Pour prétendre à la vocation successorale attachée à la qualité de conjoint successible, encore faut-il justifier de cette qualité.
À cet égard, l’article 732 du Code civil prévoit que « est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé. »
Il ressort de cette disposition que pour se prévaloir de la qualité de conjoint successible, il faut être uni par les liens du mariage avec le défunt au jour de l’ouverture de la succession.
Autrement dit, seules les personnes dont le mariage est toujours en cours au moment du décès du défunt sont admises à hériter du de cujus en qualité de conjoint.
Cette exigence, posée par l’article 732 du Code civil, conduit à dénier toute vocation successorale à des personnes qui seraient susceptibles de se prévaloir de la qualité de conjoint au titre de certaines situations passées ou futures.
I) Les situations matrimoniales n’ouvrant pas droit à la vocation successorale
==> Le divorce
Parce que le divorce a pour effet de dissoudre le mariage, lorsqu’il est prononcé avant le décès du de cujus, il fait obstacle à ce que l’ex conjoint survivant se prévale de tout droit dans la succession.
À cet égard, l’article 732 du Code civil prévoit expressément que pour endosser la qualité de conjoint successible, il faut être « non divorcé ».
Dans un arrêt du 30 juin 1998, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’époux divorcé n’est pas appelé à la succession de son ex-conjoint » (Cass. 1ère civ. 30 juin 1998, n°96-13.922).
La question qui alors se pose est de savoir quelle date retenir ? À partir de quand le divorce produit-il ses effets et plus précisément à partir de quelle date le mariage est-il réputé dissout ?
Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 260 du Code civil qui prévoit que le mariage peut être dissous :
- Soit par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats
- Soit par une décision de justice qui prononce le divorce
Aussi, selon que le divorce procède d’une convention ou d’une décision, sa date de prise d’effet diffère :
- Lorsque le divorce procède d’une convention, il y a lieu de retenir la date à partir de laquelle la convention de divorce acquiert force exécutoire
- Lorsque le divorce procède d’une décision, il convient de revenir la date à partir de laquelle la décision prend force exécutoire, soit devient définitive
En tout état de cause, tant que l’une ou l’autre date n’est pas survenue, les époux demeurent unis par les liens du mariage, de sorte que le conjoint survivant conserve sa vocation successorale quand bien même celui-ci était séparé de fait avec le défunt au jour de son décès.
La séparation de fait n’a, en effet, aucune incidence sur le droit à hériter du conjoint survivant.
==> Le mariage nul
En ce que le mariage comporte une dimension contractuelle, il est envisagé par le législateur comme un acte juridique.
À ce titre, la violation de ses conditions de formation est sanctionnée par la nullité. Lorsqu’elle est prononcée, la nullité a pour effet d’anéantir le mariage.
Ainsi, cette sanction met-elle fin à l’union conjugale, au même titre que le divorce. Il s’en déduit que la nullité du mariage prive le conjoint survivant de toute vocation successorale.
Il peut être observé que, contrairement au divorce, il est indifférent que la nullité du mariage survienne antérieurement ou postérieurement au décès du défunt.
En effet, le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé. Cela signifie que le mariage est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
Dans la mesure où le mariage aura nécessairement reçu un commencement d’exécution, son annulation suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.
Il en résulte que lorsque la nullité est prononcée postérieurement au décès du de cujus, elle a pour effet d’anéantir tous les effets du mariage, ce qui inclut la vocation successorale du conjoint survivant.
Celui-ci se voit dès lors rétroactivement déchu de son droit à hériter et doit, par conséquent, restituer tous les biens qui lui ont été attribués.
Par exception, il est admis que le conjoint puisse conserver son droit à hériter dans l’hypothèse où le mariage est reconnu comme putatif.
L’article 201 du Code civil prévoit que « le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l’égard des époux, lorsqu’il a été contracté de bonne foi. »
Il ressort de cette disposition que le mariage putatif opère, à la seule et unique condition que les époux soient de bonne foi.
La bonne foi consiste pour un époux en l’ignorance de l’existence de la cause de nullité du mariage au jour de la célébration.
Dans l’hypothèse où le conjoint survivant parviendrait à démontrer sa bonne foi, il pourra prétendre à ce que les effets passés du mariage soient maintenus à son profit.
Il ne sera dès lors pas privé de la vocation successorale qu’il avait acquise avant l’annulation du mariage.
==> Le mariage posthume
Il est admis en droit français, sous réserve de l’observation de conditions très strictes, qu’un mariage puisse être contracté avec une personne décédée. C’est ce que l’on appelle le mariage posthume.
Pour mémoire, conformément à l’article 171 du Code civil trois conditions doivent être réunies pour qu’un mariage posthume soit célébré :
- Une demande de mariage doit avoir été faite avant le décès de l’un des futurs époux, et il doit exister des preuves claires que la personne décédée avait l’intention de se marier ;
- Le consentement de la personne décédée doit être clairement établi et la demande de mariage doit être suffisamment avancée (par exemple, la publication des bans).
- Le Président de la République doit autoriser le mariage, après avoir reçu une demande motivée généralement soumise par le conjoint survivant.
Lorsque ces conditions sont satisfaites et que le mariage posthume est célébré, l’article 171, al. 2e du Code civil fait remonter ses effets « à la date du jour précédant celui du décès de l’époux. »
Est-ce à dire que le conjoint survivant est admis à se prévaloir de la vocation successorale prévue par l’article 756 du Code civil ?
Le troisième alinéa de l’article 171 l’exclut expressément. Cette disposition énonce, en effet, que lorsqu’il est posthume, le mariage « n’entraîne aucun droit de succession ab intestat au profit de l’époux survivant ».
Ainsi, quand bien même la loi fait produire au mariage posthume des effets antérieurement au décès du de cujus, cette fiction ne joue pas pour la vocation successorale du conjoint survivant qui est privé de tout droit à hériter.
II) Cas particulier de la séparation de corps
La séparation de corps représente une alternative au divorce. Elle permet, en effet, aux époux de suspendre leur cohabitation tout en restant légalement mariés.
Régie par les articles 296 à 308 du Code Civil, la séparation de corps peut être initiée dans les mêmes conditions que le divorce (articles 296 et 298 du Code Civil) et suit généralement les mêmes étapes procédurales (article 1129 du Code de Procédure Civile).
Si la séparation de corps suspend l’obligation de cohabitation, elle ne met en revanche pas fin au mariage (art. 299 C. civ.). Autrement dit, la séparation de corps opère seulement un relâchement du lien conjugal et non une dissolution du mariage.
Il s’en déduit que la séparation de corps n’affecte pas la vocation successorale du conjoint survivant qui donc demeure investi du droit d’hériter du défunt.
Cette règle est exprimée à l’article 301 du Code civil qui prévoit que « en cas de décès de l’un des époux séparés de corps, l’autre époux conserve les droits que la loi accorde au conjoint survivant ».
En cas toutefois de séparation de corps initiée sur demande conjointe des époux, ils sont autorisés à renoncer à leurs vocations successorales respectives.
L’article 301 précise en ce sens que « en cas de séparation de corps par consentement mutuel, les époux peuvent inclure dans leur convention une renonciation aux droits successoraux qui leur sont conférés par les articles 756 à 757-3 et 764 à 766. »
Pour que la renonciation des époux séparés de corps à leurs droits successoraux produise ses effets, elle doit être réciproque.
Par ailleurs, comme énoncé par le texte, la renonciation ne peut porter que sur les droits visés aux articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du Code civil soit les droits dans la succession.
Cela signifie a contrario que les époux ne peuvent pas renoncer à leurs droits contre la succession, tels que le droit annuel au logement ou le droit à une pension alimentaire.
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