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Changement de régime matrimonial: l’homologation judiciaire

Si, à l’origine, l’homologation judiciaire de la convention de changement ou de modification du régime matrimonial était systématiquement requise, cette exigence est désormais reléguée au rang d’exception.

I) Le domaine de l’homologation judiciaire

Si, sous l’empire de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux, tout changement de régime matrimonial était subordonné, par principe, à une homologation judiciaire, cette règle a été reléguée au rang d’exception, près de 40 ans plus tard, par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Désormais, l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial est exigée dans seulement deux cas :

  • Premier cas: en présence d’enfants mineurs
  • Second cas: en cas d’opposition formée auprès du notaire

==> L’exigence – tempérée – d’homologation judiciaire en présence d’enfants mineurs

Sous l’empire du droit antérieur, lorsqu’il existait des enfants mineurs, de l’un ou l’autre des époux, l’article 1397, 5e du Code civil prévoyait que l’homologation judiciaire de l’acte notarié constatant le changement de régime matrimonial devait être systématique.

Animé par une volonté de simplifier la procédure, le législateur a, lors de l’adoption de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, considérablement tempéré cette exigence.

Les parlementaires sont partis du constat que l’exigence d’homologation judiciaire en présence d’enfants mineurs allongeait la procédure de changement de régime, alors même que, en définitive, les cas de rejet d’homologation sont rares.

Par ailleurs, il a été relevé que cette phase judiciaire, qui se trouve soumise aux règles procédurales applicables à la matière gracieuse devant le tribunal judiciaire, représentait un coût – substantiel – pour les époux, qui sont dans l’obligation de recourir aux services d’un avocat pour le dépôt de leur requête conjointe en homologation.

En outre, la nécessité d’attendre l’homologation du juge pour que le changement de régime puisse être effectif était susceptible de conduire à d’importantes difficultés, notamment en cas de décès de l’un des époux avant que n’ait pu être rendu le jugement d’homologation.

À cela s’ajoutait enfin le fait que le contrôle du juge en cette matière, et particulièrement son évaluation de l’opportunité du changement souhaité, était souvent vécu par les époux comme une incursion difficilement tolérable dans leur sphère privée.

Pour toutes ces raisons, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a reformulé l’alinéa 5 de l’article 1397 qui dispose désormais que « lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3 ».

Il ressort de ce texte que, en présence d’enfants mineurs, l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial n’est plus systématique.

L’opportunité de soumettre l’acte notarié constatant le changement de régime au contrôle du juge est laissée à la discrétion du notaire.

Il est invité à le faire lorsqu’il estimera que la modification entreprise par les époux compromet manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou qu’elle est de nature à lui causer un grave préjudice.

Selon les travaux parlementaires, l’objectif du législateur est, ici de « proposer une procédure qui, tout en assurant une protection des personnes intéressées par le changement de régime matrimonial envisagé, serait plus rapide, moins coûteuse, et dans laquelle l’intervention judiciaire serait à la fois mieux comprise par les époux et plus facile pour les juges ».

==> L’exigence – stricte – d’homologation judiciaire en cas d’opposition des tiers

L’article 1397, al. 4e du Code civil prévoit que « en cas d’opposition, l’acte notarié est soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux ».

Il s’agit ici de l’opposition qui serait formée, soit par les enfants majeurs de l’un ou l’autre des époux, soit des créanciers.

Lorsqu’ils exercent leur droit d’opposition, le changement de régime matrimonial devra impérativement faire l’objet d’une homologation judiciaire selon les règles de la procédure gracieuse.

II) La procédure d’homologation judiciaire

==> Compétence

L’article 1300-4 du CPC prévoit que « la demande d’homologation d’un changement de régime matrimonial est portée devant le juge aux affaires familiales de la résidence de la famille. »

La question qui ici est susceptible de se poser est de savoir comment déterminer le lieu de résidence de la famille si les époux vivent séparément comme l’article 108 du Code civil les y autorise.

En pareille hypothèse, ils devront trouver un accord, lequel se matérialisera dans la requête conjointe qu’ils présenteront au juge.

==> Introduction de l’instance

L’article 1300-1, al. 2e du CPC prévoit que, en cas d’opposition, il appartient aux époux de présenter une requête dans les formes énoncées par les articles suivants.

Si l’on se reporte à ces textes, il apparaît que l’homologation judiciaire d’un changement de régime matrimonial relève de la procédure gracieuse.

Il s’agira donc pour les époux de saisir le Juge aux affaires familiales au moyen d’une requête conjointe.

==> Dépôt et présentation de la requête

L’article 808 du CPC dispose que devant le Tribunal judiciaire, au sein duquel le Juge aux affaires familiales officie, « la demande est formée par un avocat, ou par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur ».

Quant aux pièces qui doivent être attachées à la requête, l’article 1302 du CPC précise que « une expédition de l’acte notarié qui modifie ou change entièrement le régime matrimonial est jointe à la requête. »

L’article 61 du CPC prévoit enfin que « le juge est saisi par la remise de la requête au greffe de la juridiction. »

==> Publicité de la demande d’homologation

L’article 1300-4 du CPC prévoit que « un extrait de la demande est transmis par l’avocat des demandeurs aux greffes des tribunaux judiciaires dans le ressort desquels sont nés l’un et l’autre des époux, à fin de conservation au répertoire civil et de publicité par mention en marge de l’acte de naissance selon les modalités prévues au chapitre III du titre Ier du présent livre. »

Il ressort de cette disposition que la demande d’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial doit faire l’objet de mesures de publicité.

Cette exigence se justifie par la nécessité de permettre aux tiers d’intervenir éventuellement à l’instance.

À cet égard, il peut être observé que l’article 29 du CPC prévoit qu’un tiers peut être autorisé par le juge à consulter le dossier de l’affaire et à s’en faire délivrer copie, s’il justifie d’un intérêt. Dans cette hypothèse, le tiers agira alors par voie d’intervention.

==> Instruction de la demande d’homologation

Bien que, en matière gracieuse, la procédure ne comporte pas de phase de mise en état, l’article 27 du CPC lui confère des pouvoirs d’instruction au nombre desquels figurent :

  • Le pouvoir d’investiguer
    • Le juge peut procéder, même d’office, à toutes les investigations utiles, lesquelles peuvent consister, par exemple, à imposer une expertise ou la production d’une pièce
  • Le pouvoir d’auditionner
    • Le juge dispose de la faculté d’entendre sans formalités les personnes qui peuvent l’éclairer ainsi que celles dont les intérêts risquent d’être affectés par sa décision

Pratiquement, l’instruction menée par le juge se focalisera surtout sur le respect des conditions énoncées par l’article 1397 du Code civil.

Autrement dit, il cherchera à déterminer si le changement de régime matrimonial projeté par les époux n’est affecté d’aucune anomalie ce qui le conduira à vérifier notamment :

  • La capacité des époux et la réalité de leur consentement
  • La conformité du changement de régime à l’intérêt de la famille
  • L’accomplissement des formalités d’information prévues à l’article 1397 du Code civil

==> Les pouvoirs à l’égard des tiers

En matière gracieuse, le Juge est investi de plusieurs pouvoirs qu’il est susceptible d’exercer à l’égard des tiers :

  • Tout d’abord, en application de l’article 27 du CPC le juge peut auditionner les tiers, dans le cadre de son pouvoir d’investigation aux fins d’éclairer sa décision
  • Ensuite, l’article 332, al. 2 du CPC lui confère le pouvoir d’ordonner la mise en cause des personnes dont les droits ou les charges risquent d’être affectés par la décision à prendre.
  • Enfin, comme vu précédemment, l’article 29 du CPC prévoit qu’un tiers peut être autorisé par le juge à consulter le dossier de l’affaire et à s’en faire délivrer copie, s’il justifie d’un intérêt. Dans cette hypothèse, le tiers agira alors par voie d’intervention.

Il peut être observé que, de manière générale, le juge n’est nullement tenu d’auditionner les tiers (Cass. 1ère civ. 4 oct. 1988, n°86-18816), ni n’est lié par les positions susceptibles d’être exprimées par les personnes entendues, en particulier les héritiers réservataires et les créanciers (Cass. 1ère civ. 24 nov. 1993, n°92-21712).

==> La tenue des débats

  • Principe
    • Lorsque le juge estime que plus aucune mesure d’instruction n’est nécessaire et donc que l’affaire est en état d’être jugé, il fixe une date d’audience à l’occasion de laquelle le demandeur présentera, par l’entremise de son avocat lorsque la procédure est pendante devant le Tribunal judiciaire, ses prétentions.
    • En pratique, le juge exigera des débats oraux lorsqu’il est saisi d’un doute sur le bien-fondé de la demande qui lui est adressée.
  • Exception
    • L’article 28du CPC autorise le juge à rendre sa décision sans débat.
    • Il choisira cette option lorsque le bien-fondé de la demande est établi et qu’il n’est donc pas nécessaire d’engager une discussion.
    • La décision du juge d’écarter la tenue de débat est une mesure d’administration judiciaire, de sorte qu’elle est insusceptible de voies de recours.

III) La décision d’homologation judiciaire

==> Le prononcé de la décision

L’article 451 du CPC prévoit que « les décisions gracieuses hors la présence du public »

La solution répond ici à la même logique que celle instauré en matière contentieuse.

Dans la mesure où les débats qui interviennent dans le cadre d’une procédure gracieuse se tiennent, par principe, en chambre du conseil, il est parfaitement logique que la décision soit rendue hors la présence du public.

L’exigence est posée à peine de nullité de la décision (art. 458 CPC). Reste que, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d’office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n’a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d’audience.

En certaines matières, la loi prévoit, par exception, que le prononcé de la décision doit être public. Tel est le cas en matière d’adoption (art. 1174 CPC) ou de filiation (art. 1149 CPC).

==> Le contenu de la décision

Sur la forme, outre les mentions communes à tous les jugements, conformément à l’article 454 du CPC la décision rendue en matière gracieuse doit comporter le nom des personnes auxquelles il doit être notifié.

Sur le fond, le jugement homologue l’acte notarié qui lui est déféré. Cette homologation peut être, soit totale, soit partielle.

Lorsque l’homologation judiciaire est seulement partielle, les époux doivent y avoir préalablement consenti, soit dans la convention matrimoniale, soit dans la requête.

À défaut, le juge ne dispose que de deux options : soit homologuer l’acte qui lui est soumis dans son entier, soit rejeter en bloc la demande d’homologation.

==> La notification de la décision

La décision rendue en matière gracieuse doit être notifiée à toutes les personnes auxquelles la décision est susceptible de causer grief.

Plus précisément, l’article 679 du CPC prévoit que « en matière gracieuse, le jugement est notifié aux parties et aux tiers dont les intérêts risquent d’être affectés par la décision, ainsi qu’au ministère public lorsqu’un recours lui est ouvert. »

Quant à la forme de la notification, l’article 675 du CPC dispose que « en matière gracieuse, les jugements sont notifiés par le greffier de la juridiction, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. »

==> La publicité de la décision

En cas d’homologation de la décision par le juge, il appartient aux époux, le cas échéant par le ministère de leur avocat, d’adresser une expédition du jugement d’homologation, assorti d’un certificat de non-appel :

  • D’une part, au notaire afin que, conformément à l’article 1397, al. 8e du Code civil, il fasse mention de la modification sur la minute du contrat de mariage modifié.
  • D’autre part, à l’officier d’état civil afin que le changement de régime matrimonial soit mentionné en marge de l’acte de mariage.

Dans l’hypothèse où le changement de régime matrimonial emporte mutation de droits immobiliers, il y aura lieu pour les époux de faire accomplir par le notaire des formalités de publicité foncière.

Tel sera notamment le cas, en cas de transfert de propriété d’un immeuble d’une masse de biens propres à la masse commune.

Dans un arrêt du 10 février 1998, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la convention de changement de régime matrimonial portant adoption de la communauté universelle doit être, une fois homologuée par le tribunal de grande instance, publiée au bureau des hypothèques compétent, dans la mesure où un tel changement a pour effet de conférer aux immeubles propres de l’un des époux le statut d’immeubles communs et d’attribuer ainsi sur ces biens à l’autre époux des droits réels dont il se trouvait initialement dépourvu »

Elle en déduit « que cette mutation de droits immobiliers rentre ainsi dans les prévisions de l’article 28, 1er alinéa, a, du décret du 4 janvier 1955 ; qu’il s’ensuit que sont dus les droits perçus à l’occasion de cette formalité » (Cass. com. 10 févr. 1998, n°95-16924).

À l’inverse, lorsque le bien immobilier fait le chemin inverse, soit lorsqu’il quitte la masse commune pour rejoindre une masse propre, il est admis que cette opération n’emporte pas mutation de droits immobiliers.

Dans une réponse ministérielle publiée dans le JO Sénat du 30/03/1995, il a été répondu par le Garde des sceaux que, en cas de changement de régime matrimonial par la substitution à un régime de communauté d’un régime de séparation de biens, il y a lieu d’observer que la communauté n’ayant ni personnalité morale ni patrimoine propre, sa dissolution n’entraîne pas de mutation immobilière mais seulement une modification du statut juridique de certains biens au regard de la composition du patrimoine de chacun des époux.

Il en résulte que les immeubles communs deviennent l’objet d’une indivision ordinaire entre les époux et seul le partage pourrait donner lieu à publicité.

Dans ces conditions, et sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, le changement d’un régime matrimonial communautaire à un régime séparatiste n’a pas à être publié au fichier immobilier.

Aussi, les formalités de publicité foncière ne devront être accomplies qu’en cas de transfert d’un bien propre vers la masse commune, ce qui se produit notamment pour les changements de régimes suivants :

  • Régime légal pour la communauté universelle
  • Régime de la séparation de biens pour un régime communautaire

À cet égard, l’article 1303 du CPC précise que dès lors que le changement de régime matrimonial a été homologué judiciairement, le délai pour procéder, le cas échéant, aux formalités de publicité foncière de l’acte constatant le changement de régime matrimonial court à compter du jour où la décision d’homologation a acquis force de chose jugée.

==> Voies de recours contre la décision de rejet de l’homologation judiciaire

La décision de rejet d’une demande d’homologation judiciaire est susceptible de faire l’objet d’un appel.

En application de l’article 546 du CPC, le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.

En outre, en matière gracieuse, la voie de l’appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié.

S’agissait du délai d’appel, l’article 538 du CPC prévoit qu’il est de quinze jours en matière gracieuse.

Dans l’hypothèse néanmoins où un désaccord naîtrait entre les époux à l’occasion de l’instance d’homologation, la procédure deviendrait alors contentieuse.

En application de l’article 538 du CPC, le délai d’appel serait alors porté à un mois.

Concernant le formalisme de l’exercice de la voie de recours, il y a lieu de se reporter à l’article 950 du CPC.

Cette disposition prévoit que l’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.

Lorsque la déclaration d’appel a été régulièrement faite, l’article 952 du CPC prévoit que le juge qui a rendu la décision contestée peut, sur la base de cette déclaration, modifier ou rétracter sa décision.

Dans le cas contraire, le greffier de la juridiction transmet sans délai au greffe de la cour le dossier de l’affaire avec la déclaration et une copie de la décision.

Le juge informe alors la partie dans le délai d’un mois de sa décision d’examiner à nouveau l’affaire ou de la transmettre à la cour.

Enfin, l’article 610 du CPC dispose que « en matière gracieuse, le pourvoi est recevable même en l’absence d’adversaire. »

Il doit être exercé dans le même délai qu’en matière contentieuse, soit deux mois à compter de la notification de l’arrêt d’appel contesté.

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