Le Droit dans tous ses états

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Extinction du cautionnement par voie accessoire: le paiement

En raison du caractère accessoire du cautionnement, il suit le sort de l’obligation principale.

Aussi, l’extinction de la dette cautionnée a-t-elle vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution qui donc se trouve libérée de son engagement.

L’article 2313 du Code civil prévoit en ce sens que l’obligation de caution « s’éteint aussi par suite de l’extinction de l’obligation garantie ».

La plupart du temps, l’extinction du cautionnement par voie accessoire procédera d’un désintéressement du créancier en ce sens qu’il aura obtenu satisfaction, soit par voie de paiement, soit par voie de compensation.

Il est néanmoins des cas où l’extinction du cautionnement accessoire opérera alors même que le créancier n’aura pas été désintéressé.

Nous nous focaliserons ici sur l’extinction du cautionnement par désintéressement du créancier et plus précisément à raison du paiement du créancier. 

Le paiement du créancier est le « mode normal d’extinction du cautionnement »[1] ; il est sa principale cause.

Pour mémoire, la caution ne s’est obligée à payer la dette du débiteur qu’« en cas de défaillance de celui-ci » (art. 2288 C. civ.), de sorte qu’elle n’a vocation à intervenir qu’à titre subsidiaire.

Si donc le débiteur paye, soit exécute son obligation à l’égard du créancier, il s’ensuit nécessairement la libération de la caution de son engagement.

Pour produire son effet extinctif, encore faut-il que le paiement du créancier réponde à certaines exigences d’une part et soit prouvé d’autre part.

1. Les conditions du paiement

Pour que paiement du créancier ait pour effet d’éteindre le cautionnement, il doit satisfaire à un certain nombre de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à l’auteur du paiement
  • D’autre part, à la validité du paiement
  • En outre, aux effets du paiement
  • Enfin, au montant du paiement

1.1 L’auteur du paiement

Pour que le paiement du créancier emporte extinction du cautionnement, il doit être réalisé par le débiteur principal lui-même ou son représentant.

Lorsque, en effet, le paiement est effectué par un tiers, la caution n’est pas libérée de son obligation (V. en ce sens Cass. com. 17 déc. 1985, n°84-14.057).

La raison en est qu’un tel paiement a pour effet, lorsque les conditions sont remplies, de subroger le tiers dans les droits du créancier

Or la subrogation, qu’elle soit légale ou conventionnelle, présente cette particularité de maintenir, nonobstant le désintéressement du créancier, le rapport d’obligation initial, de sorte que la dette du débiteur n’est pas éteinte.

Le débiteur principal étant désormais tenu envers le tiers solvens, il en va de même de la caution qui n’est pas déchargée de son obligation et qui donc est susceptible d’être actionnée en paiement par ce dernier.

En application de l’article 1346-5 du Code civil, la subrogation est opposable à la caution dès le paiement du créancier, sans qu’il y ait lieu de lui notifier le changement de créancier.

1.2 La validité du paiement

Pour que la caution soit libérée de son obligation, le paiement du créancier doit être valable (V. en ce sens Cass. com. 22 oct. 1996, n°94-14.570).

Cela signifie notamment :

  • D’une part, que le paiement doit avoir été effectué entre les mains du créancier ou de la personne désignée par lui pour le recevoir ( 1342-2, al. 1er C. civ.)
  • D’autre part, que le créancier ait la capacité de recevoir le paiement ( 1342-2, al. 3e C. civ.), tout autant que le débiteur doit avoir la capacité de payer.

Là ne sont pas les seules conditions de validité du paiement ; celui-ci peut être anéanti en raison de sa réalisation en période suspecte (art. L. 632-1 C.com/.) ou encore parce que le bien fourni au créancier à titre de paiement n’appartenait pas au débiteur.

Quelles que soient les causes d’annulation du paiement, son anéantissement se répercutera sur l’engagement de caution qui sera rétroactivement maintenu (V. en ce sens Cass. com. 14 avr. 1992, n°89-21.863).

1.3 Les effets du paiement

Pour emporter extinction du cautionnement, le paiement du créancier ne doit pas seulement être valable, il doit encore avoir pour effet de libérer le débiteur principal.

Autrement dit, ce dernier ne doit plus être obligé envers le créancier, ce qui suppose que celui-ci ait été valablement désintéressé.

Quid dans l’hypothèse où le créancier refuserait le paiement du débiteur principal ? Est-ce à dire que l’engagement de caution serait maintenu et donc suspendu à l’acceptation du créancier ?

Il convient, sans aucun doute, d’apporter une réponse positive à cette question, l’extinction du cautionnement étant subordonné, par principe, au paiement du créancier.

Toutefois, le débiteur n’est pas totalement démuni ; il dispose d’une solution pour contraindre le créancier à recevoir le paiement, à tout le moins à se libérer de son obligation.

Pour ce faire, il lui faut mettre en œuvre la procédure prévue aux articles 1345 à 1345-3 du Code civil

En application de l’article 1345 du Code civil, cette procédure est ouverte à tout débiteur confronté à un créancier qui « à l’échéance et sans motif légitime, refuse de recevoir le paiement qui lui est dû ou l’empêche par son fait ».

Lorsque cette condition est remplie, le débiteur devra observer deux étapes :

  • Première étape
    • Le débiteur doit mettre en œuvre le créancier d’accepter le paiement ou d’en permettre l’exécution.
    • À cet égard, la mise en demeure du créancier arrête le cours des intérêts dus par le débiteur et met les risques de la chose à la charge du créancier, s’ils n’y sont déjà, sauf faute lourde ou dolosive du débiteur.
    • En revanche, elle n’interrompt pas la prescription.
  • Seconde étape
    • L’obligation porte sur une somme d’argent ou sur la livraison d’une chose
      • Si l’obstruction n’a pas pris fin dans les deux mois de la mise en demeure, le débiteur peut, lorsque l’obligation porte sur une somme d’argent, la consigner à la Caisse des dépôts et consignations ou, lorsque l’obligation porte sur la livraison d’une chose, séquestrer celle-ci auprès d’un gardien professionnel.
      • Si le séquestre de la chose est impossible ou trop onéreux, le juge peut en autoriser la vente amiable ou aux enchères publiques. Déduction faite des frais de la vente, le prix en est consigné à la Caisse des dépôts et consignations.
      • La consignation ou le séquestre libère le débiteur à compter de leur notification au créancier.
    • L’obligation porte sur autre chose qu’une somme d’argent ou que la livraison d’une chose
      • La consignation ou le séquestre libère le débiteur à compter de leur notification au créancier.

La procédure de mise en demeure du créancier permet ainsi au débiteur principal de se libérer de son obligation et par voie de conséquence de délier la caution de son engagement.

1.4 Le quantum du paiement

a. Le paiement intégral

Pour que la caution soit libérée, par voie accessoire, de son obligation, le débiteur doit avoir intégralement payé le créancier, faute de quoi il ne sera pas désintéressé.

Or s’il n’est pas totalement désintéressé, il sera toujours fondé à appeler en garantie la caution pour la fraction de la dette échue et non payée.

Aussi, lorsque l’obligation principale porte sur une somme d’argent, le créancier doit avoir été payé à hauteur du montant de la dette garantie. Lorsqu’elle porte sur une chose, celle-ci doit avoir été livrée au créancier. Enfin, lorsque l’obligation cautionnée porte sur un service, celui-ci doit avoir été fourni par le débiteur.

b. Le paiement partiel

Lorsque le cautionnement garantit une dette déterminée, en cas de paiement partiel il est admis que la caution n’est libérée qu’à due concurrence de ce qui a été réglé (V. en ce sens Cass. com. 29 mai 1979, n°77-15.696).

Si, dans l’hypothèse le paiement partiel ne soulève pas de difficulté particulière, il en va différemment lorsque ce paiement :

  • Soit porte sur une dette partiellement cautionnée
  • Soit intervient en présence d’une pluralité de dettes échues dont une seule est cautionnée.

==> Le paiement partiel d’une dette partiellement cautionnée

Lorsque le paiement partiel porte sur une dette partiellement cautionnée, la question se pose de l’imputation de ce paiement.

De deux choses l’une :

  • Soit l’on impute le paiement partiel du débiteur sur la fraction de la dette cautionnée, auquel cas la caution est susceptible d’être libérée de son obligation
  • Soit l’on impute le paiement partiel du débiteur sur la fraction de la dette non cautionnée, auquel cas la caution demeure tenue envers le créancier

Dans le silence des textes, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de se prononcer.

Très tôt la Cour de cassation a statué en faveur du créancier, considérant qu’il y avait lieu d’imputer le paiement partiel du débiteur en priorité sur la fraction non cautionnée de la dette (V. en ce sens Cass. req. 8 jujn 1901).

Dans un arrêt du 28 janvier 1997, la Chambre commerciale a ainsi jugé que « lorsque le cautionnement ne garantit qu’une partie de la dette, il n’est éteint que lorsque cette dette est intégralement payée, les paiements partiels faits par le débiteur principal s’imputant d’abord, sauf convention contraire, non alléguée en l’espèce, sur la portion non cautionnée de la dette » (Cass. com. 28 janv. 1997, n°94-19.347).

Elle a réitéré cette solution dans un arrêt du 12 janvier 2010 en précisant que lorsque le créancier était déchu de son droit aux intérêts en raison d’un manquement à l’obligation d’information annuelle, l’imputation du paiement partiel doit être cantonnée à la fraction relative au principal de la dette (Cass. com. 12 janv. 2010, n°09-11.710).

Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a encore considéré que, dans l’hypothèse où des cautions solidaires garantissent des fractions distinctes d’une même dette, il y a lieu d’imputer les paiements partiels, non pas sur la fraction de la dette garantie par chacune, mais sur les fractions non couvertes par leurs engagements respectifs.

La conséquence en est, en cas de poursuite par le créancier d’une seule caution, qu’elle est susceptible d’être condamnée au paiement de l’intégralité de son obligation (Cass. com. 27 mars 2012, n°11-13.960).

Plusieurs justifications ont été avancées par les auteurs au soutien de la règle d’imputation des paiements partiels sur la fraction non cautionnée de la dette.

D’aucuns soutiennent qu’elle aurait pour fondement la fonction de garantie du cautionnement, tandis que d’autres estiment qu’elle puise sa source dans la règle subordonnant le paiement partiel du débiteur à l’acceptation du créancier (art. 1342-4, al. 1er C. civ.).

À l’analyse, l’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations n’a apporté aucune réponse qui permettrait de trancher le débat.

Bien que, encore aujourd’hui, la position adoptée par la jurisprudence demeure sans fondement textuel, elle est approuvée par la doctrine majoritaire qui y voit la marque de l’équité et du bon sens[2].

À cet égard, les parties demeurent libres de déroger à la règle en stipulant une clause dans l’acte de cautionnement qui prévoirait que le paiement partiel du débiteur s’imputerait en priorité sur la fraction cautionnée de la dette.

==> Le paiement partiel en présence d’une pluralité de dettes dont une seule est cautionnée

Lorsque le paiement partiel intervient en présence d’une pluralité de dettes échues dont une seule est cautionnée, la question de l’imputation des paiements se pose à nouveau.

En pareille circonstance, plusieurs options sont susceptibles d’être envisagées :

  • Le paiement partiel peut être imputé sur la seule dette cautionnée, ce qui aurait pour conséquence de libérer la caution
  • Le paiement partiel peut, à l’inverse, être imputé prioritairement sur les dettes échues non cautionnées, auquel cas l’engagement de caution est maintenu

Quelle solution retenir ? Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1342-10 du Code civil qui prévoit que :

  • D’une part, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter (alinéa 1er).
  • D’autre part, à défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter (alinéa 2e).
  • Enfin, à égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement (alinéa 2e in fine).

Il ressort de cette disposition que, en présence d’une pluralité de dette échue, c’est au débiteur qu’il revient d’indiquer sur quelle dette il y a lieu d’imputer le paiement partiel.

En l’absence d’instruction fournie, l’imputation se fera « sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter ».

La question qui alors se pose est de savoir quelle est la dette que le débiteur a le plus intérêt d’acquitter : est-ce la dette qui est garantie ou celle qui ne l’est pas.

Pour la doctrine, suivie par la jurisprudence, il s’agit de la dette cautionnée. En s’acquittant prioritairement de cette dette, son paiement libère la caution, ce qui le prémunit d’un éventuel recours en remboursement (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 29 oct. 1963 ; Cass. 1ère civ. 19 janv. 1994, n°92-12.585).

Cette règle n’est toutefois pas d’application absolue. La Cour de cassation a admis que dans certaines circonstances, le débiteur pouvait trouver un intérêt à acquitter une dette autre que celle cautionnée en raison soit de sa garantie par une sûreté de meilleur rang (Cass. 1ère civ. 8 nov. 1989, n°88-10.205), soit de son caractère plus onéreux (Cass. com. 16 mars 2010, n°0912.226).

Par ailleurs, la liberté d’imputation des paiements conférée au débiteur en présence d’une pluralité de dettes ne saurait être exercée en fraude des droits de la caution, faute de quoi l’imputation litigieuse lui serait inopposable.

Enfin, les règles énoncées par l’article 1342-10 du Code civil sont supplétives de sorte que les parties sont libres de stipuler dans l’acte de cautionnement que le paiement partiel du débiteur s’imputera prioritairement sur les dettes échues non cautionnées (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 18 oct. 2017, n°16-23.978).

Dans un arrêt du 29 octobre 1968 la Cour de cassation a précisé que « une imputation postérieure au payement ne peut faire revivre des suretés éteintes par suite de l’imputation légale » (Cass. 1ère civ. 29 oct. 1968).

Il en résulte que, une fois l’imputation réalisée sur une dette désignée par le débiteur, il n’est plus possible de revenir sur ce choix.

La dette sur laquelle a été imputé le paiement partiel est irrévocablement éteinte, ce qui emporte extinction définitive des sûretés dont elle était assortie.

2. La preuve du paiement

Dans l’hypothèse où le créancier appelle la caution en garantie, c’est à cette dernière de rapporter la preuve du paiement réalisé par le débiteur principal.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt rendu en date du 22 avril 1997 (Cass. com. 22 avr. 1997, n°95-15.019).

Parce que le paiement est un fait juridique, la preuve peur être rapportée par tout moyen (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, n°01-14.618).

Cette solution jurisprudentielle a été consacrée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. La règle est énoncée à l’article 1342-8 du Code civil.

 

[1] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil – Les sûretés – Publicité foncière, éd. Dalloz, 2004, n°231, p.196

[2] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

[3] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[4] F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit des obligations, éd. Dalloz, 2002, n°1421, p. 1309

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