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Accession immobilière : la réalisation de plantations ou de constructions par un tiers sur un fonds appartenant à autrui

==> Vue générale

Dans le droit fil de l’article 554 du Code civil qui règle les conflits de propriété dans l’hypothèse où le propriétaire du sol aurait élevé une construction ou une plantation avec des matériaux appartenant à autrui, l’article 555 envisage l’hypothèse où l’ouvrage a été élevé sur le fonds appartenant à autrui.

La question qui ici se pose est de savoir comment régler ce conflit de propriété entre le propriétaire du sol dont le fonds fait l’objet d’un empiétement et le constructeur qui a élevé un ouvrage ou des plantations sur le terrain d’autrui.

Une application stricte de l’article 552 du Code civil devrait conduire à l’attribution systématique de la propriété de la construction ou des plantations élevées sur un fonds au propriétaire du sol.

Cette disposition prévoit, en effet, que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. »

Reste que, il est des cas où l’auteur de la construction ou de la plantation occupera le fonds en vertu d’un titre. Parfois même ce titre autorisera l’occupant à effectuer des constructions ou des plantations.

L’article 555 du Code civil s’attache à régler cette difficulté susceptible de paralyser le jeu de l’article 552, à tout le moins temporairement, raison pour laquelle on parle, dans certains cas, d’accession différée.

==> Domaine

Il ne suffit pas qu’une construction ou une plantation soit élevée sur le terrain d’autrui pour que l’article 555 du Code civil soit applicable.

Le domaine d’application de cette disposition est, en effet, enfermé dans un certain nombre de limites qui tiennent à la nature de ce qui est élevé sur le fonds d’autrui et aux personnes concernées par l’opération.

A) Exposé du principe

Afin d’appréhender le mécanisme institué par l’article 555 du Code civil, il convient de partir de l’article 551 du Code civil qui énonce la règle générale.

Cette disposition prévoit, en effet, que « tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire »

Est ainsi énoncé le principe de l’accession qui repose sur des règles de preuve et des règles de fond.

S’agissant des règles de preuves, elles visent à présumer le propriétaire soit comme étant l’auteur des plantations et constructions élevées sur son fonds, soit comme le propriétaire des matériaux qui ont permis de les réaliser.

S’agissant des règles de fond, elles visent à attribuer au propriétaire du sol la propriété de ce qui devrait appartenir à autrui car apporté ou édifié par lui, mais qui s’est incorporé au fonds.

L’article 555 du Code civil appartient à cette seconde catégorie de règle, de sorte qu’il n’a vocation à s’appliquer qu’une fois qu’il est établi :

Ce n’est que lorsque la preuve de ces deux éléments de faits est rapportée que les règles énoncées à l’article 555 du Code civil peuvent être mobilisées.

En substance, cette disposition attribue au propriétaire du sol la propriété des plantations, constructions et ouvrages élevés par un tiers.

Plus précisément, elle prévoit que « lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever. »

Ce texte vise ainsi à régler un conflit de propriété entre le constructeur et le propriétaire du sol. Pour y parvenir il offre un choix plus ou moins ouvert au second selon que le premier est ou non de mauvaise foi.

==> Le choix de la démolition de l’ouvrage ou de la plantation

==> Le choix de la conservation de l’ouvrage ou de la plantation

B) Portée du principe

Les règles énoncées à l’article 555 du Code civil ne sont pas d’ordre public, elles présentent un caractère supplétif. Il en résulte qu’il peut y être dérogé par convention contraire.

Cette convention peut avoir pour effet, soit de différer le mécanisme d’accession, soit de l’écarter purement et simplement

==> L’accession différée

En principe, lorsque le détendeur régulier d’un fonds (locataire ou fermier) plante des arbres ou édifie des constructions sur ce fonds, en application de la règle de l’accession elles devraient revenir au propriétaire du sol, sauf à ce qu’il y ait renoncé expressément.

C’était d’ailleurs la position soutenue par la Cour de cassation jusqu’au milieu du XXe siècle. Dans un arrêt du 20 mars 1939, elle avait, par exemple, jugé que « le propriétaire du sol devient propriétaire immédiatement par le seul fait de leur incorporation, de toutes les constructions élevées par un tiers, que cette règle, d’une portée générale, s’applique notamment au locataire pour les constructions élevées sur le terrain à lui loué » (Cass. req., 20 mars 1939).

Sauf à ce que le propriétaire du sol renonce expressément à son droit d’accession par convention, la jurisprudence considérait donc que l’accession opérait immédiatement, nonobstant la conclusion d’une convention avec le constructeur.

Par un arrêt du 1er décembre 1964 la Cour de cassation a finalement abandonné cette position en jugeant que « si, en l’absence d’accord des parties, le sort des constructions élevées par le preneur est réglé à l’expiration du bail par l’article 555, alinéas 1 et 2 du code civil, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1964).

Aussi, pour la première chambre civile, en cas de conclusion d’une convention aux termes de laquelle le propriétaire autorise son cocontractant à effectuer des constructions ou des plantations sur son fonds, son droit d’accession qui opère, en principe, progressivement à mesure de leur réalisation, sera différé.

Tant que la convention n’a pas expiré, le propriétaire des constructions et des plantations demeure donc, non pas le propriétaire du sol, mais bien le preneur.

Il est indifférent que la convention conclue confère au preneur un droit personnel de jouissance ou un droit réel. Ce qui importe c’est qu’elle l’autorise à occuper la partie du fonds sur laquelle sont élevés l’ouvrage ou les plantations et qu’elle ne comporte aucune clause interdisant cette modalité d’exploitation du fonds.

L’accession différée a pour conséquence, outre de reconnaître au preneur ou à l’usufruitier, la propriété des constructions et plantations qu’il a élevés sur le fonds, de l’autoriser à constituer des hypothèques et plus généralement à accomplir sur elles tout acte de disposition qu’il jugera utile.

À l’expiration du droit de jouissance – réel ou personnel – du propriétaire des ouvrages leur propriété reviendra, en tout état de cause, au propriétaire du sol par voie d’accession laquelle a seulement été différé et non écartée.

Une difficulté est susceptible de survenir en cas de prolongation du terme de la jouissance et plus particulièrement lorsque cette prolongation consistera en un renouvellement du bail.

Une application stricte des règles qui encadrent la durée des conventions, devrait conduire à distinguer selon que la convention conclue entre le propriétaire du fonds et le constructeur a fait l’objet d’une prorogation de son terme ou d’un renouvellement.

==> L’accession écartée

Tout autant que l’accession peut être différée dans le temps par le jeu d’une convention conclue entre le propriétaire du sol et le constructeur, elle peut également être purement et simplement écartée.

Il s’agira pour le propriétaire du fonds de renoncer à son droit d’accession, ce qui, en somme, revient pour lui à aliéner une portion de son droit de propriété et plus précisément à consentir à l’occupant du sol un droit de superficie.

L’opération ne s’analyse pas ici en un démembrement du droit de propriété, ce qui consisterait à répartir les prérogatives attachées au droit de propriété (usus, fructus et abusus) entre plusieurs titulaires, mais à diviser l’objet même du droit de propriété.

Cette division de l’objet du droit de propriété procède de l’idée que le périmètre de la propriété d’un immeuble s’apparente à un « cône partant du centre de la terre pour aller vers les confins de l’atmosphère terrestre »[1].

Aussi, la division de la propriété immobilière peut être envisagée de deux manières :

S’agissant de la constitution du droit de superficie, il est admis depuis longtemps qu’il a pour effet de faire échec à la règle de l’accession qui n’est pas d’ordre public et qui, par conséquent, peut être aménagée.

Cette constitution qui opère donc une dissociation de l’immeuble, a pour effet d’attribuer la propriété de tout ce qui est élevé sur le sol au superficiaire, le sous-sol appartenant au tréfoncier.

Au fond, la particularité du droit de superficie est que son assiette est amputée du sous-sol, de sorte que coexistent de deux de propriété aux assiettes distinctes.

Ainsi, le droit de superficie procède de cette dissociation, laquelle conduit, comme l’observent des auteurs à « une superposition de droit réels distincts »[2].

C) Cas particulier de l’empiétement

Si l’article 555 du Code civil a vocation à régler un conflit de propriétés qui résulte de l’élévation d’un ouvrage ou de plantation sur un fonds par une personne autre que le propriétaire du sol, la question se pose de son application en cas d’empiétement de la construction sur le fonds voisin.

En la matière, il y a lieu de distinguer selon que l’empiétement est le fait de plantations ou d’un ouvrage

==> Les plantations

L’article 673, al. 1er dispose que « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. »

L’alinéa 2 poursuit en prévoyant que « si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. »

Tout d’abord, il ressort de ceux deux premiers alinéas du texte que l’arbre, même planté à distance réglementaire, ne doit pas empiéter sur le fonds voisin.

Dans un arrêt du 2 février 1982, la Cour de cassation a précisé que ce texte « l’article 673 du code civil n’est pas applicable aux fonds séparés par un chemin prive dont l’usage commun par les riverains ne saurait être limite à la circulation et au passage » (Cass. 3e civ. 2 févr. 1982, n°81-12532).

Ensuite, il convient ici de distinguer selon que ce sont les branches de la plantation qui empiètent ou des racines, ronces et brindilles.

Enfin, l’article 673 du Code civil pris en son alinéa 3 dispose que « le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible. »

Cela signifie que le propriétaire du fonds voisin peut toujours agir, quand bien même les plantations empiéteraient sur son terrain depuis plus de trente ans.

C’est là une différence avec l’article 672 qui pose que lorsque la prescription trentenaire est acquise les plantations qui ne respectent pas la distance requise par rapport à la ligne séparative ne peuvent plus être arrachées ou réduites.

Dans un arrêt du 16 janvier 1991, la Cour de cassation est venue préciser que l’acquisition par un arbre en application de l’article 672 du Code civil du droit d’être maintenu en place et en vie, ne saurait justifier « une restriction au droit imprescriptible du propriétaire, sur le fonds duquel s’étendent les branches des arbres du voisin, de contraindre ce dernier à couper ces branches » (Cass. 3e civ. 16 janv. 1991, n°89-13698).

En outre, dans un arrêt du 17 juillet 1975 la troisième chambre civile a affirmé que « si celui sur la propriété de qui avancent les branches des arbres du voisin, tient de l’article 673 du code civil le droit imprescriptible d’en réclamer l’élagage, le non-exercice de cette faculté, en l’absence de convention expresse, constitue une tolérance qui ne saurait caractériser une servitude dont la charge s’aggraverait avec les années » (Cass. 3e civ. 17 juill. 1975, n°74-11217).

Autrement dit, il ressort de cette décision que l’inaction du propriétaire du fonds sur lequel il est empiété ne saurait avoir pour effet de créer une servitude à sa charge, sauf à ce qu’une convention soit conclue avec le propriétaire du fonds voisin.

==> Les ouvrages

[1] W. Dross, « L’immeuble dans l’avant-projet de réforme du droit des biens », in L’immeuble et le droit privé, Lamy, coll. Axe Droit, 2012

[2] F. Terré et Ph Simler, Droit civil – Les biens, éd. Dalloz, 2007, n°947, p. 818.

[3] F. Rerré et Ph. Simler, Droit civil – Les Biens, éd. Dalloz, 2004, n°291, p239.

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