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Validité du cautionnement: la condition tenant à l’existence du consentement

Le cautionnement est un acte grave, car susceptible d’engager la caution pour un montant important et une durée indéterminée.

Il est donc absolument nécessaire que le consentement de la caution existe, mais encore que cette dernière se détermine en connaissance de cause, soit que son consentement ne soit pas vicié.

Nous nous focaliserons ici sur la condition tenant à l’existence du consentement.

Pour que le consentement d’une partie à un contrat existe, cela suppose qu’il soit exprimé, mais encore que la personne qui l’exprime soit saine d’esprit.

I) L’expression du consentement

==> Un engagement exprès

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[1].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque (V. en ce sens Cass. com. 16 déc. 1981, n°80-13.450).

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a, par ailleurs, censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

En pratique, afin que le caractère exprès du cautionnement ne soit pas remis en cause, le créancier exigera systématiquement que l’acte soit dûment signé et que la signature soit précédée de la formule « Bon pour caution ».

Il est néanmoins des cas où cette signature ne suffira pas à établir le caractère exprès de l’engagement de caution, à tout le moins elle présentera un caractère équivoque.

Cette situation se rencontrera notamment lorsque l’acte de cautionnement ne comporte qu’une seule signature de la main de la caution et qu’elle y a été portée en sa qualité de mandataire social de la personne morale qu’elle représente et non à titre personnel.

Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 18 mai 1999, que la signature – unique – figurant sur l’acte constituait « un commencement de preuve par écrit, complétée par l’élément extrinsèque que constitue sa qualité de gérant rendant parfaite la preuve de l’acte de cautionnement » (Cass. com. 18 mai 1999, n°96-13.796).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

==> Un engagement ferme

L’engagement de la caution ne doit pas seulement être exprès et donc dépourvu d’équivoque, il doit également être ferme en ce sens qu’il ne doit être assorti d’aucune réserve.

Dans un arrêt du 13 mai 1980, la Cour de cassation a ainsi censuré la décision prise par une Cour d’appel qui avait validé un cautionnement, alors même que l’acte mentionnait que le souscripteur ne s’engageait que sous certaines réserves à préciser.

La chambre commerciale reproche ici aux juges du fond de n’avoir pas recherché si, dans l’intention de la caution « ces réserves ne portaient pas sur l’un des éléments essentiels du contrat » (Cass. com. 13 mai 1980, n°78-15.136).

L’engagement de la caution doit ainsi révéler sa volonté irrévocable de garantir l’obligation principale.

II) L’intégrité du consentement

À l’instar de n’importe quel contrat, le cautionnement ne saurait être valablement conclu si la caution n’est pas douée de toutes ses facultés de discernement, soit si elle n’a pas conscience de la portée de son engagement.

À cet égard, le nouvel article 1129 du Code civil, introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, prévoit que « conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. ».

Plusieurs observations peuvent être formulées au sujet de cette exigence

  • Contenu de la règle
    • L’article 1129 pose la règle selon laquelle l’insanité d’esprit constitue une cause de nullité du contrat
    • Autrement dit, pour pouvoir contracter il ne faut pas être atteint d’un trouble mental, faute de quoi on ne saurait valablement consentir à l’acte.
  • Insanité d’esprit et incapacité juridique
    • L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique
      • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
        • Soit la loi
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
        • Soit une décision du juge
          • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future
      • L’insanité d’esprit n’a pas pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.
    • Il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.
    • Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.
    • À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.
    • En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).
    • L’article 1129 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.
    • Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.
  • Notion d’insanité d’esprit
    • Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit
    • Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche
    • Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée» ( civ. 4 févr. 1941).
    • Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.
    • Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens 1re civ., 24 oct. 2000, n°98-17.341).
    • S’agissant du cautionnement, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 9 mars 1999 que « le seul fait de l’âge ne suffit pas à faire présumer l’absence de conscience de la portée de l’engagement» ( 1ère civ. 9 mars 1999, n°96-19.335).
    • Lorsque toutefois il est établi qu’une personne âgée était incapable d’exprimer sa volonté, les juges du fond n’hésitent pas prononcer la nullité du cautionnement (CA Aix-en-Provence, 22 avr. 1988)
  • Sanction de l’insanité d’esprit
    • En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du contrat.
    • Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais été conclu.
    • Il est anéanti rétroactivement, soit tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.
    • Il peut être rappelé, par ailleurs, qu’une action en nullité sur le fondement de l’insanité d’esprit, peut être engagée quand bien même la personne concernée n’était pas frappée d’une incapacité d’exercice.
    • L’action en nullité pour incapacité et l’action en nullité pour insanité d’esprit sont deux actions bien distinctes.
    • La question enfin se pose du régime de la nullité en cas d’insanité d’esprit.
    • S’il ne fait guère de doute qu’il s’agit d’une nullité relative, dans la mesure où l’article 1129 vise à protéger un intérêt particulier quid de l’application du régime juridique attaché à l’article 414-1?
    • La nullité prévue à cet article est, en effet, régie par l’article 414-2 qui pose des conditions pour le moins restrictives lorsque l’action en nullité est introduite par les héritiers de la personne personnes protégée.
    • Cette disposition prévoit en ce sens que « après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :
      • 1° Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
      • 2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
      • 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future. »
    • La question alors se pose si cette disposition est ou non applicable en matière contractuelle.
    • En l’absence de dispositions contraires, il semble que oui.

[1] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

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