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Gestion des biens communs sous le régime légal: la souscription d’un contrat d’assurance vie

Lorsqu’un époux souscrit un contrat d’assurance vie et qu’il désigne une personne avec laquelle il n’entretient aucun rapport à titre onéreux, cette opération s’analyse comme une donation indirecte.

Est-ce dire qu’elle tombe sous le coup de l’article 1422 du Code civil ? Autrement dit, l’acte de souscription requiert-il pour être valable l’accord des deux époux ?

Lorsque les primes d’assurance ont été réglées au moyen de deniers communs, il devrait être répondu par l’affirmative à cette question.

À cet égard, la Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 26 mai 1982 aux termes duquel elle a jugé que « l’affectation par avance d’une quote-part des revenus professionnels du mari a la constitution d’un capital à son profit ou à celui de son épouse avait créé contre la compagnie d’assurances une créance de la communauté dont le mari ne pouvait disposer librement à titre gratuit » (Cass. 1ère civ. 26 mai 1982, n°81-11.853).

Pour la première chambre civile, qui dans cette décision censurait les juges du fonds, la souscription d’un contrat d’assurance-vie relèverait bien du domaine de la cogestion.

Reste que cette position n’a pas emporté l’adhésion de la Cour de d’appel de renvoi qui, par un arrêt du 10 décembre 1984, a adopté la solution inverse.

Pour les juges du fond, la libéralité consentie par l’époux souscription du contrat d’assurance-vie consiste non pas en l’attribution au bénéficiaire du capital garanti, mais en l’affectation de ses gains et salaires au règlement des primes d’assurance.

Cette nuance quant à l’objet de la libéralité est déterminante. En effet, l’opération qui résulte de la souscription d’un contrat d’assurance vie se décompose très schématiquement en deux temps :

  • Premier temps
    • Le souscripteur règle des primes d’assurance dont le montant est prévu au contrat et qui donnent lieu à la constitution d’un capital garanti
  • Second temps
    • En cas de réalisation de l’événement prévu au contrat, l’assureur verse le capital garanti au bénéficiaire de l’assurance

Ainsi, lorsqu’un époux affecte ses gains et salaires dans le cadre de la souscription d’un contrat d’assurance vie, la libéralité consentie porte bien sur la prise en charge, au profit du tiers bénéficiaire, des primes d’assurance.

Le versement du capital garanti n’est, quant à lui, qu’une créance due par l’assureur au tiers désigné dans la clause bénéficiaire.

Parce que les époux sont libres de disposer librement, à titre gratuit, de leurs gains et salaires, la Cour d’appel d’Amiens en a déduit dans son arrêt du 10 décembre 1984, que le règlement des primes d’assurance n’était pas soumis à cogestion (CA Amiens, 10 déc. 1984).

Cette position adoptée par les juges du fond en contrepoint de la position prise par la première chambre civile a été approuvée par l’Assemblée plénière qui, dans un arrêt du 12 décembre 1986.

Au soutien de sa décision, elle a affirmé que, en application de l’article L. 132-12 du Code des assurances, la créance sur la compagnie, née en raison du décès du mari a été acquise au seul profit des bénéficiaires désignés en dernier lieu, de sorte que l’article 1422 du Code civil n’était pas applicable (Cass. ass. plén. 12 déc. 1986, n°84-17.867).

Autrement dit, pour la Cour de cassation, l’attribution du capital garanti au tiers bénéficiaire en exécution du contrat d’assurance vie ne procède nullement de l’emploi de derniers communs par un époux.

Le versement résulte seulement du règlement d’une créance détenue par le bénéficiaire du contrat contre l’assureur.

Au fond, la donation indirecte de biens communs consentie ici échappe à la cogestion dans la mesure où le capital versé au bénéficiaire ne provient pas de la masse commune.

Le seul mouvement de valeurs qui mobilise des derniers communs, c’est celui qui résulte du règlement des primes d’assurance. Or ce règlement est effectué au moyen de gains et salaires dont l’époux souscripteur a la libre disposition.

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