Le Droit dans tous ses états

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Mise en oeuvre du cautionnement: la condition tenant à l’exigibilité de l’obligation principale

Dans les rapports entre le créancier et la caution, la mise en œuvre du cautionnement est subordonnée à la réunion de droit conditions cumulatives:

  • L’obligation principale doit être exigible
  • Le débiteur principal doit être défaillant
  • Le créancier doit appeler en garantie la caution

Nous nous focaliserons ici sur la première condition.

I) Principe

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, le créancier ne peut appeler en garantie la caution qu’à la condition que l’obligation principale soit exigible.

Pour mémoire, une créance est exigible lorsque le terme de l’obligation est arrivé à l’échéance.

Aussi, est-ce la survenance du terme de l’obligation principale qui rend exigible l’obligation de la caution.

En principe, il y a concomitance de l’exigibilité des obligations auxquelles sont respectivement tenus la caution et le débiteur principal (V. en ce sens Cass. com. 19 févr. 1979, n°77-13.340).

Cette concomitance n’est toutefois pas systématique. Elle est susceptible d’être remise en cause, tantôt par les parties elles-mêmes, tantôt par des évènements affectant le terme de l’obligation principale.

II) Mise en œuvre

A) La fixation de la date d’exigibilité de l’obligation de la caution

==>Principe

La plupart du temps, le contrat de cautionnement est silencieux sur la date d’exigibilité de l’obligation de caution.

La conséquence en est que cette obligation emprunte à l’obligation principale son terme et devient donc exigible au même moment.

Il y a ainsi concomitance des deux dates d’exigibilité, si bien que la caution suit le sort du débiteur principal.

Cette règle n’est toutefois pas d’ordre public ; à tout le moins les parties peuvent y déroger, dans une certaine mesure, par convention contraire et prévoir une date d’exigibilité de l’engagement de caution différente de celle de l’obligation principale.

==> Aménagements

  • Les aménagements autorisés
    • Il est admis que les parties puissent stipuler une date d’exigibilité de l’obligation de caution au-delà du terme de l’obligation principale.
    • Une telle clause vise à différer dans le temps l’appel en garantie de la caution dont le sort est, dès lors, dissocié de celui du débiteur garanti.
    • En effet, l’engagement de caution deviendra exigible, non pas à l’arrivée du terme de l’obligation principale, mais à la date d’exigibilité fixée dans le contrat de cautionnement (V. en ce sens 1ère civ. 19 juin 2001, n°98-16.183).
  • Les aménagements interdits
    • L’article 2296 du Code civil prévoit que le cautionnement ne peut « être contracté sous des conditions plus onéreuses».
    • Cela signifie que l’engagement de caution ne peut pas être assorti de modalités plus rigoureuses que celles stipulées pour l’obligation principale.
    • Il en résulte que le créancier ne saurait exiger de la caution qu’elle règle la dette garantie à une échéance plus rapprochée que celle stipulée pour le débiteur principal.
    • Une clause qui conférerait cette faculté au créancier serait réputée nulle, dans la mesure où cela reviendrait à obliger la caution plus sévèrement que le débiteur principal.

B) Les incidences des évènements affectant l’exigibilité de l’obligation principale

Lorsqu’une obligation est assortie d’un terme suspensif son exigibilité est suspendue à la réalisation d’un événement déterminé par les parties ou le cas échéant par la loi.

Tant que cet événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution.

La question qui alors se pose est de savoir si des événements qui affectent l’exigibilité d’une obligation cautionnée sont susceptibles de se répercuter sur l’engagement de caution.

Le caractère accessoire du cautionnement suggère d’apporter une réponse positive à cette question.

La position adoptée par la jurisprudence est toutefois plus nuancée. Les juridictions ont, en effet, cherché à trouver un équilibre entre les intérêts, parfois contradictoires, des personnes intéressées à l’opération de cautionnement.

Quant à la loi, elle est venue clarifier le débat lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.

À l’analyse, deux événements affectant l’exigibilité de l’obligation principale sont source de difficulté :

  • La déchéance du terme
  • La prorogation du terme

1. La déchéance du terme de l’obligation principale

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

Les cas de déchéance du terme sont d’origine légale et conventionnelle.

Pour exemple, il est courant sinon systématique que les contrats de prêt stipulent que, en cas de non-remboursement d’une échéance par l’emprunteur, la somme prêtée devient immédiatement exigible dans son intégralité.

On peut encore signaler l’article 1305-4 du Code civil qui dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »

Quel que soit le cas de déchéance du terme invoqué par le créancier, lorsque cet événement frappe une obligation cautionnée, la question s’est posée de savoir si cette déchéance rendait exigible l’engagement de caution.

Deux thèses se sont affrontées :

  • Première thèse
    • Cette thèse consiste à soutenir que la déchéance du terme serait opposable à la caution.
    • Pour les tenants de cette thèse, la déchéance du terme ne serait autre qu’une manifestation de la défaillance du débiteur.
    • Or c’est précisément la finalité du cautionnement que de garantir cette défaillance.
    • L’opposabilité de la déchéance du terme de l’obligation principale à la caution se justifierait d’autant plus que le cautionnement présente un caractère accessoire.
    • Tous les événements affectant l’obligation garantie devraient, dans ces conditions, se répercuter sur l’obligation de caution.
    • À cet égard, les textes abordant le caractère accessoire du cautionnement ne distinguent pas selon que les effets qui en résultent intéressent l’existence de l’obligation principale ou son exigibilité.
  • Seconde thèse
    • Cette thèse consiste à soutenir que la déchéance du terme serait inopposable à la caution.
    • C’est la force obligatoire dont est pourvu le contrat de cautionnement qui s’opposerait à ce que l’exigibilité de l’engagement souscrit par la caution puisse être affectée par un élément extérieur à la convention conclu entre les parties.
    • Bien que le cautionnement présente un caractère accessoire, la caution s’est engagée en considération du terme suspensif de l’obligation principale.
    • Aussi, ne saurait-on rendre son obligation exigible avant la date fixée dans le contrat cautionné.

Dans un premier temps, la jurisprudence a opté pour la seconde thèse en considérant que la déchéance du terme était inopposable à la caution

La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 20 décembre 1976 aux termes duquel elle refuse d’étendre à la caution la déchéance du terme qui était encourue par le débiteur principal (Cass. 1ère civ. 20 déc. 1976, n°75-12.439).

Plus récemment, elle a encore jugé « qu’en l’absence d’une clause contraire, dont l’existence n’était pas alléguée en l’espèce, la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n’avait d’effet qu’à l’égard de celui-ci et était sans incidence sur la situation de la caution poursuivie en paiement » (Cass. com. 4 nov. 2014, n°12-35.357).

Dans un deuxième temps, la Cour de cassation est venue préciser que les parties demeuraient libres de stipuler une clause prévoyant que la déchéance du terme de l’obligation principale entraînerait, par là même, l’exigibilité de l’engagement de caution.

Elle a jugé en ce sens que « la déchéance du terme encourue par le débiteur principal défaillant ne s’étend pas en principe à la caution solidaire poursuivie en paiement sauf si celui-ci a étendu contractuellement son engagement au cas de déchéance du terme » (Cass. 1ère civ. 30 oct. 1984, n°82-14.062).

Dans un troisième temps, le législateur est intervenu afin de clarifier la règle posée par la jurisprudence.

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations a, en effet, inséré dans le Code civil un article 1305-5 qui prévoit que « la déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions. »

Il ressort de cette disposition que le législateur a entendu consacrer le principe d’inopposabilité de la déchéance du terme à la caution.

Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés ou la caution en paiement.

Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction.

Il s’agit, plus précisément, d’une sanction qui présente un caractère purement personnel.

Aussi, ne saurait-elle produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu lesquels n’ont commis aucune faute, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

Il peut être observé que, initialement, l’article 1305-5 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 ne visait que les seuls coobligés.

La question s’est alors posée de savoir si la règle énoncée par ce texte s’appliquait également aux cautions.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le législateur entendait inclure dans le domaine de la règle, tant les codébiteurs, que les cautions.

Reste que, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

Afin de clarifier le flou juridique dénoncé par la doctrine, le législateur est intervenu, une nouvelle fois, à l’occasion de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance aux fins de compléter l’article 1305-5 du Code civil. Cette disposition vise désormais expressément les cautions du débiteur déchu.

À cet égard, il y a lieu de noter que la règle énoncée est supplétive. Il en résulte qu’il peut y être dérogé par convention contraire.

Les parties sont donc libres de prévoir que la déchéance du terme de l’obligation principale est opposable à la caution (Cass. 1ère civ. 30 oct. 1984, n°82-14.062).

Dans un arrêt du 11 juillet 1988, la Chambre commerciale a, par exemple, considéré que valait renonciation au principe d’inopposabilité de la déchéance du terme, la clause figurant dans l’acte de cautionnement stipulant que « toutes les clauses et conditions du contrat de crédit-bail lui soient opposables comme si ledit contrat avait été revêtu de sa propre signature » (Cass. com. 11 juillet 1988, n°86-11.689).

2. La prorogation du terme de l’obligation principale

a. Contenu de la règle

La prorogation du terme consiste à différer l’exigibilité d’une obligation, de sorte que le créancier devra attendre la survenance du nouveau terme avant de réclamer le paiement de sa créance.

Cette situation se rencontre notamment lorsque le débiteur se voit octroyer un délai de paiement.

À l’instar de la déchéance du terme, la question s’est posée de savoir si la prorogation du terme consentie au débiteur principal pouvait profiter à la caution.

Le caractère accessoire du cautionnement devrait conduire à répondre positivement à cette question.

Une partie de la doctrine a toutefois soutenu qu’il y avait lieu de faire primer la force obligatoire du contrat de cautionnement.

La caution s’étant engagée à garantir le débiteur à la date initialement prévue au contrat, rien ne justifie que l’on diffère l’exigibilité de son obligation de payer. La prorogation ne devrait donc pas lui profiter.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 2316 du Code civil prévoyait que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »

Il ressortait de cette disposition que la prorogation du terme de l’obligation principale se répercutait sur le cautionnement qui donc était maintenu au-delà du terme initial.

Il était toutefois précisé que la caution disposait de la faculté de « forcer au paiement » le débiteur.

À ce titre, il était admis qu’elle puisse :

  • Soit entreprendre mes mesures conservatoires à l’encontre du débiteur principal
  • Soit payer directement le créancier à l’échéance prévue initialement et se retourner ensuite contre le débiteur

Cette faculté ouverte à la caution lui a été conférée en raison du risque que la prorogation est susceptible de lui faire courir.

En effet, l’octroi d’un délai de paiement est, la plupart du temps, le signe de la mauvaise santé financière du débiteur. La prorogation s’analyse donc en une dernière chance laissée au débiteur avant l’exercice de poursuites par le créancier.

Parce que la situation du débiteur est susceptible de se dégrader au cours de la période contractuelle prorogé, le législateur a ouvert une option à la caution :

  • Soit elle se prévaut de la prorogation du terme, considérant que le débiteur est en capacité de se redresser et de désintéresser le créancier à la nouvelle date fixée dans l’accord de prorogation
  • Soit elle anticipe la défaillance du débiteur et engage des mesures afin de contraindre au paiement le débiteur principal

==> Réforme des sûretés

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a reconduit la règle anciennement énoncée à l’ancien article 2316 du Code civil.

Le nouvel article 2320 prévoit en ce sens que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge pas la caution. »

Ainsi, comme le prévoyait l’ancien texte, et comme les juges le rappellent régulièrement, la prorogation de l’obligation principale ne libère pas la caution.

En revanche, conformément à la règle de l’accessoire, la caution peut se prévaloir de cette prorogation pour refuser de payer le créancier avant l’échéance ainsi reportée.

Compte tenu de la suppression du recours avant paiement qui, sous l’empire du droit antérieur, pouvait être exercé par la caution en cas de prorogation de l’obligation principale, pour compenser cette suppression, le nouvel article 2320 du Code civil prévoit que lorsque le terme initial est échu, la caution peut :

  • Soit payer le créancier – qui ne pourra pas refuser le paiement – et se retourner contre le débiteur
  • Soit, en vertu des dispositions du livre V du code des procédures civiles d’exécution, solliciter la constitution d’une sûreté judiciaire sur tout bien du débiteur à hauteur des sommes garanties.

Si la caution exerce cette seconde option, elle est présumée justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, sauf preuve contraire apportée par le débiteur.

Elle n’aura donc pas à rapporter la preuve exigée par l’article 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution.

Le rapport au Président de la République précise que « l’article R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution impose au créancier d’introduire, dans le délai d’un mois à compter de la réalisation de la mesure conservatoire, une procédure pour obtenir un titre exécutoire. »

La caution étant dans l’impossibilité de respecter cette condition puisque la dette n’est pas exigible, cette disposition sera complétée par voie réglementaire pour prévoir que le délai d’un mois court dans cette hypothèse à compter du paiement du créancier par la caution.

Par crainte que la situation du débiteur ne s’aggrave, la caution peut également préférer ignorer cette prorogation du terme et payer le créancier, ce qui lui permet d’exercer immédiatement son recours contre le débiteur.

En tout état de cause, l’article 2320 ne fait pas obstacle à des aménagements contractuels différents ; en particulier, les parties peuvent toujours prévoir que le créancier a l’interdiction d’accorder une prorogation du terme au débiteur principal sans l’accord de la caution.

b. Domaine de la règle

Il s’infère de l’article 2320 du Code civil que l’absence de décharge de la caution en cas de prorogation du terme ne joue que dans l’hypothèse où elle est « accordée par le créancier au débiteur principal ».

Il convient donc d’aborder différemment cette prorogation, selon qu’elle est volontairement consentie par le créancier ou selon qu’elle est imposée.

==> La prorogation du terme volontaire

Dans l’hypothèse où la prorogation du terme de l’obligation principale est volontairement consentie par le créancier, la caution n’est pas déchargée de son engagement.

Cette situation se rencontrera notamment lorsque le créancier aura octroyé au débiteur principal un délai de paiement.

À cet égard, il est indifférent que la prorogation du terme soit expresse ou tacite. Dans le second cas, cela pourra se traduire par l’inaction du créancier à l’échéance de l’obligation garantie.

Lorsque cette situation se présente, la jurisprudence estime que la caution n’en reste pas moins tenue à son engagement (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 6 oct. 1971, n°69-13.473).

En contrepartie de l’absence de décharge, la caution simple pourra se prévaloir du délai de paiement consenti – peu importe qu’il soit exprès ou tacite – et l’opposer au créancier qui ne pourra donc engager aucune poursuite à l’encontre de cette dernière.

En d’autres termes, la caution bénéficie de tous les délais de paiement octroyés par le créancier au débiteur principal. C’est là une autre conséquence du caractère accessoire du cautionnement.

Si donc la prorogation du terme consenti volontairement par le créancier au débiteur principal profite, de plein droit, à la caution, il est admis que les parties au contrat de cautionnement puissent déroger à la règle.

Comme précisé par le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance du 15 septembre 2021, l’article 2320 ne fait pas obstacle à des aménagements contractuels différents ; en particulier, les parties peuvent toujours prévoir que le créancier a l’interdiction d’accorder une prorogation du terme au débiteur principal sans l’accord de la caution.

Elles sont encore libres de stipuler que la prorogation du terme de l’obligation principale aura pour effet de décharger la caution de son obligation.

Elles pourront enfin convenir que la prorogation de l’obligation principale sera sans incidence sur la durée de l’engagement de caution qui prendra fin à la date fixée dans l’acte.

Si, l’application d’une telle clause ne soulève pas de difficulté particulière lorsque la prorogation est expresse, plus délicate est sa mise en œuvre lorsque la prorogation procède de l’inaction du créancier.

Dans la mesure où celui-ci n’a pas formalisé, à tout le moins, exprimé sa volonté de proroger le terme de l’obligation principale, la question se pose de savoir si la caution peut se prévaloir de la clause qui aménage la règle énoncée à l’article 2320 du Code civil.

Ainsi, par exemple, la clause prévoyant la décharge de la caution en cas de prorogation du terme peut-elle jouer dans l’hypothèse où le créancier n’actionne pas en paiement le débiteur principal.

Deux approches radicalement opposées peuvent être adoptées :

  • Du point de vue du créancier, il peut être argué que son inaction ne signifie pas qu’il a entendu consentir à une prorogation du terme de l’obligation principale. En conséquence, la caution ne pourrait, en aucune manière, se prévaloir du bénéfice d’une clause dont la mie en œuvre a pour fait générateur la prorogation du terme
  • Du point de vue de la caution, il peut être avancé que l’inaction du créancier s’apparente à un délai de paiement et donc à une prorogation du terme de l’obligation principale. Dans ces conditions, la caution devrait pouvoir se prévaloir des effets de la clause attachée à cette prorogation.

À l’analyse, la Cour de cassation n’exclut aucune de ces deux approches. Elle raisonne au cas par cas en s’appuyant sur l’appréciation souveraine des juges du fond.

Dans un arrêt du 7 juin 1978, elle a, par exemple, estimé que l’inaction prolongée du créancier entre le 1er septembre 1971 et le 3 mai 1973, soit pendant une période de vingt et un mois s’analysait en un délai de paiement (Cass. 1ère civ. 7 juin 1978, n°77-10.444).

La solution retenue par la Première chambre civile aurait sans doute été radicalement différente si le créancier avait agi dans un délai raisonnable ou aurait justifié, par la réalisation de démarches amiables par exemple, de son inertie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 1er déc. 1993, .n°91-19.973).

Ce qu’il y a lieu de retirer de la jurisprudence, c’est que l’inaction du créancier ne s’apparente pas nécessairement à une prorogation tacite du terme de l’obligation principale.

Les juges rechercheront, pour déterminer si la caution est ou non déchargée de son obligation, l’existence chez le créancier d’une intention d’octroyer un délai de paiement.

Cette intention pourra se déduire notamment du délai durant lequel ce dernier est resté inactif, des démarches entreprises par lui, de la nature de la relation d’affaires entretenue avec le débiteur principal et plus généralement des circonstances.

==> La prorogation du terme imposée

Pou mémoire, l’article 2320 du Code civil prévoit que l’absence de décharge de la caution en cas de prorogation du terme ne joue que dans l’hypothèse où elle est « accordée par le créancier au débiteur principal ».

Il s’en déduit que lorsque la prorogation est imposée au créancier, parce qu’elle procède, soit d’une décision du juge, soit de l’effet de la loi, la règle énoncée par ce texte n’est pas applicable.

L’article 1343-5 du Code civil prévoit, par exemple, que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

Lorsqu’ainsi un délai de grâce est octroyé au débiteur, cette situation ne fera pas obstacle à ce que la caution soit poursuivie par le créancier à l’échéance initiale prévue au contrat cautionné.

La raison en est que l’octroi d’un délai de grâce n’est autre qu’une manifestation de la défaillance du débiteur qui, s’il ne bénéficie pas de cette mesure de faveur, ne pourra pas régler le créancier.

Or le cautionnement a précisément pour finalité de garantir le risque de défaillance. D’où le refus du législateur de faire profiter la caution de la mesure accordée par le juge.

Ce raisonnement s’applique également au débiteur qui bénéficie de délais de paiement dans le cadre d’une procédure de surendettement ouverte à son endroit.

C’est la raison pour laquelle, dans un arrêt du 3 mars 1998, la Cour de cassation a estimé que « le redressement judiciaire civil ne prive pas le créancier des garanties qui lui ont été consenties ; que la caution ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des mesures arrêtées par le juge en faveur du débiteur surendetté » (Cass. 1ère civ. 3 mars 1998, n°96-10.753).

En contrepartie, il est admis que la caution puisse exercer son recours contre le débiteur principal, nonobstant la prorogation du terme dont il a bénéficié dans le cadre du surendettement.

S’agissant d’une procédure de prévention ou de traitement des difficultés des entreprises, le sort réservé par le législateur et la jurisprudence à la caution est radicalement différent.

Cette dernière peut se prévaloir d’un certain nombre de mesures de faveur octroyé au débiteur principal et notamment de la suspension des poursuites individuelles.

Plusieurs situations doivent être envisagées.

  • En matière de procédure de conciliation, l’article L. 611-10-2 du Code de commerce prévoit que « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées au débiteur en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ou du deuxième alinéa de l’article L. 611-10-1 ainsi que des dispositions de l’accord constaté ou homologué. »
  • En matière de procédure de sauvegarde, l’article L. 622-28 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. »
  • En matière de procédure de redressement judiciaire, l’article L. 631-14 du Code civil prévoit que s’applique la même règle que celle énoncée pour la procédure de sauvegarde : la caution bénéficie de la suspension des poursuites individuelles contre le débiteur principal
  • En matière de procédure de liquidation judiciaire, la situation diffère sensiblement des autres procédures collectives dans la matière où elle n’a pas pour effet de suspendre les poursuites individuelles. Elle provoque seulement la déchéance du terme des obligations souscrites par le débiteur principal. Régulièrement, la jurisprudence rappelle que cette déchéance du terme est inopposable à la caution qui donc ne peut être poursuivie qu’à la date d’exigibilité initiale de la créance garantie. Dans un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a jugé en ce sens « qu’en l’absence d’une clause contraire, dont l’existence n’était pas alléguée en l’espèce, la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n’avait d’effet qu’à l’égard de celui-ci et était sans incidence sur la situation de la caution poursuivie en paiement» ( com. 4 nov. 2014, n°12-35.357).

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