3 du Code des assurances impose que le souscripteur atteste par écrit :

  • De la date de remise des documents visés à l’article L. 112-2, alinéa 2 (projet de contrat et pièces annexes, ou notice d’information) ;
  • Et de leur bonne réception.

Cette formalité, qui peut être réalisée sur tout support écrit n’est pas exigée pour la validité du contrat : elle constitue seulement une modalité probatoire destinée à faciliter la preuve du respect de l’obligation d’information par l’assureur.

En pratique, il est fréquent que cette attestation soit matérialisée par une clause spécifique dans les conditions particulières du contrat, mais le texte ne l’impose pas expressément.

En cas d’absence d’attestation écrite, il appartiendra à l’assureur, sur qui pèse la charge de la preuve, de démontrer par tout autre moyen que les documents ont bien été remis au souscripteur avant la conclusion du contrat (Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n° 07-19.234).

Par ailleurs, la jurisprudence a précisé que :

  • Le simple fait que l’assuré ait signé une clause mentionnant qu’il reconnaît avoir reçu les conditions générales « dont il a eu connaissance » suffit à établir la remise préalable des documents (Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, précité).
  • Il n’est pas exigé que l’assuré dispose d’un délai spécifique pour consulter les documents avant la signature du contrat ; seule importe la remise préalable (Cass. 2e civ., 7 nov. 2024, n° 23-10.612).

iii. Sanctions

L’obligation de remise préalable des documents informatifs, prévue par l’article L. 112-2 du Code des assurances, revêt une importance majeure pour la protection du consentement du souscripteur. Sa méconnaissance est sanctionnée de diverses manières, dont la jurisprudence et la doctrine ont progressivement précisé la portée.

En premier lieu, une règle bien établie veut que les clauses d’exclusion ou de limitation de garantie qui n’ont pas été clairement portées à la connaissance du souscripteur avant la formation du contrat ne lui sont pas opposables.

La Cour de cassation a ainsi jugé, dès 2000, que les clauses d’exclusion de garantie doivent être mentionnées de manière très apparente dans les documents précontractuels remis au candidat à l’assurance, faute de quoi elles sont inopposables (Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n°98-11.212).

La jurisprudence récente confirme cette exigence : dans le cadre des assurances de groupe, l’absence de remise de la notice individuelle interdisait à l’assureur d’opposer à l’adhérent une exclusion non préalablement portée à sa connaissance (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n°21-21.008).

Enfin, sur le plan européen, la CJUE a renforcé cette exigence en décidant qu’une clause limitant la couverture du risque, non communiquée au consommateur avant la conclusion du contrat, devait être écartée en tant que clause abusive (CJUE, 9e ch., 20 avril 2023, aff. C-263/22).

A cet égard, la charge de la preuve de la remise effective des documents pèse sur l’assureur. Si la formalité prévue par l’article R. 112-3 (mention écrite du souscripteur) facilite cette preuve, elle n’est pas exigée ad validitatem du contrat : son absence n’affecte pas la validité du contrat, mais complique la tâche probatoire de l’assureur.

La Cour de cassation veille avec rigueur à cette exigence : elle impose que l’assureur démontre, de manière précise, qu’il a porté à la connaissance de l’assuré toute condition particulière ou restriction de garantie, notamment lorsqu’elle intervient au moment de la modification du contrat (Cass. 1re civ., 27 mars 2001, n° 98-19.481).

Outre l’inopposabilité des clauses, le non-respect de l’obligation d’information peut engager la responsabilité civile de l’assureur. En cas de préjudice résultant du défaut d’information, l’assuré peut obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la prescription applicable étant celle de droit commun (cinq ans selon l’article 2224 du Code civil), et non la prescription biennale du Code des assurances (Cass. 2e civ., 18 mai 2017, n° 16-17.754).

Dans des cas plus graves, le défaut d’information peut être qualifié de dol : ainsi, a été sanctionné l’assureur qui avait dissimulé à l’assuré la suppression d’une garantie dans un nouveau contrat plus coûteux, entraînant la couverture du sinistre (CA Paris, 4 déc. 2001, n° 1998/26267).

Enfin, il existe des sanctions spécifiques, notamment en matière d’assurance-vie : le défaut de remise des documents précontractuels proroge le délai de renonciation au contrat, permettant à l’assuré d’exercer sa faculté de renonciation jusqu’au trentième jour suivant la remise effective des documents (C. assur., art. L. 132-5-2).

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