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Indivision: le droit au remboursement des dépenses de conservation du bien indivis

Les indivisaires disposent, pendant toute la durée de l’indivision, du droit d’user et de jouir du bien indivis.

Comme tout bien, celui-ci doit être entretenu pour conserver son utilité initiale, et peut également faire l’objet d’améliorations destinées à en accroître la valeur ou les usages. Dans cette perspective, les indivisaires peuvent être amenés à engager des dépenses, que ce soit pour assurer la préservation du bien ou pour en améliorer l’état.

L’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil, prévoit une compensation pour ces dépenses, dites « impenses », réalisées par un indivisaire.

Ces dépenses peuvent concerner l’entretien ou l’amélioration du bien indivis. Il est ainsi prévu par ce texte que lorsque l’un des indivisaires améliore, à ses frais, l’état du bien, il a droit à une indemnisation, déterminée selon des critères d’équité, au regard de l’augmentation de la valeur du bien au moment du partage ou de sa vente.

Il en va de même pour les dépenses strictement nécessaires à la conservation du bien, même si elles n’entraînent pas de revalorisation.

Toutefois, il convient de distinguer entre les dépenses éligibles à une indemnisation et celles qui en sont exclues.

En effet, l’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil ne prévoit une compensation que pour les dépenses d’amélioration ou de conservation.

Ainsi, les simples dépenses d’entretien, qui ne modifient ni l’état ni la valeur du bien, n’ouvrent pas droit à indemnisation.

Cette règle a été fermement rappelée par la jurisprudence, notamment dans le cadre d’une indivision successorale concernant une maison d’habitation (Cass. 1ère civ. 28 mars 2006, n°04-10.596).

En outre, certaines dépenses peuvent être écartées du droit à indemnisation lorsqu’elles sont jugées exagérées ou inutiles.

Par exemple, lorsqu’un indivisaire engage des dépenses disproportionnées ou qui ne sont pas justifiées par l’état du bien, les tribunaux peuvent refuser tout remboursement.

C’est notamment ce qui s’est produit dans une affaire où les impenses réclamées ont été considérées comme excessives et non nécessaires, privant ainsi l’indivisaire de toute indemnisation (Cass. 1ère civ. 13 déc. 1994, n°92-20.780).

Ces exclusions témoignent de la volonté des juges de s’assurer que les dépenses revendiquées par les indivisaires soient réellement justifiées et proportionnées, garantissant ainsi un équilibre dans la gestion des biens indivis.

Nous nous focaliserons ici sur les dépenses de conservation du bien indivis.

Les règles qui encadrent l’indemnisation des impenses de conservation dans le cadre d’une indivision sont définies principalement par l’article 815-13 du Code civil.

Ces impenses nécessaires, par opposition aux impenses utiles ou somptuaires, concernent les dépenses réalisées pour préserver le bien indivis de toute dégradation matérielle.

Elles sont strictement liées à la conservation du bien et ne visent pas à améliorer celui-ci.

a. Le domaine des impenses nécessaires

Les impenses nécessaires regroupent les dépenses effectuées par un indivisaire avec ses deniers personnels pour éviter la dégradation ou la perte du bien indivis.

Ces dépenses visent à maintenir la valeur du bien, sans pour autant l’améliorer. Aussi, se distinguent-t-elles des dépenses d’amélioration, qui visent à augmenter la valeur du bien, ainsi que des dépenses d’entretien courant, qui ne permettent pas d’obtenir une indemnité.

a.1. Les dépenses de conservation

Les dépenses de conservation visent donc à maintenir la substance et l’intégrité du bien indivis, évitant ainsi sa dégradation.

Leur caractère strictement conservatoire repose sur la nécessité de préserver le bien et de le protéger contre toute atteinte qui pourrait affecter son existence ou son état.

A cet égard, on dénombre plusieurs variétés de dépenses de conservation.

i. Les dépenses de réparation

Les dépenses de réparation concernent des travaux destinés à maintenir la substance et la valeur du bien indivis.

Il s’agit de dépenses qui sont nécessaires pour prévenir la ruine, la dégradation, ou tout simplement pour assurer que le bien indivis continue de remplir son usage initial.

==>Les réparations nécessaires à la conservation du bien

Les réparations conservatoires sont celles qui visent à prévenir la détérioration physique du bien, souvent dictées par l’urgence de la situation. Elles incluent, par exemple :

Ces réparations visent à garantir que le bien reste en bon état de fonctionnement et à prévenir des dommages plus graves, qui pourraient affecter non seulement la valeur économique du bien, mais aussi l’intérêt des indivisaires dans leur ensemble.

A cet égard, il peut être observé que, si le Code civil ne dit pas ce que l’on entendre par travaux de conservation, il distingue néanmoins les grosses réparations des réparations d’entretien.

En application de l’article 606, les grosses réparations concernent des travaux majeurs réalisés sur un immeuble (murs de soutènement, voûtes, réfection totale de la toiture), tandis que les réparations d’entretien se limitent à des interventions plus mineures, mais tout aussi essentielles à la conservation du bien, comme la révision régulière de la toiture ou la réparation des installations de chauffage.

Bien que cette distinction soit essentiellement mise en oeuvre dans le cadre du rapport d’obligation qui lie un bailleur à son locataire, elle peut parfaitement être transposée dans le contexte de l’indivision aux fins d’identifier la nature des réparations à effectuer.

La jurisprudence s’appuie d’ailleurs sur cette distinction pour clarifier la répartition des charges entre les indivisaires et définir le caractère nécessaire ou non d’une dépense.

==>Les frais d’entretien courant

Au nombre des dépenses de réparation, on compte également les frais d’entretien courant lorsqu’ils sont indispensables à la préservation du bien.

Il s’agit, par exemple, du nettoyage régulier des gouttières, de la révision des systèmes d’évacuation d’eau, ou encore de la vérification des systèmes de chauffage et d’électricité. L’objectif est de maintenir le bien en état d’usage sans qu’il se détériore avec le temps.

Toutefois, il convient de distinguer les frais d’entretien strictement nécessaires, qui doivent être partagés entre les indivisaires, et les dépenses d’amélioration, qui sont le fruit d’une volonté d’augmenter la valeur du bien ou de le moderniser, et qui ne sont donc pas considérées comme des dépenses de conservation.

==>Les critères d’appréciation par la jurisprudence

Il peut être observé que la jurisprudence a largement contribué à préciser ce que sont les réparations nécessaires à la conservation du bien indivis.

Les tribunaux ont tendance à retenir comme dépenses de réparation conservatoire celles qui permettent de maintenir le bien en état ou d’éviter sa destruction.

Par exemple, dans un arrêt de rendu le 29 mai 2013, la Cour de cassation a reconnu qu’une réparation effectuée pour préserver l’intégrité d’un bien immobilier indivis devait être considérée comme une dépense de conservation, répartie entre les indivisaires proportionnellement à leurs droits (Cass. 1ère civ., 29 mai 2013, n° 12-13.638).

A cet égard, les juges apprécient ces réparations au cas par cas, en tenant compte de la nécessité et de l’urgence des travaux, ainsi que des conséquences qu’une absence de réparation pourrait entraîner. Le critère central repose sur la notion d’utilité commune : les réparations doivent bénéficier à l’ensemble des indivisaires, et non seulement à l’un d’entre eux.

ii. Les impôts locaux et les charges de copropriété

Les impôts locaux et les charges de copropriété, sont considérés comme des dépenses de conservation dans la mesure où leur paiement est nécessaire pour préserver les droits de propriété et garantir la jouissance continue du bien.

==>La taxe foncière

Les impôts locaux, et plus particulièrement la taxe foncière, sont des contributions annuelles dues par tout propriétaire d’un bien immobilier.

En matière d’indivision, la jurisprudence a confirmé que ces charges devaient être réparties entre les indivisaires proportionnellement à leurs parts dans l’indivision, conformément à l’article 815-13 du Code civil, qui énonce que les dépenses de conservation sont supportées par tous les indivisaires.

Dans un arrêt du 16 avril 2008, la Cour de cassation a jugé en ce sens que la taxe foncière, en tant qu’impôt local, constituait une dépense nécessaire à la préservation du bien, et devait donc être répartie entre tous les indivisaires, même lorsque l’un d’eux occupe privativement le bien (Cass. 1ère civ. 16 avr. 2008, n°07-12.224).

La Première chambre civile a été guidée par l’idée selon laquelle la conservation de la propriété profite à l’ensemble des indivisaires, indépendamment de la jouissance privative que pourrait avoir l’un d’eux.

==>La taxe d’habitation

Concernant la taxe d’habitation, les règles de répartition sont plus nuancées. Cette taxe, avant sa suppression progressive depuis 2021 pour les résidences principales, était due par le résident occupant le logement au 1er janvier de l’année d’imposition.

La particularité en matière d’indivision réside dans le fait que si un indivisaire occupe seul le bien indivis à titre de résidence principale, c’est à lui que revient le paiement de la taxe d’habitation. Toutefois, il est possible que les indivisaires conviennent d’une répartition différente par voie d’accord.

Dans un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour de cassation a précisé que la taxe d’habitation devait peser exclusivement sur l’indivisaire occupant le bien à titre privatif, à moins qu’un accord entre les indivisaires n’en dispose autrement (Cass. 3e civ., 5 déc. 2018, n° 17-31.189).

La solution retenue ici se fonde sur l’idée selon laquelle cette taxe est liée à la jouissance du bien, et non à sa propriété, contrairement à la taxe foncière.

==>Les charges de copropriété

Lorsque le bien indivis est situé dans un immeuble soumis au régime de la copropriété, les charges de copropriété s’ajoutent aux frais supportés par les indivisaires.

Ces charges, régies par la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis, couvrent diverses dépenses, notamment celles liées à l’entretien et à la conservation des parties communes, à la gestion de l’immeuble, et à d’éventuels travaux d’amélioration ou de réparation.

A cet égard, les charges de copropriété se divisent en deux catégories principales :

Le paiement des charges de copropriété a une incidence directe sur la conservation du bien, car leur non-paiement peut conduire à des actions judiciaires de la part du syndic de copropriété, voire à une saisie des parts indivises pour régler les dettes. Il est donc impératif que tous les indivisaires participent au règlement de ces charges.

iii. Le remboursement d’un emprunt contracté pour l’acquisition du bien

Le remboursement d’un emprunt contracté pour l’acquisition d’un bien indivis peut, dans certains cas, être qualifié de dépense de conservation.

Cela concerne notamment les situations où l’emprunt est directement lié à la sauvegarde du bien, c’est-à-dire lorsqu’il permet d’éviter la perte de ce bien à travers une saisie ou une vente forcée.

Pour rappel, les dépenses de conservation sont généralement entendues comme celles qui visent à préserver la substance et la valeur du bien, et donc à éviter qu’il ne subisse une dégradation ou qu’il soit perdu, par exemple par une saisie.

Dans l’arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation a pourtant estimé que le remboursement d’un emprunt contracté pour l’acquisition du bien indivis pouvait être considéré comme une dépense de conservation (Cass. 1ère civ. 29 mai 2013, n°12-13.638).

À première vue, le remboursement d’un emprunt semble être une dépense d’acquisition, car l’emprunt lui-même a été contracté pour financer l’achat du bien.

Cependant, lorsque le bien est en indivision et que le remboursement de cet emprunt devient indispensable pour éviter une saisie, il peut être qualifié de dépense de conservation.

L’idée sous-jacente est que si l’emprunt n’est pas remboursé, le créancier pourrait saisir le bien, le vendre aux enchères, et ainsi dissoudre l’indivision d’où la solution retenue par la Cour de cassation.

Une fois la qualification de dépense de conservation du remboursement d’un emprunt, il s’en déduit que tous les indivisaires doivent participer à ce remboursement, proportionnellement à leurs parts dans l’indivision, conformément aux dispositions de l’article 815-13 précité.

Cette règle s’applique même si certains indivisaires n’ont pas directement contribué à la décision de contracter l’emprunt initial.

Néanmoins, il faut distinguer la situation où un seul indivisaire a contracté l’emprunt à titre individuel.

Dans ce cas, il pourrait être amené à rembourser seul, sauf accord entre les indivisaires pour partager le fardeau de la dette.

Toutefois, dès lors que le remboursement devient nécessaire pour protéger le bien indivis de la saisie, tous les indivisaires peuvent être sollicités pour y participer, car la conservation du bien profite à chacun d’eux.

Il peut être observé que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 mai 2013 n’est pas isolé.

D’autres décisions jurisprudentielles sont venues conforter cette analyse, en reconnaissant que, même si le prêt était initialement contracté pour l’acquisition, son remboursement est parfois nécessaire pour assurer la continuité de l’indivision et protéger le bien contre une dégradation financière (par exemple, par la saisie du créancier).

Dans la pratique, cette situation peut se présenter lorsqu’un bien indivis est financé par un crédit immobilier, et qu’un des indivisaires fait défaut dans ses obligations de remboursement.

Le risque d’expropriation ou de vente forcée du bien étant présent, il est dans l’intérêt de tous les indivisaires de contribuer au remboursement de l’emprunt pour préserver le bien et éviter la dissolution forcée de l’indivision.

Un exemple concret pourrait être le cas d’un immeuble indivis financé par un prêt bancaire. Si les indivisaires ne s’acquittent pas des échéances, la banque pourrait entamer une procédure de saisie immobilière.

Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère que le remboursement des mensualités du prêt peut être classé parmi les dépenses de conservation, car il vise à éviter la vente du bien et à maintenir l’indivision.

a.2. Les dépenses non indemnisables

Dans le cadre de l’indivision, certaines dépenses, bien que supportées par un indivisaire, ne peuvent pas être qualifiées de dépenses de conservation au sens de l’article 815-13 du Code civil et ne donnent donc pas droit à une indemnisation de la part des autres indivisaires.

La jurisprudence a clairement établi les catégories de dépenses qui, bien qu’elles puissent concerner le bien indivis, relèvent de l’usage privatif ou de l’amélioration du bien, et non de sa conservation.

==>Les dépenses d’entretien courant

Les dépenses d’entretien courant, telles que la consommation d’eau, l’électricité ou encore le chauffage collectif, ne sont pas considérées comme des dépenses de conservation.

Elles relèvent de l’usage privatif du bien et sont donc à la charge de l’indivisaire occupant le bien indivis. Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 12 décembre 2007 (Cass. 1ère civ., 12 déc. 2007, n°06-11.877).

Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les dépenses courantes qui découlent de l’utilisation individuelle du bien ne peuvent être considérées comme indispensables à la conservation du bien.

En conséquence, elles ne sont pas à partager entre les indivisaires, mais doivent être assumées par l’occupant, car elles résultent de son usage personnel et non d’une nécessité de préservation du bien.

Par exemple, si un indivisaire vit seul dans une maison indivise, il devra supporter seul les charges liées à l’eau, au gaz, ou encore à l’électricité.

==>Les travaux d’amélioration

Les travaux d’amélioration, qui visent à augmenter la valeur du bien indivis, ne constituent pas non plus des dépenses de conservation.

La distinction est importante : contrairement aux dépenses de conservation, qui ont pour objectif de préserver l’état et la substance du bien, les travaux d’amélioration sont destinés à apporter une plus-value ou à moderniser le bien.

Dans un arrêt du 15 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que de tels travaux ne sont indemnisables qu’à hauteur de la plus-value qu’ils apportent au jour du partage ou de l’aliénation du bien (Cass. 1ère civ., 15 mai 2008, n°07-17.645).

Ainsi, un indivisaire qui réalise des travaux d’amélioration, tels que la modernisation de la cuisine ou l’installation d’un système de chauffage plus performant, ne pourra obtenir une compensation que si ces travaux augmentent la valeur du bien, et cette compensation sera limitée à la part de la plus-value réalisée.

Cette règle est d’importance, car elle introduit une certaine équité dans le traitement des dépenses en indivision.

En effet, un indivisaire ne peut pas imposer aux autres les frais résultant de travaux qu’il a entrepris seul, sauf à démontrer que ces travaux ont directement bénéficié à l’ensemble des indivisaires en augmentant la valeur de leur patrimoine commun.

==>Les dépenses d’acquisition

Les dépenses d’acquisition ne peuvent pas non plus être qualifiées de dépenses de conservation.

Elles comprennent notamment les frais liés à l’achat initial du bien indivis, tels que les frais notariés, les droits de mutation, ou encore les intérêts d’un prêt contracté pour financer cet achat.

Dans un arrêt du 26 mai 2021, la Cour de cassation a décidé que ces dépenses ne pouvaient pas donner lieu à une indemnisation entre les indivisaires, car ne répondant pas à la définition de dépenses nécessaires à la conservation du bien (Cass. 1ère civ., 26 mai 2001, n° 19-21.302).

En effet, les dépenses engagées pour l’acquisition du bien indivis relèvent d’une phase antérieure à la conservation du bien. Elles concernent l’acquisition de la propriété, et non le maintien du bien dans un état satisfaisant.

b. Les conditions d’indemnisation des dépenses de conservation

L’indivisaire qui a engagé des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis a droit à une indemnité, sous certaines conditions définies par la jurisprudence et par l’article 815-13 du Code civil.

Ces conditions visent à garantir une répartition équitable des charges entre les indivisaires tout en préservant le bien commun.

==>Nécessité des dépenses engagées

Pour qu’une indemnité soit accordée, les dépenses doivent être nécessaires à la conservation du bien, c’est-à-dire qu’elles doivent avoir pour objet de maintenir le bien en bon état ou d’éviter sa dégradation.

Ce critère s’inscrit dans l’objectif de préserver la substance du bien indivis et de garantir que sa valeur ne soit pas compromise par des dommages irréversibles.

La jurisprudence rappelle régulièrement que ces dépenses peuvent consister en l’exposition de frais de réparation, au paiement d’impôts locaux comme la taxe foncière, ou encore le règlement des charges de copropriété.

Cependant, toutes les dépenses ne sont pas automatiquement considérées comme nécessaires.

Par exemple, des travaux purement esthétiques ou de confort n’entrent pas dans cette catégorie, même s’ils peuvent indirectement améliorer le bien.

==>Engagement des dépenses par l’indivisaire sur ses deniers personnels

L’indemnisation n’est possible que si les dépenses ont été effectuées par l’indivisaire lui-même et non par un tiers.

Cela signifie que l’indivisaire doit avoir avancé les fonds nécessaires à partir de ses propres ressources.

Dans un arrêt du 28 mars 2018 la Cour de cassation a précisé que les dépenses engagées par un tiers, comme une compagnie d’assurance, ne pouvait donner lieu à une indemnisation pour l’indivisaire, même si ces dépenses concernent la conservation du bien (Cass. 1ère civ., 28 mars 2018, n°17-18.127).

==>Sort des dépenses engagées sans l’accord des autres indivisaires

La gestion d’un bien indivis implique souvent la nécessité de prendre des décisions collectives.

Toutefois, il arrive qu’un indivisaire prenne l’initiative d’engager des dépenses de conservation sans consulter ou obtenir l’accord des autres indivisaires.

En principe, la règle est que tout acte important relatif à la gestion d’un bien indivis doit faire l’objet d’une décision commune des indivisaires, conformément à l’article 815-3 du Code civil.

Cette disposition précise que la gestion des biens indivis, notamment les actes de disposition, nécessite le consentement de tous les indivisaires. En l’absence de cet accord, l’indivisaire qui agit seul engage sa propre responsabilité. Cependant, une distinction s’impose selon la nature des dépenses.

Par exception, lorsqu’il s’agit de dépenses de conservation urgentes, l’indivisaire peut, en l’absence d’accord, engager des frais unilatéralement.

Ces dépenses, qui visent à préserver le bien ou à éviter un péril imminent (exemple : réparer une fuite d’eau menaçant la structure d’un immeuble), sont considérées comme indispensables à la sauvegarde de l’intérêt commun des indivisaires.

En vertu de l’article 815-2 du Code civil, chaque indivisaire a le droit de prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis.

A cet égard, la Cour de cassation a reconnu à plusieurs reprises le droit à indemnisation pour des dépenses de conservation engagées unilatéralement, tant que ces dépenses visaient à protéger la substance du bien et que leur nécessité pouvait être démontrée (Cass. 1ère civ., 12 nov. 1998, n°96-18.642).

Aussi, l’indivisaire qui engage des dépenses de conservation sans l’accord préalable des autres indivisaires est, par principe, toujours en droit de réclamer une indemnisation, à condition que les dépenses exposées soient effectivement nécessaires.

Celui-ci devra dès lors justifier du caractère nécessaire et proportionné des frais engagés.

Si tel est le cas, l’indemnisation sera due au moment du partage ou de la vente du bien, et elle sera calculée au prorata des parts indivises.

Cependant, si les dépenses engagées sans accord n’étaient pas strictement nécessaires ou n’avaient pas un caractère urgent, l’indivisaire peut être privé de son droit à indemnisation, voire être tenu de réparer le préjudice causé aux autres indivisaires.

==>Le montant des dépenses

Enfin, pour qu’une indemnité soit allouée, les dépenses doivent être significatives. Ce principe repose sur l’application de l’adage latin « de minimis non curat praetor », qui signifie que la loi ne s’occupe pas des choses insignifiantes.

La jurisprudence a clairement affirmé qu’une indemnisation ne pouvait pas être réclamée pour des dépenses d’un montant insignifiant ou dérisoire.

Dans un arrêt rendu le 24 juin 1986, la Cour de cassation a fermement rappelé en ce sens que les dépenses minimes ne sont pas susceptibles de donner lieu à une indemnité au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1ère civ., 24 juin 1986, n°84-15.215).

Ainsi, les dépenses qui ne présentent pas un caractère substantiel ou qui ne génèrent pas une augmentation notable de la valeur ou de la conservation du bien sont exclues.

Par exemple, des travaux mineurs comme des réparations superficielles ou l’achat d’objets décoratifs sans importance ne sauraient donner lieu à indemnisation. Il est primordial que les impenses aient une utilité réelle et un impact sur la préservation ou l’amélioration du bien pour l’ensemble de l’indivision.

Le principe de l’exclusion des dépenses infimes s’inscrit dans une logique de proportionnalité.

Le montant des dépenses réclamées doit être proportionné à l’amélioration ou à la conservation apportée au bien indivis.

Une simple dépense cosmétique ou une petite réparation de routine ne saurait constituer une impense utile ou nécessaire au sens de l’article 815-13 du Code civil.

Il est important que la dépense soit d’une ampleur suffisante pour justifier une indemnisation et qu’elle ait contribué de manière significative à l’entretien ou à l’augmentation de la valeur du bien.

Il appartient aux juges d’évaluer le caractère significatif des dépenses au cas par cas. Les juges examineront donc la nature et le montant des dépenses, ainsi que leur impact sur la préservation ou la valorisation du bien indivis, pour déterminer si elles justifient une indemnité.

La jurisprudence a ainsi confirmé que, même si les dépenses ont pu être effectivement réalisées, leur montant doit être suffisamment élevé pour justifier une compensation dans le cadre de l’indivision.

Ce critère de significativité permet d’établir une ligne de démarcation entre les impenses éligibles à une indemnisation et les demandes qui pourraient être jugées abusives ou disproportionnées par rapport à l’impact réel sur le bien indivis.

c. Les modalités d’évaluation des dépenses de conservation

L’évaluation de l’indemnité due à un indivisaire pour les dépenses de conservation repose sur une distinction importante entre les dépenses qui ont généré une plus-value et celles qui ont seulement permis de maintenir le bien en l’état, sans augmentation de valeur.

Contrairement aux dépenses d’amélioration, les dépenses de conservation ont pour objectif principal la préservation du bien indivis, et leur évaluation ne suit donc pas les mêmes règles strictes de profit subsistant que celles appliquées aux dépenses d’amélioration.

i. La règle de l’indemnisation

En application de l’article 815-13 du Code civil, l’indemnité due à l’indivisaire au titre d’une dépense de conservation doit correspondre à la plus forte des deux sommes entre :

Dans un arrêt du 4 mars 1986, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « pour le remboursement des impenses nécessaires, il doit être tenu compte, selon l’équité, à l’indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent respectivement la dépense qu’il a faite et le profit subsistant » (Cass. 1ère civ. 4 mars 1986, n°15-071).

Ainsi, si les dépenses de conservation ont permis d’accroître la valeur du bien indivis (ce qui est rare dans ce contexte), l’indemnité sera évaluée sur la base de la plus-value obtenue au moment du partage ou de l’aliénation.

Dans le cas contraire, l’indemnisation est calculée selon le montant réel des sommes déboursées pour conserver le bien.

Exemple :

Imaginons qu’un indivisaire ait déboursé 10 000 € pour la réparation de la toiture d’un immeuble indivis, afin de préserver l’intégrité du bien. Cette réparation est considérée comme une dépense de conservation.

Deux situations sont envisageables lors de l’évaluation de l’indemnité à laquelle cet indivisaire peut prétendre :

En revanche, si la réparation n’a pas généré de plus-value particulière, ou si cette dernière est inférieure au montant déboursé (par exemple, une plus-value de 8 000 €), l’indemnité serait alors calculée sur la base des 10 000 € effectivement déboursés, car cette somme est supérieure au profit subsistant.

ii. Rôle modérateur du juge

L’article 815-13 confère au juge le pouvoir de modérer l’indemnisation en fonction des circonstances particulières, et plus précisément en se laissant guider par le principe d’équité (Cass. 1re civ., 24 sept. 2014, n°13-18.197).

Cette disposition permet de corriger d’éventuels excès ou d’ajuster l’indemnité en cas de dépenses disproportionnées par rapport à l’utilité réelle pour l’indivision.

Cependant, l’exercice par le juge de ce pouvoir modérateur est plutôt rare en matière de dépenses de conservation, car ces dépenses sont, par définition, indispensables à la protection de l’intégrité physique ou juridique du bien.

Étant donné que les dépenses de conservation visent à éviter la dégradation du bien et à maintenir sa valeur initiale, elles sont généralement considérées comme nécessaires et proportionnées. Par conséquent, le juge modère rarement l’indemnisation de ces dépenses, car leur utilité pour l’indivision est évidente.

Le principe d’équité, bien qu’important, ne permet donc pas au juge de réduire systématiquement l’indemnité due à l’indivisaire pour des dépenses de conservation, sauf si des circonstances particulières le justifient.

Par exemple, si un indivisaire a engagé des dépenses de conservation excessives sans consultation ou accord préalable des autres indivisaires, le juge pourrait modérer l’indemnité pour éviter un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

Toutefois, dans la majorité des cas, les dépenses de conservation sont pleinement indemnisées, car elles sont jugées absolument nécessaires pour maintenir la valeur du bien indivis.

d. Le moment du paiement de l’indemnité

L’indemnité due à un indivisaire pour des dépenses effectuées dans le cadre de la conservation ou de l’amélioration d’un bien indivis peut être réclamée dès que la dépense a été engagée.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette indemnisation n’est pas subordonnée à l’événement du partage ou de la vente du bien indivis.

En effet, dès lors que la dépense a été effectuée, l’indivisaire concerné peut immédiatement demander l’indemnisation, ce qui permet de protéger ses intérêts financiers tout au long de l’indivision.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 20 février 2001 (Cass. 1ère civ., 20 févr. 2001, n°98-13.006),

Il est donc possible pour un indivisaire de réclamer l’indemnité dès le paiement effectif des sommes engagées. Cela permet d’éviter que l’indivisaire supporte seul le poids financier des dépenses nécessaires à la conservation du bien durant toute la période de l’indivision.

La Haute juridiction a confirmé sa position dans un arrêt du 14 avril 2021 aux termes duquel la Cour de cassation a rappelé que la créance résultant de dépenses de conservation est exigible dès le paiement de chaque dépense, et non seulement au moment du partage (Cass. 1ère civ., 14 avr. 2021, n°19-21.313).

Dans cette affaire, un indivisaire avait réclamé le remboursement d’échéances d’emprunt qu’il avait payées pour préserver un bien indivis. La Haute juridiction a décidé que cette créance pouvait être exigée immédiatement, l’indivisaire n’étant pas obligé d’attendre le règlement final de l’indivision pour obtenir compensation.

Il y a lieu toutefois d’observer que la créance d’indemnisation est soumise à un délai de prescription de cinq ans, comme le prévoit l’article 2224 du Code civil. Ce délai de prescription quinquennal commence à courir à compter du jour où chaque dépense a été payée, et non à partir du moment du partage ou de la vente du bien. Cela signifie que l’indivisaire doit être vigilant et ne pas laisser s’écouler plus de cinq ans après le paiement d’une dépense avant de demander le remboursement.

Dans un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation a confirmé cette règle en précisant que le point de départ du délai de prescription pour réclamer l’indemnité correspond à la date à laquelle l’indivisaire a effectivement réglé la dépense (Cass. 1ère civ., 14 avr. 2021, n°19-21.313).

Le paiement de l’indemnité peut ainsi intervenir pendant toute la durée de l’indivision, et non seulement au moment du partage. Cette possibilité de demander une indemnisation en cours d’indivision se révèlera particulièrement utile lorsque les dépenses engagées sont importantes et nécessitent un rééquilibrage financier immédiat.

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