Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral: l’exigence de “mention manuscrite” ou la formalité du “bon pour”

==> Principe

En application de l’article 1376 du Code civil « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un acte sous signature privée constate un engagement unilatéral de payer une somme d’argent ou de livrer un bien fongible, le débiteur doit reproduire sur l’acte une mention exprimant le montant ou la quantité de l’engagement souscrit.

Cette exigence est appelée couramment formalité de la « mention manuscrite » ou du « bon pour ».

À l’analyse, la règle de preuve énoncée à l’article 1376 du Code civil a été instituée afin de prémunir le débiteur d’une fraude du créancier.

Lorsque, en effet, un acte sous signature privée est régularisé en vue de constater un contrat unilatéral, il n’est établi qu’en un seul exemplaire.

En application de l’article 1375, al. 1er du Code civil, l’exigence du double original ne joue que pour les contrats synallagmatiques.

Tel n’est pas le cas pour les contrats unilatéraux dont l’unique exemplaire est conservé par le seul créancier.

Il est alors en risque que celui-ci modifie le montant de l’engagement de son cocontractant en altérant les termes de l’acte.

Pour l’en dissuader, il a fallu trouver une parade. Cette parade a consisté à exiger, pour les contrats unilatéraux, qu’une mention soit reproduite sur l’acte de la main de celui qui s’oblige exprimant le montant en chiffres et en lettres de son engagement.

Cette formalité a ainsi pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié.

Elle vise, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

==> Domaine

Tout d’abord, comme énoncée par l’article 1376 du Code civil, l’exigence du « bon pour » ne s’applique qu’aux seuls actes sous signature privée.

A contrario, cette exigence ne joue, ni pour les actes notariés, ni pour les actes sous signature privée contresignés par avocat :

  • S’agissant des actes notariés
    • L’article 1369, al. 3e du Code civil prévoit que « lorsqu’il est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »
    • La Cour de cassation a appliqué cette dispense à l’exigence de mention manuscrite dans un arrêt du 2 juillet 1991 aux termes duquel elle a jugé qu’un cautionnement donné dans un acte authentique « n’était pas soumis aux exigences de l’article 1326 du Code civil » (Cass. 1ère civ. 2 juill. 1991, n°90-12.747).
    • Elle a statué dans le même sens dans un arrêt du 13 février 1996 (Cass. 1ère civ. 13 févr. 1996, n°93-21.165).
  • S’agissant des actes sous signature privée contresignés par avocat
    • L’article 1374, al. 3e du Code civil prévoit sensiblement dans les mêmes termes que ceux de l’article 1369, al.3e que l’acte sous signature privée contresigné par avocat « est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi».
    • La raison en est que, à l’instar du notaire, l’avocat est assujetti à un devoir de conseil, ce qui implique notamment qu’il délivre aux parties l’information contenue dans la mention manuscrite prévue par la loi dans certains domaines.
    • Aussi, le législateur a estimé qu’il s’agissait là d’une garantie suffisante, l’intervention de l’avocat étant de nature à garantir que les parties prendront la mesure de leur engagement.

Ensuite, pour que l’exigence énoncée à l’article 1376 du Code civil s’applique il ne suffit pas que l’on soit en présence d’un acte sous signature privée, il faut encore qu’il s’agisse d’un acte « par lequel une seule partie s’engage envers une autre », soit un acte constatant un engagement unilatéral.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci ».

Le contrat unilatéral se distingue de l’acte unilatéral en ce que, pour être valable, cela suppose l’accord des volontés.

Exemples :

  • Le contrat de prêt : l’obligation principale consiste pour l’emprunteur à restituer les fonds ou la chose prêtée
  • Le contrat de donation : l’obligation principale échoit au seul donateur
  • Le contrat de cautionnement : l’obligation principale consiste pour la caution à garantir la dette du débiteur principal

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que les exigences posées par l’article 1376 du Code civil étaient inapplicables aux actes sous signature privée constatant une convention synallagmatique (V. en ce sens Cass. com. 26 juin 1990, n°88-14.444).

Enfin, l’exigence de mention énoncée par l’article 1376 du Code civil ne joue que lorsque l’engagement unilatéral consiste :

  • Soit au paiement d’une somme d’argent, ce qui implique pour le débiteur de payer le créancier au moyen de monnaie
  • Soit à la livraison de choses fongibles, c’est-à-dire de choses qui ne possèdent pas d’individualité propre et qui donc sont « de même quantité et qualité», de sorte qu’elles sont interchangeables (une tonne de blé, des boîtes de dolipranes, des tables produites en série etc.)

Il en résulte que lorsque l’engagement a pour objet la livraison d’un corps certain ou une obligation de faire, l’exigence énoncée par l’article 1376 du Code civil n’a pas lieu de jouer.

Dans un arrêt du 12 février 2003, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « que l’article 1326 du Code civil ne s’applique qu’à une obligation de payer ou de livrer un bien fongible, mais non à une obligation portant sur la bonne exécution d’un contrat de construction » (Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, n° 01-11.295).

La Chambre commerciale a statué dans le même sens dans un arrêt du 18 juin 2013 en retenant, au visa des anciens articles 1120 et 1326 (devenu l’article 1376) du Code civil « qu’il résulte du premier de ces textes, que l’engagement de porte-fort constitue un engagement de faire, de sorte que le second ne lui est pas applicable » (Cass. com. 18 juin 2013, n°12-18.890).

==> Mise en œuvre

L’article 1376 du Code civil exige, à titre de preuve, la reproduction sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral d’une mention manuscrite exprimant le montant ou de la quantité de l’engagement « en toutes lettres et en chiffres. »

Deux questions immédiatement se posent : quelle doit être la forme de cette mention et quels éléments doit-elle comporter ?

  • La forme de la mention
    • Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1326 du Code civil exigeait que la mention manuscrite devant figurer sur l’acte soit écrite de la main du débiteur de l’obligation.
    • Cette précision excluait, en conséquence, que cette mention puisse être dactylographiée, quand bien même il serait établi qu’elle a été reproduite par celui qui s’engage.
    • Afin de conférer à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, il est apparu nécessaire d’aménager l’exigence posée par le texte.
    • Il fallait en effet autoriser que la mention puisse être reproduite sur l’acte, tant au moyen d’un stylo que d’un procédé numérique.
    • C’est la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique qui a levé l’obstacle parfaitement identifié par le législateur en substituant la formule « écrite de la main» par « écrite par lui-même ».
    • Par cette substitution, il était désormais admis que la mention exigée par l’ancien article 1326 du Code civil soit reproduite au moyen d’un outil de dactylographie.
    • La Cour de cassation a toutefois précisé dans un arrêt du 13 mars 2008 « que si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s’engage, n’est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d’un des procédés d’identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s’assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ».
    • Autrement dit, pour conférer à l’acte sous signature privée la force probante d’un écrit, la preuve doit être rapportée que la mention a bien été reproduite par le signataire, faute de quoi cet acte ne peut tout au plus constituer qu’un simple commencement de preuve par écrit devant être corroboré par une preuve extrinsèque (Cass. 1ère civ. 13 mars 2008, n°06-17.534).
    • À cet égard, en cas de dénégation de son écriture par le débiteur, il appartiendra au juge de procéder, en application des articles 1373 du Code civil et 287 du Code de procédure civile à une vérification d’écriture.
    • S’agissant de l’endroit où la mention doit être apposée sur l’acte, la jurisprudence semble ne pas y accorder d’importance.
    • Dans un arrêt du 23 novembre 1999, la Cour de cassation a admis que la mention puisse figurer sous la signature de la caution, pourvu qu’il soit établi qu’elle émane de cette dernière et qu’elle précise le montant, en toutes lettres et en chiffres, de la somme que celle-ci s’engage à payer (Cass. 1ère civ. 23 nov. 1999, n°96-20.517).
    • Autre exigence de forme posée par l’article 1376 du Code civil, la mention doit exprimer le montant ou la quantité de l’engagement « en chiffres et en lettres», à tout le moins lorsque cet engagement est déterminé.
    • Si la mise en œuvre de cette exigence ne soulève, en soi, aucune difficulté plus délicate est la question de la sanction de l’absence d’indication du montant de l’engagement souscrit en chiffres ou en lettres.
      • L’omission concerne l’indication du montant de l’engagement en chiffres
        • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que « l’omission de la mention manuscrite en chiffres exigée par l’article 1326 du Code civil n’a pas pour effet de priver l’écrit de sa force probante dès lors qu’il comporte la mention de la somme en toutes lettres» (Cass. 1ère civ. 22 oct. 2002, n°01-10.472).
        • Dans un second temps, elle est revenue sur sa position en jugeant que l’absence d’indication du montant de l’engagement en chiffres affectait l’acte de telle sorte qu’il « ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit» (Cass. 1ère civ. 21 mars 2006, n°04-18.673).
        • La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 27 novembre 2013, aux termes duquel elle a affirmé que « faute d’indication, dans la mention manuscrite, du montant en chiffres de la somme, l’acte litigieux, comme tout acte par lequel une partie s’engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d’argent, ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit» (Cass. 1ère civ. 27 nov. 2013, n°12-18.566).
      • L’omission concerne l’indication du montant de l’engagement en lettres
        • Dans cette hypothèse, la Cour de cassation retient la même solution qu’en cas d’omission du montant de l’engagement en chiffres : l’acte affecté par l’irrégularité ne peut constituer qu’un commencement de preuve par écrit.
        • Dans un arrêt du 6 juillet 2004, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la mention manuscrite apposée sur cet acte par M. X…, si elle comporte le montant en chiffres de l’obligation garantie, n’indique pas ce montant en lettres ; que faute d’une telle indication, impérativement prescrite par les textes susvisés, l’acte litigieux ne constitue pas un acte de cautionnement régulier» (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, n°02-14.450).
    • Enfin, l’article 1376 du Code civil précise que, en cas de différence entre le montant indiqué en lettres et le montant indiqué en chiffres ,« l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»
    • Ainsi, c’est l’indication du montant de l’engagement en lettres qui prime sur l’indication en chiffres.
  • Le contenu de la mention
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, pour mémoire, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres».
    • Il ressort de cette disposition que la mention qui doit être apposée sur l’acte sous signature privée doit, pour être valable, exprimer le montant ou la quantité de l’engagement souscrit « en toutes lettres et en chiffres».
    • Dans un arrêt du 16 mars 1999, la Cour de cassation a précisé que l’article 1376 du Code civil « limite l’exigence de la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l’étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses composantes» (Cass. com. 16 mars 1999, n°96-12.653).
    • La première chambre civile a adopté la même position dans un arrêt du 29 octobre 2002, (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-15.223).
    • Il n’est donc pas nécessaire que la mention exprime autre chose que le montant ou la quantité de l’engagement pour être valable.
    • En d’autres termes, ce sont, de façon générale, toutes les modalités de l’obligation souscrite qui sont exclues du domaine de la mention.
    • En matière de cautionnement la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’il était indifférent que la mention précise la nature de la dette garantie (Cass. 1ère civ. 28 oct. 1991, n°90-13.274) ou si l’engagement contracté était solidaire (Cass. 1ère civ. 31 janv. 1989, n°87-11.204).
    • S’agissant de la formulation de la mention, si elle ne soulève aucune difficulté lorsque le montant de l’engagement est déterminé, quid dans l’hypothèse où ce montant est déterminable, voire indéterminé ?
      • Le montant de l’engagement est déterminable
        • Lorsque le montant de l’engagement souscrit est seulement déterminable, faute de pouvoir indiquer un montant précis, la mention devra exprimer tous les éléments permettant de déterminer le montant de l’engagement (V. en ce sens pour un cautionnement Cass. 1ère civ. 25 mars 1991, n°89-16.653).
      • Le montant de l’engagement est indéterminé
        • Lorsque le montant de l’engagement contracté est indéterminé, la question s’est posée en jurisprudence de savoir comment satisfaire à l’exigence posée par l’article 1376 du Code civil.
        • Cette difficulté a notamment été rencontrée en matière de cautionnement où il est fréquent qu’une caution s’engage à garantir des dettes indéterminées, telles des dettes futures.
        • Dans cette configuration, il est a priori impossible de satisfaire à l’exigence d’indication du montant de l’engagement de caution qui, par hypothèse, est inconnu au jour de l’établissement de l’acte.
        • Dans un arrêt du 3 mars 1970, la Cour de cassation a résolu l’énigme en affirmant que lorsque l’engagement de caution garantit une obligation illimitée, l’article 1376 du Code civil impose l’apposition sur l’acte de cautionnement d’une mention écrite de la main de la caution « exprimant sous une forme quelconque mais de façon explicite, la connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation» (Cass. 1ère civ. 3 mars 1970, n°68-11.240).
        • La première chambre civile a réitéré cette solution dans un arrêt du 22 février 1984 aux termes duquel elle a affirmé, sensiblement dans les mêmes termes, « qu’il résulte de la combinaison des [articles 1326 et 2015 du Code civil] que l’acte juridique constatant un engagement indéterminé doit porter, écrite de la main de la caution, une mention exprimant sous une forme quelconque, mais de façon explicite et non équivoque, la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée» (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).
        • Ainsi, pour pallier l’absence d’indication du montant d’un engagement unilatéral en chiffres et en lettres telle que prescrite par l’article 1376 du Code civil, est-il nécessaire que la mention apposée sur l’acte par débiteur exprime avec suffisamment de précision l’étendue de son engagement.
        • Aucune formule sacramentelle n’est donc exigée. Les juges devront seulement vérifier si les termes de la mention reproduite sur l’acte sont suffisamment explicites pour que le souscripteur de l’engagement s’oblige en toute connaissance de cause et prenne la mesure de son obligation.
        • Afin d’apprécier le caractère explicite et non équivoque de la mention, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 4 mars 1986 qu’il devait « être tenu compte non seulement des termes employés mais également de la qualité, des fonctions et des connaissances de la caution, de ses relations avec le créancier et le débiteur de l’obligation cautionnée, ainsi que de la nature et des caractéristiques de cette dernière» (Cass. 1ère civ. 4 mars 1986, n°84-16.818).
        • Il y a donc lieu de se référer à des éléments extrinsèques pour déterminer sur la mention qui figure sur l’acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral exprime « de façon explicite et non équivoque, la connaissance que la caution a de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée».
        • Dans un arrêt du 29 octobre 2002, la Cour de cassation a admis que cette appréciation pouvait s’appuyer sur l’analyse de la seule mention, dès lors que celle-ci « est claire dans son libellé et dénuée d’équivoque» (Cass. com. 29 oct. 2002, n°98-21.056).
        • La Haute juridiction a, en revanche, précisé que « la mention ” lu et approuvé ” ne suffisait pas à répondre aux exigences» de l’article 1376 du Code civil (Cass. 28 oct. 1991, n°90-13.274).
        • Enfin, la première chambre civile a précisé dans un arrêt du 9 mai 2001 que « le caractère explicite et non équivoque de la connaissance par la caution de la nature et de l’étendue de son engagement doit s’apprécier au jour de l’acte» (Cass. 1ère civ. 9 mai 2001, n°98-14.760).

==> Portée

Sous l’empire du droit antérieur, la question s’était posée de savoir quelle portée reconnaître à l’exigence de mention manuscrite énoncée par l’ancien article 1326 du Code civil.

Cette question avait donné lieu à un abondant contentieux en matière de cautionnement.

Pour rappel, à l’origine, la formalité du « bon pour » avait pour fonction d’empêcher que l’acte ne soit falsifié. Elle visait, autrement dit, à protéger le débiteur d’éventuels agissements malveillants du créancier.

À cette fin, l’acte constatant l’engagement unilatéral n’avait valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Nonobstant cette fonction probatoire de la mention manuscrite envisagée initialement par le législateur, à partir des années 1980, la jurisprudence en a fait un instrument de protection du consentement des cautions.

La Cour de cassation a, en effet, érigé l’exigence de mention manuscrite prescrite par l’ancien article 1326 du Code civil en condition de validité du cautionnement.

Aussi, désormais, l’absence de mention manuscrite était sanctionnée, non plus par l’abaissement de la valeur probatoire de l’acte au rang de commencement de preuve par écrit, mais par la nullité pure et simple du cautionnement.

Dans un arrêt du 30 juin 1987, la Première chambre civile a ainsi affirmé « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution ».

Elle en déduit que l’aval dont la régularité était contestée, en raison de sa signature en blanc, était bien nul (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision, rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

L’enseignement qu’il y a lieu de retirer de ce revirement de jurisprudence est double :

  • Premier enseignement
    • L’exigence de mention manuscrite n’est plus regardée comme une condition de validité du cautionnement.
    • On revient donc à la position initialement partagée par toutes les chambres de la Cour de cassation : la reproduction de la mention sur l’acte constitue une simple formalité requise ad probationem.
    • Il en résulte que l’irrégularité ou l’absence de cette mention n’est plus sanctionnée par la nullité du cautionnement
  • Second enseignement
    • En cas d’absence ou d’irrégularité de la mention manuscrite, l’acte constatant le cautionnement, qui donc n’est pas nul, vaut commencement de preuve par écrit.
    • Cela signifie que la preuve de l’engagement de caution peut être rapportée au moyen d’éléments extrinsèques, tels que notamment des témoignages ou encore des présomptions.

Aujourd’hui, cette solution retenue par la jurisprudence ne soulève plus de doute. Elle est désormais bien ancrée en droit positif.

À l’occasion du transfert de l’article 1326 du Code civil à l’article 1376 du même Code opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve des obligations, le législateur en a profité pour préciser la fonction remplie par la règle énoncée par ce texte.

Si, en effet, l’article 1376 reprend à droit constant l’ancien article 1326, il en modifie légèrement la formulation afin, précise le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, de « lever toute ambiguïté sur le caractère des mentions requises, qui ne sont pas des conditions de validité de l’acte unilatéral mais bien des conditions de preuve. »

Cette modification vise, en outre, à éviter les abus de blanc-seing et à faire prendre conscience au signataire de la mesure de son engagement.

Le nouveau texte est rédigé comme suit : « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. »

Dorénavant, l’absence de mention manuscrite sur un acte sous signature privée constatant un engagement unilatéral lui fait donc perdre sa valeur de preuve. Il s’analyse en un simple commencement de preuve par écrit (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2005, n°04-14.695).

Pour pallier cette carence, il appartient au créancier de produire des éléments extrinsèques.

La question qui alors se pose est de savoir quels sont les éléments de preuve complémentaires admis par la jurisprudence.

En droit commun de la preuve, les éléments attendus par le juge doivent permettre de prouver le montant de l’obligation souscrite par le débiteur, lequel est insuffisamment établi par le commencement de preuve par écrit produit.

Dans un arrêt du 24 mai 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « un commencement de preuve par écrit peut être complété par tous moyens de preuve tels que témoignages et présomptions » (Cass. 1ère civ. 24 mai 2017, n°16-14.128).

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