Le Droit dans tous ses états

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Le lieu du paiement: quérable ou portable?

==> Principe

L’article 1342-6 du Code civil prévoit que « à défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le paiement doit être fait au domicile du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que le paiement est quérable, ce qui signifie qu’il appartient au créancier de se rendre au domicile du débiteur aux fins de « quérir » l’exécution de la prestation due.

Il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée par l’ancien article 1247, al. 3e du Code civil qui était formulée dans les mêmes termes.

Dans un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a précisé que « la circonstance que les débiteurs aient été mis en demeure n’était pas de nature à rendre le paiement portable » (Cass. com. 16 avr. 2013, n°11-25.956).

Ainsi, l’inexécution par le débiteur de ses obligations est sans incidence sur le caractère quérable du paiement. Le créancier demeure, par principe, tenu de se rendre au domicile du débiteur pour obtenir le paiement, sauf à ce qu’il soit prévu le contraire par la loi ou le contrat.

==> Exceptions

Le principe énoncé par l’article 1342-6 du Code civil n’est pas absolu ; il souffre d’un certain nombre d’exceptions, tantôt d’origine légale, tantôt d’origine conventionnelle, tantôt d’origine judiciaire.

  • Exceptions d’origine légale
    • Le paiement des obligations monétaires
      • L’article 1343-4 du Code civil prévoit que « à défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le lieu du paiement de l’obligation de somme d’argent est le domicile du créancier. »
      • Ainsi, pour les obligations monétaires, le principe est inversé.
      • Le paiement est non pas quérable, mais portable, ce qui signifie que c’est au débiteur de se rendre au domicile du créancier aux fins de lui « porter » son dû.
      • Il s’agit là d’une nouveauté introduite par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations.
      • Le législateur justifie cette nouveauté en avançant « des raisons techniques, liées à la généralisation de la monnaie scripturale (chèque, virement, paiement par carte bancaire).»
    • Le paiement du prix de vente
      • L’article 1651 du Code civil prévoit que « l’acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance. »
      • Dans le cadre d’un contrat de vente, le paiement doit ainsi intervenir sur le lieu de remise de la chose.
      • À cet égard, l’article 1609 précise que la délivrance « doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu.»
    • Le paiement de la prime d’assurance
      • L’article L. 113-3 du Code des assurances prévoit que « la prime est payable en numéraire au domicile de l’assureur ou du mandataire désigné par lui à cet effet ».
      • La prime d’assurance est ainsi, par principe, portable.
      • Par exception, elle peut être payable au domicile de l’assuré ou à tout autre lieu convenu dans les cas et conditions limitativement fixés par décret.
      • L’article R. 113-5 du Code des assurances prévoit en ce sens que « la prime d’assurance est payable au domicile de l’assuré ou à tout autre lieu convenu lorsque la demande en est faite par un assuré, qui, par suite d’infirmité ou de vieillesse, n’est pas en mesure de se déplacer ou qui habite au-delà d’un rayon de trois kilomètres à partir d’une recette postale.»
    • Le paiement des dividendes dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire
      • L’article L. 626-21, al. 5e du Code de commerce prévoit que « les dividendes sont payés entre les mains du commissaire à l’exécution du plan, qui procède à leur répartition. »
  • Exceptions d’origine conventionnelle
    • La règle énoncée à l’article 1342-6 du Code civil est supplétive de volonté, ce qui signifie que les parties peuvent y déroger par convention contraire.
    • Aussi sont-elles libres de stipuler dans le contrat que le paiement sera payé, soit au domicile du créancier, soit au domicile d’un tiers tel que, par exemple, un établissement bancaire, un notaire, un huissier de justice ou de tout autre mandataire.
    • À cet égard, très tôt la Cour de cassation a admis que la renonciation par les parties au caractère quérable du paiement pouvait être implicite ( 1ère civ. 25 janv. 1961).
    • Dans un arrêt du 5 octobre 2004, la Chambre commerciale a toutefois précisé que la volonté des parties, bien qu’implicite, devait être certaine, soit non équivoque ( com. 5 oct. 2004, n°03-17.757).
  • Exceptions d’origine judiciaire
    • Le juge est investi du pouvoir de décider que le paiement devra être réalisé au domicile du créancier.
    • Dans un arrêt du 17 janvier 1995, la Cour de cassation a ainsi jugé que « l’employeur, condamné à remettre des documents au salarié, doit, en l’absence de précision quant aux modalités d’exécution [dans la décision de condamnation], faire parvenir ces documents à l’intéressé, le conseil de prud’hommes a violé le texte susvisé».
    • Au cas particulier, elle reproche au Conseil de prud’hommes d’avoir décidé que la remise des documents litigieux était quérable et non portable ( soc. 17 janv. 1995, n°91-43.908).

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