Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Conditions du bénéfice de subrogation ou de cession d’actions : la perte d’un droit préférentiel

L’article 2314 du Code civil prévoit que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. »

En substance, cette disposition confère à la caution un moyen de défense lui permettant d’être déchargée de son obligation lorsque le créancier l’a empêchée, par sa faute, d’être subrogée dans ses droits.

La mise en œuvre du bénéfice de subrogation est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • La perte d’un droit préférentiel
  • La perte d’un droit préférentiel par la faute du créancier
  • L’existence d’un préjudice

Nous nous focaliserons ici sur la première condition. 

L’article 2314 du Code civil subordonne la mise en œuvre du bénéfice de subrogation à l’impossibilité pour la caution de se subroger « aux droits du créancier ».

Autrement dit, elle doit justifier de la perte de droits qu’elles auraient pu exercer aux fins d’exercer son recours subrogatoire à l’encontre du débiteur.

La jurisprudence exige, par ailleurs, que les droits qui ont été perdus par le créancier aient existé au moment où la caution s’est engagée.

A) L’exigence tenant à la nature des droits visés par l’article 2314

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 2314 du Code civil était – en apparence – plus précis que le texte adopté à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

En effet, cette disposition ne visait pas de façon générale les « droits du créancier », mais les « droits, hypothèques et privilèges du créancier ».

Est-ce à dire que le législateur a entendu élargir le domaine d’application de l’article 2314 ?

Il n’en est rien. À l’analyse, les notions de « droits », « hypothèques » et « privilèges » sont redondantes. La première notion, soit celle de « droits », recouvre à elle seule les deux autres (hypothèques et privilèges).

C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a reprécisé le périmètre des droits dont la perte par le créancier est sanctionnée par la décharge de la caution.

Dans un arrêt du 21 mars 1984, la Cour de cassation a ainsi jugé que l’article 2314 n’avait vocation à s’appliquer « qu’en présence de droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance » (Cass. 1ère civ. 21 mars 1984, n°83-10.035).

Cette décision a le mérite de clarifier le domaine d’application du bénéfice de subrogation. Elle soulève néanmoins une interrogation : que doit-on entendre par « droit préférentiel » ?

Faute de précision apportée par la Cour de cassation, le Professeur Christian Mouly a proposé la définition suivante : « tout droit susceptible de conférer à son titulaire une plus grande facilité dans la perception de sa créance que le droit de gage général »[3].

La notion de droit préférentiel aurait donc un périmètre des plus étendu. Elle couvrirait non seulement les sûretés, mais également tous les mécanismes remplissant la fonction de garantie.

Plus largement encore, la notion de droit préférentiel comprendrait tout droit ou action ouvrant à son titulaire une autre voie que le droit de gage général pour recouvrer sa créance.

1. Les droits dont la perte justifie la mise en œuvre du bénéfice de subrogation

  • Les droits conférés par une sûreté
    • La perte de la sûreté
      • Au premier rang des droits dont la perte est susceptible d’être sanctionnée par la décharge de la caution, on compte ceux résultant de la constitution d’une sûreté.
      • La fonction même d’une sûreté est de conférer à son bénéficiaire une position privilégiée par rapport aux créanciers chirographaires.
      • Ainsi, la perte de n’importe quelle sûreté par le créancier est susceptible de donner lieu à l’application de l’article 2314 du Code civil.
      • Il est indifférent qu’il s’agissant d’une sûreté légale, judiciaire ou conventionnelle ou encore d’une sûreté mobilière ou immobilière
      • Il peut s’agir :
    • La réduction de l’assiette de la sûreté
      • La jurisprudence a admis que la caution pouvait être déchargée de son engagement, non seulement, en cas de perte de la sûreté, mais également en cas de réduction de son assiette.
      • Dans un arrêt du 9 février 1970, la Cour de cassation a, par exemple, approuvé une Cour d’appel qui a prononcé la décharge de la caution au motif que le créancier avait omis de vérifier la réalité du stock de marchandises sur lequel avait été constitué un gage à son profit ( 1ère civ. 9 févr. 1970, n°67-11.272).
      • Elle a encore admis que la caution puisse être déchargée de son obligation en raison de l’attitude du créancier qui a tardé à mettre en œuvre une sûreté et, par son inaction, laissé dépérir le fonds de commerce nanti ( 1ère civ. 26 janv. 1999, n°96-22.069).
  • Les droits conférés par un mécanisme remplissant la fonction de garantie de paiement
    • Parce que la sanction énoncée à l’article 2314 du Code civil est encourue par le créancier en cas de perte, non pas seulement de sûretés, mais plus largement « de droits» au préjudice de la caution, il est admis que le bénéfice de subrogation puisse être mis en œuvre en cas de perte, par le créancier, du bénéfice d’autres dispositifs, pourvu que ces dispositifs lui conférassent un droit préférentiel.
    • À cet égard, les sûretés ne sont pas les seuls mécanismes à conférer au créancier un tel droit.
    • Il en est d’autres qui, bien que ne relevant pas de la catégorie des sûretés remplissent la fonction de garantie et donc procurent à leur bénéficiaire une situation privilégiée.
    • On nombre de ces techniques juridiques qui jouent le rôle de garantie et qui ne sont pas des sûretés on compte notamment :
      • Le droit de rétention
        • Bien que la qualification de sûreté lui soit refusée (V. en ce sens com. 20 mai 1997, n°95-11.915), le droit de rétention n’en constitue pas moins une garantie, en ce qu’il confère au créancier la faculté de retenir la chose appartenant à son débiteur, tant qu’il n’a pas été payé.
        • Le droit de rétention place ainsi son titulaire dans une situation privilégiée par rapport aux autres créanciers.
        • À cet égard, régulièrement la Cour de cassation rappelle que « le droit de rétention est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette, et peut être exercé pour toute créance qui a pris naissance à l’occasion de la chose retenue» ( 1ère civ. 20 déc. 2017, n°16-24.029).
        • Parce que le droit de rétention procure à son titulaire un droit préférentiel, très tôt la jurisprudence a admis que sa perte par le créancier soit sanctionnée par la décharge de la caution (V. en ce sens civ. 18 déc. 1844)
        • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Chambre commerciale a jugé en ce sens que « le droit de rétention confère à son titulaire le droit de refuser la restitution de la chose légitimement retenue jusqu’à complet paiement de sa créance, même en cas de redressement ou de liquidation judiciaires du débiteur, et que la perte de ce droit nuit aux cautions» ( com. 25 nov. 1997, n°95-16.091).
      • La solidarité
        • En substance, il y a solidarité lorsqu’un créancier est titulaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs.
        • Il s’ensuit que le créancier peut réclamer à chaque débiteur pris individuellement le paiement de la totalité de la dette.
        • La solidarité présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.
        • Aussi, dans cette configuration les codébiteurs sont garants les uns des autres, de sorte que la solidarité joue un véritable rôle de garantie.
        • Pour cette raison, la perte – fautive – par le créancier de son recours contre un codébiteur solidaire est de nature à justifier la décharge de la caution ( com. 20 févr. 2001, n°97-14.256).
      • La délégation
        • Définie à l’article 1336 du Code civil, la délégation est présentée comme l’« opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. ».
        • Ainsi, la délégation permet-elle de réaliser un double paiement simplifié de deux obligations préexistantes.
        • Lorsque la délégation est dite imparfaite, le délégant n’est pas déchargé de son obligation envers le délégataire, ce qui confère à ce dernier deux débiteurs : le délégant et le délégué
        • Dans cette configuration, la délégation jouera pleinement le rôle de garantie.
        • La perte d’un recours par le créancier contre le délégant ou contre le délégué est là aussi susceptible de justifier la décharge de la caution (V. en ce sens 1ère civ. 10 mai 2000, n°98-12.357).
      • L’action directe
        • Il est des cas où la loi confère à un créancier une action contre le débiteur de son débiteur ; c’est ce que l’on appelle l’action directe.
        • Tel est le cas du sous-traitant qui est en droit d’actionner directement en paiement le maître d’ouvrage, faute d’avoir été réglé par le maître d’œuvre.
        • Le titulaire d’une action directe dispose ainsi de deux débiteurs : son débiteur immédiat et le débiteur de son débiteur.
        • À ce titre, l’action directe joue le rôle de garantie pour son titulaire qui est libre d’actionner en paiement l’un ou l’autre débiteur.
        • Dans un arrêt du 14 janvier 2004, la Cour de cassation a admis que la perte, par le créancier, de l’action directe du sous-traitant contre le maître d’ouvrage pouvait être sanctionnée par la décharge de la caution ( com. 14 janv. 2004, n°01-13.917).
      • La compensation
        • La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. ».
        • Cette modalité d’extinction des obligations suppose l’existence de deux créances réciproques, étant précisé qu’il doit s’agit de créances certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.
        • Lorsque ces conditions sont réunies, la compensation opère de plano un double paiement à concurrence des sommes dues.
        • Aussi, le créancier sera-t-il désintéressé de sa créance sous le seul effet de la compensation qui ne requiert l’accomplissement d’aucune démarche particulière, sinon la réunion de ses conditions de mise en œuvre.
        • À ce titre, la compensation joue le rôle de garantie, puisque procure au créancier un réel avantage : en présence d’autres créanciers, il échappera à tout concours.
        • Encore faut-il qu’il se prévale en temps utile du bénéfice de compensation.
        • S’il ne le fait pas, il s’expose à ce que la caution soit déchargée de son engagement (V. en ce sens CA Riom, 7 oct. 1962).
  • Les droits conférés par un mécanisme ne remplissant pas la fonction de garantie de paiement
    • La notion de droit préférentiel ne comprend pas seulement dans son périmètre les sûretés et garanties, comme indiqué précédemment elle couvre plus largement toutes les actions susceptibles de faciliter le recouvrement de la créance, pourvu qu’elles soient transmissibles à la caution.
    • C’est la raison pour laquelle, les juridictions ont très tôt admis que la perte du recours en résolution du contrat principal puisse justifier la décharge de la caution, celle-ci étant susceptible d’être privée de la possibilité de solliciter la restitution des biens qui en sont l’objet (V. en ce sens 1ère civ. 17 févr. 1993, n°90-12.916).
    • Il en va de même pour la perte de l’action en revendication ( com. 11 juill. 1988, n°86-17.643) ou du droit pour le crédit-bailleur de revendiquer les biens loués au crédit-preneur (Cass. com. 15 juin 2011, n°10-13.537).

2. Les droits dont la perte ne justifie la mise en œuvre du bénéfice de subrogation

==> Principe

Régulièrement, la jurisprudence rappelle que, pour que la perte d’un droit soit susceptible d’être sanctionnée par la décharge de la caution, le droit perdu devait procurer un avantage particulier à son bénéficiaire pour le recouvrement de sa créance.

Pour cette raison, elle a toujours considéré que l’amoindrissement du droit de gage général ne justifiait pas la mise en œuvre du bénéfice de subrogation (Cass. 1ère civ. 21 mars 1984, n°83-10.035).

Pour mémoire, en application des articles 2284 et 2285 du Code civil toute personne qui s’est rendue débiteur d’une obligation répond de ses dettes sur l’ensemble de son patrimoine présent et futur, ce patrimoine constituant le gage commun des créanciers.

Par hypothèse, le droit de gage général ne confère aucun avantage particulier puisque reconnu à tout créancier justifiant d’une créance chirographaire.

Faute de constituer un droit préférentiel, il est logique que sa réduction soit sans incidence sur l’engagement de caution.

Lorsque dès lors, le créancier est demeuré inactif face à l’aggravation de la situation financière du débiteur, ce qui a eu pour conséquence de diminuer l’assiette de son droit de gage général, la jurisprudence refuse de reconnaître à la caution le droit de se prévaloir du bénéfice de subrogation (V. en ce sens Cass. com. 3 mai 1967 ; Cass. 1ère civ. 21 mars 1984, n°83-10.035).

Il en va de même lorsque le créancier a laissé le débiteur dilapider son patrimoine par des ventes mobilières et immobilières (Cass. 1ère civ. 5 oct. 1982).

La jurisprudence refuse encore de prononcer la décharge de la caution dans l’hypothèse où le créancier déciderait de consentir une prorogation du terme au débiteur.

Dans un arrêt du 27 février 1968, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « les cautions ne sont pas déchargées par la simple prorogation du terme accorde par le créancier au débiteur principal » (Cass. 1ère civ. 27 févr. 1968).

La Chambre commerciale a réitéré cette solution dans un arrêt du 26 septembre 2006 (Cass. com 26 sept. 2006, n°05-12.004).

La même solution devrait être retenue dans l’hypothèse où le créancier n’engagerait aucune poursuite à l’encontre du débiteur à l’échéance du contrat principal (V. en ce sens Cass. com. 14 mars 2000, n°96-14.034).

Lorsque toutefois la prorogation du terme où l’absence de poursuites aurait pour conséquence la perte d’une sûreté et plus généralement d’un droit préférentiel, la caution sera pleinement fondée à se prévaloir de la décharge de son engagement (V. en ce sens Cass. civ. 25 mai 1938).

==> Tempérament

Si la dégradation générale de la situation financière du débiteur ne justifie pas, lorsqu’elle procède de la faute du créancier, la mise en œuvre du bénéfice de subrogation, la question s’est posée de savoir si l’absence de déclaration d’une créance chirographaire pouvait être regardée comme une cause de décharge de la caution.

En effet, la déclaration de créance ouvre droit de participer aux répartitions et dividendes résultant de la procédure collective.

Or cette faculté peut, d’une certaine manière, s’analyser en un droit préférentiel dans la mesure où le créancier déclarant est rempli de ses droits en priorité par rapport à ceux qui n’auraient pas déclaré leur créance.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • La créance non déclarée est assortie d’un droit préférentiel
    • Dans cette hypothèse, l’absence de déclaration de la créance a pour conséquence de faire perdre au créancier le bénéfice du droit préférentiel dont était assortie cette créance.
    • Il en résulte que la caution est fondée, à supposer qu’elle justifie d’un préjudice, à se prévaloir de la décharge de son engagement (V. en ce sens com. 20 févr. 2001, n°97-14.256).
  • La créance non déclarée n’est assortie d’aucun droit préférentiel
    • Dans cette hypothèse, en l’absence de droit préférentiel attaché à la créance, l’absence de déclaration ne devrait pas autoriser la caution à se prévaloir de la mise en œuvre du bénéfice de subrogation.
    • Telle n’est toutefois pas la solution retenue par la jurisprudence.
    • Dans un arrêt du 12 juillet 2011, la Cour de cassation « si la caution est déchargée de son obligation, lorsque la subrogation dans un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance ne peut plus, par le fait de celui-ci, s’opérer en faveur de la caution, pareil effet ne se produit que si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d’être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation» ( com. 12 juill. 2011, n°09-71.113).
    • Elle admet ainsi dans cette décision que l’absence de déclaration de créance par le créancier constitue une cause de décharge de la caution au sens de l’article 2314 du Code civil, quand bien même la créance non déclarée n’est assortie d’aucun droit préférentiel.
    • La Chambre civile confirmera sa position deux ans plus tard dans un arrêt du 19 février 2013.
    • Dans un attendu de principe remarqué, elle juge que « lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance, peu important la nature de celle-ci, la caution est déchargée de son obligation si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d’être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation» ( com. 19 févr. 2013, n°11-28.423).

B) L’exigence tenant à la date de naissance des droits visés par l’article 2314

==> Principe

Pour que la caution soit fondée à se prévaloir du bénéfice de subrogation il ne suffit pas qu’elle justifie de la perte par le créancier d’un droit préférentiel, il faut encore qu’elle prouve que ce droit préférentiel était né au jour où elle s’est engagée.

Autrement dit, elle doit établir qu’elle comptait sur ce droit préférentiel à la date de souscription du cautionnement.

Bien que non exprimée explicitement par l’article 2314 du Code civil, cette exigence a été posée très tôt par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 5 octobre 1964, la Cour de cassation a, par exemple, affirmé que « la caution même solidaire, est déchargée dès que, par le fait du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans les droits, privilèges et hypothèques de celui-ci, ce n’est qu’autant que les garanties existaient antérieurement à son engagement » (Cass. 1ère civ. 5 oct. 1964).

Cette solution repose sur l’idée que la caution s’est engagée en considération notamment des droits préférentiels dont était titulaire le créancier et dans lesquels elle projetait de se subroger en cas d’appel en garantie.

Il en résulte que la caution ne devrait pas pouvoir se prévaloir du bénéfice de subrogation dans l’hypothèse où le créancier :

  • Soit aurait perdu un droit préférentiel né postérieurement à la conclusion du cautionnement
    • La Chambre commerciale a jugé en ce sens, dans un arrêt du 29 novembre 2005, que « la caution ne saurait reprocher au créancier de ne pas avoir accepté le bénéfice d’une délégation de créance qui ne lui avait été consentie que postérieurement à son engagement» ( com. 29 nov. 2005, n°04-17.947).
    • Elle s’est prononcée sensiblement dans les mêmes termes dans un arrêt du 25 novembre 2008.
    • Dans cette affaire il était reproché au créancier de n’avoir pas engagé de poursuites à l’encontre d’avalistes, alors même que les billets à ordre garantis par des avals avaient été souscrits postérieurement à la souscription de l’engagement de caution ( com. 25 nov. 2008, n°07-19.182 et 07-19.369).
  • Soit n’aurait pas constitué, par négligence, une sûreté nouvelle postérieurement à la conclusion du cautionnement
    • Dans un arrêt du 25 janvier 1994 la Cour de cassation a, par exemple, refuser d’admettre la décharge de la caution qui s’était engagée à garantir tous les engagements d’une société à concurrence d’un montant déterminé et qui reprochait à la banque d’avoir négligé de constituer un gage sur un bien financé.
    • La Chambre commerciale répond que, non seulement le prêt consenti au débiteur avait été souscrit postérieurement à la conclusion du cautionnement, mais encore que la caution « n’avait pas subordonné cet engagement à la constitution par la banque de garanties complémentaires pour les prêts qu’elle serait conduite à consentir à la société débitrice» ( com. 25 janv. 1994, n°91-19.226).
    • Dans un arrêt du 15 juin 1999, la Première chambre civile a encore estimé que l’absence de constitution d’une hypothèque conventionnelle postérieurement à la souscription du cautionnement ne justifiait pas la mise en œuvre du bénéfice de subrogation, à tout le moins dès lors qu’aucun engagement n’avait été pris quant à une quelconque prise de garantie ( 1ère civ. 15 juin 1999, n°97-15.792).

==> Tempéraments

Bien que le bénéfice de subrogation n’ait pas vocation à s’appliquer en présence de droits préférentiels qui seraient nés postérieurement à la conclusion du cautionnement, la jurisprudence a assorti ce principe de deux tempéraments.

  • Premier tempérament
    • Lorsque le créancier s’est engagé envers la caution à constituer un ou plusieurs droits préférentiels postérieurement à la conclusion du cautionnement et qu’il n’a finalement pas exécuté son engagement, la jurisprudence estime que le bénéfice de subrogation peut jouer.
    • Dans un arrêt du 17 octobre 1995, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « par application de l’article 2037 du Code civil, la caution n’est libérée, lorsque la subrogation aux droits, privilèges et hypothèques du créancier ne peut plus s’opérer en sa faveur, que si ces garanties existaient antérieurement au contrat de cautionnement, ou si le créancier s’était engagé à les prendre» ( 1ère civ. 17 oct. 1995, n°93-19.840).
    • Cette solution se justifie à double titre :
      • D’abord, en raison de la force obligatoire de l’engagement pris par le créancier
      • Ensuite par les motifs de l’engagement souscrit par la caution – qui sont entrés dans le champ contractuel – laquelle s’est obligée en considération de la promesse qui lui a été faite par le créancier
    • Pour cette raison, la jurisprudence admettra systématiquement la décharge de la caution en cas de non-respect de l’engagement pris par le créancier, y compris l’exécution de cet engagement ne sera que partielle (V. en ce sens 1ère civ. 26 avr. 2000, n°97-10.616).
    • Encore faut-il que la caution soit en mesure de prouver la promesse de constitution de garanties qui lui a été faite, ce qui supposera, pratiquement, qu’il soit fait mention des sûretés promises dans l’acte de cautionnement ou dans un acte séparé antérieur ou régularisé concomitamment et se rapportant à l’obligation cautionnée.
    • À défaut, elle n’aura d’autre choix que de se rabattre vers la deuxième exception à l’exigence de naissance des droits préférentiels postérieurement à la conclusion du cautionnement : l’existence d’une croyance légitime dans la constitution par le créancier d’autres garanties.
  • Second tempérament
    • La jurisprudence a admis que, faute de mention dans l’acte de cautionnement de la promesse du créancier de constituer d’autres sûretés, la caution puisse se prévaloir du bénéfice de subrogation lorsqu’elle a pu « normalement » ou « légitimement » croire que le créancier les constituerait.
    • Dans un arrêt du 7 février 1970 la Cour de cassation a ainsi affirmé que « si les dispositions de l’article 2037 du Code civil ne concernent, en principe, ni les droits qui sont nés postérieurement à l’établissement du cautionnement ni les sûretés que le créancier s’est procurées ou qui lui ont été fournies depuis cette époque, il en est autrement lorsque la caution pouvait, au moment où elle s’est engagée, normalement croire que le créancier prendrait les garanties que la loi attache, sous certaines conditions, à sa créance» ( 1ère civ. 9 févr. 1970, n°67-11.272).
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens dans un arrêt du 20 juillet 1973 aux termes duquel elle a approuvé une Cour d’appel d’avoir admis la décharge d’une caution au motif que cette dernière, au moment où elle s’était engagée, pouvait légitimement croire que le créancier constituerait un gage sur véhicule ( com. 20 juill. 1973, n°72-11.502).
    • La charge de la preuve pèse sur la caution qui devra donc prouver sa croyance légitime et plus précisément qu’elle avait toutes les raisons de penser que le créancier s’était engagé à constituer d’autres sûretés.
    • La jurisprudence admet que la croyance légitime de la caution puisse se déduire d’une mention figurant dans l’acte de cautionnement évoquant la constitution de garanties.
    • Dans un arrêt du 1er octobre 2002, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait rejeté la demande de décharge formulée par des cautions alors même « qu’elle constatait l’existence dans l’acte de prêt d’une mention relative au nantissement susceptible de caractériser la croyance légitime, au moment où les cautions se sont engagées, dans le fait que le créancier prendrait une telle garantie» ( com. 1er oct. 2002, n°98-23.314).
    • Dans un arrêt du 2 octobre 2012, elle a, à l’inverse, approuvé la démarche de juges du fond qui pour débouter une caution de sa demande de décharge avaient relevé « qu’il n’est fait état dans l’acte de cautionnement d’aucune garantie et qu’il n’est pas démontré, ni même allégué, qu’une autre garantie figurait dans un acte antérieur ou concomitant à l’engagement de caution» ( com. 2 oct. 2012, n°11-23.281).
    • La Chambre commerciale a, en revanche, jugé, dans un arrêt du 29 octobre 2002, que « la transmission de la carte d’immatriculation et de l’attestation d’assurance ne permettait pas de caractériser la croyance légitime des cautions dans le fait que le créancier prendrait un gage» ( com. 29 oct. 2002, n°99-12.441).
    • Dans un arrêt du 29 février 2000 elle a encore considéré que « la seule référence à la nature d’un prêt est insusceptible, en l’absence d’une mention figurant dans l’acte de cautionnement, ou dans un acte antérieur ou concomitant afférent à l’opération de crédit, de caractériser la croyance légitime dans le fait que le créancier prendrait d’autres garanties» ( 1ère civ. 29 févr. 2000, n°97-20.090).

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