L’indivision est la situation juridique dans laquelle se trouvent plusieurs personnes (les coïndivisaires) qui sont propriétaires ensemble d’un même bien, chacune ayant des droits égaux sur la totalité du bien, sans qu’il y ait division matérielle de celui-ci.
Il est plusieurs circonstances susceptibles de conduire à une situation d’indivision. Ces circonstances peuvent être voulues ou subies.
Nous nous limiterons, dans les développements qui suivent, à aborder les principales sources de l’indivision.
§1: L’indivision résultant de l’ouverture d’une succession
Lorsqu’une personne décède et laisse derrière elle plusieurs héritiers, ces derniers sont immédiatement investis de droits concurrents, de même nature, sur un ou plusieurs bien ayant appartenu au défunt.
C’est alors que se crée entre eux, dès l’ouverture de la succession, une situation d’indivision.
Il peut être observé que l’indivision successorale peut résulter :
- D’une part, de la loi qui, en l’absence de disposition testamentaire, désigne les personnes ayant vocation à hériter du de cujus et détermine leurs droits dans la succession
- D’autre part, d’une disposition testamentaire qui peut instituer plusieurs personnes comme légataires d’un même bien ou d’un même ensemble de biens
- Enfin, d’une donation qui serait consentie à plusieurs personnes et qui porterait là encore sur un même bien ou sur un même ensemble de biens
Dans ces trois cas, il est nécessaire de régir les rapports entre successeurs lesquels sont titulaires de droits concurrents ayant un objet identique, alors même qu’ils sont susceptibles d’avoir des intérêts divergents, voire opposés.
C’est là tout l’enjeu, sinon la raison d’être de l’indivision : assurer la coexistence des droits et intérêts de chacun.
§2: L’indivision résultant de la dissolution d’une communauté matrimoniale
Lorsque deux personnes se marient et optent pour un régime dit communautaire (par exemple le régime légal), les biens qu’elles acquièrent – ensemble ou séparément – et certains biens qu’elles apportent, viennent abonder ce que l’on appelle une communauté.
Cette communauté présente la particularité de consister en une masse de biens distincte de celles composées de biens appartenant en propre aux époux.
D’aucuns se sont demandé si, compte tenu de cette particularité, la communauté ne s’analyserait pas, au fond, en une forme d’indivision. Bien que séduisante, cette thèse n’est toutefois pas sans faille.
Tout d’abord, l’indivision se caractérise par sa nature temporaire ; elle n’a pas vocation à durer dans le temps. Tel n’est pas le cas de la communauté qui ne prend fin que dans les cas limitativement énumérés par la loi.
Ensuite, l’indivision constitue un ensemble de biens inorganisé, en ce sens qu’il n’est ni de répartition, ni d’aménagement des pouvoirs entre les indivisaires, puisque, pour la très grande majorité des actes de gestion du bien indivis, c’est la règle de l’unanimité qui préside à la prise de décision.
S’agissant, tout au contraire, des biens composant la communauté conjugale, les pouvoirs d’administration et de gestion des époux sont définis avec précision par la loi.
Selon la nature du bien concerné et la gravité de l’opération en cause, les pouvoirs dont sont investis les époux sur les biens communs diffèrent. Tantôt la loi admet une gestion concurrente, tantôt elle exige une gestion conjointe. Il est encore des cas où elle instaure un principe de gestion exclusive.
S’il est indéniable que la communauté conjugale et l’indivision sont deux institutions qui, en raison de leurs caractéristiques, sont proches, elles ne se confondent pas.
C’est ainsi que la Cour de cassation a refusé d’appliquer les règles relatives aux récompenses pour un bien acquis en indivision avant le mariage des époux, puisque n’ayant pas le caractère de bien commun (Cass. 1ère civ. 22 juill. 1985, n°84-14.173).
Par cette décision, la Première chambre civile refuse d’assimiler un bien indivis à un bien commun. C’est là la preuve qu’ils obéissent à des régimes juridiques distincts, à tout le moins aussi longtemps que la communauté perdure. Car lorsque celle-ci prend fin, les biens communs tombent en indivision.
Pour mémoire, il est plusieurs événements susceptibles de mettre fin à l’existence de la communauté. L’article 1441 du Code civil prévoit en ce sens que La communauté se dissout :
- par la mort de l’un des époux ;
- par l’absence déclarée ;
- par le divorce ;
- par la séparation de corps ;
- par la séparation de biens ;
- par le changement du régime matrimonial.
Aussi, lorsque la communauté prend fin, indépendamment de la répartition des biens qui la composent, se pose la question des règles organisant la gestion de ces biens dans l’attente du dénouement des opérations de partage.
Spontanément, il apparaît que l’institution qui serait la plus à même de fournir des règles de gestion temporaire des biens issus d’une communauté conjugale dissoute n’est autre que l’indivision.
Ce mécanisme juridique a, en effet, été précisément pensé pour encadrer la situation de biens se trouvant dans un état transitoire. Sans grande surprise, c’est cette solution qui a été retenue par le législateur.
Ainsi, résulte-t-il de la dissolution d’une communauté conjugale, pour quelle que cause que ce soit, la constitution d’une indivision post-communautaire.
Les biens qui, dès lors, composaient la masse commune se transforment, sous l’effet de la dissolution de la communauté, en biens indivis. La conséquence en est un changement des règles applicables.
Tandis que les biens communs sont soumis au droit des régimes matrimoniaux, et plus précisément aux règles qui régissent la communauté conjugale, les biens indivis obéissent quant à eux au droit commun de l’indivision.
À compter du jour de la dissolution de la communauté, ce sont donc les articles 815 et suivants du Code civil qui s’appliquent aux biens relevant de l’indivision post-communautaire.
§3: L’indivision résultant de l’adoption d’un régime matrimonial séparatiste
Lorsque deux personnes se marient, elles peuvent choisir d’opter pour un régime matrimonial séparatiste plutôt que pour le régime de la communauté réduite aux acquêts.
Les régimes séparatistes se caractérisent par l’absence de création d’une masse commune de biens qui serait alimentée par les biens présents et futurs acquis par les époux.
Aussi, ces derniers conservent-ils, en principe, la propriété en propre de tous les biens qu’ils ont apportés ou qu’ils acquièrent au cours du mariage.
La vie conjugale implique toutefois que les époux mettent en commun les biens qu’ils acquièrent séparément.
Sous l’effet du temps, les biens, en particulier les meubles, qui leur appartiennent en propre sont alors susceptibles de se confondre avec ceux qui appartiennent au conjoint et réciproquement.
Cette situation est, par hypothèse, de nature à rendre pour le moins difficile l’attribution à l’un et l’autre époux de la propriété des biens qui ont été confondus.
Aussi, afin de faciliter la preuve de la propriété de ces biens, le législateur a institué une règle qui, lorsqu’existe une incertitude sur la propriété d’un bien, fait présumer ce bien appartenir aux époux en indivision.
I) Présomption d’indivision
Issu de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965, l’article 1538 du Code civil prévoit que « les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ».
Par le jeu de cette présomption est ainsi instituée une masse indivise de biens qui, à certains égards, se rapproche de la masse commune instituée sous les régimes communautaires.
Elle s’en distingue néanmoins en ce que les biens qui la composent sont soumis au seul droit de l’indivision.
Il en résulte que le sort de cette masse indivise n’est pas lié à la durée du mariage. Plus précisément, cette masse peut cesser d’exister avant la dissolution du mariage, ce qui n’est pas le cas de la communauté qui est instituée pour toute la durée de l’union matrimoniale.
À l’analyse, la présomption d’indivision est un dispositif qui permet d’atténuer le principe de séparation des patrimoines qui préside au régime de la séparation de biens.
Comme observé par Gulsen Yildirimn elle « permet d’introduire un facteur d’équité dans l’établissement de la composition des patrimoines des époux. »
D’autres auteurs soulignent qu’« il est significatif de voir ainsi s’établir une union des intérêts pécuniaires, subrepticement en quelque sorte, et à la faveur d’une absence de preuve. Cela autorise à penser qu’une certaine communauté de meubles est peut-être, elle aussi, dans la nature des choses »[1].
S’agissant des effets de cette présomption, elle conduira les époux à se partager le bien lors de la dissolution du mariage.
Le partage donnera lieu à réparation du bien en deux parts égales, celui-ci étant présumé appartenir conjointement aux époux pour moitié.
Il peut être observé que la présomption d’indivision instituée à l’article 1538 du Code civil n’est pas sans limite. Elle peut être combattue par la preuve contraire.
II) Preuve de la propriété
==>La charge de la preuve
En l’absence de présomption conventionnelle de propriété, la charge de la preuve pèse sur l’époux qui revendique la propriété d’un bien.
L’article 1538, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « tant à l’égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu’il a la propriété exclusive d’un bien. »
Il peut être observé que si la règle énoncée par cette disposition ne vise que le cas où celui qui se prévaut de la propriété d’un bien est un époux, elle s’applique également à l’hypothèse où c’est un tiers qui cherchera à attribuer la propriété d’un bien à l’un ou l’autre époux.
Il y aura notamment intérêt lorsqu’il voudra exercer des poursuites sur ce bien, au titre d’une créance qu’il détient contre son débiteur.
==>Objet de la preuve
La preuve de la propriété n’est pas des plus aisée à rapporter. Pour y parvenir, il convient, en effet, d’établir irréfutablement la légitimité du rapport d’appropriation d’un bien. Or cela suppose d’être en mesure de remonter la chaîne des transferts successifs de propriété jusqu’au premier propriétaire, ce qui, a priori, est impossible.
D’où la présentation de la preuve de la propriété comme la « probatio diabolica », car seul le diable serait en capacité de la rapporter.
Quoi qu’il en soit, cette preuve doit être rapportée par l’époux qui revendique la propriété d’un bien, faute de quoi, conformément au troisième alinéa de l’article 1538 du Code civil, le bien revendiqué sera réputé appartenir indivisément à chacun des époux pour moitié.
Cette preuve de la propriété est-elle insurmontable ? Il n’en est rien. Comme observé par le Professeur Revêt « la propriété se prouve par sa cause : l’acquisition ».
Aussi, la propriété d’un bien se prouvera différemment selon le mode d’acquisition de ce bien. Il convient, en particulier, de distinguer les modes d’acquisition originaires, des modes d’acquisition dérivés.
- L’acquisition originaire
- Il s’agit du mode d’acquisition qui confère à l’acquéreur un droit de propriété qu’il ne tient pas d’autrui
- Le droit dont il est titulaire n’a été exercé par personne et résulte d’un fait juridique.
- Tel est le cas de l’occupation, de la prescription, de la présomption de propriété ou encore de l’accession
- Dans cette configuration, l’acquisition de la propriété n’exige pas que l’acquéreur noue un rapport juridique avec une autre personne.
- L’acquisition n’intéresse que lui et la chose
- La preuve de la propriété consistera donc ici à établir les circonstances de création de ce lien entre le propriétaire et la chose
- En cas d’acquisition d’un bien par occupation, il s’agira de démontrer l’entrée en possession de la chose et la volonté d’en être le propriétaire
- En cas d’acquisition par prescription, il s’agira de démontrer que la possession est caractérisée, tant dans ses éléments constitutifs, que dans ses caractères.
- En cas d’acquisition par accession, il conviendra de rapporter la preuve du fait d’accroissement ou de production.
- L’acquisition dérivée
- Il s’agit du mode d’acquisition qui confère à l’acquéreur un droit de propriété par voie de transfert du droit
- Autrement dit, le bien appartenait, avant le transfert de sa propriété, à une autre personne, de sorte que l’acquéreur détient son droit d’autrui.
- Ce mode d’acquisition de la propriété procède toujours de l’accomplissement d’un acte juridique, tels qu’un contrat, un échange, un testament, une donation etc.
- Dans cette configuration, un rapport juridique doit nécessairement se créer pour que l’acquisition emporte transfert de la propriété
- La preuve de la propriété consistera ici à établir l’existence d’un transfert de propriété et plus précisément à remonter le fil des transmissions, ce qui ne sera pas sans soulever des difficultés en matière mobilière.
==>Les modes de preuve
S’agissant des modes de preuves admis quant à établir la propriété d’un bien, l’article 1538 du Code civil prévoit que la preuve peut être rapportée « par tous moyens ».
Cela signifie que tous les modes de preuves sont admis. Est-ce à dire qu’ils se valent tous ? Il n’en est rien.
Le titre de propriété est, sans aucun doute, le mode de preuve qui est pourvu de la plus grande force probante.
Reste qu’il ne sera établi, en général, que pour les immeubles étant précisé que la jurisprudence considère que « sous le régime de la séparation de biens, le bien appartient à celui dont le titre établit la propriété sans égard à son financement » (Cass. 1ère civ. 31 mai 2005, n°02-20.553).
Autrement dit, il est indifférent que le bien ait été financé par un époux en particulier : le titre prime en tout état de cause sur la finance. C’est donc l’époux titulaire du titre qui endosse la qualité de propriétaire du bien.
S’agissant des meubles, cette question ne se posera pas, à tout le moins qu’à titre exceptionnel, dans la mesure il est rare qu’un titre de propriété soit établi lors de l’acquisition de cette catégorie de biens.
Parfois, les meubles acquis avant le mariage feront l’objet d’une énumération dans le contrat de mariage, ce qui permettra d’éviter que les époux se disputent la propriété de ces biens lors de la liquidation de leur régime matrimoniale.
Pour les meubles acquis au cours du mariage, sauf à ce qu’ils aient été expressément visés dans une donation ou un testament, la possession devrait constituer le mode normal de preuve de la propriété.
Reste que pour produire ses effets, elle doit présenter les caractères requis par l’article 2261 du Code civil qui prévoit que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »
Il ressort de cette disposition que pour être efficace, la possession ne doit être affectée d’aucun vice. Elle doit, autrement dit, être utile.
Par utile, il faut entendre susceptible de fonder une prescription acquisitive. On dit alors que la possession est utile ad usucapionem, soit par l’usucapion.
Si la situation des époux séparés de biens ne fait pas obstacle à la réunion des trois premiers caractères de la possession utile (continue, paisible et publique), il en va différemment de l’exigence tenant à l’absence d’équivoque.
Par hypothèse, les époux, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, partagent une communauté de vie, ce qui implique qu’ils mettent en commun leurs biens meubles.
Aussi, s’avérera-t-il délicat de déterminer si le possesseur détient la chose à titre exclusif ou si la possession est partagée.
Cette situation conduit, en pratique, à une confusion des biens meubles, ce qui est de nature à rendre la possession équivoque.
Compte tenu de la difficulté à établir l’absence d’équivoque de la possession pour les biens meules, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 7 novembre 1995, que « les règles de preuve de la propriété entre époux séparés de biens, édictées par l’article 1538 du Code civil, excluent l’application de l’article 2279 [nouvellement 2276] du même Code » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 1995, n°92-10.051).
Ainsi, pour la Première chambre civile, la règle énoncée à l’article 2276 du Code civil qui confère un titre de propriété à celui qui possède – de bonne foi – un meuble, est paralysée sous l’effet du régime de la séparation de biens.
Bien que vivement critiquée par les auteurs, cette position a été confirmée dans un arrêt du 27 novembre 2001 (Cass. 1ère civ. 27 nov. 2001, n°99-10.633).
Dans ces conditions, la preuve de la propriété devra se faire selon d’autres moyens, ce qui pourra consister à produire des témoignages et plus généralement toutes sortes d’indices.
Ces indices pourront notamment résulter de factures, bien qu’il ne s’agisse pas d’un écrit au sens du droit de la preuve.
Dans un arrêt du 10 mars 1993, la Cour de cassation a jugé en ce sens, au visa de l’article 1538 du Code civil, « qu’une facture, même non acquittée, est de nature à établir, sauf preuve contraire, l’acquisition d’un bien par celui au nom duquel elle est établie » (Cass. 1ère civ. 10 mars 1993, n°91-13.923).
Elle ajoute, dans cette même décision, « que la propriété d’un bien appartient à celui qui l’a acquis sans qu’il y ait lieu d’avoir égard à la façon dont l’acquisition a été financée ».
Les factures ne sont pas les seuls indices susceptibles de prouver la propriété d’un bien acquis par un époux séparé de biens. La jurisprudence a également admis que la preuve puisse être rapportée au moyen de certificats de garantie ou d’origine (CA Versailles 12 déc. 1988).
Pour les véhicules immatriculés, la preuve de leur propriété pourra résulter de la carte grise qui a été établie au nom d’un époux (CA Paris, 4 févr. 1982).
Si, en droit commun de la preuve, on n’accorde aux documents qui ne remplissent pas les conditions d’un écrit qu’une faible valeur probante, car ne prouvant, tout au plus, que le paiement par celui au nom duquel ils sont établis, à l’analyse, il en va différemment lorsque la preuve est rapportée dans le cadre matrimonial.
La jurisprudence reconnaît, en effet, aux indices que sont les factures, les certificats et autres documents contractuels, la valeur d’une présomption simple, en ce sens qu’ils permettent d’établir la propriété du bien jusqu’à la preuve contraire.
C’est là une certaine faveur qui est consentie aux époux séparés de bien pour lesquels le fardeau de la preuve se trouve ainsi allégé.
§4: L’indivision résultant de la dissolution d’une société
Tout comme les personnes physiques dont la vie prend fin par la mort, les sociétés ont également vocation à disparaître. Ce qui met fin à l’existence de ces dernières, c’est la dissolution.
Classiquement, on définit la dissolution comme l’acte juridique qui anéantit l’existence de la personne morale. Autrement dit, c’est le processus qui marque la cessation de l’activité de la société et la disparition de sa personnalité juridique. La dissolution peut en quelque sorte être regardée comme la « mort » juridique de la société.
À la différence toutefois de la mort qui frappe une personne physique, la dissolution ne produit pas d’effet instantané, en ce sens qu’elle n’emporte pas extinction immédiate de tous les droits et obligations de la personne morale.
Avant que le pacte social conclu par les associés ne cesse définitivement de produire des effets, il doit être procédé à la conduite de deux catégories d’opérations qui se succèdent :
- Les opérations de liquidation
- Les opérations de partage
==>Les opérations de liquidation
La dissolution d’une société donne lieu à ce que l’on appelle la phase de liquidation.
Classiquement on définit la liquidation comme l’ensemble des opérations qui, consécutivement à la dissolution de la société, visent à :
- D’une part, exécuter les engagements souscrits, désintéresser les créanciers, et recouvrer les créances sociales.
- D’autre part, procéder à la répartition de l’actif net entre tous les associés, soit l’actif subsistant après le règlement du passif social
Il peut être observé que pendant cette phase transitoire qu’est la liquidation, conformément à l’article 1844-8, al. 3e du Code civil, la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de celle-ci.
Il en résulte que, aussi longtemps que perdurent les opérations de liquidation, la société conserve la propriété de son patrimoine, les associés n’étant titulaires que de droits sociaux.
Aussi, ce n’est qu’à compter de la clôture de la liquidation de la société que ces derniers se voient reconnaître des droits sur l’actif social, à tout le moins si le règlement du passif laisse subsister des éléments d’actif.
S’ouvre alors une seconde phase : le partage.
==>Les opérations de partage
La clôture de la liquidation de la société, qui emporte disparition définitive de la personne morale, donne lieu à ce que l’on appelle la phase de partage.
Cette phase recouvre l’ensemble des opérations qui vise à répartir entre les ex-associés les biens issus des opérations de liquidation.
La personne morale ayant disparu, se pose alors la question du statut de ces biens dans l’attente du dénouement des opérations de partage.
Pour le déterminer, il convient de se tourner vers l’article 1844-9 du Code civil d’où il s’évince que, consécutivement à la clôture de la liquidation, l’actif social tombe en indivision.
Ce sont donc les règles de l’indivision qui ont vocation à régir les rapports entre ex-associés quant à la gestion des biens qu’ils ont vocation à se répartir.
À cet égard, si le partage de l’actif social entre ex-associés est présenté comme la suite naturelle de la liquidation de la société, il n’y a là rien d’obligatoire.
L’article 1844-9 du Code civil prévoit, en effet, que « tous les associés, ou certains d’entre eux seulement, peuvent aussi demeurer dans l’indivision pour tout ou partie des biens sociaux. »
§5: L’indivision résultant de l’acquisition d’un bien en commun
Si la plupart du temps l’indivision est une situation qui est subie par les coïndivisaires, il est des cas où elle peut être choisie.
Il en va notamment ainsi lorsque plusieurs personnes décident d’acquérir un bien en commun.
L’acquisition en commun d’un bien ne donne toutefois pas systématiquement lieu à une situation d’indivision. Le statut du bien dépend de la nature des relations entretenues par les acquéreurs.
Le régime applicable diffère notamment selon que l’achat est ou non réalisé par des personnes qui vivent en couple.
I) L’acquisition d’un bien en commun dans le cadre d’un couple
A) Les couples mariés
1. L’acquisition d’un bien en commun dans le cadre d’un régime communautaire
Lorsque deux personnes se marient, elles sont libres d’opter pour un régime dit communautaire (par exemple le régime légal).
La conséquence en est que, par principe, tous les biens qu’elles acquièrent – ensemble ou séparément – pendant le mariage viennent abonder une masse commune de biens que l’on appelle communauté.
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir quel statut reconnaître à ces biens – qualifiés également d’acquêts – qui forment la communauté conjugale ?
Pour certains auteurs, les acquêts endossent la qualification de biens indivis. D’autres soutiennent qu’ils répondent à un statut qui leur est propre et que, par voie de conséquence, ils ne sont pas soumis aux règles de l’indivision.
À l’analyse, c’est la seconde thèse qui emporte l’adhésion de la doctrine majoritaire, laquelle est corroborée par la jurisprudence qui systématiquement refuse d’appliquer aux biens communs les règles de l’indivision et inversement d’appliquer des règles issues du régime matrimonial à des biens acquis par un époux en indivision (Cass. 1ère civ. 22 juill. 1985, n°84-14.173, n°84-14.173).
Aussi, faut-il considérer que, par principe, les biens acquis par des époux mariés sous un régime de communauté échappent à la qualification de biens indivis. Ils appartiennent à une masse de biens – la communauté – qui, si elle comporte des similitudes avec une indivision, ne se confond pas avec cette institution.
2. L’acquisition d’un bien en commun dans le cadre d’un régime séparatiste
2.1. Principe général
Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, le principe de séparation des patrimoines implique que chacun conserve la propriété de ses biens présents et futurs.
Faute d’instauration d’une communauté, les éléments d’actif que les époux acquièrent séparément, à commencer par leurs revenus, n’ont donc pas vocation à alimenter une troisième masse de biens.
C’est la raison pour laquelle, sous le régime de la séparation de biens, les époux en conservent nécessairement la propriété à titre individuel, sans que l’enrichissement que leur procure l’acquisition faite ne puisse, par un transfert de valeur, profiter au patrimoine du conjoint.
2.2. Tempéraments
Le Code civil prévoit une exception au principe de séparation des patrimoines lorsque le bien appartient aux époux en indivision.
Cette indivision peut résulter :
- Soit de l’acquisition conjointe d’un bien
- Soit de présomptions d’indivision
a. L’acquisition conjointe d’un bien par les époux
Il n’est pas rare que les époux séparés de biens réalisent des acquisitions conjointement, en particulier lorsqu’il s’agit d’acquérir un bien pourvu d’une valeur patrimoniale importante, tel que le logement de famille ou une résidence secondaire.
Lorsqu’ils acquièrent un bien ensemble, il leur appartient en indivision, étant précisé que les quotes-parts attribuées à l’un et l’autre peuvent être déterminées dans l’acte constatant l’acquisition. À défaut, les époux sont réputés être propriétaires du bien indivis à parts égales.
Quoi qu’il en soit, les biens acquis conjointement par les époux séparés de biens ne composent, en aucune façon, une troisième masse de biens à l’instar de la communauté instaurée sous le régime légal.
Il s’agit de biens soumis au seul droit de l’indivision qui se compose de deux corps de règles :
- Les règles générales énoncées aux articles 815 et suivants du Code civil qui s’appliquent en l’absence de convention contraire
- Les règles spéciales énoncées aux articles 1873-1 et suivants du Code civil lorsqu’une convention relative à l’exercice des droits indivis a été conclue entre les époux.
Il peut être observé que, dès lors que l’acte d’acquisition constate que le bien a été acquis conjointement par les époux, il est réputé leur appartenir en copropriété, peu importe qu’il ait été financé par un seul des époux.
Dans un arrêt du 14 novembre 2007, la Cour de cassation validé en ce sens une décision de Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aux termes de l’acte de vente, le terrain avait été acquis indivisément chacun pour moitié par les époux séparés de biens, avait décidé que l’épouse, propriétaire pour moitié du terrain, « devait être présumée propriétaire pour moitié de l’immeuble qui y avait été édifié, les modalités de financement de la construction de cet immeuble n’étant pas, à elles seules, de nature à établir la preuve contraire » (Cass. 1ère civ. 14 nov. 2007, n°06-18.395).
b. Les présomptions d’indivision
Les présomptions d’indivision peuvent avoir deux sources différentes :
- La loi
- La volonté des époux
i. La présomption d’indivision légale
La vie conjugale implique que les époux mettent en commun les biens qu’ils acquièrent séparément.
Sous l’effet du temps, les biens, en particulier les meubles, qui leur appartiennent en propre sont alors susceptibles de se confondre avec ceux qui appartiennent au conjoint et réciproquement.
Cette situation est, par hypothèse, de nature à rendre pour le moins difficile l’attribution à l’un et l’autre époux de la propriété des biens qui ont été confondus.
Aussi, afin de faciliter la preuve de la propriété de ces biens, le législateur a institué une règle qui, lorsqu’existe une incertitude sur la propriété d’un bien, fait présumer ce bien appartenir aux époux en indivision.
Cette règle, qui est issue de la loi n°65-570 du 13 juillet 1965, est énoncée à l’article 1538 du Code civil qui prévoit que « les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ».
Par le jeu de cette présomption est ainsi instituée une masse indivise de biens qui, à certains égards, se rapproche de la masse commune instituée sous les régimes communautaires.
Elle s’en distingue néanmoins en ce que les biens qui la composent sont soumis au seul droit de l’indivision.
Il en résulte que le sort de cette masse indivise n’est pas lié à la durée du mariage. Plus précisément, cette masse peut cesser d’exister avant la dissolution du mariage, ce qui n’est pas le cas de la communauté qui est instituée pour toute la durée de l’union matrimoniale.
En effet, l’article 815 du Code civil prévoit que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. ». La situation d’indivision peut donc cesser à tout instant du mariage.
À l’analyse, la présomption d’indivision est un dispositif qui permet d’atténuer le principe de séparation des patrimoines qui préside au régime de la séparation de biens.
Comme observé par Gulsen Yildirimn elle « permet d’introduire un facteur d’équité dans l’établissement de la composition des patrimoines des époux. »
D’autres auteurs soulignent qu’« il est significatif de voir ainsi s’établir une union des intérêts pécuniaires, subrepticement en quelque sorte, et à la faveur d’une absence de preuve. Cela autorise à penser qu’une certaine communauté de meubles est peut-être, elle aussi, dans la nature des choses »[2].
S’agissant des effets de cette présomption, elle opère, tant dans les rapports entre époux, que dans les rapports avec les tiers.
- Dans les rapports entre époux
- La présomption d’indivision conduira les époux à se partager le bien lors de la dissolution du mariage.
- Le partage donnera lieu à réparation du bien en deux parts égales, celui-ci étant présumé appartenir conjointement aux époux pour moitié.
- Dans les rapports avec les tiers
- La présomption d’indivision leur est opposable, de sorte que s’applique l’article 817 du Code civil aux termes duquel il leur est fait interdiction de saisir la quote-part indivise de l’époux débiteur.
- Ils n’ont d’autre choix que de provoquer le partage de l’indivision.
ii. Les présomptions d’indivision conventionnelles
En application du principe de liberté des conventions matrimoniales, les époux peuvent insérer dans leur contrat de mariage une clause qui institue une présomption d’indivision qui aura vocation s’appliquer à une ou plusieurs catégories de biens.
Depuis que la loi a institué une présomption d’indivision pourvue d’une portée générale, la stipulation d’une telle clause a grandement perdu de son intérêt.
Reste qu’il pourra être recouru à ce dispositif contractuel pour les meubles meublants qui garnissent le logement familial et plus généralement tous les lieux où les époux résident.
Sous l’empire du droit antérieur à la loi du 13 juillet 1965, on s’était demandé si les présomptions d’indivision conventionnelles étaient opposables aux tiers.
L’article 1538, al. 2e du Code civil tranche désormais cette question en prévoyant que « les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l’égard des tiers aussi bien que dans les rapports entre époux, s’il n’en a été autrement convenu. »
La conséquence de l’opposabilité des présomptions d’indivision conventionnelles aux tiers est le renversement de la charge de la preuve.
Autrement dit, c’est au créancier saisissant d’établir que le bien sur lequel il exerce ses poursuites appartient exclusivement à l’époux débiteur.
Dans un arrêt du 29 janvier 1974, la Cour de cassation a jugé en ce sens que la clause de présomption d’indivision figurant dans le contrat de mariage des époux séparés de biens est opposable au créancier, de sorte qu’il appartient à ce dernier d’administrer la preuve du droit de propriété exclusif de son débiteur sur les biens litigieux (Cass. 1ère civ. 29 janv. 1974, n°72-12.670).
2.3. Cas particuliers : l’acquisition d’un bien par un époux financé par le conjoint
La plupart du temps, lorsqu’un époux se porte acquéreur d’un bien, il le fera au moyen de ses deniers personnels, de sorte que ce bien lui appartiendra en propre, sans qu’il lui soit besoin d’accomplir les formalités d’emploi ou de remploi requises sous le régime légal.
Sous le régime de la séparation de biens, chaque époux reste propriétaire, par principe, des biens qu’ils acquièrent au moyen de leurs deniers personnels.
Il est des cas néanmoins où l’époux qui réalisera l’acquisition ne sera pas nécessairement celui qui l’aura financée. Il peut, en effet, arriver que cette acquisition soit financée par le conjoint.
Lorsque cette situation se présente, la question alors se pose de la propriété du bien. Revient-elle à l’époux qui s’est porté acquéreur ou à celui qui a financé l’acquisition ?
Il ressort de la jurisprudence qu’une distinction se dessine quant aux règles applicables selon que le bien acquis est affecté à l’usage personnel de l’époux acquéreur ou selon qu’il est affecté à un usage familial.
a. Acquisition d’un bien affecté à un usage personnel
==>L’époux acquiert le bien au moyen de deniers fournis par le conjoint en dehors de tout contrat
Le principe est que lorsqu’un bien est acquis par l’un ou l’autre époux, il appartient, non pas à l’époux qui a financé l’acquisition, mais, à celui au nom duquel cette acquisition a été faite.
Aussi, c’est le titre qui confère la qualité de propriétaire et non le financement qui ne confère aucun droit de propriété sur le bien.
Dans un arrêt du 9 octobre 1991, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « sous le régime de la séparation de biens, l’époux qui acquiert un bien pour son compte à l’aide de deniers provenant de son conjoint, devient seul propriétaire de ce bien » (Cass. 1ère civ. 9 oct. 1991, n°90-15.073).
Dans un arrêt du 31 mai 2005, la première chambre civile a encore jugé que « sous le régime de la séparation de biens, le bien appartient à celui dont le titre établit la propriété sans égard à son financement » (Cass. 1ère civ. 31 mai 2005, n°02-20.553).
Tout au plus, l’époux qui a financé le bien pourra « obtenir le règlement d’une créance lors de la liquidation du régime matrimonial, s’il prouve avoir financé en tout ou partie l’acquisition » (Cass. 1ère civ. 23 janv. 2007, n°05-14.311).
==>L’époux acquiert le bien au moyen de deniers fournis par le conjoint dans le cadre d’un contrat de mandat
Dans cette hypothèse, l’époux qui se porte acquéreur endosse la qualité de mandataire ou, le cas échéant, de gérant d’affaires.
Pour déterminer à qui revient la propriété du bien objet de l’acquisition il y a lieu de faire application des règles du mandat.
Or ces règles désignent le mandant comme étant seul propriétaire du bien acquis.
L’époux qui a réalisé l’opération est, en effet, réputé avoir agi en représentation de son conjoint.
==>L’époux acquiert le bien au moyen de deniers fournis par le conjoint dans le cadre d’un contrat de prêt
Dans cette hypothèse, quand bien même les deniers ont été fournis par le conjoint, le bien acquis demeure la propriété exclusive de l’époux qui s’est porté acquéreur.
La raison en est que la remise de fonds en exécution d’un contrat de prêt opère un transfert de propriété.
Aussi, parce que les fonds prêtés appartiennent en propre à l’époux emprunteur, le bien qu’il acquiert avec ces fonds subit le même sort, charge à lui de rembourser son conjoint selon les règles qui régissent les créances entre époux.
==>L’époux acquiert le bien au moyen de deniers fournis par le conjoint dans le cadre d’une donation
- Droit antérieur
- Lorsqu’un époux reçoit de son conjoint des fonds à titre gratuit et qu’il remploie ces fonds à l’acquisition d’un bien, ce bien devrait, par le jeu de la subrogation réelle, lui appartenir en propre.
- Telle n’est pourtant pas la solution qui avait été retenue par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur.
- Les juridictions regardaient plutôt cette opération comme une donation déguisée, le déguisement se caractérisant par le fait que la libéralité se dissimule sous les apparences d’un autre acte, notamment d’un acte à titre onéreux.
- Il en était tiré conséquence que la donation portait non pas sur les fonds donnés, mais sur le bien acquis au moyen de ces fonds.
- Il en résultait que, en cas d’annulation de la libéralité, ce qui, en application de l’ancien article 1099, al. 2e du Code civil, était le sort de toute donation déguisée, la propriété du bien retournait dans le patrimoine du conjoint qui en avait financé l’acquisition (le donateur) et non à l’époux acquéreur (le donataire).
- Là n’était pas la seule conséquence de l’anéantissement de la donation.
- Il en était une autre qui était particulièrement fâcheuse lorsque le donataire avait réalisé avec les fonds provenant de la donation irrégulière une opération immobilière à laquelle intervenaient des tiers.
- Exemple[3] :
- Un époux achète, avec les deniers donnés par l’autre, un immeuble, puis le revend à un tiers ou lui consent des droits sur cet immeuble.
- Dans cette hypothèse, comme vu précédemment, la jurisprudence considérait que l’époux donateur était réputé « avoir toujours été le seul propriétaire de l’immeuble acquis de ses deniers » au motif qu’il s’agirait là d’une donation déguisée.
- L’annulation de cette donation entraînait alors l’anéantissement de toutes les mutations intervenues subséquemment à l’acquisition de l’immeuble par le donataire, ce qui, par voie de conséquence, était de nature à léser gravement les droits des tiers de bonne foi qui donc voyaient l’opération qu’ils avaient conclue remise en cause.
- Afin d’assurer la sécurité juridique des tiers, en prévenant notamment la survenance de nullités en cascade, le législateur est intervenu pour briser la jurisprudence de la Cour de cassation en introduisant, par la loi du 28 décembre 1967, un article 1099-1 dans le Code civil.
- Cette disposition prévoit que « quand un époux acquiert un bien avec des deniers qui lui ont été donnés par l’autre à cette fin, la donation n’est que des deniers et non du bien auquel ils sont employés. »
- Ainsi, désormais, la donation est réputée avoir pour objet les fonds donnés par l’époux donateur et non le bien acquis au moyen de ces deniers.
- En cas d’annulation d’une donation déguisée ou de simple révocation d’une donation ostensible, obligation était donc faite au donataire de restituer les fonds donnés.
- En application du second alinéa de l’article 1099-1 du Code civil, la somme restituée devait toutefois correspondre, non pas à la valeur nominale des deniers remis, mais à la valeur actuelle du bien acquis avec ces deniers.
- Quoi qu’il en soit, par l’instauration de ce système, le droit de propriété constitué par le donataire sur le bien s’en trouvait préservé, sauf à ce qu’il ne dispose pas des liquidités suffisantes pour régler la somme d’argent due à son conjoint au titre de l’obligation de restitution.
- Dans cette hypothèse, il serait alors contraint, soit de céder le bien à un tiers et de remettre au donateur le produit de la vente, soit de s’’acquitter de sa dette en cédant directement à ce dernier la propriété de son bien.
- Afin d’éviter que l’une ou l’autre situation ne se produise et ainsi préserver le droit de propriété du donateur sur son bien conformément à l’objectif recherché par le législateur lors de l’introduction de l’article 1099-1 dans le Code civil, la jurisprudence a cherché à cantonner le domaine des libéralités entre époux.
- Plus précisément, les juridictions ont progressivement considéré que, en cas de collaboration d’un époux à l’activité professionnelle de son conjoint au-delà de ce qui était exigé au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage, la remise d’une somme d’argent par le second au premier devait s’analyser, non pas en une libéralité, mais en une rémunération due au titre du travail fourni (Cass. 1ère civ. 19 mai 1976, n°75-10.558).
- La conséquence en était la requalification de l’opération en acte à titre onéreux ce qui dès lors faisait obstacle à tout anéantissement sur le fondement, soit du principe de révocabilité des libéralités, soit du principe de nullité des donations déguisées.
- À cet égard, la Cour de cassation est allée plus loin en jugeant que la qualification de libéralité devait également être écartée lorsqu’il était établi que l’activité de l’époux bénéficiaire de la remise de fonds dans la gestion du ménage et la direction du foyer avait, de par son importance, été source d’économies pour le conjoint.
- Cela lui permettait ainsi de refuser l’annulation ou la révocation de l’acte de remise de fonds, puisque s’analysant en une rétribution due en contrepartie de la fourniture d’un travail au foyer (Cass. 1ère civ. 20 mai 1981, n°79-17.171).
- Seule solution pour le demandeur à l’action en nullité ou en révocation de l’acte litigieux : rapporter la preuve de l’origine des deniers et de l’intention libérale du donateur.
- À défaut, ni l’acquisition du bien, ni la fourniture des deniers ayant servi à son financement ne pouvaient être remises en cause.
- Droit positif
- Depuis l’adoption de la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, les solutions dégagées par la jurisprudence s’agissant de l’anéantissement des donations entre époux n’opèrent plus.
- En effet, cette loi a aboli :
- D’une part, le principe de révocabilité des donations entre époux
- D’autre part, le principe de nullité des donations déguisées
- Ainsi, aujourd’hui, dans la mesure où les donations entre époux de biens présents ne peuvent plus être anéanties, sauf motifs graves[4], il est indifférent que l’époux qui a remis une somme d’argent à son conjoint ait été ou non animé d’une intention libérale.
- Il importe peu également que le bénéficiaire de cette remise de fonds ait collaboré à l’activité professionnelle du conjoint ou qu’il ait assuré la gestion du ménage au-delà de ce qui était exigé au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage.
- Dans les deux cas, la donation, qu’elle soit ostensible, indirecte ou déguisée, ne peut plus être remise en cause, de sorte que non seulement le donataire est consolidé dans ses droits de propriété du bien acquis au moyen des fonds remis en application de l’article 1099-1 du Code civil, mais encore le risque de devoir restituer ces fonds au donateur est écarté.
- Ainsi que le relèvent les auteurs « cette modification revêt une importance considérable pour le régime de la séparation de biens »[5].
- Le contentieux des donations indirectes et déguisées ne s’en trouve pas totalement épuisé pour autant : l’administration demeure en effet toujours intéressée au premier chef des libéralités qui n’ont fait l’objet d’aucune formalité de déclaration.
b. Acquisition d’un bien affecté à l’usage de la famille
Lorsqu’un époux séparé de biens finance un bien indivis au-delà de la quote-part dont il est titulaire et que le bien financé est affecté à un usage familial la question s’est posée de la nature du financement réalisé.
Plus précisément, on s’est demandé si le financement supporté par l’époux solvens ne relevait pas de la contribution aux charges du mariage.
Pour mémoire, l’article 214 du Code civil prévoit que les époux doivent contribuer à ce que l’on appelle les charges du mariage, contribution qui, sauf convention contraire, est proportionnelle à leurs facultés respectives.
Il s’agit là d’une obligation légale qui vise à assurer le bon fonctionnement du ménage et qui a pour seul fait générateur le mariage.
Aussi, dès lors que deux personnes sont mariées elles sont assujetties à l’obligation de contribution aux charges du mariage, peu importe le régime matrimonial auquel elles ont choisi de se soumettre.
Cette obligation a ainsi vocation à s’appliquer à tous les couples mariés, y compris à ceux séparés de biens, ce qui, dans le cas de ces derniers, n’est pas sans apporter un sérieux tempérament au principe de séparation des patrimoines.
Une application stricte de ce principe devrait, en effet, conduire à écarter toute mise en commun forcée des ressources perçues par les époux séparés de biens. En instituant une obligation de contribuer aux charges du mariage, le législateur a entendu déroger à ce principe.
Pour les dépenses en lien avec le train de vie du ménage et ayant pour objet l’entretien de la famille et l’éducation des enfants l’époux solvens ne saurait attendre en retour aucune contrepartie de la part de son conjoint, sinon que celui-ci exécute pareillement son obligation de contribution aux charges du mariage.
La qualification de charges du mariage n’est ainsi pas sans enjeu :
- Lorsqu’une dépense s’analyse en une charge du mariage, elle ne peut jamais donner naissance à une créance entre époux, sauf à ce que cette dépense excède la part de l’époux solvens au titre de son obligation contributive
- Lorsqu’une dépense ne s’analyse pas en une charge du mariage, elle donnera naissance à une créance entre époux toutes les fois qu’elle se rapporte à une dette supportée par l’époux solvens alors qu’elle relève du passif définitif du conjoint
S’il ne fait aucun doute que la qualification de charges du mariage est exclue lorsque le paiement réalisé par l’époux solvens se rapporte à une dette contractée aux fins d’acquisition d’un bien affecté à l’usage exclusif du conjoint, cette qualification est bien moins évidente en présence d’une dépense ayant financé un bien affecté à l’usage familial.
Il ressort de la jurisprudence que deux situations doivent être distinguées :
- Première situation : le bien affecté à l’usage familial a été financé au moyen d’un prêt remboursé par l’époux solvens
- Dans un arrêt du 15 mai 2013 la Cour de cassation a jugé que le remboursement par un époux d’un emprunt ayant servi à l’acquisition en indivision du domicile conjugal « participait de l’exécution [par ce dernier] de son obligation de contribuer aux charges du mariage » (Cass. 1ère civ. 15 mai 2013, n°11-26.933).
- Il ressort de cette décision que lorsqu’un époux finance un bien indivis affecté à l’usage familial au-delà de la quote-part qui lui revient, il ne peut se prévaloir d’aucun droit de créance à l’encontre de son conjoint, sauf à ce que le contrat de mariage stipule le contraire.
- Tel serait notamment le cas si celui-ci comporte la clause de style énonçant, par exemple, que « chacun des époux est réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive aux charges du mariage, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature »
- Il peut être observé que la première chambre civile a retenu la même solution pour l’acquisition d’une résidence secondaire, après avoir relevé que ce bien était « destiné à l’usage de la famille » (Cass. 1ère civ. 3 oct. 2018, n°17-25.858).
- Dans un arrêt du 5 octobre 2016, elle a jugé, en revanche, que « le financement, par un époux, d’un investissement locatif destiné à constituer une épargne, ne relève pas de la contribution aux charges du mariage ».
- Il en résulte que la dépense supportée par l’époux solvens lui confère un droit de créance contre son conjoint pour la partie du bien indivis financé qui excède sa quote-part (Cass. 1ère civ. 5 oct. 2016, n°15-25.944).
- Seconde situation : le bien affecté à l’usage familial a été financé au moyen de l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels
- Dans un arrêt du 3 octobre 2019, la Cour de cassation a jugé, au visa de l’article 214 du Code civil, que « sauf convention matrimoniale contraire, l’apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage » (Cass. 1ère civ. 3 oct. 2019, n°18-20.828).
- Dans cette hypothèse, le financement du bien par l’époux solvens ouvre droit à créance à l’encontre de son conjoint.
- La Première chambre civile a confirmé par la suite sa position à plusieurs reprises ; notamment dans un arrêt du 9 juin 2022 (Cass. 1ère civ. 9 juin 2022, n°20-21.277).
B) Les couples non mariés
1. L’acquisition d’un bien en commun dans le cadre d’un pacs
Issu de la loi n°99-944 du 15 novembre 1999, le pacte civil de solidarité (pacs) est défini à l’article 515-1 du Code civil comme « contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ».
Le pacs vise à proposer aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage » diront certains[6], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires.
En 1999, le régime patrimonial du PACS reposait sur deux présomptions d’indivision différentes selon le type de biens :
- les meubles meublants dont les partenaires feraient l’acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale. Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie ;
- les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement.
Par ailleurs, le champ de l’indivision était pour le moins incertain puisque la formulation du texte ne permettait pas de savoir avec certitude s’il comprenait les revenus, les deniers, et les biens créés après la signature du pacs.
Afin de remédier à ces difficultés, le législateur a décidé, à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, d’abandonner le principe d’indivision des biens acquis par les partenaires au cours du pacs, à la faveur d’un régime de séparation de biens.
Si, aujourd’hui, les partenaires sont soumis à un régime de séparation de biens, ils disposent toujours du choix d’opter pour un régime d’indivision organisé.
a. Principe
Aux termes de l’article 515-5 du Code civil « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l’article 515-3, chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels ».
Il ressort de ce principe que le législateur a souhaité instituer un régime de séparation de biens entre les partenaires.
Cette volonté a été exprimée, lors de l’adoption de la loi du 23 juin 2006, dans un souci de protection des partenaires qui ignorent souvent que les biens acquis au cours du pacs sont soumis à l’indivision et a jugé préférable de prévoir la séparation des biens, sauf quand les partenaires optent pour l’indivision.
Sous l’empire du droit antérieur à cette réforme, le législateur avait instauré le régime inverse, soit une indivision entre les partenaires.
La loi du 15 novembre 1999 posait, en ce sens, l’existence d’une sorte de communauté de biens réduite aux acquêts.
En simplifiant à l’extrême, il convenait d’opérer une distinction entre les biens acquis avant et après l’enregistrement du pacs.
- S’agissant des biens acquis avant l’enregistrement du pacs
- Ils avaient vocation à rester dans le patrimoine personnel des partenaires, à charge pour eux de rapporter la preuve que le bien revendiqué leur appartenait en propre.
- S’agissant des biens acquis après l’enregistrement du pacs
- Ils étaient réputés indivis, de sorte qu’à la dissolution du pacs, une répartition égalitaire était effectuée entre les concubins
La loi du 23 juin 2006 a abandonné ce régime patrimonial applicable aux partenaires. Désormais, c’est un régime de séparation de biens qui régit leurs rapports patrimoniaux.
Cela signifie que tous les biens acquis par les partenaires avant et après l’enregistrement du pacs leur appartiennent un propre.
Une lecture affinée de l’article 515-4 révèle toutefois qu’il convient de distinguer les meubles dont la propriété est établie de ceux pour lesquels aucun des partenaires ne peut prouver sa qualité de propriétaire
- S’agissant des biens dont la propriété est établie
- C’est l’alinéa 1er de l’article 515-4 qui s’applique en pareille hypothèse
- Ils restent dans le patrimoine personnel du partenaire qui les a acquis
- Il est indifférent que l’acquisition soit intervenue avant ou après l’enregistrement du pacs
- S’agissant des biens dont la propriété n’est pas établie
- L’article 515-5 du Code civil pris en son deuxième alinéa prévoit que :
- D’une part, chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l’égard de son partenaire que des tiers, qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
- D’autre part, les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
- Il s’évince de cette disposition que, lorsque les biens sont acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS, ils sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale.
- Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie
- L’article 515-5 du Code civil pris en son deuxième alinéa prévoit que :
b. Exception
Si le législateur a institué le régime de la séparation de biens en principe, il a offert la possibilité aux partenaires d’y déroger en concluant une convention d’indivision.
L’article 515-5-1 du Code civil prévoit en ce sens que :
- D’une part, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions.
- D’autre part, ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une contribution inégale.
Ce régime d’indivision auquel les partenaires ont la faculté d’adhérer par convention s’articule autour de deux principes :
- Premier principe
- L’indivision s’applique aux seuls acquêts, c’est-à-dire aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
- S’agissant des biens acquis l’enregistrement de la convention d’indivision qui n’est pas nécessairement concomitant à l’enregistrement du pacs, ils demeurent appartenir en propre aux partenaires
- Second principe
- Les biens visés par la convention conclue par les partenaires sont réputés indivis pour moitié.
- Cela signifie qu’en cas de liquidation du pacs la répartition s’opérera à parts égales, sauf à ce qu’une fraction du bien ait été financée par des fonds propres d’un partenaire.
- Dans cette hypothèse, seule la portion du bien qui constitue un acquêt fera d’un partage par moitié.
- Exemple :
- un immeuble est acquis pour 50 % avec les fonds propres d’un partenaire, pour l’autre moitié avec des fonds indivis.
- Dans cette hypothèse, en cas de partage, le partenaire qui aura financé le bien avec ses fonds propres sera fondé à revendiquer 75% du bien, tandis que l’autre ne percevra que 25% de sa valeur.
L’article 515-5-3 du Code civil précise que la convention d’indivision est réputée conclue pour la durée du pacte civil de solidarité.
Toutefois, lors de la dissolution du pacte, les partenaires peuvent décider qu’elle continue de produire ses effets. Cette décision est soumise aux dispositions des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil.
c. Exception à l’exception
En cas de conclusion par les partenaires d’une convention d’indivision, le législateur a prévu qu’un certain nombre de biens échappaient à son champ d’application.
L’article 515-5-2 prévoit que demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire :
- Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l’acquisition d’un bien ;
- Les biens créés et leurs accessoires ;
- Les biens à caractère personnel ;
- Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l’enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
- Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession ;
- Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d’un bien dont l’un des partenaires était propriétaire au sein d’une indivision successorale ou par suite d’une donation.
Le dernier alinéa de cette disposition précise que l’emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l’objet d’une mention dans l’acte d’acquisition.
L’emploi est un acte qui stipule la provenance des deniers et la volonté de leur propriétaire de les employer pour l’acquisition d’un bien propre.
À défaut d’accomplissement des formalités d’emploi, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu’à une créance entre partenaires.
2. L’acquisition d’un bien en commun dans le cadre d’un concubinage
En théorie, la cessation du concubinage ne devrait emportait aucune conséquence juridique.
Spécialement, comme rappelé régulièrement par la jurisprudence, le statut juridique dont jouissent les époux n’est pas applicable aux concubins.
La conséquence en est que ces derniers ne sauraient se prévaloir des règles qui gouvernent la liquidation du régime matrimonial.
En pratique, toutefois, la rupture du concubinage soulève de nombreuses difficultés, d’ordre juridique, face auxquelles les juridictions ne peuvent pas rester indifférentes.
Par hypothèse, l’existence d’une vie commune va conduire les concubins à acquérir des biens, tantôt séparément, tantôt en commun.
Au moment de cessation du concubinage, il conviendra donc de démêler leurs intérêts et leurs biens qui, parce que s’est instituée entre eux une communauté de vie, se sont entrelacés, voire parfois confondus.
Aussi, la question se posera de la liquidation de leurs intérêts pécuniaires. En l’absence de régime matrimonial, cette liquidation ne pourra s’opérer que selon les règles du droit commun.
Concrètement, la liquidation du concubinage suppose de surmonter une importante difficulté et non des moindres : la preuve de la propriété des biens.
À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que, lors de la cessation du concubinage, la preuve de la propriété d’un bien ne soulèvera de difficulté qu’en cas de dispute, par les concubins, de la qualité de propriétaire.
Dans cette perspective, il est parfaitement envisageable que les concubins se répartissent les biens sans tenir compte des règles qui gouvernent la propriété et notamment faire fi de la question de savoir qui a financé l’acquisition de tel ou tel bien.
C’est donc seulement en cas de désaccord sur la propriété d’un bien que la preuve de la qualité de propriétaire devra être rapportée.
Deux hypothèses doivent être distinguées :
==>Le bien revendiqué est assorti d’un titre de propriété
Deux situations doivent alors être distinguées :
- Le bien a été financé par le titulaire du titre de propriété
- Le titre de propriété est un acte qui constate un droit de propriété
- Il permet à celui désigné dans l’acte de justifier de sa qualité de propriétaire
- Le titre de propriété est dressé en cas de vente immobilière, de cession de fonds de commerce et plus généralement en cas d’acquisition d’un droit de propriété ou de créance qui fait l’objet de formalités de publicité
- Aussi la propriété du bien reviendra à celui qui est désigné dans l’acte
- Dans l’hypothèse où les deux concubins sont désignés dans l’acte, le bien sera soumis au régime de l’indivision
- Le bien n’a pas été financé ou seulement partiellement par le titulaire du titre de propriété
- Dans cette hypothèse, la jurisprudence considère que le titre prime sur la finance.
- Dans un arrêt du 19 mars 2004, la Cour de cassation a estimé que « les personnes qui ont acheté un bien en indivision en ont acquis la propriété, sans qu’il y ait lieu d’avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée » (Cass. 1ère civ. 19 mars 2014, n°13-14.989).
- Ainsi, peu importe que le bien ait été entièrement financé par le concubin qui en revendique la propriété.
- La qualité de propriétaire est, en toutes circonstances, endossée par le titulaire du titre de propriété.
- Dans un arrêt du 2 avril 2014, la Cour de cassation a précisé que le concubin qui avait financé en intégralité l’acquisition d’un bien en indivision n’était pas fondé à se prévaloir d’une créance de remboursement à l’encontre de sa concubine dès lors qu’il avait été établi que celui-ci était animé d’une intention libérale.
- Toute la difficulté sera alors de prouver l’intention libérale qui, selon la première chambre civile, peut se déduire « des circonstances de la cause » (Cass. 1ère civ., 2 avr. 2014, n°13-11.025).
- Dans un arrêt du 13 janvier 2016, la Première chambre civile a encore rejeté la demande de remboursement formulé par le concubin qui avait supporté l’intégralité de l’acquisition d’un bien indivis au motif que ce financement s’analysait en une dépense de la vie courant (Cass. 1ère civ. 13 janv. 2016, n°14-29.746).
- La solution retenue par la Cour de cassation ici est éminemment contestable dans la mesure où les concubins ne sont assujettis à aucune obligation de contribuer aux dépenses de la vie courante à l’instar des époux sur lesquels pèse une obligation de contribution aux charges du mariage en application de l’article 214 du Code civil.
- Bien que critiquable, cette solution a été reconduite par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 février 2018 (Cass. 1ère civ. 7 févr. 2018, n°17-13.979).
==>Le bien revendiqué n’est assorti d’aucun titre de propriété
En l’absence de titre, rien n’est perdu pour le concubin revendiquant qui pourra toujours rapporter la preuve de la propriété du bien.
Toutefois, il ne pourra, ni compter sur la présomption de possession s’il souhaite établir la propriété exclusive d’un bien, ni ne pourra se prévaloir d’une présomption d’indivision s’il souhaite prouver la propriété indivise du bien.
- L’inopérance de la présomption de possession
- Aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
- Cela signifie que celui qui exerce la possession sur un bien est réputé en être le propriétaire.
- Cette présomption est, de toute évidence, très pratique pour établir la propriété d’un bien lorsque l’on est muni d’aucun titre ce qui sera presque toujours le cas pour les biens meubles
- La mise en œuvre de cette présomption est toutefois subordonnée à l’établissement d’une possession non équivoque sur le bien.
- En cas de concubinage, il sera, par hypothèse, extrêmement difficile de satisfaire cette condition, dans la mesure où l’existence d’une communauté de vie entre les concubins confère précisément à la possession du bien revendiqué un caractère équivoque.
- D’où la position de la Cour de cassation qui, systématique, refuse de faire jouer la présomption de l’article 2276 à la faveur du concubin revendiquant.
- Aussi, lui appartiendra-t-il de rapporter la preuve de la propriété du bien par tous moyens.
- Pour établir sa qualité de propriétaire, il pourra, notamment, se rapporter aux circonstances qui ont entouré l’acquisition du bien
- Le plus souvent, le juge déterminera la titularité de la propriété du bien disputé en recourant à la méthode du faisceau d’indices.
- Il tiendra notamment compte de l’auteur du financement du bien ou encore de l’existence d’une intention libérale
- Il pourra encore se référer au nom du signataire de l’acte d’acquisition du bien.
- L’absence de présomption d’indivision
- Principe
- Il est de jurisprudence constante qu’il n’existe pas de présomption d’indivision entre concubins.
- Dans un arrêt du 25 juin 2014, la Cour de cassation a considéré, par exemple, s’agissant de la propriété de fonds déposés sur un compte bancaire que « le titulaire d’un compte bancaire est présumé seul propriétaire des fonds déposés sur ce compte et qu’il appartient à son adversaire d’établir l’origine indivise des fonds employés pour financer l’acquisition de l’immeuble indivis » (Cass. 1ère civ. 25 juin 2014, n°13-18.891).
- Dans le même sens la Cour d’appel d’Amiens a jugé dans un arrêt du 8 janvier 2009 qu’il s’infère de l’article 515-8 du Code civil qu’il « n’existe ni indivision, ni présomption d’indivision entre deux personnes vivant en concubinage » (CA Amiens, 8 janv. 2009, n° 08/03128).
- Il en résulte qu’il appartient à celui qui revendique la propriété indivise d’un bien de le prouver.
- La Cour d’appel de Riom a de la sorte considérer « qu’en l’absence de présomption d’indivision entre concubins, le concubin qui est en possession d’un meuble corporel est présumé en être propriétaire et il est admis une preuve par tous moyens concernant la propriété des biens litigieux. » (CA Riom 16 mai 2017, n° 15/01253)
- Exception
- L’absence de présomption d’indivision entre concubins est assortie d’une exception.
- Dans l’hypothèse où aucun des concubins ne parvient à établir qu’il est le propriétaire exclusif du bien revendiqué, celui-ci sera réputé indivis pour moitié (V. en cens CA Lyon, ch. 6, 17 octobre 2013, n°12/04463).
- La présomption d’indivision n’intervient ainsi, qu’à titre subsidiaire.
- Principe
II) L’acquisition d’un bien en commun en dehors du couple
Pour qu’un bien puisse être reconnu comme appartenant à plusieurs personnes, il doit être mentionné dans le titre de propriété que ce bien a été acquis en indivision.
Dans un arrêt du 5 octobre 1994, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les personnes qui ont acheté un bien en indivision en ont acquis la propriété, sans qu’il y ait lieu d’avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée » (Cass. 1ère civ. 5 oct. 1994, n°92-19.169).
Il ressort de cette disposition que le titre prime toujours sur la finance. Autrement dit, il est indifférent que l’acquisition du bien n’ait pas été financée par la personne désignée dans le titre de propriété ; seule cette dernière est considérée comme la seule et unique propriétaire du bien. En somme, le propriétaire est toujours celui qui achète le bien et non celui finance.
Il peut être observé que si le titre constate que le bien a été acquis en indivision, mais qu’il ne précise pas le montant de la quote-part détenue par chaque indivisaire, le bien est réputé appartenir pour moitié à chacun (V en ce sens Cass. 1ère civ. 4 mars 2015, n°14-11.278).
Lorsque plusieurs personnes acquièrent ainsi un bien en indivision, il est préconisé de préciser dans l’acte d’acquisition les proportions des droits détenus par chacune d’elles.
- J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°743, p. 696 ?
- J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, éd. Armand Colin, 2001, n°743, p. 696 ?
- Cet exemple nous est donné par Michel Hoguet, rapporteur de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, dans le cadre des travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 28 décembre 1967 ?
- V. en ce sens l’article 953 du Code civil ?
- F. terré et Ph. Simler, Droit civil – Les régimes matrimoniaux, éd. Dalloz, 2011, n°800, p. 647. ?
- P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161. ?
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