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Indivision: l’attribution éliminatoire

Il est un mécanisme dans le Code civil qui vise à résoudre une situation qui se rencontre fréquemment en matière d’indivision.

Il s’agit du cas où l’un des indivisaires souhaite provoquer le partage, tandis que les autres préfèrent maintenir l’indivision.

Pour répondre à cette situation, le législateur a institué un dispositif qui permet aux indivisaires qui souhaitent poursuivre l’indivision de faire en sorte que celui qui désire sortir en soit exclu, tout en garantissant une compensation financière équitable pour sa part.

Il s’agit donc d’un compromis entre les intérêts des différentes parties, qui répond à la nécessité de préserver l’intégrité de l’indivision, particulièrement dans les situations impliquant des biens de grande valeur patrimoniale.

Certains auteurs ont qualifié ce mécanisme, prévu à l’article 824 du Code civil, d’« attribution éliminatoire », terme qui reflète la logique sous-jacente de cette disposition juridique.

Ce concept a été formulé pour la première fois par M. Dagot[8]. L’idée est que, pour préserver l’indivision, un ou plusieurs indivisaires peuvent être exclus de celle-ci, parfois contre leur gré, mais en contrepartie d’une compensation financière correspondant à la valeur de leur part indivise.

La qualification d’« attribution éliminatoire » a rapidement trouvé un écho non seulement dans la doctrine mais également dans la jurisprudence.

Ainsi, dès 1979, la Cour de cassation a adopté cette formule (Cass. 1re civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385) pour désigner cette procédure par laquelle un indivisaire est « éliminé » de l’indivision par le biais d’une attribution compensatoire de sa part. Elle a également eu recours à cette expression dans un arrêt du 9 juin 2010 (Cass. 1ère civ., 9 juin 2010, n°09-10.513).

Le mécanisme de l’attribution éliminatoire autorise donc le juge à ordonner que l’indivisaire désireux de provoquer le partage soit indemnisé pour sa part, tandis que les autres continuent à gérer l’indivision. Il s’agit là d’une véritable procédure d’allotissement anticipé, selon la terminologie utilisée par des auteurs, où l’attribution de la valeur du bien remplace la délivrance de la propriété elle-même[9].

Bien que l’attribution éliminatoire porte un nom aux connotations fortes, elle vise en réalité à assurer un équilibre délicat entre le droit de chaque indivisaire de demander le partage, principe fondamental de l’indivision consacré à l’article 815 du Code civil, et la volonté de préserver l’intégrité d’un bien indivis pour éviter une dispersion préjudiciable à certains indivisaires.

Historiquement, ce mécanisme puise ses racines dans l’ancien article 815, alinéa 3 du Code civil, introduit par la loi du 31 décembre 1976.

À l’origine, cette disposition avait pour objectif d’apporter une certaine stabilité au sein de l’indivision, notamment dans les situations de succession ou lorsque les biens indivis représentaient une valeur patrimoniale significative.

L’idée générale était d’éviter des ruptures trop fréquentes ou précipitées de l’indivision, qui auraient pu entraîner des ventes forcées, souvent défavorables aux héritiers désireux de préserver l’unité du patrimoine.

Cependant, cette approche initiale, bien que protectrice, révélait certaines limites en termes de flexibilité et d’adaptation aux situations individuelles. C’est pourquoi, avec la réforme des successions et des libéralités du 23 juin 2006, le régime de l’attribution éliminatoire a été revu en profondeur.

En effet, la réforme entreprise en 2006 a non seulement modernisé le droit des successions, mais elle a aussi apporté des précisions quant aux modalités d’exercice de l’attribution éliminatoire, en posant des conditions précises.

Ce mécanisme permet désormais aux indivisaires, sous certaines conditions, d’acquérir les parts de celui qui souhaite quitter l’indivision, en offrant une compensation financière équitable.

Ce faisant, il s’agit non seulement d’éviter une vente forcée des biens indivis, mais aussi de protéger les intérêts des autres indivisaires qui peuvent vouloir conserver le bien en indivision pour des raisons économiques, familiales ou sentimentales.

Aujourd’hui, l’article 824 du Code civil dispose que « si des indivisaires entendent demeurer dans l’indivision, le tribunal peut, à la demande de l’un ou de plusieurs d’entre eux, en fonction des intérêts en présence et sans préjudice de l’application des articles 831 à 832-3, attribuer sa part à celui qui a demandé le partage. »

Ainsi, ce dispositif permet de concilier les aspirations contradictoires des indivisaires, en offrant une solution juridique équilibrée qui préserve à la fois la pérennité de l’indivision et les droits de celui qui souhaite s’en retirer.

Pour mieux comprendre la portée et l’efficacité de ce mécanisme, il est essentiel d’examiner les conditions préalables à sa mise en œuvre, les modalités de la procédure d’attribution éliminatoire ainsi que ses conséquences sur l’indivision et les droits des parties concernées.

1. Les conditions de l’attribution éliminatoire

La mise en œuvre du mécanisme de l’attribution éliminatoire requiert la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

a. Une demande préalable de partage

La première condition devant être observée pour que puisse être ordonnée l’attribution éliminatoire est la formulation préalable d’une demande en partage.

L’attribution éliminatoire est intrinsèquement liée à l’existence d’une demande en partage, et ce mécanisme ne peut être invoqué qu’en réponse à une telle demande.

Il s’agit en effet d’une demande reconventionnelle formulée par les indivisaires ou leurs créanciers, visant à contrer une demande initiale de partage, en offrant une alternative qui permet de maintenir l’indivision tout en indemnisant équitablement l’indivisaire souhaitant se retirer.

Ainsi, pour que cette attribution puisse être ordonnée, il est impératif qu’une demande en partage soit effectivement formulée au préalable, comme le souligne la jurisprudence.

Par exemple, dans un arrêt du 16 décembre 1986, la Cour de cassation a clairement établi que l’attribution éliminatoire devient caduque si la demande en partage est abandonnée.

Elle a précisé en ce sens que « l’existence d’une demande en partage étant la condition même de la demande de maintien dans l’indivision formée en application de l’article 815, alinéa 3, du Code civil, cette dernière demande devient sans objet du fait du désistement de l’instance en partage » (Cass. 1ère civ., 16 déc. 1986, n°83-10.501).

Cette exigence vise à éviter que l’attribution éliminatoire ne soit détournée de son objectif en étant utilisée de manière abusive.

De plus, la demande en partage doit concerner l’ensemble des biens indivis, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mai 2008, en affirmant que « l’attribution éliminatoire suppose que l’attributaire ait demandé un partage global » (Cass. 1ère civ., 15 mai 2008, n°07-13.330).

En d’autres termes, un partage partiel ne suffirait pas pour justifier l’application de ce mécanisme, et il revient donc aux juges de s’assurer que la demande en partage est globale avant d’examiner une demande d’attribution éliminatoire.

Enfin, il est essentiel de rappeler que l’attribution éliminatoire vise à protéger les indivisaires qui souhaitent rester dans l’indivision contre ceux qui souhaitent en sortir, et ce mécanisme ne peut être activé qu’en présence d’une véritable demande en partage.

b. Le nombre d’indivisaires

L’attribution éliminatoire repose sur la nécessité de maintenir partiellement l’indivision après l’éviction d’un indivisaire. Pour cette raison, il est impératif que l’indivision concerne au moins trois indivisaires.

En effet, il s’infère de l’article 824 du Code civil que l’attribution éliminatoire suppose qu’au moins deux indivisaires subsistent après l’éviction de celui qui souhaite se retirer.

Cette disposition prévoit, pour mémoire, que, lorsqu’un indivisaire souhaite sortir de l’indivision, les autres indivisaires peuvent demander à rester dans l’indivision, à charge de verser une compensation financière à l’indivisaire évincé.

Cela suppose donc nécessairement la présence d’au moins deux indivisaires après l’éviction, car l’indivision ne pourrait subsister si un seul indivisaire restait.

C’est ce que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 1er octobre 1996, en jugeant que « l’attribution éliminatoire implique nécessairement un maintien partiel de l’indivision et, en conséquence, la présence d’au moins trois indivisaires » (Cass. 1ère civ., 1er oct. 1996, n° 94-19.097).

L’exigence de la présence de plusieurs indivisaires se justifie par la nature même de l’attribution éliminatoire.

Cette dernière ne peut être utilisée que pour maintenir une indivision partielle, ce qui ne serait pas possible si, après l’exclusion d’un indivisaire, il ne reste qu’un seul indivisaire.

Un tel cas reviendrait à une extinction pure et simple de l’indivision, assimilable à un partage total, régime qui obéit à des règles différentes.

Comme le souligne certains auteurs, une indivision impliquant seulement deux indivisaires, comme dans les indivisions post-communautaires entre époux, ne permet pas l’application de l’attribution éliminatoire car il ne resterait plus qu’un seul indivisaire après l’éviction, ce qui est incompatible avec le maintien de l’indivision[10].

Cette règle trouve son fondement dans la volonté d’éviter toute confusion entre l’attribution éliminatoire, qui permet de maintenir l’indivision tout en indemnisant le demandeur au partage, et le régime du partage total, qui entraîne une sortie complète de l’indivision.

La Cour de cassation a confirmé cette analyse en excluant l’application de l’attribution éliminatoire dans les cas où il n’existe que deux indivisaires, soulignant que cela reviendrait à confondre deux régimes juridiques distincts (Cass. 1ère civ., 1er oct. 1996, n° 94-19.097).

Il est donc impératif que plusieurs défendeurs soient présents à l’action en partage pour que ce mécanisme puisse être mis en œuvre, comme l’article 824 du Code civil le suggère en disposant que « des indivisaires [doivent] entendre demeurer dans l’indivision ».

En pratique, cela limite l’usage de l’attribution éliminatoire aux indivisions complexes impliquant plus de deux indivisaires, telles que les indivisions successorales ou les copropriétés familiales où plusieurs membres de la famille souhaitent préserver l’indivision, tandis qu’un autre indivisaire cherche à en sortir.

L’exigence de la présence de trois indivisaires vise ainsi de garantir que l’attribution éliminatoire ne soit pas utilisée de manière détournée ou inappropriée.

c. L’origine de l’indivision

L’origine de l’indivision n’a pas d’importance pour l’application du mécanisme de l’attribution éliminatoire.

Que l’indivision découle d’une succession, d’un acte conventionnel, ou encore d’un régime matrimonial, l’attribution éliminatoire peut être mise en œuvre dès lors que les conditions prévues par l’article 824 du Code civil sont remplies.

En effet, la loi ne distingue pas entre les diverses sources d’indivision et permet, dans tous les cas où plusieurs indivisaires souhaitent maintenir l’indivision, d’évincer celui qui souhaite en sortir, sous réserve d’une juste compensation.

Ainsi, dans un arrêt du 3 décembre 2014, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « l’attribution éliminatoire peut être demandée, sous les conditions prévues par la loi, lors du partage d’une indivision conventionnelle » (Cass. 1ère civ., 3 déc. 2014, n°13-27.627).

Cet arrêt confirme que l’attribution éliminatoire s’applique aussi bien aux indivisions successorales qu’aux indivisions conventionnelles, dès lors que les conditions légales sont respectées.

Cela signifie qu’un indivisaire qui se trouve dans une indivision résultant d’une convention ou d’une succession peut être évincé, à condition que les autres indivisaires acceptent de le dédommager de la valeur de ses droits.

Cependant, une exception notable existe : l’attribution éliminatoire ne peut être exercée au sein d’une indivision entre époux, en particulier lorsqu’il s’agit d’une indivision post-communautaire.

En effet, l’indivision post-communautaire, qui résulte de la dissolution du régime de communauté entre époux, ne permet pas l’application de ce mécanisme. Cette limitation vise à éviter la réalisation d’un partage partiel déguisé.

L’attribution éliminatoire implique, en effet, la possibilité de maintenir une indivision partielle, ce qui n’est pas possible dans une indivision ne concernant que deux ex-époux.

Comme évoqué précédemment, l’application de l’attribution éliminatoire dans ce type d’indivision reviendrait à un partage total. Or cela relève d’un autre régime juridique.

Ainsi, bien que l’origine de l’indivision soit généralement sans incidence sur la possibilité de recourir à l’attribution éliminatoire, la situation particulière des indivisions post-communautaires entre époux en est exclue, ce qui évite toute confusion entre l’attribution éliminatoire et le régime du partage pur et simple.

d. L’absence de demande d’attribution préférentielle

L’attribution éliminatoire ne peut être envisagée si l’indivisaire visé par l’éviction bénéficie d’un droit à l’attribution préférentielle.

L’attribution préférentielle, en vertu des articles 831 à 832-3 du Code civil, permet à certains indivisaires de se voir attribuer certains biens indivis, tels que la résidence principale ou des biens utilisés pour l’exploitation d’une activité professionnelle, sous réserve de verser une compensation aux autres indivisaires.

Selon l’article 824, alinéa 1er, du Code civil, l’attribution éliminatoire est mise en œuvre « sans préjudice de l’application des articles 831 à 832-3 », ce qui signifie en substance que l’attribution préférentielle prime sur toute demande d’attribution éliminatoire.

Ainsi, si un indivisaire formule une demande d’attribution préférentielle, celle-ci doit être examinée en priorité.

La Cour de cassation a notamment réaffirmé ce principe dans un arrêt du 1er octobre 1996, en jugeant que l’attribution préférentielle prime nécessairement sur l’attribution éliminatoire (Cass. 1re civ., 1er oct. 1996, n°94-19.097).

Cela est illustré par plusieurs situations :

  • Première situation
    • Si seule une demande d’attribution éliminatoire est formulée, les juges ne peuvent pas, sans modifier l’objet du litige, examiner d’office si l’indivisaire visé pourrait bénéficier d’une attribution préférentielle, si celle-ci n’a pas été expressément sollicitée (Cass. 1re civ., 1er oct. 1996, n°94-19.097).
    • Ainsi, l’attribution préférentielle doit être explicitement demandée par l’indivisaire concerné, faute de quoi elle ne sera pas prise en compte.
  • Deuxième situation
    • la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 15 mai 2008, que l’attribution éliminatoire pouvait résulter d’une demande d’attribution préférentielle lorsque celle-ci porte sur l’ensemble des biens indivis.
    • Ce fut le cas dans une affaire concernant une exploitation agricole indivise (Cass. 1ère civ., 15 mai 2008, n° 07-13.179 et 07-13.330).
    • Cela montre que, dans certaines situations, une demande d’attribution préférentielle peut aboutir à une attribution éliminatoire si les autres conditions légales sont réunies.
  • Troisième situation
    • si les deux demandes – attribution préférentielle et attribution éliminatoire – sont formulées simultanément, la demande d’attribution préférentielle doit être traitée en priorité.
    • La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 22 mai 2007 que la demande d’attribution préférentielle doit être examinée avant toute demande de maintien dans l’indivision par attribution éliminatoire (Cass. 1ère civ., 22 mai 2007, n° 04-20.205).
    • Cette approche est soutenue par la doctrine, qui reconnaît que l’article 824, alinéa 1er, consacre la priorité de l’attribution préférentielle, favorisant ainsi la propriété individuelle au détriment du maintien de l’indivision lorsque cela est justifié.

Ce système de priorité protège les indivisaires ayant un lien particulier avec certains biens indivis, en particulier lorsque ces biens sont essentiels, comme la résidence familiale ou une exploitation agricole.

L’attribution préférentielle, étant un droit, ne peut être supplantée par une demande d’attribution éliminatoire, laquelle demeure un mécanisme défensif permettant aux autres indivisaires de maintenir l’indivision.

En pratique, si un indivisaire sollicite une attribution préférentielle, le juge doit statuer sur cette demande avant de considérer toute éviction par le biais de l’attribution éliminatoire.

En conséquence, pour que l’attribution éliminatoire soit applicable, il est impératif que l’indivisaire visé ne soit pas en droit de réclamer une attribution préférentielle.

Si tel est le cas, la demande d’attribution préférentielle doit être examinée en priorité et, le cas échéant, accordée, rendant la demande d’attribution éliminatoire sans objet. Cela renforce la cohérence du droit des successions et des indivisions en hiérarchisant les droits des indivisaires en fonction de l’importance de leurs intérêts légitimes, comme l’ont souligné F. Terré et Ph. Simler dans leur analyse des biens et des successions.

2. Le cadre procédural de l’attribution éliminatoire

a. Demandeur de l’attribution éliminatoire

L’attribution éliminatoire est un mécanisme spécifique qui ne peut être demandé que par les indivisaires défendeurs à une action en partage, et uniquement dans l’objectif de maintenir l’indivision.

L’article 824, alinéa 1er du Code civil, encadre strictement ce dispositif en précisant que la demande peut être formulée par un ou plusieurs indivisaires défendeurs, à condition qu’ils souhaitent demeurer dans l’indivision (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 6 janv. 1987, no 85-10.175).

L’indivisaire qui demande le partage, et donc cherche à sortir de l’indivision, est exclu de la possibilité de solliciter l’attribution éliminatoire. Ce mécanisme est clairement réservé à ceux qui, dans l’intérêt de conserver l’indivision, souhaitent écarter un indivisaire qui souhaite en sortir.

L’intérêt de cette restriction est double :

  • D’une part, il s’agit d’éviter que l’indivisaire qui initie l’action en partage, c’est-à-dire celui qui désire mettre fin à l’indivision, puisse ensuite contrecarrer sa propre démarche en demandant l’attribution éliminatoire.
  • D’autre part, cette limitation protège les droits des autres indivisaires, en leur permettant de se maintenir ensemble dans l’indivision, mais sans offrir la même protection à celui qui a initialement souhaité s’en détacher. Cela confirme que l’attribution éliminatoire est un mécanisme de défense, réservé aux indivisaires qui n’ont pas l’intention de quitter l’indivision.

L’un des points essentiels à retenir est que l’attribution éliminatoire peut être demandée par un seul des indivisaires défendeurs, même si les autres ne souhaitent pas maintenir l’indivision.

Par exemple, si plusieurs indivisaires sont défendeurs à l’action en partage, un seul d’entre eux peut formuler la demande d’attribution éliminatoire, et cette demande sera recevable, à condition bien entendu que les autres conditions soient réunies.

Dans une telle situation, le tribunal devra évaluer la demande au regard des intérêts des autres indivisaires, même s’ils ne sont pas eux-mêmes demandeurs de l’attribution éliminatoire.

Ainsi, il est tout à fait envisageable qu’un indivisaire puisse demander seul l’attribution éliminatoire, contre l’avis des autres indivisaires défendeurs, mais la décision finale reposera sur une appréciation judiciaire qui tiendra compte de tous les intérêts en présence.

La Cour de cassation a clarifié ce point, notamment dans un arrêt du 28 novembre 2007 (Cass. 1re civ., 28 nov. 2007, n°06-18.490), en rappelant que seul un indivisaire défendeur à l’action en partage pouvait invoquer l’attribution éliminatoire.

Ce principe découle de la nature même de l’attribution éliminatoire, qui vise à préserver l’indivision entre les coïndivisaires.

Si tous les indivisaires sont d’accord pour demander le partage, la question de l’attribution éliminatoire ne se pose plus, car l’objectif premier de ce mécanisme est d’éviter la dissolution de l’indivision lorsque certains indivisaires souhaitent la maintenir.

En pratique, la demande d’attribution éliminatoire est souvent motivée par des considérations économiques, familiales ou patrimoniales.

Par exemple, un indivisaire peut demander à écarter un coïndivisaire pour préserver la cohésion d’une exploitation agricole ou d’un bien familial. Dans ces situations, le juge devra apprécier si les motifs invoqués pour demander l’attribution éliminatoire sont légitimes et compatibles avec les intérêts des autres indivisaires, même si ces derniers ne partagent pas l’intention de maintenir l’indivision.

Enfin, il convient de noter que l’attribution éliminatoire, bien que réservée aux défendeurs à l’action en partage, ne prive pas les indivisaires restants de la possibilité de formuler d’autres demandes, telles que des demandes de compensation financière ou des arrangements amiables, afin de parvenir à une solution équitable pour toutes les parties concernées.

Le tribunal reste libre d’apprécier les circonstances spécifiques de chaque affaire et d’arbitrer en fonction des intérêts en présence.

b. Temporalité de la demande

L’attribution éliminatoire peut être demandée à tout moment tant que le partage de l’indivision n’a pas été définitivement consommé.

Cette flexibilité procédurale permet aux indivisaires défendeurs à l’action en partage de solliciter l’attribution éliminatoire même après l’ouverture de la procédure, et, dans certains cas, jusqu’en appel.

La Cour d’appel de Lyon a ainsi admis, dans un arrêt du 11 avril 1979, que cette demande pouvait être formulée pour la première fois devant la juridiction d’appel, soulignant que la demande d’attribution éliminatoire peut intervenir en tout état de cause, tant que le partage n’a pas été réalisé ou définitivement clôturé (CA Lyon, 11 avr. 1979).

c. Compatibilité de la demande avec des décisions devenues définitives

==>Principe

Un des aspects les plus délicats de l’attribution éliminatoire concerne sa compatibilité avec une décision judiciaire ayant déjà ordonné le partage des biens indivis.

En effet, la question se pose de savoir si une demande d’attribution éliminatoire, qui implique le maintien partiel de l’indivision, peut être formulée après qu’un jugement a ordonné la dissolution de l’indivision par le partage.

Initialement, la Cour de cassation avait adopté une position stricte sur cette question.

Dans un arrêt du 15 mai 1979, elle a estimé que l’attribution éliminatoire était de nature à porter atteinte à l’autorité de la chose jugée lorsqu’un jugement définitif avait déjà ordonné le partage (Cass. 1re civ., 15 mai 1979, n° 78-10.266).

Selon cette approche, une fois le partage ordonné par un jugement définitif, il n’est plus possible de solliciter une attribution éliminatoire, car cela reviendrait à contredire la décision judiciaire qui vise à mettre fin à l’indivision. L’attribution éliminatoire ne pourrait donc être sollicitée qu’avant que le jugement ordonnant le partage ne devienne définitif.

Par suite, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 10 juillet 1990.

En l’espèce, deux indivisaires avaient demandé l’application de l’attribution éliminatoire en vertu de l’article 815, alinéa 3, du Code civil, à la suite d’un jugement ayant ordonné le partage de la succession de leur mère.

Le litige portait sur la question de savoir si l’attribution éliminatoire pouvait être sollicitée après qu’un jugement avait déjà ordonné le partage.

La Cour d’appel d’Angers avait rejeté la demande des deux indivisaires, estimant que le maintien de l’indivision irait à l’encontre du jugement de 1983 ayant ordonné le partage de la succession. Selon la cour d’appel, une telle demande était incompatible avec les décisions antérieures, notamment un jugement de 1986 qui prescrivait la licitation des biens indivis.

Toutefois, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, revenant ainsi sur sa jurisprudence antérieure.

Elle a jugé, en effet, que l’attribution éliminatoire permet non seulement de maintenir l’indivision entre certains indivisaires, mais aussi de procéder à l’allotissement des autres indivisaires, et donc à la réalisation d’un partage partiel.

Ce mécanisme n’était donc pas incompatible avec un jugement antérieur qui se bornait à ordonner le partage, tant que les opérations de licitation n’avaient pas encore acquis force de chose jugée.

Aussi, pour la Cour de cassation, l’application de l’attribution éliminatoire ne contredit pas un jugement ordonnant le partage des biens indivis, tant que ce jugement n’a pas prescrit de manière irrévocable une licitation ou une autre modalité incompatible avec le maintien de l’indivision. Ce raisonnement repose sur l’idée que l’attribution éliminatoire, en permettant d’allotir certains indivisaires tout en maintenant l’indivision pour d’autres, constitue une forme de partage partiel.

Cinq ans plus tard, la Cour de cassation a confirmé sa position dans un arrêt du 7 juin 1995 (Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, n°93-14.766).

Dans cette affaire, un indivisaire avait sollicité la liquidation-partage d’une succession comprenant un immeuble.

Ses coïndivisaires avaient alors demandé à demeurer dans l’indivision, en se fondant sur l’article 815, alinéa 3, du Code civil, tout en offrant de racheter la part de l’indivisaire demandeur de partage.

La cour d’appel avait ordonné la liquidation-partage de la succession, tout en donnant acte aux coïndivisaires de leur volonté de demeurer dans l’indivision, sous réserve de l’évaluation des biens à partager.

Après l’évaluation des biens par un expert, la cour d’appel avait finalement décidé de maintenir les coïndivisaires dans l’indivision et de leur attribuer la part de l’indivisaire demandeur, moyennant le versement d’une somme représentant la valeur de sa part.

Ce dernier a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que le prononcé d’un partage excluait tout maintien de l’indivision partielle, rendant incompatible l’application de l’article 815, alinéa 3.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, en affirmant que l’attribution éliminatoire, prévue par l’article 815, alinéa 3, permet de maintenir l’indivision entre certains indivisaires tout en attribuant la part de l’indivisaire demandeur.

Ce mécanisme aboutit donc à un partage partiel, et n’est pas incompatible avec un jugement antérieur ordonnant le partage, tant que celui-ci ne prescrit pas de licitation des biens indivis.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’il n’y avait aucune incompatibilité entre le jugement ordonnant la liquidation-partage et le maintien partiel de l’indivision par attribution éliminatoire.

L’arrêt du 7 juin 1995 confirme donc que l’attribution éliminatoire constitue une modalité de partage partiel, permettant à certains indivisaires de demeurer dans l’indivision tout en indemnisant l’indivisaire qui souhaite sortir.

==>Tempéraments

Il existe des situations où l’attribution éliminatoire reste incompatible avec certaines décisions judiciaires. C’est le cas, par exemple, des jugements qui ordonnent la licitation des biens indivis.

Pour mémoire, la licitation, qui consiste à vendre les biens aux enchères pour répartir le produit de la vente entre les indivisaires, entraîne une dissolution totale de l’indivision, rendant toute demande d’attribution éliminatoire impossible après coup.

Un jugement définitif ordonnant la licitation des biens empêche donc toute possibilité ultérieure de solliciter une attribution éliminatoire.

Toutefois, si la licitation ne concerne qu’une partie des biens indivis, rien n’empêche une attribution éliminatoire portant sur les autres biens restants (Cass. 1ère civ., 7 juin 1995, n°93-14.766).

Par ailleurs, d’autres décisions judiciaires peuvent également poser des difficultés de compatibilité avec l’attribution éliminatoire. C’est notamment le cas des décisions ordonnant un partage en nature des biens, ou celles qui prévoient la composition des lots par tirage au sort.

Ces modes de partage peuvent rendre l’attribution éliminatoire difficile à mettre en œuvre, voire incompatible, selon les modalités spécifiques du jugement rendu.

A l’analyse, ces situations doivent être examinées au cas par cas pour évaluer si l’attribution éliminatoire est envisageable sans contredire l’autorité de la chose jugée.

d. Appréciation par le juge des intérêts en présence

Le juge, saisi d’une demande d’attribution éliminatoire, exerce un large pouvoir d’appréciation pour statuer tant sur la recevabilité que sur le bien-fondé de cette demande.

Contrairement à d’autres dispositifs relevant du droit de l’indivision, l’attribution éliminatoire ne requiert pas que les indivisaires fournissent une justification particulière démontrant un intérêt spécifique à maintenir l’indivision entre eux.

En effet, la Cour de cassation a clairement énoncé, dans un arrêt du 19 mars 2008, que les indivisaires ne sont pas tenus de prouver un intérêt particulier pour que leur demande soit recevable (Cass. 1re civ., 19 mars 2008, n° 06-17.805).

Cette latitude accordée au juge lui permet d’examiner la demande d’attribution éliminatoire à la lumière des intérêts en présence, en tenant compte des spécificités de chaque affaire.

Ainsi, il revient au tribunal de peser les arguments des parties et d’évaluer si le maintien de l’indivision entre certains indivisaires, et l’éviction d’un autre, est justifié par les circonstances.

Ce pouvoir d’appréciation souverain se traduit par une flexibilité dans l’application du mécanisme, permettant au juge de tenir compte non seulement des aspects juridiques, mais également des considérations pratiques et émotionnelles qui peuvent sous-tendre la demande.

Dans certaines affaires, la jurisprudence a souligné que le maintien de l’indivision peut être motivé par des raisons familiales, liées à la préservation d’un bien ayant une valeur affective ou historique particulière pour les indivisaires.

À titre d’exemple, la préservation d’une exploitation agricole, transmise de génération en génération, peut justifier le maintien de l’indivision, même si un coïndivisaire souhaite en sortir.

Une telle situation permet de préserver l’intégrité de l’exploitation et d’assurer sa pérennité économique.

Ce type de raisonnement a été retenu par la jurisprudence, notamment dans l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2008 (Cass. 1re civ., 19 mars 2008, n°06-17.805), où la Cour a affirmé que les indivisaires n’avaient pas besoin de justifier d’un intérêt particulier pour maintenir l’indivision, laissant ainsi au juge un large pouvoir d’appréciation.

De même, la conservation d’un local professionnel peut légitimer le maintien de l’indivision pour des raisons économiques. Par exemple, dans l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 15 juin 2000 (CA Aix-en-Provence, 15 juin 2000, JurisData n° 2000-043782), le maintien d’un local commercial dans l’indivision a été considéré comme nécessaire pour permettre à un coïndivisaire de continuer à exploiter une activité génératrice de revenus pour la famille.

Par ailleurs, le maintien dans l’indivision peut être motivé par des raisons familiales lorsque le bien concerné est utilisé comme résidence depuis plusieurs générations.

La Cour d’appel de Douai, dans une décision du 6 janvier 1992 (CA Douai, 6 janv. 1992), a jugé qu’un intérêt familial fort pouvait justifier le maintien d’un immeuble dans l’indivision, afin de conserver un bien chargé d’histoire pour les générations futures.

De même, dans un arrêt du 17 février 1992, la Cour d’appel de Limoges (CA Limoges, 17 févr. 1992) a reconnu la validité de “raisons familiales” comme fondement légitime pour refuser la sortie de l’indivision et accorder l’attribution éliminatoire.

Enfin, la préservation d’un projet commun entre coïndivisaires, comme un projet immobilier sur un terrain familial, peut également justifier l’attribution éliminatoire. Ce type de motivation a été reconnu dans plusieurs arrêts, notamment pour permettre à certains indivisaires de poursuivre des projets économiques ou familiaux de long terme, tout en assurant une juste indemnisation de l’indivisaire souhaitant sortir de l’indivision.

Ces exemples illustrent bien la grande latitude dont disposent les juges pour apprécier les situations qui leur sont soumises. Qu’il s’agisse de préserver un bien économique essentiel, un patrimoine familial, ou de soutenir des projets communs, l’attribution éliminatoire permet de concilier les intérêts divergents des indivisaires tout en assurant la continuité de l’indivision lorsque cela est justifié.

En revanche, cette liberté d’appréciation n’est pas absolue. Le juge doit motiver sa décision et prendre en compte l’ensemble des éléments du dossier pour rendre une décision équilibrée.

3. Les modalités de l’attribution éliminatoire

L’attribution éliminatoire peut être réalisée de différentes manières, en fonction de la nature des biens indivis et des préférences des parties.

La loi permet au juge d’opter pour une attribution en nature, si les biens s’y prêtent, ou en argent, si une telle attribution est plus appropriée ou si les fonds indivis sont disponibles.

a. Attribution en argent

L’attribution en argent, en tant que modalité de sortie d’un indivisaire, est expressément prévue par l’article 824, alinéa 2, du Code civil.

Elle constitue une alternative à l’attribution en nature, particulièrement lorsque cette dernière s’avère difficile à réaliser en raison de la nature des biens indivis ou des préférences des parties.

Cette modalité d’attribution en argent nécessite toutefois une disponibilité suffisante de liquidités dans l’indivision.

En cas d’insuffisance des fonds indivis, les indivisaires ayant sollicité l’attribution éliminatoire sont tenus de financer le complément.

L’article 824, alinéa 2, précise que les indivisaires à l’origine de cette demande peuvent avancer des fonds personnels pour compenser ce manque, tout en offrant aux autres indivisaires la possibilité de contribuer volontairement à ce financement.

Les indivisaires qui ne sont pas à l’origine de la demande d’attribution éliminatoire ne sont pas obligés de participer au financement du complément, mais peuvent choisir de le faire.

Cette participation facultative leur permet de voir leurs parts augmenter proportionnellement à leur contribution. Cela peut s’avérer intéressant pour ceux qui souhaitent maintenir l’indivision ou éviter que les autres indivisaires prennent une part trop importante dans celle-ci.

Ce mécanisme repose sur l’idée que ceux qui financent l’attribution, que ce soit en nature ou en espèces, voient leur part dans l’indivision croître en fonction de leur apport, conformément aux dispositions de l’article 824, alinéa 4 du Code civil.

L’utilisation des fonds indivis pour financer l’allotissement est privilégiée. Toutefois, lorsque les liquidités manquent, le recours aux fonds personnels devient nécessaire.

Cette possibilité a été confirmée par la jurisprudence, notamment dans une décision de la Cour de cassation du 6 janvier 1987, où le financement de l’attribution éliminatoire a été entièrement assuré par les fonds personnels des indivisaires restants (Cass. 1ère civ., 6 janv. 1987, n°85-10.175).

Dans ce cas, les indivisaires qui avancent les fonds ne disposent pas d’une créance envers l’indivision, mais voient leur part augmentée proportionnellement à leur versement.

Ce type de financement, bien qu’il puisse ressembler à une cession de droits dans l’indivision, se distingue par le fait qu’il vise à maintenir l’indivision, tout en indemnisant équitablement l’indivisaire sortant.

Ainsi, l’attribution en argent permet de concilier deux intérêts opposés : le droit pour un indivisaire de sortir de l’indivision et la volonté des autres indivisaires de la maintenir. Le mécanisme assure une solution équilibrée entre ces deux objectifs, tout en offrant une flexibilité dans les modalités de financement et dans l’allocation des biens.

b. Attribution en nature

L’attribution en nature, lorsque les biens indivis sont « aisément détachables » du reste des biens indivis, permet au juge d’attribuer directement au coïndivisaire sortant une partie des biens indivis.

Cette solution, historiquement régie par l’article 815, alinéa 3 du Code civil avant la réforme de 2006, demeure toujours possible, bien que la loi privilégie désormais les compensations monétaires en raison de leur adéquation aux exigences économiques modernes.

L’attribution en nature reste donc une solution viable lorsque la nature des biens s’y prête et que leur division physique est aisée.

Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de cette forme d’attribution.

La condition principale est que la part du coïndivisaire soit facilement détachable du reste des biens indivis. Cela signifie qu’un bien spécifique ou une partie de celui-ci doit pouvoir être alloti sans compromettre la valeur ou l’usage des biens restants. Si cette condition n’est pas remplie, une compensation en argent est souvent ordonnée, car plus simple à mettre en œuvre.

Cependant, même lorsque l’attribution en nature est décidée, il peut arriver que la valeur des biens attribués dépasse les droits du coïndivisaire sortant.

Dans ce cas, une soulte peut être exigée, c’est-à-dire que le coïndivisaire bénéficiaire de l’attribution doit verser une somme d’argent aux autres indivisaires pour compenser la différence de valeur.

Cette pratique est admise par la doctrine à condition toutefois que les autres indivisaires soient d’accord avec cette solution.

Le cumul d’une attribution en nature avec le versement d’une soulte est une solution pragmatique qui permet de respecter les droits de chaque indivisaire tout en facilitant un partage équitable.

Reste que, dans son évaluation, le juge doit veiller à ce que cette solution n’engendre pas de déséquilibre entre les coïndivisaires et que les droits de chacun soient scrupuleusement respectés.

4. Les effets de l’attribution éliminatoire

a. Un partage partiel

L’attribution éliminatoire, prévue par l’article 824 du Code civil, s’analyse en un partage partiel, destiné à évincer l’indivisaire qui demande la sortie de l’indivision, tout en permettant aux autres indivisaires de maintenir l’indivision sur les biens restants.

Contrairement toutefois au partage ordinaire, qui nécessite l’accord unanime des indivisaires, l’attribution éliminatoire est une exception au principe de l’unanimité qui s’applique dans le cadre d’une indivision, dans la mesure où lorsqu’elle est ordonnée elle s’impose à tous.

La Cour de cassation a statué en ce sens, dans un arrêt du 28 novembre 2007 en jugeant que « l’attribution éliminatoire prévue par l’article 815, alinéa 3, du code civil alors applicable, aboutit à l’allotissement de certains indivisaires et donc à la réalisation d’un partage partiel s’imposant à tous les coïndivisaires » (Cass. 1ère civ. 28 nov. 2007, n°06-16.566).

Au fond, l’attribution éliminatoire permet de concilier deux intérêts souvent divergents : celui de l’indivisaire qui souhaite sortir de l’indivision, et celui des autres coïndivisaires qui préfèrent maintenir le cadre indivis sans recourir à la liquidation.

En ce sens, ce mécanisme préserve l’intégrité des biens indivis, évitant leur mise en vente forcée, et constitue une réponse particulièrement adaptée aux situations où des raisons économiques ou familiales justifient la continuité de l’indivision.

b. Les incidences du partage partiel

==>L’effet déclaratif

L’attribution éliminatoire, comme tout partage, est une opération qui produit un effet déclaratif, ce qui signifie qu’elle produit ses effets rétroactivement à la date de constitution de l’indivision.

Selon l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est considéré comme ayant été propriétaire des biens qui lui sont attribués dès le début de l’indivision, même si cette attribution intervient tardivement.

Cette rétroactivité implique que l’indivisaire évincé est censé avoir été titulaire des droits attachés aux biens indivis dès l’origine, ce qui inclut les fruits et revenus produits pendant la période d’indivision.

Ce principe, bien ancré en droit civil, assure la continuité de la propriété des biens, en faisant remonter rétroactivement les droits à la date de constitution de l’indivision, sans qu’il y ait de transfert progressif à compter de la décision judiciaire.

Aussi, l’effet déclaratif du partage représente une certaine sécurité juridique pour les coïndivisaires. Les biens attribués à l’indivisaire sortant sont censés avoir toujours été sa propriété exclusive, non seulement à partir du jugement mais rétroactivement depuis l’ouverture de l’indivision.

==>L’action en complément de part

L’attribution éliminatoire, parce qu’elle opère un partage partiel, est également soumise aux règles de la rescision pour lésion prévues par l’article 890 du Code civil.

Si l’indivisaire évincé estime avoir été lésé de plus du quart lors du partage, il peut exercer une action en complément de part.

Cette action permet de rééquilibrer la répartition des biens lorsque l’un des indivisaires a reçu une valeur inférieure à ses droits.

Cependant, la doctrine suggère que cette action est difficile à mettre en œuvre lorsque la valeur des biens a été fixée par une expertise ordonnée par le tribunal.

En effet, lorsque le juge se prononce sur la base d’une expertise, les possibilités de contester la répartition pour lésion sont réduites, notamment en raison de l’autorité de la chose jugée.

==>Droit de préemption

L’attribution éliminatoire, en raison de son caractère déclaratif, échappe aux règles relatives au droit de préemption.

En principe, le droit de préemption s’applique lors d’une cession à titre onéreux, offrant à certaines parties, comme un locataire ou une collectivité publique, la possibilité de se substituer à l’acquéreur d’un bien.

Toutefois, le partage, et par extension l’attribution éliminatoire, ne sont pas considérés comme des cessions à titre onéreux.

En effet, le partage présente un caractère déclaratif et ne constitue pas, à ce titre, une aliénation des droits indivis, mais plutôt la reconnaissance des droits existants sur les biens attribués.

La jurisprudence confirme que l’attribution d’une part indivise à un cohéritier, même contre une compensation financière, ne déclenche pas le droit de préemption (Cass. soc., 16 avr. 1970 : Bull. civ. III, n° 242). Cette exclusion protège les indivisaires contre l’intervention de tiers qui pourraient compliquer la sortie de l’indivision.

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