Le droit des indivisaires de percevoir les fruits et revenus générés par l’indivision repose sur un principe général : les fruits et revenus des biens indivis accroissent à l’indivision.
Cette règle, hérité de l’adage romain fructus augent hereditatem (« les fruits augmentent l’héritage »), signifie que les fruits et revenus produits par les biens indivis s’ajoutent à la masse indivise plutôt que d’être immédiatement attribués aux indivisaires individuellement.
Ce principe favorise la solidarité entre les coïndivisaires et maintient l’intégrité du patrimoine indivis, en évitant que chacun ne s’approprie séparément les fruits et revenus avant le partage.
Cependant, ce principe est assorti d’une exception notable. Il est en effet possible que les bénéfices soient distribués annuellement aux indivisaires.
Sous certaines conditions légales, chaque indivisaire peut demander la répartition de sa part des fruits et revenus avant le partage définitif. Cette exception offre une certaine flexibilité dans la gestion des revenus de l’indivision, en conciliant la préservation de la masse indivise avec les besoins individuels des coïndivisaires.
1. Le principe : Les fruits et revenus accroissent l’indivision
a. Le mécanisme d’accroissement de l’indivision
==>Énoncé du principe
L’article 815-10, alinéa 2, du Code civil énonce que « les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l’indivision ».
Cette disposition, d’une portée majeure, incarne la solidarité qui régit les relations entre coïndivisaires. Elle énonce le principe selon lequel les bénéfices générés par les biens indivis — qu’il s’agisse de loyers, de dividendes ou de tout autre revenu — doivent être partagés entre tous les indivisaires.
En cela, elle empêche tout indivisaire de s’arroger unilatéralement les fruits d’un bien indivis avant que le partage ne soit formalisé, affirmant ainsi l’égalité des droits et des devoirs au sein de l’indivision.
Ce mécanisme, loin d’être purement technique, revêt une dimension éthique, préservant l’équilibre des intérêts patrimoniaux jusqu’à la liquidation de l’indivision.
==>Justification du principe
La justification de ce principe repose sur la nécessité de préserver l’autonomie de la masse indivise, en la distinguant clairement des patrimoines propres des indivisaires.
En effet, selon le professeur Philippe Malaurie, l’indivision forme une véritable « communauté patrimoniale distincte », dont la cohésion et la pérennité dépendent des fruits et revenus générés par les biens indivis.
Tant que le partage n’a pas été opéré, cette communauté indivise est appelée à subsister parfois sur de longues périodes, rendant indispensable la réintégration systématique des bénéfices produits par ces biens dans le patrimoine indivis.
Ce mécanisme permet non seulement de garantir l’entretien et la valorisation de la masse indivise, mais également d’assurer une gestion collective équitable.
En réintégrant les fruits et revenus au sein de l’indivision, le droit évite qu’un seul indivisaire, par son usage exclusif ou privilégié des biens indivis, ne s’approprie une part excessive des bénéfices au détriment des autres coïndivisaires.
La règle énoncée à l’article 815-10, al. 2e du Code civil reflète ainsi une volonté de solidarité patrimoniale, en maintenant un équilibre entre les indivisaires, tous étant égaux quant à la jouissance des fruits jusqu’au partage final.
La Cour de cassation a réaffirmé à maintes reprises le principe selon lequel les fruits et revenus issus des biens indivis doivent être réintégrés dans la masse indivise, renforçant ainsi la solidarité qui unit les indivisaires.
Un arrêt marquant en ce sens, rendu par la Première chambre civile le 11 janvier 1977, illustre parfaitement cette règle.
Dans cette décision, la Cour de cassation a jugé que le bénéficiaire d’une attribution préférentielle d’un bien indivis ne pouvait prétendre à un droit exclusif sur les revenus générés par ce bien avant le partage définitif.
En l’espèce, les fermages perçus de la location d’une ferme indivise devaient donc être réintégrés dans l’indivision, et ce jusqu’au moment du partage (Cass. 1ère civ. 11 janv. 1977, n°75-13.310).
Cette jurisprudence met en lumière un point essentiel : même lorsqu’un indivisaire bénéficie temporairement d’une jouissance ou d’une gestion particulière d’un bien indivis, cela ne saurait altérer la solidarité entre coïndivisaires.
La Haute juridiction rappelle ainsi que l’intégration des fruits et revenus dans l’indivision s’impose, et ce, indépendamment des modalités de gestion du bien ou des droits préférentiels qui pourraient être reconnus à l’un des indivisaires.
La règle vise donc à garantir que les bénéfices des biens indivis soient répartis équitablement entre tous, consolidant ainsi l’esprit de communauté et d’égalité qui caractérise l’indivision.
==>La notion de fruits et revenus
À l’examen de la règle énoncée à l’article 815-10, alinéa 2 du Code civil, il apparaît que les termes « fruits » et « revenus » ne bénéficient d’aucune définition légale explicite, laissant ainsi à la jurisprudence et à la doctrine la tâche d’en préciser l’interprétation et d’en affiner le contenu.
Cette absence de définition textuelle a conduit à une interprétation large de la notion de « fruits » et « revenus », prenant en compte l’objectif primordial de maintenir l’intégrité de la masse indivise et d’assurer une répartition équitable des bénéfices issus des biens indivis. En effet, la jurisprudence a adopté une conception extensive, englobant aussi bien les fruits naturels, civils qu’industriels, sans établir de distinction entre eux.
L’une des conséquences majeures de l’absence de distinction entre les fruits civils, naturels et industriels est la simplification du régime de l’indivision.
Contrairement à l’usufruit, où une distinction est opérée entre différents types de fruits (articles 582 et suivants du Code civil), l’indivision adopte une approche unifiée. Cette unification évite les complexités liées à la détermination de l’origine des fruits, qu’ils proviennent du bien lui-même ou de l’industrie personnelle de l’indivisaire.
Une autre conséquence est le renforcement de la solidarité entre les indivisaires, en empêchant l’établissement de différences quant au bénéfice des fruits et revenus.
Ainsi, même si un indivisaire participe plus activement à la gestion ou à l’exploitation des biens indivis, il ne peut prétendre à une part supérieure des fruits, sauf exceptions prévues par la loi, notamment en ce qui concerne la rémunération de l’indivisaire gérant (article 815-12 du Code civil) ou les améliorations apportées à ses frais à un bien indivis (article 815-13 du Code civil).
Cette approche garantit que, malgré une contribution plus importante à la gestion des biens, les bénéfices tirés de ces derniers doivent être équitablement répartis entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs droits respectifs.
En effet, cette logique de répartition équitable s’applique à tous les bénéfices générés par les biens indivis, qu’il s’agisse de fruits réguliers tels que les loyers, les dividendes ou les intérêts, ou des cas où la gestion particulière d’un indivisaire justifie une rémunération distincte. Cette règle trouve son application aussi bien pour les revenus immédiats que pour les plus-values réalisées à l’occasion de l’exploitation de biens indivis.
Par exemple, la Cour de cassation a jugé que les dividendes provenant de parts sociales indivises doivent être réintégrés dans la masse indivise, garantissant ainsi une répartition proportionnelle entre les indivisaires en fonction de leurs droits (Cass. 1re civ., 28 mars 2018, n° 17-16.198). Cette jurisprudence illustre l’idée que tous les bénéfices tirés des biens indivis, quelle que soit leur nature, doivent profiter équitablement à l’ensemble des coïndivisaires.
Ce principe reflète la solidarité fondamentale qui existe au sein de l’indivision, et il assure que la gestion des fruits et revenus des biens indivis se fasse de manière transparente et équitable, sans que l’un des indivisaires puisse s’arroger un avantage disproportionné.
La question de l’indemnité d’occupation a également été abordée par la jurisprudence qui s’est interrogée sur leur qualification de fruits.
L’indemnité d’occupation est due par l’indivisaire qui jouit privativement d’un bien indivis au détriment des autres coïndivisaires.
La Cour de cassation a assimilé cette indemnité à un revenu qui accroît l’indivision, la considérant ainsi comme un fruit au sens de l’article 815-10, alinéa 2 du Code civil (Cass. 1re civ., 5 février 1991, n°89-11.136). Cette qualification implique que l’indemnité d’occupation doive être réintégrée dans la masse indivise et répartie entre les indivisaires proportionnellement à leurs droits.
La jurisprudence a également étendu la notion de « fruits » aux plus-values réalisées sur les biens indivis.
Par exemple, la Cour de cassation a jugé que les plus-values résultant de l’exploitation d’un fonds de commerce indivis doivent être réintégrées dans l’indivision, sous réserve de la rémunération de l’indivisaire gérant pour son travail (Cass. 1re civ., 29 mai 1996, n° 94-14.632). Ce principe s’applique également aux plus-values tirées de l’exploitation d’une clientèle civile ou de parts de sociétés civiles ou commerciales.
Dans ces situations, bien que l’indivisaire gestionnaire puisse légitimement recevoir une rémunération pour son activité, les bénéfices excédant cette rémunération, notamment les plus-values, doivent profiter à l’ensemble des indivisaires.
Cette règle prévient le risque qu’un indivisaire ne s’approprie de manière disproportionnée les fruits du bien commun avant le partage.
Reste que tous les avantages financiers tirés d’un bien indivis ne sont pas nécessairement considérés comme des fruits ou revenus devant être réintégrés dans l’indivision.
La Cour de cassation a ainsi exclu de cette qualification les avantages fiscaux liés à un investissement locatif. Dans un arrêt de 2007, elle a estimé qu’un tel avantage fiscal ne pouvait être assimilé à un fruit, contrairement à un loyer ou à des intérêts sur un placement (Cass. 1ère civ., 14 nov. 2007, n°06-17.086).
Cette décision souligne que la notion de fruits ne s’étend pas à tous les bénéfices financiers, notamment lorsque ceux-ci ne représentent pas un revenu directement généré par le bien indivis.
==>Incidences du principe
Le principe cardinal qui préside à l’application de l’article 815-10 du Code civil, tel qu’interprété par la jurisprudence, est la préservation de la solidarité entre les coïndivisaires.
En effet, pour mémoire, selon ce texte, tant que le partage n’a pas été prononcé, aucun indivisaire ne peut prétendre s’approprier seul les fruits et revenus générés par l’indivision.
Ce principe vise à empêcher qu’un indivisaire ne tire un avantage disproportionné du fait de la gestion temporaire ou exclusive d’un bien indivis.
A cet égard, puisque tous les fruits et revenus des biens indivis accroissent à l’indivision, les bénéfices réalisés à partir de ces biens sont eux-mêmes indivis et appartiennent proportionnellement à chaque indivisaire.
De même, les pertes doivent être réparties de façon équitable. L’article 815-10, alinéa 4, du Code civil prévoit expressément en ce sens que « chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l’indivision ».
Ce principe s’applique également aux charges de l’indivision, qu’il s’agisse de dépenses courantes ou de charges liées à l’exploitation du bien indivis.
Comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 25 novembre 1980, la répartition des bénéfices et des charges doit se faire proportionnellement aux droits de chacun dans l’indivision, indépendamment des dépenses spécifiques engagées par un indivisaire (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1980, n° 78-14.241).
Cela assure que chaque indivisaire bénéficie d’une part équitable de l’actif mais aussi qu’il supporte une part équitable du passif.
Dans le même esprit, la Cour de cassation a réaffirmé que même lorsque certains indivisaires jouissent exclusivement d’un bien indivis, les charges afférentes à ce bien doivent être supportées par tous les coïndivisaires en proportion de leurs droits, et ce jusqu’au partage (Cass. 1ère civ., 24 mai 1989, n°87-17.587). Ce principe exclut donc toute répartition fondée sur l’utilisation effective du bien par un indivisaire en particulier.
Le principe de solidarité entre indivisaires empêche également l’application de l’effet déclaratif du partage sur les fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage.
La Cour de cassation a, par exemple, jugé que même après le partage, les fruits et revenus perçus avant cette date continuent à profiter à l’indivision et doivent être répartis entre tous les indivisaires (Cass. 1ère civ., 10 mai 2007, n°05-12.031).
b. La prescription quinquennale
==>Principe général
L’article 815-10, alinéa 3 du Code civil dispose que « aucune recherche entre indivisaires relative aux fruits et revenus des biens indivis n’est recevable plus de cinq ans après que ces fruits et revenus ont été perçus ou auraient pu l’être ».
Cette règle institue une prescription quinquennale spécifique au domaine de l’indivision, qui fixe un délai à l’expiration duquel toute action relative aux fruits et revenus des biens indivis devient irrecevable.
La prescription quinquennale instaurée par cette disposition s’inscrit dans le cadre général du droit de la prescription en droit civil, dont la fonction première est d’éteindre, par l’écoulement du temps, les actions non intentées dans un délai imparti.
Ce mécanisme vise à garantir la stabilité des relations juridiques en empêchant que des situations de fait puissent être contestées indéfiniment. En matière d’indivision, cette prescription a pour but de réguler les rapports entre coïndivisaires en instaurant une limite temporelle pour les contestations portant sur la perception des fruits et revenus des biens indivis.
L’objectif de la prescription quinquennale dans le cadre de l’article 815-10, alinéa 3, est double :
- D’une part, elle vise à sécuriser les relations entre les indivisaires en leur offrant un cadre temporel strict pour exercer leur droit de revendication des fruits et revenus générés par les biens indivis.
- D’autre part, elle permet d’éviter que des litiges trop anciens et complexes ne viennent perturber la gestion de l’indivision ou son éventuel partage, parfois des années après la perception de ces fruits ou revenus.
En ce sens, la prescription quinquennale répond à une exigence d’ordre public, car elle garantit une gestion plus fluide et plus transparente de l’indivision.
En limitant dans le temps la possibilité d’introduire des actions en justice pour contester ou réclamer des sommes perçues, elle permet de préserver un équilibre entre les indivisaires. Cela évite, par exemple, qu’un indivisaire puisse rester inactif durant de longues années, pour ensuite réclamer des revenus ou fruits perçus par un autre indivisaire des décennies auparavant. Une telle situation de déséquilibre pourrait créer de l’incertitude et entraîner des tensions au sein de l’indivision.
==>Domaine
Il peut être observé que prescription quinquennale ne s’applique que dans le cadre des rapports entre coïndivisaires. Elle ne joue pas à l’égard des tiers, tels que les locataires ou les débiteurs de la masse indivise, contre lesquels les indivisaires conservent leurs droits conformément aux règles de droit commun de la prescription civile.
Par exemple, si un tiers doit des loyers ou des dividendes aux indivisaires, le délai de prescription applicable sera celui prévu par le droit commun (article 2224 du Code civil), soit cinq ans à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir.
Le domaine de la prescription quinquennale instaurée par l’article 815-10, alinéa 3, se limite donc exclusivement aux contestations entre indivisaires. Elle ne s’applique qu’aux actions visant à réclamer ou contester des fruits et revenus qui auraient été perçus ou auraient dû l’être par l’un d’eux. Ce délai vise à assurer une gestion fluide de l’indivision, en évitant que des litiges tardifs entre indivisaires ne viennent perturber l’équilibre de la gestion des biens indivis.
Ainsi, en matière d’indivision, les coïndivisaires sont tenus d’agir dans un délai de cinq ans pour toute action portant sur les revenus perçus par l’un d’entre eux. Passé ce délai, aucune action n’est plus recevable entre eux, garantissant ainsi une plus grande sécurité juridique et la pérennité de la gestion de l’indivision.
En revanche, lorsqu’il s’agit de relations avec des tiers, cette prescription spéciale ne trouve pas à s’appliquer. Les actions contre des tiers relèvent des prescriptions de droit commun, qui sont distinctes et non soumises à la même exigence temporelle stricte que celle applicable aux relations entre coïndivisaires. Ce cadre différencié renforce l’équilibre nécessaire entre la préservation des droits internes à l’indivision et la gestion des interactions externes avec des tiers.
==>Dérogation conventionnelle
La prescription quinquennale prévue par l’article 815-10, alinéa 3 du Code civil, bien que s’imposant aux indivisaires, n’est pas d’ordre public.
La jurisprudence a en effet admis la possibilité pour les indivisaires de déroger à ce délai par voie conventionnelle. Ainsi, les coïndivisaires peuvent, par un accord commun, décider d’étendre ou de modifier les règles de prescription qui leur sont normalement applicables.
La possibilité pour les indivisaires de déroger à la prescription quinquennale par voie conventionnelle a été reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 2005 (Cass. 1ère civ., 4 oct. 2005, n°03-19.459).
Aux termes de cette décision, la Première chambre civile a jugé qu’une convention entre indivisaires pouvait valablement reconnaître une dette, en l’occurrence une indemnité d’occupation due à l’indivision, sur une période excédant le délai quinquennal de prescription prévu par l’article 815-10, alinéa 3 du Code civil.
Cette faculté permet, par exemple, de reconnaître la validité de créances ou d’indemnités d’occupation sur une période excédant les cinq ans initialement fixés.
La Cour de cassation a jugé que les indivisaires peuvent valablement établir une convention qui reconnaît des dettes à l’égard de la masse indivise, même pour des montants dus au-delà du délai quinquennal.
Cette souplesse contractuelle offre aux indivisaires la possibilité de s’accorder sur les modalités de gestion des fruits et revenus, en ajustant la prescription à leurs besoins spécifiques.
==>Point de départ de la prescription
Le point de départ de la prescription quinquennale prévu à l’article 815-10, alinéa 3 du Code civil est déterminé par la date à laquelle les fruits et revenus des biens indivis ont été perçus ou auraient pu l’être.
La portée de la règle est d’importance, car elle ne se limite pas aux revenus effectivement encaissés par un indivisaire, mais inclut également ceux qui auraient pu l’être si une gestion diligente et conforme aux obligations des indivisaires avait été exercée.
Ainsi, la prescription commence à courir non seulement à partir du moment où un indivisaire perçoit des revenus issus de l’exploitation ou de la gestion des biens indivis (loyers, dividendes, intérêts, etc.), mais également lorsque ces revenus auraient dû être perçus.
Cela peut englober des situations où un indivisaire aurait négligé de percevoir des loyers ou des dividendes qu’il aurait pu collecter, ce qui permet de responsabiliser les coïndivisaires dans la gestion de l’indivision.
Cette règle vise à encourager une gestion active et transparente des biens indivis. En pratique, cela permet d’éviter que des revendications tardives, souvent sources de conflits, ne viennent perturber la gestion de l’indivision ou son partage ultérieur.
La jurisprudence a d’ailleurs précisé que ce point de départ devait être interprété de manière stricte, de sorte que les indivisaires ne peuvent retarder le début de la prescription en invoquant des circonstances internes à l’indivision. Dès lors qu’un revenu est produit par un bien indivis ou aurait pu l’être dans le cadre d’une gestion ordinaire, la prescription commence à courir, et les indivisaires doivent se montrer vigilants à ce sujet.
Ainsi, que les revenus proviennent de la location d’un immeuble, des intérêts produits par des placements financiers ou encore des dividendes liés à des parts sociales, le délai de cinq ans commence dès leur perception potentielle ou effective. Cette approche protège l’indivision contre des différends prolongés tout en favorisant une gestion rigoureuse des biens.
==>Interruption de la prescription
L’article 815-10, alinéa 3 du Code civil instaure une prescription quinquennale pour les réclamations portant sur les fruits et revenus des biens indivis.
Si ce délai n’est pas respecté, toute demande concernant les fruits et revenus perçus ou qui auraient pu l’être devient irrecevable. Toutefois, ce délai peut être interrompu dans certaines circonstances bien précises, permettant ainsi de prolonger le temps dont disposent les indivisaires pour faire valoir leurs droits.
La nature exacte de ce délai a fait l’objet de nombreuses discussions en doctrine et en jurisprudence. Il a été question de savoir s’il s’agissait d’un délai préfix ou d’un délai de prescription.
Pour mémoire, un délai préfix est un délai impératif qui, une fois écoulé, éteint automatiquement le droit sans possibilité d’interruption ou de suspension.
À l’inverse, un délai de prescription peut être interrompu ou suspendu dans certaines conditions, ce qui permet de prolonger la période pendant laquelle une action peut être engagée.
La Cour de cassation a finalement tranché cette question dans un arrêt du 26 juin 2001, en considérant que le délai prévu par l’article 815-10, alinéa 3, est bien un délai de prescription et non un délai préfix.
Cette qualification est importante, car elle ouvre la possibilité de l’interrompre ou de le suspendre (Cass. 1ère civ., 26 juin 2001, n°99-15.487). Il devient donc possible pour les indivisaires d’agir sur ce délai en certaines circonstances.
Aussi, il est admis que plusieurs événements sont susceptibles d’interrompre la prescription quinquennale.
Tout d’abord, l’assignation en justice, même si la demande en paiement des fruits et revenus n’est pas expressément formulée, peut suffire à interrompre la prescription.
Cette solution a été consacrée par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts, notamment dans une décision du 26 juin 2001.
Dans cette affaire, les héritiers avaient assigné en justice pour une expertise afin de déterminer la valeur locative d’un bien indivis occupé sans indemnité. La Cour a jugé que, même sans demande explicite d’indemnité, la nature de l’assignation impliquait une réclamation, interrompant ainsi la prescription quinquennale (Cass. 1re civ., 26 juin 2001, n°99-15.487).
Un autre moyen reconnu d’interruption est le procès-verbal de difficultés dressé par un notaire.
Toutefois, pour que ce dernier produise un effet interruptif, il doit expressément mentionner des réclamations concernant les fruits et revenus indivis.
En revanche, un procès-verbal qui n’aborde pas ces questions ne suffit pas pour interrompre la prescription (Cass. 1ère civ., 10 févr. 1998, n°96-16.735).
La jurisprudence a précisé également que la simple correspondance, comme une lettre adressée par un indivisaire au notaire, n’interrompait pas la prescription. Un procès-verbal doit être formalisé pour produire cet effet (Cass. 1ère civ., 5 oct. 2016, n°15-25.944).
Enfin, la rédaction d’un projet d’acte liquidatif peut également constituer un acte interruptif de prescription.
La Cour de cassation a jugé en ce sens, dans un arrêt du 10 mai 2007, qu’un projet d’acte récapitulant les créances et fermages impayés, même s’il n’est pas signé par tous les indivisaires, interrompt le délai de prescription (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n°05-19.789).
Cette décision souligne que l’interruption peut être obtenue, même en présence de réticences ou d’obstructions de certains indivisaires.
==>Suspension de la prescription
La prescription quinquennale peut également être suspendue dans certains cas, notamment entre époux.
Conformément à l’article 2236 du Code civil, la prescription « ne court point entre époux ».
Aussi, lorsque des époux sont coïndivisaires, notamment à la suite de la dissolution de leur régime matrimonial, la prescription quinquennale prévue par l’article 815-10, alinéa 3, ne s’applique pas immédiatement.
Selon l’article 2236, tant que le mariage n’est pas dissous, aucune prescription ne peut jouer entre les époux. Cela signifie que toute action portant sur les fruits et revenus des biens indivis pendant la période où le mariage est en vigueur est suspendue.
Concrètement, cela signifie que si des ex-époux demeurent coïndivisaires d’un bien après leur divorce, la prescription pour réclamer les fruits et revenus ne commence à courir qu’à partir du moment où le jugement de divorce est passé en force de chose jugée.
Ainsi, jusqu’à cette date, les actions relatives aux fruits ou aux revenus de l’indivision ne sont pas soumises à la prescription quinquennale de l’article 815-10.
La suspension de la prescription entre époux a des conséquences pratiques notables.
Elle permet notamment de protéger l’un des conjoints contre des manœuvres dilatoires de l’autre. En effet, sans cette suspension, un époux pourrait tenter de laisser courir le délai de prescription quinquennale, empêchant ainsi son conjoint de réclamer des sommes dues à l’indivision.
La règle énoncée à l’article 2236 vise donc à ce que les demandes portant sur les fruits ou les revenus d’un bien indivis, ou encore sur l’indemnité d’occupation due par l’un des époux, ne soient pas affectées par le délai de prescription tant que le divorce n’est pas définitivement prononcé.
Dans ce cadre, la Cour de cassation a précisé que les demandes d’indemnité d’occupation formulées par un époux à l’encontre de l’autre, à la suite d’un divorce, échappent à la prescription quinquennale prévue par l’article 815-10 du Code civil pendant toute la durée du mariage (Cass. 1re civ., 18 févr. 1992, n°90-16.954).
2. L’exception : La distribution annuelle des bénéfices
L’article 815-11, alinéa 1er du Code civil dispose que « tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables ».
Cette règle constitue une exception au principe général d’incorporation des fruits et revenus dans la masse indivise, tel que prévu par l’article 815-10 du Code civil, qui dispose, pour mémoire, que les fruits et revenus augmentent l’indivision jusqu’au moment du partage définitif.
La finalité de cette exception au principe est double :
- D’une part, elle vise à donner une plus grande flexibilité dans la gestion de l’indivision en permettant aux indivisaires de percevoir une partie des bénéfices générés par les biens indivis avant le partage final.
- D’autre part, elle participe du maintien de l’indivision en atténuant la tentation de demander précipitamment un partage des biens indivis simplement pour accéder aux revenus.
==>Nature du droit aux bénéfices
L’article 815-11, alinéa 1er du Code civil confère à chaque indivisaire un droit individuel de demander annuellement sa part des bénéfices provenant des biens indivis.
Contrairement à la règle initialement envisagée, qui aurait subordonné la répartition des bénéfices à une décision majoritaire des indivisaires, ce droit est exercé à titre personnel, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord des autres coïndivisaires.
Ce mécanisme a été mis en place pour faciliter la gestion de l’indivision en permettant à chaque indivisaire de percevoir régulièrement les fruits et revenus générés par les biens indivis, qu’il s’agisse de loyers, d’intérêts ou de dividendes.
A cet égard, il est admis que tant qu’il existe des bénéfices à distribuer, la demande ne peut être refusée par le juge. Toutefois, ce droit individuel est encadré de manière à préserver l’équilibre de l’indivision. Ainsi, la distribution des bénéfices ne doit pas compromettre la gestion ordinaire de l’indivision, notamment lorsque les bénéfices sont indispensables pour couvrir des dépenses nécessaires à son fonctionnement.
==>L’assiette du droit aux bénéfices
L’assiette du droit aux bénéfices, prévu par l’article 815-11 du Code civil, englobe l’ensemble des fruits et revenus nets générés par les biens indivis.
Ces bénéfices comprennent non seulement les loyers perçus, les intérêts ou encore les dividendes, mais aussi les indemnités d’occupation dues par un indivisaire qui occupe à titre privatif un bien indivis.
En effet, la jurisprudence a reconnu que ces indemnités, bien que résultant d’une occupation personnelle, font partie intégrante des revenus indivis et devaient, à ce titre, être partagées entre tous les coïndivisaires.
La Cour de cassation a, en effet, jugé en ce sens, dans un arrêt du 5 février 1991, que « doit être assimilée à un revenu accroissant à l’indivision, et que chaque indivisaire peut donc solliciter sa part annuelle dans les bénéfices en résultant pour celle-ci » (Cass. 1ère civ., 5 févr. 1991, n°89-11.136).
Le mécanisme ainsi institué encourage les indivisaires à solliciter régulièrement leur part des bénéfices généré par l’indivision, leur évitant d’être confrontés à la prescription quinquennale prévue à l’article 815-10 du Code civil.
==>Les conditions d’exercice du droit aux bénéfices
L’exercice du droit aux bénéfices prévu par l’article 815-11 du Code civil est soumis à certaines conditions, qui visent à garantir une répartition équitable des fruits et revenus des biens indivis tout en tenant compte des réalités de la gestion de l’indivision.
- Périodicité de la demande
- La répartition des bénéfices dans le cadre de l’indivision, comme le prévoit l’article 815-11 du Code civil, s’effectue sur une base annuelle, conférant ainsi à chaque indivisaire le droit de demander sa part des fruits et revenus générés par les biens indivis.
- Cette demande doit être exercée à des intervalles réguliers, généralement à la date anniversaire de la création de l’indivision.
- L’objectif de cette règle est de fournir un cadre clair, permettant à tous les coïndivisaires de bénéficier périodiquement des bénéfices sans retarder indûment leur distribution jusqu’au partage final.
- Toutefois, la date anniversaire de l’indivision n’est pas une obligation rigide.
- Les indivisaires peuvent convenir ensemble d’une autre périodicité, comme faire coïncider la répartition des bénéfices avec l’année civile.
- Cette flexibilité vise à faciliter la gestion collective en s’adaptant aux circonstances et aux pratiques comptables des indivisaires, notamment si ces derniers estiment plus opportun de définir des périodes compatibles avec leur situation administrative ou fiscale.
- Disponibilité des bénéfices
- L’exercice du droit à la répartition des bénéfices, tel que prévu par l’article 815-11 du Code civil, est soumis à une condition essentielle : l’existence de bénéfices effectivement disponibles.
- Ce principe garantit que la répartition annuelle des fruits et revenus de l’indivision ne peut avoir lieu que si les recettes générées par les biens indivis excèdent les dépenses nécessaires à leur gestion.
- Les bénéfices disponibles sont déterminés après la déduction de toutes les charges supportées par l’indivision, qu’il s’agisse des dépenses courantes de gestion (telles que les primes d’assurance, les taxes foncières, les travaux d’entretien), ou encore des dépenses exceptionnelles liées à des actes auxquels les indivisaires ont consenti ou qui leur sont opposables.
- Ce mécanisme de déduction vise à éviter qu’un indivisaire ne perçoive une part des bénéfices alors même que les charges de l’indivision n’ont pas été intégralement couvertes.
- L’idée sous-jacente est que la gestion des biens indivis doit rester équilibrée et pérenne.
- Si les dépenses de gestion excèdent les recettes, aucun bénéfice ne peut être distribué, et il peut même en résulter un déficit à répartir entre les indivisaires, proportionnellement à leurs droits dans l’indivision (article 815-10, alinéa 4 du Code civil).
- Cette répartition des pertes assure que les indivisaires ne puissent réclamer leur part des fruits et revenus tant que les obligations financières de l’indivision ne sont pas satisfaites.
- En cas de contestation sur la disponibilité réelle des bénéfices, un compte annuel de gestion peut être établi pour clarifier la situation.
- Ce document permet de vérifier si les bénéfices nets peuvent être attribués, et garantit que la répartition des fruits et revenus respecte les charges effectives liées à la gestion de l’indivision.
- Déduction des charges de gestion
- L’article 815-11 du Code civil impose que, avant toute répartition des bénéfices entre les indivisaires, les charges de gestion des biens indivis soient systématiquement déduites.
- Ce mécanisme vise à assurer une répartition juste et équilibrée des fruits et revenus générés par l’indivision, en tenant compte des coûts inhérents à la gestion et à la conservation des biens indivis.
- Les charges déductibles incluent une large variété de dépenses nécessaires à la gestion des biens.
- Parmi celles-ci figurent notamment les frais d’entretien courant, tels que les travaux de réparation et de rénovation, qui sont indispensables pour préserver la valeur des biens indivis.
- Les primes d’assurance, couvrant notamment les risques d’incendie, de dégâts des eaux ou de responsabilité civile, font également partie des charges à déduire.
- De même, les taxes foncières et autres impôts relatifs aux biens indivis, comme la contribution aux charges de copropriété, doivent être intégralement déduites avant que les bénéfices ne soient répartis.
- Cette déduction des charges de gestion garantit que les indivisaires ne perçoivent leur part des bénéfices qu’après avoir contribué aux frais nécessaires au maintien et à l’exploitation des biens indivis.
- En outre, ce mécanisme assure que la répartition des fruits et revenus reflète fidèlement la situation financière de l’indivision, en évitant que les indivisaires ne retirent des gains avant que les obligations financières liées aux biens indivis ne soient satisfaites.
- Il est important de noter que les dépenses liées à la gestion des biens indivis doivent être approuvées par les indivisaires ou leur être opposables pour être déduites des bénéfices.
- Cela signifie que seules les charges légitimement engagées au titre de la gestion des biens peuvent affecter le montant des bénéfices redistribués, offrant ainsi une protection aux indivisaires contre des dépenses injustifiées.
- La déduction des charges de gestion, loin d’être une simple formalité, s’inscrit dans la logique de préservation des intérêts collectifs de l’indivision.
- Elle permet de maintenir l’équilibre financier de l’indivision tout en assurant que la répartition des bénéfices se fasse de manière équitable et en toute transparence.
- Prise en compte des dépenses consenties ou opposables
- Dans le cadre de la répartition des bénéfices issus d’une indivision, l’article 815-11 du Code civil impose que les dépenses liées à la gestion des biens indivis soient dûment prises en compte avant toute distribution.
- Ce principe garantit que la répartition des bénéfices reflète non seulement les revenus générés par l’indivision, mais aussi les contributions financières de chaque indivisaire aux charges et dépenses liées à la gestion des biens indivis.
- Les dépenses concernées se divisent en deux catégories : celles auxquelles l’indivisaire demandeur a consenti et celles qui lui sont opposables.
- Les premières correspondent aux dépenses que l’indivisaire a expressément approuvées, par exemple dans le cadre de décisions collectives ou d’accords entre coïndivisaires.
- Cela peut inclure des dépenses engagées pour l’entretien des biens, des travaux de réparation ou d’amélioration, ainsi que d’autres dépenses courantes nécessaires à la gestion du patrimoine indivis.
- Les dépenses dites “opposables” renvoient quant à elles à celles que l’indivisaire doit supporter même en l’absence de son consentement direct.
- Ce sont généralement des dépenses résultant d’actes de gestion entrepris par un coïndivisaire agissant seul, mais qui s’imposent à tous en vertu de leur caractère nécessaire à la conservation du bien ou de décisions majoritaires dans l’intérêt de l’indivision.
- Il peut s’agir de frais liés à des obligations légales, comme les taxes foncières, les primes d’assurance ou encore les dépenses urgentes engagées pour préserver la valeur des biens indivis (réparations d’urgence, mise aux normes, etc.).
- La prise en compte de ces dépenses dans le calcul des bénéfices à attribuer est cruciale, car elle évite qu’un indivisaire ne perçoive des revenus disproportionnés par rapport à sa contribution réelle aux charges de l’indivision.
- En effet, il serait inéquitable de permettre à un indivisaire de bénéficier des fruits de l’indivision sans tenir compte des coûts qu’il n’aurait pas assumés ou qui auraient été supportés uniquement par d’autres indivisaires.
- La jurisprudence a confirmé à plusieurs reprises que les bénéfices distribués doivent être réduits des charges que chaque indivisaire doit assumer.
- Ainsi, les bénéfices nets attribués à chaque indivisaire doivent être calculés en fonction de la part des dépenses engagées par chacun, en tenant compte tant de leurs contributions volontaires que des dépenses qui leur sont opposables de droit (Cass. 1ère civ., 25 oct. 2005, n° 03-12.579l).
- Ce mécanisme de déduction assure une répartition équitable et proportionnée des bénéfices en fonction des charges supportées, tout en préservant l’intérêt général de l’indivision.
- Il incite également les indivisaires à participer activement à la gestion du bien indivis, en sachant que leurs contributions financières seront prises en compte dans la répartition des fruits et revenus.
- Établissement d’un compte de gestion annuel
- L’exercice du droit à la répartition des bénéfices dans le cadre d’une indivision, tel que prévu par l’article 815-11 du Code civil, repose sur un impératif de transparence et de rigueur comptable.
- Pour garantir une répartition équitable des bénéfices, il est essentiel de procéder à l’établissement d’un compte de gestion annuel.
- Ce document constitue une synthèse des opérations financières de l’indivision, en retraçant de manière claire et détaillée les revenus générés par les biens indivis ainsi que les charges supportées pour leur gestion.
- Le compte de gestion annuel joue un rôle central dans le processus de répartition, car il permet de justifier les montants attribués à chaque indivisaire.
- Il récapitule non seulement les fruits et revenus perçus par l’indivision, qu’il s’agisse de loyers, d’intérêts ou de dividendes, mais aussi l’ensemble des dépenses déductibles, telles que les frais d’entretien, les primes d’assurance, les taxes foncières, ou encore les dépenses exceptionnelles engagées pour la préservation ou la valorisation des biens indivis.
- Cette ventilation claire des revenus et des charges assure une traçabilité des flux financiers et permet de déterminer, avec précision, les bénéfices nets à répartir entre les indivisaires.
- En outre, le compte de gestion annuel est un outil de transparence indispensable dans les relations entre les coïndivisaires.
- Il offre à chacun une vision précise de la situation financière de l’indivision et permet de s’assurer que la répartition des bénéfices est réalisée de manière juste et proportionnelle aux droits de chaque indivisaire.
- En l’absence de ce compte, le risque de contestation entre les indivisaires est accru, notamment en cas de doute sur la répartition des revenus ou sur la légitimité des dépenses engagées.
- C’est pourquoi l’établissement d’un tel document est crucial pour garantir une gestion sereine et éviter les litiges.
- La jurisprudence a réaffirmé à plusieurs reprises l’importance de ce compte de gestion annuel, soulignant qu’il constitue la base sur laquelle le juge peut, en cas de contestation, apprécier le bien-fondé d’une demande de répartition provisoire des bénéfices (Cass. 1re civ., 27 oct. 1993, n° 91-13.946).
- En effet, le président du tribunal judiciaire, compétent pour ordonner une répartition des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive, s’appuie nécessairement sur ce compte pour statuer.
- En définitive, le compte de gestion annuel assure non seulement une répartition équitable des bénéfices, mais il protège également l’intérêt de l’indivision en garantissant que les charges nécessaires à sa gestion ont été dûment prises en compte. Il est le garant de la transparence et de la légitimité des opérations financières au sein de l’indivision.
==>Cadre procédural
L’article 815-11, alinéa 3 du Code civil confie au président du tribunal judiciaire une compétence exclusive pour trancher les différends entre indivisaires concernant la répartition des bénéfices.
En cas de contestation, il appartient au juge de statuer sur la demande de répartition provisionnelle des bénéfices, tout en veillant à préserver l’équilibre entre les intérêts des coïndivisaires et ceux de l’indivision.
Le pouvoir conféré au juge dans cette procédure est important, car il peut, à titre provisoire, ordonner une répartition des fruits et revenus, tout en s’assurant qu’un compte final sera établi lors de la liquidation définitive de l’indivision.
Cette répartition provisionnelle permet de garantir une certaine souplesse dans la gestion des biens indivis, en évitant que les indivisaires soient privés de leurs bénéfices pendant la durée de l’indivision.
Cependant, le juge exerce un pouvoir discrétionnaire quant à l’opportunité de faire droit à la demande de répartition.
Comme l’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 16 mars 1999, c’est dans l’exercice de cette faculté d’appréciation que le juge peut refuser une répartition provisionnelle des bénéfices (Cass. 1ère civ., 16 mars 1999, n°97-11.972).
Son intervention n’est donc pas automatique et dépend des éléments fournis par les indivisaires.
Le juge peut ainsi rejeter une demande si les conditions ne sont pas réunies, notamment en l’absence de documents comptables clairs et précis, tels qu’un compte de gestion annuel.
Ce compte, bien qu’important pour la transparence, n’est pas le seul critère décisif : le juge conserve la liberté de refuser la répartition s’il estime que cela mettrait en péril la gestion sereine de l’indivision ou déséquilibrerait les droits des coïndivisaires.