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Indivision: le droit au remboursement des dépenses d’amélioration du bien indivis

Les indivisaires disposent, pendant toute la durée de l’indivision, du droit d’user et de jouir du bien indivis.

Comme tout bien, celui-ci doit être entretenu pour conserver son utilité initiale, et peut également faire l’objet d’améliorations destinées à en accroître la valeur ou les usages. Dans cette perspective, les indivisaires peuvent être amenés à engager des dépenses, que ce soit pour assurer la préservation du bien ou pour en améliorer l’état.

L’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil, prévoit une compensation pour ces dépenses, dites « impenses », réalisées par un indivisaire.

Ces dépenses peuvent concerner l’entretien ou l’amélioration du bien indivis. Il est ainsi prévu par ce texte que lorsque l’un des indivisaires améliore, à ses frais, l’état du bien, il a droit à une indemnisation, déterminée selon des critères d’équité, au regard de l’augmentation de la valeur du bien au moment du partage ou de sa vente.

Il en va de même pour les dépenses strictement nécessaires à la conservation du bien, même si elles n’entraînent pas de revalorisation.

Toutefois, il convient de distinguer entre les dépenses éligibles à une indemnisation et celles qui en sont exclues.

En effet, l’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil ne prévoit une compensation que pour les dépenses d’amélioration ou de conservation.

Ainsi, les simples dépenses d’entretien, qui ne modifient ni l’état ni la valeur du bien, n’ouvrent pas droit à indemnisation.

Cette règle a été fermement rappelée par la jurisprudence, notamment dans le cadre d’une indivision successorale concernant une maison d’habitation (Cass. 1ère civ. 28 mars 2006, n°04-10.596).

En outre, certaines dépenses peuvent être écartées du droit à indemnisation lorsqu’elles sont jugées exagérées ou inutiles.

Par exemple, lorsqu’un indivisaire engage des dépenses disproportionnées ou qui ne sont pas justifiées par l’état du bien, les tribunaux peuvent refuser tout remboursement.

C’est notamment ce qui s’est produit dans une affaire où les impenses réclamées ont été considérées comme excessives et non nécessaires, privant ainsi l’indivisaire de toute indemnisation (Cass. 1ère civ. 13 déc. 1994, n°92-20.780).

Ces exclusions témoignent de la volonté des juges de s’assurer que les dépenses revendiquées par les indivisaires soient réellement justifiées et proportionnées, garantissant ainsi un équilibre dans la gestion des biens indivis.

Nous nous focaliserons ici sur les dépenses d’amélioration.

L’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil prévoit un régime d’indemnisation pour les dépenses d’amélioration réalisées par un indivisaire.

Ces dépenses, qualifiées d’impenses utiles, visent à augmenter la valeur ou l’utilité du bien, sans pour autant être indispensables à sa conservation.

Conformément à ce texte, lorsque l’un des indivisaires entreprend à ses frais des travaux d’amélioration, il peut obtenir une indemnité calculée selon le principe d’équité, en tenant compte de l’augmentation de valeur que le bien en a tiré au moment du partage ou de l’aliénation.

a. Le domaine des impenses utiles

==>Distinction entre les impenses utiles et les impenses nécessaires

L’application de l’article 815-13, al. 1er du Code civil repose sur la distinction entre les impenses nécessaires et les impenses utiles.

Les impenses nécessaires, comme leur nom l’indique, sont celles sans lesquelles la conservation du bien serait mise en péril.

Ces dépenses visent à préserver l’intégrité du bien indivis, évitant ainsi sa dégradation ou sa perte.

Leur remboursement est intégral, indépendamment de toute augmentation de la valeur du bien, car elles sont indispensables à sa survie. On pense notamment aux travaux d’urgence tels que des réparations pour prévenir des dommages graves, comme la consolidation d’une structure affaissée ou la réfection d’une toiture pour éviter des infiltrations d’eau.

Les impenses utiles, en revanche, sont des dépenses effectuées par un indivisaire pour améliorer l’état du bien indivis, en augmentant sa valeur ou en élargissant ses usages, sans toutefois être indispensables à sa conservation.

Leur objet se distingue ainsi de celui des impenses nécessaires, qui visent principalement à préserver l’intégrité matérielle ou juridique du bien.

Les impenses utiles se matérialisent souvent sous forme de travaux destinés à moderniser ou rendre le bien plus confortable, comme l’installation d’un chauffage central, la réfection de la toiture, ou l’ajout de commodités non essentielles mais améliorant considérablement la jouissance du bien.

==>Variété des impenses utiles

L’objet des impenses utile comprend une grande variété de travaux, tels que des rénovations, des améliorations énergétiques, ou encore des extensions, qui ne sont pas nécessaires à la conservation du bien mais qui en augmentent objectivement la valeur.

À titre d’exemple, la jurisprudence a reconnu l’installation d’un chauffage central ou encore la construction de nouveaux bâtiments sur un terrain indivis comme des impenses utiles ouvrant droit à une indemnité (Cass. 1ère civ., 6 févr. 1996, n°94-10.380).

Cependant, la finalité de ces impenses n’est pas simplement d’embellir ou de satisfaire des préférences personnelles.

Pour être qualifiées d’impenses utiles, les travaux réalisés doivent procurer un bénéfice pour l’ensemble des indivisaires, notamment en accroissant la valeur du bien indivis au moment du partage ou de la vente.

L’indemnité qui en découle est strictement proportionnelle à l’enrichissement qu’elles apportent au bien, plutôt qu’au coût des travaux. Cela garantit que l’indivisaire qui a engagé ces dépenses ne soit pas indemnisé au-delà de la plus-value effectivement générée pour l’indivision.

==>Limites

Il peut être observé que les impenses utiles doivent être distinguées des dépenses d’acquisition, qui n’ouvrent pas droit à indemnisation au titre de l’article 815-13 du Code civil.

En effet, le financement direct d’un bien indivis par un indivisaire, par exemple à travers un apport en capital personnel pour acquérir une part de l’indivision, ne peut être qualifié d’impense utile (Cass. 1ère civ., 26 mai 2021, n°19-21.302).

Dans ce cadre, les sommes engagées ne visent pas à améliorer ou à conserver le bien indivis existant, mais à financer son acquisition.

La Cour de cassation a opté pour une exclusion de ces dépenses du régime de l’article 815-13, précisant que ces apports relèvent d’un régime distinct, notamment celui de la créance personnelle contre l’indivision.

Cependant, certaines dépenses, même associées à l’acquisition d’un bien, peuvent être assimilées à des impenses utiles si elles sont engagées dans le but de préserver un bien déjà indivis.

Ainsi, le remboursement d’un emprunt contracté pour financer des travaux d’amélioration, ou pour éviter la saisie d’un bien indivis, a été reconnu comme une impense utile, car ces dépenses permettent de conserver le bien dans le patrimoine des indivisaires (Cass. 1ère civ., 7 juin 2006, n°04-11.524).

La question des plus-values générées par l’activité personnelle d’un indivisaire soulève une autre problématique complexe.

Il est possible que, par son travail ou ses efforts, un indivisaire contribue à augmenter la valeur d’un bien indivis.

En principe, ces plus-values pourraient être considérées comme des fruits revenant à l’indivision, conformément à l’article 815-10, alinéa 2, du Code civil, qui dispose que les fruits et revenus d’un bien indivis sont partagés entre les coïndivisaires.

Cependant, la jurisprudence a parfois assimilé ces plus-values à des impenses ouvrant droit à indemnisation au profit de l’indivisaire ayant fourni les efforts personnels.

Dans un arrêt remarqué rendu le 25 mai 1987, la Cour de cassation a admis que les plus-values résultant de l’activité d’un indivisaire pouvaient être indemnisées comme s’il s’agissait d’impenses utiles, eu égard au profit subsistant au moment du partage (Cass. 1re civ., 25 mai 1987, n°85-16.995).

Cette solution, qui s’écartait de la distinction traditionnelle entre fruits et impenses, a toutefois fait l’objet de vives critiques doctrinales, car elle avantagerait de manière excessive l’indivisaire ayant contribué à l’augmentation de la valeur du bien au détriment des autres indivisaires.

Cette position a finalement été abandonnée par la Cour de cassation dans un revirement jurisprudentiel ultérieur.

La Haute juridiction a en effet réaffirmé que les plus-values apportées par le travail d’un indivisaire devaient être considérées comme des fruits de l’indivision et non comme des impenses d’amélioration (Cass. 1re civ., 29 mai 1996, n°94-14.632).

Ainsi, un indivisaire ayant contribué par son activité à l’enrichissement d’un bien indivis ne peut prétendre qu’à une rémunération de son travail, en vertu de l’article 815-12 du Code civil, et non à une indemnité au titre de l’article 815-13.

En définitive, le régime des impenses utiles s’attache à garantir un juste équilibre entre les dépenses engagées par un indivisaire et le bénéfice qu’elles procurent à l’indivision.

L’indemnisation est limitée aux améliorations objectivement constatées et exclut toute compensation pour des dépenses somptuaires, disproportionnées, ou visant simplement à acquérir une part dans l’indivision.

Quant aux plus-values découlant du travail personnel d’un indivisaire, elles doivent être traitées distinctement, sous le régime des fruits et revenus, garantissant ainsi que chaque coïndivisaire bénéficie équitablement des avantages procurés par le bien indivis.

b. Conditions d’indemnisation des dépenses d’amélioration

Les conditions d’indemnisation des dépenses d’amélioration d’un bien indivis, conformément à l’article 815-13, alinéa 1er du Code civil, sont rigoureusement encadrées et reposent sur plusieurs critères.

L’objectif est de garantir une indemnisation équitable des indivisaires ayant contribué à l’amélioration du bien, tout en s’assurant que les dépenses en question sont effectivement justifiées.

i. L’auteur des dépenses

Il est impératif que les dépenses d’amélioration aient été effectuées par un indivisaire, c’est-à-dire une personne qui a cette qualité au moment où les travaux sont entrepris.

Les travaux réalisés par une personne avant d’acquérir la qualité d’indivisaire, comme dans le cas d’un enfant qui aurait financé des améliorations sur un bien appartenant à ses parents avant d’en hériter, ne peuvent être indemnisés au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1re civ., 23 juin 1987, n°85-18.882).

Cette condition s’explique par le fait que l’indemnisation sur le fondement de l’article 815-13 est conçue pour compenser un appauvrissement personnel lié à des dépenses visant à améliorer un bien indivis, dans l’intérêt commun des indivisaires.

ii. L’objet des dépenses

L’article 815-13 du Code civil précise que les dépenses engagées doivent porter sur un bien indivis pour ouvrir droit à indemnisation.

Autrement dit, l’indemnité ne peut être réclamée que si les dépenses concernent l’amélioration d’un bien appartenant à l’indivision.

Cette condition exclut les dépenses réalisées sur des biens personnels de l’indivisaire, même si ces dépenses ont indirectement servi à l’indivision.

Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour de cassation, un indivisaire avait mis à disposition un bien lui appartenant personnellement pour exploiter un fonds de commerce indivis. La Première chambre civile a estimé que, bien que ce bien personnel ait contribué à enrichir l’indivision, il ne s’agissait pas de fruits du bien personnel mais d’une amélioration au sens de l’article 815-13 du Code civil, ouvrant droit à une indemnité (Cass. 1re civ., 17 déc. 1996, n°94-21.989).

Cette jurisprudence montre que l’indemnisation est possible même si les améliorations ne portent pas directement sur le bien indivis, mais résultent d’une mise à disposition de biens personnels ayant servi à l’exploitation du bien indivis.

Cependant, la condition principale demeure que les dépenses soient effectuées dans l’intérêt de l’indivision et qu’elles concernent un bien relevant du régime de l’indivision.

En revanche, les dépenses visant à l’acquisition d’un bien en indivision, financées par un futur indivisaire avant qu’il ne devienne indivisaire, ne peuvent être indemnisées.

C’est notamment le cas lorsqu’une personne finance l’acquisition d’un bien indivis avant que la qualité d’indivisaire ne soit acquise, les juges ayant exclu la possibilité de réclamer une indemnisation dans ce contexte (Cass. 1ère civ., 26 sept. 2012, n°11-14.033).

iii. Dépenses financées sur les deniers personnels

Le principe de l’indemnisation des impenses en indivision repose sur la nécessité pour l’indivisaire d’avoir financé les dépenses sur ses propres deniers.

En effet, conformément à l’article 815-13 du Code civil, seules les dépenses effectuées « à ses frais » par l’indivisaire, soit pour la conservation, soit pour l’amélioration d’un bien indivis, peuvent donner lieu à indemnisation.

Cela signifie que l’indivisaire doit prouver un appauvrissement personnel au bénéfice de l’indivision, autrement dit, que les fonds investis proviennent directement de son patrimoine.

==>La nécessité d’un appauvrissement personnel

Pour pouvoir prétendre à une indemnité, il est donc impératif que l’indivisaire ait effectivement supporté les dépenses, c’est-à-dire qu’il ait utilisé ses fonds propres.

Cette condition a été maintes fois rappelée par la jurisprudence. Par exemple, dans un arrêt du 15 janvier 2020, la Cour de cassation a refusé l’indemnisation d’un indivisaire qui avait financé des travaux par l’intermédiaire d’une société qu’il dirigeait.

En effet, les fonds n’ayant pas transité par son patrimoine personnel, il ne pouvait pas se prévaloir d’un appauvrissement direct au profit de l’indivision (Cass. 1ère civ., 15 janv. 2020, n°18-26.502).

Il ressort de cette jurisprudence que le simple fait pour l’indivisaire d’avoir orchestré ou supervisé les travaux ne suffit pas si ce dernier n’a pas directement financé les dépenses.

==>Cas du financement partiel d’une dépense

Il est également possible qu’un indivisaire finance les dépenses uniquement de manière partielle, en recourant à ses deniers personnels pour une fraction des travaux.

Dans cette hypothèse, l’indemnisation ne sera accordée qu’à hauteur des sommes effectivement payées par l’indivisaire.

En d’autres termes, il ne pourra être indemnisé que pour la portion des dépenses qu’il a financée, excluant les parts éventuellement couvertes par des tiers.

Cette règle vise e à garantir que l’indivision ne soit tenue de rembourser que l’appauvrissement réellement subi par l’indivisaire.

==>La preuve de l’origine des fonds

iv. Dépenses engagées sans l’accord des autres indivisaires

En application de l’article 815-13 du Code civil, pour qu’un indivisaire puisse prétendre à une indemnité au titre des dépenses d’amélioration ou de conservation qu’il a réalisées sur un bien indivis, ces dépenses doivent avoir été engagées sans l’accord des autres indivisaires.

Cette règle repose sur l’idée que si tous les coïndivisaires avaient donné leur accord pour les dépenses, celles-ci profiteraient à l’ensemble de l’indivision et ne nécessiteraient pas de compensation spécifique pour celui qui a réalisé la dépense.

==>Absence de consentement des autres indivisaires : une condition d’indemnisation

L’article 815-13 distingue donc les situations où un indivisaire agit seul pour effectuer des dépenses sur le bien indivis de celles où tous les indivisaires ont consenti à la dépense.

Dans le premier cas, l’indivisaire qui prend l’initiative de réaliser des travaux d’amélioration ou de conservation sur un bien indivis sans consulter ou obtenir l’accord des autres indivisaires peut demander une indemnité pour ces dépenses, à condition qu’elles aient été nécessaires ou utiles.

Cette condition vise à protéger les coindivisaires contre des initiatives unilatérales pouvant entraîner des frais non souhaités.

Dans un arrêt du 9 janvier 1979 (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°77-13.694), la Cour de cassation a jugé que les modifications effectuées sur un bien indivis avec l’accord de tous les indivisaires profitaient à tous, et que, par conséquent, l’indivisaire qui les a financées ne pouvait réclamer d’indemnité.

Ce principe est fondé sur le fait que, dans ce cas, la dépense est perçue comme étant commune, et il n’est donc pas nécessaire d’indemniser l’indivisaire qui a réalisé les travaux.

La dépense a été collective et non unilatérale, ce qui exclut toute indemnisation individuelle.

==>L’accord des indivisaires exclut l’indemnisation

L’accord des autres indivisaires, qu’il soit explicite ou implicite, exclut toute demande d’indemnisation.

Cette approche se justifie par le fait que les décisions prises de manière collective au sein de l’indivision sont censées représenter l’intérêt commun des indivisaires, et la dépense réalisée est donc partagée par tous.

En conséquence, une compensation particulière n’est pas requise, car tous les indivisaires bénéficient de la dépense de manière équitable.

Il est important de noter que l’accord des coïndivisaires peut se manifester de manière formelle (par exemple, lors d’une réunion ou d’une délibération de l’indivision) ou informelle (telle qu’une acceptation tacite lorsque les travaux sont visibles et aucun des indivisaires ne s’y oppose explicitement).

Dans ces cas, l’indivisaire qui a financé les travaux ne peut pas prétendre à une indemnité puisque l’amélioration a été consentie par l’ensemble des indivisaires.

Ainsi, le consentement des autres indivisaires, ou son absence, est un facteur décisif. Si l’un des indivisaires a agi en concertation avec les autres, la dépense est réputée collective et ne saurait ouvrir droit à une indemnité spécifique, car elle a été décidée pour le compte de tous.

À l’inverse, si l’indivisaire a agi seul, sans l’accord préalable, son initiative peut être indemnisée, dans la mesure où elle bénéficie à l’ensemble des indivisaires.

Le fondement de cette règle est de protéger les indivisaires contre des initiatives unilatérales qui pourraient les contraindre à financer des travaux ou des améliorations qu’ils n’ont pas souhaités.

C’est donc une condition essentielle de la demande d’indemnisation que de démontrer l’absence d’accord de la part des autres indivisaires.

Dans le cadre de cette logique, un indivisaire ne peut pas non plus réclamer une indemnisation pour des dépenses somptuaires ou inutiles qu’il aurait réalisées pour son seul bénéfice personnel, même si ces dépenses ont été engagées sans le consentement des autres.

Dans ce cas, l’absence de consentement ne suffit pas à justifier une indemnité : il faut que la dépense réponde à un intérêt commun de l’indivision et non à des besoins personnels de l’indivisaire qui les a engagées.

v. Utilité des dépenses pour le bien indivis

Le principe fondamental en matière d’indemnisation des dépenses engagées par un indivisaire sur un bien indivis repose sur l’idée que ces dépenses doivent profiter à l’ensemble de l’indivision, et non servir exclusivement les intérêts personnels de l’indivisaire à l’origine de ces travaux.

Ce principe est expressément encadré par l’article 815-13 du Code civil, qui distingue clairement entre les dépenses qui visent à améliorer ou conserver le bien indivis, et celles qui n’ont pour but que de satisfaire des besoins individuels.

==>Impenses devant profiter à l’indivision

Pour qu’un indivisaire puisse prétendre à une indemnisation, il est impératif que les dépenses réalisées aient été effectuées dans l’intérêt de tous les coïndivisaires.

Autrement dit, les impenses doivent avoir contribué soit à la conservation du bien (empêcher sa dégradation), soit à son amélioration (augmenter sa valeur ou son utilité pour l’ensemble de l’indivision).

Cela signifie que les dépenses somptuaires ou celles qui ne sont d’aucune utilité pour la collectivité des indivisaires sont exclues du champ d’application de l’article 815-13 du Code civil.

Par exemple, des travaux de rénovation destinés à prévenir la détérioration d’un bien indivis ou à en augmenter la valeur sur le marché immobilier, comme la modernisation des installations électriques ou l’ajout d’un système de chauffage, peuvent être considérés comme des impenses profitant à l’ensemble des coïndivisaires.

En revanche, des dépenses qui répondent uniquement aux besoins individuels de l’indivisaire ayant pris l’initiative, sans apporter de bénéfice commun, ne peuvent être indemnisées.

==>Exclusion des dépenses somptuaires

Les impenses somptuaires, également appelées impenses voluptuaires, sont des dépenses qui n’ont pas pour objet de conserver le bien ou d’en améliorer de manière utile la valeur ou l’état, mais qui relèvent plutôt du superflu ou du luxe.

En vertu de l’article 815-13 du Code civil, ces dépenses somptuaires ne peuvent donner lieu à indemnisation, car elles ne répondent pas à un intérêt commun des indivisaires ni à une augmentation de la valeur objective du bien.

Voici quelques exemples typiques d’impenses somptuaires que la jurisprudence et la doctrine excluent de toute indemnisation :

==>Dépenses dans un intérêt purement personnel

Au-delà des dépenses somptuaires, l’article 815-13 du Code civil exclut également les dépenses engagées dans un intérêt purement personnel.

La règle est claire : les dépenses effectuées par un indivisaire dans l’unique but de satisfaire ses besoins ou désirs individuels ne sont pas susceptibles de donner lieu à une indemnité.

Ce critère vise à empêcher qu’un indivisaire puisse faire supporter à l’ensemble de l’indivision des frais qui ne profitent qu’à lui seul.

La Cour de cassation a ainsi confirmé que les dépenses réalisées par un indivisaire dans son propre intérêt, même si elles apportent une amélioration au bien, ne peuvent ouvrir droit à indemnité que dans la mesure où elles bénéficient objectivement à l’ensemble des indivisaires (Cass. 1ère civ., 18 déc. 1990, n°89-11.433).

L’exemple classique concerne un indivisaire qui occupe privativement un bien indivis et engage des frais d’aménagement pour améliorer son confort personnel, tels que la décoration d’intérieur ou l’installation d’équipements spécifiquement adaptés à ses besoins. Ces dépenses ne répondent pas à l’intérêt commun de l’indivision et ne justifient donc aucune compensation.

==>La notion d’intérêt commun

L’évaluation de l’intérêt commun repose sur une analyse objective de l’utilité des dépenses pour la préservation ou l’amélioration du bien indivis.

Il appartient aux juges de vérifier si les dépenses réalisées ont véritablement contribué à la conservation ou à l’amélioration du bien et si elles profitent à l’ensemble des coïndivisaires. L’indemnisation repose donc sur le fait que la dépense sert le bien commun, et non pas un intérêt individuel.

Par ailleurs, la question de savoir si une dépense est faite dans l’intérêt commun ou dans un intérêt personnel est souvent laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, comme l’a rappelé la jurisprudence.

Le juge peut examiner les circonstances spécifiques entourant les dépenses, leur utilité réelle et leur proportionnalité par rapport aux besoins du bien indivis.

vi. Montant des dépenses

Enfin, pour qu’une indemnité soit allouée, les dépenses doivent être significatives. Ce principe repose sur l’application de l’adage latin « de minimis non curat praetor », qui signifie que la loi ne s’occupe pas des choses insignifiantes.

==>L’exclusion des dépenses infimes

La jurisprudence a clairement affirmé qu’une indemnisation ne pouvait pas être réclamée pour des dépenses d’un montant insignifiant ou dérisoire.

Dans un arrêt rendu le 24 juin 1986, la Cour de cassation a fermement rappelé en ce sens que les dépenses minimes ne sont pas susceptibles de donner lieu à une indemnité au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. 1ère civ., 24 juin 1986, n°84-15.215).

Ainsi, les dépenses qui ne présentent pas un caractère substantiel ou qui ne génèrent pas une augmentation notable de la valeur ou de la conservation du bien sont exclues.

Par exemple, des travaux mineurs comme des réparations superficielles ou l’achat d’objets décoratifs sans importance ne sauraient donner lieu à indemnisation. Il est primordial que les impenses aient une utilité réelle et un impact sur la préservation ou l’amélioration du bien pour l’ensemble de l’indivision.

==>Critère de proportionnalité

Le principe de l’exclusion des dépenses infimes s’inscrit dans une logique de proportionnalité.

Le montant des dépenses réclamées doit être proportionné à l’amélioration ou à la conservation apportée au bien indivis.

Une simple dépense cosmétique ou une petite réparation de routine ne saurait constituer une impense utile ou nécessaire au sens de l’article 815-13 du Code civil.

Il est important que la dépense soit d’une ampleur suffisante pour justifier une indemnisation et qu’elle ait contribué de manière significative à l’entretien ou à l’augmentation de la valeur du bien.

==>L’appréciation du juge

Il appartient aux juges d’évaluer le caractère significatif des dépenses au cas par cas. Les juges examineront donc la nature et le montant des dépenses, ainsi que leur impact sur la préservation ou la valorisation du bien indivis, pour déterminer si elles justifient une indemnité.

La jurisprudence a ainsi confirmé que, même si les dépenses ont pu être effectivement réalisées, leur montant doit être suffisamment élevé pour justifier une compensation dans le cadre de l’indivision.

Ce critère de significativité permet d’établir une ligne de démarcation entre les impenses éligibles à une indemnisation et les demandes qui pourraient être jugées abusives ou disproportionnées par rapport à l’impact réel sur le bien indivis.

c. Modalités d’évaluation de l’indemnité due au titre de la dépense d’amélioration

L’évaluation de l’indemnité due à l’indivisaire pour les dépenses d’amélioration réalisées sur un bien indivis est encadrée par l’article 815-13, alinéa 1er, du Code civil.

Ce texte instaure un régime particulier, reposant sur l’idée que l’indemnité ne doit pas être calculée en fonction du coût des travaux effectués, mais en fonction de la plus-value apportée au bien au moment du partage ou de l’aliénation.

i. L’évaluation de l’indemnité au regard du profit subsistant

Selon l’article 815-13, alinéa 1er, le montant de l’indemnité est déterminé par le profit subsistant au moment du partage ou de la vente du bien indivis.

L’indemnité due à l’indivisaire ne correspond donc pas aux dépenses réelles engagées, mais à la plus-value résiduelle qu’une dépense a apportée au bien indivis.

Autrement dit, ce mécanisme repose non pas sur le montant déboursé par l’indivisaire pour effectuer des travaux, mais sur la valeur ajoutée qu’a générée cette dépense lors du partage ou de la vente du bien.

Ainsi, une dépense qui, bien qu’importante, n’a pas entraîné de plus-value notable ne donnera droit qu’à une indemnisation limitée, voire inexistante.

Prenons l’exemple d’une maison indivise qui valait 300 000 € avant la réalisation de travaux d’amélioration.

Un des indivisaires a investi 50 000 € pour rénover la toiture et moderniser le système de chauffage.

Au moment du partage, cette maison est estimée à 380 000 €, prenant en compte une plus-value résultant de l’amélioration de 40 000 €.

Dans cette situation, bien que l’indivisaire ait engagé 50 000 €, l’indemnité à laquelle il a droit sera calculée sur la base de la plus-value subsistante, c’est-à-dire 40 000 €.

Il ne pourra donc pas réclamer le remboursement total de son investissement, car la règle de l’article 815-13 ne repose pas sur le coût des travaux, mais sur l’enrichissement réel du bien au jour du partage.

Ce mode d’évaluation repose sur le principe de la dette de valeur, selon lequel la dette évolue avec la valeur du bien auquel elle est attachée. La somme due à l’indivisaire est donc calculée au jour du partage, en tenant compte de l’appréciation ou de la dépréciation du bien indivis.

En ce sens, l’indemnité doit refléter la plus-value réelle que les dépenses ont apportée au bien à ce moment précis, et non leur coût initial.

Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a confirmé cette approche en jugeant au visa de l’article 815-13, al. 1er du Code civil « qu’il résulte de ce texte que lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité et eu égard, dans le cas où le bien a été vendu, à ce dont sa valeur s’est trouvée augmentée au jour de l’aliénation » (Cass. 1ère civ., 23 mars 1994, n°92-14.703).

Ce système permet de tenir compte des fluctuations du marché immobilier ou de l’usure des travaux, et garantit que l’indivisaire ne soit indemnisé qu’à hauteur du gain réel pour l’indivision, tout en préservant l’équité entre les coïndivisaires.

ii. Le rôle modérateur de l’équité

Les règles relatives à l’évaluation des indemnités pour les dépenses d’amélioration s’inscrivent dans le cadre général des dettes de valeur, que l’on retrouve également en matière de récompenses (C. civ., art. 1469) ou de rapport (C. civ., art. 861).

Cependant, la spécificité de l’indemnisation des impenses d’amélioration réside dans l’introduction d’un facteur d’équité par la loi du 31 décembre 1976.

Contrairement à d’autres domaines où l’indemnité doit refléter exactement la valeur de l’amélioration apportée, ici, le juge est doté d’un pouvoir modérateur qui lui permet de s’écarter d’une application strictement mécanique de la règle pour prendre en compte les particularités de chaque cas.

L’équité, véritable clé de voûte de l’évaluation des indemnités au titre des dépenses d’amélioration d’un bien indivis, s’impose comme un principe cardinal de l’article 815-13, alinéa 1er du Code civil, orientant le juge dans la recherche d’une juste compensation ajustée aux spécificités de chaque situation.

Ce principe confère au juge un pouvoir modérateur dans l’évaluation de l’indemnité, permettant d’éviter une application mécanique et rigide des règles relatives à la plus-value subsistante, afin de garantir un résultat juste et adapté aux circonstances particulières de chaque affaire.

Contrairement à d’autres régimes de créances où la compensation est strictement calculée en fonction des dépenses engagées, l’article 815-13 introduit une évaluation fondée sur l’équité.

Cela signifie que l’indemnité due à l’indivisaire ne doit pas nécessairement refléter l’intégralité des coûts engagés, mais doit correspondre à la plus-value réelle apportée au bien, ajustée selon l’appréciation des besoins de l’indivision.

En effet, ce critère d’équité permet au juge de prendre en compte des facteurs contextuels tels que l’utilité réelle des travaux pour l’ensemble des indivisaires ou leur caractère disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi.

L’introduction d’un facteur d’équité vise ainsi à éviter que des dépenses somptuaires, inutiles ou manifestement excessives ne bénéficient d’une indemnisation disproportionnée.

Le juge peut donc, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, modérer ou même refuser l’indemnité si les travaux effectués n’ont pas véritablement servi les intérêts communs de l’indivision.

Comme souligné par la doctrine, l’équité agit comme un correctif qui permet d’atténuer la rigueur des règles applicables aux dettes de valeur, et de tenir compte des circonstances propres à chaque situation.

Ce pouvoir modérateur, confié au juge, se traduit notamment par la nécessité de déterminer si les dépenses ont réellement conduit à une augmentation de la valeur du bien.

En d’autres termes, il ne suffit pas de produire des factures pour justifier d’une indemnité : il appartient au juge d’évaluer si les dépenses ont effectivement apporté une plus-value tangible au bien indivis et, le cas échéant, d’ajuster l’indemnité en fonction de l’équité et des intérêts communs des coïndivisaires (Cass. 1ère civ. 26 juin 2019, n°18-17.038).

En somme, l’équité permet de maintenir un équilibre juste entre les intérêts de l’indivisaire qui a engagé les dépenses et ceux des autres coïndivisaires, en s’assurant que seule la plus-value réelle, mesurée à l’aune des besoins et de l’utilité pour l’ensemble de l’indivision, soit prise en compte dans le calcul de l’indemnité.

iii. La charge de la preuve de la plus-value

L’indivisaire qui sollicite une indemnité pour les dépenses d’amélioration réalisées sur un bien indivis se heurte à une exigence essentielle : la preuve de la plus-value.

En effet, il ne suffit pas de présenter les factures des travaux effectués pour établir un droit à indemnisation.

Selon l’article 815-13 du Code civil, l’indemnité ne se calcule pas en fonction des dépenses engagées, mais bien selon l’augmentation effective de la valeur du bien au moment du partage ou de la vente.

Dès lors, la charge de la preuve repose sur l’indivisaire demandeur, qui doit démontrer que les travaux ont effectivement contribué à accroître la valeur du bien indivis.

La simple production de factures, attestant uniquement de la réalité des dépenses engagées, ne saurait suffire à établir ce lien.

La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé, dans un arrêt du 26 juin 2019, que les juges du fond doivent aller au-delà du simple examen des montants dépensés et vérifier si les travaux ont effectivement apporté une plus-value au bien indivis.

Dans cette affaire, la Haute juridiction a censuré une décision qui avait fixé l’indemnité uniquement sur la base des dépenses réalisées, sans procéder à cette vérification cruciale (Cass. 1re civ., 26 juin 2019, n°18-17.038). Ce rappel met en lumière la distinction nécessaire entre la dépense en tant que telle et la valeur ajoutée qu’elle peut générer.

En conséquence, l’indivisaire doit non seulement prouver qu’il a financé des améliorations à ses frais, mais aussi que celles-ci ont réellement profité à l’indivision en augmentant la valeur du bien.

Ce système préserve ainsi l’équilibre entre les droits de l’indivisaire ayant engagé des dépenses et les intérêts des coïndivisaires, en s’assurant que l’indemnité ne dépasse pas la plus-value réelle générée par les travaux.

d. Le moment du paiement de l’indemnité

Le paiement de l’indemnité due au titre des dépenses d’amélioration d’un bien indivis a longtemps été entouré d’incertitudes.

Initialement, la jurisprudence considérait que le règlement de cette créance ne pouvait intervenir qu’au moment de la liquidation de l’indivision, c’est-à-dire lors du partage.

Cette approche se fondait sur la référence explicite de l’article 815-13, alinéa 1er du Code civil, à l’« évaluation au temps du partage ou de l’aliénation », impliquant que le remboursement ne puisse être exigé avant cette échéance (Cass. 1ère civ., 27 oct. 1993, n°91-13.946).

Cette solution visait à éviter que l’un des indivisaires ne prenne des initiatives coûteuses sans l’accord des autres, et à préserver ainsi un équilibre dans la gestion de l’indivision.

Cependant, un revirement est intervenu avec l’arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2001.

La Haute juridiction a reconnu que l’indivisaire créancier, qu’il s’agisse de dépenses de conservation ou d’amélioration, n’était pas tenu d’attendre la clôture des opérations de partage pour obtenir le paiement de l’indemnité qui lui était due.

Il pouvait, en effet, solliciter un remboursement immédiat et, au besoin, poursuivre la saisie des biens indivis afin de recouvrer sa créance (Cass. 1ère civ., 20 févr. 2001, n°98-13.006).

Cette évolution jurisprudentielle s’est étendue au-delà des seules dépenses de conservation.

En 2021, la Cour de cassation a confirmé que l’indemnité pouvait être réclamée au fur et à mesure que les dépenses étaient engagées, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le partage judiciaire ou la vente du bien indivis (Cass. 1ère civ., 14 avr. 2021, n°19-21.313).

Ainsi, dès qu’un indivisaire a justifié d’une créance liée à la conservation ou à l’amélioration du bien, cette créance devient exigible, permettant ainsi d’éviter les délais liés aux opérations de partage qui peuvent être particulièrement longs.

En définitive, cette évolution marque un tournant dans la gestion des créances d’indivision, en permettant un remboursement immédiat des sommes avancées pour la conservation ou l’amélioration des biens indivis, tout en garantissant la sécurité juridique des indivisaires.

Cela évite également que des créances ne soient indûment retardées, notamment dans les situations où le partage est repoussé.

Cette approche pragmatique, tout en facilitant la gestion des indivisions, concilie les impératifs d’une juste indemnisation des dépenses engagées avec la préservation de l’intérêt collectif de l’indivision.

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