Le Droit dans tous ses états

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Extinction du cautionnement par voie principale: la novation

Bien que le cautionnement présente un caractère accessoire, il n’en reste pas moins un contrat distinct de l’obligation principale.

Aussi, est-il soumis aux mêmes causes d’extinction que n’importe quel contrat indépendamment de celles susceptibles d’affecter le rapport d’obligation dont il garantit l’exécution.

L’article 2313 du Code civil prévoit en ce sens que « l’obligation de la caution s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations. »

À l’analyse, afin d’appréhender les causes d’extinction par voie principale du cautionnement, il y a lieu de distinguer selon qu’elles intéressent l’obligation de règlement ou l’obligation de couverture.

Pour mémoire cette distinction s’articule comme suit :

  • L’obligation de couverture
    • Cette obligation, qui n’existe qu’en présence d’un cautionnement de dettes futures, correspond à l’engagement souscrit par la caution de garantir des dettes qui n’existent pas encore.
    • Elle a pour objet de délimiter dans le temps le domaine de la garantie consentie par la caution.
    • À cet égard, l’obligation de couverture présente un caractère successif, puisque déterminant les dettes à naître qui donc ont vocation à être couvertes par le cautionnement.
  • L’obligation de règlement
    • Cette obligation, qui existe quant à elle dans tous les cautionnements, correspond à l’engagement souscrit par la caution de payer le créancier en cas de défaillance du débiteur principal.
    • Plus précisément, l’obligation de règlement commande à la caution de payer toutes les dettes nées du rapport entre le créancier et le débiteur principal et qui entrent dans le champ de la garantie.
    • À ce titre, elle présente un caractère instantané, puisqu’ayant vocation à s’exécuter autant de fois qu’il est de dettes couvertes par le cautionnement.

La distinction entre l’obligation de règlement et l’obligation de couverture révèle qu’il existe deux catégories de causes d’extinction par voie principale du cautionnement :

  • Les causes d’extinction qui libèrent totalement et définitivement la caution : ce sont celles qui intéressent l’obligation de règlement, laquelle obligation se retrouve dans tous les cautionnements
  • Les causes d’extinction qui ne libèrent la caution que pour l’avenir et laissent subsister la garantie pour les dettes nées antérieurement au fait générateur de l’extinction de cette garantie : ce sont celles qui intéressent l’obligation de couverture, laquelle n’existe qu’en présence d’un cautionnement de dettes futures

Nous nous focaliseront ici à l’une des causes d’extinction de l’obligation de règlement: la novation.

I) Principe

La novation consiste en un « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée » (art. 1329 C. civ.)

Il s’agit, autrement dit, d’une modalité d’extinction d’une obligation préexistante par la substitution d’une obligation nouvelle.

Ce mécanisme présente la particularité de lier indivisiblement l’extinction de la première obligation et la création de la seconde.

Autrement dit, la création de l’obligation nouvelle ne peut s’opérer sans extinction de l’obligation primitive.

La novation peut avoir lieu :

  • Soit par substitution d’obligation entre les mêmes parties
    • Cette hypothèse se rencontre, par exemple, en cas de modification d’un bail commercial en bail d’habitation
  • Soit par changement de débiteur
    • Cette hypothèse correspond à la délégation parfaite, soit à l’opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur
    • Par le jeu de la novation, le délégant est déchargé de son obligation envers le délégataire
  • Soit par changement de créancier
    • Cette hypothèse est proche de la cession de créance, à la différence près que le consentement du débiteur est requis et qu’il n’y a pas de transfert de créance au profit du nouveau créancier

Lorsque les conditions sont remplies, la novation a donc pour effet d’éteindre l’obligation ancienne qui est substituée par une obligation nouvelle.

En l’absence de disposition contraire, le rapport d’obligation qui résulte du cautionnement est susceptible de s’éteindre par voie de novation, pourvu que les parties aient eu la volonté de lier indissociablement les opérations d’extinction et de création d’obligation qui se servent mutuellement de cause.

Cette exigence est énoncée à l’article 1330 du Code civil qui prévoit que « la novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. »

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 15 janvier 1975 « qu’il n’est pas nécessaire que l’intention de nover soit exprimée en termes formels dès lors qu’elle est certaine » (Cass. 3e civ. 15 janv. 1975, n°73-13.331).

Il est ainsi admis qu’elle puisse être tacite. Dans un arrêt du 19 mars 1974, la Première chambre civile a jugé en ce sens, après avoir rappelé que « l’acte novatoire ne doit pas nécessairement être passe par écrit », que celui-ci pouvait parfaitement résulter des circonstances de la cause (Cass. 1ère civ. 19 mars 1974, n°72-12.118).

La Chambre commerciale a encore affirmé que si la novation ne se présume pas, elle peut résulter « des faits et actes intervenus entre les parties » pourvu qu’elle soit certaine (Cass. com. 19 mars 1979, n°77-12.889).

Reste que lorsque la novation ne sera pas clairement exprimée dans l’acte, il sera souvent difficile de sonder l’intention des parties.

Ont-elles voulu substituer une obligation par une autre ou seulement stipuler des obligations successives qui n’entretiennent pas nécessairement de lien entre elles ?

Dans le doute, les obligations souscrites successivement par un débiteur au profit d’un même débiteur seront réputées, non pas se substituer les unes aux autres, mais s’additionner.

Les combinaisons possibles sont nombreuses, raison pour laquelle la preuve de la novation n’est pas aisée à rapporter.

Aussi, la caution sera-t-elle, la plupart du temps, bien en peine d’établir que l’obligation dont elle garantit l’exécution a été novée.

Dans plusieurs arrêts la Cour de cassation a, par exemple, estimé que, en cas de cession de parts d’une société, la souscription d’un cautionnement par l’associé cessionnaire n’emportait pas nécessairement novation du cautionnement qui avait été souscrit dans les mêmes termes par l’associé cédant (V. notamment Cass. com. 29 janv. 2002, n°99-12.976).

À cet égard, il a été décidé que le créancier n’était tenu, ni d’une obligation d’information, ni d’une obligation de conseil sur le maintien, faute de novation, du cautionnement souscrit par les cautions cédantes.

De façon générale, les juridictions se montrent très exigeantes quant à la preuve de l’intention des parties de procéder à une substitution de garantie (V. Cass. com. 3 juill. 2007, n°05-21.699).

La Cour de cassation exige notamment que le créancier ait clairement donné son accord à cette substitution, faute de quoi les cautionnements souscrits successivement seront réputés se cumuler (V. en ce sens Cass. com. 14 janv. 2004, n°01-11.767).

II) Effets

==> Les effets sur le débiteur principal

L’article 1335 du Code civil prévoit que « la novation convenue entre le créancier et une caution ne libère pas le débiteur principal. ».

Il ressort de cette disposition que la novation qui affecte le cautionnement est sans incidence sur l’obligation garantie, de sorte que le débiteur principal reste tenu dans les mêmes termes envers le créancier.

La raison en est que, lorsque le créancier accepte que le cautionnement conclu à son profit fasse l’objet d’une novation, il n’entend pas nécessairement renoncer au droit de créance dont il est titulaire à l’encontre du débiteur principal.

Aussi, pour que la remise de dette bénéficie également au débiteur principal, la volonté du créancier devra avoir été clairement exprimée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 mai 2009, n°08-12.922).

==> Les effets sur les cofidéjusseurs

  • En présence de cautions simples
    • Les cofidéjusseurs sont investis de la faculté d’opposer au créancier bénéfice de discussion.
    • Celui-ci pourra donc être contraint de diviser ses poursuites entre toutes les cautions solvables, de sorte qu’il ne pourra réclamer que la part qui revient à chacune d’elles.
    • Aussi, la novation emportant extinction de l’engagement d’une caution simple sera sans incidence sur l’engagement des autres, chacune demeurant tenue pour sa part personnelle.
  • En présence de cautions solidaires
    • Les cofidéjusseurs ont renoncé au bénéfice de division, ce qui les prive de la faculté d’obliger le créancier à diviser ses poursuites.
    • La conséquence en est que ce dernier pourra actionner en paiement chaque caution prise individuellement pour la totalité de la dette garantie.
    • Dans cette configuration, l’incidence de novation emportant extinction de l’engagement d’une caution solidaire sur la situation des autres cautions n’est pas aussi évidente qu’elle ne l’est en présence de cautions simples.
    • En effet, deux approches sont envisageables :
      • Soit l’on considère que les cofidéjusseurs sont totalement libérés de leur engagement comme le suggérait l’ancien article 1281, al. 1er du Code civil applicable aux obligations solidaires
      • Soit l’on considère que l’engagement des cofidéjusseurs est seulement réduit à hauteur de la part de la caution ayant été déchargé de son obligation par l’effet de la novation
    • Selon que l’on retient l’une ou l’autre approche, l’incidence de la novation sur les autres cautions n’est manifestement pas la même.
    • Dans un premier temps, la Cour de cassation avait opté pour la première approche.
    • Dans un arrêt du 11 janvier 1984, elle a, en effet, estimé que « qu’il résulte de l’article 2021 du Code civil que l’engagement d’une caution solidaire au regard du créancier se règle par les principes établis pour les dettes solidaires» ( 1ère civ. 11 janv. 1984, n°82-13.328).
    • Elle en déduit qu’il y a lieu de faire application de l’ancien article 1281, al. 1er du Code civil qui prévoyait que « par la novation faite entre le créancier et l’un des débiteurs solidaires, les codébiteurs sont libérés. »
    • Cette solution a été vivement critiquée, les auteurs reprochant notamment à la Première chambre civile d’avoir fait primer les principes régissant les obligations solidaires sur les règles du cautionnement.
    • Surtout, elle conduisait à traiter les cautions solidaires plus rigoureusement que les cautions simples.
    • Elle avait encore pour inconvénient de rendre moins avantageuse la solidarité des engagements de cautions pour le créancier, alors qu’elle est censée lui procurer une plus grande garantie que les cautionnements simples.
    • Dans un deuxième temps, la Chambre commerciale a adopté, dans un arrêt du 7 décembre 1999, une position radicalement inverse en jugeant que « la novation opérée à l’égard de l’une des cautions n’a pas pour effet de libérer le débiteur principal et, par suite, pas davantage les autres cautions solidaires, sauf convention contraire» ( com. 7 déc. 1999, n°96-15.915).
    • Dans un troisième temps, le législateur est intervenu à l’occasion de la réforme du droit des obligations en retenant la solution dégagée par la Chambre commerciale en lui apportant néanmoins une précision.
    • Le nouvel article 1335, al. 2e du Code civil prévoit, en effet, que la novation convenue entre le créancier et une caution « libère les autres cautions à concurrence de la part contributive de celle dont l’obligation a fait l’objet de la novation. »
    • Ainsi, les cofidéjusseurs solidaires ne sont pas totalement déchargés de leur obligation ; leur engagement est seulement réduit à hauteur de la part de la caution dont l’obligation est éteinte.

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