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Changement de régime matrimonial: la procédure par-devant notaire

Si, à l’origine, l’homologation judiciaire de la convention de changement ou de modification du régime matrimonial était systématiquement requise, cette exigence est désormais reléguée au rang d’exception.

Aujourd’hui, le principe c’est donc l’absence d’exigence d’homologation judiciaire, ce qui ne signifie pas pour autant que les époux sont libérés de toute contrainte procédurale.

Parce que le changement de régime matrimonial est susceptible d’affecter de façon significative la situation des tiers, obligation est faite aux époux de les en informer. De leur côté les tiers sont investis de la faculté de former une opposition auprès du notaire

I) L’obligation d’information incombant aux époux

L’article 1397 du Code civil met à la charge des époux une obligation d’information des tiers qui vise à leur permettre de s’opposer au changement ou à la modification du régime matrimonial opéré.

Selon que cette information est portée à la connaissance des enfants majeurs ou selon qu’elle est portée aux créanciers, les modalités d’exécution de l’obligation qui pèse sur les époux diffèrent :

==> L’information portée à la connaissance des enfants majeurs

L’article 1397, al. 2e du Code civil prévoit que « les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. »

Cette obligation d’information qui pèse sur les époux est reprise par l’article 1300, al. 1er du Code civil qui dispose, sensiblement dans les mêmes termes, que « l’information prévue au deuxième alinéa de l’article 1397 du code civil est notifiée aux personnes qui avaient été parties au contrat de mariage, aux enfants majeurs de chaque époux ou à leur représentant en cas de mesure de protection juridique et au tuteur chargé de représenter les enfants mineurs le cas échéant. »

L’objectif recherché ici est donc d’informer les enfants des époux dont la situation est susceptible d’être affectée par le changement ou la modification du régime matrimonial de leurs parents.

En cas de prédécès d’un enfant majeur, une circulaire ministérielle du 29 mai 2007 est venue préciser que « bien que le texte [l’article 1397] ne le précise pas expressément et sous réserve de l’interprétation souveraine des juridictions, le recours à l’homologation judiciaire paraît s’imposer en présence d’un petit-enfant mineur venant de son chef ou par représentation de son parent prédécédé. » (Circ. n°73-07/C1/5-2/GS).

En tout état de cause, les modalités de délivrance de cette information sont énoncées par l’arrêté du 23 décembre 2006 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants des époux et aux tiers, dans le cadre d’une procédure de changement de régime matrimonial

Si l’on se reporte à cet arrêt, il précise que l’information délivrée aux personnes visées par le texte doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires énoncées en annexe 1 au nombre desquels figurent :

  • Les mentions concernant les époux
    • Nom de famille et prénoms de chacun des époux.
    • Domicile des époux (commun ou séparés).
    • Date et lieu du mariage
    • Désignation du régime matrimonial modifié, le cas échéant avec mention de la date du contrat de mariage et du nom du notaire qui l’a établi.
  • Les mentions concernant la modification du régime matrimonial
    • Modification opérée
    • Désignation du notaire rédacteur de l’acte (nom et adresse).
    • Date de l’acte
  • Les mentions concernant l’opposition
    • Il convient de reproduire dans l’acte la phrase suivante : « conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 1397 du code civil, les enfants majeurs des époux et les personnes qui avaient été parties au contrat de mariage modifié peuvent former opposition dans un délai de trois mois à compter de la réception de la présente lettre. Cette opposition est faite, aux termes de l’article 1300-1 du nouveau code de procédure civile, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par exploit d’huissier adressé au notaire rédacteur de l’acte. »

Le second alinéa de l’article 1er de l’arrêté ajoute que l’information délivrée doit, en outre, reproduire « les deux premiers alinéas de l’article 1397 du code civil ainsi que les articles 1300 et 1300-1 du nouveau code de procédure civile ».

==> L’information portée à la connaissance des créanciers

L’article 1397, al. 2e du Code civil prévoit que « les créanciers sont informés de la modification envisagée par la publication d’un avis sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département du domicile des époux. »

Les enfants des époux ne sont ainsi pas les seuls à être informés du changement ou de la modification du régime matrimonial. L’information est également portée à la connaissance des créanciers.

La raison en est que leur situation est susceptible d’être affectée par le changement de régime matrimonial des époux, ne serait-ce que parce que l’étendue de leur droit de gage peut s’en trouver diminuée.

Aussi, doivent-ils être en mesure de s’assurer que ce changement n’a pas été entrepris en fraude à leurs droits, à tout le moins ils doivent être en mesure de se faire entendre et de présenter leurs arguments à un juge.

Encore faut-il, pour ce faire, qu’ils soient suffisamment informés sur l’existence de cette faculté qui leur est ouverte. C’est là tout l’intérêt de l’information qui leur est délivrée en application de l’article 1397 du Code civil.

Le contenu de cette information est énoncé à l’article 2 de l’arrêté du 23 décembre 2006 fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants des époux et aux tiers, dans le cadre d’une procédure de changement de régime matrimonial.

Selon ce texte, l’avis publié conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1397 du code civil doit contenir les mentions suivantes :

  • Les informations concernant les époux
    • Nom de famille et prénoms de chacun des époux
    • Domicile des époux (commun ou séparés)
    • Date et lieu du mariage
    • Désignation du régime matrimonial modifié, le cas échéant avec mention de la date du contrat de mariage et du nom du notaire qui l’a établi
  • Les informations concernant la modification du régime matrimonial
    • Modification opérée
    • Désignation du notaire rédacteur de l’acte (nom et adresse)
    • Date de l’acte
  • Les informations concernant l’opposition
    • Nom et adresse du notaire auprès duquel les oppositions doivent être faites.

II) La faculté d’opposition conférée aux tiers

Les tiers auxquels l’information du changement de régime matrimonial est délivrée sont investis du pouvoir de s’opposer à l’acte.

Leur opposition, qui doit être formée auprès du notaire instrumentaire, doit intervenir dans un certain délai et selon des modalités définies par les textes.

==> Le délai d’opposition

  • S’agissant des personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et des enfants majeurs de chaque époux
    • L’alinéa 2 de l’article 1397 du Code civil prévoit « chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois».
    • Faute de précision textuelle sur le point de départ de ce délai, la doctrine estime qu’il commence à courir à compter de la date de notification de l’information
  • S’agissant des créanciers
    • L’alinéa 3 de l’article 1397 du Code civil prévoit que « chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans les trois mois suivant la publication. »

==> Les modalités de l’opposition

L’article 1300-1, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « les oppositions faites par les personnes visées aux deuxième et troisième alinéas de l’article 1397 du code civil sont notifiées au notaire qui a établi l’acte. Il en informe les époux. »

Il ressort de cette disposition que l’opposition doit être formée, non pas auprès du juge qui aura à connaître de l’homologation du changement de régime matrimonial, mais au notaire qui a instrumenté l’acte.

À cet égard, il se déduit de l’annexe I de l’arrêté du 23 décembre 2006 que l’opposition peut être faite, soit par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par voie d’exploit d’huissier adressé au notaire rédacteur de l’acte.

III) L’issue de la procédure d’information

Après que l’information visée aux alinéas 2 et 3 de l’article 1397 du Code civil a été délivrée aux tiers, ces derniers disposent de deux options :

  • Soit, ils ne réagissent pas, ce qui a pour conséquence de rendre à leur égard le changement ou la modification de régime matrimonial opérés pleinement opposable
  • Soit, ils se manifestent auprès du notaire en formalisant leur opposition au changement ou à la modification du régime matrimonial qui leur a été notifiée, ce qui a pour conséquence de provoquer l’intervention du juge

Entre ces deux options, une troisième voie est offerte aux tiers qui n’auraient pas formé d’opposition auprès du notaire instrumentaire : l’action paulienne.

==> L’absence d’opposition

À l’expiration du délai de trois mois prescrit par l’article 1397 du Code civil, les époux pourront demander au notaire l’établissement d’un certificat de non-opposition.

Leur changement de régime matrimonial est désormais pleinement opposable aux personnes auxquelles l’information a été notifiée, soit les enfants et les créanciers.

Quant aux autres tiers, soit ceux qui n’ont pas été destinataires de l’information visée par l’article 1397, le changement de régime opéré par les époux ne leur est toujours pas opposable.

Pour qu’il le soit, le changement de régime matrimonial doit faire l’objet de plusieurs formalités :

  • Inscription d’une mention sur la minute du contrat de mariage
    • L’article 1397, al. 8e exige qu’il soit « fait mention de la modification sur la minute du contrat de mariage modifié. »
    • À la différence de la modification opérée avant la célébration du contrat de mariage, cette formalité n’est toujours pas suffisante pour rendre le changement de régime matrimonial opposable à tous les tiers.
    • D’autres formalités doivent encore être accomplies
  • Inscription en marge de l’acte de mariage
    • En applicable de l’article 1300-2 du Code de procédure civile pour être opposable à tous les tiers, le changement de régime matrimonial doit faire l’objet d’une inscription en marge de l’acte de mariage.
    • L’intervention d’un officier d’état civil est donc nécessaire, ce que ne manque pas de rappeler le texte.
    • L’article 1300-2 invite, en effet, le notaire à adresser à l’officier d’état civil un extrait de l’acte et un certificat établi par lui précisant la date de réalisation des formalités d’information et de publication de l’avis et attestant de l’absence d’opposition.
  • Accomplissement de formalités de publicité foncière
    • Lorsque le changement de régime emporte mutation de droits immobiliers, des formalités de publicité foncière additionnelles devront être accomplies.
    • L’article 1300-3 du Code de procédure civil prévoit en ce sens que « le délai pour procéder, le cas échéant, aux formalités de publicité foncière de l’acte constatant le changement de régime matrimonial court à compter de l’expiration du délai de trois mois prévu aux deuxième et troisième alinéas de l’article 1397 du code civil. »
    • Le texte poursuit en précisant que l’acte soumis à publicité foncière est accompagné du certificat établi par le notaire qui précise la date de réalisation des formalités d’information et de publication de l’avis et attestant de l’absence d’opposition.

Ce n’est donc qu’à la condition que ces formalités soient régulièrement accomplies que le changement de régime matrimonial opéré par les époux est opposable à tous les tiers.

À toutes fins utiles, il peut être précisé que :

  • D’une part, le décret n° 2006-1805 du 23 décembre 2006 a supprimé la publicité du changement de régime matrimonial au répertoire civil du tribunal de grande instance et, partant sur l’acte de naissance de chacun des époux
  • D’autre part, l’ordonnance n° 2005-428 du 6 mai 2005 relative aux incapacités en matière commerciale et à la publicité du régime matrimonial des commerçants a supprimé l’inscription du régime matrimonial, et partant, la mention de son changement, au registre du commerce et des sociétés

==> La formalisation d’une opposition

S’ils estiment que le changement de régime matrimonial opéré par les époux porte atteinte à leurs intérêts, les enfants majeurs et les créanciers des époux disposent de la faculté de s’y opposer dans un délai de trois mois à compter de la date de délivrance de l’information qui leur a été individuellement notifiée.

Cette faculté d’opposition n’est donc pas ouverte à tous les tiers : seuls ceux destinataires de l’information visée à l’article 1397 du Code civil en bénéficient.

L’exercice de cette faculté est régi par l’article 1300-1 du Code de procédure civil qui prévoit que l’opposition doit être notifiée au notaire qui a établi l’acte.

Il incombe, par suite, à ce dernier d’en informer les époux, lesquels n’auront alors d’autre choix que de soumettre à l’homologation du juge leur projet de changement de régime matrimonial, faute de quoi il ne pourra pas produire ses effets.

L’article 1300-1, al. 2e du Code de procédure civil prévoit que la demande d’homologation judiciaire doit être formulée par les époux auxquels il appartient de présenter la requête qui introduira l’instance.

==> Cas particulier de l’action paulienne

En application de l’article 1397, al. 3e du Code civil, les créanciers disposent donc d’un délai de trois mois à compter de la publication d’un avis sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département du domicile des époux pour former opposition auprès du notaire instrumentaire.

À l’expiration de ce délai de trois mois, faute d’avoir exercé cette faculté qui leur est conférée par la loi, tout n’est pas perdu pour les créanciers.

L’article 1397, al. 9e du Code civil prévoit, en effet, que « les créanciers non opposants, s’il a été fait fraude à leurs droits, peuvent attaquer le changement de régime matrimonial dans les conditions de l’article 1341-2. »

Ainsi, les créanciers qui ne se sont pas manifestés dans les délais auprès du notaire, peuvent toujours contester le changement de régime matrimonial des époux sur le fondement de l’action paulienne.

Il peut être observé que cette action n’est ouverte qu’aux seuls créanciers « non-opposant ».

Cela signifie que, en cas d’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial contesté consécutivement à l’opposition formée par un tiers, ce dernier sera privé de la possibilité d’exercer, par suite, l’action paulienne, quand bien même il découvrirait, postérieurement au jugement rendu, l’existence d’une fraude à ses droits.

La formalisation d’une opposition fait ainsi perdre au créancier son droit d’agir sur le fondement de l’action paulienne.

Lorsque cette action est exercée par un créancier non-opposant, elle lui permettra, en application de l’article 1341-2 du Code civil, de faire faire déclarer inopposable à son égard le changement de régime matrimonial entrepris par les époux en fraude à ses droits.

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