Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Objet du cautionnement: une obligation présente ou future (art. 2292 C. civ.)

L’article 2292, al. 1er du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures ».

Le cautionnement peut ainsi avoir pour objet, tant des obligations présentes, que des obligations futures.

La question qui alors se pose est de savoir qu’elles sont les dettes que recouvrent ces deux catégories d’obligations.

==> S’agissant des obligations présentes

L’obligation présente est celle qui naît au jour de la souscription du cautionnement, peu importe qu’elle soit ou non exigible à cette même date (V. en ce sens Cass. com. 11 mai 1993, 90-19.932).

Cette situation se rencontre, par exemple, lorsque le cautionnement vise à garantir un prêt assorti d’un terme (amortissable ou in fine).

Plus généralement le cautionnement de dettes présentes aura pour objet des obligations résultant :

  • Soit de contrats à exécution instantanée: il s’agit de ceux dont les obligations peuvent s’exécuter en une prestation unique (la vente)
  • Soit de contrats à exécution successive à durée déterminée: il s’agit de ceux dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps (le bail)

En tout état de cause, lorsque l’engagement de caution porte sur une dette présente, il est nécessairement déterminé dans sa durée et, par voie de conséquence, déterminable quant à son montant.

Aussi, dès la conclusion de l’acte, la caution a connaissance de l’étendue de son engagement.

Elle sait pendant combien de temps elle est susceptible d’être poursuivie par le créancier bénéficiaire de la garantie et pour quel montant.

C’est là une différence majeure avec le cautionnement de dettes futures qui, par hypothèse, soumet la caution à un important aléa.

==> S’agissant des obligations futures

L’obligation future est celle qui n’est pas encore née au jour de la souscription du cautionnement.

Cette situation se rencontre, en matière de cautionnement dit « omnibus », soit celui qui vise à garantir toutes les dettes à venir du débiteur principal.

Tel est également le cas de l’engagement de caution qui a pour objet un contrat à exécution successive à durée indéterminée.

L’exemple peut encore être pris de la personne qui cautionne le solde du compte-courant d’une société.

Lorsque le cautionnement porte sur des dettes futures, l’objet de l’engagement de la caution est, par hypothèse, indéterminé.

Parce que l’obligation principale n’existe pas encore au jour de la conclusion de l’acte, la caution ignore la durée et le montant de son engagement.

Aussi, ce type de cautionnement peut s’avérer particulièrement risqué, sinon dangereux pour cette dernière.

Le cautionnement de dettes futures n’en demeure pas moins valable. La doctrine y voit une application de l’article 1163 du Code civil qui reconnaît, par principe, la validité des obligations portant sur des prestations ou des choses futures[3].

Quant à la jurisprudence, elle admet ce type de cautionnement de longue date (V. en ce sens Cass. civ. 10 janvier 1870). Dans un arrêt du 10 décembre 2002 la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « n’est pas nul pour indétermination de son objet l’engagement de caution, limité dans son montant, qui garantit le remboursement de dettes futures dès lors qu’y est identifié le débiteur de celles-ci » (Cass. 1ère civ. 10 déc. 2002, 00-18.726).

Aujourd’hui, la validité du cautionnement d’obligations futures est expressément reconnue par l’article 2292 du Code civil.

Cette reconnaissance légale, qui est directement issue de la réforme des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, a toutefois été assortie d’un cadre spécial.

Par souci de protection de la caution qui ignore, au jour où elle s’oblige, l’étendue de son engagement, le législateur a, en effet, prévu des causes d’extinction propres au cautionnement de dettes futures.

Ainsi, l’article 2316 du Code civil prévoit que « lorsqu’un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’un cautionnement a pour objet des dettes futures son extinction ne libère pas nécessairement la caution de son obligation de garantie.

Selon que la dette est née avant ou postérieurement à la fin du cautionnement, la garantie ne produira pas les mêmes effets.

Il s’agit là d’une consécration de la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement dégagée par Christian Mouly, puis mise en œuvre par la jurisprudence.

En substance cette distinction s’articule comme suit :

  • L’obligation de couverture
    • Cette obligation, qui n’existe qu’en présence d’un cautionnement de dettes futures, correspond à l’engagement souscrit par la caution de garantir des dettes qui n’existent pas encore.
    • Elle a pour objet de délimiter dans le temps le domaine de la garantie consentie par la caution.
    • À cet égard, l’obligation de couverture présente un caractère successif, puisque déterminant les dettes à naître qui donc ont vocation à être couvertes par le cautionnement.
  • L’obligation de règlement
    • Cette obligation, qui existe quant à elle dans tous les cautionnements, correspond à l’engagement souscrit par la caution de payer le créancier en cas de défaillance du débiteur principal.
    • Plus précisément, l’obligation de règlement commande à la caution de payer toutes les dettes nées du rapport entre le créancier et le débiteur principal et qui entrent dans le champ de la garantie.
    • À ce titre, elle présente un caractère instantané, puisqu’ayant vocation à s’exécuter autant de fois qu’il est de dettes couvertes par le cautionnement.

En présence d’un cautionnement de dettes futures, pour déterminer à partir de quand la caution est libérée de son engagement, la distinction entre l’obligation de couverture et l’obligation de règlement conduit à distinguer selon que la dette est née antérieurement ou postérieurement à la fin du cautionnement :

  • Les dettes nées antérieurement à l’événement marquant la fin du cautionnement (résiliation, survenance du terme ou décès de la caution) demeurent couvertes par le cautionnement, de sorte que pèse toujours sur la caution une obligation de règlement, quand bien même la dette serait exigible postérieurement
  • Les dettes nées postérieurement à la fin du cautionnement ne sont plus couvertes, de sorte que plus aucune obligation de règlement ne pèse sur la caution.

En synthèse, afin de déterminer si la dette est couverte par le cautionnement, la date à prendre en compte c’est le jour de naissance de la créance : les créances nées antérieurement à l’extinction du cautionnement doivent être réglées par la caution, même si leur date d’exigibilité est postérieure.

No comment yet, add your voice below!


Add a Comment