Le Droit dans tous ses états

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Le cautionnement défini: régime

Si les parties sont libres de déterminer l’étendue du cautionnement quant à son montant, il est une limite qu’elle ne peuvent pas franchir : celle fixée par l’obligation principale.

En application de l’article 2296 du Code civil, le cautionnement ne peut, en effet, jamais excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie.

Aussi, trois situations doivent être distinguées :

  • L’engagement de la caution est identique à celui souscrit par le débiteur principal
  • L’engagement de la caution est moindre que celui souscrit par le débiteur principal
  • L’engagement de la caution excède celui souscrit par le débiteur principal

Nous nous focaliserons ici sur la première situation qui correspond à celle du cautionnement défini.

I) Principe

Bien que le cautionnement présente un caractère accessoire, ce principe – d’ordre public – ne fait nullement obstacle à ce que les parties décident que la garantie consentie n’épouse pas les limites de l’obligation principale.

Aussi ces dernières sont-elles libres de prévoir que l’engagement de caution sera moindre que celui souscrit par le débiteur garanti. Dans cette hypothèse, on dit que le cautionnement est défini.

Cette faculté offerte aux parties de limiter l’engagement de caution est prévue à l’article 2296, al. 2e du Code civil qui dispose que le cautionnement « peut être contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses. »

La limitation de l’engagement de caution peut s’opérer selon différentes modalités.

Il pourra s’agir notamment de :

  • Limiter l’engagement de caution à une fraction de l’obligation principale
  • Fixer une limite chiffrée qui constituera le plafond de l’obligation de couverture
  • Aménager les modalités de mise en œuvre du cautionnement
  • Assortir l’engagement de caution à des conditions
  • Limiter l’engagement de caution quant à sa durée
  • Exclure de l’obligation de couverture tout ou partie des accessoires de la dette principale

Il peut être observé que lorsque le cautionnement est conclu par une personne physique par voie d’acte sous seing privé, l’engagement souscrit devra nécessairement être limité quant à son montant.

L’article 2297 du Code civil exige en ce sens, à peine de nullité, que « la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. ».

Il ressort de cette disposition qu’un montant limité doit donc figurer, pour les cautionnements souscrits par une personne physique, dans la mention manuscrite requise ad validitatem.

Seuls échappent à cette exigence les cautionnements conclus :

  • Soit par une personne morale
  • Soit par voie d’acte authentique ( 1369, al. 3e C. civ.)
  • Soit par voie d’acte d’avocat ( 1374, al. 3e C. civ.)

En tout état de cause, lorsque les parties entendent limiter l’engagement de caution, la limitation envisagée doit être expressément stipulée dans l’acte, étant rappelé que le cautionnement est d’interprétation stricte.

Il en résulte que, en cas d’équivoque quant à la limitation de l’engagement de caution, le doute devra toujours profiter à la caution.

Ainsi, est-ce la rédaction de la clause limitant l’engagement de caution qui déterminera la portée du cautionnement.

II) Portée

A. La garantie du principal

Comme le cautionnement indéfini, le cautionnement défini a vocation à garantir l’obligation principale.

La différence entre les deux tient à l’obligation de couverture qui, pour le cautionnement défini, est assortie d’une limite fixée par les parties.

Aussi, en cas de défaillance du débiteur principal, la caution devra se substituer à lui dans l’exécution de l’obligation garantie dans la limite du montant défini dans l’acte de cautionnement.

A cet égard, il peut être souligné que la portée d’un cautionnement défini différera selon qu’une ou plusieurs cautions se sont engagées à garantir une même dette.

Dans cette seconde hypothèse, la question se posera notamment de savoir s’il y a lieu ou non de cumuler les engagements de caution.

1. En présence d’un seul engagement de caution

Lorsqu’une ou plusieurs dettes sont garanties par un seul engagement de caution, deux situations sont susceptibles de se rencontrer :

  • Le cautionnement garantit une fraction de l’obligation principale
    • Dans cette hypothèse, l’obligation de couverture ne comprend qu’une partie de la dette sur laquelle porte le cautionnement
    • Aussi, en cas de défaillance du débiteur principal, la caution ne pourra être actionnée en paiement que dans la limite de la fraction de la dette garantie
    • Cette fraction de la dette pourra consister en un certain montant ou correspondre à l’intégralité du principal, à l’exclusion des intérêts.
    • Plusieurs plafonds peuvent être envisagés.
  • Le cautionnement garantit un ensemble de dettes
    • Dans cette hypothèse, la caution s’engage à garantir un ensemble de dettes, mais dans la limite d’un certain montant.
    • Il s’agit, autrement dit, d’un engagement qui est plafonné, si bien que seules les dettes comprises dans le montant déterminé dans l’acte de cautionnement seront couvertes.

2. En présence de plusieurs engagements de caution

Lorsque plusieurs cautionnements définis ont été souscrits en garantie d’une même dette la question se pose du cumul des engagements de caution. Doivent-ils être additionnés aux fins de constituer un montant total de la dette garantie ou doivent-ils être appréhendés séparément ?

Plusieurs situations doivent être distinguées :

==> Les engagements de caution sont souscrits dans un même acte

Cette situation se rencontre notamment lorsqu’un couple d’époux ou des associés se portent caution dans un même acte et dans la limite d’un même montant.

La question qui alors se pose est de savoir si ce montant constitue une limite globale qui joue pour l’ensemble des cautions parties à l’acte ou s’il constitue une limite pour chaque engagement pris individuellement de sorte que le montant stipulé dans l’acte a vocation à s’additionner.

Exemple :

Soit un couple d’époux qui s’est porté caution à hauteur de 10.000 euros en garantie d’une obligation principale dont le montant est de 30.000 euros.

Deux approches sont envisageables :

  • Première approche
    • Elle consiste à considérer que le montant de 10.000 euros stipulé dans l’acte de cautionnement constitue une limite globale applicable aux deux époux.
    • En cas de défaillance du débiteur principal, le montant qui pourra être réclamé au couple ne pourra donc pas excéder 10.000 euros.
    • Si donc un époux règle 5.000 euros, le créancier ne pourra réclamer à au conjoint que les 5.000 euros restants
  • Seconde approche
    • Elle consiste à considérer que le montant de 10.000 euros stipulé dans l’acte de cautionnement constitue la limite à l’engagement souscrit par chaque époux pris individuellement.
    • Aussi, cela autoriserait-il le créancier, en cas de défaillance du débiteur, à réclamer à chaque époux le paiement de 10.000 euros, de sorte que l’obligation principale serait en réalité couverte à hauteur de 20.000 euros.
    • Dans cette hypothèse, les engagements de caution souscrits pourraient donc s’additionner

À l’examen, c’est la première approche qui a été retenue par la jurisprudence. Dans un arrêt du 15 février 2005, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une décision rendue par une Cour d’appel aux termes de laquelle des époux, qui s’étaient portés caution au profit d’un établissement de crédit, ont été condamnés séparément à payer chacun le montant stipulé dans l’acte de cautionnement au motif, selon les juges du fond, qu’« ils se sont personnellement engagés à payer cette somme, conformément à l’article 2025 du Code civil qui dispose que lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d’un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette ».

La Première chambre civile réfute cette analyse. Elle casse l’arrêt ainsi motivé en affirmant qu’il résultait des termes clairs et précis de l’acte de cautionnement litigieux que le montant figurant tant dans le corps de cet acte que dans la mention manuscrite que chacun des époux a, comme il y était tenu, apposée au pied de celui-ci, constituait « la limite, en principal, de l’unique engagement de caution que ceux-ci ont, ensemble, souscrit » (Cass. 1ère civ. 15 févr. 2005, n°03-20.621).

La Cour de cassation a réaffirmé sa position dans un arrêt du 11 février 2014 au visa de l’ancien article 1134 du Code civil.

Dans cette affaire, les juges du fonds avaient condamné chacune des cautions, qui s’étaient engagées dans un même acte, à payer la somme de 15 000 euros, après avoir relevé que ces dernières avaient apposé de manière distincte sur l’acte de caution leur signature et une formule manuscrite selon laquelle chacune d’elles s’engageait solidairement avec la société dans la limite de 15 000 euros.

La juridiction du second degré en déduit que les cautions n’étaient pas fondées à soutenir que leur engagement était solidaire entre elles et qu’ensemble elles n’étaient redevables que de 15 000 euros.

Là encore, la chambre commerciale rejette cette analyse. Elle affirme, dans les mêmes termes que la Première chambre civile, qu’il résultait « des termes clairs et précis de l’engagement de caution litigieux dans lequel les cautions sont dénommés “ensemble la caution solidaire ou la caution”, que la somme de 15 000 euros figurant tant dans le corps de cet acte que dans la mention manuscrite que chacun d’eux a, comme il y était tenu, apposée au pied de celui-ci, constituait la limite de l’unique engagement qu’ils ont ensemble souscrit » (Cass. com. 11 févr. 2014, n°12-16.632).

L’enseignement qu’il y a lieu de retirer de cette jurisprudence est double :

  • Premier enseignement
    • Lorsque plusieurs cautions s’engagent dans un même acte à garantir un même montant, celui-ci ne s’additionne pas.
    • Il constitue une limite globale au cautionnement qui joue pour l’ensemble des parties à l’acte
  • Second enseignement
    • Il est indifférent que figure sur l’acte de cautionnement une pluralité de mentions manuscrites.
    • La présence de plusieurs mentions n’a pas pour effet d’obliger chacune des cautions à hauteur du montant stipulé dans chaque mention

Si donc les engagements souscrits par des cautions dans un même acte ne s’additionnent pas, rien n’interdit aux parties de stipuler que chaque caution s’engage à hauteur d’un certain montant. Dans cette hypothèse, les engagements pris s’additionneront.

==> Les engagements de caution sont souscrits par des actes séparés

Cette situation correspond à l’hypothèse où plusieurs cautions se sont engagées à garantir la fraction d’une même dette en régularisant des cautionnements distincts.

Deux approches sont là encore permises :

  • Première approche
    • Elle consiste à considérer que les engagements pris par actes séparés ne se cumulent pas de sorte que chaque caution ne peut être actionnée en paiement que dans la limite d’un montant commun à tous les cautionnements
    • Si donc chaque caution s’engage à hauteur de 10.000 euros, le montant réclamé par le créancier à l’ensemble des cautions ne pourra pas excéder cette somme
  • Seconde approche
    • Elle consiste à considérer que les engagements souscrits par chaque caution s’additionnent.
    • Il en résulte que le créancier serait fondé à actionner chaque caution en paiement à hauteur du montant stipulé dans l’acte.
    • Pour illustration, prenons une dette de 60.000 euros garantie par trois cautionnements souscrits par des cautions qui s’engageraient séparément dans la limite de 20.000 euros chacune.
    • Le créancier pourra réclamer à chaque caution prise individuellement le paiement de 20.000 euros, soit 3 x 20.000 = 60.000 euros, tant et si bien que l’obligation principale sera intégralement couverte.

Entre ces deux approches, la jurisprudence a, cette fois-ci, fort logiquement opté pour la seconde.

Dans un arrêt du 22 février 1977, la Chambre commerciale a, par exemple, estimé que lorsque deux cautions se sont engagées par actes séparés à garantir une même dette dans la limite d’un montant déterminé, il y avait lieu d’additionner ces montants, de sorte que chaque caution était tenue à hauteur du montant stipulé dans l’acte de cautionnement (Cass. com. 22 févr. 1977, 75-13.800).

Cette solution s’imposera d’autant plus lorsqu’il sera mentionné dans l’acte que « la présente garantie ne se confondra pas avec les autres cautions et les autres garanties qui ont pu ou pourront être données par moi ou par tous autres » (Cass. com. 30 oct. 2000, n°96-18.163).

Il peut être observé que si les engagements souscrits par des cautions par actes séparés aux fins garantir une même dette s’additionnent, cela ne signifie pas pour autant que ces dernières sont solidaires entre elles.

Dans l’hypothèse où une clause de solidarité serait stipulée dans l’acte de cautionnement, cette clause ne jouerait que dans les rapports entre la caution et le débiteur. En aucun cas, elle n’autoriserait le créancier à actionner solidairement les cautions en paiement.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 18 juillet 1984 aux termes duquel elle a refusé de reconnaître la solidarité entre cautions qui s’étaient engagées par actes séparés à garantir une même dette (Cass. 1ère civ. 18 juill. 1984, n°83-14.399).

==> Les engagements de caution sont souscrits par une seule et même personne

Cette situation correspond à l’hypothèse où une même personne a souscrit plusieurs engagements de caution, par actes séparés, pour des montants limités.

Une difficulté d’interprétation de la portée de ces cautionnements est susceptible de naître lorsque les engagements pris s’échelonnent dans le temps.

La question qui en effet se pose est de savoir s’il y a lieu d’additionner ces engagements définis ou s’ils se substituent les uns aux autres.

Dans un arrêt du 14 janvier 2004, la Cour de cassation a opté pour le cumul des engagements souscrits, de sorte que l’obligation de couverture a pour assiette le résultat de l’addition des montants stipulés dans chaque acte de cautionnement.

Au soutien de sa décision la chambre commerciale affirme que, au cas particulier, les termes du dernier engagement de caution, quand bien même il stipulait le non-cumul avec les autres engagements de caution « ne permettaient pas de caractériser de la part des parties une volonté de novation par substitution de ce cautionnement aux engagements précédents » (Cass. com. 14 janv. 2004, n°01-11.767).

Pratiquement, si donc la caution s’est engagée à garantir une dette de 100.000 euros dans un premier temps à hauteur de 20.000 euros, puis dans un deuxième temps à hauteur 30.000 euros, puis dans un troisième temps à hauteur de 50.000 euros, le créancier sera fondé à lui réclamer, en cas de défaillance du débiteur principal, le paiement de l’intégralité de la dette garantie (20.000 + 30.000 + 50.000 = 100.000 euros).

Si le principe du cumul des engagements successifs de caution est la règle, les parties demeurent libres de stipuler dans un acte qu’elles entendent conférer un effet novatoire à la dernière garantie prise, laquelle se substituerait donc à celles précédemment constituées.

Autrement dit, c’est aux parties qu’il revient d’exprimer dans l’acte de cautionnement leur volonté d’écarter le principe de cumul des engagements souscrits (V. en ce sens Cass. com. 12 mai 1992, n°90-13.034).

La raison en est que la substitution d’un cautionnement par un autre s’analyse en une opération de novation.

Pour mémoire « la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée » (art. 1329 C. civ.).

À cet égard, l’article 1330 du Code civil prévoit que « la novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. »

D’où l’exigence posée par la jurisprudence de stipuler expressément dans le dernier acte de cautionnement régularisé entre les parties qu’il produit un effet novatoire et que donc il se substitue aux cautionnements précédemment constitués.

B. La garantie des accessoires

Il est admis de longue date que le cautionnement est susceptible de garantir, outre le principal, les obligations accessoires de l’obligation principale, soit celles qui, selon un ancien arrêt de la Cour de cassation, sont la conséquence normale ou prévisible de l’obligation cautionnée (Cass. req., 22 juill. 1891).

Traditionnellement, on compte au nombre des accessoires de l’obligation principale notamment :

  • Les intérêts
  • Les dommages et intérêts
  • Les frais de justice

Sous l’empire du droit antérieur, la présomption de couverture des accessoires de l’obligation principale ne jouait que pour les cautionnements indéfinis.

Pour rappel, l’ancien article 2293 du Code civil prévoyait que « le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Il s’évinçait de cette disposition que le cautionnement défini ne couvrait, par défaut, que le principal de la dette garantie. Pour que les accessoires soient garantis il revenait donc aux parties de le stipuler dans l’acte de cautionnement.

La réforme des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a aboli cette règle.

Le nouvel article 2295 du Code civil prévoit que « sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires de l’obligation garantie, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution ».

Aussi, désormais peu importe que le cautionnement soit défini ou indéfini : il a vocation à couvrir, en toute hypothèse, les accessoires de l’obligation principale.

Reste que, pour les cautionnements définis, cette couverture sera rigoureusement limitée au montant expressément déterminé par les parties.

Selon le montant fixé, il se peut que seule une partie des accessoires soient couverts par l’engagement de caution.

Par ailleurs, il peut être observé que pour les cautionnements conclus par des personnes physiques par voie d’acte sous seing privé, l’article 2297 du Code civil exige que la caution exprime expressément dans l’acte, par le biais d’une mention, qu’elle entend garantir, outre le principal, les accessoires de l’obligation cautionnée.

À défaut, ces derniers ne seront pas compris dans l’obligation de couverture qui se limitera au principal.

 

 

[1] V. en ce sens D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°133, p. 118.

[2] J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll. « Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222

[3] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°226, p. 152.

[4] V. en ce sens M. Bourassin, « La transmission à cause de mort des sûretés », accessible à l’adresse suivante : https://hal.parisnanterre.fr/hal-01458043/document

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