Le Droit dans tous ses états

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L’erreur sur la valeur et réforme des obligations

Les erreurs indifférences peuvent être classées en quatre catégories

  • L’erreur sur les qualités non-essentielles de la prestation
  • L’erreur sur les qualités essentielles de la personne lorsque le contrat n’est pas conclu en considération de cette dernière
  • L’erreur sur les motifs
  • L’erreur sur la valeur

Nous nous focaliserons ici sur l’erreur sur la valeur.

?Principe

L’article 1136 du Code civil prévoit que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité. »

L’erreur sur la valeur doit donc être entendue comme l’erreur sur l’évaluation économique de l’objet du contrat

Exemple : l’erreur sur la valeur se rapporte à l’hypothèse où une partie se rend compte que le prix de la prestation qui lui a été fournie est trop élevé.

Bien que l’erreur sur la valeur consiste en un décalage entre la croyance de l’errans et la réalité, ce déséquilibre objectif des prestations ne constitue cependant pas une cause de nullité du contrat.

Si le législateur avait adopté la solution inverse, cela serait revenu à admettre la lésion.

Or conformément à l’article 1168 du Code civil « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement. ».

La solution retenue en l’espèce est conforme à la jurisprudence antérieure qui a toujours refusé de reconnaître l’erreur sur la valeur (V. en ce sens Cass. req., 17 mai 1832 ; Cass. 3e civ., 31 mars 2005, n°03-20.096).

?Exception : l’erreur sur la rentabilité

En principe, lorsque l’erreur porte sur sa rentabilité de l’opération, soit sur son aptitude à procurer les avantages économiques que l’on en attend, elle devrait être indifférente, car cela revient à porter une appréciation de la valeur de la prestation fournie.

Dans un arrêt du 31 mars 2005 la Cour de cassation a estimé en ce sens que « l’appréciation erronée de la rentabilité économique de l’opération n’était pas constitutive d’une erreur sur la substance de nature à vicier le consentement de la SCI à qui il appartenait d’apprécier la valeur économique et les obligations qu’elle souscrivait » (Cass. 3e civ., 31 mars 2005, n°03-20.096).

Toutefois, dans un arrêt du 4 octobre 2011, la Cour de cassation a reproché à une Cour d’appel qui « après avoir constaté que les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire » de n’avoir pas recherché « si ces circonstances ne révélaient pas, même en l’absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise » (Cass. com. 4 oct. 2011, n°10-20.956).

Autrement dit, pour la Cour de cassation, l’erreur commise par le franchisé s’apparentait en l’espèce, non pas à une simple erreur sur la valeur de l’opération, mais à une erreur sur les qualités essentielles du contrat de franchise qui, par nature, a vocation à procurer à son bénéficiaire une certaine rentabilité.

Ainsi, lorsque la rentabilité est inhérente à l’opération, la haute juridiction considère que l’erreur s’apparente, en réalité, à une erreur sur les qualités essentielles de la chose, de sorte qu’elle constitue une cause de nullité.

Cass. com. 4 oct. 2011

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l’article 1110 du code civil ;

Attendu selon l’arrêt attaqué, que la société Equip’buro 59 a conclu avec la société Sodecob un contrat de franchise pour l’exploitation de son fonds de commerce sous l’enseigne “Bureau center”, impliquant l’adhésion à une coopérative de commerçants détaillants indépendants, constituée par la société Majuscule ; que les résultats obtenus, très inférieurs aux prévisions transmises par le franchiseur, ont conduit rapidement à la mise en liquidation judiciaire de la société Equip’buro 59, M. X… étant désigné liquidateur ; que ce dernier, agissant ès qualités, a demandé la nullité du contrat de franchise et la condamnation solidaire des sociétés Sodecob et Majuscule au paiement de dommages-intérêts, en invoquant, notamment, l’insuffisance de l’information précontractuelle fournie au franchisé ;

Attendu que pour rejeter la demande d’annulation fondée sur l’erreur commise par le franchisé lors de la conclusion du contrat, l’arrêt retient que les insuffisances ponctuelles dans la documentation fournie ne peuvent être regardées, à les supposer établies, comme un élément essentiel dont la révélation eût été susceptible de conduire la société Equip Buro 59 à ne pas conclure le contrat, qu’en sa qualité de professionnel averti du commerce qui avait exercé pendant plus de vingt ans dans le domaine de la grande distribution, son dirigeant se devait d’apprécier la valeur et la faisabilité des promesses de rentabilité qui lui avaient été faites dans la mesure où celles-ci ne pouvaient comporter de la part du promettant aucune obligation de résultat, que le seul fait qu’un écart soit effectivement apparu entre les prévisions de chiffre d’affaires telles qu’indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l’exploitation poursuivie par la société Equip’buro 59 ne saurait être démonstratif, à lui seul, de l’insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par le franchiseur, lequel n’avait pas à garantir la réalisation de quelconques prévisions comptables et qu’il s’ensuit que M. X…, ès qualités, ne rapporte la preuve d’aucun dol ni d’aucune erreur de nature à justifier sa demande ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, après avoir constaté que les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire, sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas, même en l’absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes de nullité et d’octroi de dommages-intérêts formées par M. X…, ès qualités, l’arrêt rendu le 19 mai 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

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