Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Etendue du cautionnement: la garantie des accessoires (intérêts, indemnités, frais de justice etc.)

==> Principe

Lorsqu’une personne se porte caution au profit d’un créancier, l’obligation de couverture ne se limite pas au principal de la dette garantie, elle s’étend à ses accessoires.

Ce principe est exprimé à l’article 2295 du Code civil qui prévoit que « sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires de l’obligation garantie, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Il ressort de cette disposition que le cautionnement garantit les obligations accessoires à l’obligation principale, soit celles qui, selon un ancien arrêt de la Cour de cassation, sont la conséquence normale ou prévisible de l’obligation cautionnée (Cass. req., 22 juill. 1891).

==> Domaine

Il peut être observé que le principe de couverture des accessoires de l’obligation principale s’applique dorénavant à tous les cautionnements indéfinis, ce qui, sous l’empire du droit antérieur, n’est pas sans avoir suscité un débat en doctrine et en jurisprudence.

Pour mémoire, l’ancien article 2293 du Code civil prévoyait que « le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Il s’évinçait de ce texte que, en présence d’un cautionnement indéfini, les accessoires de la dette étaient couverts, de plein droit, par la garantie, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la mention manuscrite requise par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu l’article 1376).

Restait à déterminer ce que l’on devait entendre par cautionnement indéfini. Selon l’approche retenue, le domaine de la règle étendant le cautionnement aux accessoires de la dette était susceptible d’être plus ou moins étendu.

Dans un premier temps, l’application de cette règle a été réservée aux seuls engagements de caution garantissant une ou plusieurs dettes non chiffrées, qualifiées plus couramment de cautionnements « omnibus ».

Quant aux autres cautionnements, soit ceux portant sur des obligations déterminées, il fallait, pour que les accessoires soient couverts par la garantie, que cette couverture soit exprimée dans la mention manuscrite exigée ad probationem par l’ancien article 1326.

À défaut, le cautionnement était réputé avoir été limité au seul montant reproduit dans la mention manuscrite, à tout le moins telle a été la position retenue par la jurisprudence durant une longue période.

Dans un arrêt du 16 juin 1987, la Première chambre civile a, par exemple, jugé, au visa des anciens articles 1326 et 2015 du Code civil, « que lorsque la caution s’est seulement obligée pour une somme déterminée en principal, son engagement ne s’étend pas aux intérêts et accessoires » (Cass. 1ère civ. 16 juin 1987, n°86-12.051).

De son côté, après avoir adopté la même solution (Cass. com. 7 juill. 1992, n°90-21.003), la Chambre commerciale s’est ensuite ravisée.

Dans un arrêt du 3 avril 2001, elle a notamment admis qu’un cautionnement puisse couvrir les accessoires d’une dette, alors même que la caution s’était « seulement obligée pour une somme déterminée en principal ».

Au soutien de sa décision, elle affirmait que « le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette et que l’article 1326 du Code civil limite l’exigence de la mention manuscrite à la somme ou à la quantité due, sans l’étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses composantes » (Cass. com. 3 avr. 2001, n°97-20.259).

Un an plus tard, la Première chambre civile s’est finalement ralliée à la position de la chambre commerciale (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2002, n°00-21.881).

Cette unification de la jurisprudence a permis d’appliquer l’ancien article 2293 du Code civil aux cautionnements indéfinis pris dans leur sens large, soit comprenant tant les engagements garantissant des dettes non chiffrées, que les engagements de caution portant sur des dettes déterminées.

Lors de l’adoption de la réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance, n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 le législateur a confirmé la solution retenue par la Cour de cassation en supprimant toute référence au caractère indéfini du cautionnement.

Désormais, tous les engagements de caution sont visés par le nouvel article 2295 du Code civil qui ne distingue pas selon que le cautionnement est indéfini ou défini.

Reste que, pour les cautionnements définis, cette couverture sera rigoureusement limitée au montant expressément déterminé par les parties.

Selon le montant fixé, il se peut que seule une partie des accessoires soient couverts par l’engagement de caution.

S’agissant des accessoires couverts par le cautionnement garantissant une ou plusieurs obligations principales, on compte notamment :

  • Les intérêts
  • Les dommages et intérêts
  • Les frais de justice

I) Les intérêts

==> Principe

Le cautionnement ne couvre donc pas seulement l’obligation principale, il s’étend aux intérêts produits par cette obligation.

À cet égard, sont couverts par l’engagement de caution, tant les intérêts dits légaux, soit ceux visés aux articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil, que les intérêts stipulés dans le contrat dont l’exécution est garantie.

S’agissant de la couverture des intérêts conventionnels, la seule exigence est que :

==> Sort des intérêts dans le cadre d’une procédure collective

S’il est admis de longue date que le cautionnement a vocation à couvrir les intérêts produits par l’obligation principale, cette règle a connu une évolution en matière de procédure collective.

Pour mémoire, l’article L. 622-28 du Code civil applicable à la procédure de sauvegarde prévoit que « le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus. »

Dans le droit fil de ce principe qui donc arrête le cours des intérêts produits par les dettes contractées par le débiteur faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, la question s’est rapidement posée de savoir si les garants et coobligés étaient susceptibles de bénéficier de la faveur faite par le législateur au débiteur.

  • Première étape
    • La jurisprudence a, dans un premier temps, estimé que, contrairement au débiteur principal, la caution ne pouvait pas bénéficier de l’arrêt du cours des intérêts.
    • Dans un arrêt du 20 février 1979, la Cour de cassation a jugé que « le jugement de liquidation des biens n’arrête le cours des intérêts qu’à l’égard de la masse [des créanciers]», à l’exclusion des cautions ( com. 20 févr. 1979, n°76-15.001)
  • Seconde étape
    • Dans un second temps, la jurisprudence a déduit de la suppression par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 du concept de « masse des créanciers» que les garants et coobligés pouvaient bénéficier de l’arrêt du cours des intérêts
    • Dans un arrêt du 13 novembre 1990 la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la caution n’était pas tenue des intérêts au-delà du 6 janvier 1987, date du jugement prononçant le redressement judiciaire du débiteur, dès lors que l’article 55 de la loi du 25 janvier 1985 n’opère aucune distinction pour l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels et que l’obligation de la caution ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur principal» ( com. 13 nov. 1990, n°88-17.734).
    • Cette position trouvait sa justification dans le principe de droit commun interdisant la caution d’être tenue envers le créancier dans des conditions plus rigoureuses que le débiteur principal.
  • Troisième étape
    • Vivement critiquée par la doctrine qui estimait que cette solution ne tenait pas compte de la portée de l’engagement de la caution, laquelle avait précisément vocation à garantir le créancier, la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises est venue briser la jurisprudence en prévoyant que les cautions et coobligés ne pouvaient pas se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts
    • La contrepartie était que les cautions personnelles personnes physiques bénéficiaient du principe de l’arrêt des poursuites.
  • Quatrième étape
    • La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 est revenue sur la règle édictée par le législateur en 1994.
    • Elle a, en effet, admis que les personnes physiques cautions, coobligées ou ayant donné une garantie autonome puissent se prévaloir du principe d’arrêt du cours des intérêts.
  • Cinquième étape
    • L’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 est venue préciser que le principe d’arrêt du cours des intérêts bénéficie aux « personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie».
    • Il peut être observé que les personnes morales sont exclues du bénéfice du principe d’arrêt du cours des intérêts.

II) Les dommages et intérêts

Il est admis que, parmi les accessoires couverts par le cautionnement, il y a lieu de compter sur les dommages et intérêts auxquels est susceptible d’être tenu le débiteur principal.

Reste que, l’engagement de caution ne garantit que les accessoires qui constituent la conséquence normale ou prévisible de l’obligation cautionnée (Cass. req., 22 juill. 1891).

Il en résulte que l’obligation de couverture ne comprend que les seuls dommages et intérêts contractuels, c’est-à-dire ceux résultant, soit de l’inexécution de l’obligation principale, soit de la mise en œuvre de la responsabilité – contractuelle – du débiteur garanti.

La question qui alors se pose est alors de savoir quels sont les dommages et intérêts qui présentent un caractère contractuel, ce qui, dans certains cas, a pu soulever des difficultés.

==> Les indemnités dues au titre de la résolution ou de l’annulation du contrat principal

La résolution ou l’annulation d’un contrat est susceptible de faire naître une créance d’indemnisation à la charge de la partie fautive, soit celle qui est à l’origine de l’anéantissement de l’acte.

La question s’est alors posée en doctrine et en jurisprudence de savoir si cette créance d’indemnisation présentait un caractère délictuel ou contractuel.

Selon que l’on retient l’une ou l’autre solution, l’étendue de l’obligation de couverture qui échoit à la caution diffère :

  • Si l’on considère que la créance d’indemnisation présente un caractère délictuel, il doit en être tiré la conséquence qu’elle n’est pas couverte par le cautionnement, lequel a vocation à garantir les seules conséquences normales et prévisibles de l’obligation principale, ce qui exclut les créances délictuelles
  • Si l’on considère, au contraire, que la créance d’indemnisation présente un caractère contractuel, elle doit, en pareil cas, être couverte par le cautionnement puisque répondant à l’exigence de prévisibilité posée par la jurisprudence

Afin de dénouer la problématique qui se pose, arrêtons-nous un instant sur les effets produits par l’annulation et la résolution d’un contrat : ces deux sanctions ont en commun d’anéantir rétroactivement l’acte.

Aussi, le contrat résolu ou annulé est-il réputé n’avoir jamais existé et donc n’avoir produit aucun effet.

Si donc la résolution ou l’annulation conduisent à nier – par le jeu d’une fiction juridique – l’existence-même du contrat, les dommages et intérêts attachés à l’une ou l’autre sanction devraient présenter un caractère délictuel, à tout le moins telle est la position défendue par une partie de la doctrine.

À l’analyse, il y a lieu de distinguer l’annulation de la résolution du contrat :

  • S’agissant de la résolution du contrat
    • Parce que la résolution du contrat procède nécessairement d’une faute de nature contractuelle, il est admis que les indemnités dues au titre de cette sanction présentent la même nature.
    • Il en résulte que ces indemnités ont vocation à être couvertes par le cautionnement conclu en vue de garantir l’exécution du contrat anéanti, nonobstant l’effet rétroactif attaché à la résolution (V. en ce sens CA Versailles, 30 avr. 1986).
    • Au soutien de cette thèse il a notamment été avancé qu’il y avait lieu de tenir le même raisonnement que pour l’obligation de restitution consécutive à la résolution laquelle est couverte par le cautionnement.
    • Le nouvel article 1352-9 du Code civil prévoit, en effet, que « les sûretés constituées pour le paiement de l’obligation sont reportées de plein droit sur l’obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme. »
    • Aussi, cela justifierait-il que la même solution soit retenue pour les dommages et intérêts dus au titre de la résolution.
  • S’agissant de l’annulation du contrat
    • À la différence de la résolution, l’annulation du contrat n’a pas pour effet de laisser subsister des obligations contractuelles.
    • Elle s’accompagne, toutefois, à l’instar de la résolution de l’obligation de restitution, laquelle présente un caractère contractuel.
    • Est-ce à dire que la créance d’indemnisation résultant de l’annulation est de même nature ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1178, al. 4e du Code civil qui prévoit que « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle».
    • Il s’en déduit que le cautionnement garantissant l’exécution d’un contrat annulé, n’a pas vocation à couvrir la créance d’indemnisation consécutive à l’anéantissement de l’acte.

==> Les indemnités dues au titre de la clause pénale

La clause pénale se définit comme la stipulation « par laquelle les parties déterminent, forfaitairement et d’avance, l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée »[2].

En stipulant une clause pénale, les contractants cherchent à anticiper les difficultés liées à l’évaluation judiciaire des dommages et intérêts en cas d’inexécution totale, partielle ou tardive d’une obligation contractuelle.

L’évaluation peut, de la sorte, être inférieure au montant du préjudice effectivement subi. Elle présentera alors de nombreuses similitudes avec les clauses limitatives de responsabilité.

Mais elle peut également prévoir une indemnisation supérieure au dommage susceptible d’être occasionné ; ce en vue de mettre la pression sur le débiteur pour qu’il satisfasse, spontanément, à ses engagements. Elle s’apparentera en ce cas à une peine privée.

En tout état cause, la clause pénale présente, par hypothèse, un caractère contractuel. Il en résulte que les indemnités dues au titre de cette clause devraient être couvertes par le cautionnement visant à garantir l’exécution du contrat dont elle est issue.

Telle n’est pourtant pas la solution retenue, dans un premier temps, par la jurisprudence. Dans un arrêt du 21 juillet 1970, la Cour de cassation a, par exemple, estimé qu’un cautionnement conclu aux fins de garantir le paiement de loyers ne couvrait pas l’indemnité visant à sanctionner l’inexécution du contrat de bail par le locataire.

La première chambre civile retient, au soutien de sa décision, que l’engagement de caution « était relatif en l’espèce aux seules ” obligations de caractère locatif stricto sensu ” et ne s’étendait pas à l’indemnité de résiliation » (Cass. 1ère civ. 21 juill. 1970, n°69-11.779).

Il s’infère de cette décision que pour que les indemnités dues au titre de la clause pénale soient couvertes par le cautionnement, il y avait lieu de le prévoir expressément dans l’acte.

Cette exigence a été formellement exprimée par la Première chambre civile dans un arrêt du 27 mars 1990 aux termes duquel elle a censuré une Cour d’appel qui avait estimé que le cautionnement souscrit en garantie d’un prêt couvrait, tant le paiement des échéances de remboursement, que la clause pénale stipulée au contrat.

La haute juridiction réfute cette analyse au motif que, si « les juges du second degré ont pu estimer, au vu des termes de la mention manuscrite apposée sous une clause imprimée de l’acte par laquelle les cautions acceptaient les conséquences de l’exigibilité anticipée du prêt, que celles-ci, en fixant la limite de leur engagement au total des sommes dues par les emprunteurs, avaient entendu garantir la bonne exécution du contrat en principal et intérêts, quelles que soient les dates des échéances, ils ne pouvaient, en se déterminant par de tels motifs, condamner les époux Jean X… au paiement de l’indemnité de résiliation, alors que ladite mention ne faisait aucune référence ni au montant de cette indemnité, ni aux modalités de calcul de celle-ci et que l’engagement des intéressés était déterminé » (Cass. 1ère civ. 27 mars 1990, 88-16.060).

Autrement dit, la clause pénale ne peut être garantie par le cautionnement qu’à la condition qu’elle soit expressément visée dans la mention manuscrite apposée sur l’acte.

Cette règle était d’ailleurs énoncée à l’ancien article 341-2 du Code de la consommation, applicable aux cautionnements conclus entre une personne physique et un professionnel, qui exigeait que la mention manuscrite requise ad validitatem rappelle le montant de l’engagement souscrit par la caution « couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard ».

La réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 ayant abrogé cette disposition, la question se pose aujourd’hui de savoir si l’exigence est maintenue.

À l’examen, si l’on se réfère au nouvel article 2297 du Code civil, il apparaît que la mention manuscrite requise ad validitatem n’a nullement été supprimée.

Son régime a seulement été retouché. Il n’est plus exigé que la caution reproduise la formule sacramentelle anciennement dictée par la loi. La mention doit simplement indiquer la nature et l’étendue de l’engagement souscrit par la caution « dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. »

On retrouve donc l’exigence d’inclure dans le montant exprimé dans la mention les accessoires couverts par l’engagement de caution.

Pour ce qui est des autres cautionnements, soit ceux souscrits par des personnes morales et pour lesquels seule la mention prévue à l’article 1376 du Code civil est requise (indication du montant de l’engagement « en toutes lettres et en chiffres »), la chambre commerciale a opté pour la solution radicalement opposée en n’exigeant pas que la clause pénale soit visée par cette mention (V. en ce sens Cass. com. 3 avr. 2002, n°98-21.373).

Aussi, les indemnités dues au titre de cette clause sont-elles garanties par le cautionnement, sans qu’il soit besoin de le stipuler dans l’acte.

Dans un arrêt du 14 juillet 1978, la Cour de cassation est venue préciser que lorsque la clause pénale est opposable à la caution qui en garantit l’exécution, cette dernière est fondée, en contrepartie, à demander la réduction des pénalités au cas où elles seraient notoirement excessives (Cass. com. 3 févr. 1982, n°80-13.061).

==> L’indemnité due au titre de l’occupation des lieux par un locataire sans droit ni titre

Lorsqu’un locataire se maintient dans les lieux après la résiliation du bail, il devient, selon l’expression consacrée, un occupant sans droit, ni titre.

Cette situation est susceptible d’ouvrir droit à l’octroi de dommages et intérêts au profit du bailleur en réparation du préjudice causé par l’impossibilité pour ce dernier de réinvestir le bien loué.

La question s’est alors posée de savoir si cette indemnité – qualifiée d’occupation – était couverte par le cautionnement souscrit aux fins de garantir le paiement des loyers.

Deux approches sont envisageables :

  • Première approche : la nature contractuelle de l’indemnité d’occupation
    • Elle consiste à considérer que l’indemnité d’occupation vise à sanctionner l’inexécution de l’obligation qui échoit au locataire de restituer le bien loué
    • À ce titre, il s’agirait d’un manquement contractuel, de sorte que l’indemnité due au bailleur devrait, en toute rigueur, être couverte par l’engagement de caution
  • Seconde approche : la nature délictuelle de l’indemnité d’occupation
    • Elle consiste à soutenir que, parce que le locataire qui refuse de restituer les lieux est un occupant sans droit, ni titre, la faute qu’il commet ne peut pas être rattachée au contrat de bail.
    • Dans ces conditions, elle ne peut présenter qu’un caractère délictuel, en conséquence de quoi l’indemnité d’occupation ne saurait être couverte par le cautionnement.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a opté pour la première approche au motif « qu’en application des principes généraux du droit, les [cautions] sont garants des loyers ainsi que de l’exécution des clauses et conditions du bail par leur cessionnaire et que l’obligation de restituer les lieux à l’expiration du contrat, et notamment en cas de résiliation, est une condition implicite du bail » (V. en ce sens Cass. 3e civ. 17 juill. 1968).

Bien que cette solution repose sur une analyse conforme au droit commun des contrats, en ce que l’indemnité d’occupation a bien pour fonction de sanctionner le manquement du locataire à son obligation de restituer les lieux à l’expiration du bail, elle se heurte toutefois à la règle spéciale énoncée à l’article 1740 du Code civil qui décharge la caution de son engagement dans l’hypothèse où le locataire se maintiendrait dans les lieux après qu’un congé lui a été donné.

Sensible aux critiques qui avaient été formulées à l’encontre de sa décision, la Cour de cassation a, dans un second temps, renoncé à sa position.

Dans un arrêt du 14 novembre 1973, elle a, en effet, opéré un revirement de jurisprudence en jugeant :

  • D’une part, que l’indemnité d’occupation ne peut être considérée comme un accessoire de la dette, au sens de l’article 2016 du Code civil
  • D’autre part, que cette indemnité, n’étant due qu’en raison de la faute quasi-délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux, ne se rattache pas au contrat de bail qui avait pris fin avec la résiliation qui en avait été prononcée

La troisième chambre civile en déduit que l’indemnité d’occupation n’était pas couverte par le cautionnement souscrit en garantie du paiement des loyers (Cass. 3e civ. 14 nov. 1973, n°72-11.702).

La chambre commerciale a retenu la même solution dans un arrêt du 3 avril 1990 aux termes duquel elle a affirmé, pour refuser l’extension de l’engagement de caution, que « l’indemnité d’occupation, n’étant due qu’en raison de la faute, quasi-délictuelle, commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux, ne se rattache pas au contrat de location-gérance qui avait pris fin avec la résiliation qui en était intervenue » (Cass. com. 3 avr. 1990, n°87-14.091).

Dans un arrêt du 17 juillet 2001, la haute juridiction a tempéré sa position en admettant que l’indemnité d’occupation puisse être couverte par un cautionnement, mais à la condition que cette extension de l’engagement de caution soit expressément stipulée dans l’acte (Cass. com. 17 juill. 2001, n°98-15.736).

III) Les frais de justice

Lorsqu’un créancier n’est pas réglé à l’échéance, il est contraint d’exposer des frais aux fins de recouvrer sa créance.

Ces frais résulteront notamment de l’envoi d’une mise en demeure au débiteur principal ou d’une assignation par-devant la juridiction compétente.

Quelles que soient les diligences accomplies, elles ont un coût. Or ce coût s’analyse, d’une certaine façon, en un accessoire de l’obligation principale.

Est-ce à dire que les frais exposés par le créancier sont couverts par le cautionnement qui garantit l’exécution de cette obligation ?

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 2295 du Code civil qui prévoit que le cautionnement s’étend « frais de la première demande et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution »

Il s’infère de cette disposition que l’engagement de caution couvre deux catégories de frais :

  • Les frais de la première demande
    • Il s’agit des frais exposés par le créancier aux fins d’actionner en paiement le débiteur défaillant
    • En cas d’impayé, sa première démarche devra consister à se tourner vers le débiteur principal.
    • Ce n’est qu’après avoir accompli cette démarche, qui devra être plus ou moins soutenue selon que l’on est en présence d’un cautionnement simple ou solidaire, que le créancier pourra se retourner contre la caution.
    • Pour que les frais de la première demande soient couverts par le cautionnement, encore faut-il que la caution ait été avertie suffisamment vite des démarches entreprises par le créancier.
  • Les frais postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution
    • Lorsque la demande de paiement adressée au débiteur défaillant est demeurée infructueuse, le créancier devra dénoncer cette situation à la caution.
    • À défaut, ce dernier ne pourra pas réclamer à la caution les frais qu’il aura exposés aux fins de recouvrer sa créance.
    • Cette règle se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à la caution de s’exécuter spontanément et donc d’éviter que des frais soient engagés inutilement.
    • Aussi, ce n’est que lorsque la dénonciation des poursuites est effectuée dans les temps que le créancier sera fondé à réclamer à la caution, tant les frais de la première demande, que les frais exposés ultérieurement.
    • La caution aura donc tout intérêt à désintéresser le créancier au plus vite

[1] V. en ce sens D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit, éd. LGDJ, 2021, n°133, p. 118.

[2] J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll. « Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222

[3] M. Bourassin et V. Bremond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, n°226, p. 152.

[4] V. en ce sens M. Bourassin, « La transmission à cause de mort des sûretés », accessible à l’adresse suivante : https://hal.parisnanterre.fr/hal-01458043/document

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