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Indivision: les droits des créanciers

Les rapports juridiques entre l’indivision, les indivisaires et leurs créanciers s’inscrivent dans un cadre juridique singulier, fruit d’un équilibre minutieux entre les droits des tiers et ceux des coindivisaires.

Bien que l’indivision soit dépourvue de personnalité morale, elle jouit néanmoins d’une autonomie fonctionnelle, presque comptable, justifiée par les nécessités de gestion et de liquidation du patrimoine commun. Cet état particulier engendre un passif propre à l’indivision, qui coexiste avec celui des indivisaires, et appelle à distinguer rigoureusement deux catégories de créanciers : ceux de l’indivision et ceux des indivisaires pris individuellement.

L’article 815-17 du Code civil opère une dichotomie claire et structurante entre ces deux catégories de créanciers :

  • D’une part, les créanciers de l’indivision, titulaires de créances nées de la gestion ou de la conservation des biens indivis, jouissent de prérogatives privilégiées leur permettant, notamment, d’obtenir paiement par prélèvement sur l’actif indivis avant le partage ou de provoquer la saisie et la vente des biens indivis.
  • D’autre part, les créanciers personnels des indivisaires, en vertu d’un tout autre régime, peuvent exercer des actions dirigées exclusivement contre leur débiteur indivisaire, avec la possibilité de provoquer le partage dans le but de liquider ses droits, sans pour autant pouvoir prétendre à un droit direct sur les biens indivis eux-mêmes.

Cette distinction, consacrée par l’article précité, a été renforcée par une jurisprudence constante, en particulier par l’arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 1996, aux termes duquel cette dernière a affirmé que « l’action ouverte aux créanciers de la succession par l’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil, pour leur permettre d’être payés par prélèvement sur les biens indivis avant le partage, ne tend pas aux mêmes fins que la demande en partage propre aux créanciers d’un coïndivisaire, qui est destinée à faire cesser l’indivision » (Cass. 1re civ., 3 déc. 1996, n° 94-19.229).

Une telle confusion serait préjudiciable à l’ordonnancement des droits et obligations respectifs des parties.

Cette dualité appelle à une analyse distincte de chacune de ces catégories de créanciers.

Il convient ainsi, dans un premier temps, d’examiner la situation des créanciers de l’indivision et les prérogatives qui leur sont conférées par le législateur (I), avant d’étudier, dans un second temps, les droits et actions ouverts aux créanciers personnels des indivisaires (II).

I) Les créanciers de l’indivision

A) Les créanciers titulaires de droits contre l’indivision

L’article 815-17 distingue deux catégories de créanciers pouvant agir sur les biens indivis :

  • Les créanciers dont la créance est antérieure à la naissance de l’indivision
  • Les créanciers dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis.

1. Les créanciers antérieurs à la constitution de l’indivision

L’article 815-17, al. 1er du Code civil dispose que « les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y eût indivision peuvent poursuivre sur ces biens le recouvrement de leurs créances. »

Cette disposition reconnaît aux créanciers dont les créances sont antérieures à la constitution de l’indivision, le droit de maintenir leur droit de gage général sur les biens qui étaient déjà compris dans l’assiette de leur gage.

Ce dispositif ne crée donc pas un “nouveau” droit mais garantit simplement que l’indivision ne constitue pas un obstacle à la satisfaction des créances préexistantes, conformément au principe de l’article 2285 du Code civil selon lequel « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. »

La règle énoncée à l’article 815-17, al. 1er du Code civil s’applique à toutes les formes d’indivisions : successorales, post-communautaires ou résultant d’acquisitions conjointes.

  • Le cas des indivisions successorales
    • Dans une indivision successorale, les créanciers du défunt conservent un droit de poursuite sur l’ensemble des biens composant le patrimoine successoral indivis.
    • L’article 815-17, alinéa 1er du Code civil leur garantit que leur droit de gage général demeure intact, malgré la constitution de l’indivision.
    • Cette continuité du droit de gage a été consacrée par la Cour de cassation dans un célèbre arrêt Frécon rendu le 24 décembre 1912.
    • Aux termes de cette décision, elle a jugé que « le gage dont les créanciers du défunt jouissaient de son vivant continue, même après son décès, et ce jusqu’au partage, de subsister d’une manière indivisible sur l’hérédité tout entière. » (Cass. req., 24 déc. 1912).
    • Ce principe a été confirmé par la loi du 31 décembre 1976, qui a étendu la protection des créanciers successoraux, leur permettant de poursuivre les biens indivis sans concurrence avec les créanciers personnels des héritiers.
  • Le cas des indivisions post-communautaires
    • Les indivisions post-communautaires, qui naissent souvent d’un divorce, permettent également aux créanciers des époux de poursuivre les biens indivis pour des dettes contractées avant la dissolution de la communauté.
    • En vertu de l’article 1409 du Code civil, ces dettes sont considérées comme des dettes communes de la communauté, et le droit de gage des créanciers s’exerce sur les biens indivis.
    • Ce principe a trouvé application dans un arrêt du 21 mai 1997, aux termes duquel la Cour de cassation a affirmé que « la liquidation judiciaire étant antérieure à la transcription du jugement de divorce, le liquidateur, qui représentait les créanciers, aurait pu agir sur l’immeuble litigieux avant la création de l’indivision post-communautaire ; qu’il était donc recevable, en application des dispositions de l’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil, à poursuivre la vente forcée de cet immeuble » (Cass. 1re civ., 21 mai 1997, n° 95-14.102).
    • Dans cette affaire, un jugement de divorce avait été prononcé le 15 février 1989 et transcrit le 3 juillet de la même année, entraînant la création d’une indivision post-communautaire.
    • Toutefois, avant cette transcription, le mari avait été placé en liquidation judiciaire, le 27 février 1989.
    • Par la suite, le liquidateur avait engagé, le 11 février 1992, une procédure de saisie immobilière visant un immeuble appartenant à l’indivision post-communautaire.
    • L’épouse s’était opposée à cette procédure, en soutenant qu’un créancier personnel d’un indivisaire ne pouvait saisir un bien indivis.
    • La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en considérant que, puisque la liquidation judiciaire était intervenue avant la transcription du jugement de divorce, les créanciers représentés par le liquidateur auraient pu, en vertu de l’article 815-17, alinéa 1er, exercer leurs droits sur l’immeuble avant la création de l’indivision post-communautaire.
    • Dès lors, le liquidateur était parfaitement légitime à poursuivre la vente forcée de cet immeuble.
    • Cette décision met en lumière la protection particulière accordée par le législateur aux créanciers dont les droits existaient avant la constitution de l’indivision.
    • Elle vient confirmer que ces derniers, titulaires d’un droit de gage général sur des biens ayant ultérieurement intégré l’indivision, conservent pleinement leur droit de poursuite afin de recouvrer leurs créances, sans que la modification du statut juridique de ces biens en biens indivis ne constitue un obstacle.

L’article 815-17 du Code civil ne se limite pas aux indivisions successorales ou post-communautaires, mais s’étend également aux indivisions issues d’une acquisition en commun, comme le confirme la jurisprudence (Cass. com., 18 févr. 2003, n°00-11.008).

Dans cette affaire, un créancier disposant d’une créance propter rem, attachée directement à un bien indivis, avait engagé une procédure de saisie immobilière pour recouvrer sa créance.

La Cour de cassation a censuré la cour d’appel, rappelant que ce créancier pouvait, en application de l’article 815-17, poursuivre la saisie et la vente du bien indivis avant tout partage, et ce, malgré la procédure collective engagée à l’encontre de l’un des coïndivisaires.

La Haute juridiction a ainsi affirmé que le partage de l’indivision, même contraint par le liquidateur dans le cadre d’une liquidation judiciaire, demeure sans effet sur les droits des créanciers de l’indivision, lesquels conservent leur droit de poursuite jusqu’à l’extinction de leur créance.

Cette décision éclaire un peu plus l’application de l’article 815-17 dans le contexte des indivisions résultant d’acquisitions communes, en réaffirmant que les créanciers ayant un lien direct avec le bien indivis, car titulaires d’une créance propter rem, disposent de la faculté d’exercer leurs droits indépendamment de l’évolution du statut juridique du bien ou des procédures subséquentes.

Par ailleurs, il est admis que l’article 815-17 s’applique aux indivisions post-sociétaires.

L’article 1844-9, alinéa 4, du Code civil prévoit en ce sens que « à la clôture de la liquidation, les associés ou certains d’entre eux peuvent demeurer dans l’indivision pour tout ou partie des biens sociaux, leurs rapports étant alors régis par les règles des dispositions relatives à l’indivision ».

Ainsi, les créanciers de la société dissoute peuvent exercer leurs droits sur les biens indivis maintenus en indivision par les associés.

2. Les créanciers postérieurs à la constitution de l’indivision

a. Principe général

L’article 815-17, alinéa 1er du Code civil, dispose que « les créanciers dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis peuvent poursuivre sur ces biens le recouvrement de leurs créances ».

Cette disposition s’inscrit dans une logique de protection et de pérennisation de l’indivision, en facilitant le financement des dépenses nécessaires à sa conservation et à son fonctionnement.

L’économie générale de ce texte repose sur l’idée que, pour garantir l’entretien et l’administration des biens indivis, il est impératif d’offrir aux créanciers des garanties suffisantes, même en l’absence de personnalité juridique de l’indivision.

Ce régime spécial favorise ainsi l’engagement de dépenses indispensables tout en consolidant la sécurité juridique des transactions effectuées dans l’intérêt collectif des indivisaires.

La finalité de ce dispositif est double :

  • Préserver les biens indivis en permettant leur gestion optimale.
  • Renforcer la crédibilité financière des indivisaires en incitant les tiers créanciers à traiter avec eux.

b. Domaine d’application

i. Créances concernées

L’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil prévoit que les créanciers dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis peuvent se prévaloir d’un droit de poursuite sur ces biens pour le recouvrement de leurs créances.

Si le texte semble limiter son champ d’application aux seules dépenses de « conservation et de gestion », la jurisprudence en a élargi l’étendue en admettant que toutes les créances liées au fonctionnement de l’indivision peuvent bénéficier de ce régime de faveur.

==>S’agissant des dépenses de conservation

Les dépenses de conservation, expressément visées par le texte, concernent celles qui sont nécessaires pour préserver l’intégrité physique et juridique des biens indivis.

Il s’agit notamment :

  • des réparations urgentes visant à éviter une détérioration des biens indivis (Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n°98-13.006).
  • du paiement des taxes foncières ou autres prélèvements obligatoires relatifs aux biens indivis lesquels sont considérées comme des dépenses nécessaires pour éviter toute procédure de recouvrement ou saisie pouvant affecter l’intégrité de l’indivision (Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n°07-12.224).
  • Des primes d’assurance visant à garantir le bien indivis contre les risques affectant les biens indivis, tels que l’incendie ou les catastrophes naturelles

Ces dépenses, qui assurent la pérennité des biens indivis, bénéficient ainsi de la protection prévue par l’article 815-17, permettant à leurs créanciers d’agir sur l’ensemble des biens indivis.

==>S’agissant des dépenses de gestion

Les dépenses de gestion couvrent les frais nécessaires à l’administration des biens indivis, notamment :

  • Les honoraires d’un gérant désigné : que la désignation émane d’un accord entre indivisaires ou d’une décision judiciaire, le gérant peut réclamer le remboursement des frais liés à l’administration des biens indivis, tels que la tenue de comptes, la représentation dans des actes juridiques ou la gestion des revenus locatifs (CA Versailles, 7 janv. 2010, JCP 2010, I, 487).
  • Les charges de copropriété : si l’un des biens indivis est un lot en copropriété, les charges courantes (entretien des parties communes, travaux votés en assemblée générale) constituent des dépenses de gestion imputables à l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n°07-12.224).
  • Les frais relatifs à la location des biens indivis : cela inclut les dépenses engagées pour louer les biens, comme les commissions d’agence immobilière, les frais de rédaction des contrats de bail, et les coûts liés à l’établissement des diagnostics techniques obligatoires pour la mise en location.
  • Les coûts liés à la perception des revenus : les frais bancaires pour la gestion d’un compte dédié aux revenus locatifs ou encore les honoraires d’un comptable chargé de la répartition des revenus entre indivisaires peuvent être qualifiés de dépenses de gestion.
  • Les frais de recouvrement des loyers impayés : si un locataire ne règle pas son loyer, les coûts engagés pour recouvrer les sommes dues (honoraires d’huissier, procédure judiciaire) sont également imputables à l’indivision.

Ces dépenses, qui relèvent d’une gestion des biens indivis, sont également protégées par le texte, car elles permettent d’assurer la mise en valeur des biens ou leur exploitation.

==>S’agissant des créances liées au fonctionnement de l’indivision

Si l’article 815-17 mentionne explicitement les créances résultant de la conservation ou de la gestion, la jurisprudence a adopté une interprétation plus large en intégrant toutes les dépenses nécessaires au fonctionnement de l’indivision.

Cette approche repose sur une lecture finaliste de la règle, visant à favoriser l’administration efficace des biens indivis.

Ainsi, au-delà des dépenses strictement liées à la conservation ou à la gestion, peuvent être considérés comme relevant du fonctionnement de l’indivision :

  • Les travaux d’amélioration, tels que l’installation d’un ascenseur ou la modernisation des équipements, permettant d’accroître la valeur ou l’utilité des biens indivis.
  • Les frais liés à des contentieux concernant l’indivision, par exemple les honoraires d’avocats ou d’experts engagés pour défendre les droits de l’indivision ou pour résoudre des différends entre indivisaires (Cass. 1re civ., 4 juill. 2007, n°06-13.770).
  • Les primes d’assurances spécifiques, couvrant des risques particuliers, comme une assurance dommage-ouvrage pour des travaux entrepris sur un bien indivis.
  • Les dépenses fiscales exceptionnelles, incluant les amendes, intérêts de retard ou pénalités fiscales nécessaires à la régularisation de la situation juridique de l’indivision.
  • Les frais liés à la mise en valeur du bien, tels que des campagnes publicitaires, des diagnostics techniques avancés ou des honoraires d’agences immobilières en vue d’une mise en vente.
  • Les frais bancaires et financiers, par exemple ceux liés à des emprunts contractés pour financer des projets communs dans l’intérêt de l’indivision.
  • Les indemnités compensatoires ou transactions amiables, comme les montants versés à un locataire pour résilier un bail commercial et libérer les lieux dans une optique de revalorisation du bien.

ii. Créances exclues

Les créances personnelles d’un indivisaire, qui ne profitent pas directement ou indirectement à l’indivision dans son ensemble, sont exclues du régime de faveur prévu par l’article 815-17, alinéa 1er du Code civil.

Ces créances, nées d’un usage privatif ou de décisions unilatérales d’un indivisaire, ne peuvent engager les autres indivisaires.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire bénéficie de l’usage exclusif d’un bien indivis, les dépenses qu’il engage pour son propre intérêt (par exemple, des travaux de rénovation entrepris pour son confort personnel ou des charges locatives afférentes à l’usage exclusif du bien) ne relèvent pas des créances de l’indivision.

Ces dépenses sont à sa charge exclusive, conformément au principe selon lequel la gestion privative n’engage pas l’ensemble des indivisaires (Cass. 1ère civ., 25 oct. 2005, n°03-20.382).

Les dépenses superflues, non nécessaires à la conservation ou au bon fonctionnement des biens indivis, sont également exclues.

Par exemple, l’installation d’équipements non essentiels, tels qu’une piscine ou un espace de loisirs, à l’initiative d’un indivisaire, ne peut être mise à la charge de l’indivision, sauf accord exprès de tous les indivisaires.

Dans certains cas, des dépenses qui, à première vue, semblent personnelles peuvent être réintégrées dans le régime de faveur si elles profitent objectivement à l’ensemble des indivisaires.

Cette exception repose sur l’existence d’un intérêt collectif manifeste.

Par exemple, si les travaux réalisés par un indivisaire augmentent la valeur du bien indivis de manière significative et objective (exemple : rénovation d’une façade ou travaux d’embellissement nécessaires à la vente), ils peuvent être requalifiés en créances de l’indivision, sous réserve de l’approbation ou du constat de cet intérêt collectif par une décision judiciaire.

De même, une dépense initialement privée peut être assimilée à une créance de l’indivision si elle permet de préserver ou de valoriser un bien indivis à long terme.

En tout état de cause, les créances personnelles d’un indivisaire restent à sa charge exclusive, et leur remboursement par l’indivision n’est pas envisageable.

Les tiers créanciers ayant traité directement avec cet indivisaire ne peuvent exercer aucun droit de poursuite sur les biens indivis.

Par ailleurs, l’indivisaire débiteur reste soumis à une obligation de contribution aux charges de l’indivision, et toute créance privée doit être clairement distinguée des créances collectives pour éviter les conflits entre coïndivisaires.

c. Conditions d’application

L’article 815-17 du Code civil, bien qu’offrant un régime favorable aux créanciers de l’indivision, exige que certaines conditions soient remplies pour que la créance soit opposable à l’ensemble des indivisaires.

Ces conditions, qui visent à encadrer les engagements susceptibles d’affecter l’indivision, se rapportent notamment à la nature de la dépense, à sa validité et à son intérêt collectif.

i. Valabilité de la dépense engagée

Pour qu’une créance puisse être qualifiée de créance de l’indivision, la dépense à son origine doit avoir été valablement engagée.

Cette exigence implique le respect des règles régissant la gestion des biens indivis, notamment celles prévues par l’article 815-3 du Code civil.

  • Dépenses de conservation : les actes conservatoires, nécessaires pour préserver l’intégrité physique ou juridique des biens indivis, peuvent être entrepris unilatéralement par tout indivisaire. Par exemple, un indivisaire ayant réalisé des réparations urgentes pour prévenir la dégradation d’un immeuble indivis pourra opposer sa créance à l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 98-13.006).
  • Dépenses résultant d’actes d’administration : ces actes, qui dépassent la simple gestion courante, nécessitent l’autorisation préalable des indivisaires représentant au moins deux tiers des parts indivises. À défaut d’une telle autorisation, les créanciers ne peuvent invoquer l’article 815-17, sauf ratification expresse ou implicite par les indivisaires.
  • Dépenses résultant d’actes de disposition : ces actes, ayant pour effet de modifier substantiellement la consistance du patrimoine indivis, requièrent l’unanimité des indivisaires. Toute dépense engagée sans cette unanimité est inopposable à l’indivision, sauf décision judiciaire l’autorisant en vertu de l’article 815-5 du Code civil.

Lorsque la dépense est engagée par un tiers ou par un indivisaire agissant en qualité de gérant, le respect des règles du mandat est essentiel.

Aussi, le gérant doit disposer d’un mandat exprès ou tacite pour engager valablement l’indivision.

Par exemple, un indivisaire mandaté pour régler les charges de copropriété ou conclure un contrat de location engage valablement l’indivision.

Si des indivisaires conviennent de laisser à l’un d’entre eux la jouissance privative d’un bien indivis en vertu de l’article 815-9 du Code civil, les dépenses liées à cette gestion restent personnelles à cet indivisaire.

Toutefois, si ces dépenses concernent la conservation du bien (ex. réparations urgentes), elles peuvent être opposées à l’ensemble des indivisaires.

ii. Intérêt commun des indivisaires

Pour être opposable à l’indivision, la dépense doit répondre à un intérêt collectif et non individuel.

Une dépense engagée dans le cadre d’une jouissance privative par un indivisaire, même utile, ne saurait être opposable à l’indivision à moins qu’elle ne profite directement à l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, n° 03-20.382).

Ainsi, les charges liées à l’usage exclusif d’un bien indivis ou les travaux entrepris pour le confort personnel d’un indivisaire restent à la charge exclusive de ce dernier.

En revanche, lorsqu’un indivisaire ou un tiers entreprend des dépenses bénéfiques à l’ensemble des coïndivisaires, comme le règlement d’impôts fonciers ou la réalisation de travaux indispensables pour louer un bien indivis, ces créances peuvent être opposées à l’indivision.

iii. Difficultés de mise en œuvre

==>Difficultés liées à la qualité d’indivisaire d’un créancier

La qualité d’indivisaire n’empêche nullement un coïndivisaire d’être également créancier de l’indivision.

Cette situation se rencontre notamment lorsqu’un indivisaire, dans l’intérêt commun, a engagé des dépenses nécessaires pour la conservation ou la gestion des biens indivis.

En pareil cas, l’indivisaire créancier dispose des mêmes droits que tout autre créancier, y compris la possibilité de saisir les biens indivis pour obtenir le recouvrement de sa créance, sans attendre le partage.

La jurisprudence a affirmé ce principe, précisant que l’indivisaire créancier pouvait demander le remboursement des sommes avancées dès lors qu’elles étaient justifiées par l’intérêt collectif.

Ainsi, dans un arrêt du 20 février 2001, la Cour de cassation a validé l’action d’un indivisaire ayant réglé avec ses propres fonds des dettes liées à l’activité d’une entreprise successorale, en considérant qu’il pouvait poursuivre la saisie des biens indivis avant le partage (Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 98-13.006).

L’indivisaire peut faire valoir plusieurs types de créances, parmi lesquelles figurent notamment :

  • Les dépenses nécessaires à la conservation des biens indivis : ces dépenses incluent, par exemple, des réparations urgentes visant à prévenir la détérioration des biens indivis ou le paiement des impôts locaux afférents à ces biens.
  • Les dépenses relatives à la gestion des biens indivis : L’indivisaire peut être remboursé des charges de copropriété ou des honoraires d’un gérant si ces frais ont été engagés pour l’intérêt collectif.

De plus, la jurisprudence reconnaît que les dépenses excédant la stricte conservation ou gestion peuvent également donner lieu à des créances, pour autant qu’elles soient nécessaires au bon fonctionnement de l’indivision (Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n° 07-12.224).

L’indivisaire créancier bénéficie d’un droit de paiement immédiat, sans attendre la liquidation de l’indivision. Cette possibilité découle de la nature particulière de sa créance, qui, bien qu’inscrite dans le compte d’indivision, peut être recouvrée séparément.

L’indivisaire créancier se trouve alors dans une position comparable à celle d’un créancier ordinaire, bénéficiant des prérogatives conférées par l’article 815-17 du Code civil.

Par exemple, dans le cas où un indivisaire a assumé seul le paiement des charges de copropriété d’un immeuble indivis, la juridiction compétente a reconnu qu’il disposait d’une créance opposable à l’indivision, ces charges incombant à tous les indivisaires (CA Versailles, précité).

De même, un indivisaire ayant réglé les échéances d’un prêt contracté pour l’acquisition d’un bien indivis peut demander le remboursement immédiat de sa créance avant le partage (Cass. 1re civ., 26 juin 2013, n°12-11.818).

Pour exercer ses droits, l’indivisaire créancier doit remplir certaines conditions :

  • La créance doit résulter d’une dépense engagée dans l’intérêt commun de tous les indivisaires.
  • Lorsque la créance découle d’un acte de gestion nécessitant l’autorisation des indivisaires représentant une majorité des parts, cette autorisation doit avoir été obtenue conformément à l’article 815-3 du Code civil.

==>Difficultés liées à la constitution de sûretés

Lorsqu’un bien immobilier est acquis en indivision, des questions peuvent se poser quant à l’assiette et à l’efficacité des sûretés constituées sur ce bien.

Ces difficultés sont particulièrement visibles dans le cas où une sûreté est établie en garantie d’un emprunt contracté par un seul des indivisaires pour financer sa propre quote-part indivise.

La problématique réside alors dans la délimitation de l’assiette de la sûreté : doit-elle se limiter à la part indivise du débiteur ou s’étendre à l’intégralité du bien indivis ?

Dans un arrêt du 9 janvier 2019 la Cour de cassation a tranché cette question, en adoptant une position favorable aux créanciers (Cass. 1re civ., 9 janv. 2019, n°17-27.411).

Dans cette affaire, l’emprunt contracté par l’un des indivisaires pour financer sa part dans l’acquisition d’un bien indivis, était garanti par un privilège de prêteur de deniers.

Toutefois, ce privilège avait été inscrit sur la seule quote-part de l’emprunteur, ce qui soulevait une difficulté : la banque prêteuse pouvait-elle exercer ses droits sur l’intégralité du bien indivis ?

La Cour de cassation a répondu par l’affirmative en affirmant, dans une formulation particulièrement claire, que « même dans l’hypothèse où un prêt est souscrit par l’un seulement des acquéreurs d’un bien immobilier, pour financer sa part, l’assiette du privilège de prêteur de deniers est constituée par la totalité de l’immeuble et le prêteur, titulaire d’une sûreté légale née antérieurement à l’indivision, peut se prévaloir des dispositions de l’article 815-17, alinéa 1er, du code civil ».

Il ressort de cette décision que l’assiette du privilège de prêteur de deniers, bien qu’établie à l’initiative d’un seul indivisaire, s’étend nécessairement à la totalité du bien indivis.

Cette solution repose sur le principe de l’unité du bien indivis, lequel empêche de fragmenter la sûreté entre les différentes parts des indivisaires. Le bien indivis est appréhendé comme une entité unique sur laquelle le créancier peut exercer ses prérogatives, indépendamment des fractions de propriété détenues par chaque indivisaire.

En s’appuyant sur l’indivisibilité du bien, la Cour de cassation a entendu renforcer la sécurité juridique des créanciers.

Ces derniers peuvent agir sur la totalité du bien indivis sans être entravés par les complexités ou aléas liés au partage.

Cette approche pragmatique et protectrice s’inscrit pleinement dans les finalités de l’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil, en offrant aux créanciers des garanties solides tout en préservant l’intégrité juridique et économique du bien indivis.

B) L’étendue du gage des créanciers

Le gage des créanciers de l’indivision revêt une particularité notable en raison de son étendue, qui dépasse la simple addition des parts individuelles des coindivisaires.

Il se caractérise par son unité et son indivisibilité, permettant une appréhension globale des biens indivis, au bénéfice des créanciers, jusqu’à la liquidation de l’indivision.

1. Une masse indivise jusqu’au partage

Le patrimoine indivis constitue une masse distincte, autonome, sur laquelle les créanciers de l’indivision exercent un droit de gage unique.

Ce droit s’applique sur l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient matériels ou immatériels, ainsi que sur leurs fruits et revenus. Cette masse indivise persiste jusqu’au partage, garantissant ainsi une sécurité juridique et financière aux créanciers.

Les créanciers de l’indivision, protégés par l’article 815-17 du Code civil, ne sont pas contraints de se limiter aux quotes-parts des indivisaires.

Ils bénéficient d’un droit de poursuite élargi sur l’intégralité des biens indivis, indépendamment des fractions de propriété attribuées à chaque indivisaire.

Cette règle s’applique également aux créanciers dont les droits sont nés avant la constitution de l’indivision. L’indivision offre ainsi une garantie collective jusqu’au règlement intégral des dettes qui en découlent, les biens indivis restant affectés à cet usage prioritaire.

2. Subrogation réelle et indivisibilité du gage

L’étendue du gage des créanciers ne se limite pas aux biens matériels initialement compris dans l’indivision. Les mécanismes de subrogation réelle viennent renforcer cette garantie.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis est aliéné, les indemnités ou les sommes résultant de cette aliénation intègrent automatiquement la masse indivise et restent grevées du même gage. Cette continuité, garantie par la subrogation réelle, protège les droits des créanciers en maintenant leur gage sur l’ensemble des valeurs issues des biens indivis.

L’indivisibilité du gage est un principe central, empêchant tout indivisaire de soustraire sa quote-part aux poursuites des créanciers.

C) Les droits conférés aux créanciers de l’indivision

En application de l’article 815-17 du Code civil, les créanciers de l’indivision sont investis de deux prérogatives : le prélèvement sur l’actif avant le partage et la saisie et vente des biens indivis.

1. Le droit de prélèvement sur l’actif avant partage

a. Notion de prélèvement

La notion de prélèvement, telle qu’envisagée à l’article 815-17 du Code civil, se distingue nettement de celle traditionnellement utilisée dans les opérations de partage entre indivisaires.

Contrairement au prélèvement classique, qui consiste pour un indivisaire à retirer un bien ou une somme d’argent de la masse indivise pour satisfaire ses droits lors du partage, le prélèvement prévu par cet article ne constitue pas une opération de partage à proprement parler.

Il s’agit ici d’un mécanisme juridique autonome, spécifiquement conçu pour garantir le règlement des créances sur l’indivision, avant toute répartition des parts entre coïndivisaires.

En substance, l’article 815-17 confère donc aux créanciers, y compris les tiers, un droit exclusif de prélèvement sur l’actif indivis. Cette prérogative leur permet de satisfaire leurs créances en priorité, avant que la masse indivise ne soit divisée et attribuée aux indivisaires.

Contrairement aux indivisaires, qui interviennent dans le cadre d’une opération de partage, les créanciers exercent un droit distinct, orienté non pas vers l’acquisition de droits sur les biens, mais vers leur liquidation en vue d’un paiement.

Ce prélèvement est ainsi un moyen de garantir la satisfaction des créanciers indépendamment des relations internes entre coïndivisaires. Ce principe reflète l’idée selon laquelle l’unité de la masse indivise doit subsister tant que les créanciers n’ont pas été payés, assurant ainsi une sécurité juridique renforcée pour ces derniers.

A cet égard, il est essentiel de souligner que le prélèvement prévu par l’article 815-17 ne confère pas au créancier un droit de propriété sur les biens indivis.

En effet, ce dernier n’est pas en mesure de « prélever » un bien comme s’il en était propriétaire. Il bénéficie plutôt d’un droit de gage indivisible sur l’ensemble des biens composant l’actif indivis.

Ce droit de gage repose sur le principe selon lequel les créances doivent être réglées sur la masse indivise dans son intégralité, sans fragmenter l’assiette du gage entre les parts des coïndivisaires.

Cette indivisibilité du gage garantit que les créanciers puissent obtenir le paiement de leurs créances soit par le biais des liquidités disponibles dans la masse indivise, soit, à défaut, par une procédure de saisie et de vente des biens indivis. Cette faculté de saisie s’exerce sur l’ensemble des biens indivis, sans qu’il soit nécessaire de déterminer au préalable la répartition des parts entre coïndivisaires.

Enfin, le mécanisme de prélèvement prévu par l’article 815-17 assure une satisfaction prioritaire des créanciers avant toute opération de partage entre les indivisaires.

Cette priorité s’inscrit dans une logique de préservation des droits des créanciers, en évitant que leurs créances soient diluées ou mises en péril par les aléas des opérations de partage.

En pratique, cela signifie que l’actif net de l’indivision, une fois les créances réglées, est ensuite réparti entre les coïndivisaires selon leurs droits respectifs.

b. L’indivisibilité du gage jusqu’au partage

L’un des fondements du droit de prélèvement reconnu aux créanciers de l’indivision réside dans l’indivisibilité du gage des créanciers. Les biens indivis forment une masse unique sur laquelle les créanciers exercent leurs droits, cette unité économique et juridique étant maintenue jusqu’au partage.

Cela implique que les créances sont réglées en priorité sur l’actif indivis, y compris sur les fruits et revenus générés par les biens, sans qu’il soit nécessaire de déterminer les droits individuels des coïndivisaires au préalable.

Dans un arrêt marquant du 13 mars 2007, la Cour de cassation a précisé que les créanciers doivent être réglés sur l’actif indivis avant tout partage.

Elle a ainsi censuré une décision des juges du fond qui imputait une créance sur la seule part d’un indivisaire, réaffirmant que l’indemnité due devait être déduite de l’actif net de l’indivision avant sa répartition entre coïndivisaires (Cass. 1re civ., 13 mars 2007, n° 05-13.320).

c. Moment et montant du prélèvement

Conformément à l’article 815-17 du Code civil, le prélèvement peut intervenir à tout moment durant l’indivision, sans attendre l’issue des opérations de partage.

Quan à son montant, il correspond précisément à la créance du créancier, indépendamment des fluctuations de la masse indivise ou des parts individuelles.

En l’absence de liquidités suffisantes, le prélèvement peut prendre la forme d’une saisie et vente des biens indivis, mais toujours en respectant l’indivisibilité du gage.

d. Absence de solidarité entre coindivisaires

En matière d’indivision, le principe est l’absence de solidarité entre les indivisaires pour les dettes nées du fonctionnement de l’indivision, sauf stipulation expresse ou disposition légale particulière.

Ce régime, propre à la structure même de l’indivision, reflète le fait que chaque indivisaire est tenu au prorata de sa quote-part dans l’indivision et que les créanciers ne peuvent exiger d’un indivisaire le paiement de plus que sa part contributive.

==>Principe

La solidarité, par sa nature, impose à chaque débiteur de répondre de l’intégralité de la dette, offrant ainsi une garantie accrue au créancier.

Toutefois, en l’absence de stipulation contractuelle expresse ou de texte législatif, ce mécanisme ne s’applique pas aux indivisaires.

Les dettes liées au fonctionnement de l’indivision, qu’il s’agisse des dépenses de conservation, des charges courantes ou des dettes contractées pour le compte de l’indivision, sont réparties entre les indivisaires au prorata de leurs droits indivis.

Ainsi, chaque indivisaire est tenu uniquement à hauteur de sa participation dans l’indivision, en fonction de la quote-part qu’il détient.

Cette absence de solidarité limite la responsabilité individuelle de chaque coïndivisaire et protège ses droits dans le cadre de la gestion collective des biens indivis.

==>Les conséquences pour les créanciers

L’absence de solidarité impose au créancier une contrainte majeure : il doit diviser ses poursuites entre les indivisaires et respecter la proportion des droits de chacun.

En pratique, cela signifie que le créancier ne peut réclamer qu’un pourcentage de sa créance à chaque indivisaire, correspondant à la part indivise détenue par ce dernier.

En cas d’insolvabilité d’un ou plusieurs indivisaires, le créancier supporte le risque de ne pas recouvrer la totalité de sa créance.

Contrairement à une obligation solidaire, où le créancier peut exiger le paiement intégral auprès d’un seul débiteur, ici, il devra supporter la perte liée à l’impossibilité de recouvrer les parts des indivisaires insolvables.

Cette situation est particulièrement défavorable dans les indivisions composées de nombreux indivisaires, dont certains peuvent être financièrement faibles ou insaisissables.

==>Stipulation expresse de la solidarité

La solidarité peut néanmoins être introduite par une clause expresse, souvent insérée dans des conventions ou règlements régissant l’indivision.

Dans ce cas, tous les indivisaires deviennent co-débiteurs solidaires, permettant au créancier de poursuivre n’importe lequel d’entre eux pour l’intégralité de la créance.

Une fois la dette réglée par l’un des indivisaires, ce dernier dispose alors d’un recours contre les autres coïndivisaires pour récupérer leurs parts contributives.

Cette solidarité contractuelle présente un double avantage : elle sécurise davantage les droits des créanciers et simplifie les recours en cas de défaillance d’un indivisaire.

Cependant, elle accroît les responsabilités individuelles des coïndivisaires, qui s’exposent à une obligation de paiement intégral même si leur quote-part dans l’indivision est modeste.

2. Le droit de saisie et de vente des biens indivis

L’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil confère aux créanciers de l’indivision un droit de saisie et de vente des biens indivis, indépendamment des opérations de partage.

Cette prérogative, distincte du droit de prélèvement, leur permet de se faire payer sur le produit de la vente des biens indivis.

==>La prérogative de saisie des biens indivis

Les créanciers de l’indivision, contrairement aux créanciers personnels des indivisaires, bénéficient d’un droit spécifique leur permettant de poursuivre la saisie et la vente judiciaire des biens indivis.

Ces biens incluent non seulement ceux présents au moment de la formation de l’indivision, mais également ceux qui y sont intégrés ultérieurement par subrogation réelle, tels que les fruits et revenus produits par les biens indivis.

Toutefois, la sécurité des créanciers peut être affectée dans certaines situations. Par exemple, un immeuble acquis par un indivisaire en son nom propre avec des fonds indivis pourrait échapper au gage des créanciers de l’indivision, ceux-ci ne pouvant s’opposer aux droits du créancier personnel de cet indivisaire. Cette difficulté souligne l’importance de définir précisément l’assiette des biens indivis soumis au droit de saisie.

==>Modalités de la saisie et de la vente

La saisie des biens indivis doit être dirigée contre chaque indivisaire individuellement en raison de l’absence de personnalité juridique de l’indivision.

Les créanciers ne peuvent donc engager d’action contre « l’indivision » en tant qu’entité autonome.

La saisie peut viser des biens meubles ou immeubles, ainsi que des créances indivises. La vente s’effectue généralement par voie de licitation, sauf accord contraire entre les parties (Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, n° 93-11.317).

==>La portée et les limites du droit de saisie

Le droit de saisie des créanciers de l’indivision s’applique jusqu’au moment du partage définitif.

Une fois les biens indivis aliénés ou attribués à des indivisaires dans le cadre d’un partage, ils cessent de faire partie du gage des créanciers de l’indivision et deviennent soumis aux droits des créanciers personnels des indivisaires concernés.

Toutefois, l’effet déclaratif du partage n’altère pas les droits acquis par les créanciers de l’indivision avant le partage. Ces derniers conservent leur capacité à poursuivre la réalisation des biens indivis tant que ces biens font partie de la masse indivise.

Il convient également de noter que ce droit de saisie ne confère pas au créancier un droit exclusif sur les biens indivis. Les créanciers doivent partager leur gage avec les autres créanciers de l’indivision et se conformer aux priorités fixées par la loi, notamment lorsque plusieurs créanciers revendiquent des droits concurrents sur le même bien.

==>Extinction du droit de saisie et de vente des biens indivis

Le droit de saisie des créanciers trouve ses limites dans deux circonstances principales : le partage définitif et l’aliénation des biens indivis.

  • Le partage définitif
    • Principe
      • Le partage constitue l’acte par lequel l’indivision prend fin et les biens indivis sont attribués en pleine propriété à chacun des indivisaires, selon leurs droits respectifs.
      • Dès lors qu’un partage définitif intervient, les biens sortent du régime de l’indivision et, par conséquent, des mécanismes spécifiques prévus par l’article 815-17 du Code civil, qui confèrent aux créanciers la possibilité de saisir les biens indivis.
      • Il en résulte que, une fois le partage réalisé, les biens indivis cessent de constituer le gage commun des créanciers de l’indivision.
      • Les créanciers ne peuvent plus exercer leurs droits sur l’ensemble des biens indivis, mais uniquement sur ceux attribués à l’indivisaire débiteur.
      • Par ailleurs, en vertu de l’article 883 du Code civil, le partage est censé rétroagir à la date d’ouverture de l’indivision.
      • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, ce qui peut compliquer la position des créanciers pour les actions intentées avant le partage.
    • Exception
      • Un partage provisionnel, qui organise simplement la jouissance des biens sans en modifier la propriété, ne constitue pas une véritable dissolution de l’indivision.
      • Dans ce cas, les créanciers conservent leur droit de saisie sur les biens indivis.
      • Par exemple, une convention attribuant temporairement la jouissance d’un immeuble indivis à l’un des indivisaires n’empêche pas les créanciers de poursuivre la saisie de ce bien.
  • L’aliénation des biens indivis
    • Lorsqu’un bien indivis est vendu ou transféré à un tiers, il sort du patrimoine indivis et, par conséquent, du gage commun des créanciers de l’indivision.
    • Les créanciers ne peuvent alors plus exercer leur droit de poursuite sur ce bien, sauf exceptions prévues par le droit commun.
    • La Cour de cassation a confirmé ce principe dans un arrêt du 15 mai 2002 aux termes duquel elle a jugé que les biens indivis transférés à des tiers ne peuvent plus être saisis par les créanciers de l’indivision (Cass. 1ère civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).
    • Ces derniers doivent alors engager leurs poursuites contre les nouveaux propriétaires du bien ou contre le débiteur initial, mais sans bénéficier des mécanismes propres à l’indivision.
    • La conséquence pour les créanciers est alors double
      • Premier effet
        • Une fois le bien vendu, les créanciers doivent se tourner vers le produit de la vente si celui-ci est resté dans le patrimoine indivis, ou exercer leurs droits sur d’autres biens de l’indivision ou sur le patrimoine propre de l’indivisaire débiteur.
      • Second effet
        • Contrairement à certaines hypothèses en droit des sûretés, les créanciers ne disposent pas de mécanismes spécifiques pour revendiquer un bien indivis aliéné à un tiers, sauf si l’aliénation a été réalisée en fraude de leurs droits, auquel cas une action paulienne peut être envisagée (article 1341-2 du Code civil).

==>Cas particuliers

  • Le cas particulier des créanciers hypothécaires
    • Les créanciers hypothécaires jouissent d’un régime particulier lorsqu’ils ont consenti leur hypothèque sur des biens indivis.
    • L’hypothèque, quelle que soit sa nature (conventionnelle, judiciaire ou légale), échappe à l’effet déclaratif du partage.
    • Elle conserve ainsi sa pleine efficacité, même après l’attribution du bien grevé à un indivisaire spécifique ou sa licitation au profit d’un tiers.
    • Cela garantit au créancier hypothécaire une sécurité renforcée, bien que sa situation puisse différer de celle des créanciers de l’indivision selon les modalités de l’hypothèque.
  • Le cas particulier de l’attribution éliminatoire
    • L’attribution éliminatoire, qui permet à un indivisaire de prélever un bien précis en contrepartie d’une indemnité destinée à couvrir les droits des autres indivisaires, n’a pas pour effet de limiter le gage des créanciers sur les biens restant dans l’indivision.
    • La doctrine et la jurisprudence s’accordent à considérer que cette attribution n’affecte pas les droits des créanciers de l’indivision.
    • Aussi, les biens restant dans l’indivision continuent de constituer un gage pour les créanciers, préservant ainsi leurs droits sur l’ensemble des actifs indivis subsistants.

D) Incidences des procédure collectives

Les interactions entre les procédures collectives et les règles de l’indivision prévues à l’article 815-17 du Code civil dépendent principalement du moment où la procédure collective a été ouverte par rapport à la constitution de l’indivision.

Deux cas de figure doivent être distinguées : lorsque la procédure collective est ouverte avant la constitution de l’indivision et lorsqu’elle est ouverte après.

1. La procédure collective ouverte avant la constitution de l’indivision

Lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre d’un indivisaire avant la constitution de l’indivision, la prééminence des règles applicables aux procédures collectives s’impose.

Dans cette configuration, les créanciers, représentés par le liquidateur, conservent un droit de gage spécifique sur les biens indivis, et ce droit ne saurait être remis en cause par l’apparition postérieure de l’indivision. Le bien indivis reste alors pleinement soumis aux prérogatives des créanciers et échappe au régime de protection institué par l’indivision.

La Cour de cassation a énoncé ce principe dans un arrêt du 18 février 2003. Aux termes de cette décision, elle a admis qu’un liquidateur puisse poursuivre la vente forcée d’un immeuble indivis dès lors que la procédure collective est antérieure au décès ayant donné naissance à l’indivision successorale (Cass. com., 18 févr. 2003, n°00-13.100).

Cette approche repose sur le postulat selon lequel les créanciers, ayant constitué leurs droits avant la naissance de l’indivision, doivent pouvoir en jouir pleinement et sans entrave, indépendamment de l’évolution juridique ultérieure du patrimoine concerné.

Dès lors, l’indivision, bien qu’elle transforme la structure juridique des droits des indivisaires, ne saurait limiter l’exercice du gage préalablement acquis par les créanciers.

A cet égard, dans le cas d’une indivision successorale issue d’un décès intervenu après l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, le liquidateur, en représentation des créanciers, conserve la faculté de procéder à la licitation d’un immeuble appartenant à la succession.

L’indivision n’étant pas constituée à la date d’ouverture de la procédure collective elle ne saurait entraver le droit des créanciers de poursuivre la saisie et la vente du bien indivis. Les droits de ces derniers priment en raison de leur antériorité.

Ce raisonnement peut également être transposée pour les indivisions post-communautaires.

Par exemple, dans un arrêt du 21 mai 1997, la Cour de cassation a validé l’action d’un liquidateur qui, dans le cadre d’une liquidation judiciaire ouverte avant la transcription d’un jugement de divorce, avait procédé à la vente forcée des biens indivis avant leur partage (Cass. 1ère civ., 21 mai 1997, n°95-14.102).

La Haute juridiction a considéré, au cas particulier, que l’indivision post-communautaire n’était pas un obstacle à l’exercice des droits de saisie des créanciers, dès lors que ces derniers ont constitué leurs droits avant la création de l’indivision.

Au total, lorsque l’indivision est constituée avant l’ouverture d’une procédure collective, elle apparaît comme un état juridique secondaire, qui ne saurait primer sur les prérogatives conférées aux créanciers par les règles des procédures collectives.

L’intégration des biens indivis dans la masse de la procédure collective permet ainsi de préserver les droits des créanciers, en neutralisant les effets restrictifs potentiels de l’indivision.

2. La procédure collective ouverte après la constitution de l’indivision

Lorsqu’une procédure collective est ouverte après la constitution d’une indivision, la confrontation entre le régime de l’indivision et les principes directeurs des procédures collectives soulève une problématique essentielle : la préservation des droits des créanciers de l’indivision face aux impératifs de la suspension des poursuites individuelles.

À cet égard, l’article 815-17 du Code civil confère une protection spécifique aux créanciers de l’indivision, leur permettant d’exercer leurs droits de manière prioritaire sur les biens indivis.

==>Maintien du droit de poursuite des créanciers de l’indivision

La jurisprudence a clairement établi que l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un indivisaire n’affecte pas les prérogatives des créanciers de l’indivision.

Ces derniers conservent leur droit de gage particulier sur les biens indivis, lequel prime sur le principe de l’interdiction des poursuites individuelles.

Ainsi, a-t-il été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 février 2003, que le créancier de l’indivision peut poursuivre la saisie et la vente des biens indivis avant tout partage, indépendamment de la procédure collective en cours (Cass. Com., 18 févr. 2003, n° 00-11.008).

Cette solution repose sur l’idée que les créances liées à l’indivision se rapportent à un patrimoine distinct, qui demeure étranger aux effets directs de la procédure collective.

Par conséquent, la suspension des poursuites individuelles prévue à l’article L. 622-21 du Code de commerce ne s’applique pas aux créanciers de l’indivision, qui exercent un droit autonome sur la masse indivise.

==>Absence d’obligation de déclaration des créances

Une spécificité du régime applicable réside dans la dispense de déclaration des créances par les créanciers de l’indivision.

La Cour de cassation a confirmé dans un arrêt du 26 juin 2019 que ces créanciers peuvent poursuivre la réalisation de leur droit de gage sans être tenus de déclarer leur créance dans la procédure collective (Cass. 1ère civ. 26 juin 2019, n°17-26.154).

Cette dispense est justifiée par le fait que leur droit s’exerce directement sur les biens indivis, sans immixtion dans le patrimoine personnel de l’indivisaire concerné par la procédure collective.

==>Autonomie du droit des créanciers sur les biens indivis

L’autonomie reconnue au droit des créanciers de l’indivision reflète une volonté jurisprudentielle de préserver l’intégrité des garanties conférées par l’article 815-17 du Code civil.

Cette disposition confère aux créanciers de l’indivision une prérogative spécifique, leur permettant de se faire payer en priorité sur le produit de la vente des biens indivis, indépendamment de la procédure collective.

Ainsi, même en présence d’une procédure collective, les créanciers de l’indivision disposent d’un droit propre qui ne peut être entravé par les mécanismes de cette procédure, comme l’intervention du juge-commissaire ou l’adoption d’un plan de continuation.

En pratique, cette autonomie procédurale garantit aux créanciers de l’indivision une sécurité juridique renforcée. Ils peuvent saisir les biens indivis et obtenir paiement avant tout partage, sans être soumis aux contraintes de la procédure collective.

Cette logique, qui favorise une approche pragmatique, est essentielle pour préserver les droits des créanciers de l’indivision dans des situations où l’un des indivisaires fait l’objet d’une procédure collective (Cass. 2e civ., 16 mai 2013, n°12-16.216).

III) Les créanciers personnels des indivisaires

Au titre des alinéas 2 et 3 de l’article 815-17 du Code civil, les créanciers personnels d’un indivisaire se trouvent dans une position particulière.

Contrairement aux créanciers de l’indivision, leur droit de gage porte non sur les biens indivis eux-mêmes, mais sur la part indivise de leur débiteur.

Cependant, cette part indivise fait l’objet d’une protection : l’interdiction de saisie, prévue à l’alinéa 2. Cette règle vise à préserver la stabilité de l’indivision et à éviter qu’elle ne soit perturbée par des actions individuelles.

Pour autant, les droits des créanciers personnels ne sont pas dépourvus de moyens d’action. L’alinéa 3 leur reconnaît la possibilité de provoquer le partage ou la licitation des biens indivis.

Cette faculté leur offre une voie indirecte pour obtenir satisfaction en réalisant la valeur économique de la part de leur débiteur, sans pour autant porter atteinte directement aux biens indivis.

A) L’interdiction de saisir la part indivise du débiteur

1. Principe

==>Exposé du principe

L’article 815-17, alinéa 2, du Code civil dispose que « les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles ».

Il ressort de ce texte une interdiction claire formuler à l’encontre des créanciers personnels d’un indivisaire : il leur est strictement défendu d’exercer des poursuites sur la part abstraite que celui-ci détient dans l’indivision.

L’indivision, en tant qu’organisation juridique, se caractérise par une coexistence des droits des indivisaires sur une masse indivise, sans qu’aucun d’eux ne puisse identifier de biens précis correspondant à sa quote-part avant le partage.

La part d’un indivisaire représente donc un droit global, abstrait et indivis, portant sur l’ensemble des biens indivis.

La règle posée par l’article 815-17, alinéa 2, découle directement de cette spécificité. Permettre une saisie serait juridiquement incohérent, car aucun bien spécifique ne peut être attribué à un indivisaire tant que l’indivision subsiste. Ce caractère indéterminé de la part indivise rend la saisie impossible dans sa mise en œuvre pratique.

A cet égard, la saisie suppose une individualisation précise des biens ou droits à appréhender pour garantir l’exécution d’une obligation.

Dans le cadre de l’indivision, cette opération est incompatible pour plusieurs raisons :

  • L’indétermination de l’assiette saisissable
    • Avant le partage, la part indivise demeure une fraction abstraite de l’ensemble des biens indivis, sans correspondance précise avec des éléments matériels.
    • Ce droit, non individualisé, ne devient tangible qu’après le partage et l’établissement d’un état liquidatif (Cass. 1re civ., 7 déc. 2011, n°10-16.857).
    • Permettre une saisie sur une part aussi incertaine serait à la fois juridiquement et pratiquement inefficace.
  • L’effet déclaratif du partage
    • Selon l’article 883 du Code civil, le partage a un effet rétroactif, ce qui signifie qu’il attribue à chaque indivisaire des biens déterminés comme s’ils avaient toujours été en sa possession.
    • Ainsi, un bien indivis initialement saisi pourrait être attribué à un autre indivisaire lors du partage, rendant la saisie juridiquement nulle.
  • La nature collective et temporaire de l’indivision
    • L’indivision repose sur une gestion collective des biens indivis. Introduire un tiers, par le biais d’une saisie, perturberait cet équilibre au détriment des coïndivisaires.
    • De plus, l’indivision étant transitoire, les créanciers peuvent attendre le partage pour exercer leurs droits sur les biens attribués au débiteur, dont la valeur et la consistance seront alors clairement définies.

==>Objectifs

L’interdiction édictée par l’article 815-17, alinéa 2, répond à plusieurs objectifs qui confirment sa nécessité :

  • Préserver l’unité et l’intégrité de l’indivision
    • Autoriser une saisie sur la part indivise risquerait de rompre l’équilibre entre les indivisaires, en introduisant un élément de fragmentation incompatible avec la gestion collective des biens indivis.
  • Assurer une efficacité économique et juridique
    • La part indivise d’un indivisaire, en raison de son caractère abstrait et de sa faible attractivité économique, constitue un gage peu pertinent pour les créanciers.
    • Attendre le partage garantit une saisie efficace et une meilleure valorisation des biens.
  • Éviter les conflits inutiles
    • En empêchant toute intervention prématurée des créanciers, le législateur limite les litiges qui pourraient découler d’une mise en œuvre hasardeuse des voies d’exécution sur une assiette indéterminée.

2. Domaine de l’interdiction

==>Créanciers concernés

L’interdiction énoncée par l’article 815-17, alinéa 2, du Code civil s’applique à tous les créanciers personnels des indivisaires, sans distinction.

Qu’ils soient créanciers chirographaires, bénéficiant d’un simple droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur, ou créanciers titulaires de sûretés, aucun d’entre eux ne peut exercer des poursuites sur la part indivise que leur débiteur détient dans l’indivision (Cass. 2e civ., 17 févr. 1983, n°81-15.566). Cette interdiction est absolue et couvre toutes les créances personnelles, quelles qu’en soient la nature ou l’origine.

==>Biens concernés

L’interdiction vise indistinctement tous les biens indivis, qu’ils soient meubles ou immeubles, dès lors qu’ils relèvent de l’indivision. Cette règle s’applique tant que l’indivision demeure, c’est-à-dire tant qu’aucun partage n’a été réalisé.

En effet, la part indivise d’un indivisaire constitue un droit global, abstrait, et indivisible portant sur l’ensemble des biens de la masse indivise.

Tant que le partage n’a pas attribué des biens spécifiques en pleine propriété à chaque indivisaire, l’assiette de ce droit demeure incertaine et inappropriée pour une saisie.

Ainsi, un créancier personnel ne peut appréhender ni les biens eux-mêmes ni leur valeur à travers la part indivise, quelle qu’en soit la nature.

Cependant, une fois le partage effectué, les biens attribués individuellement aux indivisaires en pleine propriété échappent au régime de l’indivision. L’interdiction disparaît alors, et les créanciers personnels peuvent exercer leurs droits sur ces biens devenus individuels.

==>Voies d’exécution concernées

L’interdiction prévue par l’article 815-17, alinéa 2, du Code civil s’étend à l’ensemble des voies d’exécution qui pourraient porter atteinte aux droits indivis.

Cette prohibition englobe :

  • D’une part, les saisies mobilières et immobilières
  • D’autre part, les mesures conservatoires susceptibles de rendre indisponible la part indivise du débiteur.

Un débat doctrinal et jurisprudentiel a longtemps subsisté sur la question de savoir si les mesures conservatoires, telles que les saisies conservatoires, sont incluses dans le champ d’application de l’interdiction édictée par l’article 815-17, alinéa 2.

En effet, si cet article interdit aux créanciers personnels d’un indivisaire de saisir la part indivise de leur débiteur, il ne précise pas explicitement si cette interdiction s’étend aux mesures conservatoires, qui ont pour objet de préserver les droits des créanciers sans conduire immédiatement à l’exécution forcée.

Dans un arrêt du 4 octobre 2001 (Cass. 2e civ., 4 oct. 2001, n°00-11.126), la Cour de cassation a tranché cette question en considérant qu’une saisie conservatoire ayant pour effet de rendre indisponible la part indivise d’un indivisaire débiteur était prohibée.

Dans cette affaire, un créancier avait pratiqué une saisie conservatoire sur des biens indivis, en espérant exercer ses droits sur la part du débiteur dans la masse indivise. La Cour a censuré cette mesure, rappelant que l’article 815-17, alinéa 2, interdit toute forme de saisie, y compris conservatoire, dès lors qu’elle compromettrait la disponibilité des droits indivis.

Cette solution repose sur une interprétation stricte de l’article 815-17, alinéa 2. Les mesures conservatoires, bien qu’elles n’entraînent pas une exécution immédiate, partagent certaines caractéristiques avec les saisies, notamment leur capacité à immobiliser des biens ou droits en garantie d’une créance.

Dans le contexte de l’indivision, une telle indisponibilité est incompatible avec la nature collective et abstraite des droits indivis.

La part indivise d’un débiteur n’étant ni individualisée ni attribuée avant le partage, la rendre indisponible reviendrait à perturber la gestion de l’indivision et à compromettre l’équilibre entre les indivisaires.

==>La constitution de sûretés

Bien que les voies d’exécution soient interdites, il est permis à un créancier personnel de constituer une sûreté sur la part indivise de son débiteur.

La Cour de cassation a ainsi reconnu dans un arrêt du 17 février 21983 qu’une hypothèque judiciaire ou conventionnelle peut être inscrite sur cette part sans contrevenir à l’interdiction (Cass. 2e civ., 17 févr. 1983, n°81-15.566).

Dans cette affaire, une société créancière avait obtenu l’autorisation judiciaire de prendre une hypothèque provisoire sur la part indivise détenue par l’un des débiteurs dans une indivision.

Les coïndivisaires avaient contesté cette mesure, invoquant l’interdiction prévue par l’article 815-17, alinéa 2, qu’ils estimaient applicable non seulement aux saisies d’exécution, mais également aux mesures conservatoires, telles que les hypothèques.

La Cour d’appel avait rejeté cette argumentation, décision confirmée par la Cour de cassation. Celle-ci a jugé que l’interdiction de saisir les parts indivises ne restreint pas le droit des créanciers de prendre des sûretés sur celles-ci, qu’il s’agisse d’hypothèques judiciaires ou conventionnelles.

La solution retenue par la Haute juridiction repose sur la distinction entre saisie et sûreté.

  • Une saisie implique une mise à disposition immédiate des biens saisis en vue de leur exécution forcée, ce qui est incompatible avec la nature abstraite et indivise des parts dans une indivision.
  • En revanche, une hypothèque, qu’elle soit judiciaire ou conventionnelle, n’entraîne aucune indisponibilité immédiate. Elle se borne à conférer un droit de préférence au créancier sur la valeur des biens ou des droits qui seront attribués à l’indivisaire débiteur lors du partage.

Ainsi, la Deuxième chambre civile a souligné que l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire n’affecte pas l’intégrité de l’indivision. Les autres indivisaires conservent leurs droits et prérogatives sur les biens indivis, et la gestion collective de l’indivision reste intacte.

Cette solution reflète une volonté de garantir un équilibre entre, d’une part, la protection des coïndivisaires et de l’indivision en tant que régime collectif, et, d’autre part, les droits des créanciers personnels, qui doivent pouvoir sécuriser leurs créances.

L’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante, notamment de décisions qui ont également validé des hypothèques conventionnelles sur des parts indivises (V. en ce sens Cass. 1re civ., 20 oct. 1982, n°81-15.560) ou encore des hypothèques judiciaires provisoires (Cass. 3e civ., 2 nov. 1983, n°82-11.547).

Ces décisions rappellent que, contrairement à une saisie, la constitution d’une sûreté ne trouble pas la gestion collective des biens indivis, puisque son effet ne se manifeste qu’au moment du partage.

Cependant, la réalisation d’une telle sûreté reste subordonnée à l’issue du partage. Si les biens grevés par la sûreté ne sont pas attribués à l’indivisaire débiteur, la sûreté devient inopérante sur ces biens spécifiques.

Par ailleurs, dans le cas où l’hypothèque serait consentie par tous les indivisaires, le créancier pourrait exercer des poursuites directement sur le bien indivis, sans attendre le partage.

3. Sanction

Toute saisie effectuée en violation de l’article 815-17, alinéa 2, est frappée de nullité (CA Bordeaux, 16 avr. 1985).

Cette nullité protège non seulement le débiteur, mais également les coïndivisaires, qui pourraient subir un préjudice en cas d’intervention abusive des créanciers.

La sanction contribue ainsi à maintenir l’équilibre entre les droits des créanciers et ceux des indivisaires.

B) Le droit de provoquer le partage et la licitation

L’article 815-17, alinéa 3, du Code civil confère aux créanciers personnels d’un indivisaire une faculté d’une portée exceptionnelle : celle de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage initié par ce dernier.

Ce mécanisme, qui participe de l’application de l’action oblique, repose sur la nécessité de préserver les droits des créanciers face à l’inertie de leur débiteur ou aux risques de fraude liés aux opérations de partage.

D’une part, les créanciers peuvent exercer une action en partage, par laquelle ils agissent directement pour mettre fin à l’indivision et obtenir ainsi le paiement de leur créance. Cette action permet de mobiliser les droits indivis pour transformer les actifs en valeurs liquidatives, souvent nécessaires pour désintéresser les créanciers. Ce droit, soumis à des conditions de fond et de forme, exige notamment une créance certaine, liquide et exigible, ainsi qu’une carence avérée du débiteur à agir.

D’autre part, lorsque le partage a déjà été provoqué par le débiteur ou un autre indivisaire, les créanciers disposent d’un droit d’intervention au partage, leur permettant de s’assurer du respect de leurs droits dans la répartition des biens indivis.

Ce droit vise principalement à éviter que les opérations de partage ne soient réalisées en fraude de leurs intérêts, par exemple par une attribution de biens insaisissables au débiteur ou une évaluation contestable des lots.

Enfin, et de manière complémentaire, l’article 815-17, alinéa 3, prévoit que les coïndivisaires du débiteur disposent d’un moyen d’opposition : ils peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant eux-mêmes l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur.

Cette faculté, qui relève d’une logique de solidarité entre indivisaires, leur permet de préserver l’indivision en désintéressant directement le créancier.

Toutefois, cette opposition suppose que les coïndivisaires acquittent intégralement la dette, faute de quoi le créancier conserve son droit à agir.

Les coïndivisaires qui exercent cette faculté se remboursent ensuite par prélèvement sur les biens indivis, conformément au texte. Ce mécanisme garantit un équilibre entre les droits des créanciers et la volonté des coïndivisaires de maintenir l’unité de l’indivision.

Ces trois prérogatives – l’action en partage, l’intervention au partage et la faculté d’arrêt du cours de l’action – traduisent un subtil équilibre entre les droits des créanciers, la sauvegarde de l’indivision et la protection des coïndivisaires. Ce dispositif assure ainsi une conciliation efficace entre les impératifs de recouvrement et les principes fondamentaux de l’indivision.

1. L’action en partage

L’article 815-17, alinéa 3, du Code civil confère aux créanciers personnels d’un indivisaire une prérogative singulière : celle de provoquer le partage au nom de leur débiteur.

Ce droit, en dérogation à la prohibition générale de saisie édictée par l’alinéa précédent, s’inscrit dans un équilibre entre la sauvegarde des droits des créanciers et la préservation de l’intégrité de l’indivision.

a. Principe

L’article 815-17, alinéa 3, du Code civil dispose que « les créanciers personnels d’un indivisaire ont […] la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui ».

Cette disposition repose sur une logique de protection des créanciers, en leur offrant un moyen d’action face à la carence du débiteur à exercer ses droits dans l’indivision.

Lorsqu’un indivisaire néglige de demander le partage, les créanciers sont exposés au risque de voir leur créance compromise par la stagnation de l’indivision, notamment si les biens indivis perdent de leur valeur ou si des litiges surviennent entre les coïndivisaires.

Ce droit, introduit par la loi du 31 décembre 1976, marque une évolution importante par rapport au régime antérieur.

En effet, il dépasse la simple opposition prévue à l’article 882 du Code civil, qui permettait seulement aux créanciers de veiller à ce qu’un partage ne se fasse pas en fraude de leurs droits. Ici, l’article 815-17, alinéa 3, leur confère une véritable faculté d’agir au nom du débiteur, par le biais de l’action oblique régie par l’article 1341-1 du Code civil, lorsque l’inertie de ce dernier compromet leur recouvrement.

En outre, cette faculté ne se limite pas à la demande de partage stricto sensu. Elle s’étend également à la licitation des biens indivis, laquelle se révèle souvent indispensable lorsque les biens en question sont indivisibles ou difficilement partageables en nature.

Dans de tels cas, la licitation, consistant en la vente aux enchères des biens indivis, permet de transformer les actifs indivis en une masse de liquidités répartissable entre les indivisaires, facilitant ainsi le règlement des créances.

La jurisprudence a confirmé cette extension du droit d’agir des créanciers, considérant que la demande de licitation découle nécessairement de leur faculté de provoquer le partage (CA Paris, 20 nov. 1984).

Ce droit de substitution illustre une conciliation entre la sauvegarde des intérêts des créanciers et le respect des règles fondamentales de l’indivision. Il n’en reste pas moins encadré par des conditions strictes, à la fois procédurales et matérielles, afin d’éviter tout abus de droit ou atteinte disproportionnée aux droits des coïndivisaires.

Par exemple, le créancier doit justifier d’une créance certaine, liquide et exigible, et il lui appartient de démontrer que la carence de son débiteur compromet directement ses droits (Cass. 1re civ., 17 mai 1982, n°81-12.312).

Ainsi, l’article 815-17, alinéa 3, confère aux créanciers un outil efficace pour préserver leurs intérêts, tout en maintenant l’équilibre entre les droits des indivisaires et ceux des tiers, notamment lorsque l’inertie ou l’obstruction d’un débiteur met en péril la pérennité de l’indivision.

b. Conditions de l’action en partage

i. Conditions de fond

Pour que l’action en partage, exercée par un créancier personnel d’un indivisaire, soit jugée recevable, plusieurs conditions de fond doivent impérativement être réunies.

Ces conditions, qui mêlent à la fois les exigences spécifiques à l’action en partage et celles découlant du régime général de l’action oblique, traduisent la nature hybride de cette prérogative.

En effet, l’action en partage, bien qu’encadrée par des règles propres, s’inscrit dans la logique de l’article 1341-1 du Code civil, faisant de l’action oblique un fondement sous-jacent.

Ces exigences témoignent de la rigueur juridique entourant cette faculté, visant à garantir l’équilibre entre les droits des créanciers à recouvrer leurs créances et la protection des indivisaires contre des actions abusives ou non justifiées.

Elles conditionnent non seulement la recevabilité de l’action, mais aussi son bien-fondé au regard des principes qui gouvernent l’indivision.

==>Existence d’une indivision

L’indivision doit être constituée au moment où l’action en partage est engagée. L’article 815-17, alinéa 3, du Code civil ne saurait être invoqué pour obtenir le partage d’un bien n’étant pas encore dans une situation d’indivision juridiquement établie.

Cela exclut, par exemple, les biens relevant d’une communauté conjugale avant sa dissolution, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 1993 aux termes duquel elle a jugé qu’un créancier personnel d’un conjoint commun en biens ne peut provoquer le partage d’un bien commun avant la dissolution de la communauté (Cass. 1re civ., 9 nov. 1993, n°91-20.290).

Il s’infère de cette condition que l’action en partage repose sur une situation juridique préexistante, et non sur un simple espoir de constitution future d’un patrimoine indivis.

==>Qualité de créancier personnel

L’action en partage reconnue par l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil est strictement réservée aux créanciers personnels d’un indivisaire.

A cet égard, la qualité de créancier personnel désigne une personne ayant une créance directe envers un indivisaire en raison d’un lien contractuel, délictuel ou quasi-délictuel, ou d’une autre source d’obligation.

En vertu de cette relation juridique, le créancier agit dans son propre intérêt et non dans celui de l’indivision.

Ainsi, cette action ne s’étend pas aux créanciers de l’indivision elle-même, ces derniers étant appelés à faire valoir leurs droits selon des mécanismes spécifiques, tels que le prélèvement sur l’actif indivis prévu par l’article 815-17, alinéa 1.

Cette distinction garantit que seuls les créanciers directement concernés par la dette d’un indivisaire débiteur puissent exercer un droit d’action sur l’indivision. Une telle restriction vise à prévenir les abus et à préserver les intérêts des autres coïndivisaires, qui pourraient être compromis si les créanciers de l’indivision, plus nombreux, pouvaient également intervenir dans ce cadre.

La limitation de l’action aux créanciers personnels découle de la nature intrinsèque de l’indivision, qui est fondée sur la coexistence de droits concurrents entre indivisaires.

Le partage, qui vise à mettre fin à l’indivision, constitue une opération complexe pouvant avoir des conséquences importantes pour chaque indivisaire. Il serait donc inéquitable que des créanciers extérieurs à un indivisaire spécifique puissent intervenir pour contraindre l’indivision dans son ensemble.

Cette règle répond également à une logique de sécurité juridique. En autorisant uniquement les créanciers personnels d’un indivisaire à provoquer ou intervenir dans le partage, la loi limite les situations de conflits et d’enchevêtrement des droits de créance, tout en maintenant l’équilibre nécessaire entre les droits des créanciers et la préservation des intérêts des coïndivisaires.

La jurisprudence a précisé et confirmé cette distinction qu’il y a lieu de faire encre les créanciers.

Par exemple, il a été jugé que les créanciers de l’indivision ne peuvent provoquer le partage des biens indivis, car ils ne détiennent pas de créance personnelle contre un indivisaire en particulier.

À l’inverse, les créanciers personnels, du fait de leur lien direct avec un indivisaire débiteur, sont habilités à exercer l’action, dans la limite des droits détenus par leur débiteur dans l’indivision.

La qualité de créancier personnel constitue donc une condition essentielle à la recevabilité de l’action en partage.

Avant d’engager une telle procédure, le créancier doit prouver l’existence de ce lien direct, sous peine d’irrecevabilité. Cette exigence met également en lumière la nécessité pour les créanciers de vérifier la nature juridique de leur créance avant toute action.

==>Carence du débiteur

L’article 815-17, alinéa 3, du Code civil confère aux créanciers personnels d’un indivisaire le droit de provoquer le partage, mais uniquement si leur débiteur se révèle défaillant dans l’exercice de cette faculté.

La carence du débiteur constitue dès lors une condition préalable et indispensable à la recevabilité de l’action.

Ce principe repose sur une double logique :

  • Préserver l’autonomie des indivisaires : le partage relève en principe d’une décision des indivisaires eux-mêmes. L’intervention du créancier n’est permise que si cette autonomie est défaillante, justifiant une substitution par le créancier.
  • Protéger les intérêts des créanciers : lorsque le débiteur reste inactif malgré la nécessité manifeste de mettre fin à l’indivision, le créancier est légitimé à intervenir pour éviter que ses droits ne soient irrémédiablement compromis.

La carence du débiteur peut prendre différentes formes, toutes caractérisées par une inertie préjudiciable aux droits du créancier :

  • Le débiteur s’abstient totalement de demander le partage des biens indivis, bien que cette démarche soit nécessaire pour permettre le paiement de la créance.
  • Une action en partage a été engagée, mais le débiteur néglige de la poursuivre ou d’accomplir les actes nécessaires à son aboutissement.
  • Le débiteur manifeste une inertie persistante, malgré l’existence d’un contexte évident justifiant le partage, tel qu’un conflit entre coïndivisaires ou une impossibilité matérielle de maintenir l’indivision (Cass. 1re civ., 21 nov. 2018, n° 17-26.245).

La jurisprudence veille à un contrôle rigoureux de cette condition. La charge de la preuve incombe au créancier, qui doit démontrer que l’attitude du débiteur met en péril le recouvrement de sa créance.

La Cour de cassation a précisé que cette carence ne peut être présumée. Elle doit être constatée sur la base de faits objectifs établissant :

  • L’inaction prolongée du débiteur
  • L’absence d’intention manifeste de procéder au partage, malgré une situation d’indivision durable ou économiquement nuisible.

À titre d’exemple, une carence a été retenue dans une affaire où le débiteur, endetté depuis plusieurs années, n’avait entrepris aucune démarche pour sortir d’une indivision bloquée, compromettant ainsi les droits de ses créanciers (Cass. 1re civ., 11 mars 2003, n° 01-12.170).

Toutefois, l’inertie du débiteur n’est pas établie si celui-ci justifie son refus d’agir par des motifs légitimes, tels que :

  • La conclusion d’une convention d’indivision entre coïndivisaires, interdisant toute demande de partage avant un certain délai.
  • L’existence d’un désaccord entre indivisaires ne relevant pas de sa responsabilité.
  • Une procédure en cours, telle qu’une liquidation judiciaire, encadrant les biens indivis.

Dans ces cas, le créancier ne pourra valablement prétendre à la carence du débiteur.

Lorsqu’elle est avérée, la carence du débiteur ouvre au créancier la possibilité d’exercer une action oblique pour provoquer le partage.

==>Existence d’une créance certaine, liquide et exigible

Pour que l’action en partage intentée par un créancier personnel d’un indivisaire soit recevable, la créance invoquée doit remplir trois critères cumulatifs : elle doit être certaine, liquide, et exigible.

Ces exigences, issues des principes généraux du droit des obligations, garantissent que l’action ne repose pas sur des droits hypothétiques ou incertains.

  • Une créance certaine
    • Une créance est dite certaine lorsqu’elle repose sur une obligation clairement établie, et non sur une simple éventualité ou probabilité.
    • Cela signifie que le droit du créancier à réclamer le paiement doit être juridiquement reconnu et non contesté par le débiteur ou soumis à des conditions suspensives.
    • Aussi, une créance subordonnée à la réalisation d’une condition suspensive (exemple : le versement d’une somme après la survenance d’un événement futur et incertain) ne peut justifier une action en partage.
    • La jurisprudence est stricte à cet égard : une créance incertaine, parce que conditionnelle, prive le créancier du droit d’agir dans l’indivision (Cass. req., 25 mars 1924).
    • Pour exemple, une banque réclamant le remboursement d’un prêt hypothécaire dont l’échéance n’est pas encore arrivée ne pourrait prétendre exercer une action en partage au titre d’une créance non encore certaine.
  • Une créance liquide
    • La liquidité d’une créance implique qu’elle soit susceptible d’être chiffrée avec exactitude.
    • Autrement dit, le montant dû doit être déterminé ou, à tout le moins, facilement déterminable sans nécessiter de procédures longues et complexes.
    • Une créance dont le montant reste incertain ou non évaluable ne peut permettre au créancier d’exercer l’action.
    • Par exemple, une créance portant sur des dommages et intérêts à évaluer ultérieurement par le juge serait considérée comme non liquide.
    • Certains auteurs estiment toutefois qu’une créance évaluée par le biais d’une clause pénale ou stipulée par contrat peut être considérée comme liquide, même si son montant exact n’a pas encore été fixé par un juge.
  • Une créance exigible
    • Une créance exigible est une créance dont le terme est échu, ce qui signifie que le débiteur est tenu d’en effectuer le paiement.
    • Une créance assortie d’un terme suspensif, c’est-à-dire dont l’échéance est fixée à une date future, ne peut servir de fondement à une action en partage.
    • L’exigence d’exigibilité garantit que le créancier agit pour faire valoir un droit actuel et non anticipé.
    • Par exemple, une créance résultant d’un prêt dont les échéances ne sont pas encore dues ne permettrait pas au créancier d’intervenir dans l’indivision.
    • En cas de défaillance manifeste du débiteur ou de risque d’insolvabilité, certaines créances dont le terme est en cours peuvent toutefois, dans des cas spécifiques, être prises en compte, sous réserve d’une autorisation judiciaire.

La charge de la preuve de ces trois caractères que doit présenter la créance incombe au créancier.

Ce dernier doit démontrer, par tout moyen, que la créance est certaine, liquide et exigible. À défaut, son action sera jugée irrecevable.

La nécessité d’une créance certaine, liquide et exigible trouve sa justification dans le caractère intrusif de l’action en partage pour les coïndivisaires.

L’objectif est de limiter cette faculté aux situations où le créancier dispose d’un droit incontestable et actuel, évitant ainsi des conflits inutiles ou prématurés.

Cette exigence préserve les droits des autres coïndivisaires, en évitant qu’un créancier sans titre solide ne vienne perturber l’indivision.

En s’assurant de ces conditions, le créancier maximise ses chances de succès dans l’obtention d’une quote-part ou d’une somme permettant le recouvrement de sa créance.

ii. Conditions procédurales

L’action en partage exercée par un créancier personnel d’un indivisaire est soumise à des exigences procédurales spécifiques, dont certaines découlent des règles générales applicables à l’action oblique, tandis que d’autres répondent aux particularités du partage.

Ces conditions visent à garantir la régularité des opérations tout en assurant l’équilibre entre l’efficacité de la créance et les droits des indivisaires.

==>Compétence juridictionnelle

Le tribunal compétent varie selon la nature de l’indivision et le contexte dans lequel s’inscrit la demande en partage :

  • Compétence du Tribunal judiciaire
    • En principe, le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur les actions en partage, y compris celles intentées par un créancier personnel d’un indivisaire dans le cadre d’une action oblique.
    • Cette compétence découle des dispositions générales du Code de l’organisation judiciaire, en particulier l’article L. 211-3, qui attribue au tribunal judiciaire compétence en matière de partage, quelle qu’en soit la cause.
    • Lorsque l’indivisaire débiteur fait l’objet d’une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître de l’action en partage.
    • Ce principe a été confirmé par la Cour de cassation qui a jugé que le partage des biens indivis ne relève pas des matières spécialement attribuées aux juridictions commerciales, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).
    • Cette décision repose sur le fait que le partage ne constitue pas une mesure de réalisation des actifs de la procédure collective, mais vise à mettre fin à l’indivision.
  • Compétence du Juge aux affaires familiales (JAF)
    • Lorsque l’action concerne une indivision entre époux, partenaires de PACS ou concubins (même non séparés), le juge aux affaires familiales est compétent en vertu de l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire.
    • Cela inclut notamment les demandes en partage liées à des indivisions créées par la liquidation des régimes matrimoniaux ou les relations patrimoniales des concubins (Cass. 1re civ., 1er juin 2017, n°15-28.344).

==>Assignation de tous les indivisaires

L’action en partage intentée par un créancier doit respecter le principe du contradictoire.

À ce titre, tous les indivisaires doivent être assignés. Cette exigence garantit que chaque coïndivisaire puisse faire valoir ses droits et participer aux discussions sur le partage ou la licitation des biens indivis.

L’absence d’un indivisaire dans la procédure pourrait entraîner l’irrecevabilité de l’action ou la nullité des actes de partage.

==>Dérogation aux formalités prévues par l’article 1360 du Code de procédure civile

Le créancier personnel d’un indivisaire, agissant par voie oblique, bénéficie d’une dérogation importante aux prescriptions formelles de l’article 1360 du Code de procédure civile.

Pour mémoire, cet article impose aux indivisaires, sous peine d’irrecevabilité, de fournir un descriptif sommaire du patrimoine à partager ainsi que de préciser leurs intentions quant à la répartition des biens. Ces exigences, bien qu’elles garantissent une certaine transparence, peuvent constituer un frein à l’efficacité des procédures lorsqu’il s’agit de préserver les droits des créanciers.

Toutefois, la Cour de cassation a clairement exclu l’application de ces dispositions au créancier exerçant une action oblique pour provoquer le partage, estimant que ces formalités ne sauraient entraver le recouvrement des créances (Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, n° 12-21.272). Cette position vise à assurer la rapidité et l’efficacité de la procédure, en tenant compte de la nécessité d’intervenir dans l’indivision pour protéger les droits du créancier.

De manière similaire, la Cour de cassation a jugé qu’un liquidateur judiciaire représentant un débiteur peut provoquer le partage dans l’intérêt des créanciers, sans être tenu de respecter les formalités strictes prévues par l’article 1360 (Cass. 1re civ., 13 janv. 2016, n° 14-29.534).

En l’occurrence, le liquidateur judiciaire, agissant au nom et pour le compte du débiteur en procédure collective, avait sollicité la licitation-partage d’un immeuble indivis afin de permettre le règlement des créanciers. Cette décision confirme que les impératifs liés à la protection des créanciers priment sur les contraintes procédurales classiques dans ce contexte.

Ainsi, l’exclusion des exigences formelles prévues par l’article 1360 illustre la volonté de la jurisprudence de privilégier l’efficacité dans la sauvegarde des droits des créanciers, tout en adaptant les règles procédurales aux particularités de l’action oblique.

==>Absence de mise en demeure

Enfin, aucune formalité préalable spécifique, telle qu’une mise en demeure, n’est requise pour initier l’action en partage.

Cependant, il est recommandé de notifier ou d’informer le débiteur avant d’intenter l’action, afin de limiter les contestations ultérieures et d’assurer une certaine transparence dans la procédure.

c. Effets de l’action en partage

i. Effets principaux

==>Bénéfice collectif pour les créanciers

L’action en partage, initiée par un créancier personnel d’un indivisaire, produit des effets au-delà des intérêts du seul demandeur.

En effet, cette action bénéficie à l’ensemble des créanciers du débiteur, conformément au principe de l’unicité du patrimoine du débiteur consacré par l’article 2284 du Code civil, selon lequel ses biens présents et à venir constituent le gage commun de ses créanciers.

Lorsque le partage permet de mettre fin à l’indivision et de convertir les droits indivis du débiteur en sommes d’argent, ces dernières sont disponibles pour être réparties entre tous les créanciers, conformément aux règles de la procédure d’exécution ou de la procédure collective applicable.

Cela établit une forme de solidarité passive indirecte entre les créanciers, où les efforts d’un seul profitent à tous, tout en évitant des actions concurrentes susceptibles de compromettre l’efficacité du recouvrement.

Cette mutualisation des bénéfices est particulièrement pertinente lorsque les biens indivis sont indivisibles en nature ou difficiles à répartir autrement que par leur vente.

La licitation, ordonnée dans ce cadre, assure une distribution équitable de la valeur liquidée entre tous les créanciers.

==>Préservation des droits des créanciers

Le créancier agissant en partage ne se contente pas d’initier le processus de dissolution de l’indivision?; il intervient également pour protéger ses propres droits et, par ricochet, ceux des autres créanciers.

  • Contrôle des opérations de partage
    • En participant activement au partage, le créancier peut vérifier que les modalités de répartition respectent les principes légaux et qu’aucune tentative de fraude ne vient compromettre ses droits.
    • Par exemple, il peut s’opposer à des évaluations manifestement biaisées des biens indivis ou contester l’attribution de certains biens au débiteur, notamment lorsque ceux-ci sont insaisissables (par exemple, un bien affecté à l’usage d’une activité professionnelle et bénéficiant de la protection de l’article L. 526-1 du Code de commerce).
  • Sanction des fraudes
    • En cas de fraude manifeste, telle qu’une sous-évaluation intentionnelle des biens indivis ou l’attribution de biens au débiteur dans le seul but d’échapper à l’action des créanciers, l’article 1167 du Code civil permet au créancier d’exercer l’action paulienne pour faire déclarer inopposables les actes portant atteinte à son droit de gage général.
  • Recours en cas d’abus de droit
    • Si un indivisaire, notamment le débiteur, utilise sa position pour retarder le partage ou obtenir une répartition déséquilibrée, le créancier peut également invoquer les dispositions relatives à l’abus de droit, afin de faire respecter les principes d’équité et de bonne foi (article 1104 du Code civil).

ii. Limites

L’action du créancier est susceptible d’être empêchée par plusieurs obstacles :

  • L’existence d’une convention d’indivision
  • L’existence d’un démembrement de propriété

==>L’existence d’une convention d’indivision

La convention d’indivision, prévue par les articles 1873-1 et suivants du Code civil, constitue un cadre juridique permettant aux indivisaires d’organiser la gestion de leur indivision et d’en limiter la dissolution.

Bien qu’elle confère une stabilité à l’indivision, elle peut également limiter l’exercice du droit des créanciers personnels d’un indivisaire, y compris lorsqu’ils agissent par voie oblique sur le fondement de l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil.

En effet, l’article 1873-15, alinéa 2, dispose que les créanciers personnels d’un indivisaire « ne peuvent provoquer le partage que dans les cas où leur débiteur pourrait lui-même le provoquer ».

En conséquence, les créanciers sont directement soumis aux restrictions imposées par la convention d’indivision, laquelle peut être conclue pour une durée déterminée ou indéterminée :

Selon l’article 1873-3, alinéa 1er, lorsque la convention fixe une durée déterminée (ne pouvant excéder cinq ans), le partage ne peut être provoqué avant le terme convenu, sauf en cas de justes motifs.

Ces justes motifs, appréciés souverainement par le juge, peuvent inclure une situation de péril pour les droits des créanciers ou la preuve d’une fraude manifeste des indivisaires visant à empêcher le recouvrement des créances.

En vertu de l’article 1873-3, alinéa 2, lorsqu’une convention est conclue pour une durée indéterminée, le partage peut être provoqué à tout moment, à condition que l’action ne soit pas exercée de mauvaise foi ou à contretemps. Ces notions, bien que peu définies, visent à prévenir les abus de droit, qu’ils émanent des indivisaires ou des créanciers.

Pour que la convention d’indivision soit opposable au créancier personnel d’un indivisaire, elle doit répondre à plusieurs critères de validité :

  • Conformité aux exigences légales
    • La convention doit respecter les dispositions de l’article 1873-2, alinéa 2, du Code civil. À défaut, elle pourrait être contestée par le créancier, qui demanderait sa nullité ou son inopposabilité.
  • Antériorité de la convention
    • La convention d’indivision doit être conclue avant la demande en partage.
    • La Cour de cassation a en effet jugé en ce sens qu’une convention conclue après l’introduction de l’action en partage ne peut être opposée au créancier pour empêcher le déroulement de cette action (Cass. 1re civ., 8 mars 1983, n°82-10.721).
    • Cette règle vise à éviter que les indivisaires n’utilisent abusivement la convention pour bloquer les initiatives des créanciers sans autre contrepartie.

Si la convention d’indivision constitue un moyen juridique efficace de limiter les actions des créanciers, elle n’est pas exempte d’incertitudes :

D’une part, les « justes motifs » permettant de contourner une convention d’indivision temporaire restent sujets à interprétation. La doctrine a notamment souligné le caractère imprécis de ces notions et leur appréciation au cas par cas par le juge.

D’autre part, les créanciers peuvent contester la convention s’ils démontrent qu’elle a été utilisée de manière abusive ou qu’elle a pour unique objet de retarder indûment le recouvrement de leur créance.

==>L’existence d’un démembrement de propriété

Lorsque le bien indivis est grevé d’un usufruit, la situation se complexifie davantage, notamment en cas de demande de licitation judiciaire. L’usufruitier dispose de droits spécifiques sur le bien, qui doivent être respectés et pris en compte dans toute opération de partage ou de licitation.

  • Principe de protection de l’usufruitier
    • Selon l’article 578 du Code civil, l’usufruitier a le droit d’utiliser le bien indivis et d’en percevoir les fruits.
    • Toute vente ou licitation du bien indivis affecterait ces droits, ce qui impose l’accord préalable de l’usufruitier pour procéder à la licitation.
    • Cette règle a été confirmée par la Cour de cassation, qui a rappelé que, sans cet accord, la licitation ne peut être ordonnée (Cass. 1re civ., 13 juin 2019, n° 18-17.347).
  • Effet sur l’action des créanciers
    • En pratique, si un créancier souhaite provoquer le partage ou demander la licitation d’un bien grevé d’usufruit, il doit soit obtenir l’accord de l’usufruitier, soit démontrer que ce dernier agit de manière abusive ou qu’il ne subira pas de préjudice significatif.
    • À défaut, le juge peut rejeter la demande.
  • Incidence sur la répartition
    • En cas de licitation validée avec l’accord de l’usufruitier, le produit de la vente doit être réparti en tenant compte de la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété.
    • Cette répartition est réalisée conformément aux règles fixées par la table de mortalité de l’article 669 du Code général des impôts, qui évalue la valeur de l’usufruit en fonction de l’âge de l’usufruitier.

d. Les concours entre créanciers

L’indivision, en tant que régime juridique transitoire, peut donner lieu à des situations complexes de concours entre créanciers.

Ces conflits surviennent lorsque plusieurs créanciers revendiquent des droits concurrents sur les biens ou l’actif de l’indivision.

Le régime applicable varie selon les catégories de créanciers en présence : créanciers de l’indivision, créanciers personnels des indivisaires, ou encore indivisaires eux-mêmes créanciers.

==>Concours entre créanciers de l’indivision

Le concours entre créanciers de l’indivision se pose dans deux hypothèses principales :

  • Tous les créanciers sont chirographaires
    • En l’absence de créanciers bénéficiant de sûretés réelles, la distribution des fonds disponibles se fait au prorata des créances, selon la règle classique du marc l’euro. Cette répartition proportionnelle garantit une égalité entre créanciers.
  • Insuffisance de l’actif de l’indivision
    • Lorsque l’actif est insuffisant pour désintéresser l’ensemble des créanciers, chacun voit sa créance réduite à hauteur de la fraction disponible.
    • Par exemple, si l’actif s’élève à 500 000 € pour un passif de 600 000 €, chaque créancier recevra 5/6 de sa créance.

Dans ces situations, une négociation amiable est souvent privilégiée pour éviter les coûts supplémentaires liés aux saisies ou aux procédures judiciaires.

Par ailleurs, les créanciers peuvent convenir d’une attribution en nature des biens indivis en règlement de leur créance, sous réserve de l’accord de toutes les parties.

==>Concours entre créanciers de l’indivision et créanciers personnels des indivisaires

Le Code civil opère une distinction nette entre ces deux catégories de créanciers, fondée sur la séparation des gages.

  • Priorité des créanciers de l’indivision
    • L’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil confère aux créanciers de l’indivision un droit de prélèvement prioritaire sur l’actif indivis, avant toute répartition entre les indivisaires.
    • Ce droit s’exerce indépendamment des créances personnelles des indivisaires.
  • Exclusion des créanciers personnels des indivisaires
    • Ces derniers ne peuvent saisir la part de leur débiteur dans les biens indivis tant que le partage n’est pas intervenu, conformément à l’article 815-17, alinéa 2, du Code civil.
    • Leur droit s’exerce uniquement sur le lot attribué à leur débiteur après partage.
    • Cette règle protège l’intégrité de l’indivision en tant que patrimoine distinct.

Certains auteurs critiquent la primauté des créanciers chirographaires de l’indivision sur les créanciers personnels hypothécaires des indivisaires, estimant qu’elle crée un « privilège » implicite pour les premiers.

Cependant, cette situation découle de la distinction entre deux masses de gage distinctes, et non d’un véritable privilège. La jurisprudence s’accorde sur la priorité des créanciers de l’indivision dans le cadre de leur droit de prélèvement.

==>Concours entre indivisaires créanciers et droit de prélèvement

Le droit de prélèvement reconnu aux créanciers de l’indivision, en application de l’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil, est un mécanisme central dans le règlement des dettes liées à la conservation ou à la gestion des biens indivis.

Toutefois, lorsque ce droit est invoqué par un indivisaire lui-même créancier de l’indivision, il peut entrer en concurrence avec d’autres droits ou créances, posant des problématiques complexes.

Selon l’article 815-17, alinéa 1er, les créanciers dont les créances résultent de dépenses de conservation ou de gestion des biens indivis bénéficient d’un droit prioritaire de prélèvement sur l’actif avant tout partage. Ce droit s’applique indépendamment du statut des autres créanciers, qu’il s’agisse de créanciers personnels des indivisaires ou d’indivisaires eux-mêmes.

La jurisprudence a confirmé ce principe en établissant que les créances liées aux dépenses nécessaires pour maintenir les biens indivis (ex. : remboursement d’un emprunt ayant financé l’acquisition ou la conservation du bien) peuvent être imputées sur la valeur des biens avant leur répartition.

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour de cassation a clarifié les conditions d’exercice du droit de prélèvement par un indivisaire créancier Cass. 1re civ., 26 juin 2013, n° 12-11.818).

Dans cette affaire, deux ex-époux étaient propriétaires indivis d’un immeuble acquis pendant leur mariage grâce à des emprunts.

À la suite de leur divorce, le notaire chargé de la liquidation des intérêts pécuniaires a proposé une attribution préférentielle de l’immeuble à l’un des ex-époux, qui avait remboursé personnellement une partie des échéances des prêts contractés pour financer le bien.

Le liquidateur judiciaire de l’autre ex-époux a contesté cette attribution et a demandé la licitation de l’immeuble afin de régler le passif de la liquidation judiciaire.

La cour d’appel avait accédé à cette demande, ordonnant la vente aux enchères publiques de l’immeuble, au motif que l’ex-époux demandant l’attribution préférentielle ne justifiait pas disposer des fonds nécessaires pour désintéresser le liquidateur judiciaire.

Elle avait également considéré que les paiements effectués par cet ex-époux ne suffisaient pas à justifier un droit de prélèvement prioritaire sur l’actif indivis.

Cependant, la Cour de cassation a censuré cette décision. Elle a rappelé que les créances résultant des dépenses de conservation ou de gestion des biens indivis, telles que le remboursement d’emprunts nécessaires à l’acquisition ou au maintien du bien, donnent droit à un prélèvement prioritaire sur l’actif indivis, avant tout partage.

En l’espèce, l’ex-époux ayant effectué ces paiements était créancier de l’indivision et pouvait légitimement faire valoir ce droit de prélèvement pour être indemnisé avant que les créances personnelles de l’autre ex-époux ne soient prises en compte.

Cette décision met en lumière plusieurs principes qui régissent l’exercice du droit de prélèvement par un indivisaire créancier :

  • Tout d’abord, les créances résultant de dépenses de conservation ou de gestion des biens indivis priment sur les créances personnelles des indivisaires. Cela permet de garantir que les efforts consentis pour préserver les biens indivis soient compensés équitablement.
  • Ensuite, les créanciers personnels des indivisaires ne peuvent prétendre au règlement intégral de leurs créances sans tenir compte des droits prioritaires des créanciers de l’indivision, même lorsque ces derniers sont des indivisaires.
  • Enfin, le droit de prélèvement vise à ajuster la répartition des parts indivises en fonction des contributions financières réelles de chacun des indivisaires à la conservation des biens.

En consacrant la priorité des créances liées à la conservation des biens, cet arrêt illustre l’importance du droit de prélèvement pour assurer l’équité entre les indivisaires et leurs créanciers dans le cadre d’une indivision.

2. L’intervention au partage

L’intervention au partage constitue un mécanisme protecteur permettant aux créanciers personnels d’un indivisaire de surveiller et, le cas échéant, d’influencer les opérations de partage déjà engagées par leur débiteur ou par un autre coïndivisaire.

Cette faculté, prévue notamment par les articles 815-17 et 882 du Code civil, vise à éviter que le partage ne soit réalisé en fraude des droits des créanciers ou que leurs chances de recouvrement ne soient compromises.

a. Fondement et étendue du droit d’intervention

Lorsque le partage a été demandé par l’indivisaire débiteur, le créancier peut intervenir pour s’assurer que l’opération respecte ses droits.

Ce droit d’intervention, reconnu à l’article 815-17, alinéa 3, n’est pas limité aux cas où le partage est initié par le débiteur lui-même.

L’article 882 étend cette possibilité d’intervention à tous les créanciers personnels d’un copartageant, quelle que soit l’origine de la demande de partage.

Ainsi, le créancier peut participer aux opérations de partage pour :

  • Contrôler les modalités d’attribution des biens ;
  • Éviter que le débiteur ne se voie attribuer un bien insaisissable ou surévalué ;
  • Contester des manœuvres susceptibles de réduire les garanties offertes par le patrimoine indivis.

Par exemple, la doctrine admet que le créancier peut s’opposer à l’attribution à son débiteur d’un bien manifestement surévalué ou grevé d’une sûreté au profit d’un tiers, car cela diminuerait ses chances de recouvrement.

b. Les effets de l’intervention au partage

==>Participation active aux opérations

L’intervention permet au créancier d’être informé du déroulement du partage et de s’opposer à des décisions qui porteraient atteinte à ses droits. En participant activement, il peut :

  • Empêcher que le partage soit réalisé sans sa présence, conformément à l’article 882 du Code civil ;
  • Proposer des modifications visant à protéger ses intérêts, sans toutefois imposer des choix spécifiques, comme la constitution des lots ou l’attribution d’un bien particulier.

==>Indisponibilité temporaire des droits du débiteur

Une fois l’intervention formalisée, les droits du débiteur dans l’indivision deviennent temporairement indisponibles.

Cette indisponibilité empêche le débiteur de disposer librement de ses droits dans la l’indivision, sauf pour des actes d’administration ou de jouissance, tels que la cession de sa part dans les fruits produits par les biens indivis.

==>Effet de surveillance

L’intervention confère au créancier un rôle de témoin du partage, sans en modifier la nature.

Il peut ainsi s’assurer que les modalités du partage sont conformes aux règles légales et à ses droits, et contester toute attribution frauduleuse ou disproportionnée.

c. Portée limitée de l’intervention

L’intervention du créancier n’a pas pour effet de transformer sa position en celle d’un véritable acteur du partage, mais uniquement de garantir que ses droits ne soient pas lésés.

À cet égard :

  • Le créancier ne peut pas imposer un mode de répartition ou demander à être lui-même attributaire d’un bien ;
  • Il ne peut intervenir que pour préserver ses garanties, et non pour influer sur des aspects qui ne le concernent pas directement.

Cependant, la jurisprudence reconnaît au créancier la possibilité d’exercer, au nom de son débiteur, une action en rescision pour lésion si les opérations de partage conduisent à une sous-évaluation manifeste des droits du débiteur (Cass. 1re civ., 22 janv. 1980, n°78-15.551).

3. La faculté des coïndivisaires de mettre un terme à l’action en partage

L’article 815-17, alinéa 3, du Code civil confère aux coïndivisaires la faculté de mettre fin à une action en partage introduite par un créancier personnel d’un indivisaire.

Ce mécanisme repose sur un équilibre entre la préservation de l’indivision et la satisfaction des créanciers, en permettant aux coïndivisaires de désintéresser le créancier au nom et pour le compte du débiteur.

a. Principe

L’article 815-17, alinéa 3 du Code civil confère une faculté aux coïndivisaires : celle de mettre fin à l’action en partage introduite par un créancier personnel d’un indivisaire.

Ce texte prévoit en ce sens que les coïndivisaires du débiteur « peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur ».

Cette disposition vise à préserver l’intégrité de l’indivision, considérée comme un outil de gestion collective des biens indivis.

La faculté d’arrêter le cours de l’action en partage protège les indivisaires contre la dislocation forcée des biens indivis, qui pourrait compromettre des intérêts communs, tels que la conservation d’un patrimoine indivisible ou l’exploitation d’une entreprise familiale.

Cette faculté n’entrave pas les droits du créancier poursuivant, mais impose que sa créance soit intégralement réglée. Ainsi, l’équilibre est maintenu entre la protection de l’indivision et le droit au recouvrement du créancier.

b. Conditions

L’exercice de la faculté, prévue par l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, permettant aux coïndivisaires d’arrêter le cours de l’action en partage intentée par un créancier, est soumis à plusieurs conditions strictes, destinées à garantir à la fois la protection des droits du créancier et la préservation des intérêts des indivisaires.

i. Paiement intégral de la dette

Pour que les coïndivisaires puissent valablement exercer leur faculté d’arrêter le cours de l’action en partage, il leur est impératif de s’acquitter de l’intégralité de la créance due au créancier poursuivant.

Cette exigence repose sur une logique juridique implacable : tant que la créance n’est pas totalement éteinte, le créancier conserve son droit d’action sur le fondement de l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil. Un paiement partiel, en ne supprimant qu’une fraction de la dette, laisse intact le statut de créancier, lequel demeure en droit de poursuivre l’action en partage pour le solde.

La nécessité d’un paiement intégral s’impose également pour prévenir toute forme de litige ultérieur. Si les coïndivisaires n’éteignent pas complètement la créance, des contestations pourraient surgir sur la part encore due, compliquant inutilement la procédure et menaçant l’équilibre de l’indivision.

Par ailleurs, un règlement partiel introduirait une instabilité en maintenant une créance résiduelle, laquelle continuerait de peser sur les droits des indivisaires et, in fine, sur l’ensemble de la masse indivise. En revanche, en réglant intégralement la dette, les coïndivisaires garantissent l’extinction totale de l’obligation et éteignent corrélativement le droit d’action du créancier en partage.

Toutefois, une controverse doctrinale est née sur la question de l’étendue exacte de cette obligation de paiement. Certains auteurs soutiennent que les coïndivisaires devraient pouvoir se limiter à verser une somme correspondant aux seuls droits de l’indivisaire débiteur dans l’indivision. Une telle approche, disent-ils, reflèterait mieux le lien entre la créance du créancier et la part indivise du débiteur.

D’autres, à l’inverse, considèrent que le paiement doit porter sur l’intégralité de la dette, quelle que soit sa proportion par rapport aux droits indivis de l’indivisaire débiteur. Cette position s’appuie sur le caractère indivisible de la créance, qui ne saurait être fragmentée selon les parts respectives des indivisaires.

La jurisprudence a tranché en faveur de la seconde thèse, imposant un paiement intégral (V. en ce sens CA Versailles 21 mars 1983). Cette solution se justifie par plusieurs considérations qui traduisent l’équilibre délicat entre les droits des créanciers et la préservation de l’indivision.

D’abord, en raison du principe d’unité de la créance, celle-ci ne saurait être morcelée au gré des parts indivises.

Ensuite, un règlement de l’intégralité de la créance fait obstacle à toute résurgence du droit d’action du créancier et préserve ainsi la stabilité de l’indivision.

Enfin, il s’agit là de renforcer la solidarité entre les coïndivisaires. En unissant leurs efforts pour désintéresser le créancier, les indivisaires contribuent à maintenir l’intégrité de l’indivision et à éviter sa rupture forcée.

ii. Connaissance précise du montant de la dette

L’exercice de la faculté d’arrêter le cours d’une action en partage par le paiement de la créance est subordonné à la satisfaction d’une condition essentielle : la connaissance précise du montant de la dette.

Ce principe découle directement de l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, qui impose que le paiement effectué par les coïndivisaires soit suffisant pour éteindre totalement la créance. À défaut, leur droit d’arrêter l’action en partage ne peut être valablement exercé, et le partage lui-même ne peut être ordonné.

Dans un arrêt fondateur du 20 décembre 1993, la Cour de cassation a affirmé que les coïndivisaires ne peuvent mettre en œuvre leur faculté sans disposer d’une connaissance exacte du montant de la dette à acquitter (Cass. 1ère civ., 20 déc. 1993, n° 92-11.189).

En l’espèce, l’indivisaire débiteur était en liquidation judiciaire, et le créancier avait initié une action en partage. Les coïndivisaires, invoquant leur droit de maintenir l’indivision, avaient manifesté leur intention de s’acquitter de la dette au nom du débiteur.

Toutefois, en l’absence d’une décision définitive d’admission de la créance au passif de la liquidation, ils n’étaient pas en mesure de déterminer avec précision le montant de la dette à payer.

La Haute juridiction a censuré la décision de la cour d’appel, qui avait ordonné le partage malgré cette incertitude, en rappelant que le partage ne peut être prononcé tant que le montant de la créance demeure incertain. Cette position a été réaffirmée dans des décisions ultérieures (V. notamment Cass. 1re civ., 22 juin 1999, n°96-22.454)).

Bien que la connaissance du montant exact de la créance soit une condition sine qua non pour arrêter l’action en partage, les coïndivisaires ne peuvent, en revanche, contester la validité ou le montant de la créance pour laquelle le créancier agit.

Cette règle a été énoncée dans un arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 mai 1987, selon lequel les dispositions de l’article 815-17, alinéa 3, ne permettent pas aux coïndivisaires d’exercer un contrôle sur la créance invoquée par le créancier poursuivant, mais uniquement de l’acquitter telle qu’elle résulte des titres produits (CA Paris, 27 mai 1987).

L’absence de possibilité de contestation de la créance invoquée signifie que le paiement effectué par les coïndivisaires s’inscrit dans une logique purement libératoire : ils ne se substituent pas au débiteur en qualité de créanciers du créancier initial, mais mettent fin à l’obligation par un règlement effectif.

iii. Exercice de la faculté avant la fin du partage

L’exercice de la faculté permettant aux coïndivisaires de mettre un terme à l’action en partage intentée par un créancier personnel, bien qu’importante pour préserver l’unité de l’indivision, doit être exercée avant que le partage ne soit définitivement consommé.

Une fois celui-ci arrêté ou validé, les coïndivisaires perdent irrévocablement leur droit d’intervenir pour suspendre le cours de l’action engagée.

Cette exigence découle de la nature même du partage, qui, une fois définitivement acté, produit des effets irrévocables, notamment l’individualisation des droits des anciens indivisaires.

c. Effets

Le paiement réalisé par l’indivisaire solvens aux fins d’arrêter le cours de l’action en partage produit plusieurs effets.

i. Extinction de l’action en partage

Le premier effet notable de l’exercice de cette faculté est l’extinction immédiate du droit du créancier de poursuivre l’action en partage.

Une fois désintéressé par le paiement intégral de sa créance, le créancier perd toute possibilité de demander le partage de l’indivision.

Ce mécanisme offre aux coïndivisaires une voie efficace pour préserver l’unité de l’indivision face aux revendications d’un créancier personnel.

ii. Exclusion de la subrogation

Une autre conséquence importante de l’exercice de la faculté d’empêcher le partage réside dans l’absence de subrogation du solvens dans les droits du créancier désintéressé.

Contrairement à ce qui pourrait être attendu du paiement de la dette d’autrui, le règlement effectué par le solvens ne le place pas dans la position du créancier initial.

Il est, en effet, de principe que lorsqu’une personne paie la dette d’un tiers, elle est subrogée dans les droits du créancier initial, lui permettant de bénéficier des garanties et privilèges attachés à la créance originelle.

Toutefois, dans le cadre particulier de l’indivision, ce mécanisme de subrogation est exclu. Le paiement effectué par le solvens éteint la créance du créancier initial et donne naissance à une créance nouvelle, dirigée non contre l’indivisaire débiteur, mais contre l’indivision elle-même.

Ainsi, le solvens, bien qu’ayant désintéressé le créancier, ne peut revendiquer ni les privilèges attachés à la créance originelle ni les garanties qui l’accompagnaient. Par exemple, s’il s’agissait d’une créance assortie d’une hypothèque ou d’un nantissement, ces sûretés ne sont pas transférées au solvens. Ce dernier est uniquement habilité à exercer un droit de prélèvement sur les biens indivis lors du partage, conformément aux dispositions légales.

Cette exclusion de la subrogation s’inscrit dans une logique de préservation de l’équilibre au sein de l’indivision. En empêchant le solvens de revendiquer des droits supérieurs à ceux conférés par le prélèvement, le législateur garantit que l’intervention du solvens ne bouleverse pas la répartition des droits entre coïndivisaires.

Enfin, cette règle protège également les autres indivisaires contre d’éventuels abus. Si le solvens était subrogé dans les droits du créancier initial, il pourrait exercer une pression disproportionnée sur l’indivisaire débiteur ou revendiquer des garanties exorbitantes au détriment de l’équilibre général de l’indivision. L’exclusion de la subrogation empêche de telles dérives, tout en assurant que le droit de prélèvement reste ancré dans les principes de solidarité et de justice collective propres au régime de l’indivision.

iii. Octroi d’un droit de prélèvement

==>Principe du droit de prélèvement

Le droit de prélèvement est une conséquence essentielle de l’exercice, par les coïndivisaires, de leur faculté de désintéresser un créancier personnel d’un indivisaire.

Prévu à l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, ce droit reflète l’esprit solidaire du régime de l’indivision, en affirmant que le remboursement du solvens s’effectue non pas contre le débiteur qu’il a désintéressé, mais contre l’indivision elle-même.

==>Objet du droit de prélèvement

Le droit de prélèvement confère au solvens, c’est-à-dire l’indivisaire ayant désintéressé un créancier personnel, la faculté de recouvrer les sommes qu’il a avancées en prélevant sur les biens indivis.

Ce mécanisme, expressément prévu à l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, illustre la spécificité du régime de l’indivision, où les droits et obligations des indivisaires s’ancrent dans une solidarité patrimoniale collective, transcendant les relations individuelles.

Contrairement à une logique de droit de créance qui se dirigé contre la quote-part de l’indivisaire débiteur, le prélèvement opéré par le solvens s’étend à l’ensemble des biens indivis. Cette caractéristique garantit au solvens une assise patrimoniale large, lui permettant de recouvrer sa créance sans être limité à la part théorique du débiteur dans l’indivision.

Aussi, en théorie, le droit de prélèvement peut s’exercer sur tout bien indivis, qu’il s’agisse de fonds ou de biens en nature. Cependant, en pratique, cette faculté peut soulever des difficultés. Si le solvens choisit un bien dont la valeur excède celle de sa créance, cela pourrait déséquilibrer l’indivision au détriment des autres indivisaires. Une telle situation nécessiterait alors le versement d’une soulte par le solvens afin de compenser l’écart et rétablir l’équilibre patrimonial entre les coïndivisaires.

Cette exigence de compensation trouve sa justification dans la volonté de prévenir tout abus de droit. Autoriser un solvens à prélever un bien indivis d’une valeur disproportionnée reviendrait à lui accorder un privilège excessif, notamment en matière de choix des biens. Cela pourrait également engendrer des conflits si plusieurs indivisaires ayant désintéressé des créanciers prétendaient exercer leur droit sur le même bien.

Afin d’éviter de tels déséquilibres, il est généralement admis que le prélèvement doit être limité aux biens indivis dont la valeur correspond précisément à la somme avancée par le solvens. Cette restriction, bien qu’évidente en droit, impose une rigueur dans l’exécution du prélèvement pour garantir une répartition équitable des biens lors de la liquidation de l’indivision.

==>Moment de l’exercice du droit de prélèvement

Le droit de prélèvement s’exerce exclusivement lors du partage, c’est-à-dire au moment de la liquidation définitive de l’indivision.

Contrairement aux créanciers de l’indivision mentionnés à l’article 815-17, alinéa 1, qui bénéficient d’un privilège d’antériorité pour être désintéressés sur l’actif avant le partage, le solvens ne peut réclamer un remboursement anticipé.

Cette règle garantit que les créanciers prioritaires soient désintéressés avant que le solvens ne puisse exercer son droit de prélèvement.

En cantonnant le prélèvement au moment du partage, la loi évite tout déséquilibre entre les droits des créanciers et ceux des coïndivisaires.

Elle protège également la stabilité de la masse indivise en préservant l’intégrité des biens indivis jusqu’à leur liquidation.

 

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