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La preuve de la disproportion du cautionnement

En application de l’article 1353, al. 1er du Code civil, c’est à la caution de rapporter la preuve de la disproportion de son engagement.

Dans un arrêt du 7 avril 1999, la Cour de cassation a, par exemple, approuvé une Cour d’appel qui, pour débouter une caution de sa demande de décharge, a jugé qu’elle « ne rapportait pas la preuve de la disproportion invoquée » (Cass. 1ère civ. 7 avr. 1999, n°97-12.828)

Dans un arrêt du 15 novembre 2017, la Chambre commerciale a précisé que la caution devait rapporter la preuve de la disproportion au jour de la souscription de son engagement (Cass. com. 15 nov. 2017, n°16-22.400).

Dans l’hypothèse où la caution parvient à établir que le cautionnement était disproportionné, c’est au créancier qu’il appartiendra de contester cette allégation.

Pour ce faire, il lui faudra démontrer que pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de caution il s’est fié aux informations qui lui ont été communiquées et que, sur la base de ces informations, il apparaît que la caution était pleinement en capacité de faire face à son engagement avec ses biens et ses revenus.

À cet égard, dans un arrêt du 14 décembre 2010, la Cour de cassation a affirmé que le créancier était fondé à se fier aux informations déclarées et que, en l’absence d’anomalies apparentes, il n’avait pas à en vérifier l’exactitude (Cass. com. 14 déc. 2010, n°09.69.807).

La chambre commerciale a précisé dans un arrêt du 13 septembre 2017, s’agissant de l’ancien article L. 332-1 du Code de la consommation, que « ce texte ne lui impose pas [au créancier] de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus » (Cass. com. 13 sept. 2017, n°15-20.294).

Il s’infère de cette décision que s’il appartient au créancier de s’enquérir de la situation financière de la caution, il n’a, en revanche, pas l’obligation de vérifier ses déclarations.

La jurisprudence estime, en outre, que le créancier n’est pas tenu d’enquêter sur l’existence de prêts ou de cautionnements qui auraient éventuellement été contractés auprès de lui (Cass. com. 10 mars 2015, n°13-15.867).

Le créancier a donc pour seule obligation de collecter des informations sur les revenus et le patrimoine de la caution et de calculer son taux d’endettement au regard de ces seules données.

En aucune façon il n’est obligé de tenir compte d’informations qui ne lui seraient pas spontanément déclarées par la caution (Cass. com. 29 nov. 2017, n°16-19.416)

Dans la pratique, les établissements de crédit font remplir aux cautions une fiche de renseignement spécifique, fiche par le biais de laquelle elles déclarent les éléments d’actifs et de passifs de leur patrimoine.

Cette fiche devra être suffisamment précise et actuelle pour que la disproportion puisse être utilement appréciée (V. en ce sens Cass. com. 26 juin 2019, n°18-10.981)

Si dès lors, les informations renseignées sur la fiche sont erronées ou imprécises, la caution ne sera pas fondée à opposer au créancier la disproportion de son engagement, sauf à ce que l’inexactitude constitue une anomalie apparente, soit une irrégularité grossière qui pouvait être facilement relevée.

Pour exemple a été jugée apparente l’anomalie consistant en l’absence de mention sur la fiche des revenus de la caution (V. en cens CA Versailles, 12 mars 2019, n°17/07881).

Dans un arrêt du 24 mars 2021, la Cour de cassation a, en outre, jugé que « la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d’anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée au créancier » (Cass. 1ère civ. 24 mars 2021, n°19-21.254).

Ainsi, la caution est-elle liée par ses déclarations, de sorte que pour apprécier la disproportion le juge ne pourra se fonder que sur les éléments figurant sur la fiche qu’elle aura renseignée.

[1] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°273, p. 205.

[2] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°276, p. 212.

[3] S. Guinchard, F. Ferrand, et C. Chaisnais, Procédure civile, Dalloz, 2010, 30 ème édition, n° 317

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