Le Droit dans tous ses états

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Gestion de l’indivision: l’exercice des actions en justice

La règle de l’unanimité dans l’indivision protège les coïndivisaires contre les décisions unilatérales pouvant affecter leurs droits indivis.

A l’analyse, cette règle s’applique à une grande variété d’actes au nombre desquels figurent notamment, les actes de disposition, certains actes de gestion locative, les actes constitutifs de sûreté, les actes d’affectation d’un bien indivis à une activité professionnelle ou encore les actions en justice.

Nous nous focaliserons ici sur ces dernières.

==>Le principe d’unanimité

L’action en justice impliquant un bien indivis relève, en principe, de la catégorie des actes nécessitant l’accord unanime de tous les coïndivisaires.

Ce principe découle de la nécessité de protéger les intérêts collectifs de l’indivision et de préserver les droits de chaque indivisaire (art. 815-3 C. civ.).

Ainsi, toute procédure affectant substantiellement l’indivision, telle qu’une action en suppression d’ouvrages irrégulièrement édifiés ou une demande d’annulation de bail, requiert la participation ou l’accord explicite de l’ensemble des indivisaires.

Toutefois, cette règle connaît des tempéraments, notamment dans les hypothèses où l’action exercée ne compromet pas les droits de l’ensemble des indivisaires ou vise à sauvegarder des intérêts particuliers.

==>Les exceptions au principe d’unanimité

  • Les actions conservatoires
    • Un indivisaire peut agir seul pour accomplir des actes conservatoires, c’est-à-dire ceux destinés à prévenir un péril imminent ou à préserver le bien indivis.
    • Ces actions, par nature urgentes, ne nécessitent pas l’unanimité dès lors qu’elles visent à protéger le patrimoine commun sans altérer de manière significative les droits des autres indivisaires.
    • Par exemple, un indivisaire peut mettre en demeure un locataire de régler un loyer impayé ou agir en réparation pour préserver l’intégrité du bien indivis (art. 815-2 C. civ.).
  • Les actions en défense d’un intérêt personnel
    • Lorsqu’un indivisaire agit pour protéger un intérêt personnel, il peut le faire sans avoir à obtenir l’accord des autres coïndivisaires.
    • Ce principe est régulièrement affirmé par la jurisprudence.
    • Dans un arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation a ainsi jugé que « tout indivisaire, pour assurer la protection de ses droits indivis, peut agir seul en justice à l’encontre d’un autre coïndivisaire ayant passé un acte sans son consentement et au mépris des dispositions de l’article 815-3 du Code civil » (Cass. 3e civ. 15 juin 1994, n°92-15.608).
    • Dans ce cas, l’action vise à faire respecter les droits individuels de l’indivisaire sans engager directement l’indivision dans son ensemble.
  • Les actions ayant pour objet le respect des règles d’ordre public
    • Lorsqu’un indivisaire agit pour garantir le respect d’une disposition d’ordre public, il ne s’agit pas d’un acte affectant directement l’indivision mais d’une démarche visant à prévenir une atteinte grave à un principe essentiel.
    • En ce sens, ces actions transcendent les considérations propres à l’indivision.
    • C’est la raison pour laquelle, la jurisprudence a admis que la protection des règles d’ordre public justifie que tout indivisaire puisse intervenir seul en justice.
    • Par exemple, dans un arrêt du 17 mars 1992, la Cour de cassation a affirmé qu’un indivisaire pouvait agir seul pour obtenir l’annulation d’un acte entaché de fraude, au motif que « la fraude corrompt tout » et que le respect de ce principe constitue une exigence d’ordre public (Cass. 1ère civ. 17 mars 1992, n°90-14.547).
    • Il est également admis qu’un indivisaire peut agir seul pour exiger l’application de sanctions prévues par la loi.
    • Par exemple, si un tiers occupe illégalement un bien indivis, un indivisaire peut demander en justice l’expulsion de ce dernier, même sans l’accord des autres coïndivisaires, dès lors que l’occupation illégale constitue un trouble à l’ordre public.
    • Les actions visant à garantir le respect de règles impératives, telles que les règles d’urbanisme, relèvent également de cette catégorie.
    • Un indivisaire pourrait ainsi agir de son propre chef pour contester des travaux réalisés sur le bien indivis en méconnaissance des autorisations administratives nécessaires.
    • Bien que ces actions puissent être engagées par un seul indivisaire, elles doivent rester compatibles avec l’intérêt commun de l’indivision.
    • Toute action manifestement abusive ou contraire à cet intérêt pourrait être contestée par les autres coïndivisaires.
    • Cependant, en l’absence de preuve, la nature impérative des règles en question prime sur les exigences procédurales de l’indivision.
    • Enfin, il peut être observé que les décisions rendues dans le cadre de ces actions ont vocation à s’imposer non seulement aux coïndivisaires mais également aux tiers concernés. Ainsi, un jugement annulant un acte illicite ou ordonnant une mesure conservatoire protège à la fois les droits de l’indivision et l’intégrité du cadre légal.

==>Aspects procéduraux

L’indivision, bien que regroupant des indivisaires autour d’un patrimoine commun, ne constitue pas une entité juridique distincte.

Contrairement aux sociétés ou aux associations, elle ne bénéficie d’aucune personnalité juridique.

Cette spécificité a des conséquences majeures sur la capacité d’agir en justice pour défendre ou représenter les intérêts attachés au patrimoine indivis.

Il en résulte que ce sont les indivisaires eux-mêmes qui doivent, en leur nom propre, ester en justice, que ce soit en demande ou en défense.

  • Les indivisaires en demande
    • L’indivision étant dépourvue de personnalité juridique, une action en justice concernant un bien indivis ne saurait être exercée au nom et pour le compte de cette dernière.
    • Ce sont donc les indivisaires qui doivent agir, individuellement ou collectivement, en fonction de la nature de l’action envisagée.
    • A cet égard, si une action est intentée sans respecter les règles de majorité ou d’unanimité, elle peut être déclarée inopposable aux autres indivisaires.
    • La Cour de cassation a jugé, en ce sens, que l’absence de consentement unanime rendait l’action juridiquement inefficace à l’égard des indivisaires non représentés (Cass. 3e civ., 25 avr. 2001, n°99-14.368).
  • Les indivisaires en défense
    • Une action en justice intentée contre l’indivision doit viser tous les indivisaires.
    • L’absence de mise en cause de certains indivisaires rend la décision rendue inopposable à ces derniers
    • Dans un arrêt du 12 juin 2013, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’action introduite contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci » (Cass. 1ère civ. 12 juin 2013, n°11-23.137).
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