==>Évolutions législatives
La procédure de divorce a fait l’objet de plusieurs évolutions depuis une vingtaine d’années, l’objectif du législateur étant de toujours plus simplifier et accélérer le traitement des divorces, compte tenu des enjeux en présence
Une première réforme d’envergure avait été opérée par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004.
Cette réforme avait déjà considérablement allégé la procédure de divorce en unifiant les conditions du divorce pour faute, pour rupture de la vie commune, et pour altération définitive du lien conjugal sous un cadre procédural plus cohérent. Toutefois, la procédure restait encore perçue comme complexe et trop longue, surtout dans les situations contentieuses.
Aussi, une nouvelle réforme est apparue nécessaire. Elle est intervenue dans le cadre de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Ce texte a poursuivi l’effort de simplification en rationalisant les étapes procédurales.
Désormais, la phase de conciliation, qui était un passage obligatoire sous l’ancienne loi, est supprimée dans les divorces contentieux. Cette suppression vise à accélérer la procédure en supprimant une étape souvent considérée comme superflue, surtout dans les cas où les parties sont irréconciliables. De plus, le rôle du juge est rationalisé : il intervient uniquement lorsque cela est nécessaire, favorisant ainsi les modes alternatifs de règlement des différends comme la médiation.
La réforme de 2019 vise également à réduire les délais de traitement des divorces, qui étaient souvent critiqués pour leur longueur excessive. La suppression de l’audience de conciliation permet de gagner un temps précieux, réduisant ainsi le temps global nécessaire pour obtenir un jugement de divorce.
En comparaison, la loi de 2004 avait instauré des délais minimaux avant l’engagement de la procédure contentieuse (deux ans de séparation pour le divorce pour altération définitive du lien conjugal), ce qui contribuait parfois à rallonger le processus. La réforme de 2019, en supprimant certaines exigences formelles et en encourageant les procédures amiables, a pour effet de réduire sensiblement ces délais, ce qui est particulièrement apprécié dans les situations où la séparation doit être actée rapidement.
La réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 renforce également la protection des enfants et des époux vulnérables. La loi du 26 mai 2004 avait déjà introduit des mesures pour protéger les intérêts des enfants, notamment en matière de résidence et de pension alimentaire. La loi de 2019 poursuit cet objectif en permettant au juge de prendre des mesures conservatoires dès le début de la procédure, sans attendre l’audience de conciliation.
De plus, la réforme de 2019 met l’accent sur la protection contre les violences intrafamiliales. Les mesures de protection, comme l’ordonnance de protection, peuvent être prononcées de manière plus rapide et efficace, ce qui est un progrès significatif par rapport à la loi de 2004.
Un autre aspect notable de la réforme de 2019 est l’accent mis sur la modernisation et la numérisation de la procédure de divorce. La loi encourage l’utilisation des nouvelles technologies pour faciliter l’accès à la justice et accélérer le traitement des dossiers. Par exemple, il est désormais possible d’introduire une demande de divorce en ligne, ce qui simplifie l’accès au tribunal pour les justiciables et désengorge les juridictions.
Cette démarche s’inscrit dans une volonté de rendre la justice plus accessible et plus en phase avec les réalités du XXIe siècle, en complément des avancées procédurales déjà réalisées en 2004.
La réforme de 2019 a été globalement bien accueillie par la doctrine, notamment pour sa capacité à moderniser et accélérer les procédures judiciaires. Cependant, certaines critiques ont été formulées concernant le risque de déshumanisation de la justice, en raison de la numérisation croissante et de la réduction des interventions judiciaires directes. De plus, certains craignent que la suppression de l’audience de conciliation puisse nuire à la possibilité pour les époux de trouver un accord à l’amiable, avant d’entrer dans un contentieux plus formalisé.
==>Architecture de la procédure
A titre de remarque liminaire, il peut être observé que, en 2019, le législateur n’est pas revenu sur la réorganisation de la procédure applicable aux divorces contentieux opérée par la loi du 26 mai 2004, laquelle s’articule encore aujourd’hui, autour de la mise en place d’un « tronc commun procédural » qui est à la fois une source de simplification, de souplesse et de pacification des rapports entre époux.
Ainsi, la procédure est-elle toujours commune :
- au divorce accepté
- au divorce pour altération définitive du lien conjugal
- au divorce pour faute.
L’unité procédurale des divorces contentieux permet aux parties de modifier en cours de procédure le fondement de leur demande, par le jeu des « passerelles » qui sont prévues aux articles 247 à 247-2 du Code civil.
Limitées en 1975 pour éviter les stratégies, une personne « tentant d’abord sa chance » en fondant sa demande sur la faute de son conjoint avant de se « rabattre » sur un autre cas de divorce, ces passerelles permettent au conjoint de former plus facilement une demande de divorce accepté puisque le choix du fondement ne se fera plus au stade de la requête initiale mais de l’assignation, après que la conciliation ait pu permettre de « sonder les intentions de l’autre conjoint ».
En outre, l’institution d’un tronc commun est un facteur de pacification puisque ce n’est qu’au stade de l’assignation que sera déterminé le cas de divorce invoqué.
Si donc, la procédure applicable aux divorces contentieux est toujours régie par des règles communes, son déroulement a, quant à lui, fortement été modifié.
Sous l’empire du droit antérieur, la procédure de divorce comportait deux phases bien distinctes :
- La phase de conciliation
- L’instance en divorce
La loi du 23 mars 2019 a donc supprimé la première phase, de sorte que, aujourd’hui, la procédure de divorce ne comporte plus qu’une seule phase : l’instance en divorce.
Cette instance en divorce se compose de plusieurs étapes au nombre desquelles figurent :
- La demande en divorce
- L’audience d’orientation et sur les mesures provisoires
- Le jugement
La procédure applicable aux divorces contentieux est régie désormais par les articles 251 à 259-3 du Code civil, ainsi que par les articles 1106 à 1128 du Code de procédure civile.
Nous nous focaliserons ici sur la décision de divorce.
La décision de divorce, prononcée par le juge aux affaires familiales (JAF), encadre la dissolution du mariage et fixe les mesures relatives aux enfants, aux époux et à leur patrimoine. La réforme de 2019 a apporté quelques ajustements à la procédure de divorce contentieux, en particulier concernant la liquidation des biens et les effets patrimoniaux du divorce. Voici les principales règles régissant le contenu du jugement et ses effets.
A) La décision faisant droit à la demande de divorce
1. Le contenu du jugement de divorce
Le jugement de divorce doit comporter plusieurs éléments essentiels :
- La dissolution du mariage
- Le jugement prononce officiellement le divorce, mettant fin au lien matrimonial.
- Chaque époux est désormais libre de se remarier.
- Les motifs du divorce
- Dans le cadre de la procédure de divorce réformée par la loi du 23 mars 2019, le juge aux affaires familiales (JAF) n’a plus systématiquement l’obligation de se prononcer sur les motifs du divorce, sauf en cas de divorce pour faute.
- Selon les règles posées par les articles 242 et suivants du Code civil, le divorce pour faute implique que l’un des époux invoque des manquements graves ou répétés aux devoirs et obligations du mariage (comme le respect ou la fidélité), rendant intolérable le maintien de la vie commune. Dans ce cas précis, le juge doit examiner les griefs invoqués par les parties, et se prononcer explicitement sur la responsabilité de l’un ou des deux époux dans la rupture du mariage.
- Pour les autres cas de divorce, tels que le divorce accepté ou le divorce pour altération définitive du lien conjugal, le juge n’a pas à examiner les motifs profonds de la rupture, mais doit simplement vérifier les conditions légales.
- Dans ces cas, les époux peuvent accepter la rupture du mariage sans que les détails de leurs conflits ne soient exposés en audience.
- Les mesures relatives aux enfants
- Le juge fixe les modalités de l’exercice de l’autorité parentale (article 373-2-11 du Code civil), la résidence habituelle des enfants, les droits de visite et d’hébergement, ainsi que la pension alimentaire.
- Ces mesures visent à garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
- La prestation compensatoire
- Si l’un des époux subit un déséquilibre dans ses conditions de vie en raison du divorce, le juge peut accorder une prestation compensatoire, conformément à l’article 270 du Code civil.
- Liquidation des intérêts patrimoniaux
- Le juge peut se prononcer sur la liquidation du régime matrimonial, s’il est possible de procéder à celle-ci immédiatement.
- L’article 267, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que le juge statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, s’il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties
2. La date des effets patrimoniaux du divorce
Avant la réforme de 2019, la liquidation des intérêts patrimoniaux était fixée à la date de l’ordonnance de non-conciliation (ONC), marquant le début de la procédure.
Toutefois, avec la suppression de cette phase par la réforme de 2019, l’article 262-1 du Code civil prévoit désormais que la date de dissolution du régime matrimonial correspond à la date de la demande en divorce (assignation ou requête conjointe).
Cela permet à l’époux demandeur de maîtriser stratégiquement cette date, en fonction de ses intérêts patrimoniaux.
Cependant, il est toujours possible pour les époux de demander au juge de reporter la date de dissolution du régime matrimonial si des circonstances particulières le justifient. De plus, les époux peuvent convenir ensemble, dans une convention, de fixer une autre date pour les effets patrimoniaux du divorce (article 265-2 du Code civil).
3. Gratuité de la jouissance du logement familial
Avant la réforme, la jouissance gratuite du logement familial par un des époux prenait fin à la date de l’ONC. Désormais, cette période s’achève à la date de la demande en divorce.
Si un époux souhaite prolonger cette jouissance à titre gratuit, il doit le demander dans le cadre des mesures provisoires conformément à l’article 255, 4° du Code civil.
Si aucune demande n’est formulée, le juge peut fixer une jouissance à titre onéreux, mais cette mesure n’est pas considérée comme une mesure provisoire.
4. Les dépens et les frais d’instance
Les frais de procédure (dépens), tels que les frais d’huissier, les frais d’expertise ou les honoraires des avocats, sont en principe mis à la charge de la partie perdante, en application du Code de procédure civile (articles 695 et suivants). Cependant, le juge peut répartir ces frais entre les époux en fonction de leurs situations économiques et des circonstances de l’affaire.
Le juge peut aussi ordonner le versement d’une provision pour frais d’instance (article 255 du Code civil) par un époux en faveur de l’autre, notamment si ce dernier est en difficulté financière et a besoin de couvrir les frais de justice.
5. Les voies de recours contre le jugement de divorce
a. Appel
==>Recevabilité de l’appel
La décision de divorce, qu’elle prononce le divorce ou rejette la demande, est susceptible d’appel. Ce recours est ouvert conformément à l’article 546 du Code de procédure civile. L’appel peut être formé par l’un des époux lorsque la décision du juge ne lui a pas donné entière satisfaction.
Toutefois, si les parties acquiescent au jugement, l’appel devient irrecevable. L’acquiescement peut être exprès ou tacite, résultant d’actes manifestant clairement l’acceptation de la décision.
En cas d’acquiescement partiel, l’appel demeure possible sur certains aspects du jugement, notamment sur les mesures relatives aux enfants ou aux biens, même si l’époux a renoncé à contester le principe de la rupture.
==>Délai d’appel
Le délai d’appel en matière de divorce est d’un mois à compter de la signification du jugement (article 538 du Code de procédure civile). L’expiration de ce délai rend l’appel irrecevable. En cas de non-respect du délai, le juge d’appel doit soulever d’office cette irrecevabilité.
==>Effets de l’appel
En principe, l’appel produit un effet suspensif sur l’exécution du jugement, ce qui signifie que les mesures contenues dans la décision de première instance ne peuvent pas être mises à exécution tant que l’appel n’a pas été jugé. Ce principe vise à protéger les intérêts de la partie appelante en évitant qu’elle ne subisse les conséquences d’une décision qu’elle conteste.
Toutefois, certaines décisions sont exécutoires de droit à titre provisoire, et continuent de s’appliquer malgré l’appel. Cela inclut notamment les mesures provisoires relatives à la pension alimentaire, à la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, ainsi que les mesures prises en vertu de l’article 255 du Code civil. Ces mesures sont prises dans l’intérêt des enfants et du conjoint économiquement plus faible et sont donc immédiatement applicables.
Enfin, le défaut de contestation en première instance d’une demande de divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal ne prive pas le défendeur de la possibilité de contester la décision en appel. En vertu de l’article 562 du Code de procédure civile, la cour d’appel peut statuer sur l’ensemble du litige, y compris sur des points qui n’auraient pas été contestés devant le tribunal de première instance.
==>Demandes nouvelles et moyens nouveaux
En appel, les parties sont autorisées à invoquer des moyens nouveaux pour justifier leurs prétentions. Cela signifie qu’elles peuvent introduire de nouveaux arguments juridiques ou factuels, ou encore produire de nouvelles pièces qui n’auraient pas été présentées devant le juge de première instance (article 563 du Code de procédure civile). Ces moyens nouveaux permettent à la cour d’appel de réexaminer le litige dans toute sa complexité et de se prononcer en tenant compte des évolutions possibles de la situation des parties.
Cependant, les demandes nouvelles sont en principe prohibées par l’article 564 du Code de procédure civile. Une demande nouvelle est une demande qui n’a pas été formulée en première instance. Toutefois, la loi prévoit des exceptions à cette interdiction : les demandes nouvelles sont recevables si elles sont l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes initiales. Par exemple, une demande de prestation compensatoire ou de pension alimentaire, qui n’aurait pas été formulée en première instance, peut être introduite en appel si elle est liée au divorce lui-même.
==>Effet dévolutif de l’appel
L’article 562 du Code de procédure civile précise que l’appel a un effet dévolutif, c’est-à-dire qu’il transfère à la cour d’appel la connaissance des chefs du jugement critiqués et de ceux qui en dépendent. La cour d’appel est donc saisie des points du jugement contestés par l’appelant, ainsi que des éléments qui leur sont liés.
En cas d’appel général, c’est-à-dire si l’appel n’est pas limité à certains chefs du jugement, la cour d’appel est saisie de l’ensemble du litige et peut réexaminer tous les aspects de la décision de première instance. Elle peut donc revoir tant les motifs du divorce que les conséquences financières et patrimoniales, ainsi que les mesures relatives aux enfants.
b. Pourvoi en cassation
Conformément à l’article 795 du Code de procédure civile, les décisions de divorce peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
Toutefois, en matière de divorce, le pourvoi en cassation a un effet suspensif, empêchant le divorce de prendre force de chose jugée tant que la Cour de cassation n’a pas statué (article 1086 du Code de procédure civile).
Cette règle s’applique uniquement au prononcé du divorce. Les mesures accessoires, telles que les pensions alimentaires ou les modalités d’exercice de l’autorité parentale, restent exécutoires même pendant l’instance en cassation (article 1087 du Code de procédure civile).
c. Autres voies de recours
==>Tierce opposition
La tierce opposition est en principe irrecevable contre une décision de divorce, sauf si elle est formée par un créancier qui cherche à faire déclarer la convention homologuée inopposable (article 1104 du Code de procédure civile). La jurisprudence limite cette voie de recours aux aspects patrimoniaux.
==>Recours en révision
Le recours en révision, fondé sur des éléments nouveaux ou des fraudes, est ouvert dans certaines conditions (article 595 du Code de procédure civile). En matière de divorce, ce recours est admis notamment lorsque l’un des époux découvre des éléments déterminants, comme la dissimulation de biens ou de revenus lors de la procédure initiale.
6. Autorité de la chose jugée
Le jugement de divorce, une fois définitif, acquiert l’autorité de la chose jugée, une notion fondamentale du droit français consacrée à l’article 1355 du Code civil. Cela signifie que le litige tranché par le juge, notamment la dissolution du mariage et les mesures qui en découlent, ne peut plus être remis en cause. Les parties ne peuvent donc pas revenir sur la décision relative à la rupture du lien matrimonial, à la garde des enfants, à la prestation compensatoire ou à la liquidation des biens, sauf en présence de faits nouveaux justifiant une révision de certaines mesures. Cette règle vise à garantir la stabilité et la sécurité juridique des décisions judiciaires, en évitant la réouverture de litiges déjà tranchés.
Une fois que le jugement de divorce devient définitif, il produit des effets sur différents aspects, notamment :
- La dissolution du mariage
- Les mesures relatives aux enfants
- La prestation compensatoire
- La liquidation du régime matrimonial
Malgré l’autorité de la chose jugée qui s’attache au jugement de divorce, certaines décisions peuvent être révisées si des faits nouveaux surviennent. Ces révisions concernent notamment :
- Les mesures relatives aux enfants : comme mentionné plus haut, les dispositions relatives à la garde des enfants et à la pension alimentaire peuvent être modifiées si l’intérêt de l’enfant ou des changements significatifs dans la situation des parents le justifient (article 373-2-13 du Code civil).
- La prestation compensatoire sous forme de rente : si la situation financière de l’un des ex-époux évolue, une modification de la rente peut être demandée, notamment en cas de dégradation ou d’amélioration des revenus de l’un des conjoints (article 276-3 du Code civil).
- La liquidation des intérêts patrimoniaux : tant que la liquidation des biens n’est pas définitive, des demandes d’ajustement peuvent être faites, par exemple en cas de découvertes d’avoirs non déclarés ou d’omissions dans le partage des biens.
Les mesures provisoires prononcées pendant la procédure de divorce, sur le fondement de l’article 255 du Code civil, deviennent caduques dès que le jugement de divorce acquiert force de chose jugée. Ces mesures sont généralement limitées à la durée de l’instance et cessent de produire effet une fois que le divorce est définitif, sauf si elles sont reprises sous forme de mesures définitives dans le jugement. Toutefois, si la demande de divorce est rejetée, les mesures provisoires peuvent être annulées ou converties en mesures relatives aux obligations conjugales, comme la contribution aux charges du mariage (article 214 du Code civil).
7. Exécution provisoire des mesures relatives aux enfants
Les mesures relatives aux enfants occupent une place centrale dans les décisions de divorce, car elles visent à garantir leur bien-être et à protéger leurs intérêts, même pendant le déroulement de la procédure.
C’est pourquoi certaines mesures, telles que l’exercice de l’autorité parentale, la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, ainsi que les pensions alimentaires, sont assorties d’une exécution provisoire de droit. Cela signifie qu’elles sont immédiatement applicables, même en cas de recours en appel ou en cassation, et ce, afin de préserver la continuité de la prise en charge des enfants.
Cette exécution provisoire des mesures concernant les enfants est prévue par l’article 1074-1 du Code de procédure civile, qui prévoit expressément que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, à la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, ainsi que celles portant sur les pensions alimentaires, sont exécutoires de droit à titre provisoire. Cela signifie que dès leur prononcé, ces mesures doivent être appliquées, sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’autorisation d’exécution provisoire auprès du juge.
Cette règle de l’exécution provisoire s’applique indépendamment des recours formés contre le jugement, qu’il s’agisse d’un appel ou d’un pourvoi en cassation. L’objectif est de garantir que les enfants continuent à bénéficier des ressources nécessaires à leur entretien et à leur éducation, sans interruption, et que les parents respectent leurs obligations parentales sans que les procédures de recours n’aient un effet dilatoire.
Les principales mesures relatives aux enfants, qui bénéficient de cette exécution provisoire, incluent :
- L’exercice de l’autorité parentale : cela concerne l’organisation des droits et devoirs des parents envers leurs enfants, notamment les modalités de garde, la résidence habituelle des enfants, ainsi que les droits de visite et d’hébergement. Les décisions relatives à l’autorité parentale, en application des articles 373-2 et suivants du Code civil, sont immédiatement applicables pour garantir la stabilité de la vie des enfants.
- La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants : cette mesure, souvent fixée sous forme de pension alimentaire, vise à répartir équitablement entre les parents les charges financières liées aux besoins des enfants, comme prévu à l’article 373-2-2 du Code civil. La pension alimentaire doit continuer d’être versée sans interruption, même en cas de recours contre la décision de divorce, pour éviter toute rupture de la prise en charge matérielle des enfants.
- Les autres mesures éducatives et d’accompagnement des enfants : en plus de la pension alimentaire, le juge peut statuer sur des questions spécifiques liées à l’éducation des enfants, telles que le choix de l’établissement scolaire, les décisions médicales importantes, ou encore les frais exceptionnels. Ces mesures sont également exécutoires de droit à titre provisoire, et leur application ne peut être suspendue par un recours.
L’exécution provisoire de ces mesures reflète la priorité accordée par le législateur aux intérêts des enfants dans les procédures de divorce. Cette règle permet d’éviter les situations où les enfants seraient pénalisés par des délais procéduraux, par exemple, en cas de litige sur la garde ou en raison du non-paiement de la pension alimentaire pendant que les recours sont examinés.
Cette protection s’inscrit dans une vision plus large de l’intérêt supérieur de l’enfant, principe fondamental inscrit à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant, et réaffirmé dans la jurisprudence nationale et internationale. Ainsi, le bien-être des enfants ne doit jamais être compromis par des procédures longues ou conflictuelles entre les parents.
Bien que l’exécution provisoire soit la règle pour les mesures relatives aux enfants, il est possible de demander la suspension de cette exécution provisoire, mais cela est soumis à des conditions très strictes.
En effet, l’article 524 du Code de procédure civile permet de saisir le premier président de la cour d’appel pour faire cesser l’exécution provisoire en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Cependant, ces situations restent exceptionnelles et doivent être justifiées par des circonstances particulières.
8. La liquidation des intérêts patrimoniaux
Depuis l’ordonnance du 15 octobre 2015 (Ord. no 2015-1288), le cadre juridique de la liquidation du régime matrimonial des époux en instance de divorce a été profondément réformé, conférant des pouvoirs élargis au juge du divorce en matière de partage et de liquidation des biens communs ou indivis. Cette réforme vise à simplifier et moderniser la procédure, tout en offrant un cadre plus flexible pour résoudre les désaccords patrimoniaux des époux.
==>Les compétences du juge en matière de liquidation
L’article 267 du Code civil, modifié par l’ordonnance de 2015, prévoit que le juge peut statuer sur la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux lorsqu’il est démontré que des désaccords subsistent entre eux.
Ces désaccords doivent être justifiés par tous moyens, y compris la production d’une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire ou un projet établi par un notaire désigné en application de l’article 255, 10° du Code civil.
Dans cette optique, le juge dispose d’une grande latitude pour trancher les conflits patrimoniaux non résolus, notamment en statuant sur :
- Le maintien dans l’indivision : le juge peut ordonner le maintien de certains biens en indivision, à la demande de l’un des époux, en particulier pour des biens communs ou indivis, tels que le logement familial ou des biens à usage professionnel.
- L’attribution préférentielle : certains biens peuvent être attribués à un époux de manière préférentielle, notamment lorsque cela concerne un bien à usage professionnel ou le logement familial.
- L’avance sur part de communauté ou de biens indivis : le juge peut, en fonction des circonstances, ordonner le versement d’une avance à l’un des époux sur sa part de la communauté ou sur des biens indivis.
Ces pouvoirs étendus permettent au juge d’agir en vue de résoudre efficacement les différends patrimoniaux, tout en respectant les droits des parties.
==>Le rôle du notaire dans la procédure de liquidation
L’article 255, 10° du Code civil permet au juge de désigner un notaire chargé de préparer le projet de liquidation.
Le notaire joue un rôle clé dans cette phase, notamment en établissant un inventaire des biens et en formulant un projet de partage qui servira de base aux discussions et à la décision judiciaire. Le notaire est chargé de clarifier les points de désaccord entre les époux, ce qui facilite l’intervention du juge.
Cependant, les réformes de 2019 ont supprimé l’ordonnance de non-conciliation (ONC), ce qui a entraîné un raccourcissement significatif de la durée de la procédure de divorce.
Dès lors, les mesures provisoires sont prises dès le début de l’instance, ce qui peut réduire le temps à disposition des notaires pour accomplir leur mission. Cette situation a suscité des inquiétudes chez certains praticiens quant à la capacité des notaires à mener à bien leurs expertises dans des délais plus restreints.
==>Conditions de la liquidation et intervention d’office du juge
L’article 267 du Code civil encadre l’intervention du juge dans la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux en instance de divorce. Cette intervention est soumise à plusieurs conditions spécifiques visant à garantir que le juge dispose d’éléments suffisamment clairs et précis pour trancher les différends entre les époux.
Pour que le juge puisse intervenir, les époux doivent d’abord justifier l’existence de désaccords patrimoniaux. Cela se fait en fournissant des documents permettant d’identifier clairement les points de blocage.
En pratique, les parties doivent produire :
- D’une part, une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire, dans laquelle les époux reconnaissent l’impossibilité d’un accord amiable et précisent les points sur lesquels ils divergent ;
- D’autre part, un projet de partage établi par un notaire, lorsque celui-ci a été désigné par le juge sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil. Ce document permet de clarifier les points de désaccord relatifs à la liquidation du régime matrimonial, notamment sur la répartition des biens communs ou indivis.
Ces éléments sont indispensables pour que le juge puisse statuer efficacement. En leur absence, le juge risque de ne pas pouvoir évaluer correctement les positions respectives des parties, rendant difficile toute décision relative à la liquidation des biens.
Le dernier alinéa de l’article 267 du Code civil confère au juge une prérogative importante : il peut statuer d’office sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux, même si les parties ne l’ont pas explicitement demandé. Ce pouvoir d’intervention est particulièrement utile dans plusieurs situations :
Si les époux n’ont pas défini clairement le régime applicable à leur union, ou si des questions subsistent quant aux règles à appliquer pour la liquidation de leur patrimoine.
Lorsque les époux divergent sur la manière dont le régime matrimonial doit être interprété ou appliqué à leur situation, le juge peut intervenir de manière proactive pour clarifier les règles en vigueur et orienter la liquidation en conséquence.
Ce pouvoir d’office permet au juge de résoudre des difficultés juridiques complexes qui pourraient entraver la liquidation du régime matrimonial. Il garantit ainsi que les règles patrimoniales applicables aux époux soient correctement identifiées et appliquées, même lorsque les parties n’ont pas soulevé la question elles-mêmes.
B) La décision rejetant la demande de divorce
Lorsque le juge rejette une demande en divorce, cela signifie que les conditions légales pour prononcer la dissolution du mariage ne sont pas réunies. Le rejet peut survenir si le juge considère que les motifs avancés par le demandeur ne sont pas suffisamment fondés en droit ou en fait. Par conséquent, le mariage demeure intact, et les époux conservent leurs droits et obligations réciproques, notamment en ce qui concerne le devoir de secours, la cohabitation, ainsi que la gestion des biens communs.
Le jugement de rejet peut avoir lieu dans le cadre de différentes procédures, qu’il s’agisse du divorce pour faute (article 242 du Code civil), du divorce pour altération définitive du lien conjugal (article 237 du Code civil) ou même du divorce accepté (article 233 du Code civil) si les conditions légales ne sont pas satisfaites.
Ce rejet entraîne plusieurs conséquences juridiques qu’il est nécessaire d’examiner en détail.
Le jugement de rejet du divorce produit un effet d’autorité de la chose jugée, ce qui empêche les parties de soumettre une nouvelle demande en divorce fondée sur les mêmes faits et pour le même motif. L’article 1355 du Code civil, qui consacre l’autorité de la chose jugée, interdit toute réitération d’une action en justice fondée sur la même cause, ayant le même objet et entre les mêmes parties.
Cela signifie que, pour reformuler une demande en divorce, l’époux demandeur doit justifier de faits nouveaux, survenus postérieurement à la première décision, modifiant la situation matrimoniale. En l’absence de ces faits nouveaux, toute nouvelle tentative de demande de divorce sur les mêmes fondements serait jugée irrecevable.
Dans ce cadre, les décisions de rejet empêchent également une nouvelle demande fondée sur le même motif de divorce si aucun fait nouveau ne vient corroborer le changement de situation invoqué.
Ce principe a été affirmé à plusieurs reprises par la jurisprudence, notamment dans des affaires où des époux avaient tenté de reformuler une demande pour faute sans que de nouveaux éléments ne soient apportés.
Bien que l’autorité de la chose jugée empêche la formulation d’une nouvelle demande en divorce sur le même fondement, il reste possible de former une nouvelle demande sur un autre motif de divorce.
L’article 1077 du Code de procédure civile précise en effet qu’un époux ne peut substituer un motif de divorce à un autre en cours d’instance, à moins que cela ne soit autorisé par les passerelles prévues aux articles 247 à 247-2 du Code civil. Toutefois, rien n’interdit de reformuler une demande ultérieure fondée sur un autre motif après le rejet d’une première requête.
Par exemple, si un époux a vu sa demande rejetée pour faute, il pourrait ultérieurement demander le divorce pour altération définitive du lien conjugal s’il justifie d’une séparation d’au moins un an (article 238 du Code civil).
Cette possibilité reste ouverte même après un rejet de la première demande en divorce, car les deux fondements sont distincts. Il pourrait également être envisagé de recourir au divorce accepté, dans l’hypothèse où les deux époux parviennent finalement à un accord sur le principe de la rupture (article 233 du Code civil).
Lorsque le juge rejette la demande en divorce, les mesures provisoires qui avaient pu être ordonnées pendant la procédure deviennent caduques.
Ces mesures, prises sur le fondement de l’article 255 du Code civil (par exemple, la fixation de la résidence des enfants, la pension alimentaire, ou encore l’attribution provisoire du logement familial), sont destinées à organiser temporairement la situation des époux et des enfants pendant l’instance.
Dès lors que le divorce n’est pas prononcé, ces mesures sont annulées ou, dans certains cas, converties en mesures relatives aux obligations matrimoniales, telles que la contribution aux charges du mariage prévue à l’article 214 du Code civil.
Cependant, dans certaines situations, le juge peut être amené à maintenir certaines dispositions si elles répondent à des besoins urgents et essentiels, comme l’entretien des enfants ou le devoir de secours, en attendant une éventuelle nouvelle procédure ou en cas de maintien de la séparation des époux sans divorce.
Le rejet d’une demande en divorce est une décision susceptible d’appel, tout comme le jugement qui prononce le divorce.
L’époux demandeur peut donc contester cette décision devant la cour d’appel, qui réexaminera l’ensemble du dossier, tant sur les faits que sur les questions de droit. L’appel doit être formé dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement de rejet (article 538 du Code de procédure civile).
La procédure d’appel offre ainsi à l’époux demandeur une nouvelle opportunité de défendre sa demande et de convaincre la juridiction supérieure que les éléments présentés justifient le prononcé du divorce.
En appel, il est également possible d’invoquer de nouveaux moyens ou de nouvelles preuves pour justifier de l’existence des fautes ou de la séparation, si de tels éléments sont apparus après le jugement de première instance (article 563 du Code de procédure civile).
En outre, la décision de rejet peut également faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les conditions prévues par le droit commun. Le pourvoi permet de contester la décision d’appel sur des questions de droit, notamment si le demandeur estime que le tribunal ou la cour d’appel a mal interprété ou appliqué la loi.
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