Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Gestion de l’actif commun: régime les actes visant à transférer un bien commun dans un patrimoine fiduciaire (art. 1424, al. 2e C. civ.)

Bien que les actes à titre onéreux soient, en application de l’article 1421, al. 1er du Code civil, soumis au principe de gestion concurrente, certains d’entre eux échappent à la règle.

En raison de leur gravité ou de la valeur du bien sur lequel ils portent, leur accomplissement requiert le consentement des deux époux, faute de quoi ils encourent la nullité.

Les actes à titre onéreux soumis au principe de cogestion sont expressément visés par les articles 1422, al. 3e, 1424 et 1425 du Code civil.

Nous nous focaliserons ici sur les actes visant à transférer un bien commun dans un patrimoine fiduciaire.

L’article 1424, al. 2e du Code civil prévoit que les époux « ne peuvent, l’un sans l’autre, transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire. »

Cette disposition est issue de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, laquelle a étendu le domaine de la fiducie introduite en droit français par la loi, n° 2007-211 du 19 février 2007.

Cette opération est définie à l’article 2011 du Code civil comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. »

La fiducie, qui repose sur la conclusion d’un contrat synallagmatique, comporte deux grandes obligations :

  • Tout d’abord, le constituant doit transférer le droit de propriété qu’il détient sur un bien à son cocontractant, le fiduciaire
  • Ensuite, le fiduciaire s’engage réciproquement, d’une part, à gérer ledit bien et, d’autre part, à le restituer, soit au fiduciant, soit à un autre bénéficiaire préalablement désigné par lui, à une échéance précisée (date ou événement, tel qu’un décès, un défaut ou un appel à garantie).

Quant au bénéficiaire, il n’est pas partie au contrat ; il se trouve dans une situation semblable au tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui.

Par la conclusion du contrat fiduciaire, le constituant transfère les droits et les choses mobilières ou immobilières au fiduciaire, qui en acquiert la pleine titularité.

S’il transmet ces mêmes droits à un tiers, même à titre gratuit, ce dernier devient alors à son tour propriétaire. Par voie de conséquence, le constituant et le bénéficiaire ne peuvent exciper que de droits de nature personnelle, sous forme d’une créance de restitution.

Le fiduciaire ne peut néanmoins agir que dans la limite des conditions fixées par le contrat. Dès lors, ses actes sont susceptibles d’engager sa responsabilité en cas d’irrespect des objectifs fixés lors de la constitution de la fiducie.

Lorsqu’elle a été introduite en droit français par la loi du 19 février 2007, le constituant ne pouvait être qu’une personne morale soumise l’impôt sur les sociétés.

La loi du 4 août 2008 a étendu cette faculté à toutes les personnes morales et physiques.

Aussi, une personne mariée sous le régime légal est désormais autorisée à constituer un patrimoine fiduciaire.

S’agissant du fiduciaire, soit la personne récipiendaire du patrimoine fiduciaire, il ne peut s’agir que d’un établissement de crédit ou d’un avocat (art. 2015 C. civ.).

Compte tenu du danger que cet acte est susceptible de représenter pour le patrimoine familial, le législateur a subordonné sa validité à l’accord des deux époux lorsque l’élément d’actif transféré est un bien commun.

Il est indifférent que ce bien soit un meuble ou un immeuble ; l’article 1424, al. 2e n’opère aucune distinction. Tous les biens sont visés, pourvu qu’ils appartiennent à la masse commune.

D’aucuns ont critiqué le domaine d’application de cette disposition : alors que des valeurs mobilières ou un bien meuble commun sont susceptibles d’être aliénés par un seul époux, l’affectation de ces mêmes biens à un patrimoine fiduciaire est soumise au principe de cogestion.

La différence de traitement ici interroge. Reste que certains justifient cette différence, à raison, en convoquant la règle énoncée à l’article 2025 du Code civil.

Cette disposition prévoit que si le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine « en cas d’insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers ».

Autrement dit, l’époux qui transfère des biens communs dans un patrimoine fiduciaire fait courir le risque à la communauté d’être appelée en garantie dans l’hypothèse où le patrimoine fiduciaire ne serait pas suffisant pour désintéresser les créanciers titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine.

En raison de ce risque qui pèse sur la communauté, le législateur a estimé qu’il y avait lieu de soumettre la fiducie au principe de cogestion.

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