Le Droit dans tous ses états

LE DROIT DANS TOUS SES ETATS

De la distinction entre la condition suspensive et la condition résolutoire

I) Notion

Si, par principe, l’obligation est réputée exister dès l’échange des consentements, les parties peuvent subordonner sa création ou sa disparition à la réalisation d’un événement dont elles déterminent la teneur lors de la conclusion du contrat.

Cette modalité de l’obligation qui est susceptible d’affecter son existence est qualifiée de condition.

Introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, le nouvel article 1304 du Code civil prévoit que « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. »

La condition fait ainsi dépendre l’existence de l’obligation d’un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties (à tout le moins du débiteur), ce qui conduit à la distinguer d’une autre modalité de l’obligation : le terme.

II) La typologie des conditions

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, la typologie des conditions s’articulait autour de deux grandes distinctions qui tenaient respectivement à la nature de la condition et à ses effets.

==> La distinction (abandonnée) tenant à la nature de la condition

Cette distinction oppose les conditions casuelles, potestatives et mixtes

  • La condition casuelle
    • L’ancien article 1169 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend du hasard, et qui n’est nullement au pouvoir du créancier ni du débiteur. »
    • Ainsi, selon cette disposition, la condition casuelle est celle dont la réalisation est totalement indépendante de la volonté des parties
    • Elle peut dépendre de la survenance :
      • Soit du fait de la nature
      • Soit du fait d’un tiers
  • La condition potestative
    • L’ancien article 1170 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. »
    • La condition potestative constitue de la sorte l’exact opposé de la condition casuelle
    • Sa réalisation n’est nullement indépendante de la volonté des parties
    • Bien au contraire, elle dépend du pouvoir de l’une d’elles qui, discrétionnairement, peut décider de réaliser ou non la condition.
    • Au fond cette prérogative, que confère la condition potestative à l’une des parties, l’autorise à imposer à sa volonté à son cocontractant
    • Aussi, cela a-t-il conduit le législateur à distinguer deux hypothèses :
      • La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du débiteur
        • Dans cette hypothèse la condition potestative est nulle
      • La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du créancier
        • Dans cette hypothèse la condition potestative est valable
      • Parfois, il apparaîtra pour le moins délicat de déterminer si l’on est ou non présence d’une condition potestative, spécialement lorsqu’elle sera en concours avec la qualification de condition alternative.
  • La condition mixte
    • L’ancien article 1171 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers.»
    • Contrairement à la condition potestative, la condition mixte comporte un aléa puisque que sa réalisation dépend, pour partie, à la volonté d’un tiers.
    • Il en résulte qu’elle est pleinement valable.
      • Exemple: les parties subordonnent la réalisation d’une vente immobilière à l’obtention, par l’acquéreur, d’un prêt

Au total, si la distinction entre les conditions casuelles, potestatives et mixtes présente incontestablement un intérêt sur le plan théorique en ce qu’elle permet de mieux cerner les contours de la notion de condition, comme relevé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, elle demeure « dénuée de portée pratique ».

C’est la raison pour laquelle le législateur n’a pas souhaité conserver cette distinction

Aussi, en a-t-il profité pour mettre en avant celle tenant aux effets de la condition

==> La distinction (conservée) tenant aux effets de la condition

Cette distinction oppose deux sortes de conditions : la condition suspensive et la condition résolutoire.

  • La condition suspensive
    • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit, en son alinéa 2 que « la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. »
    • La condition suspensive est de la sorte celle qui suspend la naissance de l’obligation à la réalisation d’un événement futur et incertain.
    • Le rapport au Président de la République précise que « en présence d’une condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à l’accomplissement de cette condition : tant que la condition n’est pas réalisée, l’obligation conditionnelle n’existe qu’en germe, seul l’accomplissement de la condition rend l’obligation pure et simple».
    • Deux hypothèses sont alors envisageables :
      • La condition suspensive se réalise
        • L’obligation est confirmée dans sa création
        • Dès lors, le contrat devient efficace : il peut recevoir exécution
      • La condition suspensive ne se réalise pas
        • L’obligation est réputée n’avoir jamais existé
        • La conséquence en est que si elle constituait un élément essentiel du contrat, l’acte est frappé de caducité
  • La condition résolutoire
    • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit en son alinéa 3 que la condition « est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation.»
    • Ainsi, la condition résolutoire est celle qui, si elle se réalise, menace de disparition une obligation qui existe déjà.
    • Plus précisément, selon le rapport au Président de la République « en présence d’une condition résolutoire, l’obligation naît immédiatement et produit tous ses effets, mais son anéantissement est subordonné à l’accomplissement de la condition. »
      • Exemple :
        • Les parties prévoient que, en cas de nom paiement du loyer à une échéance déterminée, le bail est résilié de plein droit

Pour conclure, la distinction entre la condition suspensive et la condition résolutoire tient au fond à ce que « dans le premier cas, l’obligation est provisoirement inefficace, mais son efficacité peut résulter rétroactivement de la réalisation de la condition, tandis que dans le second, elle est provisoirement efficace, mais peut être rétroactivement anéantie si la condition se réalise »[1]

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, éd. Dalloz 2007, coll. « précis », n°1221, p. 1161-1162.

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