Les indivisaires disposent, pendant toute la durée de l’indivision, du droit d’user et de jouir du bien indivis.
Comme tout bien, celui-ci doit être entretenu pour conserver son utilité initiale, et peut également faire l’objet d’améliorations destinées à en accroître la valeur ou les usages. Dans cette perspective, les indivisaires peuvent être amenés à engager des dépenses, que ce soit pour assurer la préservation du bien ou pour en améliorer l’état.
L’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil, prévoit une compensation pour ces dépenses, dites « impenses », réalisées par un indivisaire.
Ces dépenses peuvent concerner l’entretien ou l’amélioration du bien indivis. Il est ainsi prévu par ce texte que lorsque l’un des indivisaires améliore, à ses frais, l’état du bien, il a droit à une indemnisation, déterminée selon des critères d’équité, au regard de l’augmentation de la valeur du bien au moment du partage ou de sa vente.
Il en va de même pour les dépenses strictement nécessaires à la conservation du bien, même si elles n’entraînent pas de revalorisation.
Toutefois, il convient de distinguer entre les dépenses éligibles à une indemnisation et celles qui en sont exclues.
En effet, l’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil ne prévoit une compensation que pour les dépenses d’amélioration ou de conservation.
Ainsi, les simples dépenses d’entretien, qui ne modifient ni l’état ni la valeur du bien, n’ouvrent pas droit à indemnisation.
Cette règle a été fermement rappelée par la jurisprudence, notamment dans le cadre d’une indivision successorale concernant une maison d’habitation (Cass. 1ère civ. 28 mars 2006, n°04-10.596).
En outre, certaines dépenses peuvent être écartées du droit à indemnisation lorsqu’elles sont jugées exagérées ou inutiles.
Par exemple, lorsqu’un indivisaire engage des dépenses disproportionnées ou qui ne sont pas justifiées par l’état du bien, les tribunaux peuvent refuser tout remboursement.
C’est notamment ce qui s’est produit dans une affaire où les impenses réclamées ont été considérées comme excessives et non nécessaires, privant ainsi l’indivisaire de toute indemnisation (Cass. 1ère civ. 13 déc. 1994, n°92-20.780).
Ces exclusions témoignent de la volonté des juges de s’assurer que les dépenses revendiquées par les indivisaires soient réellement justifiées et proportionnées, garantissant ainsi un équilibre dans la gestion des biens indivis.
1. Les dépenses d’amélioration du bien indivis
L’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil prévoit un régime d’indemnisation pour les dépenses d’amélioration réalisées par un indivisaire.
Ces dépenses, qualifiées d’impenses utiles, visent à augmenter la valeur ou l’utilité du bien, sans pour autant être indispensables à sa conservation.
Conformément à ce texte, lorsque l’un des indivisaires entreprend à ses frais des travaux d’amélioration, il peut obtenir une indemnité calculée selon le principe d’équité, en tenant compte de l’augmentation de valeur que le bien en a tiré au moment du partage ou de l’aliénation.
a. Le domaine des impenses utiles
==>Distinction entre les impenses utiles et les impenses nécessaires
L’application de l’article 815-13, al. 1er du Code civil repose sur la distinction entre les impenses nécessaires et les impenses utiles.
Les impenses nécessaires, comme leur nom l’indique, sont celles sans lesquelles la conservation du bien serait mise en péril.
Ces dépenses visent à préserver l’intégrité du bien indivis, évitant ainsi sa dégradation ou sa perte.
Leur remboursement est intégral, indépendamment de toute augmentation de la valeur du bien, car elles sont indispensables à sa survie. On pense notamment aux travaux d’urgence tels que des réparations pour prévenir des dommages graves, comme la consolidation d’une structure affaissée ou la réfection d’une toiture pour éviter des infiltrations d’eau.
Les impenses utiles, en revanche, sont des dépenses effectuées par un indivisaire pour améliorer l’état du bien indivis, en augmentant sa valeur ou en élargissant ses usages, sans toutefois être indispensables à sa conservation.
Leur objet se distingue ainsi de celui des impenses nécessaires, qui visent principalement à préserver l’intégrité matérielle ou juridique du bien.
Les impenses utiles se matérialisent souvent sous forme de travaux destinés à moderniser ou rendre le bien plus confortable, comme l’installation d’un chauffage central, la réfection de la toiture, ou l’ajout de commodités non essentielles mais améliorant considérablement la jouissance du bien.
==>Variété des impenses utiles
L’objet des impenses utile comprend une grande variété de travaux, tels que des rénovations, des améliorations énergétiques, ou encore des extensions, qui ne sont pas nécessaires à la conservation du bien mais qui en augmentent objectivement la valeur.
À titre d’exemple, la jurisprudence a reconnu l’installation d’un chauffage central ou encore la construction de nouveaux bâtiments sur un terrain indivis comme des impenses utiles ouvrant droit à une indemnité (Cass. 1ère civ., 6 févr. 1996, n°94-10.380).
Cependant, la finalité de ces impenses n’est pas simplement d’embellir ou de satisfaire des préférences personnelles.
Pour être qualifiées d’impenses utiles, les travaux réalisés doivent procurer un bénéfice pour l’ensemble des indivisaires, notamment en accroissant la valeur du bien indivis au moment du partage ou de la vente.
L’indemnité qui en découle est strictement proportionnelle à l’enrichissement qu’elles apportent au bien, plutôt qu’au coût des travaux. Cela garantit que l’indivisaire qui a engagé ces dépenses ne soit pas indemnisé au-delà de la plus-value effectivement générée pour l’indivision.
==>Limites
Il peut être observé que les impenses utiles doivent être distinguées des dépenses d’acquisition, qui n’ouvrent pas droit à indemnisation au titre de l’article 815-13 du Code civil.
En effet, le financement direct d’un bien indivis par un indivisaire, par exemple à travers un apport en capital personnel pour acquérir une part de l’indivision, ne peut être qualifié d’impense utile (Cass. 1ère civ., 26 mai 2021, n°19-21.302).
Dans ce cadre, les sommes engagées ne visent pas à améliorer ou à conserver le bien indivis existant, mais à financer son acquisition.
La Cour de cassation a opté pour une exclusion de ces dépenses du régime de l’article 815-13, précisant que ces apports relèvent d’un régime distinct, notamment celui de la créance personnelle contre l’indivision.
Cependant, certaines dépenses, même associées à l’acquisition d’un bien, peuvent être assimilées à des impenses utiles si elles sont engagées dans le but de préserver un bien déjà indivis.
Ainsi, le remboursement d’un emprunt contracté pour financer des travaux d’amélioration, ou pour éviter la saisie d’un bien indivis, a été reconnu comme une impense utile, car ces dépenses permettent de conserver le bien dans le patrimoine des indivisaires (Cass. 1ère civ., 7 juin 2006, n°04-11.524).
La question des plus-values générées par l’activité personnelle d’un indivisaire soulève une autre problématique complexe.
Il est possible que, par son travail ou ses efforts, un indivisaire contribue à augmenter la valeur d’un bien indivis.
En principe, ces plus-values pourraient être considérées comme des fruits revenant à l’indivision, conformément à l’article 815-10, alinéa 2, du Code civil, qui dispose que les fruits et revenus d’un bien indivis sont partagés entre les coïndivisaires.
Cependant, la jurisprudence a parfois assimilé ces plus-values à des impenses ouvrant droit à indemnisation au profit de l’indivisaire ayant fourni les efforts personnels.
Dans un arrêt remarqué rendu le 25 mai 1987, la Cour de cassation a admis que les plus-values résultant de l’activité d’un indivisaire pouvaient être indemnisées comme s’il s’agissait d’impenses utiles, eu égard au profit subsistant au moment du partage (Cass. 1re civ., 25 mai 1987, n°85-16.995).
Cette solution, qui s’écartait de la distinction traditionnelle entre fruits et impenses, a toutefois fait l’objet de vives critiques doctrinales, car elle avantagerait de manière excessive l’indivisaire ayant contribué à l’augmentation de la valeur du bien au détriment des autres indivisaires.
Cette position a finalement été abandonnée par la Cour de cassation dans un revirement jurisprudentiel ultérieur.
La Haute juridiction a en effet réaffirmé que les plus-values apportées par le travail d’un indivisaire devaient être considérées comme des fruits de l’indivision et non comme des impenses d’amélioration (Cass. 1re civ., 29 mai 1996, n°94-14.632).
Ainsi, un indivisaire ayant contribué par son activité à l’enrichissement d’un bien indivis ne peut prétendre qu’à une rémunération de son travail, en vertu de l’article 815-12 du Code civil, et non à une indemnité au titre de l’article 815-13.
En définitive, le régime des impenses utiles s’attache à garantir un juste équilibre entre les dépenses engagées par un indivisaire et le bénéfice qu’elles procurent à l’indivision.
L’indemnisation est limitée aux améliorations objectivement constatées et exclut toute compensation pour des dépenses somptuaires, disproportionnées, ou visant simplement à acquérir une part dans l’indivision.
Quant aux plus-values découlant du travail personnel d’un indivisaire, elles doivent être traitées distinctement, sous le régime des fruits et revenus, garantissant ainsi que chaque coïndivisaire bénéficie équitablement des avantages procurés par le bien indivis.
b. Conditions d’indemnisation des dépenses d’amélioration
Les conditions d’indemnisation des dépenses d’amélioration d’un bien indivis, conformément à l’article 815-13, alinéa 1er du Code civil, sont rigoureusement encadrées et reposent sur plusieurs critères.
L’objectif est de garantir une indemnisation équitable des indivisaires ayant contribué à l’amélioration du bien, tout en s’assurant que les dépenses en question sont effectivement justifiées.
i. L’auteur des dépenses
Il est impératif que les dépenses d’amélioration aient été effectuées par un indivisaire, c’est-à-dire une personne qui a cette qualité au moment où les travaux sont entrepris.
Les travaux réalisés par une personne avant d’acquérir la qualité d’indivisaire, comme dans le cas d’un enfant qui aurait financé des améliorations sur un bien appartenant à ses parents avant d’en hériter, ne peuvent être indemnisés au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1re civ., 23 juin 1987, n°85-18.882).
Cette condition s’explique par le fait que l’indemnisation sur le fondement de l’article 815-13 est conçue pour compenser un appauvrissement personnel lié à des dépenses visant à améliorer un bien indivis, dans l’intérêt commun des indivisaires.
ii. L’objet des dépenses
L’article 815-13 du Code civil précise que les dépenses engagées doivent porter sur un bien indivis pour ouvrir droit à indemnisation.
Autrement dit, l’indemnité ne peut être réclamée que si les dépenses concernent l’amélioration d’un bien appartenant à l’indivision.
Cette condition exclut les dépenses réalisées sur des biens personnels de l’indivisaire, même si ces dépenses ont indirectement servi à l’indivision.
Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour de cassation, un indivisaire avait mis à disposition un bien lui appartenant personnellement pour exploiter un fonds de commerce indivis. La Première chambre civile a estimé que, bien que ce bien personnel ait contribué à enrichir l’indivision, il ne s’agissait pas de fruits du bien personnel mais d’une amélioration au sens de l’article 815-13 du Code civil, ouvrant droit à une indemnité (Cass. 1re civ., 17 déc. 1996, n°94-21.989).
Cette jurisprudence montre que l’indemnisation est possible même si les améliorations ne portent pas directement sur le bien indivis, mais résultent d’une mise à disposition de biens personnels ayant servi à l’exploitation du bien indivis.
Cependant, la condition principale demeure que les dépenses soient effectuées dans l’intérêt de l’indivision et qu’elles concernent un bien relevant du régime de l’indivision.
En revanche, les dépenses visant à l’acquisition d’un bien en indivision, financées par un futur indivisaire avant qu’il ne devienne indivisaire, ne peuvent être indemnisées.
C’est notamment le cas lorsqu’une personne finance l’acquisition d’un bien indivis avant que la qualité d’indivisaire ne soit acquise, les juges ayant exclu la possibilité de réclamer une indemnisation dans ce contexte (Cass. 1ère civ., 26 sept. 2012, n°11-14.033).
iii. Dépenses financées sur les deniers personnels
Le principe de l’indemnisation des impenses en indivision repose sur la nécessité pour l’indivisaire d’avoir financé les dépenses sur ses propres deniers.
En effet, conformément à l’article 815-13 du Code civil, seules les dépenses effectuées « à ses frais » par l’indivisaire, soit pour la conservation, soit pour l’amélioration d’un bien indivis, peuvent donner lieu à indemnisation.
Cela signifie que l’indivisaire doit prouver un appauvrissement personnel au bénéfice de l’indivision, autrement dit, que les fonds investis proviennent directement de son patrimoine.
==>La nécessité d’un appauvrissement personnel
Pour pouvoir prétendre à une indemnité, il est donc impératif que l’indivisaire ait effectivement supporté les dépenses, c’est-à-dire qu’il ait utilisé ses fonds propres.
Cette condition a été maintes fois rappelée par la jurisprudence. Par exemple, dans un arrêt du 15 janvier 2020, la Cour de cassation a refusé l’indemnisation d’un indivisaire qui avait financé des travaux par l’intermédiaire d’une société qu’il dirigeait.
En effet, les fonds n’ayant pas transité par son patrimoine personnel, il ne pouvait pas se prévaloir d’un appauvrissement direct au profit de l’indivision (Cass. 1ère civ., 15 janv. 2020, n°18-26.502).
Il ressort de cette jurisprudence que le simple fait pour l’indivisaire d’avoir orchestré ou supervisé les travaux ne suffit pas si ce dernier n’a pas directement financé les dépenses.
==>Cas du financement partiel d’une dépense
Il est également possible qu’un indivisaire finance les dépenses uniquement de manière partielle, en recourant à ses deniers personnels pour une fraction des travaux.
Dans cette hypothèse, l’indemnisation ne sera accordée qu’à hauteur des sommes effectivement payées par l’indivisaire.
En d’autres termes, il ne pourra être indemnisé que pour la portion des dépenses qu’il a financée, excluant les parts éventuellement couvertes par des tiers.
Cette règle vise e à garantir que l’indivision ne soit tenue de rembourser que l’appauvrissement réellement subi par l’indivisaire.
==>La preuve de l’origine des fonds
- Charge de la preuve
- La charge de la preuve incombe à l’indivisaire qui réclame l’indemnité. Il doit démontrer que les sommes engagées proviennent de ses propres deniers.
- Cette exigence a pour objectif d’éviter que les autres coindivisaires ne soient tenus d’indemniser des dépenses réalisées par des tiers ou des entités distinctes de l’indivisaire.
- Si, par exemple, une société ou un organisme tiers couvre les dépenses, ou si ces dernières sont financées par une assurance, l’indivisaire ne pourra pas réclamer d’indemnisation au titre des impenses.
- À titre d’exemple, la jurisprudence a refusé l’indemnisation à un indivisaire lorsque les échéances d’un crédit avaient été directement réglées par une compagnie d’assurance à la suite de l’invalidité de l’indivisaire (Cass. 1re civ., 20 oct. 2021, n°20-11.921).
- Dans ce cas, l’indivisaire n’a pas personnellement déboursé les sommes, car l’assurance a pris en charge les remboursements, ce qui a empêché toute indemnisation.
- Preuves admises
- Pour prouver que les dépenses ont bien été effectuées avec ses deniers personnels, l’indivisaire devra fournir des éléments probants, tels que des factures ou des relevés bancaires justifiant les paiements.
- Les juges se montrent particulièrement exigeants en matière de preuve, et l’absence de démonstration claire peut entraîner le rejet de la demande d’indemnisation.
- Par ailleurs, la jurisprudence considère que lorsque l’indivisaire a réalisé des dépenses, mais ne parvient pas à prouver qu’elles proviennent de ses fonds propres, la demande d’indemnisation sera refusée.
- Cette rigueur répond à la nécessité de protéger les autres indivisaires contre des réclamations non fondées ou imprécises.
iv. Dépenses engagées sans l’accord des autres indivisaires
En application de l’article 815-13 du Code civil, pour qu’un indivisaire puisse prétendre à une indemnité au titre des dépenses d’amélioration ou de conservation qu’il a réalisées sur un bien indivis, ces dépenses doivent avoir été engagées sans l’accord des autres indivisaires.
Cette règle repose sur l’idée que si tous les coïndivisaires avaient donné leur accord pour les dépenses, celles-ci profiteraient à l’ensemble de l’indivision et ne nécessiteraient pas de compensation spécifique pour celui qui a réalisé la dépense.
==>Absence de consentement des autres indivisaires : une condition d’indemnisation
L’article 815-13 distingue donc les situations où un indivisaire agit seul pour effectuer des dépenses sur le bien indivis de celles où tous les indivisaires ont consenti à la dépense.
Dans le premier cas, l’indivisaire qui prend l’initiative de réaliser des travaux d’amélioration ou de conservation sur un bien indivis sans consulter ou obtenir l’accord des autres indivisaires peut demander une indemnité pour ces dépenses, à condition qu’elles aient été nécessaires ou utiles.
Cette condition vise à protéger les coindivisaires contre des initiatives unilatérales pouvant entraîner des frais non souhaités.
Dans un arrêt du 9 janvier 1979 (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°77-13.694), la Cour de cassation a jugé que les modifications effectuées sur un bien indivis avec l’accord de tous les indivisaires profitaient à tous, et que, par conséquent, l’indivisaire qui les a financées ne pouvait réclamer d’indemnité.
Ce principe est fondé sur le fait que, dans ce cas, la dépense est perçue comme étant commune, et il n’est donc pas nécessaire d’indemniser l’indivisaire qui a réalisé les travaux.
La dépense a été collective et non unilatérale, ce qui exclut toute indemnisation individuelle.
==>L’accord des indivisaires exclut l’indemnisation
L’accord des autres indivisaires, qu’il soit explicite ou implicite, exclut toute demande d’indemnisation.
Cette approche se justifie par le fait que les décisions prises de manière collective au sein de l’indivision sont censées représenter l’intérêt commun des indivisaires, et la dépense réalisée est donc partagée par tous.
En conséquence, une compensation particulière n’est pas requise, car tous les indivisaires bénéficient de la dépense de manière équitable.
Il est important de noter que l’accord des coïndivisaires peut se manifester de manière formelle (par exemple, lors d’une réunion ou d’une délibération de l’indivision) ou informelle (telle qu’une acceptation tacite lorsque les travaux sont visibles et aucun des indivisaires ne s’y oppose explicitement).
Dans ces cas, l’indivisaire qui a financé les travaux ne peut pas prétendre à une indemnité puisque l’amélioration a été consentie par l’ensemble des indivisaires.
Ainsi, le consentement des autres indivisaires, ou son absence, est un facteur décisif. Si l’un des indivisaires a agi en concertation avec les autres, la dépense est réputée collective et ne saurait ouvrir droit à une indemnité spécifique, car elle a été décidée pour le compte de tous.
À l’inverse, si l’indivisaire a agi seul, sans l’accord préalable, son initiative peut être indemnisée, dans la mesure où elle bénéficie à l’ensemble des indivisaires.
Le fondement de cette règle est de protéger les indivisaires contre des initiatives unilatérales qui pourraient les contraindre à financer des travaux ou des améliorations qu’ils n’ont pas souhaités.
C’est donc une condition essentielle de la demande d’indemnisation que de démontrer l’absence d’accord de la part des autres indivisaires.
Dans le cadre de cette logique, un indivisaire ne peut pas non plus réclamer une indemnisation pour des dépenses somptuaires ou inutiles qu’il aurait réalisées pour son seul bénéfice personnel, même si ces dépenses ont été engagées sans le consentement des autres.
Dans ce cas, l’absence de consentement ne suffit pas à justifier une indemnité : il faut que la dépense réponde à un intérêt commun de l’indivision et non à des besoins personnels de l’indivisaire qui les a engagées.
v. Utilité des dépenses pour le bien indivis
Le principe fondamental en matière d’indemnisation des dépenses engagées par un indivisaire sur un bien indivis repose sur l’idée que ces dépenses doivent profiter à l’ensemble de l’indivision, et non servir exclusivement les intérêts personnels de l’indivisaire à l’origine de ces travaux.
Ce principe est expressément encadré par l’article 815-13 du Code civil, qui distingue clairement entre les dépenses qui visent à améliorer ou conserver le bien indivis, et celles qui n’ont pour but que de satisfaire des besoins individuels.
==>Impenses devant profiter à l’indivision
Pour qu’un indivisaire puisse prétendre à une indemnisation, il est impératif que les dépenses réalisées aient été effectuées dans l’intérêt de tous les coïndivisaires.
Autrement dit, les impenses doivent avoir contribué soit à la conservation du bien (empêcher sa dégradation), soit à son amélioration (augmenter sa valeur ou son utilité pour l’ensemble de l’indivision).
Cela signifie que les dépenses somptuaires ou celles qui ne sont d’aucune utilité pour la collectivité des indivisaires sont exclues du champ d’application de l’article 815-13 du Code civil.
Par exemple, des travaux de rénovation destinés à prévenir la détérioration d’un bien indivis ou à en augmenter la valeur sur le marché immobilier, comme la modernisation des installations électriques ou l’ajout d’un système de chauffage, peuvent être considérés comme des impenses profitant à l’ensemble des coïndivisaires.
En revanche, des dépenses qui répondent uniquement aux besoins individuels de l’indivisaire ayant pris l’initiative, sans apporter de bénéfice commun, ne peuvent être indemnisées.
==>Exclusion des dépenses somptuaires
Les impenses somptuaires, également appelées impenses voluptuaires, sont des dépenses qui n’ont pas pour objet de conserver le bien ou d’en améliorer de manière utile la valeur ou l’état, mais qui relèvent plutôt du superflu ou du luxe.
En vertu de l’article 815-13 du Code civil, ces dépenses somptuaires ne peuvent donner lieu à indemnisation, car elles ne répondent pas à un intérêt commun des indivisaires ni à une augmentation de la valeur objective du bien.
Voici quelques exemples typiques d’impenses somptuaires que la jurisprudence et la doctrine excluent de toute indemnisation :
- Dépenses purement esthétiques ou de luxe
- Des améliorations qui visent principalement à embellir le bien de manière extravagante, sans augmenter sa valeur réelle, sont classées dans cette catégorie.
- Par exemple :
- Installation de matériaux coûteux mais non nécessaires, tels qu’un sol en marbre ou des équipements de cuisine de luxe (Cass. 1ère civ., 18 févr. 1986, n°84-16.652).
- Ajout de décors ou d’éléments d’architecture sophistiqués, tels qu’une fontaine dans le jardin, des dorures aux murs, ou l’ajout de sculptures coûteuses à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment, sans utilité pratique pour le bien ou son usage courant.
- Ajout d’éléments qui ne répondent qu’à des préférences personnelles
- Certaines dépenses réalisées pour satisfaire les goûts personnels d’un indivisaire, qui ne bénéficient pas réellement à la totalité des indivisaires, sont également exclues.
- Par exemple :
- Ajout d’une piscine ou d’un sauna dans une maison indivise, si cet ajout est jugé comme un luxe non nécessaire pour améliorer la valeur objective du bien, surtout si la maison n’est pas située dans une région où ces installations sont couramment valorisées.
- Construction d’une véranda ou d’une serre pour un usage personnel, alors que cet ajout n’améliore pas la fonctionnalité ni la valeur marchande globale du bien.
- Travaux exagérés et disproportionnés par rapport au bien
- Même si certaines améliorations pourraient avoir une utilité dans certaines circonstances, elles peuvent être considérées comme des impenses somptuaires si elles sont disproportionnées par rapport à la nature ou à la destination du bien.
- Par exemple :
- Installation d’un système de sécurité sophistiqué ou d’un home cinéma dans une petite résidence modeste, lorsque cela ne correspond pas à la valeur globale du bien ou à ses usages probables (Cass. 1ère civ., 13 déc. 1994, n°92-20.780).
- Ajouts ne contribuant pas à l’intérêt collectif des indivisaires
- Les travaux qui ne bénéficient qu’à un seul indivisaire ou qui sont conçus uniquement pour son usage personnel ne peuvent être pris en compte au titre des impenses.
- Par exemple :
- Aménagement d’un bureau privé pour l’indivisaire occupant le bien, dans le cadre de son activité professionnelle, alors que ce bureau ne présente pas d’utilité pour les autres coindivisaires ou pour l’usage général du bien.
- Dépenses non proportionnées à la revalorisation du bien
- Enfin, une dépense peut être considérée comme somptuaire si elle est trop importante par rapport à la plus-value qu’elle procure au bien. C’est le cas des dépenses qui n’apportent qu’une revalorisation minime ou nulle en comparaison de leur coût.
- Par exemple :
- Rénovation complète de pièces secondaires peu utilisées, telles que des caves ou des dépendances, sans que cela n’augmente substantiellement la valeur du bien lors du partage ou de la vente.
==>Dépenses dans un intérêt purement personnel
Au-delà des dépenses somptuaires, l’article 815-13 du Code civil exclut également les dépenses engagées dans un intérêt purement personnel.
La règle est claire : les dépenses effectuées par un indivisaire dans l’unique but de satisfaire ses besoins ou désirs individuels ne sont pas susceptibles de donner lieu à une indemnité.
Ce critère vise à empêcher qu’un indivisaire puisse faire supporter à l’ensemble de l’indivision des frais qui ne profitent qu’à lui seul.
La Cour de cassation a ainsi confirmé que les dépenses réalisées par un indivisaire dans son propre intérêt, même si elles apportent une amélioration au bien, ne peuvent ouvrir droit à indemnité que dans la mesure où elles bénéficient objectivement à l’ensemble des indivisaires (Cass. 1ère civ., 18 déc. 1990, n°89-11.433).
L’exemple classique concerne un indivisaire qui occupe privativement un bien indivis et engage des frais d’aménagement pour améliorer son confort personnel, tels que la décoration d’intérieur ou l’installation d’équipements spécifiquement adaptés à ses besoins. Ces dépenses ne répondent pas à l’intérêt commun de l’indivision et ne justifient donc aucune compensation.
==>La notion d’intérêt commun
L’évaluation de l’intérêt commun repose sur une analyse objective de l’utilité des dépenses pour la préservation ou l’amélioration du bien indivis.
Il appartient aux juges de vérifier si les dépenses réalisées ont véritablement contribué à la conservation ou à l’amélioration du bien et si elles profitent à l’ensemble des coïndivisaires. L’indemnisation repose donc sur le fait que la dépense sert le bien commun, et non pas un intérêt individuel.
Par ailleurs, la question de savoir si une dépense est faite dans l’intérêt commun ou dans un intérêt personnel est souvent laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, comme l’a rappelé la jurisprudence.
Le juge peut examiner les circonstances spécifiques entourant les dépenses, leur utilité réelle et leur proportionnalité par rapport aux besoins du bien indivis.
vi. Montant des dépenses
Enfin, pour qu’une indemnité soit allouée, les dépenses doivent être significatives. Ce principe repose sur l’application de l’adage latin « de minimis non curat praetor », qui signifie que la loi ne s’occupe pas des choses insignifiantes.
==>L’exclusion des dépenses infimes
La jurisprudence a clairement affirmé qu’une indemnisation ne pouvait pas être réclamée pour des dépenses d’un montant insignifiant ou dérisoire.
Dans un arrêt rendu le 24 juin 1986, la Cour de cassation a fermement rappelé en ce sens que les dépenses minimes ne sont pas susceptibles de donner lieu à une indemnité au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1ère civ., 24 juin 1986, n°84-15.215).
Ainsi, les dépenses qui ne présentent pas un caractère substantiel ou qui ne génèrent pas une augmentation notable de la valeur ou de la conservation du bien sont exclues.
Par exemple, des travaux mineurs comme des réparations superficielles ou l’achat d’objets décoratifs sans importance ne sauraient donner lieu à indemnisation. Il est primordial que les impenses aient une utilité réelle et un impact sur la préservation ou l’amélioration du bien pour l’ensemble de l’indivision.
==>Critère de proportionnalité
Le principe de l’exclusion des dépenses infimes s’inscrit dans une logique de proportionnalité.
Le montant des dépenses réclamées doit être proportionné à l’amélioration ou à la conservation apportée au bien indivis.
Une simple dépense cosmétique ou une petite réparation de routine ne saurait constituer une impense utile ou nécessaire au sens de l’article 815-13 du Code civil.
Il est important que la dépense soit d’une ampleur suffisante pour justifier une indemnisation et qu’elle ait contribué de manière significative à l’entretien ou à l’augmentation de la valeur du bien.
==>L’appréciation du juge
Il appartient aux juges d’évaluer le caractère significatif des dépenses au cas par cas. Les juges examineront donc la nature et le montant des dépenses, ainsi que leur impact sur la préservation ou la valorisation du bien indivis, pour déterminer si elles justifient une indemnité.
La jurisprudence a ainsi confirmé que, même si les dépenses ont pu être effectivement réalisées, leur montant doit être suffisamment élevé pour justifier une compensation dans le cadre de l’indivision.
Ce critère de significativité permet d’établir une ligne de démarcation entre les impenses éligibles à une indemnisation et les demandes qui pourraient être jugées abusives ou disproportionnées par rapport à l’impact réel sur le bien indivis.
c. Modalités d’évaluation de l’indemnité due au titre de la dépense d’amélioration
L’évaluation de l’indemnité due à l’indivisaire pour les dépenses d’amélioration réalisées sur un bien indivis est encadrée par l’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil.
Ce texte instaure un régime particulier, reposant sur l’idée que l’indemnité ne doit pas être calculée en fonction du coût des travaux effectués, mais en fonction de la plus-value apportée au bien au moment du partage ou de l’aliénation.
i. L’évaluation de l’indemnité au regard du profit subsistant
Selon l’article 815-13, alinéa 1er, le montant de l’indemnité est déterminé par le profit subsistant au moment du partage ou de la vente du bien indivis.
L’indemnité due à l’indivisaire ne correspond donc pas aux dépenses réelles engagées, mais à la plus-value résiduelle qu’une dépense a apportée au bien indivis.
Autrement dit, ce mécanisme repose non pas sur le montant déboursé par l’indivisaire pour effectuer des travaux, mais sur la valeur ajoutée qu’a générée cette dépense lors du partage ou de la vente du bien.
Ainsi, une dépense qui, bien qu’importante, n’a pas entraîné de plus-value notable ne donnera droit qu’à une indemnisation limitée, voire inexistante.
Prenons l’exemple d’une maison indivise qui valait 300 000 € avant la réalisation de travaux d’amélioration.
Un des indivisaires a investi 50 000 € pour rénover la toiture et moderniser le système de chauffage.
Au moment du partage, cette maison est estimée à 380 000 €, prenant en compte une plus-value résultant de l’amélioration de 40 000 €.
Dans cette situation, bien que l’indivisaire ait engagé 50 000 €, l’indemnité à laquelle il a droit sera calculée sur la base de la plus-value subsistante, c’est-à-dire 40 000 €.
Il ne pourra donc pas réclamer le remboursement total de son investissement, car la règle de l’article 815-13 ne repose pas sur le coût des travaux, mais sur l’enrichissement réel du bien au jour du partage.
Ce mode d’évaluation repose sur le principe de la dette de valeur, selon lequel la dette évolue avec la valeur du bien auquel elle est attachée. La somme due à l’indivisaire est donc calculée au jour du partage, en tenant compte de l’appréciation ou de la dépréciation du bien indivis.
En ce sens, l’indemnité doit refléter la plus-value réelle que les dépenses ont apportée au bien à ce moment précis, et non leur coût initial.
Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a confirmé cette approche en jugeant au visa de l’article 815-13, al. 1er du Code civil « qu’il résulte de ce texte que lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité et eu égard, dans le cas où le bien a été vendu, à ce dont sa valeur s’est trouvée augmentée au jour de l’aliénation » (Cass. 1ère civ., 23 mars 1994, n°92-14.703).
Ce système permet de tenir compte des fluctuations du marché immobilier ou de l’usure des travaux, et garantit que l’indivisaire ne soit indemnisé qu’à hauteur du gain réel pour l’indivision, tout en préservant l’équité entre les coïndivisaires.
ii. Le rôle modérateur de l’équité
Les règles relatives à l’évaluation des indemnités pour les dépenses d’amélioration s’inscrivent dans le cadre général des dettes de valeur, que l’on retrouve également en matière de récompenses (C. civ., art. 1469) ou de rapport (C. civ., art. 861).
Cependant, la spécificité de l’indemnisation des impenses d’amélioration réside dans l’introduction d’un facteur d’équité par la loi du 31 décembre 1976.
Contrairement à d’autres domaines où l’indemnité doit refléter exactement la valeur de l’amélioration apportée, ici, le juge est doté d’un pouvoir modérateur qui lui permet de s’écarter d’une application strictement mécanique de la règle pour prendre en compte les particularités de chaque cas.
L’équité, véritable clé de voûte de l’évaluation des indemnités au titre des dépenses d’amélioration d’un bien indivis, s’impose comme un principe cardinal de l’article 815-13, alinéa 1er du Code civil, orientant le juge dans la recherche d’une juste compensation ajustée aux spécificités de chaque situation.
Ce principe confère au juge un pouvoir modérateur dans l’évaluation de l’indemnité, permettant d’éviter une application mécanique et rigide des règles relatives à la plus-value subsistante, afin de garantir un résultat juste et adapté aux circonstances particulières de chaque affaire.
Contrairement à d’autres régimes de créances où la compensation est strictement calculée en fonction des dépenses engagées, l’article 815-13 introduit une évaluation fondée sur l’équité.
Cela signifie que l’indemnité due à l’indivisaire ne doit pas nécessairement refléter l’intégralité des coûts engagés, mais doit correspondre à la plus-value réelle apportée au bien, ajustée selon l’appréciation des besoins de l’indivision.
En effet, ce critère d’équité permet au juge de prendre en compte des facteurs contextuels tels que l’utilité réelle des travaux pour l’ensemble des indivisaires ou leur caractère disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi.
L’introduction d’un facteur d’équité vise ainsi à éviter que des dépenses somptuaires, inutiles ou manifestement excessives ne bénéficient d’une indemnisation disproportionnée.
Le juge peut donc, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, modérer ou même refuser l’indemnité si les travaux effectués n’ont pas véritablement servi les intérêts communs de l’indivision.
Comme souligné par la doctrine, l’équité agit comme un correctif qui permet d’atténuer la rigueur des règles applicables aux dettes de valeur, et de tenir compte des circonstances propres à chaque situation.
Ce pouvoir modérateur, confié au juge, se traduit notamment par la nécessité de déterminer si les dépenses ont réellement conduit à une augmentation de la valeur du bien.
En d’autres termes, il ne suffit pas de produire des factures pour justifier d’une indemnité : il appartient au juge d’évaluer si les dépenses ont effectivement apporté une plus-value tangible au bien indivis et, le cas échéant, d’ajuster l’indemnité en fonction de l’équité et des intérêts communs des coïndivisaires (Cass. 1ère civ. 26 juin 2019, n°18-17.038).
En somme, l’équité permet de maintenir un équilibre juste entre les intérêts de l’indivisaire qui a engagé les dépenses et ceux des autres coïndivisaires, en s’assurant que seule la plus-value réelle, mesurée à l’aune des besoins et de l’utilité pour l’ensemble de l’indivision, soit prise en compte dans le calcul de l’indemnité.
iii. La charge de la preuve de la plus-value
L’indivisaire qui sollicite une indemnité pour les dépenses d’amélioration réalisées sur un bien indivis se heurte à une exigence essentielle : la preuve de la plus-value.
En effet, il ne suffit pas de présenter les factures des travaux effectués pour établir un droit à indemnisation.
Selon l’article 815-13 du Code civil, l’indemnité ne se calcule pas en fonction des dépenses engagées, mais bien selon l’augmentation effective de la valeur du bien au moment du partage ou de la vente.
Dès lors, la charge de la preuve repose sur l’indivisaire demandeur, qui doit démontrer que les travaux ont effectivement contribué à accroître la valeur du bien indivis.
La simple production de factures, attestant uniquement de la réalité des dépenses engagées, ne saurait suffire à établir ce lien.
La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé, dans un arrêt du 26 juin 2019, que les juges du fond doivent aller au-delà du simple examen des montants dépensés et vérifier si les travaux ont effectivement apporté une plus-value au bien indivis.
Dans cette affaire, la Haute juridiction a censuré une décision qui avait fixé l’indemnité uniquement sur la base des dépenses réalisées, sans procéder à cette vérification cruciale (Cass. 1re civ., 26 juin 2019, n°18-17.038). Ce rappel met en lumière la distinction nécessaire entre la dépense en tant que telle et la valeur ajoutée qu’elle peut générer.
En conséquence, l’indivisaire doit non seulement prouver qu’il a financé des améliorations à ses frais, mais aussi que celles-ci ont réellement profité à l’indivision en augmentant la valeur du bien.
Ce système préserve ainsi l’équilibre entre les droits de l’indivisaire ayant engagé des dépenses et les intérêts des coïndivisaires, en s’assurant que l’indemnité ne dépasse pas la plus-value réelle générée par les travaux.
d. Le moment du paiement de l’indemnité
Le paiement de l’indemnité due au titre des dépenses d’amélioration d’un bien indivis a longtemps été entouré d’incertitudes.
Initialement, la jurisprudence considérait que le règlement de cette créance ne pouvait intervenir qu’au moment de la liquidation de l’indivision, c’est-à-dire lors du partage.
Cette approche se fondait sur la référence explicite de l’article 815-13, alinéa 1er du Code civil, à l’« évaluation au temps du partage ou de l’aliénation », impliquant que le remboursement ne puisse être exigé avant cette échéance (Cass. 1ère civ., 27 oct. 1993, n°91-13.946).
Cette solution visait à éviter que l’un des indivisaires ne prenne des initiatives coûteuses sans l’accord des autres, et à préserver ainsi un équilibre dans la gestion de l’indivision.
Cependant, un revirement est intervenu avec l’arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2001.
La Haute juridiction a reconnu que l’indivisaire créancier, qu’il s’agisse de dépenses de conservation ou d’amélioration, n’était pas tenu d’attendre la clôture des opérations de partage pour obtenir le paiement de l’indemnité qui lui était due.
Il pouvait, en effet, solliciter un remboursement immédiat et, au besoin, poursuivre la saisie des biens indivis afin de recouvrer sa créance (Cass. 1ère civ., 20 févr. 2001, n°98-13.006).
Cette évolution jurisprudentielle s’est étendue au-delà des seules dépenses de conservation.
En 2021, la Cour de cassation a confirmé que l’indemnité pouvait être réclamée au fur et à mesure que les dépenses étaient engagées, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le partage judiciaire ou la vente du bien indivis (Cass. 1ère civ., 14 avr. 2021, n°19-21.313).
Ainsi, dès qu’un indivisaire a justifié d’une créance liée à la conservation ou à l’amélioration du bien, cette créance devient exigible, permettant ainsi d’éviter les délais liés aux opérations de partage qui peuvent être particulièrement longs.
En définitive, cette évolution marque un tournant dans la gestion des créances d’indivision, en permettant un remboursement immédiat des sommes avancées pour la conservation ou l’amélioration des biens indivis, tout en garantissant la sécurité juridique des indivisaires.
Cela évite également que des créances ne soient indûment retardées, notamment dans les situations où le partage est repoussé.
Cette approche pragmatique, tout en facilitant la gestion des indivisions, concilie les impératifs d’une juste indemnisation des dépenses engagées avec la préservation de l’intérêt collectif de l’indivision.
2. Les dépenses de conservation du bien indivis
Les règles qui encadrent l’indemnisation des impenses de conservation dans le cadre d’une indivision sont définies principalement par l’article 815-13 du Code civil.
Ces impenses nécessaires, par opposition aux impenses utiles ou somptuaires, concernent les dépenses réalisées pour préserver le bien indivis de toute dégradation matérielle.
Elles sont strictement liées à la conservation du bien et ne visent pas à améliorer celui-ci.
a. Le domaine des impenses nécessaires
Les impenses nécessaires regroupent les dépenses effectuées par un indivisaire avec ses deniers personnels pour éviter la dégradation ou la perte du bien indivis.
Ces dépenses visent à maintenir la valeur du bien, sans pour autant l’améliorer. Aussi, se distinguent-t-elles des dépenses d’amélioration, qui visent à augmenter la valeur du bien, ainsi que des dépenses d’entretien courant, qui ne permettent pas d’obtenir une indemnité.
a.1. Les dépenses de conservation
Les dépenses de conservation visent donc à maintenir la substance et l’intégrité du bien indivis, évitant ainsi sa dégradation.
Leur caractère strictement conservatoire repose sur la nécessité de préserver le bien et de le protéger contre toute atteinte qui pourrait affecter son existence ou son état.
A cet égard, on dénombre plusieurs variétés de dépenses de conservation.
i. Les dépenses de réparation
Les dépenses de réparation concernent des travaux destinés à maintenir la substance et la valeur du bien indivis.
Il s’agit de dépenses qui sont nécessaires pour prévenir la ruine, la dégradation, ou tout simplement pour assurer que le bien indivis continue de remplir son usage initial.
==>Les réparations nécessaires à la conservation du bien
Les réparations conservatoires sont celles qui visent à prévenir la détérioration physique du bien, souvent dictées par l’urgence de la situation. Elles incluent, par exemple :
- La réparation d’une toiture endommagée : un toit dégradé expose le bien à des infiltrations d’eau pouvant entraîner des dommages importants à la structure du bâtiment, risquant de compromettre la sécurité et l’intégrité du bien.
- La réfection des fondations : lorsque les fondations sont fragilisées, leur réparation devient indispensable pour éviter l’effondrement de la structure entière. De telles réparations sont considérées comme des dépenses strictement nécessaires à la préservation du bien.
Ces réparations visent à garantir que le bien reste en bon état de fonctionnement et à prévenir des dommages plus graves, qui pourraient affecter non seulement la valeur économique du bien, mais aussi l’intérêt des indivisaires dans leur ensemble.
A cet égard, il peut être observé que, si le Code civil ne dit pas ce que l’on entendre par travaux de conservation, il distingue néanmoins les grosses réparations des réparations d’entretien.
En application de l’article 606, les grosses réparations concernent des travaux majeurs réalisés sur un immeuble (murs de soutènement, voûtes, réfection totale de la toiture), tandis que les réparations d’entretien se limitent à des interventions plus mineures, mais tout aussi essentielles à la conservation du bien, comme la révision régulière de la toiture ou la réparation des installations de chauffage.
Bien que cette distinction soit essentiellement mise en oeuvre dans le cadre du rapport d’obligation qui lie un bailleur à son locataire, elle peut parfaitement être transposée dans le contexte de l’indivision aux fins d’identifier la nature des réparations à effectuer.
La jurisprudence s’appuie d’ailleurs sur cette distinction pour clarifier la répartition des charges entre les indivisaires et définir le caractère nécessaire ou non d’une dépense.
==>Les frais d’entretien courant
Au nombre des dépenses de réparation, on compte également les frais d’entretien courant lorsqu’ils sont indispensables à la préservation du bien.
Il s’agit, par exemple, du nettoyage régulier des gouttières, de la révision des systèmes d’évacuation d’eau, ou encore de la vérification des systèmes de chauffage et d’électricité. L’objectif est de maintenir le bien en état d’usage sans qu’il se détériore avec le temps.
Toutefois, il convient de distinguer les frais d’entretien strictement nécessaires, qui doivent être partagés entre les indivisaires, et les dépenses d’amélioration, qui sont le fruit d’une volonté d’augmenter la valeur du bien ou de le moderniser, et qui ne sont donc pas considérées comme des dépenses de conservation.
==>Les critères d’appréciation par la jurisprudence
Il peut être observé que la jurisprudence a largement contribué à préciser ce que sont les réparations nécessaires à la conservation du bien indivis.
Les tribunaux ont tendance à retenir comme dépenses de réparation conservatoire celles qui permettent de maintenir le bien en état ou d’éviter sa destruction.
Par exemple, dans un arrêt de rendu le 29 mai 2013, la Cour de cassation a reconnu qu’une réparation effectuée pour préserver l’intégrité d’un bien immobilier indivis devait être considérée comme une dépense de conservation, répartie entre les indivisaires proportionnellement à leurs droits (Cass. 1ère civ., 29 mai 2013, n° 12-13.638).
A cet égard, les juges apprécient ces réparations au cas par cas, en tenant compte de la nécessité et de l’urgence des travaux, ainsi que des conséquences qu’une absence de réparation pourrait entraîner. Le critère central repose sur la notion d’utilité commune : les réparations doivent bénéficier à l’ensemble des indivisaires, et non seulement à l’un d’entre eux.
ii. Les impôts locaux et les charges de copropriété
Les impôts locaux et les charges de copropriété, sont considérés comme des dépenses de conservation dans la mesure où leur paiement est nécessaire pour préserver les droits de propriété et garantir la jouissance continue du bien.
==>La taxe foncière
Les impôts locaux, et plus particulièrement la taxe foncière, sont des contributions annuelles dues par tout propriétaire d’un bien immobilier.
En matière d’indivision, la jurisprudence a confirmé que ces charges devaient être réparties entre les indivisaires proportionnellement à leurs parts dans l’indivision, conformément à l’article 815-13 du Code civil, qui énonce que les dépenses de conservation sont supportées par tous les indivisaires.
Dans un arrêt du 16 avril 2008, la Cour de cassation a jugé en ce sens que la taxe foncière, en tant qu’impôt local, constituait une dépense nécessaire à la préservation du bien, et devait donc être répartie entre tous les indivisaires, même lorsque l’un d’eux occupe privativement le bien (Cass. 1ère civ. 16 avr. 2008, n°07-12.224).
La Première chambre civile a été guidée par l’idée selon laquelle la conservation de la propriété profite à l’ensemble des indivisaires, indépendamment de la jouissance privative que pourrait avoir l’un d’eux.
==>La taxe d’habitation
Concernant la taxe d’habitation, les règles de répartition sont plus nuancées. Cette taxe, avant sa suppression progressive depuis 2021 pour les résidences principales, était due par le résident occupant le logement au 1er janvier de l’année d’imposition.
La particularité en matière d’indivision réside dans le fait que si un indivisaire occupe seul le bien indivis à titre de résidence principale, c’est à lui que revient le paiement de la taxe d’habitation. Toutefois, il est possible que les indivisaires conviennent d’une répartition différente par voie d’accord.
Dans un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour de cassation a précisé que la taxe d’habitation devait peser exclusivement sur l’indivisaire occupant le bien à titre privatif, à moins qu’un accord entre les indivisaires n’en dispose autrement (Cass. 3e civ., 5 déc. 2018, n° 17-31.189).
La solution retenue ici se fonde sur l’idée selon laquelle cette taxe est liée à la jouissance du bien, et non à sa propriété, contrairement à la taxe foncière.
==>Les charges de copropriété
Lorsque le bien indivis est situé dans un immeuble soumis au régime de la copropriété, les charges de copropriété s’ajoutent aux frais supportés par les indivisaires.
Ces charges, régies par la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis, couvrent diverses dépenses, notamment celles liées à l’entretien et à la conservation des parties communes, à la gestion de l’immeuble, et à d’éventuels travaux d’amélioration ou de réparation.
A cet égard, les charges de copropriété se divisent en deux catégories principales :
- Les charges générales : elles concernent l’entretien courant et la conservation des parties communes (ex. : nettoyage, électricité, ascenseur, entretien des espaces verts, etc.). Ces charges doivent être réparties entre les indivisaires en fonction de leurs droits dans l’indivision, proportionnellement à la quote-part qui leur est attribuée dans le règlement de copropriété.
- Les charges spéciales : elles correspondent aux dépenses relatives aux services collectifs (comme le chauffage collectif ou l’ascenseur). Ces charges peuvent également être réparties entre les indivisaires selon leurs droits, sauf accord particulier.
Le paiement des charges de copropriété a une incidence directe sur la conservation du bien, car leur non-paiement peut conduire à des actions judiciaires de la part du syndic de copropriété, voire à une saisie des parts indivises pour régler les dettes. Il est donc impératif que tous les indivisaires participent au règlement de ces charges.
iii. Le remboursement d’un emprunt contracté pour l’acquisition du bien
Le remboursement d’un emprunt contracté pour l’acquisition d’un bien indivis peut, dans certains cas, être qualifié de dépense de conservation.
Cela concerne notamment les situations où l’emprunt est directement lié à la sauvegarde du bien, c’est-à-dire lorsqu’il permet d’éviter la perte de ce bien à travers une saisie ou une vente forcée.
Pour rappel, les dépenses de conservation sont généralement entendues comme celles qui visent à préserver la substance et la valeur du bien, et donc à éviter qu’il ne subisse une dégradation ou qu’il soit perdu, par exemple par une saisie.
Dans l’arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation a pourtant estimé que le remboursement d’un emprunt contracté pour l’acquisition du bien indivis pouvait être considéré comme une dépense de conservation (Cass. 1ère civ. 29 mai 2013, n°12-13.638).
À première vue, le remboursement d’un emprunt semble être une dépense d’acquisition, car l’emprunt lui-même a été contracté pour financer l’achat du bien.
Cependant, lorsque le bien est en indivision et que le remboursement de cet emprunt devient indispensable pour éviter une saisie, il peut être qualifié de dépense de conservation.
L’idée sous-jacente est que si l’emprunt n’est pas remboursé, le créancier pourrait saisir le bien, le vendre aux enchères, et ainsi dissoudre l’indivision d’où la solution retenue par la Cour de cassation.
Une fois la qualification de dépense de conservation du remboursement d’un emprunt, il s’en déduit que tous les indivisaires doivent participer à ce remboursement, proportionnellement à leurs parts dans l’indivision, conformément aux dispositions de l’article 815-13 précité.
Cette règle s’applique même si certains indivisaires n’ont pas directement contribué à la décision de contracter l’emprunt initial.
Néanmoins, il faut distinguer la situation où un seul indivisaire a contracté l’emprunt à titre individuel.
Dans ce cas, il pourrait être amené à rembourser seul, sauf accord entre les indivisaires pour partager le fardeau de la dette.
Toutefois, dès lors que le remboursement devient nécessaire pour protéger le bien indivis de la saisie, tous les indivisaires peuvent être sollicités pour y participer, car la conservation du bien profite à chacun d’eux.
Il peut être observé que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 mai 2013 n’est pas isolé.
D’autres décisions jurisprudentielles sont venues conforter cette analyse, en reconnaissant que, même si le prêt était initialement contracté pour l’acquisition, son remboursement est parfois nécessaire pour assurer la continuité de l’indivision et protéger le bien contre une dégradation financière (par exemple, par la saisie du créancier).
Dans la pratique, cette situation peut se présenter lorsqu’un bien indivis est financé par un crédit immobilier, et qu’un des indivisaires fait défaut dans ses obligations de remboursement.
Le risque d’expropriation ou de vente forcée du bien étant présent, il est dans l’intérêt de tous les indivisaires de contribuer au remboursement de l’emprunt pour préserver le bien et éviter la dissolution forcée de l’indivision.
Un exemple concret pourrait être le cas d’un immeuble indivis financé par un prêt bancaire. Si les indivisaires ne s’acquittent pas des échéances, la banque pourrait entamer une procédure de saisie immobilière.
Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère que le remboursement des mensualités du prêt peut être classé parmi les dépenses de conservation, car il vise à éviter la vente du bien et à maintenir l’indivision.
a.2. Les dépenses non indemnisables
Dans le cadre de l’indivision, certaines dépenses, bien que supportées par un indivisaire, ne peuvent pas être qualifiées de dépenses de conservation au sens de l’article 815-13 du Code civil et ne donnent donc pas droit à une indemnisation de la part des autres indivisaires.
La jurisprudence a clairement établi les catégories de dépenses qui, bien qu’elles puissent concerner le bien indivis, relèvent de l’usage privatif ou de l’amélioration du bien, et non de sa conservation.
==>Les dépenses d’entretien courant
Les dépenses d’entretien courant, telles que la consommation d’eau, l’électricité ou encore le chauffage collectif, ne sont pas considérées comme des dépenses de conservation.
Elles relèvent de l’usage privatif du bien et sont donc à la charge de l’indivisaire occupant le bien indivis. Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 12 décembre 2007 (Cass. 1ère civ., 12 déc. 2007, n°06-11.877).
Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les dépenses courantes qui découlent de l’utilisation individuelle du bien ne peuvent être considérées comme indispensables à la conservation du bien.
En conséquence, elles ne sont pas à partager entre les indivisaires, mais doivent être assumées par l’occupant, car elles résultent de son usage personnel et non d’une nécessité de préservation du bien.
Par exemple, si un indivisaire vit seul dans une maison indivise, il devra supporter seul les charges liées à l’eau, au gaz, ou encore à l’électricité.
==>Les travaux d’amélioration
Les travaux d’amélioration, qui visent à augmenter la valeur du bien indivis, ne constituent pas non plus des dépenses de conservation.
La distinction est importante : contrairement aux dépenses de conservation, qui ont pour objectif de préserver l’état et la substance du bien, les travaux d’amélioration sont destinés à apporter une plus-value ou à moderniser le bien.
Dans un arrêt du 15 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que de tels travaux ne sont indemnisables qu’à hauteur de la plus-value qu’ils apportent au jour du partage ou de l’aliénation du bien (Cass. 1ère civ., 15 mai 2008, n°07-17.645).
Ainsi, un indivisaire qui réalise des travaux d’amélioration, tels que la modernisation de la cuisine ou l’installation d’un système de chauffage plus performant, ne pourra obtenir une compensation que si ces travaux augmentent la valeur du bien, et cette compensation sera limitée à la part de la plus-value réalisée.
Cette règle est d’importance, car elle introduit une certaine équité dans le traitement des dépenses en indivision.
En effet, un indivisaire ne peut pas imposer aux autres les frais résultant de travaux qu’il a entrepris seul, sauf à démontrer que ces travaux ont directement bénéficié à l’ensemble des indivisaires en augmentant la valeur de leur patrimoine commun.
==>Les dépenses d’acquisition
Les dépenses d’acquisition ne peuvent pas non plus être qualifiées de dépenses de conservation.
Elles comprennent notamment les frais liés à l’achat initial du bien indivis, tels que les frais notariés, les droits de mutation, ou encore les intérêts d’un prêt contracté pour financer cet achat.
Dans un arrêt du 26 mai 2021, la Cour de cassation a décidé que ces dépenses ne pouvaient pas donner lieu à une indemnisation entre les indivisaires, car ne répondant pas à la définition de dépenses nécessaires à la conservation du bien (Cass. 1ère civ., 26 mai 2001, n° 19-21.302).
En effet, les dépenses engagées pour l’acquisition du bien indivis relèvent d’une phase antérieure à la conservation du bien. Elles concernent l’acquisition de la propriété, et non le maintien du bien dans un état satisfaisant.
b. Les conditions d’indemnisation des dépenses de conservation
L’indivisaire qui a engagé des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis a droit à une indemnité, sous certaines conditions définies par la jurisprudence et par l’article 815-13 du Code civil.
Ces conditions visent à garantir une répartition équitable des charges entre les indivisaires tout en préservant le bien commun.
==>Nécessité des dépenses engagées
Pour qu’une indemnité soit accordée, les dépenses doivent être nécessaires à la conservation du bien, c’est-à-dire qu’elles doivent avoir pour objet de maintenir le bien en bon état ou d’éviter sa dégradation.
Ce critère s’inscrit dans l’objectif de préserver la substance du bien indivis et de garantir que sa valeur ne soit pas compromise par des dommages irréversibles.
La jurisprudence rappelle régulièrement que ces dépenses peuvent consister en l’exposition de frais de réparation, au paiement d’impôts locaux comme la taxe foncière, ou encore le règlement des charges de copropriété.
Cependant, toutes les dépenses ne sont pas automatiquement considérées comme nécessaires.
Par exemple, des travaux purement esthétiques ou de confort n’entrent pas dans cette catégorie, même s’ils peuvent indirectement améliorer le bien.
==>Engagement des dépenses par l’indivisaire sur ses deniers personnels
L’indemnisation n’est possible que si les dépenses ont été effectuées par l’indivisaire lui-même et non par un tiers.
Cela signifie que l’indivisaire doit avoir avancé les fonds nécessaires à partir de ses propres ressources.
Dans un arrêt du 28 mars 2018 la Cour de cassation a précisé que les dépenses engagées par un tiers, comme une compagnie d’assurance, ne pouvait donner lieu à une indemnisation pour l’indivisaire, même si ces dépenses concernent la conservation du bien (Cass. 1ère civ., 28 mars 2018, n°17-18.127).
==>Sort des dépenses engagées sans l’accord des autres indivisaires
La gestion d’un bien indivis implique souvent la nécessité de prendre des décisions collectives.
Toutefois, il arrive qu’un indivisaire prenne l’initiative d’engager des dépenses de conservation sans consulter ou obtenir l’accord des autres indivisaires.
En principe, la règle est que tout acte important relatif à la gestion d’un bien indivis doit faire l’objet d’une décision commune des indivisaires, conformément à l’article 815-3 du Code civil.
Cette disposition précise que la gestion des biens indivis, notamment les actes de disposition, nécessite le consentement de tous les indivisaires. En l’absence de cet accord, l’indivisaire qui agit seul engage sa propre responsabilité. Cependant, une distinction s’impose selon la nature des dépenses.
Par exception, lorsqu’il s’agit de dépenses de conservation urgentes, l’indivisaire peut, en l’absence d’accord, engager des frais unilatéralement.
Ces dépenses, qui visent à préserver le bien ou à éviter un péril imminent (exemple : réparer une fuite d’eau menaçant la structure d’un immeuble), sont considérées comme indispensables à la sauvegarde de l’intérêt commun des indivisaires.
En vertu de l’article 815-2 du Code civil, chaque indivisaire a le droit de prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis.
A cet égard, la Cour de cassation a reconnu à plusieurs reprises le droit à indemnisation pour des dépenses de conservation engagées unilatéralement, tant que ces dépenses visaient à protéger la substance du bien et que leur nécessité pouvait être démontrée (Cass. 1ère civ., 12 nov. 1998, n°96-18.642).
Aussi, l’indivisaire qui engage des dépenses de conservation sans l’accord préalable des autres indivisaires est, par principe, toujours en droit de réclamer une indemnisation, à condition que les dépenses exposées soient effectivement nécessaires.
Celui-ci devra dès lors justifier du caractère nécessaire et proportionné des frais engagés.
Si tel est le cas, l’indemnisation sera due au moment du partage ou de la vente du bien, et elle sera calculée au prorata des parts indivises.
Cependant, si les dépenses engagées sans accord n’étaient pas strictement nécessaires ou n’avaient pas un caractère urgent, l’indivisaire peut être privé de son droit à indemnisation, voire être tenu de réparer le préjudice causé aux autres indivisaires.
==>Le montant des dépenses
Enfin, pour qu’une indemnité soit allouée, les dépenses doivent être significatives. Ce principe repose sur l’application de l’adage latin « de minimis non curat praetor », qui signifie que la loi ne s’occupe pas des choses insignifiantes.
La jurisprudence a clairement affirmé qu’une indemnisation ne pouvait pas être réclamée pour des dépenses d’un montant insignifiant ou dérisoire.
Dans un arrêt rendu le 24 juin 1986, la Cour de cassation a fermement rappelé en ce sens que les dépenses minimes ne sont pas susceptibles de donner lieu à une indemnité au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1ère civ., 24 juin 1986, n°84-15.215).
Ainsi, les dépenses qui ne présentent pas un caractère substantiel ou qui ne génèrent pas une augmentation notable de la valeur ou de la conservation du bien sont exclues.
Par exemple, des travaux mineurs comme des réparations superficielles ou l’achat d’objets décoratifs sans importance ne sauraient donner lieu à indemnisation. Il est primordial que les impenses aient une utilité réelle et un impact sur la préservation ou l’amélioration du bien pour l’ensemble de l’indivision.
Le principe de l’exclusion des dépenses infimes s’inscrit dans une logique de proportionnalité.
Le montant des dépenses réclamées doit être proportionné à l’amélioration ou à la conservation apportée au bien indivis.
Une simple dépense cosmétique ou une petite réparation de routine ne saurait constituer une impense utile ou nécessaire au sens de l’article 815-13 du Code civil.
Il est important que la dépense soit d’une ampleur suffisante pour justifier une indemnisation et qu’elle ait contribué de manière significative à l’entretien ou à l’augmentation de la valeur du bien.
Il appartient aux juges d’évaluer le caractère significatif des dépenses au cas par cas. Les juges examineront donc la nature et le montant des dépenses, ainsi que leur impact sur la préservation ou la valorisation du bien indivis, pour déterminer si elles justifient une indemnité.
La jurisprudence a ainsi confirmé que, même si les dépenses ont pu être effectivement réalisées, leur montant doit être suffisamment élevé pour justifier une compensation dans le cadre de l’indivision.
Ce critère de significativité permet d’établir une ligne de démarcation entre les impenses éligibles à une indemnisation et les demandes qui pourraient être jugées abusives ou disproportionnées par rapport à l’impact réel sur le bien indivis.
c. Les modalités d’évaluation des dépenses de conservation
L’évaluation de l’indemnité due à un indivisaire pour les dépenses de conservation repose sur une distinction importante entre les dépenses qui ont généré une plus-value et celles qui ont seulement permis de maintenir le bien en l’état, sans augmentation de valeur.
Contrairement aux dépenses d’amélioration, les dépenses de conservation ont pour objectif principal la préservation du bien indivis, et leur évaluation ne suit donc pas les mêmes règles strictes de profit subsistant que celles appliquées aux dépenses d’amélioration.
i. La règle de l’indemnisation
En application de l’article 815-13 du Code civil, l’indemnité due à l’indivisaire au titre d’une dépense de conservation doit correspondre à la plus forte des deux sommes entre :
- D’une part, celle représentant la dépense effectivement faite
- D’autre part, le profit subsistant, s’il y en a un
Dans un arrêt du 4 mars 1986, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « pour le remboursement des impenses nécessaires, il doit être tenu compte, selon l’équité, à l’indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent respectivement la dépense qu’il a faite et le profit subsistant » (Cass. 1ère civ. 4 mars 1986, n°15-071).
Ainsi, si les dépenses de conservation ont permis d’accroître la valeur du bien indivis (ce qui est rare dans ce contexte), l’indemnité sera évaluée sur la base de la plus-value obtenue au moment du partage ou de l’aliénation.
Dans le cas contraire, l’indemnisation est calculée selon le montant réel des sommes déboursées pour conserver le bien.
Exemple :
Imaginons qu’un indivisaire ait déboursé 10 000 € pour la réparation de la toiture d’un immeuble indivis, afin de préserver l’intégrité du bien. Cette réparation est considérée comme une dépense de conservation.
Deux situations sont envisageables lors de l’évaluation de l’indemnité à laquelle cet indivisaire peut prétendre :
- Dépense réellement faite
- L’indivisaire a effectivement déboursé 10 000 € pour cette réparation.
- Si cette somme est supérieure à toute plus-value générée, l’indemnité sera basée sur ce montant.
- Profit subsistant (hypothèse d’une plus-value)
- Supposons que, grâce à cette réparation, la valeur de l’immeuble ait augmenté et qu’au moment du partage ou de l’aliénation, la plus-value réalisée grâce à la conservation du bien soit estimée à 15 000 €.
- Dans ce cas, l’indivisaire pourrait prétendre à une indemnité de 15 000 €, car la plus-value (profit subsistant) est supérieure à la dépense effectivement faite.
En revanche, si la réparation n’a pas généré de plus-value particulière, ou si cette dernière est inférieure au montant déboursé (par exemple, une plus-value de 8 000 €), l’indemnité serait alors calculée sur la base des 10 000 € effectivement déboursés, car cette somme est supérieure au profit subsistant.
ii. Rôle modérateur du juge
L’article 815-13 confère au juge le pouvoir de modérer l’indemnisation en fonction des circonstances particulières, et plus précisément en se laissant guider par le principe d’équité (Cass. 1re civ., 24 sept. 2014, n°13-18.197).
Cette disposition permet de corriger d’éventuels excès ou d’ajuster l’indemnité en cas de dépenses disproportionnées par rapport à l’utilité réelle pour l’indivision.
Cependant, l’exercice par le juge de ce pouvoir modérateur est plutôt rare en matière de dépenses de conservation, car ces dépenses sont, par définition, indispensables à la protection de l’intégrité physique ou juridique du bien.
Étant donné que les dépenses de conservation visent à éviter la dégradation du bien et à maintenir sa valeur initiale, elles sont généralement considérées comme nécessaires et proportionnées. Par conséquent, le juge modère rarement l’indemnisation de ces dépenses, car leur utilité pour l’indivision est évidente.
Le principe d’équité, bien qu’important, ne permet donc pas au juge de réduire systématiquement l’indemnité due à l’indivisaire pour des dépenses de conservation, sauf si des circonstances particulières le justifient.
Par exemple, si un indivisaire a engagé des dépenses de conservation excessives sans consultation ou accord préalable des autres indivisaires, le juge pourrait modérer l’indemnité pour éviter un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.
Toutefois, dans la majorité des cas, les dépenses de conservation sont pleinement indemnisées, car elles sont jugées absolument nécessaires pour maintenir la valeur du bien indivis.
d. Le moment du paiement de l’indemnité
L’indemnité due à un indivisaire pour des dépenses effectuées dans le cadre de la conservation ou de l’amélioration d’un bien indivis peut être réclamée dès que la dépense a été engagée.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette indemnisation n’est pas subordonnée à l’événement du partage ou de la vente du bien indivis.
En effet, dès lors que la dépense a été effectuée, l’indivisaire concerné peut immédiatement demander l’indemnisation, ce qui permet de protéger ses intérêts financiers tout au long de l’indivision.
La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 20 février 2001 (Cass. 1ère civ., 20 févr. 2001, n°98-13.006),
Il est donc possible pour un indivisaire de réclamer l’indemnité dès le paiement effectif des sommes engagées. Cela permet d’éviter que l’indivisaire supporte seul le poids financier des dépenses nécessaires à la conservation du bien durant toute la période de l’indivision.
La Haute juridiction a confirmé sa position dans un arrêt du 14 avril 2021 aux termes duquel la Cour de cassation a rappelé que la créance résultant de dépenses de conservation est exigible dès le paiement de chaque dépense, et non seulement au moment du partage (Cass. 1ère civ., 14 avr. 2021, n°19-21.313).
Dans cette affaire, un indivisaire avait réclamé le remboursement d’échéances d’emprunt qu’il avait payées pour préserver un bien indivis. La Haute juridiction a décidé que cette créance pouvait être exigée immédiatement, l’indivisaire n’étant pas obligé d’attendre le règlement final de l’indivision pour obtenir compensation.
Il y a lieu toutefois d’observer que la créance d’indemnisation est soumise à un délai de prescription de cinq ans, comme le prévoit l’article 2224 du Code civil. Ce délai de prescription quinquennal commence à courir à compter du jour où chaque dépense a été payée, et non à partir du moment du partage ou de la vente du bien. Cela signifie que l’indivisaire doit être vigilant et ne pas laisser s’écouler plus de cinq ans après le paiement d’une dépense avant de demander le remboursement.
Dans un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation a confirmé cette règle en précisant que le point de départ du délai de prescription pour réclamer l’indemnité correspond à la date à laquelle l’indivisaire a effectivement réglé la dépense (Cass. 1ère civ., 14 avr. 2021, n°19-21.313).
Le paiement de l’indemnité peut ainsi intervenir pendant toute la durée de l’indivision, et non seulement au moment du partage. Cette possibilité de demander une indemnisation en cours d’indivision se révèlera particulièrement utile lorsque les dépenses engagées sont importantes et nécessitent un rééquilibrage financier immédiat.
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