L’article 815-6 du Code civil investit le juge de larges prérogatives pour intervenir dans les situations d’indivision, en vue de préserver l’intérêt commun des indivisaires.
L’emploi de l’adverbe « notamment » dans le texte de loi illustre le caractère non limitatif des mesures que le juge peut prescrire. Cependant, ces mesures doivent impérativement répondre à deux exigences fondamentales : l’urgence et l’intérêt commun.
Ces deux critères conditionnent l’intervention judiciaire et encadrent l’étendue des pouvoirs conférés au magistrat.
A cet égard, l’article 815-6 énumère certaines mesures spécifiques que le juge peut prendre, sans toutefois épuiser les possibilités d’intervention judiciaire.
Ces mesures s’avèrent particulièrement adaptées à des situations fréquentes dans le cadre des indivisions successorales ou familiales.
Nous nous focaliserons ici sur la faculté pour le juge d’interdire le déplacement de meubles corporels.
L’article 815-7 du Code civil prévoit une mesure particulière qui permet au Président du tribunal judiciaire d’interdire le déplacement des meubles corporels indivis.
Cette disposition, bien que distincte de l’article 815-6, alinéa 1er , en constitue une application concrète, s’inscrivant dans le cadre des mesures urgentes destinées à préserver l’intérêt commun des indivisaires.
==>Fondement et finalité
L’article 815-7 dispose?que « le président du tribunal peut aussi interdire le déplacement des meubles corporels sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des ayants droit, à charge pour ceux-ci de donner caution s’il l’estime nécessaire. »
Ce texte, directement inspiré de l’article 220-1, alinéa 2 du Code civil, relatif aux régimes matrimoniaux, a pour objectif de préserver les biens corporels indivis en cas de risques de dissipation, de détournement ou de mésentente entre indivisaires.
Toutefois, il s’en distingue par plusieurs particularités propres au régime de l’indivision?:
- D’une part, le juge peut imposer une caution à l’indivisaire auquel l’usage personnel d’un bien est attribué, afin de protéger les intérêts des coïndivisaires.
- D’autre part, aucune limitation de durée n’est prévue pour la mesure, contrairement à ce qui est prévu dans le cadre des régimes matrimoniaux.
==>Conditions
La mise en œuvre de cette interdiction est subordonnée aux conditions générales prévues par l’article 815-6 :
- Urgence : la mesure doit être justifiée par la nécessité de préserver les biens indivis contre un risque imminent.
- Intérêt commun : l’interdiction doit viser à protéger l’ensemble des indivisaires, et non à privilégier les intérêts d’un seul.
L’interdiction de déplacer les meubles corporels est généralement appliquée dans des contextes où les conflits entre indivisaires entraînent une menace pour la conservation des biens indivis.
Elle peut concerner divers types de biens?: mobilier, bijoux, titres au porteur ou véhicules.
==>Etendue de l’interdiction
Le juge dispose d’une large latitude dans la mise en œuvre de l’interdiction :
- Interdiction générale : la mesure peut s’appliquer à l’ensemble des meubles corporels indivis, comme des meubles meublants ou des objets de valeur.
- Interdiction partielle : le juge peut limiter l’interdiction à certains biens spécifiques, en fonction des besoins et des circonstances.
- Attribution d’un bien à un indivisaire en particulier : dans certains cas, le juge peut attribuer l’usage exclusif de certains biens à un indivisaire, sous réserve de la constitution d’une caution ou de toute autre garantie destinée à préserver les droits des autres indivisaires.
==>Sanctions
Bien que l’article 815-7 ne prévoie pas de mesures de publicité ou de sanctions pénales spécifiques, plusieurs mécanismes peuvent renforcer son efficacité?:
En cas de non-respect de l’interdiction, l’indivisaire fautif peut être condamné à des dommages et intérêts, notamment en cas de détournement ou de vente des biens protégés.
Si l’indivisaire enfreint l’interdiction, une saisie conservatoire ou une mesure équivalente peut être mise en œuvre pour garantir la conservation des biens.
La doctrine recommande parfois d’associer cette interdiction à une mesure de séquestre, ce qui permettrait d’engager la responsabilité pénale de l’indivisaire en cas de détournement (art. 314-5 C. pen.).
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