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Cautionnement: l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal (art. 2303 C. civ.)

En application de l’article 2303 du Code civil, pèse sur le créancier professionnel l’obligation d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement.

À l’instar de l’obligation d’information relative à l’étendue de l’engagement de caution, l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur a, sous l’empire du droit antérieur, fait l’objet de plusieurs consécrations.

Son régime variait néanmoins d’un texte à l’autre au gré des interventions du législateur.

==> Loi du 31 décembre 1989

L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur a été consacrée, pour la première fois, par la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, dite loi Neiertz.

L’objectif recherché était de renforcer la protection de la caution et plus précisément de limiter la survenance des cas de surendettement « par ricochet » résultant de la mise en œuvre du cautionnement.

Cette loi a inséré un article L. 313-9 dans le Code de la consommation qui prévoyait que « toute personne physique qui s’est portée caution à l’occasion d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit être informée par l’établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d’inscription au fichier institué à l’article L. 333-4. »

Le domaine de l’obligation visée par ce texte était limité aux opérations de crédit à la consommation et de crédit immobilier.

==> Loi du 29 juillet 1998

La loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a, par suite, étendu l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur à deux catégories d’opérations :

  • Première catégorie d’opérations : les cautionnements souscrits en garantie d’une dette contractée par un entrepreneur individuel
    • La loi du 29 juillet 1998 a inséré dans la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle d’un article 47, II, al. 3e qui prévoyait que « lorsque le cautionnement est consenti par une personne physique pour garantir une dette professionnelle d’un entrepreneur individuel ou d’une entreprise constituée sous forme de société, le créancier informe la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.»
  • Seconde catégorie d’opérations : les cautionnements conclus entre un créancier professionnel et une caution personne physique
    • La loi du 29 juillet 1998 a inséré un article L. 341-1 dans le Code de la consommation (devenu L. 333-1) qui prévoyait que « sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.»

À l’analyse, ces deux textes conféraient une portée quasi générale à l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal.

Reste qu’ils se recoupaient entre eux ainsi qu’avec la disposition adoptée dix ans plus tôt par la loi Neiertz.

De l’avis général des auteurs, il était nécessaire de remédier à cette situation, ce que le législateur a fait à l’occasion de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

==> Ordonnance du 15 septembre 2021

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a, comme précisé par le rapport au Président de la République qui l’accompagnait, unifié l’obligation d’information sur la défaillance du débiteur principal.

Cette obligation a été sortie du Code de la consommation pour être insérée dans le Code civil.

Aussi, est-elle désormais envisagée par un seul texte : l’article 2303 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le créancier professionnel est tenu d’informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée. »

Afin d’appréhender le régime de cette obligation dont est créancière la caution, il convient d’envisager successivement son domaine d’application, son contenu, sa mise en œuvre et la sanction du défaut de son exécution.

I) Domaine de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

A) Domaine quant aux personnes

Il ressort de l’article 2303 du Code civil que l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur s’applique aux cautionnements conclus entre :

  • D’une part, une caution personne physique
  • D’autre part, un créancier professionnel

S’agissant de la caution, il est donc indifférent qu’elle soit avertie ou profane. Ce qui importe, c’est qu’il s’agisse d’une personne morale.

L’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur principal n’a donc pas vocation à s’appliquer en présence d’une caution personne morale.

S’agissant du créancier, l’article 2302 du Code civil exige qui endosse la qualité de professionnel.

Pour mémoire, au sens du droit de la consommation, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »

Le professionnel peut donc indistinctement être, une personne physique, une personne morale, une personne privée, une personne publique ou encore une personne investie d’un pouvoir de représentation.

Dans un arrêt du 9 juillet 2009, la Cour de cassation a, précisé, au sujet d’un cautionnement, que « le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale » (Cass. 1ère civ. 9 juill. 2009, n°08-15.910).

C’est donc le critère du rapport direct entre le cautionnement et l’activité exercée par le créancier qui permet de déterminer si celui-ci endosse la qualité de professionnel, faute de quoi il sera considéré, soit comme un consommateur, soit comme un non-professionnel.

B) Domaine quant aux opérations

En application de l’article 2325 du Code civil, l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur s’applique, tant aux cautionnements personnels, qu’aux cautionnements réels.

A l’instar de l’obligation d’information annuelle, cette obligation n’a pas vocation à s’appliquer en matière d’aval (Cass. com. 16 juin 2009, n°08-14.532).

II) Contenu de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’information due à la caution en application de l’article 2303 du Code civil porte sur « le premier incident de paiement ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par cette formule. Qu’est-ce qu’un premier incident de paiement ?

Le texte apporte une précision sur ce point. Il indique que constitue un incident de paiement ce qui n’est pas « régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement ».

Cela signifie que passé le délai d’un mois à compter de la date d’exigibilité de l’obligation principale, en l’absence de paiement réalisé par le débiteur, le créancier doit en informer la caution.

III) La mise en œuvre de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’article 2303 du Code civil n’impose aucune forme s’agissant de la notification de l’information due à la caution.

Reste que le créancier devra se prémunir de toute contestation quant à la délivrance de l’information, raison pour laquelle l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception est préconisé.

Quant au délai d’envoi, le texte est également silencieux sur ce point. Il se limite à indiquer que l’information doit être notifiée à la caution consécutivement au premier incident de paiement non régularisé.

On en déduit que le créancier devra agir dans un délai raisonnable et donc ne pas attendre qu’un deuxième incident de paiement survienne.

En tout état de cause, il devra être en mesure de prouver, tant la date d’envoi du courrier, que son contenu, ce qui soulève les mêmes difficultés que la preuve de la délivrance de l’information annuelle prescrite à l’article 2302 du Code civil.

IV) La sanction de l’obligation relative à la défaillance du débiteur principal

L’article 2303 du Code civil prévoit que le manquement à l’obligation d’information relative à la défaillance du débiteur est sanctionné par la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de l’incident de paiement et celle à laquelle la caution en a été informée.

Autrement dit, le créancier sera privé de la possibilité de réclamer à la caution le paiement des intérêts pour la période comprise entre le premier incident de paiement et la date à laquelle il a régularisé sa situation.

À cet égard, l’alinéa 2 du texte ajoute que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »

À l’analyse, la sanction applicable est ici sensiblement la même que pour la violation de l’obligation d’information annuelle, à la nuance près que la déchéance couvre non seulement les intérêts contractuels, mais également les pénalités éventuellement dues par le débiteur.

Dans un arrêt du 3 octobre 2018, la Cour de cassation a précisé que « la déchéance du droit aux intérêts prévue en cas de manquement par la banque à son obligation d’information envers la caution dès le premier incident de paiement n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice » (Cass. com. 3 oct. 2018, n°17-19.514).

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