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L’acte authentique: régime juridique

En application de l’article 1364 du Code civil, les écrits valant mode de preuve parfait sont l’acte authentique et l’acte sous seing privé.

L’article 1366 précise que lorsque l’une ou l’autre forme d’acte est établie sur support électronique elle est dotée, par principe, de la même force probante que l’écrit rédigé sur support papier

Nous nous focaliserons ici sur l’acte authentique. 

==> Définition

L’acte authentique est défini par l’article 1369, al. 1er du Code civil comme « celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. »

À l’analyse, comme souligné par la doctrine, il s’agit là moins d’une définition de l’acte authentique que d’une liste énonçant ses conditions d’établissement.

Ce texte ne renseigne, en effet, pas vraiment sur ce qu’est un acte authentique, ni sur ce qu’est l’authenticité.

Dans le langage courant, l’authenticité se définit comme « la qualité de ce qui ne peut être controversé » ou encore comme la « qualité de ce qui est intrinsèquement vrai, pur ».

La notion d’authenticité est ainsi étroitement liée à celle de vérité. L’utilisation de ce terme dans les dispositions intéressant la preuve par écrit n’est pas un hasard.

Car en droit, qu’est-ce que prouver, sinon l’action visant à montrer la vérité fait.

Ambroise Colin et Henri Capitant ont avancé en ce sens que « prouver, c’est faire connaître en justice la vérité d’une allégation par laquelle on affirme un fait d’où découlent des conséquences juridiques »[1].

Qu’est-ce qui distingue l’acte authentique des autres modes de preuve et notamment de l’acte sous seing privé ? La différence entre ces deux formes d’actes réside essentiellement dans leur force probante.

La force probante de l’acte authentique le place au sommet de la hiérarchie des preuves par écrit.

Contrairement à l’acte sous seing privé qui souffre de la preuve contraire, l’acte authentique ne peut être combattu qu’à la condition de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Cette particularité fait de l’acte authentique l’écrit qui procure le plus de sécurité juridique à son bénéficiaire.

C’est la raison pour laquelle il figure en bonne place dans le Code civil. La sous-section qui lui est consacrée vient coiffer les différents modes de preuve par écrit.

==> Forme électronique

Le deuxième alinéa de l’article 1369 du Code civil prévoit que l’acte authentique « peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Ainsi, l’exigence d’intervention d’un officier public pour l’établissement d’un acte authentique ne fait nullement obstacle à ce qu’il soit dressé sur support électronique.

Cette possibilité offerte aux officiers publics procède d’une volonté du législateur de ne pas laisser l’acte authentique « en dehors de la révolution numérique ».

La poursuite de cet objectif ne doit pas néanmoins se faire au détriment de la sécurité juridique. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il est établi sur support électronique, l’acte authentique doit satisfaire aux mêmes formalités que celles requises pour son établissement sur support papier.

À cette exigence s’ajoutent celles tenant :

  • En premier lieu, à sa signature qui doit reposer sur un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache (art. 1367, al. 2e C. civ.)
  • En second lieu, à sa conservation, laquelle doit assurer la préservation de l’intégrité et la lisibilité de l’acte

S’agissant de la seconde exigence elle a été précisée notamment par deux décrets au nombre desquels figurent :

  • Le décret n°2005-973 du 10 août 2005 relatif aux actes établis par les notaires
  • Le décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021 relatif aux compétences des commissaires de justice

I) Les conditions de l’authenticité

Les conditions pour qu’un écrit soit qualifié d’authentique tiennent :

  • D’une part, au rédacteur de l’acte
  • D’autre part, aux solennités relatives à son établissement

A) Le rédacteur de l’acte

En application de l’article 1369, al. 1er du Code civil, pour être reconnu comme authentique, un acte doit :

  • D’une part, avoir été établi par une personne appartenant à la catégorie des officiers publics
  • D’autre part, avoir été personnellement reçu par un officier public
  • Enfin, avoir été reçu par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter.

1. L’établissement de l’acte par un officier public

La principale condition de validité d’un acte authentique tient à la qualité de son rédacteur. Son établissement suppose, en effet, l’intervention d’un officier public.

Par officier public, il faut entendre une personne délégataire de la puissance publique de l’État au nom duquel il confère l’authenticité aux actes relevant de sa compétence.

Les officiers publics ne doivent pas être confondus avec les officiers ministériels qui sont des personnes titulaires d’un office conféré à vie par l’État et nommées par décision d’un ministre. Cette catégorie regroupe :

  • Les notaires
  • Les avocats aux Conseils
  • Les Commissaires-priseurs judiciaires
  • Les huissiers de justice
  • Les Commissaires de justice
  • Les greffiers des Tribunaux de commerce

Si les officiers ministériels forment une catégorie distincte de celle des officiers publics, certains endossent néanmoins les deux statuts. Il s’agit des officiers publics et ministériels au nombre desquels figurent :

  • Les notaires
  • Les huissiers de justice
  • Les greffiers des Tribunaux de commerce

Là ne s’arrête pas la liste des officiers publics. Il faut y ajouter notamment :

  • Les officiers de l’État civil ou personnes assimilées tel qu’un agent diplomatique ou consulaire pour les actes de l’état civil
  • Les préfets, sous-préfets ou maires pour les actes publics
  • Les greffiers pour les actes judiciaires

Compte tenu de ces différentes sources de l’acte authentique, ils présentent une grande variété.

À cet égard, Gabriel Marty et Pierre Raynaud ont établi une classification des actes authentiques qui distingue :

  • Les actes authentiques ayant un caractère administratif
    • Ils sont établis par une autorité publique : un officier de l’État civil, un officier de police judiciaire, un maire ou encore un préfet
  • Les actes authentiques ayant un caractère judiciaire
    • Ils sont établis par les greffiers des juridictions
  • Les actes authentiques ayant un caractère extrajucidiaire
    • Ils sont établis par les huissiers de justice
  • Les actes authentiques dits de juridiction volontaire ou notariés
    • Ils sont établis par un notaire

En dehors de ces catégories, sont également assimilés à des actes authentiques :

2. La réception de l’acte par un officier public

==> Principe

Il ne suffit pas que l’acte authentique ait été rédigé par un officier public pour être valable, il faut encore qu’il ait été personnellement « reçu » par lui.

Autrement dit, l’échange des volontés entre les parties doit nécessairement être intervenu en présence de l’officier public.

La raison en est qu’il ne peut conférer un caractère authentique qu’aux seules énonciations de l’acte relatives aux faits qu’il a été en mesure de vérifier par lui-même.

Cette exigence s’applique tout particulièrement aux notaires. Sous l’empire du droit antérieur, l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, modifiée par la loi du 25 juin 1973, autorisait le notaire à « habiliter un ou plusieurs de ses clercs assermentés à l’effet de donner lecture des actes et des lois et recueillir les signatures des parties. »

Ce n’était qu’à compter de leur signature par le notaire que les actes ainsi dressés acquéraient leur caractère d’actes authentiques notamment en ce qui concerne les énonciations relatives aux constatations et formalités effectuées par le clerc assermenté.

Cette faculté de délégation par le notaire de l’établissement de l’acte authentique à des clercs assermentés a été abolie par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

La faculté pour les notaires d’habiliter un ou plusieurs clercs de leur office a été progressivement perçue comme un des obstacles à l’accès au plein exercice de la profession, les notaires titulaires pouvant, grâce à cette habilitation, démultiplier leur capacité à assurer la réception des actes.

La suppression de la faculté pour les notaires d’habiliter un ou plusieurs clercs de leur office est alors apparue comme l’un des moyens de lever un obstacle à la nomination de notaires ; d’où sa suppression par le législateur lors de la libéralisation de l’installation des notaires.

Aujourd’hui, la validité d’un acte notarié est subordonnée à la présence personnelle de l’officier public au moment de la lecture des énonciations de l’acte et de la signature des parties.

==> Exceptions

Il est certains textes spéciaux qui autorisent des officiers publics à habiliter une personne aux fins d’instrumenter l’acte à leur place.

C’est le cas des huissiers qui peuvent déléguer à un clerc assermenté la signification de tous actes judiciaires et extrajudiciaires, à l’exception des procès-verbaux de constats et d’exécution et des ventes mobilières judiciaires ou volontaires (art. 5 de la loi du 27 décembre 1923).

Il en va de même pour les maires qui, en application de l’article R. 2122-10 du Code des collectivités territoriales, peuvent déléguer à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune tout ou partie des fonctions qu’il exerce en tant qu’officier de l’état civil.

3. La réception de l’acte par un officier public compétent

Pour que l’officier public qui instrumente confère à l’acte qu’il dresse son authenticité, encore faut-il qu’il soit compétent.

Plus précisément, il doit justifier :

  • D’une compétence d’attribution (ratione materiae)
    • L’officier public doit être habilité à instrumenter le type d’acte qu’on lui demande d’établir
    • Par exemple, en application de l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, les huissiers ont seuls qualité pour :
      • signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n’a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire.
      • procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances
      • procéder aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels et, dans les lieux où il n’est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires
      • effectuer à la requête de particuliers ou sur commission d’un juge, des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter
    • De leur côté, les notaires ont seuls qualité pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions.
    • Lorsqu’un officier public instrumente un acte en dehors de sa compétence d’attribution, l’acte établi pas lui est privé de tout caractère authentique.
  • D’une compétence territoriale (ratione loci)
    • L’officier public doit être habilité à instrumenter dans le ressort géographique dans lequel son intervention est requise.
    • Pour exemple, l’article 2 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 prévoit que les commissaires de justice exercent leur compétence dans le ressort de la cour d’appel du siège de l’office et, le cas échéant, du ou des bureaux annexes attachés à l’office.
    • S’agissant des notaires, si par principe, ils peuvent exercer leurs fonctions sur l’ensemble du territoire national, l’article 10 du décret n°71-942 du 26 novembre 1971 leur interdit d’établir, hors du ressort de la cour d’appel dans lequel l’étude est établie ou du ressort des tribunaux judiciaires limitrophes de celui dans le ressort duquel est établi l’office :
      • des actes constituant la première mutation à titre onéreux de biens immobiliers
      • la première cession de parts ou actions à titre onéreux d’une société d’attribution après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement.
  • D’une compétence personnelle (ratione personae)
    • L’officier public ne doit pas être frappé d’une incapacité à instrumenter l’acte pour lequel il a été saisi.
    • L’article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 prévoit par exemple que « les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur. »
    • L’article 3 de ce décret dispose encore que « deux notaires parents ou alliés au degré prohibé par l’article 2 ou membres de la même société civile professionnelle ne peuvent recevoir ensemble un acte nécessitant le concours de deux notaires. »
    • On retrouve une incapacité de même nature pour les commissaires de justice qui, en application de l’article 8 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 ne peuvent, à peine de nullité, instrumenter à l’égard de leurs parents et alliés, en ligne directe à tous les degrés et en ligne collatérale jusqu’au quatrième degré, de leur conjoint et de leur partenaire de pacte civil de solidarité.
    • Il leur est également fait interdiction, pour ceux qui organisent ou réalisent des ventes de meubles aux enchères publiques, acheter pour leur propre compte, directement ou indirectement, les biens proposés lors de ces ventes.

Dans un arrêt du 20 mai 1976, la Cour de cassation a précisé que la violation d’une règle de compétence par un officier public était de nature à entacher d’une nullité d’ordre public l’acte, ce qui lui enlève son caractère authentique (Cass. 2e civ. 20 mai 1976, n°75-11.401).

B) Les solennités relatives à l’établissement de l’acte

1. Les solennités requises

L’établissement d’un acte authentique requiert l’observation par l’officier public d’un certain nombre de solennités qui diffèrent selon la nature de l’acte et l’opération constatée dans cet acte.

==> Règles communes

  • Rédaction de l’acte en langue française
    • Tout acte authentique doit être rédigé en langue française.
    • Cette exigence est issue de l’ordonnance du 25 août 1539, de Villers-Cotterêt, qui prévoit, en son article 111 que « et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d’oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. »
  • Signatures
    • La signature de l’officier public
      • Pour être valable, l’acte authentique ne doit pas seulement avoir été « reçu » par un officier public, soit en sa présente, il doit encore avoir été signé par lui.
      • Cette exigence se déduit notamment de l’article 1367, al. 1er du Code civil qui prévoit que « quand [la signature] est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte».
      • Dans un arrêt du 29 novembre 1989, la Cour de cassation a précisé que le défaut de signature d’un acte authentique était sanctionné par la nullité absolue de l’acte (Cass. 1ère civ. 29 nov. 1989, n°88-13.926).
      • Enfin, conformément à l’article 6 du décret n°52-1292 du 2 décembre 1952 la signature de l’acte ne doit pas seulement être apposée sur la minute (l’original), mais également sur les copies de l’acte.
    • La signature des parties à l’acte
      • Bien que l’acte établi par un officier public tire son authenticité de la signature de ce dernier, il doit également, pour être valable, être signé par les parties.
      • La raison en est que, en tant qu’écrit, l’acte authentique est soumis au droit commun des écrits et notamment à l’article 1367 du Code civil.
      • Or cette disposition prévoit, en son alinéa 1er, que la signature des parties est une condition « à la perfection d’un acte».
      • Dans un arrêt du 12 juillet 2007, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « est entaché de nullité absolue l’acte notarié qui n’est pas signé par les parties» (Cass. 1ère civ. 12 juill. 2007, n°06-10.362).

==> Règles applicables aux actes notariés

Des solennités spécifiques sont prévues notamment pour les actes notariés. Elles sont fixées par le décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

  • Mentions
    • Les mentions devant figurer sur l’acte notarié
      • L’article 6 du décret du 26 novembre 1971 prévoit que tout acte notarié doit :
        • Énoncer le nom et le lieu d’établissement du notaire qui le reçoit, les nom et domicile des témoins, le lieu où l’acte est passé, la date à laquelle est apposée chaque signature
        • Contenir les noms, prénoms et domicile des parties et de tous les signataires de l’acte
        • porter mention qu’il a été lu par les parties ou que lecture leur en a été donnée.
    • La dispense de mentions manuscrites
      • L’article 1369, al. 3e du Code civil prévoit que, lorsque l’acte authentique est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.
      • En matière de cautionnement, par exemple, l’article 2297 du Code civil prévoit que « la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »
      • Si cette mention est exigée à peine de nullité lorsque l’engagement de caution est régularisé par voie d’acte sous seing privé, en application de l’article 1369, al. 3e du Code civil, cette exigence disparaît lorsque l’acte de cautionnement est instrumenté par un notaire.
      • La raison en est que le notaire est assujetti à un devoir de conseil, ce qui implique notamment qu’il délivre aux parties l’information contenue dans la mention manuscrite prévue par la loi dans certains domaines.
      • Aussi, le législateur a estimé qu’il s’agissait là d’une garantie suffisante, l’intervention de notaire étant de nature à garantir que les parties prendront la mesure de leur engagement.
  • Signatures
    • L’article 10 du décret du 26 novembre 1971 dispose que les actes sont signés par les parties, les témoins et le notaire.
    • Il est fait mention, à la fin de l’acte, de la signature des parties, des témoins et du notaire.
    • Quand les parties ne savent ou ne peuvent signer, leur déclaration à cet égard doit être mentionnée à la fin de l’acte
    • L’article 14 précise que chaque feuille est paraphée par le notaire et les signataires de l’acte sous peine de nullité des feuilles non paraphées.
    • Toutefois, si les feuilles de l’acte et, le cas échéant, de ses annexes sont, lors de la signature par les parties, réunies par un procédé empêchant toute substitution ou addition, il n’y a pas lieu de les parapher ; il n’y a pas lieu non plus d’apposer sur les annexes la mention constatant cette annexe et signée du notaire.
  • Modalités de rédaction
    • Formulation des sommes
      • Les sommes doivent être énoncées en lettres à moins qu’elles ne constituent le terme ou le résultat d’une opération ou qu’elles ne soient répétées.
    • Formulation de la date
      • La date à laquelle l’acte est signé par le notaire doit être énoncée en lettres.
    • Recours aux abréviations
      • les abréviations sont autorisées dans la mesure où leur signification est précisée au moins une fois dans l’acte.
    • Renvois
      • Les renvois sont portés soit en marge, soit au bas de la page, soit à la fin de l’acte.
      • Ils doivent être paraphés par le notaire et les autres signataires de l’acte.
      • Les renvois portés à la fin de l’acte sont numérotés. S’ils précèdent les signatures il n’y a pas lieu de les parapher.
    • Lisibilité et durabilité
      • L’acte du notaire doit être établi de façon lisible.
      • Lorsqu’il est établi sur support papier, le texte doit être indélébile et la qualité du papier doit offrir toute garantie de conservation.
      • Les signatures et paraphes qui sont apposés sur l’acte doivent également être indélébiles.
    • Structuration
      • L’acte notarié doit être écrit en un seul et même contexte, sans blanc, sauf toutefois ceux qui constituent les intervalles normaux séparant paragraphes et alinéas et ceux nécessités par l’utilisation des procédés de reproduction.
      • Chaque page de texte est numérotée, le nombre de pages est indiqué à la fin de l’acte.
    • Altérations
      • L’article 13 du décret du 26 novembre 1971 prévoit que, dans l’acte notarié, il ne doit y avoir ni surcharge, ni interligne, ni addition dans le corps de l’acte et les mots et les chiffres surchargés, interlignés ou ajoutés sont nuls.
      • Les blancs nécessités par l’utilisation des procédés de reproduction sont barrés.
      • Le nombre de blancs barrés, celui des mots et des nombres rayés sont mentionnés à la fin de l’acte.
      • Cette mention est paraphée par le notaire et les autres signataires de l’acte.

2. La sanction du non-respect des solennités

Le non-respect des solennités requises par la loi est sanctionné par la nullité de l’écrit, sauf pour le cas de la violation de l’obligation d’annexer à l’acte notarié les procurations consenties par les parties.

a. La nullité de l’écrit

==> Principe

En application de l’article 1370 du Code civil, le non-respect d’une solennité requise par la loi a pour conséquence d’entacher l’acte authentique de nullité.

Dans un arrêt du 12 juillet 2007, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agit d’une nullité absolue (Cass. 1ère civ. 12 juill. 2007, n°06-10.362).

À cet égard, la nullité frappe, en principe, non pas le negocium constaté dans l’acte, mais l’instrumentum.

La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 28 octobre 2003 que « l’inobservation des dispositions de l’article 11 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 entraîne, en application de l’article 23 dudit décret, la nullité de l’acte instrumentaire considéré comme moyen de preuve, cette nullité ne s’étend pas à l’acte juridique dont il constitue le support » (Cass. 1ère civ. 28 oct. 2003, n°01-02.654).

Cela signifie, autrement dit, que la nullité du fait de l’incompétence ou de l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme a seulement pour effet de faire perdre à l’acte son caractère authentique.

Par exception, la nullité entachera le negocium, lorsque l’authenticité de l’acte était érigée au rang de condition de validité de l’opération juridique.

Si, par exemple, la nullité frappe un acte authentique constatant une vente immobilière, alors elle s’étendra également à l’opération translative de propriété en elle-même.

==> Effets

La nullité frappant un acte authentique est susceptible de produire deux effets alternatifs :

  • Soit déclasser l’acte en écrit sous signature privée
    • Principe
      • L’article 1370 du Code civil prévoit que « l’acte qui n’est pas authentique du fait de l’incompétence ou de l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écrit sous signature privée»
      • Ainsi, l’acte authentique conserve sa qualification d’écrit au sens de l’article 1364 du Code civil.
      • Il continue donc à produire les effets juridiques d’une preuve parfaite.
      • À cet égard, pour que ce déclassement joue, il est indifférent, que, outre l’exigence de signature des parties, les règles de forme de l’acte sous seing privé ne soient pas respectées.
      • Aussi, quand bien même l’acte ne satisferait pas à l’exigence tenant à l’établissement d’un double original ou à la mention manuscrite prévue par l’article 1376 du Code civil, il pourra valoir acte sous seing privé (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1955).
    • Condition
      • Pour que la violation d’une solennité requise par la loi ait seulement pour effet de déclasser l’acte authentique en acte sous seing privé, l’article 1370 du Code civil exige que celui-ci ait été signé par les deux parties.
      • À défaut, il perdra sa qualité d’écrit.
  • Soit faire perdre à l’acte sa qualification d’écrit
    • Dans l’hypothèse où l’acte authentique n’est pas signé par les deux parties, non seulement il perd son caractère authentique, mais encore il est déchu de sa qualification d’écrit.
    • Dans un arrêt du 18 octobre 2003, la Cour de cassation a précisé que, en pareille hypothèse, l’acte vaudra seulement comme commencement de preuve par écrit (Cass. 1ère civ. 28 oct. 2003, n°01-02.654).

b. Cas particulier du défaut d’annexion des procurations

La question s’est posée en jurisprudence de savoir quelle sanction il y avait lieu d’appliquer en cas de violation par le notaire de la règle énoncée à l’article 21 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

Selon cette disposition, lorsque les parties à l’acte sont représentées par un mandataire, les procurations doivent être annexées à l’acte à moins qu’elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l’acte. Dans ce cas, il est fait mention dans l’acte du dépôt de la procuration au rang des minutes.

Faute de précision du texte sur la sanction encourue en cas de non-respect de cette exigence, la question a été portée devant les juridictions.

Il s’en est suivi une controverse née de l’opposition entre la première et la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

  • Position de la Première chambre civile
    • Dans un arrêt du 22 mars 2012, la Première chambre civile a jugé que « l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes n’est pas sanctionnée par la nullité de l’acte en tant que titre exécutoire» (Cass. 1ère civ. 22 mars 2012, n°11-11.925)
    • Selon cette décision, la violation de l’article 21 du décret du 26 novembre 1971 ne ferait donc pas perdre à l’acte son caractère authentique.
  • Position de la Deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 7 juin 2012, la Deuxième chambre civile a adopté une solution inverse à celle retenue par la Première chambre civile.
    • Elle a en effet jugé que « l’acte notarié qui ne satisfait pas aux prescriptions de l’article 8, devenu 21, du décret du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires, perd son caractère authentique» (Cass. 2e civ. 7 juin 2012, n°11-15.112).

Au soutien de la position de la Deuxième Chambre civile, il a été avancé que l’authentification de l’acte par le notaire suppose la vérification personnelle par ce dernier de l’identité des parties.

Or l’annexion des procurations à l’acte notarié ne serait autre que la dernière étape matérialisant l’exécution de cette obligation ; raison pour laquelle son non-respect devrait être sanctionné par la nullité de l’acte.

En contrepoint de cette thèse, d’autres auteurs ont soutenu, en substance, que ce qui confère à l’acte son caractère authentique ce n’est, en aucune façon, l’annexion des procurations à la minute ou à la copie exécutoire, mais l’apposition sur l’acte de la signature du notaire.

Autrement dit, ce qui permet d’établir que le notaire a vérifié personnellement l’identité des parties c’est la force probante de l’acte authentique qu’il tire de la signature du notaire et non de l’annexion des procurations à l’acte.

Entre ces deux thèses, la Chambre mixte a opté pour la seconde, soit celle adoptée par la Première chambre civile.

Dans un arrêt du 21 décembre 2012, elle a jugé que « l’inobservation de l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire » (Cass. mixte, 21 déc. 2012, n°11-28.688).

Consécutivement à cette décision, la deuxième chambre civile s’est ralliée à la solution retenue par la Chambre mixte en jugeant dans un arrêt du 21 mars 2013 que « l’inobservation de l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire » (Cass. 2e civ. 21 mars 2013, n°11-22.312).

Un an plus tard, la Première chambre civile a précisé dans un arrêt du 2 juillet 2014 que « les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d’une partie à un acte notarié ne relèvent pas des défauts de forme que l’article 1318 du Code civil sanctionne par la perte du caractère authentique, et partant, exécutoire de cet acte, lesquels s’entendent de l’inobservation des formalités requises pour l’authentification par l’article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue de celui n° 2005-973 du 10 août 2005 applicable en la cause » (Cass. 1ère civ. 2 juill. 2014, n°13-19.626).

Ainsi, pour la Cour de cassation toutes les irrégularités ne sont pas sanctionnées par la perte de l’authenticité de l’acte.

La Haute juridiction a jugé en ce sens que ne constituaient pas des irrégularités faisant perdre à l’acte notarié son caractère authentique :

Seules les violations qui affectent l’authentification de l’acte sont susceptibles de donner lieu à sa disqualification en acte sous seing privé ou, faute de signature par les parties, en commencement de preuve par écrit.

Il s’agira notamment des irrégularités visées :

II) La force probante de l’acte authentique

Traditionnellement on attache deux effets à l’acte authentique :

  • Une force probante qui lui confère une valeur juridique des plus élevées, ce qui le positionne au sommet de la hiérarchie des écrits
  • Une force exécutoire dispensant son bénéficiaire de saisir le juge aux fins de solliciter l’exécution forcée des obligations constatées dans l’acte auprès d’un huissier de justice

Ces deux effets sont indépendants l’un de l’autre. Si le point commun des actes authentiques est de posséder la même force probante, tous ne sont, en revanche, pas assortis de la force exécutoire.

Nous nous focaliserons ici sur la seule force probante des actes authentique, laquelle est abordée à l’article 1371 du Code civil.

Selon cette disposition « l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté ».

Trois enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • La vigueur de la force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère la position la plus élevée dans la hiérarchie des écrits
  • Deuxième enseignement
    • La force probante de l’acte authentique ne couvre que les seules énonciations relatives à faits personnellement constatés par l’officier public
  • Troisième enseignement
    • La force probante de l’acte authentique ne peut être combattue que dans le cadre d’une procédure d’inscription en faux

A) La vigueur de la force probante de l’acte authentique

L’article 1371 du Code civil dispose que « l’acte authentique fait foi ». Par la formule « fait foi », il faut comprendre que l’acte authentique fait preuve et plus précisément qu’il produit l’effet juridique d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil.

Cela signifie, autrement dit, que, en tant que preuve parfaite, l’acte authentique s’impose au juge, en ce sens que le rôle de celui-ci se cantonnera à vérifier que le moyen de preuve qui lui est soumis répond aux exigences légales.

Dans l’affirmative, le juge n’aura d’autre choix que d’admettre que la preuve du fait ou de l’acte allégué est rapportée, peu importe que son intime conviction lui suggère le contraire.

Si l’on s’arrête à cette particularité de l’acte authentique, rien ne le distingue a priori de l’acte sous seing privé.

En effet, l’’article 1372 du Code civil prévoit également, s’agissant de l’acte sous seing privé, qu’il « fait foi ».

Pourtant, il existe bien une différence entre les deux catégories d’actes. La force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère une valeur juridique supérieure à celle reconnue à l’acte sous seing privé.

La raison en est que l’acte authentique « fait foi » de plein droit dès lors que ses conditions d’établissement sont remplies.

Tel n’est pas le cas de l’acte sous seing privé. L’article 1372 du Code civil dispose que pour faire foi, l’acte sous seing privé doit :

  • Soit avoir été reconnu par la partie à laquelle il est opposé
  • Soit être légalement tenu pour reconnu à l’égard de la partie à laquelle il est opposé

Dans l’un ou l’autre cas, « par reconnu », il faut entendre « authentifié ». À cet égard, lorsque l’on oppose traditionnellement l’acte authentique à l’acte sous seing privé, cela ne signifie pas que ce dernier ne pourrait pas également présenter un caractère authentique.

Lorsque l’on dit d’un acte qu’il est authentique, il faut seulement comprendre que l’on tient pour vrai son origine et son contenu.

Aussi, à l’instar de l’acte authentique établi par un officier public, l’acte sous seing privé peut également présenter un caractère authentique. C’est toutefois à la condition, comme précisé par l’article 1372 du Code civil, qu’il soit reconnu comme tel par la partie à laquelle on l’oppose.

Aussi suffira-t-elle à cette dernière de contester l’authenticité de l’acte, en arguant par exemple que la signature apposée sur l’instrumentum a été falsifiée, pour le priver de son effet probatoire.

En pareille hypothèse, c’est à la partie qui s’en prévaut qu’il reviendra de prouver l’authenticité de l’acte. Pour ce faire, elle pourra notamment s’appuyer sur le dispositif institué aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile (Cass. 2e civ. 15 juin 1994, n°92-18.241).

Pour mémoire, l’article 287 prévoit que « si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. »

Si donc l’acte sous seing privé fait foi, en principe, « entre ceux qui l’ont souscrit et à l’égard de leurs héritiers et ayants cause », cet effet probatoire est en réalité précaire puisque devant nécessairement pour jouer être « reconnu par la partie à laquelle on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard ».

C’est là une différence majeure, sinon fondamentale avec l’acte authentique. La force probante de ce dernier n’est conditionnée à aucune reconnaissance, ni vérification préalable. Il tire son authenticité des seules présence de l’officier public et de sa signature apposée sur l’acte.

Pour cette raison, la partie qui se prévaut d’un acte authentique est dispensée de prouver son authenticité, celle-ci étant inhérente à l’acte en lui-même, d’où la qualification « d’acte authentique ».

B) L’étendue de la force probante de l’acte authentique

==> L’étendue de la force probante quant à l’acte

La présomption d’authenticité de l’acte authentique tient à la qualité de son rédacteur : un officier public.

Pour endosser cette qualité il faut remplir un certain nombre de conditions légales et, surtout, être investie d’une délégation de puissance publique.

En raison de la confiance qui lui a été accordée à l’occasion de sa nomination, l’officier public présente toutes les garanties de sincérité et de probité qui justifient que les actes qu’il établit soient présumés authentiques.

Cette présomption d’authenticité que l’on reconnaît aux actes dressés par l’officier public n’est toutefois pas sans limite ; elle couve les seules énonciations se rapportant aux faits ayant été personnellement constatés par ce dernier.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation rappelait régulièrement en ce sens que « l’acte authentique ne fait foi jusqu’à inscription de faux que des faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions » (Cass. 1ère civ. 17 nov. 1976, n°75-12.153).

Cette position a été consacrée par le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve.

Le nouvel article 1371, al.1er dispose, sensiblement dans les mêmes termes que la jurisprudence, que « l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. »

Ainsi, la force probante dont est pourvu l’acte authentique est circonscrite aux seules énonciations de l’acte qui concernent les faits que l’officier public a pu constater par lui-même, soit parce qu’il en est l’auteur, soit parce qu’il en a été témoin personnellement.

À ce titre, sont couvertes par la force probante de l’acte authentique deux sortes d’éléments :

  • Les faits accomplis personnellement par l’officier public
    • Dans le cadre de l’établissement de l’acte authentique il est un certain nombre de faits que l’officier public accomplit lui-même, à commencer par la vérification de la date de l’acte, du nombre de personnes présentes et de l’identité des parties.
    • Plus spécifiquement, le notaire va, par exemple, procéder à plusieurs formalités et vérifications préalablement à l’instrumentation d’une vente immobilière ou de la liquidation d’une succession.
    • L’huissier de justice va, quant à lui, se rendre au domicile du destinataire de l’acte qu’il signifie, vérifier l’adresse et procéder lui-même à l’opération matérielle de signification, le cas échéant déposer un avis de passage.
    • On peut encore penser aux diligences accomplies par l’officier d’état civil préalablement et pendant la célébration du mariage : publication des bans, lecture de l’acte etc.
    • Tous ces faits accomplis personnellement par l’officier public sont couverts par la force probante de l’acte authentique.
  • Les faits constatés personnellement par l’officier public
    • Dès lors qu’un fait est constaté personnellement par l’officier public il est couvert par la force probante de l’acte authentique.
    • Cela suppose toutefois qu’il soit expressément mentionné dans l’acte.
    • Au nombre des faits susceptibles d’être constatés par l’officier public, on compte notamment l’existence de l’opération juridique énoncée dans l’acte (le negocium) à la condition toutefois que cette opération se réalise en présence de l’officier public.
    • C’est le cas du mariage qui est célébré en présence de l’officier d’état civil, d’une vente immobilière qui se réalise en présence du notaire, ou encore de la signification d’un acte judiciaire qui est personnellement accomplie par un huissier de justice.
    • L’officier public a vocation également, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, à recueillir des déclarations formulées par les comparants.
    • Ces déclarations qu’il constate sont mentionnées dans l’acte et sont couvertes, à ce titre, par la force probante de l’acte authentique, à tout le moins s’agissant de leur existence et de leur contenu formel.

A contrario, ne sont pas couvertes par la force probante de l’acte authentique les énonciations se rapportant à des faits qui n’auraient, ni été accomplis, ni constatés personnellement par l’officier public et dont l’existence lui aurait seulement été relatée.

Ainsi l’acte authentique ne garantit nullement la véracité, le sens et l’exactitude des déclarations que l’officier public rapporte, ni la réalité des opérations juridiques que ce dernier n’a pas lui-même constatées (V. en ce sens Cass. com. 25 mai 1961).

Si, par exemple, un comparant déclare à l’officier d’état civil durant la cérémonie de mariage n’avoir régularisé aucun contrat de mariage, cette déclaration ne sera pas couverte pas la force probante dont est pourvu l’acte de mariage (Cass. 1ère civ. 6 mai 1985, n°84-10.362).

Il en va de même de la déclaration énoncée dans le cadre de l’établissement d’un acte notarié aux termes de laquelle un comparant soutiendrait avoir payé son cocontractant, mais sans que le notaire ait pu personnellement vérifier la réalité de ce paiement (Cass. 1ère civ. 18 avr. 1972, n°71-11.137).

Il en ira différemment si le règlement intervient en présence du notaire (V. en ce sens Cass. 3e civ. 19 mars 1974, n°73-10.090).

Il a encore été jugé que, dans la mesure où le notaire n’est pas en mesure de vérifier qu’un testateur est bien doué de toutes ses facultés mentales, le testament qu’il a fait établir par voie d’acte authentique peut être contesté pour insanité d’esprit sans qu’il soit nécessaire de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 1987, n°85-18.684).

Si donc les mentions se rapportant des faits non constatés personnellement par l’officier public ne sont pas couvertes par la force probante de l’acte authentique, cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont dénuées de tout effet probatoire.

Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a rappelé que « les énonciations faites par les parties dans un acte notarié et ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l’officier public, peuvent faire l’objet de la preuve contraire sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’inscription de faux » (Cass. 1ère civ. 11 sept. 2013, n°12-22.335).

Autrement dit, les mentions de l’acte qui se rapportent à des faits non accomplis ou non constatés par le notaire sont pourvues de la même force probante que celle reconnue à l’acte sous seing privé.

Elles peuvent donc être contestées en rapportant la preuve contraire.

==> L’étendue de la force probante quant aux personnes

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1319 du Code civil suggérait que la force probante de l’acte authentique n’opérait qu’« entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ». On était alors légitimement en droit de se demander si elle s’étendait aux tiers.

À l’analyse, comme souligné par un auteur « le texte commet une confusion entre les effets de la convention gouvernés par le principe de relativité des contrats et son existence même qui, au contraire, ne peut être méconnue par les tiers »[2].

Aussi, très tôt la jurisprudence a entendu dissiper tout malentendu en confirmant, ce que les travaux préparatoires du Code civil précisait déjà, soit que la force probante de l’acte authentique joue également à l’égard des tiers (Cass. civ., 28 mai 1879).

À l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 le législateur a remédié à la formulation malheureuse de l’ancien article 1319 en supprimant toute référence, dans le nouveau texte, aux parties ou aux ayants cause.

Il est désormais bien établi que l’acte authentique produit ses effets, tant à l’égard des parties, qu’à l’égard des tiers.

III) La contestation de l’acte authentique

Si la force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère la position la plus haute dans la hiérarchie des écrits, elle n’est toutefois pas sans limite.

En effet, elle peut être combattue dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure d’inscription en faux.

Cette procédure vise à établir que l’acte authentique établi par l’officier public est un faux, à tout le moins qu’il comporte des énonciations qui sont fausses.

A) Notion de faux

À cet égard, l’article 441-1 du Code pénal prévoit que « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. »

Classiquement, la doctrine distingue deux sortes de faux :

  • Le faux matériel
    • Ce type de faux peut se rencontrer, tant dans les actes authentiques, que dans les actes sous seing privé.
    • Il consiste à fabriquer un acte de toutes pièces ou à en altérer un existant en ajoutant, supprimant ou modifiant une énonciation.
    • Ce faux peut être commis, tant par la personne qui se prévaut de l’acte, que par l’officier public lui-même.
  • Le faux intellectuel
    • Ce type de faux est nécessairement le fait de l’officier public, de sorte qu’il ne se rencontre que dans les actes authentiques.
    • Il consiste, en effet, à reproduire dans l’acte des énonciations qui ne sont pas conformes aux faits que l’officier public à personnellement accomplis ou constatés.

En tout état de cause, pour inscrire en faux un acte authentique, il y a lieu de mettre en œuvre la procédure régie aux articles 303 à 316 du Code de procédure civile.

B) Principes directeurs de la procédure d’inscription en faux

  • Communication au ministère public
    • L’article 303 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une personne cherche à inscrire en faux un acte authentique, communication doit en être faite au ministère public.
    • La raison en est que le faux en écriture publique ou authentique constitue un délit pénal.
    • À ce titre, il expose son auteur à des poursuites pénales :
      • Les peines encourues sont de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
      • Elles sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 225 000 euros d’amende lorsque le faux ou l’usage de faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.
    • L’officier public ne sera toutefois inquiété qu’à la condition que soit caractérisé l’élément moral de l’infraction de faux.
    • Autrement dit, il doit être démontré qu’il a agi sciemment, soit en ayant conscience qu’il commettait une infraction en établissement l’acte authentique.
    • L’absence de culpabilité pénale de l’officier public ne le dégage pas néanmoins de toute responsabilité.
    • En effet, sa responsabilité civile est susceptible d’être engagée dès lors qu’il est établi que le faux a causé un préjudice à autrui, peu importe que l’officier public instrumentaire ait eu conscience « du caractère inexact des constatations arguées de faux » (Cass. 1ère civ. 25 févr. 2016, n°14-23.363).
  • Sanction encourue par le demandeur en faux
    • L’article 305 du Code de procédure civile prévoit que « le demandeur en faux qui succombe est condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
    • Il s’agit là d’une particularité de la procédure d’inscription en faux : celui qui remet en cause l’authenticité d’un acte authentique s’expose à être condamné à une amende civile.
    • L’objectif recherché par le législateur est double :
      • Dissuader les plaideurs d’engager des manœuvres procédurales dilatoires
      • Renforcer la force probante de l’acte authentique qui ne doit pouvoir être contesté que lorsque cela est strictement nécessaire et justifié

C) Voies procédurales de l’inscription en faux

Le Code de procédure civile envisage deux voies procédurales aux fins d’inscrire en faux un acte authentique :

  • L’inscription de faux incidente
  • L’inscription de faux principale

==> L’inscription de faux incidente

Il sera opté pour la procédure d’inscription de faux incidente lorsque, dans le cadre d’une instance en déjà cours, une partie contestera l’authenticité de l’acte authentique produit à titre de preuve par son contradicteur.

  • Compétence
    • La procédure d’inscription en faux relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire ou d’une Cour d’appel.
    • L’article 286 du CPC prévoit en ce sens que l’inscription de faux contre un acte authentique relève de la compétence du juge saisi du principal lorsqu’elle est formée incidemment devant un tribunal judiciaire ou devant une cour d’appel.
    • L’article 313 du CPC précise que si l’incident est soulevé devant une juridiction autre que le tribunal judiciaire ou la cour d’appel, il est sursis à statuer jusqu’au jugement sur le faux à moins que la pièce litigieuse ne soit écartée du débat lorsqu’il peut être statué au principal sans en tenir compte.
  • Formulation de la demande
    • L’article 306 du CPC prévoit que l’inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial.
    • Cette disposition exige que cet acte soit :
      • D’une part, établi en double exemplaire
      • D’autre part, articule avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux à peine d’irrecevabilité
    • À cet égard :
      • Le premier exemplaire doit immédiatement être versé au dossier de l’affaire
      • Le second exemplaire doit, après avoir été daté et visé par le greffier, être restitué à la partie en vue de la dénonciation de l’inscription au défendeur.
    • La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l’inscription.
  • Instruction de la demande
    • L’article 307, alinéa 1er du CPC prévoit que le juge se prononce sur le faux à moins qu’il ne puisse statuer sans tenir compte de la pièce arguée de faux.
    • Si l’acte argué de faux n’est relatif qu’à l’un des chefs de la demande, il peut être statué sur les autres (art. 307, al. 2e CPC).
    • S’il y a lieu le juge peut ordonner, sur le faux, toutes mesures d’instruction nécessaires et notamment faire procéder à une vérification d’écriture (art. 308, al. 2e CPC).
    • Il pourra en outre ordonner l’audition de celui qui a dressé l’acte litigieux (art. 304 CPC).
    • En tout état de cause, le juge statue au vu des moyens articulés par les parties ou de ceux qu’il relèverait d’office (art. 309 CPC).
  • Événements affectant la procédure
    • Renonciation ou transaction
      • L’article 311 du CPC prévoit que, en cas de renonciation ou de transaction sur l’inscription de faux, le ministère public peut requérir toutes les mesures propres à réserver l’exercice de poursuites pénales.
    • Sursis à statuer
      • L’article 312 du CPC prévoit que si des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs ou complices du faux, il est sursis au jugement civil jusqu’à ce qu’il ait été statué au pénal, à moins que le principal puisse être jugé sans tenir compte de la pièce arguée de faux ou qu’il y ait eu, sur le faux, renonciation ou transaction.
  • Décision
    • L’article 308 du CPC prévoit que « il appartient au juge d’admettre ou de rejeter l’acte litigieux au vu des éléments dont il dispose. »
    • Deux voies sont alors possibles :
      • Le faux est caractérisé
        • Dans l’hypothèse où il est établi que l’acte authentique produit est un faux, il est écarté des débats indépendamment des poursuites pénales susceptibles d’être engagées à l’encontre de l’auteur de l’infraction et des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués à la victime.
        • Par ailleurs, le jugement qui déclare le faux est mentionné en marge de l’acte reconnu faux (art. 310 al. 1er CPC).
        • En outre, il précise si les minutes des actes authentiques seront rétablies dans le dépôt d’où elles avaient été extraites ou seront conservées au greffe.
        • Enfin, il est sursis à l’exécution de ces prescriptions tant que le jugement n’est pas passé en force de chose jugée, ou jusqu’à l’acquiescement de la partie condamnée.
      • Le faux n’est pas caractérisé
        • Dans cette hypothèse, l’acte litigieux sera admis aux débats comme élément de preuve.
        • Au surplus, en application de l’article 305 du CPC, le demandeur en faux peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

==> L’inscription de faux principale

La voie de l’inscription de faux principale lorsque la contestation de l’acte authentique litigieux intervient en dehors d’une instance en cours.

Cette procédure est régie aux articles 314 à 316 du Code de procédure civile :

  • Compétence
    • En application de l’article 286 in fine du CPC l’inscription de faux relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.
  • Introduction de l’instance
    • Conformément à l’article 314 du CPC, l’introduction de l’instance s’opère en deux étapes :
      • Première étape : dépôt au greffe de l’acte d’inscription de faux
        • L’inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial.
        • L’article 306 du CPC exige que cet acte soit :
          • D’une part, établi en double exemplaire
          • D’autre part, articule avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux à peine d’irrecevabilité
        • À cet égard :
          • Le premier exemplaire doit immédiatement être versé au dossier de l’affaire
          • Le second exemplaire doit, après avoir été daté et visé par le greffier, être restitué à la partie en vue de la dénonciation de l’inscription au défendeur.
        • La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l’inscription.
      • Seconde étape : assignation du défendeur
        • La saisine du Tribunal judiciaire s’opère par voie d’assignation.
        • L’article 314 du CPC précise que la copie de l’acte d’inscription de faux est jointe à l’assignation qui contient sommation, pour le défendeur, de déclarer s’il entend ou non faire usage de l’acte prétendu faux ou falsifié.
        • L’assignation doit être faite dans le mois de l’inscription de faux à peine de caducité de celle-ci.
  • Déroulement de l’instance
    • Si le défendeur déclare ne pas vouloir se servir de la pièce arguée de faux, le juge en donne acte au demandeur (art. 315 CPC).
    • Si le défendeur ne comparaît pas ou déclare vouloir se servir de la pièce litigieuse, il est statué selon les mêmes règles que la procédure d’inscription de faux incidente.

 

[1] A. Colin et H. Capitant, Cours élémentaire de Droit civil français, Dalloz, 1953, n°718.

[2] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°617, p.586

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