Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

Régime légal: l’acquisition d’accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres (art. 1406 C. civ.)

Il est certains biens qui, alors même qu’ils ont été acquis à titre onéreux au cours du mariage, sont malgré tout susceptibles de recevoir la qualification de bien propre.

Cette dérogation au principe d’inscription des acquêts à l’actif de la communauté se justifie par l’existence d’un lien matériel, économique ou juridique entre le bien que l’on soustrait à la masse commune et un bien qui appartient personnellement à l’un des époux.

Pour assurer la cohérence de la propriété de ces deux biens, le législateur a estimé qu’il y avait lieu de prévoir une unité de régime à la faveur de la qualification de bien propre.

À cet égard, l’intégration du bien acquis à titre onéreux au cours du mariage dans le patrimoine personnel d’un époux par rattachement à un bien propre se rencontrera dans trois situations :

  • Le bien a été acquis à titre accessoire d’un bien propre
  • Le bien acquis consiste en un accroissement de valeurs mobilières
  • Le bien acquis procède d’un rachat de parts indivises

Nous nous focaliserons ici sur la deuxième situation.

L’article 1406 du Code civil ne se limite pas à conférer la qualification de biens propres aux biens acquis à titre accessoire d’un propre, il attribue également cette qualification aux « valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres. »

L’article L. 228-1 du Code de commerce définit les valeurs mobilières comme constituant des titres financiers, lesquels, en application de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier, se subdivisent en trois catégories :

  • Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
  • Les titres de créance ;
  • Les parts ou actions d’organismes de placement collectif.

Les valeurs mobilières présentent la particularité d’être librement négociables et d’être transmissibles par simple virement de compte à compte, échappant ainsi au formalisme de la cession de créance.

Surtout, les valeurs mobilières confèrent des droits pécuniaires à leur propriétaire.

Au nombre de ces droits, certains consistent à octroyer au porteur la faculté d’acquérir de nouvelles valeurs mobilières. Tel est le cas du droit de préférentiel de souscription.

Ce droit confère la possibilité à un actionnaire de souscrire de nouvelles actions en priorité en cas d’augmentation du capital social de la société émettrice.

Lorsque la valeur mobilière qui est assortie d’un droit préférentiel de souscription appartient en propre à un époux, l’application de l’article 1406, al. 1er in fine du Code civil conduit à qualifier les nouvelles actions acquises au titre de l’exercice du droit préférentiel de biens propres.

La raison en est que ces actions constituent un accroissement se rattachant à la valeur mobilière détenue en propre. Elles suivent donc le même sort.

Il a été admis que la règle trouvait également à s’appliquer en cas d’attribution gratuite d’actions aux actionnaires dans le cadre d’une augmentation de capital par incorporation des réserves.

La solution n’était pour autant pas acquise. D’aucuns se sont, en effet, demandé si les parts sociales émises dans le cadre d’une incorporation de réserves ne devaient pas être appréhendés comme des revenus de biens propres.

Or conformément à la position prise par la Cour de cassation dans l’arrêt « Authier » rendu en date du 31 mars 1992, les revenus de propres tombent en communauté (Cass. 1ère civ. 31 mars 1992, n°90-17212).

Dans un arrêt du 12 décembre 2006, si la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en jugeant que « les bénéfices réalisés par une société ne deviennent des fruits ou des revenus de biens propres, susceptibles de constituer des acquêts de communauté, que lorsqu’ils sont attribués sous forme de dividende », ce qui n’est pas le cas en cas d’attribution de parts nouvelles.

Aussi, la Première chambre civile opère-t-elle ici une distinction entre l’emploi des réserves aux fins de distribution de dividendes et l’emploi des réserves aux fins d’attribution d’actions nouvelles.

  • Les réserves sont employées aux fins de distributions de dividendes
    • Dans cette hypothèse, parce que les dividendes s’analysent en des revenus de propres ils tombent en communauté par application de la solution dégagée dans l’arrêt Authier.
  • Les réserves sont employées aux fins d’attribution d’actions nouvelles
    • Dans cette hypothèse, la cour cassation estime que les actions nouvelles constituent des accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres ayant eux-mêmes, par application de l’article 1406, alinéa 1er, du code civil, la nature de biens propres.

Dans sa décision du 12 décembre 2006, la Cour de cassation a pris le soin de préciser que « la communauté, qui n’a pas financé l’acquisition des […] parts nouvelles attribuées gratuitement à [l’époux actionnaire] en conséquence de l’incorporation de réserves, qui ne sont pas des biens de la communauté, ne peut prétendre à récompense du fait de l’augmentation du capital social, aucun prélèvement sur des fonds communs n’ayant été opéré à cette occasion » (Cass. 1ère civ. 12 déc. 2006, n°04-20663).

Ainsi, pour la Cour de cassation, dans la mesure où l’incorporation des réserves dans le capital social n’opère aucun transfert de valeur entre le patrimoine de l’époux actionnaire et la masse commune, il n’y a pas lieu d’octroyer un droit à récompense à la communauté en contrepartie de la réservation en propre des actions attribuées dans le cadre de l’opération d’augmentation du capital social.

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