Le Droit dans tous ses états

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La contestation de l’acte authentique ou la procédure d’inscription en faux

Si la force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère la position la plus haute dans la hiérarchie des écrits, elle n’est toutefois pas sans limite.

En effet, elle peut être combattue dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure d’inscription en faux.

Cette procédure vise à établir que l’acte authentique établi par l’officier public est un faux, à tout le moins qu’il comporte des énonciations qui sont fausses.

I) Notion de faux

À cet égard, l’article 441-1 du Code pénal prévoit que « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. »

Classiquement, la doctrine distingue deux sortes de faux :

  • Le faux matériel
    • Ce type de faux peut se rencontrer, tant dans les actes authentiques, que dans les actes sous seing privé.
    • Il consiste à fabriquer un acte de toutes pièces ou à en altérer un existant en ajoutant, supprimant ou modifiant une énonciation.
    • Ce faux peut être commis, tant par la personne qui se prévaut de l’acte, que par l’officier public lui-même.
  • Le faux intellectuel
    • Ce type de faux est nécessairement le fait de l’officier public, de sorte qu’il ne se rencontre que dans les actes authentiques.
    • Il consiste, en effet, à reproduire dans l’acte des énonciations qui ne sont pas conformes aux faits que l’officier public à personnellement accomplis ou constatés.

En tout état de cause, pour inscrire en faux un acte authentique, il y a lieu de mettre en œuvre la procédure régie aux articles 303 à 316 du Code de procédure civile.

II) Principes directeurs de la procédure d’inscription en faux

  • Communication au ministère public
    • L’article 303 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une personne cherche à inscrire en faux un acte authentique, communication doit en être faite au ministère public.
    • La raison en est que le faux en écriture publique ou authentique constitue un délit pénal.
    • À ce titre, il expose son auteur à des poursuites pénales :
      • Les peines encourues sont de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
      • Elles sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 225 000 euros d’amende lorsque le faux ou l’usage de faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.
    • L’officier public ne sera toutefois inquiété qu’à la condition que soit caractérisé l’élément moral de l’infraction de faux.
    • Autrement dit, il doit être démontré qu’il a agi sciemment, soit en ayant conscience qu’il commettait une infraction en établissement l’acte authentique.
    • L’absence de culpabilité pénale de l’officier public ne le dégage pas néanmoins de toute responsabilité.
    • En effet, sa responsabilité civile est susceptible d’être engagée dès lors qu’il est établi que le faux a causé un préjudice à autrui, peu importe que l’officier public instrumentaire ait eu conscience « du caractère inexact des constatations arguées de faux » (Cass. 1ère civ. 25 févr. 2016, n°14-23.363).
  • Sanction encourue par le demandeur en faux
    • L’article 305 du Code de procédure civile prévoit que « le demandeur en faux qui succombe est condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
    • Il s’agit là d’une particularité de la procédure d’inscription en faux : celui qui remet en cause l’authenticité d’un acte authentique s’expose à être condamné à une amende civile.
    • L’objectif recherché par le législateur est double :
      • Dissuader les plaideurs d’engager des manœuvres procédurales dilatoires
      • Renforcer la force probante de l’acte authentique qui ne doit pouvoir être contesté que lorsque cela est strictement nécessaire et justifié

III) Voies procédurales de l’inscription en faux

Le Code de procédure civile envisage deux voies procédurales aux fins d’inscrire en faux un acte authentique :

  • L’inscription de faux incidente
  • L’inscription de faux principale

==> L’inscription de faux incidente

Il sera opté pour la procédure d’inscription de faux incidente lorsque, dans le cadre d’une instance en déjà cours, une partie contestera l’authenticité de l’acte authentique produit à titre de preuve par son contradicteur.

  • Compétence
    • La procédure d’inscription en faux relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire ou d’une Cour d’appel.
    • L’article 286 du CPC prévoit en ce sens que l’inscription de faux contre un acte authentique relève de la compétence du juge saisi du principal lorsqu’elle est formée incidemment devant un tribunal judiciaire ou devant une cour d’appel.
    • L’article 313 du CPC précise que si l’incident est soulevé devant une juridiction autre que le tribunal judiciaire ou la cour d’appel, il est sursis à statuer jusqu’au jugement sur le faux à moins que la pièce litigieuse ne soit écartée du débat lorsqu’il peut être statué au principal sans en tenir compte.
  • Formulation de la demande
    • L’article 306 du CPC prévoit que l’inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial.
    • Cette disposition exige que cet acte soit :
      • D’une part, établi en double exemplaire
      • D’autre part, articule avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux à peine d’irrecevabilité
    • À cet égard :
      • Le premier exemplaire doit immédiatement être versé au dossier de l’affaire
      • Le second exemplaire doit, après avoir été daté et visé par le greffier, être restitué à la partie en vue de la dénonciation de l’inscription au défendeur.
    • La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l’inscription.
  • Instruction de la demande
    • L’article 307, alinéa 1er du CPC prévoit que le juge se prononce sur le faux à moins qu’il ne puisse statuer sans tenir compte de la pièce arguée de faux.
    • Si l’acte argué de faux n’est relatif qu’à l’un des chefs de la demande, il peut être statué sur les autres (art. 307, al. 2e CPC).
    • S’il y a lieu le juge peut ordonner, sur le faux, toutes mesures d’instruction nécessaires et notamment faire procéder à une vérification d’écriture (art. 308, al. 2e CPC).
    • Il pourra en outre ordonner l’audition de celui qui a dressé l’acte litigieux (art. 304 CPC).
    • En tout état de cause, le juge statue au vu des moyens articulés par les parties ou de ceux qu’il relèverait d’office (art. 309 CPC).
  • Événements affectant la procédure
    • Renonciation ou transaction
      • L’article 311 du CPC prévoit que, en cas de renonciation ou de transaction sur l’inscription de faux, le ministère public peut requérir toutes les mesures propres à réserver l’exercice de poursuites pénales.
    • Sursis à statuer
      • L’article 312 du CPC prévoit que si des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs ou complices du faux, il est sursis au jugement civil jusqu’à ce qu’il ait été statué au pénal, à moins que le principal puisse être jugé sans tenir compte de la pièce arguée de faux ou qu’il y ait eu, sur le faux, renonciation ou transaction.
  • Décision
    • L’article 308 du CPC prévoit que « il appartient au juge d’admettre ou de rejeter l’acte litigieux au vu des éléments dont il dispose. »
    • Deux voies sont alors possibles :
      • Le faux est caractérisé
        • Dans l’hypothèse où il est établi que l’acte authentique produit est un faux, il est écarté des débats indépendamment des poursuites pénales susceptibles d’être engagées à l’encontre de l’auteur de l’infraction et des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués à la victime.
        • Par ailleurs, le jugement qui déclare le faux est mentionné en marge de l’acte reconnu faux (art. 310 al. 1er CPC).
        • En outre, il précise si les minutes des actes authentiques seront rétablies dans le dépôt d’où elles avaient été extraites ou seront conservées au greffe.
        • Enfin, il est sursis à l’exécution de ces prescriptions tant que le jugement n’est pas passé en force de chose jugée, ou jusqu’à l’acquiescement de la partie condamnée.
      • Le faux n’est pas caractérisé
        • Dans cette hypothèse, l’acte litigieux sera admis aux débats comme élément de preuve.
        • Au surplus, en application de l’article 305 du CPC, le demandeur en faux peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

==> L’inscription de faux principale

La voie de l’inscription de faux principale lorsque la contestation de l’acte authentique litigieux intervient en dehors d’une instance en cours.

Cette procédure est régie aux articles 314 à 316 du Code de procédure civile :

  • Compétence
    • En application de l’article 286 in fine du CPC l’inscription de faux relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.
  • Introduction de l’instance
    • Conformément à l’article 314 du CPC, l’introduction de l’instance s’opère en deux étapes :
      • Première étape : dépôt au greffe de l’acte d’inscription de faux
        • L’inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial.
        • L’article 306 du CPC exige que cet acte soit :
          • D’une part, établi en double exemplaire
          • D’autre part, articule avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux à peine d’irrecevabilité
        • À cet égard :
          • Le premier exemplaire doit immédiatement être versé au dossier de l’affaire
          • Le second exemplaire doit, après avoir été daté et visé par le greffier, être restitué à la partie en vue de la dénonciation de l’inscription au défendeur.
        • La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l’inscription.
      • Seconde étape : assignation du défendeur
        • La saisine du Tribunal judiciaire s’opère par voie d’assignation.
        • L’article 314 du CPC précise que la copie de l’acte d’inscription de faux est jointe à l’assignation qui contient sommation, pour le défendeur, de déclarer s’il entend ou non faire usage de l’acte prétendu faux ou falsifié.
        • L’assignation doit être faite dans le mois de l’inscription de faux à peine de caducité de celle-ci.
  • Déroulement de l’instance
    • Si le défendeur déclare ne pas vouloir se servir de la pièce arguée de faux, le juge en donne acte au demandeur (art. 315 CPC).
    • Si le défendeur ne comparaît pas ou déclare vouloir se servir de la pièce litigieuse, il est statué selon les mêmes règles que la procédure d’inscription de faux incidente.

1 Comment

  1. Bonjour, est-ce que cette procédure reste valable s’il concerne un rapport d’AEMO déjà transmis au tribunal et ayant été moyen dans une audience rendue ? Le rapport en question à été adressé au TPE sans discussion préalable avec moi et a servit de moyen pour à la partie défenderesse. Dans ce cas précis votre explication est-elle appropriée ? Ou s’agirait-il de faire un dépôt de plainte classique, ou de saisir le doyen des Juges ? Merci de votre réponse.


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