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Régime légal: le legs de biens communs (1423 C. civ.)

L’article 1423 du Code civil envisage le mode de gestion des legs de biens communs dont le régime se rapproche de celui auquel est la gestion concurrente est soumise.

Pour mémoire, un legs est une libéralité consentie par voie testament, lequel présente une double nature :

  • D’un côté, le testament consiste en un acte de disposition à titre gratuit, de sorte que lorsqu’il porte sur des biens communs, il devrait relever de la gestion conjointe, conformément à l’article 1422, al. 1er du Code civil
  • D’un autre côté, le testament est, par essence, un acte unilatéral dont la validité est subordonnée à l’expression d’une volonté solitaire, de sorte qu’il se concilie mal avec la gestion conjointe, car ne pouvant jamais être conjonctif.

Afin de concilier ces deux aspects – antinomiques – du testament, l’article 1423 du Code civil prévoit que lorsqu’il porte sur des biens communs, il est soumis au principe de gestion concurrente.

Chaque époux peut ainsi consentir, de son propre chef, un legs de biens communs, de sorte que la prohibition des testaments conjonctifs est respectée.

Toutefois, parce que le testament est un acte de disposition à cause de mort, il ne produit ses effets qu’au décès du testateur et donc, pratiquement au jour de la dissolution de la communauté, laquelle donne lieu à une période d’indivision.

Le législateur en a déduit que cet acte ne pouvait pas relever du domaine de l’article 1421 qui n’a vocation à régir que les actes accomplis au cours du mariage.

D’où l’adoption d’une disposition spéciale, l’article 1423, qui régit les legs de biens communs.

À cet égard, il appréhende les biens légués, non pas comme des biens communs, la communauté ayant par hypothèse disparu au jour où le testament produit ses effets, mais comme des biens indivis.

Le texte envisage alors deux situations :

==> Première situation : le legs porte sur une fraction de la masse commune

Dans cette hypothèse, l’article 1423, al. 1er du Code civil prévoit que « le legs fait par un époux ne peut excéder sa part dans la communauté. »

Il ressort de cette disposition que l’époux légataire ne peut léguer plus de la moitié de la masse commune.

Ce cantonnement s’explique par les circonstances : le legs ne produisant ses effets qu’au décès du testateur, il ne peut porter que sur la part revenant à ce dernier au jour de la dissolution de la communauté.

Or cette part correspond à la moitié des biens soumis à l’indivision post-communautaire.

Les légataires ont ainsi vocation à se retrouver en indivision avec le conjoint.

==> Seconde situation : le legs porte sur un bien commun déterminé

Dans cette hypothèse, la difficulté tient aux aléas du partage de l’indivision post-communautaire qui est susceptible de donner lieu, conformément à l’article 826 du Code civil, à un tirage au sort, lequel permettra de déterminer à qui est attribué tel ou tel lot.

C’est pour surmonter cette difficulté, et notamment l’hypothèse où le legs d’un bien commun figure dans un lot attribué au conjoint, que le législateur a adopté la règle énoncée à l’article 1423, al. 2e du Code civil.

Le texte prévoit en ce sens que « si un époux a légué un effet de la communauté, le légataire ne peut le réclamer en nature qu’autant que l’effet, par l’événement du partage, tombe dans le lot des héritiers du testateur ; si l’effet ne tombe point dans le lot de ces héritiers, le légataire a la récompense de la valeur totale de l’effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l’époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier. »

Aussi, convient-il de distinguer deux situations :

  • Le bien légué tombe dans le lot attribué au légataire
    • Dans cette hypothèse, le légataire pourra réclamer la délivrance du legs en nature
    • Cette délivrance s’analysera alors comme le résultat de l’effet déclaratif du partage
  • Le bien légué tombe dans le lot attribué au conjoint
    • Dans cette hypothèse, l’article 1423 prévoit que l’exécution du legs doit se faire par équivalent.
    • Le texte énonce plus précisément que « le légataire a la récompense de la valeur totale de l’effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l’époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier».
    • Par récompense, il ne faut pas entendre ici une créance dont serait titulaire le légataire à l’encontre de la communauté, mais plutôt à un droit à une exécution en valeur du legs.
    • Autrement dit, cette exécution donnera lieu, soit au versement d’une somme d’argent correspondant au montant de la valeur du bien légué, soit à la délivrance d’un autre bien équivalent.
    • Il s’agit là manifestement d’une solution qui déroge au droit commun
    • En effet, en application de l’effet déclaratif du partage, les biens attribués au conjoint sont réputés lui appartenir depuis le décès du testateur.
    • Aussi, dans l’hypothèse où le conjoint est attributaire du lot dans lequel est compris le legs, celui-ci ne devrait pas pouvoir être exécuté car portant sur la chose d’autrui.
    • Or l’article 1021 du Code civil dispose que « lorsque le testateur aura légué la chose d’autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu’elle ne lui appartenait pas. »
    • C’est donc une dérogation à cette disposition qui est apportée par l’article 1423.
    • Le légataire se voit conférer le droit de prélever un bien par équivalent sur l’ensemble de la succession (biens propres du de cujus et la part de communauté), alors même que l’effet déclaratif du partage devrait l’en priver.

La règle énoncée à l’article 1423, al. 2e du Code civil présente indéniablement l’avantage de prévenir tout risque de conflit et, surtout, d’exécuter le plus fidèlement possible la volonté du de cujus.

Que le legs soit compris dans le lot attribué au conjoint ou dans le lot attribué au légataire, dans les deux cas il pourra faire l’objet d’une exécution.

Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de cassation est venue préciser que l’article 1423, al. 2e du Code civil « relatif au sort et aux modalités d’exécution du legs d’un bien de communauté par l’un des époux, n’est pas applicable au legs d’un bien dépendant d’une indivision, fût-elle postcommunautaire » (Cass. 1ère civ. 16 mai 2000, n°98-11.977).

Autrement dit cette disposition n’a pas vocation à jouer lorsque le legs intervient entre la date de dissolution de la communauté et la date de réalisation du partage.

L’article 1423 est également inopérant en cas de testament-partage, la Cour de cassation considérant que « la faculté accordée par l’article 1075 du Code civil aux ascendants de faire par anticipation le partage de leur succession est limitée aux biens dont chacun d’eux a la propriété et la libre disposition sans pouvoir être étendue aux biens communs » (Cass. 1ère civ. .16 mai 2000, n°97-20.839).

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