En application de l’article 815-17 du Code civil, les créanciers de l’indivision sont investis de deux prérogatives : le prélèvement sur l’actif avant le partage et la saisie et vente des biens indivis.
Nous nous focaliserons ici sur le droit de saisie et de vente des biens indivis
L’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil confère aux créanciers de l’indivision un droit de saisie et de vente des biens indivis, indépendamment des opérations de partage.
Cette prérogative, distincte du droit de prélèvement, leur permet de se faire payer sur le produit de la vente des biens indivis.
==>La prérogative de saisie des biens indivis
Les créanciers de l’indivision, contrairement aux créanciers personnels des indivisaires, bénéficient d’un droit spécifique leur permettant de poursuivre la saisie et la vente judiciaire des biens indivis.
Ces biens incluent non seulement ceux présents au moment de la formation de l’indivision, mais également ceux qui y sont intégrés ultérieurement par subrogation réelle, tels que les fruits et revenus produits par les biens indivis.
Toutefois, la sécurité des créanciers peut être affectée dans certaines situations. Par exemple, un immeuble acquis par un indivisaire en son nom propre avec des fonds indivis pourrait échapper au gage des créanciers de l’indivision, ceux-ci ne pouvant s’opposer aux droits du créancier personnel de cet indivisaire. Cette difficulté souligne l’importance de définir précisément l’assiette des biens indivis soumis au droit de saisie.
==>Modalités de la saisie et de la vente
La saisie des biens indivis doit être dirigée contre chaque indivisaire individuellement en raison de l’absence de personnalité juridique de l’indivision.
Les créanciers ne peuvent donc engager d’action contre « l’indivision » en tant qu’entité autonome.
La saisie peut viser des biens meubles ou immeubles, ainsi que des créances indivises. La vente s’effectue généralement par voie de licitation, sauf accord contraire entre les parties (Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, n° 93-11.317).
==>La portée et les limites du droit de saisie
Le droit de saisie des créanciers de l’indivision s’applique jusqu’au moment du partage définitif.
Une fois les biens indivis aliénés ou attribués à des indivisaires dans le cadre d’un partage, ils cessent de faire partie du gage des créanciers de l’indivision et deviennent soumis aux droits des créanciers personnels des indivisaires concernés.
Toutefois, l’effet déclaratif du partage n’altère pas les droits acquis par les créanciers de l’indivision avant le partage. Ces derniers conservent leur capacité à poursuivre la réalisation des biens indivis tant que ces biens font partie de la masse indivise.
Il convient également de noter que ce droit de saisie ne confère pas au créancier un droit exclusif sur les biens indivis. Les créanciers doivent partager leur gage avec les autres créanciers de l’indivision et se conformer aux priorités fixées par la loi, notamment lorsque plusieurs créanciers revendiquent des droits concurrents sur le même bien.
==>Extinction du droit de saisie et de vente des biens indivis
Le droit de saisie des créanciers trouve ses limites dans deux circonstances principales : le partage définitif et l’aliénation des biens indivis.
- Le partage définitif
- Principe
- Le partage constitue l’acte par lequel l’indivision prend fin et les biens indivis sont attribués en pleine propriété à chacun des indivisaires, selon leurs droits respectifs.
- Dès lors qu’un partage définitif intervient, les biens sortent du régime de l’indivision et, par conséquent, des mécanismes spécifiques prévus par l’article 815-17 du Code civil, qui confèrent aux créanciers la possibilité de saisir les biens indivis.
- Il en résulte que, une fois le partage réalisé, les biens indivis cessent de constituer le gage commun des créanciers de l’indivision.
- Les créanciers ne peuvent plus exercer leurs droits sur l’ensemble des biens indivis, mais uniquement sur ceux attribués à l’indivisaire débiteur.
- Par ailleurs, en vertu de l’article 883 du Code civil, le partage est censé rétroagir à la date d’ouverture de l’indivision.
- Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, ce qui peut compliquer la position des créanciers pour les actions intentées avant le partage.
- Exception
- Un partage provisionnel, qui organise simplement la jouissance des biens sans en modifier la propriété, ne constitue pas une véritable dissolution de l’indivision.
- Dans ce cas, les créanciers conservent leur droit de saisie sur les biens indivis.
- Par exemple, une convention attribuant temporairement la jouissance d’un immeuble indivis à l’un des indivisaires n’empêche pas les créanciers de poursuivre la saisie de ce bien.
- Principe
- L’aliénation des biens indivis
- Lorsqu’un bien indivis est vendu ou transféré à un tiers, il sort du patrimoine indivis et, par conséquent, du gage commun des créanciers de l’indivision.
- Les créanciers ne peuvent alors plus exercer leur droit de poursuite sur ce bien, sauf exceptions prévues par le droit commun.
- La Cour de cassation a confirmé ce principe dans un arrêt du 15 mai 2002 aux termes duquel elle a jugé que les biens indivis transférés à des tiers ne peuvent plus être saisis par les créanciers de l’indivision (Cass. 1ère civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).
- Ces derniers doivent alors engager leurs poursuites contre les nouveaux propriétaires du bien ou contre le débiteur initial, mais sans bénéficier des mécanismes propres à l’indivision.
- La conséquence pour les créanciers est alors double
- Premier effet
- Une fois le bien vendu, les créanciers doivent se tourner vers le produit de la vente si celui-ci est resté dans le patrimoine indivis, ou exercer leurs droits sur d’autres biens de l’indivision ou sur le patrimoine propre de l’indivisaire débiteur.
- Second effet
- Contrairement à certaines hypothèses en droit des sûretés, les créanciers ne disposent pas de mécanismes spécifiques pour revendiquer un bien indivis aliéné à un tiers, sauf si l’aliénation a été réalisée en fraude de leurs droits, auquel cas une action paulienne peut être envisagée (article 1341-2 du Code civil).
- Premier effet
==>Cas particuliers
- Le cas particulier des créanciers hypothécaires
- Les créanciers hypothécaires jouissent d’un régime particulier lorsqu’ils ont consenti leur hypothèque sur des biens indivis.
- L’hypothèque, quelle que soit sa nature (conventionnelle, judiciaire ou légale), échappe à l’effet déclaratif du partage.
- Elle conserve ainsi sa pleine efficacité, même après l’attribution du bien grevé à un indivisaire spécifique ou sa licitation au profit d’un tiers.
- Cela garantit au créancier hypothécaire une sécurité renforcée, bien que sa situation puisse différer de celle des créanciers de l’indivision selon les modalités de l’hypothèque.
- Le cas particulier de l’attribution éliminatoire
- L’attribution éliminatoire, qui permet à un indivisaire de prélever un bien précis en contrepartie d’une indemnité destinée à couvrir les droits des autres indivisaires, n’a pas pour effet de limiter le gage des créanciers sur les biens restant dans l’indivision.
- La doctrine et la jurisprudence s’accordent à considérer que cette attribution n’affecte pas les droits des créanciers de l’indivision.
- Aussi, les biens restant dans l’indivision continuent de constituer un gage pour les créanciers, préservant ainsi leurs droits sur l’ensemble des actifs indivis subsistants.
No comment yet, add your voice below!