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L’anatocisme: régime (art. 1343-2 C. civ.)

Il n’est pas exclu que les intérêts produits par le capital de la dette produisent eux-mêmes des intérêts. C’est ce que l’on appelle l’anatocisme. Ce terme est issu du grec ana- (« encore une fois ») et tokos (« revenu »).

Dans un arrêt du 20 janvier 1998 a parfaitement décrit le mécanisme de l’anatocisme en observant que « lorsque le créancier et le débiteur sont convenus […] que les intérêts à échoir se capitaliseront à la fin de chaque année pour produire eux-mêmes des intérêts, ils constituent non plus des intérêts mais un nouveau capital qui s’ajoute au premier » (Cass. com. 20 janv. 1998, n°95-14.101).

Ce mécanisme, qui donc consiste à capitaliser les intérêts échus, a toujours été regardé avec une certaine méfiance ; car il est de nature à accélérer l’alourdissement du poids de la dette et ce, sans que le débiteur en prenne nécessairement conscience.

Bien que les rédacteurs du Code civil aient hésité à interdire l’anatocisme[8], le législateur s’est finalement résolu à l’autoriser.

Dans un premier temps, l’anatocisme a été régi par l’article 1154 du Code civil qui prévoyait que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière. »

Cette disposition relevait d’une section du Code civil consacrée aux « dommages et intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation ».

Est-ce à dire qu’il fallait limiter le domaine de l’anatocisme aux intérêts échus, comme le suggère d’ailleurs expressément le texte. Autrement dit, fallait-il comprendre que seuls les intérêts qui faisaient l’objet d’un retard de paiement pouvaient être capitalisés ?

Aussi, serait-il fait interdiction aux parties d’établir une convention qui stipulerait une capitalisation annuelle des intérêts à échoir.

Comme relevé par les auteurs[9], la Cour de cassation a très tôt écarté cette thèse, bien que l’article 1154 du Code civil vise « les intérêts échus ».

La Haute juridiction a affirmé que le texte n’interdisait nullement la stipulation d’une clause d’anatocisme pour les intérêts à échoir. Selon elle, l’article 1154 énonçait seulement la règle selon laquelle seuls les intérêts échus peuvent faire l’objet d’une capitalisation (V. en ce sens Cass. civ. 15 févr. 1965).

Cette interprétation, pour le moins extensive de l’article 1154 du Code civil, a été validée par le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Dans un second temps, le législateur a, en effet, entendu conférer une portée générale à la règle autorisant l’anatocisme puisque désormais énoncée à l’article 1343-2 du Code civil qui relève du droit commun du paiement des obligations de sommes d’argent.

Ce nouveau texte prévoit que « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. »

Il s’agit là assurément d’une modernisation de l’ancien article 1154 du Code civil ; les anciennes conditions de l’anatocisme étant reprises.

Pour être valable, plusieurs conditions doivent, en effet, être réunies :

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1458, p. 1534

[2] F. Grua, Paiement des obligations de sommes d’argent – Monnaie étrangère, Jcl. Notarial Répertoire, fasc. 40, n°37

[3] J. François, Les obligations – Régime général, éd. Economica, 2020, n°51, p. 52

[4] J. Carbonnier, Les biens, 19e éd., 2000, PUF, n°22.

[5] Article L. 341-48 C. conso

[6] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°964, p. 867.

[7] F. PELTIER, « Le droit positif des taux d’intérêt conventionnels », Banque et droit, juill.-août 1991, p. 127.

[8] Le projet d’article 1154 (ancien) du Code civil prévoyait que « il n’est point dû d’intérêts d’intérêts ».

[9] V. notamment sur cette question F. terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2002, n°607, p. 590.

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