Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

De la distinction entre le système de la preuve légale et le système de la preuve libre

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 1315-1 du Code civil énumérait cinq modes de preuve : la preuve littérale, la preuve testimoniale, les présomptions, l’aveu de la partie et le serment.

Il a été abrogé par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit de la preuve. Cette abrogation est toutefois sans incidence sur la liste des modes de preuves qui a été intégralement reconduite par le législateur.

À cet égard, le dispositif en vigueur aujourd’hui est le fruit d’une combinaison entre deux systèmes probatoires radicalement opposés : le principe de la preuve légale et le principe de la preuve libre.

==> Exposé de la distinction entre le système de la preuve légale et système de la preuve libre

  • Le système de la preuve légale
    • Dans ce système, c’est la loi qui organise les modes de preuve. Plus précisément elle détermine :
      • Les moyens de preuve susceptibles d’être produits par les parties au procès
      • Les conditions d’admissibilité des moyens de preuves
      • La force probante attachée à chaque moyen de preuve
    • Ainsi, dans le système dit « de la preuve légale », les parties ne peuvent prouver leurs allégations qu’avec les seuls moyens de preuve admis par la loi.
    • C’est, par ailleurs, la loi qui fixe une hiérarchie entre ces moyens de preuve dont la force probante est susceptible de varier d’une preuve à l’autre.
    • Le corollaire de ce système probatoire, c’est que le rôle du juge se cantonne à vérifier, d’une part, que les conditions d’admissibilité des moyens de preuve produits par les parties sont remplies et, d’autre part, à en tirer les conséquences quant à leur force probante.
    • Aussi, le juge-t-il se borner à apprécier la force probante des moyens de preuve qui lui sont présentés, non pas selon son intime conviction, mais au regard les effets que la loi attache à chaque moyen de preuve.
    • Comme souligné par un auteur, dans le système légal « le magistrat n’affirme pas le fait parce qu’il est intimement convaincu de sa réalité, mais parce que l’ensemble des preuves produites équivaut à une certitude présumée légale»[1].
    • Ce système probatoire présente indéniablement l’avantage de prémunir les parties contre l’aléa judiciaire, leur sort ne dépendant pas du pouvoir d’appréciation du juge.
  • Le système de la preuve libre
    • À l’inverse du système de la preuve légale, le système dit « de la preuve libre » ou « de la preuve morale » institue une double liberté à la faveur des parties et du juge.
      • La liberté des parties
        • Dans le système de la preuve libre, les parties ne sont pas tenues de prouver leurs allégations selon les modes de preuve définis et admis par la loi.
        • Les parties sont libres de choisir les moyens de preuve qu’elles entendent présenter au juge, pourvu qu’ils aient été obtenus loyalement.
      • La liberté du juge
        • Le système de la preuve morale confère au juge une liberté d’appréciation des moyens de preuve produits par les parties au procès.
        • Aussi, est-il libre d’apprécier ces moyens de preuve selon son intime conviction et de leur octroyer la force probante qui lui paraît opportune.
        • Il n’est donc pas contraint de s’en tenir à une hiérarchie des modes de preuve qui serait fixée par la loi comme c’est le cas pour le système de la preuve légale.
    • Si ce système est sans aucun doute celui qui offre le plus de souplesse, tant aux parties, qu’au juge, il présente néanmoins l’inconvénient de faire dépendre l’issue du procès de la seule intime conviction du juge.

==> Le système de la preuve libre comme principe

Comme souligné par la doctrine majoritaire, aucun des deux systèmes probatoires décrits ci-dessus ne se démarque vraiment en droit français, le législateur ayant opté pour un système que l’on qualifie de mixte.

Cette mixité est néanmoins à nuancer au regard de la dernière réforme du droit de la preuve opérée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Ce texte a, en effet, érigé le système de la preuve libre en principe en insérant dans le Code civil un article 1358 qui prévoit que « hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen. »

Ainsi, selon cette disposition, la preuve est, par principe, libre, sauf dispositions légales contraires.

Par exception à ce principe, l’article 1359 prévoit que pour les actes juridiques portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (1.500 euros) la preuve se fait par écrit.

Ainsi, selon que l’on est en présence d’un fait juridique ou d’un acte juridique le système de preuve qui s’applique est susceptible de différer.

 

[1] G. André, Du principe de neutralité du juge dans l’instruction des affaires civiles, thèse, Paris, Jouve, 1910, p. 17.

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