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La force probante de l’acte sous signature privée

==>Notion

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée ne fait l’objet d’aucune définition textuelle. Le Code civil n’aborde que ses conditions de validité et sa force probante. Aussi, est-ce la doctrine qu’est revenue la tâche de le définir.

Selon Charles Demolombe, l’acte sous signature privée consiste en « un écrit rédigé sans l’intervention d’un officier public, sous la seule signature des parties, à l’effet de constater la preuve d’une obligation ou d’une libération ou de tout autre fait juridique »[1].

La définition de Charles Aubry est plus lapidaire. Pour cet auteur, « les actes sous seing privé sont des actes faits sans l’intervention d’officiers publics, et sous la signature des parties »[2].

Il ressort de ces définitions deux éléments qui caractérisent l’acte sous signature privée :

  • L’absence d’intervention d’un officier public
    • C’est là ce qui distingue fondamentalement l’acte sous signature privée de l’acte authentique : l’acte sous signature privée ne requiert pas l’intervention d’un officier public, ni d’aucun autre professionnel du droit, bien qu’en pratique il soit fréquent qu’il soit rédigé par un avocat.
    • La conséquence en est une force probante moindre que l’acte authentique, en ce sens qu’il fait foi jusqu’à preuve du contraire.
    • Autrement dit, il n’est pas nécessaire de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux pour le contester.
  • La signature des parties à l’acte
    • S’il n’est soumis, en principe, à aucun formalisme particulier, pour produire les effets d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil, il doit nécessairement être signé par les parties.
    • C’est d’ailleurs cette exigence de signature qui a donné l’appellation d’acte sous signature privée.
    • En effet, le mot signature est issu du latin signum qui signifie littéralement, le signe, la marque, le sceau ou encore l’empreinte.
    • Le terme signature s’est progressivement substitué dans le langage courant au mot « seing », aujourd’hui désuet, qui n’est autre que son doublet, car possédant la même origine étymologique.
    • Pendant longtemps, le mot « seing » est demeuré néanmoins repris par les textes.
    • Il a fallu attendre l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 pour qu’il soit remplacé par le terme « signature».
    • Reste que, par habitude, les juristes continuent d’utiliser la formule « acte sous seing privé».
    • À cet égard, il peut être observé que l’adjectif « privé » adossé au mot « signature » rappelle que cette forme d’écrit tire sa valeur juridique de la seule signature des parties et non de la signature d’un officier public.

L’acte sous signature privée est régi aux articles 1372 à 1377 du Code civil. Nous nous focaliserons ici sur sa force probante.

1. La vigueur de la force probante de l’acte sous signature privée

L’article 1372 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l’ont souscrit et à l’égard de leurs héritiers et ayants cause. »

Par la formule « fait foi », il faut comprendre que l’acte sous signature privée fait preuve et plus précisément qu’il produit l’effet juridique d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil.

Cela signifie, autrement dit, que, en tant que preuve parfaite, l’acte sous signature privée s’impose au juge, en ce sens que le rôle de celui-ci se cantonnera à vérifier que le moyen de preuve qui lui est soumis répond aux exigences légales.

Dans l’affirmative, le juge n’aura d’autre choix que d’admettre que la preuve du fait ou de l’acte allégué est rapportée, peu importe que son intime conviction lui suggère le contraire.

Si l’on s’arrête à cette particularité de l’acte sous signature privée, rien ne le distingue a priori de l’acte authentique.

En effet, l’’article 1371 du Code civil prévoit également, s’agissant de l’acte authentique, qu’il « fait foi ».

Pourtant, il existe bien une différence entre les deux catégories d’actes. La force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère une valeur juridique supérieure à celle reconnue à l’acte sous signature privée.

La raison en est que l’acte authentique « fait foi » de plein droit dès lors que ses conditions d’établissement sont remplies.

Tel n’est pas le cas de l’acte sous signature privée. L’article 1372 du Code civil dispose que pour faire foi, l’acte sous signature privée doit :

  • Soit avoir été reconnu par la partie à laquelle il est opposé
  • Soit être légalement tenu pour reconnu à l’égard de la partie à laquelle il est opposé

Dans l’un ou l’autre cas, « par reconnu », il faut entendre « authentifié ». À cet égard, lorsque l’on oppose traditionnellement l’acte authentique à l’acte sous signature privée, cela ne signifie pas que ce dernier ne pourrait pas également présenter un caractère authentique.

Lorsque l’on dit d’un acte qu’il est authentique, il faut seulement comprendre que l’on tient pour vrai son origine et son contenu.

Aussi, à l’instar de l’acte authentique établi par un officier public, l’acte sous signature privée peut également présenter un caractère authentique. C’est toutefois à la condition, comme précisé par l’article 1372 du Code civil, qu’il soit reconnu comme tel par la partie à laquelle on l’oppose.

Aussi suffira-t-elle à cette dernière de contester l’authenticité de l’acte, en arguant par exemple que la signature apposée sur l’instrumentum a été falsifiée, pour le priver de son effet probatoire.

En pareille hypothèse, c’est à la partie qui s’en prévaut qu’il reviendra de prouver l’authenticité de l’acte. Pour ce faire, elle pourra notamment s’appuyer sur le dispositif institué aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile (Cass. 2e civ. 15 juin 1994, n°92-18.241).

Pour mémoire, l’article 287 prévoit que « si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. »

Si donc l’acte sous signature privée fait foi, en principe, « entre ceux qui l’ont souscrit et à l’égard de leurs héritiers et ayants cause », cet effet probatoire est en réalité précaire puisque devant nécessairement pour jouer être « reconnu par la partie à laquelle on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard ».

C’est là une différence majeure, sinon fondamentale avec l’acte authentique. La force probante de ce dernier n’est conditionnée à aucune reconnaissance, ni vérification préalable. Il tire son authenticité des seules présence de l’officier public et de sa signature apposée sur l’acte.

Pour cette raison, la partie qui se prévaut d’un acte authentique est dispensée de prouver son authenticité, celle-ci étant inhérente à l’acte en lui-même ; elle est autrement dit présumée ; d’où la qualification « d’acte authentique ».

La seule voie ouverte pour remettre en cause cette authenticité n’est autre que la procédure d’inscription en faux.

Tel n’est pas le cas pour l’acte sous signature privée dont la contestation est bien plus facile. Il suffira de rapporter la preuve contraire, ce qui impliquera, soit de produire un autre écrit, soit de procéder à une vérification d’écriture.

2. L’étendue de la force probante de l’acte sous signature privée

L’infériorité de la force probante dont est pourvu l’acte sous signature privée par rapport à celle dont est doté l’acte authentique se manifeste à trois niveaux : son origine, son contenu et sa date.

a. La force probante de l’acte sous signature privée quant à son origine

À la différence de l’acte authentique, l’acte sous signature privée n’est pas dressé par un officier public ; il est établi par les parties elles-mêmes.

À cet égard, il est indifférent que l’acte ait été rédigé par un avocat dans la mesure où celui-ci n’endosse pas la qualité d’officier public.

Par officier public, il faut entendre, pour mémoire, une personne délégataire de la puissance publique de l’État au nom duquel il confère l’authenticité aux actes relevant de sa compétence.

Dans la mesure où l’acte sous signature privée n’a pas été établi par un officier public, il ne saurait faire foi quant à son origine.

Cela signifie concrètement que la partie à laquelle on l’oppose peut dénier en être l’auteur sans qu’il lui soit besoin de mettre en œuvre une procédure d’inscription en faux.

Il lui suffira de solliciter une vérification en écriture conformément à l’article 1373 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « la partie à laquelle on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa signature. Les héritiers ou ayants cause d’une partie peuvent pareillement désavouer l’écriture ou la signature de leur auteur, ou déclarer qu’ils ne les connaissent. Dans ces cas, il y a lieu à vérification d’écriture ».

Dans l’hypothèse où la vérification d’écriture confirmerait l’origine de l’acte sous signature privée contesté, celui-ci acquerrait la force probante d’un acte authentique. Il ne pourrait alors être remis en cause que dans le cadre d’une procédure d’inscription en faux.

A contrario, tant que l’origine de l’acte sous signature privée n’est pas contestée par la partie à laquelle on l’oppose, il produit pleinement les effets probatoires que l’on attache à l’écrit.

b. La force probante de l’acte sous signature privée quant à son contenu

Compte tenu de ce que l’acte sous signature privée est établi par les seules parties, les faits qu’il énonce n’ont, par hypothèse, ni été constatés, ni été vérifiés par un officier public.

Il en résulte que la partie à laquelle l’acte est opposé peut les contester sans qu’il lui soit besoin, à encore, de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Elle pourra discuter la véracité des faits énoncés dans l’acte en rapportant la preuve contraire et plus précisément en produisant un autre écrit contredisant ces derniers.

c. La force probante de l’acte sous signature privée quant à sa date

S’agissant de la force probante de l’acte sous signature privée quant à sa date, il convient de distinguer selon que l’on se place dans les rapports entre les parties ou dans les rapports avec les tiers.

i. Dans les rapports entre les parties

Bien que l’article 1377 du Code civil ne le dise pas expressément, dans les rapports entre les parties, la date apposée sur l’acte sous signature privée fait foi.

Toutefois, parce que cette date n’a pas été constatée, ni vérifiée par un officier public à l’instar des faits énoncés dans un acte authentique, elle ne fait foi que jusqu’à preuve du contraire, soit sans qu’il soit besoin pour la partie à laquelle l’acte est opposé de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Pratiquement, il appartiendra à cette dernière de prouver que la date d’accomplissement de l’acte est erronée.

Pour ce faire, il lui faudra produire un écrit en matière civile, tandis que la preuve se fait par tout moyen en matière commerciale.

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’article 1377 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l’égard des tiers que du jour où il a été enregistré, du jour de la mort d’un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique. »

Il ressort de cette disposition que la date figurant sur un acte sous signature privée n’est pourvue, par principe, d’aucune force probante à l’égard des tiers, sauf à acquérir un caractère certain.

==> Principe

En application de l’article 1377 du Code civil, la date apposée par les parties sur un acte sous signature privée ne produit aucun effet probatoire à l’égard des tiers, en ce sens qu’elle ne leur est pas opposable.

La raison en est qu’il est extrêmement aisé pour des parties qui seraient de connivence de falsifier un acte, ce qui peut avoir pour conséquence de nuire aux tiers.

Un auteur souligne en ce sens que « cette défiance envers les parties est compréhensible au regard de l’éventualité qu’elles conviennent de porter sur l’acte une date différente de la date réelle, qu’il s’agisse de l’antidater ou de le postdater »[6].

C’est la raison pour laquelle le législateur a estimé qu’il y avait lieu de ne conférer, par principe, aucune force probante à la date mentionnée dans un acte sous signature privée. Il s’agit là d’une règle qui vise à protéger les tiers contre la fraude éventuelle des parties.

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1328 du Code civil exprimait ce principe de façon plus explicite que l’article 1377 puisqu’il disposait que « les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l’un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d’inventaire ».

Il ressortait ainsi clairement de ce texte que faute de remplir les conditions exigées par la loi, l’acte sous signature privée était réputé n’avoir aucune date contre les tiers. C’était le principe du tout ou rien

L’introduction de la notion de date certaine par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n’est pas sans avoir interrogé sur le maintien de ce principe.

En effet, faut-il comprendre que par opposition à la notion de date certaine, il existerait des dates non certaines qui, parce qu’elles sont reconnues en tant que date pourraient jouer contre les tiers ?

À l’analyse, il n’en est rien ; dans le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a souligné que l’article 1377 avait vocation à reconduire la règle énoncée à l’ancien article 1328 du Code civil, mais en la « modernisant ».

==> Exception

Si, par principe, la date figurant sur un acte sous signature privée n’est pourvue d’aucune force probante à l’égard des tiers, par exception il est admis qu’elle puisse leur être opposable lorsqu’elle répond aux conditions faisant d’elles une date certaine.

La question qui alors se pose est double :

  • Quelles sont les circonstances dans lesquelles la date apposée sur un acte sous signature privée devient certaine
  • Lorsque cet acte acquiert date certaine, à quels tiers est-elle opposable ?

Tandis que la réponse à la première question se trouve dans la loi, la réponse à la seconde question a été apportée par la jurisprudence.

  • Les circonstances d’acquisition de la date certaine
    • Elles sont au nombre de trois :
      • L’enregistrement de l’acte
        • Il s’agira ici de faire enregistrer l’acte auprès des services de l’administration fiscale
        • L’enregistrement de l’acte est alors soumis aux droits d’enregistrement ( 662, 2° CGI) dans les conditions de droit commun.
        • L’acte acquerra date certaine à compter du jour de l’enregistrement, soit postérieurement à son établissement.
      • La mort de l’un des signataires
        • Cette circonstance a pour effet de conférer une date certaine à l’acte, à compter de sa survenance.
        • La règle se justifie pour une raison simple : dès lors que l’acte est valablement signé, il est très probable qu’il existait déjà au jour de la mort de l’un des signataires.
        • Il n’y a donc pas lieu de douter de sa date, à tout le moins à compter du jour du décès de l’un des signataires.
        • Dans un arrêt du 25 octobre 1968, la Cour de cassation a précisé qu’il pouvait s’agir, tant de la mort d’une partie, que de la mort d’un témoin, pourvu que sa signature figure sur l’acte (Cass. 3e civ. 25 oct. 1968).
      • La constatation de la substance de l’acte dans un acte authentique
        • Cette situation correspond à l’hypothèse où le contenu de l’acte sous signature privée est énoncé dans un acte authentique.
        • Parce que cette énonciation est réalisée par un officier public, il est admis que la date de l’acte authentique vaudra date certaine pour l’acte sous signature privée.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que la liste des circonstances dans lesquelles un acte sous signature privée acquiert date certaine était limitative (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 févr. 1986, n°84-03.038).
  • Les tiers auxquels la date certaine est opposable
    • En application de l’article 1377 du Code civil, si la date figurant sur l’acte fait foi entre les parties, elle est en revanche inopposable aux tiers, sauf à avoir acquis date certaine.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par tiers.
    • Cette question n’est pas sans avoir donné lieu à un abondant contentieux en jurisprudence.
    • Au sens large, la catégorie des tiers est constituée par toutes les personnes qui ne sont pas parties à l’acte.
    • Selon la formule latine consacrée il s’agit des « penitus extranei» soit les personnes totalement étrangères au contrat.
    • Comme soulevé néanmoins par un auteur, « il n’est pas toujours aisé de distinguer la partie du tiers et il est bien des personnes intermédiaires entre les deux»[7].
    • Aussi, entre les parties à l’acte et les penitus extranei, il est un certain nombre de personnes qui oscillent entre ces deux extrêmes.
    • Tantôt la jurisprudence les assimile à des parties, tantôt elle leur attribue le statut de tiers.
      • Les personnes exclues de la catégorie des tiers
        • Au nombre des personnes qui ne sont pas parties à l’acte mais que la jurisprudence a exclues de la catégorie des tiers, figurent : les héritiers et légataires universels et à titre universel, les créanciers chirographaires ou encore les créanciers saisissants.
          • Les héritiers et légataires universels et à titre universel
            • Il est constant en jurisprudence que les héritiers et légataires universels et à titre universels sont assimilés aux parties elles-mêmes.
            • Dans la mesure où ces derniers ont vocation à recueillir dans leur patrimoine les droits et obligations des parties, la date figurant sur l’acte sous signature privée est assortie de la même force probante à leur égard que celle reconnue à l’égard des contractants eux-mêmes ( Cass. 3e civ. 18 déc. 2002, n°00-19.371).
            • Cette solution est logique : on comprendrait mal qu’un ayant cause universel ou à titre universel puisse se soustraire à la force probante de la date mentionnée sur un acte sous signature privée, alors même qu’ils sont censés continuer la personne de la partie dont ils héritent.
            • À ce titre, ils doivent être soumis aux mêmes effets juridiques que cette dernière.
          • Les créanciers chirographaires
            • Il est admis de longue date en jurisprudence que ne doivent pas non plus être regardés comme des tiers les créanciers chirographaires au motif que leur situation ne serait pas très éloignée de celle des ayants cause universels ou à titre universel en ce sens qu’ils entretiendraient un lien étroit avec le patrimoine de leur débiteur.
            • En effet, ces derniers présentent la particularité d’avoir contracté avec leur débiteur en considération de son seul patrimoine sur lequel ils exercent un droit de gage général.
            • Or ce patrimoine peut connaître des fluctuations résultant notamment des actes sous signature privée passés par le débiteur.
            • En traitant avec lui, malgré la faiblesse de la garantie procurée par le droit de gage général, le créancier chirographaire a donc accepté en quelque sorte le risque lié aux actes accomplis par son débiteur.
            • D’où la position adoptée par la Cour de cassation aux termes de laquelle elle estime que la date apposée sur un acte sous signature privée est opposable aux créanciers chirographaires.
            • Dans un arrêt du 16 mai 1972 la Première chambre civile a jugé en ce sens que « les créanciers chirographaires agissant en cette qualité doivent être considérés comme des ayants-cause universels de leur débiteur et non comme des tiers» (Cass. 1ère civ. 16 mai 1972, n°70-13.553).
          • Les créanciers saisissants
            • La Cour de cassation a eu l’occasion de juger à plusieurs reprises que le créancier pratiquant une saisie attribution devait être assimilé à une partie.
            • La raison en est que, en saisissant une créance entre les mains d’un tiers, au fond, il ne fait qu’exercer un droit en lieu et place de son débiteur (V. en ce sens civ., 11 févr. 1946)
        • À l’analyse, les solutions retenues par la jurisprudence ont été guidées par la finalité de l’ancien article 1328 du Code civil devenu l’article 1377 : la protection des tiers.
        • Comme souligné par des auteurs « le régime protecteur de l’article 1328 se justifie parce que le droit de celui qui l’invoque serait atteint si l’antériorité de l’écrit litigieux était admise»[8].
        • Si donc les règles gouvernant la date certaine ont pour finalité la protection des tiers contre les agissements frauduleux des parties, seules les personnes susceptibles de subir un préjudice peuvent endosser la qualification de tiers et donc se prévaloir de l’inopposabilité de la date figurant sur l’acte sous signature privée.
        • Afin d’identifier les personnes relevant de la catégorie des tiers au sens de l’article 1377 du Code civil, il convient alors de déterminer si le droit qu’elles invoquent leur est propre ou si ce droit entretient un lien de dépendance avec la situation juridique de la partie à l’acte.
        • Toute la question est alors de savoir si le degré d’autonomie du droit invoqué est suffisant.
      • Les personnes relevant de la catégorie des tiers
        • Au nombre des personnes qui relèvent de la catégorie des tiers on compte notamment les ayants cause à titre particulier et les créanciers justifiant d’un droit propre.
          • Les ayants cause à titre particulier
            • Doivent être considérés comme des tiers au sens de l’article 1377 du Code civil les ayants cause à titre particuliers des parties, soient ceux qui ont acquis un ou plusieurs droits déterminés sans être tenus aux dettes qui s’y attachent (Cass. civ., 5 mars 1951).
            • Tel est le cas de l’acheteur, du donataire, du locataire ou encore du cessionnaire.
            • La raison en est que la date apposée sur l’acte sous signature privée est susceptible de leur causer un préjudice, à tout le moins de leur nuire.
            • Ainsi, la date figurant sur un contrat de bail conclu par voie d’acte sous signature privée n’est pas opposable à l’acquéreur du local donné à bail.
          • Les créanciers justifiant d’un droit propre
            • Les créanciers justifiant d’un droit propre endossent le statut de tiers au sens de l’article 1377 du Code civil.
            • Tel est le cas d’un créancier qui exerce l’action paulienne contre une partie à l’acte, dans la mesure où cette action appartient au seul créancier et non au débiteur (art. 1341-2 C. civ.).
            • Dans un arrêt du 23 novembre 2006, la Cour de cassation a également reconnu le statut de tiers au créancier pratiquant une saisie-exécution sur les biens d’une des parties à l’acte ( Cass. 2e civ. 23 nov. 2006, n°05-13.367).
            • Il en résulte que tous les actes accomplis par le débiteur sur les biens saisis seront inopposables au créancier.

==> Limites

La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que la seule connaissance par le tiers de l’existence de l’acte litigieux le prive de la faculté de se prévaloir de l’inopposabilité de la date apposée sur celui-ci (Cass. 3e civ. 20 juill. 1989, n°88-13.413).

Cette position est logique dans la mesure où l’article 1377 du Code civil vise à protéger les tiers.

Aussi, dès lors que l’acte est connu, cette règle n’a plus lieu de s’appliquer, le tiers pouvant difficilement arguer qu’il ignorait l’éventuelle falsification de la date figurant sur l’acte.

Dans un arrêt du 18 juin 1991, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait reconnu la qualité de tiers à un couple d’époux sans rechercher s’ils n’avaient pas eu connaissance des conditions dans lesquelles l’acte litigieux – au cas particulier un mandat – avait été négocié (Cass. com. 18 juin 1991, n°90-10.755).

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