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L’acte authentique: régime juridique

En application de l’article 1364 du Code civil, les écrits valant mode de preuve parfait sont l’acte authentique et l’acte sous seing privé.

L’article 1366 précise que lorsque l’une ou l’autre forme d’acte est établie sur support électronique elle est dotée, par principe, de la même force probante que l’écrit rédigé sur support papier

Nous nous focaliserons ici sur l’acte authentique. 

==> Définition

L’acte authentique est défini par l’article 1369, al. 1er du Code civil comme « celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. »

À l’analyse, comme souligné par la doctrine, il s’agit là moins d’une définition de l’acte authentique que d’une liste énonçant ses conditions d’établissement.

Ce texte ne renseigne, en effet, pas vraiment sur ce qu’est un acte authentique, ni sur ce qu’est l’authenticité.

Dans le langage courant, l’authenticité se définit comme « la qualité de ce qui ne peut être controversé » ou encore comme la « qualité de ce qui est intrinsèquement vrai, pur ».

La notion d’authenticité est ainsi étroitement liée à celle de vérité. L’utilisation de ce terme dans les dispositions intéressant la preuve par écrit n’est pas un hasard.

Car en droit, qu’est-ce que prouver, sinon l’action visant à montrer la vérité fait.

Ambroise Colin et Henri Capitant ont avancé en ce sens que « prouver, c’est faire connaître en justice la vérité d’une allégation par laquelle on affirme un fait d’où découlent des conséquences juridiques »[1].

Qu’est-ce qui distingue l’acte authentique des autres modes de preuve et notamment de l’acte sous seing privé ? La différence entre ces deux formes d’actes réside essentiellement dans leur force probante.

La force probante de l’acte authentique le place au sommet de la hiérarchie des preuves par écrit.

Contrairement à l’acte sous seing privé qui souffre de la preuve contraire, l’acte authentique ne peut être combattu qu’à la condition de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux.

Cette particularité fait de l’acte authentique l’écrit qui procure le plus de sécurité juridique à son bénéficiaire.

C’est la raison pour laquelle il figure en bonne place dans le Code civil. La sous-section qui lui est consacrée vient coiffer les différents modes de preuve par écrit.

==> Forme électronique

Le deuxième alinéa de l’article 1369 du Code civil prévoit que l’acte authentique « peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Ainsi, l’exigence d’intervention d’un officier public pour l’établissement d’un acte authentique ne fait nullement obstacle à ce qu’il soit dressé sur support électronique.

Cette possibilité offerte aux officiers publics procède d’une volonté du législateur de ne pas laisser l’acte authentique « en dehors de la révolution numérique ».

La poursuite de cet objectif ne doit pas néanmoins se faire au détriment de la sécurité juridique. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il est établi sur support électronique, l’acte authentique doit satisfaire aux mêmes formalités que celles requises pour son établissement sur support papier.

À cette exigence s’ajoutent celles tenant :

S’agissant de la seconde exigence elle a été précisée notamment par deux décrets au nombre desquels figurent :

I) Les conditions de l’authenticité

Les conditions pour qu’un écrit soit qualifié d’authentique tiennent :

A) Le rédacteur de l’acte

En application de l’article 1369, al. 1er du Code civil, pour être reconnu comme authentique, un acte doit :

1. L’établissement de l’acte par un officier public

La principale condition de validité d’un acte authentique tient à la qualité de son rédacteur. Son établissement suppose, en effet, l’intervention d’un officier public.

Par officier public, il faut entendre une personne délégataire de la puissance publique de l’État au nom duquel il confère l’authenticité aux actes relevant de sa compétence.

Les officiers publics ne doivent pas être confondus avec les officiers ministériels qui sont des personnes titulaires d’un office conféré à vie par l’État et nommées par décision d’un ministre. Cette catégorie regroupe :

Si les officiers ministériels forment une catégorie distincte de celle des officiers publics, certains endossent néanmoins les deux statuts. Il s’agit des officiers publics et ministériels au nombre desquels figurent :

Là ne s’arrête pas la liste des officiers publics. Il faut y ajouter notamment :

Compte tenu de ces différentes sources de l’acte authentique, ils présentent une grande variété.

À cet égard, Gabriel Marty et Pierre Raynaud ont établi une classification des actes authentiques qui distingue :

En dehors de ces catégories, sont également assimilés à des actes authentiques :

2. La réception de l’acte par un officier public

==> Principe

Il ne suffit pas que l’acte authentique ait été rédigé par un officier public pour être valable, il faut encore qu’il ait été personnellement « reçu » par lui.

Autrement dit, l’échange des volontés entre les parties doit nécessairement être intervenu en présence de l’officier public.

La raison en est qu’il ne peut conférer un caractère authentique qu’aux seules énonciations de l’acte relatives aux faits qu’il a été en mesure de vérifier par lui-même.

Cette exigence s’applique tout particulièrement aux notaires. Sous l’empire du droit antérieur, l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, modifiée par la loi du 25 juin 1973, autorisait le notaire à « habiliter un ou plusieurs de ses clercs assermentés à l’effet de donner lecture des actes et des lois et recueillir les signatures des parties. »

Ce n’était qu’à compter de leur signature par le notaire que les actes ainsi dressés acquéraient leur caractère d’actes authentiques notamment en ce qui concerne les énonciations relatives aux constatations et formalités effectuées par le clerc assermenté.

Cette faculté de délégation par le notaire de l’établissement de l’acte authentique à des clercs assermentés a été abolie par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

La faculté pour les notaires d’habiliter un ou plusieurs clercs de leur office a été progressivement perçue comme un des obstacles à l’accès au plein exercice de la profession, les notaires titulaires pouvant, grâce à cette habilitation, démultiplier leur capacité à assurer la réception des actes.

La suppression de la faculté pour les notaires d’habiliter un ou plusieurs clercs de leur office est alors apparue comme l’un des moyens de lever un obstacle à la nomination de notaires ; d’où sa suppression par le législateur lors de la libéralisation de l’installation des notaires.

Aujourd’hui, la validité d’un acte notarié est subordonnée à la présence personnelle de l’officier public au moment de la lecture des énonciations de l’acte et de la signature des parties.

==> Exceptions

Il est certains textes spéciaux qui autorisent des officiers publics à habiliter une personne aux fins d’instrumenter l’acte à leur place.

C’est le cas des huissiers qui peuvent déléguer à un clerc assermenté la signification de tous actes judiciaires et extrajudiciaires, à l’exception des procès-verbaux de constats et d’exécution et des ventes mobilières judiciaires ou volontaires (art. 5 de la loi du 27 décembre 1923).

Il en va de même pour les maires qui, en application de l’article R. 2122-10 du Code des collectivités territoriales, peuvent déléguer à un ou à plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune tout ou partie des fonctions qu’il exerce en tant qu’officier de l’état civil.

3. La réception de l’acte par un officier public compétent

Pour que l’officier public qui instrumente confère à l’acte qu’il dresse son authenticité, encore faut-il qu’il soit compétent.

Plus précisément, il doit justifier :

Dans un arrêt du 20 mai 1976, la Cour de cassation a précisé que la violation d’une règle de compétence par un officier public était de nature à entacher d’une nullité d’ordre public l’acte, ce qui lui enlève son caractère authentique (Cass. 2e civ. 20 mai 1976, n°75-11.401).

B) Les solennités relatives à l’établissement de l’acte

1. Les solennités requises

L’établissement d’un acte authentique requiert l’observation par l’officier public d’un certain nombre de solennités qui diffèrent selon la nature de l’acte et l’opération constatée dans cet acte.

==> Règles communes

==> Règles applicables aux actes notariés

Des solennités spécifiques sont prévues notamment pour les actes notariés. Elles sont fixées par le décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

2. La sanction du non-respect des solennités

Le non-respect des solennités requises par la loi est sanctionné par la nullité de l’écrit, sauf pour le cas de la violation de l’obligation d’annexer à l’acte notarié les procurations consenties par les parties.

a. La nullité de l’écrit

==> Principe

En application de l’article 1370 du Code civil, le non-respect d’une solennité requise par la loi a pour conséquence d’entacher l’acte authentique de nullité.

Dans un arrêt du 12 juillet 2007, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agit d’une nullité absolue (Cass. 1ère civ. 12 juill. 2007, n°06-10.362).

À cet égard, la nullité frappe, en principe, non pas le negocium constaté dans l’acte, mais l’instrumentum.

La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 28 octobre 2003 que « l’inobservation des dispositions de l’article 11 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 entraîne, en application de l’article 23 dudit décret, la nullité de l’acte instrumentaire considéré comme moyen de preuve, cette nullité ne s’étend pas à l’acte juridique dont il constitue le support » (Cass. 1ère civ. 28 oct. 2003, n°01-02.654).

Cela signifie, autrement dit, que la nullité du fait de l’incompétence ou de l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme a seulement pour effet de faire perdre à l’acte son caractère authentique.

Par exception, la nullité entachera le negocium, lorsque l’authenticité de l’acte était érigée au rang de condition de validité de l’opération juridique.

Si, par exemple, la nullité frappe un acte authentique constatant une vente immobilière, alors elle s’étendra également à l’opération translative de propriété en elle-même.

==> Effets

La nullité frappant un acte authentique est susceptible de produire deux effets alternatifs :

b. Cas particulier du défaut d’annexion des procurations

La question s’est posée en jurisprudence de savoir quelle sanction il y avait lieu d’appliquer en cas de violation par le notaire de la règle énoncée à l’article 21 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

Selon cette disposition, lorsque les parties à l’acte sont représentées par un mandataire, les procurations doivent être annexées à l’acte à moins qu’elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l’acte. Dans ce cas, il est fait mention dans l’acte du dépôt de la procuration au rang des minutes.

Faute de précision du texte sur la sanction encourue en cas de non-respect de cette exigence, la question a été portée devant les juridictions.

Il s’en est suivi une controverse née de l’opposition entre la première et la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Au soutien de la position de la Deuxième Chambre civile, il a été avancé que l’authentification de l’acte par le notaire suppose la vérification personnelle par ce dernier de l’identité des parties.

Or l’annexion des procurations à l’acte notarié ne serait autre que la dernière étape matérialisant l’exécution de cette obligation ; raison pour laquelle son non-respect devrait être sanctionné par la nullité de l’acte.

En contrepoint de cette thèse, d’autres auteurs ont soutenu, en substance, que ce qui confère à l’acte son caractère authentique ce n’est, en aucune façon, l’annexion des procurations à la minute ou à la copie exécutoire, mais l’apposition sur l’acte de la signature du notaire.

Autrement dit, ce qui permet d’établir que le notaire a vérifié personnellement l’identité des parties c’est la force probante de l’acte authentique qu’il tire de la signature du notaire et non de l’annexion des procurations à l’acte.

Entre ces deux thèses, la Chambre mixte a opté pour la seconde, soit celle adoptée par la Première chambre civile.

Dans un arrêt du 21 décembre 2012, elle a jugé que « l’inobservation de l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire » (Cass. mixte, 21 déc. 2012, n°11-28.688).

Consécutivement à cette décision, la deuxième chambre civile s’est ralliée à la solution retenue par la Chambre mixte en jugeant dans un arrêt du 21 mars 2013 que « l’inobservation de l’obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire » (Cass. 2e civ. 21 mars 2013, n°11-22.312).

Un an plus tard, la Première chambre civile a précisé dans un arrêt du 2 juillet 2014 que « les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d’une partie à un acte notarié ne relèvent pas des défauts de forme que l’article 1318 du Code civil sanctionne par la perte du caractère authentique, et partant, exécutoire de cet acte, lesquels s’entendent de l’inobservation des formalités requises pour l’authentification par l’article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue de celui n° 2005-973 du 10 août 2005 applicable en la cause » (Cass. 1ère civ. 2 juill. 2014, n°13-19.626).

Ainsi, pour la Cour de cassation toutes les irrégularités ne sont pas sanctionnées par la perte de l’authenticité de l’acte.

La Haute juridiction a jugé en ce sens que ne constituaient pas des irrégularités faisant perdre à l’acte notarié son caractère authentique :

Seules les violations qui affectent l’authentification de l’acte sont susceptibles de donner lieu à sa disqualification en acte sous seing privé ou, faute de signature par les parties, en commencement de preuve par écrit.

Il s’agira notamment des irrégularités visées :

II) La force probante de l’acte authentique

Traditionnellement on attache deux effets à l’acte authentique :

Ces deux effets sont indépendants l’un de l’autre. Si le point commun des actes authentiques est de posséder la même force probante, tous ne sont, en revanche, pas assortis de la force exécutoire.

Nous nous focaliserons ici sur la seule force probante des actes authentique, laquelle est abordée à l’article 1371 du Code civil.

Selon cette disposition « l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté ».

Trois enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

A) La vigueur de la force probante de l’acte authentique

L’article 1371 du Code civil dispose que « l’acte authentique fait foi ». Par la formule « fait foi », il faut comprendre que l’acte authentique fait preuve et plus précisément qu’il produit l’effet juridique d’un écrit au sens de l’article 1364 du Code civil.

Cela signifie, autrement dit, que, en tant que preuve parfaite, l’acte authentique s’impose au juge, en ce sens que le rôle de celui-ci se cantonnera à vérifier que le moyen de preuve qui lui est soumis répond aux exigences légales.

Dans l’affirmative, le juge n’aura d’autre choix que d’admettre que la preuve du fait ou de l’acte allégué est rapportée, peu importe que son intime conviction lui suggère le contraire.

Si l’on s’arrête à cette particularité de l’acte authentique, rien ne le distingue a priori de l’acte sous seing privé.

En effet, l’’article 1372 du Code civil prévoit également, s’agissant de l’acte sous seing privé, qu’il « fait foi ».

Pourtant, il existe bien une différence entre les deux catégories d’actes. La force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère une valeur juridique supérieure à celle reconnue à l’acte sous seing privé.

La raison en est que l’acte authentique « fait foi » de plein droit dès lors que ses conditions d’établissement sont remplies.

Tel n’est pas le cas de l’acte sous seing privé. L’article 1372 du Code civil dispose que pour faire foi, l’acte sous seing privé doit :

Dans l’un ou l’autre cas, « par reconnu », il faut entendre « authentifié ». À cet égard, lorsque l’on oppose traditionnellement l’acte authentique à l’acte sous seing privé, cela ne signifie pas que ce dernier ne pourrait pas également présenter un caractère authentique.

Lorsque l’on dit d’un acte qu’il est authentique, il faut seulement comprendre que l’on tient pour vrai son origine et son contenu.

Aussi, à l’instar de l’acte authentique établi par un officier public, l’acte sous seing privé peut également présenter un caractère authentique. C’est toutefois à la condition, comme précisé par l’article 1372 du Code civil, qu’il soit reconnu comme tel par la partie à laquelle on l’oppose.

Aussi suffira-t-elle à cette dernière de contester l’authenticité de l’acte, en arguant par exemple que la signature apposée sur l’instrumentum a été falsifiée, pour le priver de son effet probatoire.

En pareille hypothèse, c’est à la partie qui s’en prévaut qu’il reviendra de prouver l’authenticité de l’acte. Pour ce faire, elle pourra notamment s’appuyer sur le dispositif institué aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile (Cass. 2e civ. 15 juin 1994, n°92-18.241).

Pour mémoire, l’article 287 prévoit que « si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. »

Si donc l’acte sous seing privé fait foi, en principe, « entre ceux qui l’ont souscrit et à l’égard de leurs héritiers et ayants cause », cet effet probatoire est en réalité précaire puisque devant nécessairement pour jouer être « reconnu par la partie à laquelle on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard ».

C’est là une différence majeure, sinon fondamentale avec l’acte authentique. La force probante de ce dernier n’est conditionnée à aucune reconnaissance, ni vérification préalable. Il tire son authenticité des seules présence de l’officier public et de sa signature apposée sur l’acte.

Pour cette raison, la partie qui se prévaut d’un acte authentique est dispensée de prouver son authenticité, celle-ci étant inhérente à l’acte en lui-même, d’où la qualification « d’acte authentique ».

B) L’étendue de la force probante de l’acte authentique

==> L’étendue de la force probante quant à l’acte

La présomption d’authenticité de l’acte authentique tient à la qualité de son rédacteur : un officier public.

Pour endosser cette qualité il faut remplir un certain nombre de conditions légales et, surtout, être investie d’une délégation de puissance publique.

En raison de la confiance qui lui a été accordée à l’occasion de sa nomination, l’officier public présente toutes les garanties de sincérité et de probité qui justifient que les actes qu’il établit soient présumés authentiques.

Cette présomption d’authenticité que l’on reconnaît aux actes dressés par l’officier public n’est toutefois pas sans limite ; elle couve les seules énonciations se rapportant aux faits ayant été personnellement constatés par ce dernier.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation rappelait régulièrement en ce sens que « l’acte authentique ne fait foi jusqu’à inscription de faux que des faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions » (Cass. 1ère civ. 17 nov. 1976, n°75-12.153).

Cette position a été consacrée par le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve.

Le nouvel article 1371, al.1er dispose, sensiblement dans les mêmes termes que la jurisprudence, que « l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. »

Ainsi, la force probante dont est pourvu l’acte authentique est circonscrite aux seules énonciations de l’acte qui concernent les faits que l’officier public a pu constater par lui-même, soit parce qu’il en est l’auteur, soit parce qu’il en a été témoin personnellement.

À ce titre, sont couvertes par la force probante de l’acte authentique deux sortes d’éléments :

A contrario, ne sont pas couvertes par la force probante de l’acte authentique les énonciations se rapportant à des faits qui n’auraient, ni été accomplis, ni constatés personnellement par l’officier public et dont l’existence lui aurait seulement été relatée.

Ainsi l’acte authentique ne garantit nullement la véracité, le sens et l’exactitude des déclarations que l’officier public rapporte, ni la réalité des opérations juridiques que ce dernier n’a pas lui-même constatées (V. en ce sens Cass. com. 25 mai 1961).

Si, par exemple, un comparant déclare à l’officier d’état civil durant la cérémonie de mariage n’avoir régularisé aucun contrat de mariage, cette déclaration ne sera pas couverte pas la force probante dont est pourvu l’acte de mariage (Cass. 1ère civ. 6 mai 1985, n°84-10.362).

Il en va de même de la déclaration énoncée dans le cadre de l’établissement d’un acte notarié aux termes de laquelle un comparant soutiendrait avoir payé son cocontractant, mais sans que le notaire ait pu personnellement vérifier la réalité de ce paiement (Cass. 1ère civ. 18 avr. 1972, n°71-11.137).

Il en ira différemment si le règlement intervient en présence du notaire (V. en ce sens Cass. 3e civ. 19 mars 1974, n°73-10.090).

Il a encore été jugé que, dans la mesure où le notaire n’est pas en mesure de vérifier qu’un testateur est bien doué de toutes ses facultés mentales, le testament qu’il a fait établir par voie d’acte authentique peut être contesté pour insanité d’esprit sans qu’il soit nécessaire de mettre en œuvre la procédure d’inscription en faux (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 1987, n°85-18.684).

Si donc les mentions se rapportant des faits non constatés personnellement par l’officier public ne sont pas couvertes par la force probante de l’acte authentique, cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont dénuées de tout effet probatoire.

Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a rappelé que « les énonciations faites par les parties dans un acte notarié et ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l’officier public, peuvent faire l’objet de la preuve contraire sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’inscription de faux » (Cass. 1ère civ. 11 sept. 2013, n°12-22.335).

Autrement dit, les mentions de l’acte qui se rapportent à des faits non accomplis ou non constatés par le notaire sont pourvues de la même force probante que celle reconnue à l’acte sous seing privé.

Elles peuvent donc être contestées en rapportant la preuve contraire.

==> L’étendue de la force probante quant aux personnes

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 1319 du Code civil suggérait que la force probante de l’acte authentique n’opérait qu’« entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ». On était alors légitimement en droit de se demander si elle s’étendait aux tiers.

À l’analyse, comme souligné par un auteur « le texte commet une confusion entre les effets de la convention gouvernés par le principe de relativité des contrats et son existence même qui, au contraire, ne peut être méconnue par les tiers »[2].

Aussi, très tôt la jurisprudence a entendu dissiper tout malentendu en confirmant, ce que les travaux préparatoires du Code civil précisait déjà, soit que la force probante de l’acte authentique joue également à l’égard des tiers (Cass. civ., 28 mai 1879).

À l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 le législateur a remédié à la formulation malheureuse de l’ancien article 1319 en supprimant toute référence, dans le nouveau texte, aux parties ou aux ayants cause.

Il est désormais bien établi que l’acte authentique produit ses effets, tant à l’égard des parties, qu’à l’égard des tiers.

III) La contestation de l’acte authentique

Si la force probante dont est pourvu l’acte authentique lui confère la position la plus haute dans la hiérarchie des écrits, elle n’est toutefois pas sans limite.

En effet, elle peut être combattue dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure d’inscription en faux.

Cette procédure vise à établir que l’acte authentique établi par l’officier public est un faux, à tout le moins qu’il comporte des énonciations qui sont fausses.

A) Notion de faux

À cet égard, l’article 441-1 du Code pénal prévoit que « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. »

Classiquement, la doctrine distingue deux sortes de faux :

En tout état de cause, pour inscrire en faux un acte authentique, il y a lieu de mettre en œuvre la procédure régie aux articles 303 à 316 du Code de procédure civile.

B) Principes directeurs de la procédure d’inscription en faux

C) Voies procédurales de l’inscription en faux

Le Code de procédure civile envisage deux voies procédurales aux fins d’inscrire en faux un acte authentique :

==> L’inscription de faux incidente

Il sera opté pour la procédure d’inscription de faux incidente lorsque, dans le cadre d’une instance en déjà cours, une partie contestera l’authenticité de l’acte authentique produit à titre de preuve par son contradicteur.

==> L’inscription de faux principale

La voie de l’inscription de faux principale lorsque la contestation de l’acte authentique litigieux intervient en dehors d’une instance en cours.

Cette procédure est régie aux articles 314 à 316 du Code de procédure civile :

 

[1] A. Colin et H. Capitant, Cours élémentaire de Droit civil français, Dalloz, 1953, n°718.

[2] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction générale, éd. LGDJ, 1990, n°617, p.586

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