Représentation: le détournement de pouvoir

Quid de la sanction dans l’hypothèse où le représentant a agi en dépassement de son pouvoir, voire en le détournant ?

Les articles 1156 et 1157 du Code civil invitent à distinguer le défaut ou dépassement de pouvoir de son détournement. Nous nous focaliserons ici sur le second cas.

1. Détournement de pouvoir vs dépassement de pouvoir

L’article 1157 du Code civil établit une distinction entre le dépassement de pouvoir et le détournement de pouvoir, deux notions qu’il convient de ne pas confondre.

  • Le dépassement de pouvoir se produit lorsque le représentant agit au-delà des limites de son mandat ou des pouvoirs qui lui ont été conférés. Il outrepasse ses attributions, ce qui entraîne une inopposabilité de l’acte au représenté (art. 1156 C. civ.).
  • Le détournement de pouvoir, en revanche, survient lorsque le représentant reste formellement dans le cadre de ses pouvoirs, mais agit dans un intérêt personnel au détriment du représenté. Il utilise les pouvoirs qui lui sont confiés pour servir ses propres intérêts ou ceux d’un tiers, et non ceux du représenté.

Ainsi, le dépassement de pouvoir est une question de limites objectives, tandis que le détournement de pouvoir repose sur une appréciation subjective des intentions du représentant. Ce dernier peut, en apparence, respecter ses prérogatives, mais en réalité, il en abuse pour satisfaire des intérêts contraires à ceux du représenté.

Exemple :

Un dirigeant de société disposant du pouvoir de vendre un bien immobilier de l’entreprise décide de le céder à une société dont il est secrètement actionnaire, à un prix inférieur à sa valeur réelle. L’acte de vente reste dans les limites de son pouvoir, mais il est détourné de sa finalité légitime pour servir un intérêt personnel.

L’article 1157 du Code civil permet au représenté de demander l’annulation de l’acte, mais sous une condition essentielle : le tiers contractant doit avoir eu connaissance du détournement ou, à tout le moins, ne pouvait l’ignorer. Ce dispositif vise à protéger les tiers de bonne foi tout en permettant au représenté d’obtenir réparation en cas d’abus manifeste.

2. Les conditions de la nullité pour détournement de pouvoir

Pour qu’un acte entaché de détournement de pouvoir soit annulé, l’article 1157 du Code civil exige la réunion de deux conditions cumulatives. Il ne suffit pas d’établir l’intention frauduleuse du représentant : encore faut-il que le tiers contractant ait eu connaissance de cette manœuvre ou qu’il ne puisse légitimement l’ignorer.

==>Un acte accompli au détriment du représenté

La première condition tient à la nécessité de démontrer que l’acte accompli par le représentant a causé un préjudice réel au représenté.

Deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Un acte conclu dans l’intérêt exclusif du représentant
    • Lorsque le représentant agit exclusivement pour son propre intérêt, le préjudice du représenté est en principe présumé.
    • L’intention frauduleuse est manifeste lorsque, par exemple, un dirigeant cède un actif de la société à une entreprise dont il est secrètement actionnaire ou conclut un contrat de prestation avec une société lui appartenant.
    • Dans ce cas, l’acte ne peut être justifié par une quelconque rationalité économique au bénéfice du représenté.
  • Un acte qui procure un avantage au représentant sans exclure celui du représenté
    • Si l’acte peut profiter aux deux parties, la preuve du détournement devient plus délicate.
    • Le seul fait que le représentant retire un avantage personnel ne suffit pas à établir l’existence d’un préjudice pour le représenté.
    • Il faudra prouver que :
      • L’acte aurait pu être conclu à des conditions plus favorables pour le représenté.
      • L’intérêt du représenté a été sacrifié au profit du représentant, soit en raison d’un prix anormalement bas, soit par l’existence d’une clause particulièrement déséquilibrée.
      • Le choix du cocontractant résulte d’un favoritisme injustifié et ne correspond pas à une gestion normale des affaires du représenté.

Exemple :

Un directeur général d’une société choisit comme fournisseur une entreprise dont il détient des parts, mais cette dernière propose des prix concurrentiels et des prestations de qualité identique aux autres acteurs du marché. L’intérêt personnel du dirigeant est évident, mais cela ne suffit pas à caractériser un détournement de pouvoir, faute de preuve d’un préjudice réel pour la société.

==>La connaissance du détournement par le tiers contractant

La nullité d’un acte pour détournement de pouvoir ne peut être demandée que si le tiers contractant avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer.

L’objectif de cette exigence est d’assurer la sécurité des transactions, en évitant qu’un acte régulièrement conclu puisse être remis en cause par le simple fait que le représentant ait poursuivi un intérêt personnel.

La connaissance du détournement peut être établie de deux manières :

  • Une connaissance avérée
    • Le tiers a été directement informé du conflit d’intérêts par le représentant ou par d’autres éléments probants (correspondances, échanges internes, clauses contractuelles ambiguës, etc.).
  • Une connaissance présumée
    • Le tiers contractant ne peut se prévaloir de sa bonne foi si les circonstances étaient suffisamment évidentes pour qu’il ne puisse ignorer l’anormalité de la situation.
    • Cela peut être le cas lorsque :
      • L’acte a été conclu dans des conditions manifestement désavantageuses pour le représenté (prix dérisoire, absence de mise en concurrence, conditions contractuelles inhabituelles).
      • L’identité du cocontractant et son lien avec le représentant étaient connus.
      • Le tiers avait accès à des informations lui permettant d’identifier l’existence d’un détournement.

Exemple :

Si un investisseur acquiert un bien immobilier appartenant à une société, et que le prix de vente est manifestement sous-évalué par rapport aux prix du marché, il ne pourra prétendre ignorer que le représentant a agi en détournant ses pouvoirs.

En revanche, si le tiers prouve qu’il était de bonne foi et qu’il ignorait totalement l’existence d’un détournement de pouvoir, l’acte ne pourra pas être annulé. Dans ce cas, le représenté disposera uniquement d’un recours en responsabilité contre le représentant pour obtenir réparation de son préjudice.

Ainsi, la nullité de l’acte n’est pas automatique en cas de détournement de pouvoir : elle est conditionnée à la preuve de la mauvaise foi du tiers contractant.

3. Les sanctions du détournement de pouvoir

L’acte conclu par un représentant qui détourne ses pouvoirs ne reste pas sans conséquence. Deux types de sanctions sont envisageables : la nullité de l’acte et la mise en jeu de la responsabilité des parties impliquées.

a. L’annulation de l’acte irrégulier

Si les conditions posées par l’article 1157 du Code civil sont remplies, l’acte entaché de détournement de pouvoir peut être annulé. Cette nullité est relative, ce qui signifie qu’elle est réservée au seul représenté, qui pourra l’invoquer pour se libérer des obligations découlant de l’acte irrégulier.

L’annulation a pour effet d’anéantir rétroactivement l’acte, mais si celui-ci a déjà été exécuté (par exemple, si un bien a été vendu et livré), des restitutions seront nécessaires. Ces restitutions peuvent s’avérer complexes, en particulier si le bien a été cédé à un tiers de bonne foi.

b. La responsabilité du représentant

Le détournement de pouvoir constitue une faute, engageant la responsabilité du représentant à l’égard du représenté. Selon la nature du pouvoir exercé, cette responsabilité peut être de deux ordres :

  • Responsabilité contractuelle : lorsque le pouvoir du représentant découle d’un contrat (mandat, délégation de pouvoir, contrat de travail), le détournement constitue une violation des obligations contractuelles. Le représenté pourra alors demander réparation sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.
  • Responsabilité délictuelle : lorsque le représentant tient ses pouvoirs de la loi ou des statuts d’une société, son détournement constitue une faute extra-contractuelle engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Dans tous les cas, le représenté pourra réclamer une indemnisation à hauteur du préjudice subi, qui peut inclure la perte financière directe, les dommages indirects, et parfois des dommages-intérêts complémentaires.

c. La responsabilité du tiers contractant

Lorsque le tiers contractant a participé activement au détournement de pouvoir, il peut également voir sa responsabilité engagée. Cette complicité peut être caractérisée si le tiers :

  • Était informé du détournement et a néanmoins conclu l’acte.
  • A collaboré avec le représentant dans le but de nuire au représenté.
  • A tiré un avantage indu de la situation en exploitant la fraude du représentant.

Dans ces cas, le tiers peut être condamné à indemniser le représenté du préjudice subi.

d. La sanction pénale du détournement de pouvoir

Dans certaines circonstances, le détournement de pouvoir peut constituer une infraction pénale. En particulier :

  • L’abus de confiance (article 314-1 du Code pénal), qui sanctionne toute personne détournant des biens ou des droits qui lui ont été confiés.
  • L’abus de biens sociaux (articles L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce), lorsque le dirigeant d’une société utilise les ressources de celle-ci à des fins personnelles.

Si le détournement de pouvoir présente une gravité suffisante, il peut donner lieu à des poursuites pénales et à des sanctions pouvant aller jusqu’à des peines d’emprisonnement et des amendes.

Représentation: le défaut ou dépassement de pouvoir

Lorsqu’un représentant agit sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, l’acte ainsi accompli ne saurait, en principe, produire d’effet à l’égard du représenté. L’article 1156 du Code civil prévoit à cet égard deux sanctions : l’inopposabilité de l’acte et sa nullité, à la discrétion du tiers contractant. Toutefois, ces sanctions peuvent être neutralisées par la ratification du représenté, mécanisme qui confère rétroactivement à l’acte sa pleine efficacité.

1. Les sanctions applicables: l’inopposabilité et la nullité de l’acte

a. L’inopposabilité de l’acte

Lorsqu’un représentant agit en dehors des limites du pouvoir qui lui a été conféré, l’acte qu’il conclut est privé d’effet à l’égard du représenté. Cette situation est expressément prévue par l’article 1156, alinéa 1er, du Code civil, qui énonce que « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté ».

L’inopposabilité se distingue des autres sanctions en ce qu’elle ne remet pas en cause la validité intrinsèque de l’acte. L’acte demeure en lui-même juridiquement valable, mais il ne peut être imposé au représenté. Cette solution s’inscrit dans une logique de protection du représenté, qui ne saurait être lié par un engagement contracté en dehors des limites qu’il avait fixées.

==>Principe: l’inefficacité de l’acte à l’égard du représenté

L’inopposabilité de l’acte emporte plusieurs conséquences :

  • Le représenté ne peut être contraint d’exécuter l’acte : l’acte, bien que conclu, ne produit aucun effet à son encontre. Il ne pourra être recherché en responsabilité pour inexécution du contrat, ni contraint d’honorer les obligations qui en résultent.
  • Le représentant demeure seul engagé : l’acte accompli par le représentant en dépassement de pouvoir ne disparaît pas juridiquement, mais il ne lie que celui qui l’a conclu. Ainsi, le représentant supporte seul les obligations contractuelles, sauf s’il parvient à démontrer que le tiers contractant connaissait l’absence de pouvoir.

À titre d’illustration, un dirigeant de société qui souscrirait un emprunt au nom de la société sans avoir reçu l’autorisation nécessaire ne saurait engager cette dernière. L’établissement prêteur ne pourra exiger le remboursement qu’à l’égard du dirigeant lui-même, à moins que la société ne ratifie l’acte.

L’inopposabilité ne doit pas être confondue avec la nullité. Alors que la nullité anéantit l’acte rétroactivement, l’inopposabilité en limite seulement les effets. Un acte frappé de nullité disparaît totalement de l’ordre juridique, tandis qu’un acte inopposable demeure valide, mais sans effet à l’égard du représenté. Cette distinction permet notamment au tiers contractant d’agir contre le représentant pour obtenir l’exécution forcée du contrat ou des dommages-intérêts.

b. L’exception au principe : le mandat apparent

L’inopposabilité de l’acte n’est pas absolue. Elle peut être écartée lorsque le tiers contractant a pu légitimement croire que le représentant disposait du pouvoir d’engager le représenté. Cette exception, fondée sur la théorie du mandat apparent, est consacrée par l’article 1156, alinéa 1er in fine, et trouve son origine dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

==>Le fondement du mandat apparent

Dans un célèbre arrêt d’Assemblée plénière du 13 décembre 1962 (Cass. ass. plén., 13 déc. 1962, n° 57-11.569), la Cour de cassation a reconnu que le représenté peut être tenu par un acte conclu sans pouvoir lorsque les circonstances ont légitimement conduit le tiers à croire que le représentant était habilité à agir en son nom.

Dans cette décision, il était question d’un dirigeant d’une banque qui avait souscrit un engagement de caution au nom de l’établissement sans disposer des pouvoirs nécessaires. La Cour de cassation a jugé que l’Administration des Domaines, cocontractante, avait pu légitimement croire en la validité de cet engagement, et qu’en conséquence, l’acte devait être maintenu.

L’arrêt retient une conception objectivée de la croyance légitime : il n’est pas nécessaire que le représenté ait commis une faute pour que son engagement soit maintenu. Ce qui importe, c’est que le tiers ait pu, sur la base d’éléments objectifs, considérer que le représentant disposait d’un pouvoir suffisant.

==>Les conditions de mise en œuvre du mandat apparent

L’application de la théorie du mandat apparent repose sur plusieurs conditions cumulatives :

  • Une apparence légitime de pouvoir
    • Le tiers doit pouvoir démontrer qu’il avait des raisons valables de croire que son cocontractant disposait bien du pouvoir de représenter la personne concernée.
    • L’apparence peut résulter :
      • De la fonction occupée par le représentant (ex. : un directeur financier concluant un contrat bancaire au nom de la société).
      • De pratiques antérieures acceptées sans contestation par le représenté.
      • De documents officiels ou communications laissant croire que le représentant disposait d’un pouvoir suffisant.
  • L’absence de faute ou de négligence du tiers
    • La croyance du tiers doit être légitime.
    • Si le tiers pouvait raisonnablement douter des pouvoirs du représentant, il lui appartenait de procéder aux vérifications nécessaires.
    • À cet égard, la réforme du droit des obligations a introduit une action interrogatoire permettant au tiers de demander confirmation des pouvoirs du représentant avant de conclure l’acte (C. civ., art. 1158).
  • Un comportement du représenté propre à entretenir l’apparence
    • Bien que la jurisprudence n’exige plus que le représenté ait volontairement contribué à l’erreur du tiers, son comportement doit néanmoins avoir favorisé cette croyance.
    • Par exemple, une entreprise qui laisserait systématiquement un salarié négocier et signer des contrats avec des fournisseurs pourrait se voir opposer le mandat apparent si elle refusait ensuite de reconnaître la validité d’un engagement pris par ce salarié.

==>Les effets du mandat apparent

Lorsque le mandat apparent est établi, l’acte devient opposable au représenté, comme s’il avait été conclu par un représentant dûment habilité. Ce dernier ne pourra plus invoquer le défaut ou le dépassement de pouvoir pour s’exonérer de l’exécution de l’acte.

Cependant, l’engagement du représenté ne signifie pas pour autant que le représentant est exonéré de toute responsabilité. Celui-ci pourra être poursuivi en responsabilité pour faute si son comportement a causé un préjudice au représenté.

c. La nullité de l’acte

L’article 1156, alinéa 2, du Code civil prévoit la nullité de l’acte à la main du tiers contractant lorsqu’il ignorait que l’acte avait été conclu sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir. Cette disposition marque une rupture avec la jurisprudence antérieure, qui réservait l’action en nullité au seul représenté.

La reconnaissance de ce droit au bénéfice du tiers s’inscrit dans une logique de protection contractuelle, lui permettant d’obtenir réparation face à une situation qu’il n’a pas pu anticiper.

i. Une sanction laissée à la discrétion du tiers contractant

L’article 1156, alinéa 2, confère au tiers contractant une faculté de choix entre deux options en cas de défaut ou de dépassement de pouvoir du représentant :

  • Option 1 : Demander l’exécution du contrat
    • Le tiers peut choisir de maintenir l’acte, en le rendant opposable au seul représentant.
    • Dans cette hypothèse, le représentant, qui a agi sans pouvoir, reste seul tenu des obligations contractuelles.
    • Il peut donc être contraint d’exécuter le contrat ou de verser des dommages-intérêts en cas d’inexécution.
  • Option 2 : Invoquer la nullité de l’acte
    • À l’inverse, le tiers peut demander l’anéantissement rétroactif de l’acte, comme s’il n’avait jamais existé.
    • Cette solution lui permet de se dégager de l’engagement pris et d’éviter d’être lié par un contrat qu’il n’aurait pas conclu en connaissance de cause.

Ce pouvoir d’option confère une sécurité juridique accrue aux tiers, en leur laissant la possibilité de choisir la sanction la plus conforme à leurs intérêts. Il s’agit d’un renforcement significatif de leur protection, notamment dans des situations où ils se retrouvent engagés par un acte irrégulier sans en avoir eu conscience.

Exemple :

Un fournisseur conclut un contrat de prestation de services avec un dirigeant de société qui, en réalité, n’avait pas reçu d’habilitation statutaire pour engager l’entreprise.

Si le fournisseur découvre ultérieurement cette irrégularité, il pourra :

  • Soit exiger du dirigeant personnellement l’exécution du contrat ;
  • Soit invoquer la nullité du contrat et réclamer des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

ii. La fin de la solution jurisprudentielle antérieure

Avant la réforme de 2016, la jurisprudence réservait l’action en nullité au seul représenté, considérant que seul ce dernier avait intérêt à agir en raison de l’irrégularité du pouvoir de représentation.

==>La position antérieure de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 2 novembre 2005 (Cass. 1re civ., 2 nov. 2005, n° 02-14.614), la Cour de cassation avait jugé que la nullité d’un contrat conclu en l’absence de pouvoir du mandataire était une nullité relative, qui ne pouvait être invoquée que par le représenté.

Cette solution reposait sur une interprétation stricte de la nullité relative, considérée comme une sanction protectrice d’un intérêt individuel, en l’occurrence celui du représenté. Le tiers contractant, lui, ne pouvait se prévaloir de l’irrégularité du pouvoir, quand bien même il aurait été trompé sur la capacité du représentant à agir.

Conséquence : avant la réforme, un tiers qui ignorait que l’acte avait été conclu sans pouvoir ne pouvait pas demander la nullité. Il devait attendre que le représenté invoque lui-même l’irrégularité pour voir l’acte anéanti. Cette situation était particulièrement préjudiciable au tiers, qui pouvait se retrouver engagé malgré son ignorance.

==>L’inflexion opérée par l’article 1156 du Code civil

Le législateur a choisi d’inverser cette logique en donnant au tiers la possibilité d’agir directement en nullité lorsqu’il ignorait l’absence de pouvoir du représentant.

Cette solution se justifie pleinement :

  • Le tiers est le premier affecté par l’irrégularité
    • Dans la majorité des cas, c’est le tiers qui a un intérêt direct à voir l’acte annulé, puisqu’il a contracté dans une croyance erronée.
    • Il est donc cohérent de lui permettre d’agir pour protéger ses intérêts.
  • Un renforcement de la sécurité contractuelle
    • En lui laissant le choix entre l’inopposabilité et la nullité, le tiers n’est plus tributaire de la volonté du représenté pour obtenir réparation.
    • Il dispose d’une véritable autonomie d’action.
  • Une cohérence avec l’évolution du droit des obligations
    • La réforme de 2016 a visé à renforcer la protection des contractants de bonne foi et à éviter les déséquilibres dans les relations contractuelles.
    • Accorder au tiers le droit d’agir en nullité s’inscrit dans cette logique.

iii. Les effets de la nullité

Lorsque le tiers exerce son option pour la nullité, l’acte est anéanti rétroactivement, comme s’il n’avait jamais existé. Cette conséquence implique plusieurs effets :

  • L’anéantissement de toutes les obligations contractuelles
    • Aucune des parties ne peut plus se prévaloir des engagements contractuels.
    • Si des prestations ont déjà été exécutées, elles doivent être restituées.
  • Le retour au statu quo ante
    • La nullité a un effet rétroactif : chaque partie doit être replacée dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat.
    • En cas d’impossibilité de restitution en nature, une indemnisation peut être envisagée.
  • La responsabilité du représentant fautif
    • Lorsque l’acte est annulé, le représentant qui a contracté sans pouvoir peut être tenu de réparer le préjudice subi par le tiers contractant.
    • Cette responsabilité repose sur une faute dans l’exercice de la représentation.

Exemple :

Un salarié négocie et signe un contrat de fourniture au nom de son entreprise alors qu’il n’a pas été habilité à le faire.

  • Si le fournisseur ignorait cette irrégularité, il pourra demander la nullité du contrat et exiger une indemnisation du préjudice subi.
  • Le salarié, en tant que représentant fautif, pourra être tenu de verser des dommages-intérêts pour avoir induit le tiers en erreur.

2. Le remède aux sanctions: la ratification de l’acte

L’article 1156, alinéa 3, du Code civil prévoit une solution permettant de corriger a posteriori un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir par le représentant : la ratification.

Ce mécanisme permet au représenté, s’il le souhaite, d’approuver rétroactivement l’acte irrégulier, lui conférant ainsi la même efficacité juridique que s’il avait été valablement conclu dès l’origine.

L’objectif de cette disposition est double :

  • Protéger le représenté, en lui laissant le choix de valider ou non l’acte accompli en son nom sans respecter les règles de la représentation.
  • Préserver la sécurité juridique, en évitant qu’un simple dépassement de pouvoir n’entraîne systématiquement l’invalidité de l’acte, ce qui pourrait compromettre les relations contractuelles avec les tiers.

Ainsi, la ratification neutralise rétroactivement l’irrégularité initiale, permettant de considérer que l’acte a toujours été valable, comme si le représentant avait agi dès le départ dans les limites de ses pouvoirs.

a. Notion de ratification

La ratification est un acte unilatéral par lequel le représenté décide d’approuver rétroactivement un acte accompli sans pouvoir ou au-delà des pouvoirs conférés au représentant. Elle vise à régulariser une situation qui, à l’origine, était irrégulière en raison d’un défaut de représentation.

En conséquence, l’acte devient pleinement valable et opposable au représenté, comme si le représentant avait agi dans les limites de ses pouvoirs dès l’origine.

La ratification ne doit pas être confondue avec la confirmation, bien que ces deux notions visent à valider des actes irréguliers.

 

Critères Ratification Confirmation
Objet Acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir Acte entaché d’une nullité relative pour irrégularité de fond ou de forme
Effet Rend l’acte opposable au représenté Éteint la possibilité d’invoquer la nullité
Texte applicable Article 1156, alinéa 3, du Code civil Article 1182 du Code civil
Effet rétroactif? Oui, l’acte produit ses effets depuis son origine Pas nécessairement, la confirmation peut ne produire effet qu’à compter de son accomplissement

 

L’enjeu de cette distinction est fondamental : la ratification lie le représenté à l’égard des tiers, alors que la confirmation concerne uniquement les parties au contrat.

b. Conditions et modalités de la ratification

L’article 1156 du Code civil est silencieux sur les conditions de ratification d’un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de les définir.

==>Une manifestation de volonté claire et non équivoque

La ratification suppose que le représenté exprime de manière claire et indiscutable son intention de valider l’acte irrégulier. Cette expression peut être expresse ou tacite.

  • Ratification expresse : elle résulte d’une déclaration formelle du représenté, par écrit ou oralement. Il peut s’agir d’un courrier, d’un email ou d’un acte signé dans lequel le représenté accepte l’acte accompli en son nom.
  • Ratification tacite : elle découle du comportement du représenté, qui laisse supposer sans ambiguïté qu’il accepte l’acte irrégulier.

Dans un arrêt du 17 janvier 2018, la Cour de cassation a considéré qu’une exécution volontaire d’un contrat irrégulier valait ratification implicite (Cass. com., 17 janv. 2018, n°16-22.285).

Ainsi, si une société commence à exécuter un contrat signé par un dirigeant sans pouvoir (paiement, livraison, mise en œuvre des obligations), elle est réputée avoir ratifié ce contrat, même en l’absence d’un accord écrit formel.

Toutefois, en simple silence ne saurait, en principe, valoir ratification. Certaines décisions ont néanmoins admis qu’un silence prolongé, combiné à d’autres éléments, pouvait être interprété comme une acceptation tacite.

==>Un consentement libre et éclairé

La ratification ne produit d’effet que si le représenté a donné son accord en toute connaissance de cause. Cela implique :

  • L’information du représenté sur l’irrégularité de l’acte : il doit être conscient que l’acte a été accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir.
  • L’absence de vice du consentement : si le représenté a été victime d’une erreur, d’un dol ou d’une violence, la ratification pourrait être contestée et déclarée nulle.

Pour exemple, si un dirigeant approuve un contrat en pensant que le représentant avait les pouvoirs nécessaires alors que ce n’était pas le cas, et qu’il découvre plus tard qu’il a été trompé, il pourrait tenter d’annuler sa ratification pour vice du consentement.

==>L’absence d’exigence de forme

L’article 1156 du Code civil ne prévoit aucune exigence formelle pour la ratification. En conséquence :

  • Elle peut être expresse ou tacite.
  • Aucun formalisme particulier n’est requis : une lettre, un email, un simple acte d’exécution suffisent à établir la ratification.
  • La charge de la preuve incombe à celui qui invoque la ratification.

Il peut être observé que certaines décisions ont admis qu’un commencement d’exécution pouvait suffire à caractériser une ratification tacite. Toutefois, la doctrine reste partagée sur ce point : certains auteurs considèrent que la volonté du représenté doit être non équivoque, ce qui exclurait toute ratification purement passive.

c. Les effets de la ratification

==>L’effet rétroactif de la ratification

La ratification d’un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir produit, en principe, un effet rétroactif. Elle a pour conséquence de neutraliser l’irrégularité initiale et de conférer à l’acte une validité rétroactive, comme si le représentant avait disposé des pouvoirs nécessaires dès l’origine.

Autrement dit, l’acte est réputé avoir été régulièrement conclu dès le jour de sa formation, et non à partir du moment où la ratification intervient. Cette rétroactivité permet de consolider la relation contractuelle en corrigeant l’irrégularité initiale sans remettre en cause la continuité de l’accord.

Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et peut être contestée dans certaines situations, notamment lorsque des tiers de bonne foi ont fondé leurs décisions sur l’irrégularité apparente de l’acte.

Par exemple, si un tiers contracte avec un représentant dépourvu de pouvoir et apprend ensuite que le représenté refuse de ratifier l’acte, il peut légitimement ajuster sa position (résiliation du contrat, engagement avec un autre partenaire, etc.). Si la ratification intervient trop tard, alors que le tiers a déjà pris des décisions en se basant sur l’irrégularité de l’acte, la question de la protection de sa confiance légitime peut se poser.

Dans une telle hypothèse, la doctrine s’interroge sur l’opposabilité de la ratification au tiers. Certains auteurs estiment qu’un équilibre doit être trouvé entre le principe de rétroactivité de la ratification et la protection des intérêts des tiers, notamment lorsqu’ils ont subi un préjudice en raison du retard de la régularisation.

==>L’irrévocabilité de la ratification

Une fois que le représenté a ratifié l’acte, cette décision est définitive et ne peut être remise en cause. Contrairement à une simple approbation provisoire, la ratification scelle irrévocablement la validation de l’acte irrégulier.

Cette irrévocabilité repose sur une logique de sécurité juridique : permettre au représenté de revenir sur une ratification créerait une incertitude inacceptable pour les parties contractantes. Ainsi, une fois que le représenté a explicitement ou implicitement accepté l’acte, il ne peut plus contester sa validité ni refuser d’en exécuter les obligations.

Toutefois, si la ratification a été obtenue sous l’effet d’un vice du consentement, tel que l’erreur, le dol ou la violence, elle pourra être remise en cause. Dans ce cas, le représenté pourrait invoquer l’annulation de la ratification en démontrant qu’il a été trompé ou contraint au moment où il a donné son accord.

La sanction du dépassement et du détournement de pouvoir

Quid de la sanction dans l’hypothèse où le représentant a agi en dépassement de son pouvoir, voire en le détournant ?

Les articles 1156 et 1157 du Code civil invitent à distinguer le défaut ou dépassement de pouvoir de son détournement.

A) La sanction du défaut ou dépassement de pouvoir

Lorsqu’un représentant agit sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, l’acte ainsi accompli ne saurait, en principe, produire d’effet à l’égard du représenté. L’article 1156 du Code civil prévoit à cet égard deux sanctions : l’inopposabilité de l’acte et sa nullité, à la discrétion du tiers contractant. Toutefois, ces sanctions peuvent être neutralisées par la ratification du représenté, mécanisme qui confère rétroactivement à l’acte sa pleine efficacité.

1. Les sanctions applicables: l’inopposabilité et la nullité de l’acte

a. L’inopposabilité de l’acte

Lorsqu’un représentant agit en dehors des limites du pouvoir qui lui a été conféré, l’acte qu’il conclut est privé d’effet à l’égard du représenté. Cette situation est expressément prévue par l’article 1156, alinéa 1er, du Code civil, qui énonce que « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté ».

L’inopposabilité se distingue des autres sanctions en ce qu’elle ne remet pas en cause la validité intrinsèque de l’acte. L’acte demeure en lui-même juridiquement valable, mais il ne peut être imposé au représenté. Cette solution s’inscrit dans une logique de protection du représenté, qui ne saurait être lié par un engagement contracté en dehors des limites qu’il avait fixées.

==>Principe: l’inefficacité de l’acte à l’égard du représenté

L’inopposabilité de l’acte emporte plusieurs conséquences :

  • Le représenté ne peut être contraint d’exécuter l’acte : l’acte, bien que conclu, ne produit aucun effet à son encontre. Il ne pourra être recherché en responsabilité pour inexécution du contrat, ni contraint d’honorer les obligations qui en résultent.
  • Le représentant demeure seul engagé : l’acte accompli par le représentant en dépassement de pouvoir ne disparaît pas juridiquement, mais il ne lie que celui qui l’a conclu. Ainsi, le représentant supporte seul les obligations contractuelles, sauf s’il parvient à démontrer que le tiers contractant connaissait l’absence de pouvoir.

À titre d’illustration, un dirigeant de société qui souscrirait un emprunt au nom de la société sans avoir reçu l’autorisation nécessaire ne saurait engager cette dernière. L’établissement prêteur ne pourra exiger le remboursement qu’à l’égard du dirigeant lui-même, à moins que la société ne ratifie l’acte.

L’inopposabilité ne doit pas être confondue avec la nullité. Alors que la nullité anéantit l’acte rétroactivement, l’inopposabilité en limite seulement les effets. Un acte frappé de nullité disparaît totalement de l’ordre juridique, tandis qu’un acte inopposable demeure valide, mais sans effet à l’égard du représenté. Cette distinction permet notamment au tiers contractant d’agir contre le représentant pour obtenir l’exécution forcée du contrat ou des dommages-intérêts.

b. L’exception au principe : le mandat apparent

L’inopposabilité de l’acte n’est pas absolue. Elle peut être écartée lorsque le tiers contractant a pu légitimement croire que le représentant disposait du pouvoir d’engager le représenté. Cette exception, fondée sur la théorie du mandat apparent, est consacrée par l’article 1156, alinéa 1er in fine, et trouve son origine dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

==>Le fondement du mandat apparent

Dans un célèbre arrêt d’Assemblée plénière du 13 décembre 1962 (Cass. ass. plén., 13 déc. 1962, n° 57-11.569), la Cour de cassation a reconnu que le représenté peut être tenu par un acte conclu sans pouvoir lorsque les circonstances ont légitimement conduit le tiers à croire que le représentant était habilité à agir en son nom.

Dans cette décision, il était question d’un dirigeant d’une banque qui avait souscrit un engagement de caution au nom de l’établissement sans disposer des pouvoirs nécessaires. La Cour de cassation a jugé que l’Administration des Domaines, cocontractante, avait pu légitimement croire en la validité de cet engagement, et qu’en conséquence, l’acte devait être maintenu.

L’arrêt retient une conception objectivée de la croyance légitime : il n’est pas nécessaire que le représenté ait commis une faute pour que son engagement soit maintenu. Ce qui importe, c’est que le tiers ait pu, sur la base d’éléments objectifs, considérer que le représentant disposait d’un pouvoir suffisant.

==>Les conditions de mise en œuvre du mandat apparent

L’application de la théorie du mandat apparent repose sur plusieurs conditions cumulatives :

  • Une apparence légitime de pouvoir
    • Le tiers doit pouvoir démontrer qu’il avait des raisons valables de croire que son cocontractant disposait bien du pouvoir de représenter la personne concernée.
    • L’apparence peut résulter :
      • De la fonction occupée par le représentant (ex. : un directeur financier concluant un contrat bancaire au nom de la société).
      • De pratiques antérieures acceptées sans contestation par le représenté.
      • De documents officiels ou communications laissant croire que le représentant disposait d’un pouvoir suffisant.
  • L’absence de faute ou de négligence du tiers
    • La croyance du tiers doit être légitime.
    • Si le tiers pouvait raisonnablement douter des pouvoirs du représentant, il lui appartenait de procéder aux vérifications nécessaires.
    • À cet égard, la réforme du droit des obligations a introduit une action interrogatoire permettant au tiers de demander confirmation des pouvoirs du représentant avant de conclure l’acte (C. civ., art. 1158).
  • Un comportement du représenté propre à entretenir l’apparence
    • Bien que la jurisprudence n’exige plus que le représenté ait volontairement contribué à l’erreur du tiers, son comportement doit néanmoins avoir favorisé cette croyance.
    • Par exemple, une entreprise qui laisserait systématiquement un salarié négocier et signer des contrats avec des fournisseurs pourrait se voir opposer le mandat apparent si elle refusait ensuite de reconnaître la validité d’un engagement pris par ce salarié.

==>Les effets du mandat apparent

Lorsque le mandat apparent est établi, l’acte devient opposable au représenté, comme s’il avait été conclu par un représentant dûment habilité. Ce dernier ne pourra plus invoquer le défaut ou le dépassement de pouvoir pour s’exonérer de l’exécution de l’acte.

Cependant, l’engagement du représenté ne signifie pas pour autant que le représentant est exonéré de toute responsabilité. Celui-ci pourra être poursuivi en responsabilité pour faute si son comportement a causé un préjudice au représenté.

c. La nullité de l’acte

L’article 1156, alinéa 2, du Code civil prévoit la nullité de l’acte à la main du tiers contractant lorsqu’il ignorait que l’acte avait été conclu sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir. Cette disposition marque une rupture avec la jurisprudence antérieure, qui réservait l’action en nullité au seul représenté.

La reconnaissance de ce droit au bénéfice du tiers s’inscrit dans une logique de protection contractuelle, lui permettant d’obtenir réparation face à une situation qu’il n’a pas pu anticiper.

i. Une sanction laissée à la discrétion du tiers contractant

L’article 1156, alinéa 2, confère au tiers contractant une faculté de choix entre deux options en cas de défaut ou de dépassement de pouvoir du représentant :

  • Option 1 : Demander l’exécution du contrat
    • Le tiers peut choisir de maintenir l’acte, en le rendant opposable au seul représentant.
    • Dans cette hypothèse, le représentant, qui a agi sans pouvoir, reste seul tenu des obligations contractuelles.
    • Il peut donc être contraint d’exécuter le contrat ou de verser des dommages-intérêts en cas d’inexécution.
  • Option 2 : Invoquer la nullité de l’acte
    • À l’inverse, le tiers peut demander l’anéantissement rétroactif de l’acte, comme s’il n’avait jamais existé.
    • Cette solution lui permet de se dégager de l’engagement pris et d’éviter d’être lié par un contrat qu’il n’aurait pas conclu en connaissance de cause.

Ce pouvoir d’option confère une sécurité juridique accrue aux tiers, en leur laissant la possibilité de choisir la sanction la plus conforme à leurs intérêts. Il s’agit d’un renforcement significatif de leur protection, notamment dans des situations où ils se retrouvent engagés par un acte irrégulier sans en avoir eu conscience.

Exemple :

Un fournisseur conclut un contrat de prestation de services avec un dirigeant de société qui, en réalité, n’avait pas reçu d’habilitation statutaire pour engager l’entreprise.

Si le fournisseur découvre ultérieurement cette irrégularité, il pourra :

  • Soit exiger du dirigeant personnellement l’exécution du contrat ;
  • Soit invoquer la nullité du contrat et réclamer des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

ii. La fin de la solution jurisprudentielle antérieure

Avant la réforme de 2016, la jurisprudence réservait l’action en nullité au seul représenté, considérant que seul ce dernier avait intérêt à agir en raison de l’irrégularité du pouvoir de représentation.

==>La position antérieure de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 2 novembre 2005 (Cass. 1re civ., 2 nov. 2005, n° 02-14.614), la Cour de cassation avait jugé que la nullité d’un contrat conclu en l’absence de pouvoir du mandataire était une nullité relative, qui ne pouvait être invoquée que par le représenté.

Cette solution reposait sur une interprétation stricte de la nullité relative, considérée comme une sanction protectrice d’un intérêt individuel, en l’occurrence celui du représenté. Le tiers contractant, lui, ne pouvait se prévaloir de l’irrégularité du pouvoir, quand bien même il aurait été trompé sur la capacité du représentant à agir.

Conséquence : avant la réforme, un tiers qui ignorait que l’acte avait été conclu sans pouvoir ne pouvait pas demander la nullité. Il devait attendre que le représenté invoque lui-même l’irrégularité pour voir l’acte anéanti. Cette situation était particulièrement préjudiciable au tiers, qui pouvait se retrouver engagé malgré son ignorance.

==>L’inflexion opérée par l’article 1156 du Code civil

Le législateur a choisi d’inverser cette logique en donnant au tiers la possibilité d’agir directement en nullité lorsqu’il ignorait l’absence de pouvoir du représentant.

Cette solution se justifie pleinement :

  • Le tiers est le premier affecté par l’irrégularité
    • Dans la majorité des cas, c’est le tiers qui a un intérêt direct à voir l’acte annulé, puisqu’il a contracté dans une croyance erronée.
    • Il est donc cohérent de lui permettre d’agir pour protéger ses intérêts.
  • Un renforcement de la sécurité contractuelle
    • En lui laissant le choix entre l’inopposabilité et la nullité, le tiers n’est plus tributaire de la volonté du représenté pour obtenir réparation.
    • Il dispose d’une véritable autonomie d’action.
  • Une cohérence avec l’évolution du droit des obligations
    • La réforme de 2016 a visé à renforcer la protection des contractants de bonne foi et à éviter les déséquilibres dans les relations contractuelles.
    • Accorder au tiers le droit d’agir en nullité s’inscrit dans cette logique.

iii. Les effets de la nullité

Lorsque le tiers exerce son option pour la nullité, l’acte est anéanti rétroactivement, comme s’il n’avait jamais existé. Cette conséquence implique plusieurs effets :

  • L’anéantissement de toutes les obligations contractuelles
    • Aucune des parties ne peut plus se prévaloir des engagements contractuels.
    • Si des prestations ont déjà été exécutées, elles doivent être restituées.
  • Le retour au statu quo ante
    • La nullité a un effet rétroactif : chaque partie doit être replacée dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat.
    • En cas d’impossibilité de restitution en nature, une indemnisation peut être envisagée.
  • La responsabilité du représentant fautif
    • Lorsque l’acte est annulé, le représentant qui a contracté sans pouvoir peut être tenu de réparer le préjudice subi par le tiers contractant.
    • Cette responsabilité repose sur une faute dans l’exercice de la représentation.

Exemple :

Un salarié négocie et signe un contrat de fourniture au nom de son entreprise alors qu’il n’a pas été habilité à le faire.

  • Si le fournisseur ignorait cette irrégularité, il pourra demander la nullité du contrat et exiger une indemnisation du préjudice subi.
  • Le salarié, en tant que représentant fautif, pourra être tenu de verser des dommages-intérêts pour avoir induit le tiers en erreur.

2. Le remède aux sanctions: la ratification de l’acte

L’article 1156, alinéa 3, du Code civil prévoit une solution permettant de corriger a posteriori un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir par le représentant : la ratification.

Ce mécanisme permet au représenté, s’il le souhaite, d’approuver rétroactivement l’acte irrégulier, lui conférant ainsi la même efficacité juridique que s’il avait été valablement conclu dès l’origine.

L’objectif de cette disposition est double :

  • Protéger le représenté, en lui laissant le choix de valider ou non l’acte accompli en son nom sans respecter les règles de la représentation.
  • Préserver la sécurité juridique, en évitant qu’un simple dépassement de pouvoir n’entraîne systématiquement l’invalidité de l’acte, ce qui pourrait compromettre les relations contractuelles avec les tiers.

Ainsi, la ratification neutralise rétroactivement l’irrégularité initiale, permettant de considérer que l’acte a toujours été valable, comme si le représentant avait agi dès le départ dans les limites de ses pouvoirs.

a. Notion de ratification

La ratification est un acte unilatéral par lequel le représenté décide d’approuver rétroactivement un acte accompli sans pouvoir ou au-delà des pouvoirs conférés au représentant. Elle vise à régulariser une situation qui, à l’origine, était irrégulière en raison d’un défaut de représentation.

En conséquence, l’acte devient pleinement valable et opposable au représenté, comme si le représentant avait agi dans les limites de ses pouvoirs dès l’origine.

La ratification ne doit pas être confondue avec la confirmation, bien que ces deux notions visent à valider des actes irréguliers.

 

Critères Ratification Confirmation
Objet Acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir Acte entaché d’une nullité relative pour irrégularité de fond ou de forme
Effet Rend l’acte opposable au représenté Éteint la possibilité d’invoquer la nullité
Texte applicable Article 1156, alinéa 3, du Code civil Article 1182 du Code civil
Effet rétroactif? Oui, l’acte produit ses effets depuis son origine Pas nécessairement, la confirmation peut ne produire effet qu’à compter de son accomplissement

 

L’enjeu de cette distinction est fondamental : la ratification lie le représenté à l’égard des tiers, alors que la confirmation concerne uniquement les parties au contrat.

b. Conditions et modalités de la ratification

L’article 1156 du Code civil est silencieux sur les conditions de ratification d’un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir. C’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de les définir.

==>Une manifestation de volonté claire et non équivoque

La ratification suppose que le représenté exprime de manière claire et indiscutable son intention de valider l’acte irrégulier. Cette expression peut être expresse ou tacite.

  • Ratification expresse : elle résulte d’une déclaration formelle du représenté, par écrit ou oralement. Il peut s’agir d’un courrier, d’un email ou d’un acte signé dans lequel le représenté accepte l’acte accompli en son nom.
  • Ratification tacite : elle découle du comportement du représenté, qui laisse supposer sans ambiguïté qu’il accepte l’acte irrégulier.

Dans un arrêt du 17 janvier 2018, la Cour de cassation a considéré qu’une exécution volontaire d’un contrat irrégulier valait ratification implicite (Cass. com., 17 janv. 2018, n°16-22.285).

Ainsi, si une société commence à exécuter un contrat signé par un dirigeant sans pouvoir (paiement, livraison, mise en œuvre des obligations), elle est réputée avoir ratifié ce contrat, même en l’absence d’un accord écrit formel.

Toutefois, en simple silence ne saurait, en principe, valoir ratification. Certaines décisions ont néanmoins admis qu’un silence prolongé, combiné à d’autres éléments, pouvait être interprété comme une acceptation tacite.

==>Un consentement libre et éclairé

La ratification ne produit d’effet que si le représenté a donné son accord en toute connaissance de cause. Cela implique :

  • L’information du représenté sur l’irrégularité de l’acte : il doit être conscient que l’acte a été accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir.
  • L’absence de vice du consentement : si le représenté a été victime d’une erreur, d’un dol ou d’une violence, la ratification pourrait être contestée et déclarée nulle.

Pour exemple, si un dirigeant approuve un contrat en pensant que le représentant avait les pouvoirs nécessaires alors que ce n’était pas le cas, et qu’il découvre plus tard qu’il a été trompé, il pourrait tenter d’annuler sa ratification pour vice du consentement.

==>L’absence d’exigence de forme

L’article 1156 du Code civil ne prévoit aucune exigence formelle pour la ratification. En conséquence :

  • Elle peut être expresse ou tacite.
  • Aucun formalisme particulier n’est requis : une lettre, un email, un simple acte d’exécution suffisent à établir la ratification.
  • La charge de la preuve incombe à celui qui invoque la ratification.

Il peut être observé que certaines décisions ont admis qu’un commencement d’exécution pouvait suffire à caractériser une ratification tacite. Toutefois, la doctrine reste partagée sur ce point : certains auteurs considèrent que la volonté du représenté doit être non équivoque, ce qui exclurait toute ratification purement passive.

c. Les effets de la ratification

==>L’effet rétroactif de la ratification

La ratification d’un acte accompli sans pouvoir ou en dépassement de pouvoir produit, en principe, un effet rétroactif. Elle a pour conséquence de neutraliser l’irrégularité initiale et de conférer à l’acte une validité rétroactive, comme si le représentant avait disposé des pouvoirs nécessaires dès l’origine.

Autrement dit, l’acte est réputé avoir été régulièrement conclu dès le jour de sa formation, et non à partir du moment où la ratification intervient. Cette rétroactivité permet de consolider la relation contractuelle en corrigeant l’irrégularité initiale sans remettre en cause la continuité de l’accord.

Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et peut être contestée dans certaines situations, notamment lorsque des tiers de bonne foi ont fondé leurs décisions sur l’irrégularité apparente de l’acte.

Par exemple, si un tiers contracte avec un représentant dépourvu de pouvoir et apprend ensuite que le représenté refuse de ratifier l’acte, il peut légitimement ajuster sa position (résiliation du contrat, engagement avec un autre partenaire, etc.). Si la ratification intervient trop tard, alors que le tiers a déjà pris des décisions en se basant sur l’irrégularité de l’acte, la question de la protection de sa confiance légitime peut se poser.

Dans une telle hypothèse, la doctrine s’interroge sur l’opposabilité de la ratification au tiers. Certains auteurs estiment qu’un équilibre doit être trouvé entre le principe de rétroactivité de la ratification et la protection des intérêts des tiers, notamment lorsqu’ils ont subi un préjudice en raison du retard de la régularisation.

==>L’irrévocabilité de la ratification

Une fois que le représenté a ratifié l’acte, cette décision est définitive et ne peut être remise en cause. Contrairement à une simple approbation provisoire, la ratification scelle irrévocablement la validation de l’acte irrégulier.

Cette irrévocabilité repose sur une logique de sécurité juridique : permettre au représenté de revenir sur une ratification créerait une incertitude inacceptable pour les parties contractantes. Ainsi, une fois que le représenté a explicitement ou implicitement accepté l’acte, il ne peut plus contester sa validité ni refuser d’en exécuter les obligations.

Toutefois, si la ratification a été obtenue sous l’effet d’un vice du consentement, tel que l’erreur, le dol ou la violence, elle pourra être remise en cause. Dans ce cas, le représenté pourrait invoquer l’annulation de la ratification en démontrant qu’il a été trompé ou contraint au moment où il a donné son accord.

B) La sanction du détournement de pouvoir

1. Détournement de pouvoir vs dépassement de pouvoir

L’article 1157 du Code civil établit une distinction entre le dépassement de pouvoir et le détournement de pouvoir, deux notions qu’il convient de ne pas confondre.

  • Le dépassement de pouvoir se produit lorsque le représentant agit au-delà des limites de son mandat ou des pouvoirs qui lui ont été conférés. Il outrepasse ses attributions, ce qui entraîne une inopposabilité de l’acte au représenté (art. 1156 C. civ.).
  • Le détournement de pouvoir, en revanche, survient lorsque le représentant reste formellement dans le cadre de ses pouvoirs, mais agit dans un intérêt personnel au détriment du représenté. Il utilise les pouvoirs qui lui sont confiés pour servir ses propres intérêts ou ceux d’un tiers, et non ceux du représenté.

Ainsi, le dépassement de pouvoir est une question de limites objectives, tandis que le détournement de pouvoir repose sur une appréciation subjective des intentions du représentant. Ce dernier peut, en apparence, respecter ses prérogatives, mais en réalité, il en abuse pour satisfaire des intérêts contraires à ceux du représenté.

Exemple :

Un dirigeant de société disposant du pouvoir de vendre un bien immobilier de l’entreprise décide de le céder à une société dont il est secrètement actionnaire, à un prix inférieur à sa valeur réelle. L’acte de vente reste dans les limites de son pouvoir, mais il est détourné de sa finalité légitime pour servir un intérêt personnel.

L’article 1157 du Code civil permet au représenté de demander l’annulation de l’acte, mais sous une condition essentielle : le tiers contractant doit avoir eu connaissance du détournement ou, à tout le moins, ne pouvait l’ignorer. Ce dispositif vise à protéger les tiers de bonne foi tout en permettant au représenté d’obtenir réparation en cas d’abus manifeste.

2. Les conditions de la nullité pour détournement de pouvoir

Pour qu’un acte entaché de détournement de pouvoir soit annulé, l’article 1157 du Code civil exige la réunion de deux conditions cumulatives. Il ne suffit pas d’établir l’intention frauduleuse du représentant : encore faut-il que le tiers contractant ait eu connaissance de cette manœuvre ou qu’il ne puisse légitimement l’ignorer.

==>Un acte accompli au détriment du représenté

La première condition tient à la nécessité de démontrer que l’acte accompli par le représentant a causé un préjudice réel au représenté.

Deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Un acte conclu dans l’intérêt exclusif du représentant
    • Lorsque le représentant agit exclusivement pour son propre intérêt, le préjudice du représenté est en principe présumé.
    • L’intention frauduleuse est manifeste lorsque, par exemple, un dirigeant cède un actif de la société à une entreprise dont il est secrètement actionnaire ou conclut un contrat de prestation avec une société lui appartenant.
    • Dans ce cas, l’acte ne peut être justifié par une quelconque rationalité économique au bénéfice du représenté.
  • Un acte qui procure un avantage au représentant sans exclure celui du représenté
    • Si l’acte peut profiter aux deux parties, la preuve du détournement devient plus délicate.
    • Le seul fait que le représentant retire un avantage personnel ne suffit pas à établir l’existence d’un préjudice pour le représenté.
    • Il faudra prouver que :
      • L’acte aurait pu être conclu à des conditions plus favorables pour le représenté.
      • L’intérêt du représenté a été sacrifié au profit du représentant, soit en raison d’un prix anormalement bas, soit par l’existence d’une clause particulièrement déséquilibrée.
      • Le choix du cocontractant résulte d’un favoritisme injustifié et ne correspond pas à une gestion normale des affaires du représenté.

Exemple :

Un directeur général d’une société choisit comme fournisseur une entreprise dont il détient des parts, mais cette dernière propose des prix concurrentiels et des prestations de qualité identique aux autres acteurs du marché. L’intérêt personnel du dirigeant est évident, mais cela ne suffit pas à caractériser un détournement de pouvoir, faute de preuve d’un préjudice réel pour la société.

==>La connaissance du détournement par le tiers contractant

La nullité d’un acte pour détournement de pouvoir ne peut être demandée que si le tiers contractant avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer.

L’objectif de cette exigence est d’assurer la sécurité des transactions, en évitant qu’un acte régulièrement conclu puisse être remis en cause par le simple fait que le représentant ait poursuivi un intérêt personnel.

La connaissance du détournement peut être établie de deux manières :

  • Une connaissance avérée
    • Le tiers a été directement informé du conflit d’intérêts par le représentant ou par d’autres éléments probants (correspondances, échanges internes, clauses contractuelles ambiguës, etc.).
  • Une connaissance présumée
    • Le tiers contractant ne peut se prévaloir de sa bonne foi si les circonstances étaient suffisamment évidentes pour qu’il ne puisse ignorer l’anormalité de la situation.
    • Cela peut être le cas lorsque :
      • L’acte a été conclu dans des conditions manifestement désavantageuses pour le représenté (prix dérisoire, absence de mise en concurrence, conditions contractuelles inhabituelles).
      • L’identité du cocontractant et son lien avec le représentant étaient connus.
      • Le tiers avait accès à des informations lui permettant d’identifier l’existence d’un détournement.

Exemple :

Si un investisseur acquiert un bien immobilier appartenant à une société, et que le prix de vente est manifestement sous-évalué par rapport aux prix du marché, il ne pourra prétendre ignorer que le représentant a agi en détournant ses pouvoirs.

En revanche, si le tiers prouve qu’il était de bonne foi et qu’il ignorait totalement l’existence d’un détournement de pouvoir, l’acte ne pourra pas être annulé. Dans ce cas, le représenté disposera uniquement d’un recours en responsabilité contre le représentant pour obtenir réparation de son préjudice.

Ainsi, la nullité de l’acte n’est pas automatique en cas de détournement de pouvoir : elle est conditionnée à la preuve de la mauvaise foi du tiers contractant.

3. Les sanctions du détournement de pouvoir

L’acte conclu par un représentant qui détourne ses pouvoirs ne reste pas sans conséquence. Deux types de sanctions sont envisageables : la nullité de l’acte et la mise en jeu de la responsabilité des parties impliquées.

a. L’annulation de l’acte irrégulier

Si les conditions posées par l’article 1157 du Code civil sont remplies, l’acte entaché de détournement de pouvoir peut être annulé. Cette nullité est relative, ce qui signifie qu’elle est réservée au seul représenté, qui pourra l’invoquer pour se libérer des obligations découlant de l’acte irrégulier.

L’annulation a pour effet d’anéantir rétroactivement l’acte, mais si celui-ci a déjà été exécuté (par exemple, si un bien a été vendu et livré), des restitutions seront nécessaires. Ces restitutions peuvent s’avérer complexes, en particulier si le bien a été cédé à un tiers de bonne foi.

b. La responsabilité du représentant

Le détournement de pouvoir constitue une faute, engageant la responsabilité du représentant à l’égard du représenté. Selon la nature du pouvoir exercé, cette responsabilité peut être de deux ordres :

  • Responsabilité contractuelle : lorsque le pouvoir du représentant découle d’un contrat (mandat, délégation de pouvoir, contrat de travail), le détournement constitue une violation des obligations contractuelles. Le représenté pourra alors demander réparation sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.
  • Responsabilité délictuelle : lorsque le représentant tient ses pouvoirs de la loi ou des statuts d’une société, son détournement constitue une faute extra-contractuelle engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Dans tous les cas, le représenté pourra réclamer une indemnisation à hauteur du préjudice subi, qui peut inclure la perte financière directe, les dommages indirects, et parfois des dommages-intérêts complémentaires.

c. La responsabilité du tiers contractant

Lorsque le tiers contractant a participé activement au détournement de pouvoir, il peut également voir sa responsabilité engagée. Cette complicité peut être caractérisée si le tiers :

  • Était informé du détournement et a néanmoins conclu l’acte.
  • A collaboré avec le représentant dans le but de nuire au représenté.
  • A tiré un avantage indu de la situation en exploitant la fraude du représentant.

Dans ces cas, le tiers peut être condamné à indemniser le représenté du préjudice subi.

d. La sanction pénale du détournement de pouvoir

Dans certaines circonstances, le détournement de pouvoir peut constituer une infraction pénale. En particulier :

  • L’abus de confiance (article 314-1 du Code pénal), qui sanctionne toute personne détournant des biens ou des droits qui lui ont été confiés.
  • L’abus de biens sociaux (articles L. 241-3 et L. 242-6 du Code de commerce), lorsque le dirigeant d’une société utilise les ressources de celle-ci à des fins personnelles.

Si le détournement de pouvoir présente une gravité suffisante, il peut donner lieu à des poursuites pénales et à des sanctions pouvant aller jusqu’à des peines d’emprisonnement et des amendes.

La représentation: effets

Le mécanisme de la représentation se caractérise par une imputation directe des effets juridiques sur la tête du représenté. Lorsqu’un représentant agit au nom et pour le compte du représenté, c’est ce dernier qui est directement engagé par l’acte accompli, sans que le représentant ne soit lui-même personnellement lié. Il convient toutefois d’opérer une distinction entre les effets internes, qui régissent les rapports entre le représentant et le représenté, et les effets externes, qui concernent les tiers.

A) Les effets dans les rapports entre le représenté et le représentant

La relation entre le représenté et le représentant est régie par un cadre juridique qui fait peser sur ce dernier un ensemble d’obligations visant à garantir la protection des intérêts du représenté. Ces obligations trouvent leur fondement dans les principes généraux du droit des obligations et s’expriment à travers trois exigences fondamentales : la diligence, la loyauté et l’obligation de rendre compte. Le manquement à ces devoirs peut entraîner la mise en cause de la responsabilité du représentant et, dans certains cas, la remise en cause des actes accomplis en son nom.

1. Le devoir de diligence et de loyauté du représentant

a. Une obligation d’agir avec soin et prudence

Le représentant est assujetti à un devoir de diligence, qui l’oblige à exercer sa mission avec le soin d’un bon père de famille. Il ne saurait se contenter d’un rôle passif ou négligent dans l’accomplissement des actes qu’il réalise pour le compte du représenté. Ce devoir de diligence implique notamment que le représentant :

  • Agisse en conformité avec les instructions reçues, sous réserve des limites imposées par la loi ou l’intérêt du représenté ;
  • Ne dépasse pas l’étendue du pouvoir qui lui a été conféré, sous peine d’engager sa responsabilité ;
  • Évalue les conséquences des actes qu’il accomplit, notamment lorsque ceux-ci peuvent avoir des implications patrimoniales importantes.

En matière de mandat, cette exigence se traduit par l’obligation pour le mandataire d’exécuter sa mission avec toute la compétence et la prudence requises, conformément à l’article 1992 du Code civil.

Dans le cadre d’une tutelle, cette exigence s’impose au tuteur, tenu de prendre toutes les mesures nécessaires à la préservation des intérêts du majeur protégé (art. 496 et 510 C. civ.).

b. L’exigence de loyauté et la prévention des conflits d’intérêts

L’article 1161 du Code civil, introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, a marqué une évolution majeure du droit de la représentation en érigeant en principe général l’interdiction des conflits d’intérêts. Cette disposition vise à préserver l’intégrité de la représentation en empêchant qu’une même personne puisse simultanément représenter des intérêts contradictoires. Elle consacre ainsi l’un des fondements essentiels du devoir de loyauté du représentant.

Ce principe n’était pas totalement étranger au droit positif avant la réforme. Il existait déjà, notamment dans des disciplines spécifiques comme la déontologie des avocats (décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005) ou encore en droit public, où la Commission Sauvé avait défini le conflit d’intérêts comme « le conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ». L’extension de cette interdiction au droit civil était toutefois attendue afin de combler un vide juridique et de garantir une meilleure protection des représentés.

L’article 1161 prohibe désormais deux types de conflits d’intérêts :

  • Le fait pour un représentant d’agir pour le compte des deux parties à un même contrat lorsqu’il existe une opposition d’intérêts ;
  • Le fait pour un représentant de contracter avec lui-même au nom du représenté, sauf autorisation ou ratification expresse de ce dernier.

Ces interdictions traduisent l’idée selon laquelle une même personne ne saurait défendre efficacement des intérêts objectivement antagonistes. Lorsqu’un représentant est en situation de conflit d’intérêts, l’indépendance et l’impartialité requises pour exercer ses fonctions sont compromises, ce qui peut entraîner un préjudice pour le représenté.

i. Le principe d’interdiction du conflit d’intérêts

L’interdiction posée par l’article 1161 du Code civil trouve son fondement dans la nécessité d’assurer une représentation intègre et désintéressée. Cette exigence est particulièrement importante lorsque le représentant agit pour le compte de plusieurs parties au sein d’un même contrat. Le risque principal est que l’une des parties représentées ne soit pas défendue avec la même vigueur que l’autre, voire que le représentant exploite sa position pour en tirer un avantage personnel.

Le texte initial de l’ordonnance du 10 février 2016 interdisait de manière générale à un représentant d’agir pour les deux parties à un contrat ou de contracter avec lui-même. Toutefois, cette formulation s’est révélée problématique dans certains domaines, notamment en droit des sociétés, où de telles situations sont fréquentes et encadrées par des dispositifs spécifiques.

Dans la vie des affaires, il est en effet courant qu’un même dirigeant représente plusieurs sociétés parties à un même contrat ou qu’il contracte avec la société qu’il dirige. Par exemple, un gérant de SARL peut être amené à conclure un contrat entre la société qu’il représente et une autre entreprise dont il est également dirigeant. De même, dans les groupes de sociétés, des conventions sont souvent conclues entre sociétés appartenant au même groupe, impliquant un même représentant pour chacune d’elles.

Afin de ne pas remettre en cause ces pratiques courantes, la loi de ratification du 20 avril 2018 a restreint le champ d’application de l’article 1161 en précisant qu’il ne concerne que la représentation des personnes physiques. Ainsi, la règle ne s’applique pas aux dirigeants de sociétés ou aux représentants des personnes morales, qui restent soumis aux dispositifs spécifiques du droit des sociétés, notamment en matière de conventions réglementées.

Cette clarification était essentielle pour éviter une interférence entre le droit commun de la représentation et les règles particulières du droit des sociétés. En effet, pour certaines formes de sociétés (SARL, SA, SAS, SCA), la loi prévoit déjà des mécanismes de contrôle des conventions conclues avec les dirigeants afin d’éviter les abus. Ces conventions, dites “réglementées”, sont soumises à des procédures d’autorisation et d’approbation par les organes sociaux compétents (C. com., art. L. 223-19 pour les SARL, L. 225-38 pour les SA et L. 227-10 pour les SAS). Dès lors, l’application cumulative de l’article 1161 du Code civil aurait entraîné des incertitudes et des contradictions avec ces dispositifs.

ii. Les tempéraments à l’interdiction du conflit d’intérêts

L’interdiction posée par l’article 1161 du Code civil ne revêt pas un caractère absolu. Le législateur a prévu deux tempéraments permettant d’écarter la nullité de l’acte en cas de conflit d’intérêts, à condition que certaines garanties soient respectées :

==>La permission de la loi

Dans certains domaines, le législateur a expressément admis que des situations de conflit d’intérêts puissent se produire sans que cela n’entraîne automatiquement la nullité de l’acte accompli. Ces hypothèses concernent notamment le droit des sociétés, où des mécanismes de contrôle spécifiques ont été instaurés pour encadrer les conventions conclues entre une société et son dirigeant.

Ainsi, les conventions réglementées, soumises à une procédure d’autorisation ou d’approbation par les organes sociaux compétents, constituent une exception au principe posé par l’article 1161. Ces procédures, prévues aux articles L. 223-19 du Code de commerce (SARL), L. 225-38 (SA) et L. 227-10 (SAS), permettent d’éviter que le dirigeant ne tire un avantage indu de sa position, tout en assurant le bon fonctionnement de l’entreprise.

De même, certaines représentations légales impliquant des mineurs ou des majeurs protégés peuvent donner lieu à des actes en situation de conflit d’intérêts, mais ceux-ci sont encadrés par des dispositifs spécifiques, tels que la nomination d’un subrogé tuteur (art. 454 C. civ.) chargé de défendre les intérêts du représenté.

==>La ratification par le représenté

Un conflit d’intérêts ne conduit pas nécessairement à l’annulation de l’acte lorsque le représenté décide de le valider en toute connaissance de cause. Cette validation peut prendre deux formes :

  • L’autorisation préalable : avant la conclusion de l’acte, le représenté peut donner son consentement exprès à l’opération, ce qui exclut toute contestation ultérieure fondée sur l’existence d’un conflit d’intérêts.
  • La ratification a posteriori : après la conclusion de l’acte, le représenté peut décider d’en confirmer la validité, ce qui lui confère un effet rétroactif et fait disparaître l’irrégularité initiale.

Ce mécanisme repose sur une logique protectrice : tant que le représenté conserve la possibilité de refuser ou d’approuver l’acte, le risque de manipulation ou d’abus est limité. Toutefois, en pratique, cette ratification doit être claire et sans équivoque afin d’éviter toute contestation ultérieure.

iii. La sanction du conflit d’intérêts

En cas de violation de l’article 1161, la sanction encourue est la nullité de l’acte. Cependant, le texte ne précise pas s’il s’agit d’une nullité absolue ou d’une nullité relative.

Toutefois, l’analyse des finalités de cette interdiction permet d’en déduire qu’il s’agit d’une nullité relative. En effet, la prohibition du conflit d’intérêts vise à protéger les intérêts du représenté. Or, en droit des obligations, lorsqu’une règle a pour objectif la protection d’une partie spécifique à un contrat, la nullité encourue est relative et ne peut être invoquée que par la personne protégée (le représenté). Cette analyse est confirmée par une lecture combinée des articles 1178 et 1181 du Code civil, qui précisent que seule la nullité absolue peut être invoquée par toute personne y ayant intérêt, alors que la nullité relative est réservée à la partie dont la protection est en jeu.

Ainsi, un acte accompli en violation de l’article 1161 ne peut être annulé que si le représenté en fait la demande. Il ne s’agit pas d’une nullité automatique, et le tiers contractant ne peut s’en prévaloir que si le représenté l’invoque.

2. L’obligation de rendre compte et la responsabilité du représentant

a. Une obligation de rendre compte de l’exécution du mandat

Le représentant doit informer le représenté de l’exécution de sa mission et justifier l’usage des pouvoirs qui lui ont été confiés. Ce principe, applicable à toutes les formes de représentation, est expressément consacré par plusieurs textes :

  • Le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion (art. 1993 C. civ.) ;
  • Le tuteur doit justifier des actes accomplis dans l’intérêt du majeur protégé (art. 510 C. civ.) ;
  • Le liquidateur judiciaire doit fournir un rapport détaillé sur l’administration des biens du débiteur (art. L. 641-4 C. com.).

Le non-respect de cette obligation peut engager la responsabilité du représentant, notamment si des fautes de gestion ou des abus sont constatés.

b. La responsabilité du représentant en cas de faute

Le représentant engage sa responsabilité dès lors qu’il manque à ses devoirs ou agit en dehors du cadre de son pouvoir. La responsabilité peut être de plusieurs ordres :

  • Responsabilité civile pour faute
    • Lorsqu’un représentant agit au mépris des intérêts du représenté, il peut être tenu de réparer le préjudice causé. Tel est le cas :
      • Lorsqu’il dépasse l’étendue de ses pouvoirs et accomplit un acte qu’il n’était pas habilité à réaliser (art. 1156 C. civ.) ;
      • Lorsqu’il agit avec négligence ou imprudence, entraînant une perte pour le représenté (art. 1992 C. civ., pour le mandat) ;
      • Lorsqu’il se rend coupable de mauvaise gestion dans l’administration des biens qu’il représente (art. 496 C. civ., pour la tutelle).
  • Responsabilité pour dépassement de pouvoir
    • Si un représentant contracte un engagement au nom du représenté sans y être habilité, cet engagement est en principe inopposable au représenté. Cependant, le tiers contractant peut solliciter la ratification de l’acte par le représenté (art. 1156, al. 2 C. civ.).
  • Nullité des actes accomplis en violation du devoir de loyauté
    • La violation du devoir de loyauté, notamment en cas de conflit d’intérêts prohibé par l’article 1161 du Code civil, entraîne la nullité de l’acte accompli par le représentant, sauf si le représenté l’a autorisé ou ratifié après coup. Cette nullité étant destinée à protéger le représenté, elle est de nature relative.
  • Responsabilité pénale en cas d’abus
    • Dans certains cas, l’abus commis par le représentant peut revêtir une qualification pénale, notamment lorsqu’il y a abus de confiance ou escroquerie. Par exemple, un dirigeant social qui utilise les fonds de la société à des fins personnelles peut être poursuivi pour abus de biens sociaux (art. L. 241-3 C. com. pour les SARL, L. 242-6 C. com. pour les SA).

B) Les effets dans les rapports avec les tiers

La représentation ne se limite pas aux relations internes entre le représenté et le représentant. Elle produit également des effets dans les rapports avec les tiers, en déterminant qui est engagé par l’acte juridique accompli. L’article 1154 du Code civil opère une distinction fondamentale entre la représentation parfaite et la représentation imparfaite, selon que le représentant agit au nom et pour le compte du représenté ou en son propre nom.

1. La représentation parfaite : engagement direct du représenté

Dans le cas de la représentation parfaite, l’acte accompli par le représentant engage directement le représenté. Il en découle plusieurs conséquences :

  • Le représenté est immédiatement titulaire des droits et obligations résultant du contrat conclu par son représentant (Cass. com., 9 mai 1985). Contrairement à d’autres mécanismes juridiques où l’engagement initial doit être retransféré à un tiers, ici, l’acte produit ses effets sur la tête du représenté dès sa conclusion.
  • Le représentant est totalement transparent dans l’opération : il ne devient ni créancier ni débiteur de l’acte. Il ne peut pas exiger son exécution, ni en réclamer les bénéfices, ni en supporter les charges.
  • Le représenté conserve un pouvoir de contrôle : il est seul habilité à modifier, révoquer ou résilier le contrat.

Cette imputation directe distingue la représentation parfaite de certains autres mécanismes juridiques où l’auteur initial de l’acte reste engagé avant d’en retransmettre les effets. Parmi ces mécanismes, on peut citer :

  • Le mandat sans représentation : dans ce cas, le mandataire contracte en son propre nom et supporte temporairement les obligations avant de les retransmettre au mandant (exemple : le commissionnaire).
  • La commission : en matière commerciale, un commissionnaire achète ou vend des biens en son propre nom mais pour le compte de son commettant (C. com., art. L. 132-1).

L’article 1154 du Code civil a codifié cette distinction en disposant que lorsque le représentant agit dans les limites de son pouvoir et au nom du représenté, seul ce dernier est engagé.

2. La représentation imparfaite : engagement personnel du représentant

À l’inverse, dans la représentation imparfaite, le représentant contracte en son propre nom, bien qu’il agisse pour le compte du représenté. Il en résulte que le tiers n’a initialement aucun lien juridique avec le représenté, et que l’engagement repose en premier lieu sur le représentant.

L’article 1154, alinéa 2, du Code civil prévoit cette hypothèse en précisant que lorsque le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom, il est seul tenu à l’égard du cocontractant. Ce cas concerne plusieurs situations particulières :

  • Le prête-nom : une personne conclut un contrat en son propre nom, alors qu’elle agit en réalité pour un tiers. Tant que l’identité du véritable bénéficiaire n’est pas révélée ou reconnue, seul le prête-nom est tenu des obligations contractuelles.
  • Le commissionnaire : il agit pour un commettant mais contracte en son nom propre (C. com., art. L. 132-1). Le cocontractant n’a donc aucun lien avec le commettant, sauf si une action directe est prévue par la loi (ex. en matière de transport).
  • La clause de réserve de command : elle permet à une partie de conclure un contrat en son nom tout en se réservant la possibilité de désigner ultérieurement un tiers comme véritable cocontractant. Tant que cette désignation n’a pas lieu, seul le signataire initial est juridiquement engagé.

Dans ces situations, le représenté ne devient partie au contrat que par le biais d’une seconde opération juridique, qui peut prendre différentes formes :

  • Une cession de contrat : le représentant transfère au représenté sa position contractuelle.
  • Une cession de créance ou de dette : si le représentant a acquis des droits ou contracté des obligations en son nom, il doit ensuite les transférer au représenté.
  • Une stipulation pour autrui : dans certains cas, le représentant peut insérer dans le contrat une clause désignant directement le représenté comme bénéficiaire de l’opération.

La représentation: étendue

La portée de la représentation dépend de son origine, qu’elle soit légale, judiciaire ou conventionnelle, et détermine l’étendue des pouvoirs du représentant ainsi que le maintien ou la perte des prérogatives du représenté.

A) Le dessaisissement en cas de représentation légale ou judiciaire

Lorsqu’un représentant est désigné par la loi ou par une décision judiciaire, le représenté se trouve privé du pouvoir d’accomplir les actes relevant de cette représentation. Ce dessaisissement, qui s’impose de plein droit, a pour finalité d’assurer la protection du représenté, qu’il s’agisse d’un mineur sous tutelle, d’un majeur placé sous sauvegarde de justice ou encore d’un débiteur en liquidation judiciaire.

L’article 1159, alinéa 1 du Code civil consacre ce principe en disposant que «l’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant».

Ce dessaisissement est particulièrement marqué en matière de procédures collectives. Ainsi, le liquidateur judiciaire, représentant du débiteur en faillite, se substitue à lui pour l’ensemble des actes relatifs à son patrimoine. À ce titre, il peut accéder à toutes les informations patrimoniales du débiteur, y compris celles couvertes par le secret professionnel (Cass. com., 23 oct. 2019, n° 18-15.280).

Dans le cadre d’une tutelle, le tuteur dispose des pouvoirs conférés par la loi et prend les décisions à la place du majeur protégé, lequel ne peut agir seul que pour les actes strictement personnels ou autorisés par la loi (art. 496 s. C. civ.).

B) Absence de dessaisissement en cas de représentation conventionnelle

À l’inverse, dans la représentation conventionnelle, le représenté ne perd pas la faculté d’agir sur ses propres droits. L’article 1159, alinéa 2 du Code civil prévoit que le représenté conserve la possibilité d’exercer lui-même les actes confiés à son mandataire, sauf stipulation contraire.

Cela signifie qu’un mandant peut toujours intervenir directement dans les affaires qu’il a confiées à son mandataire. Par exemple, si une personne a donné procuration pour vendre un bien immobilier, elle conserve le droit de vendre elle-même ce bien, ce qui peut conduire à une révocation implicite du mandat (art. 2004 C. civ.).

Toutefois, le contrat de représentation peut restreindre cette liberté en prévoyant une exclusivité d’intervention du mandataire. Une telle clause doit être rédigée avec précaution pour éviter toute ambiguïté sur l’étendue des pouvoirs accordés.

C) Délimitation des pouvoirs du représentant

La détermination des pouvoirs du représentant est essentielle en droit de la représentation. Le législateur distingue les actes d’administration, qui peuvent être accomplis sur la base d’un pouvoir général, des actes de disposition, qui nécessitent au contraire une habilitation spéciale.

==>Un pouvoir général et actes d’administration

Lorsqu’un représentant reçoit un pouvoir général, son action est limitée aux actes d’administration et aux actes conservatoires. L’article 1155 du Code civil précise que, à défaut de stipulation contraire, un pouvoir général ne permet d’accomplir que des actes conservatoires et d’administration. Cette règle, qui trouve son équivalent en matière de mandat à l’article 1988 du Code civil, repose sur l’idée que les actes d’administration ne modifient pas durablement la consistance du patrimoine du représenté et n’engendrent pas de risque économique important.

Les actes d’administration comprennent notamment :

  • La gestion courante du patrimoine : conclusion et renouvellement de baux d’habitation, perception de loyers, souscription d’un contrat d’assurance.
  • L’entretien et la conservation des biens : réalisation de travaux de réparation courante, remplacement d’équipements usés.
  • La gestion d’un portefeuille d’actifs (hors décisions de cession substantielles).

Le pouvoir général permet donc au représentant d’assurer la gestion courante des biens du représenté sans besoin d’une autorisation spécifique pour chaque acte.

==>Un pouvoir spécial et actes de disposition

À l’inverse, lorsqu’un représentant doit accomplir un acte de disposition, il doit impérativement être investi d’un pouvoir spécial. L’article 1155 du Code civil dispose que le représentant ne peut accomplir un acte de disposition que s’il a reçu une habilitation expresse à cet effet. Cette exigence est également rappelée à l’article 1988 du Code civil, qui prévoit que lorsqu’un mandat est rédigé en termes généraux, il ne couvre que les actes d’administration. Pour accomplir un acte de disposition, une mention spécifique est donc indispensable.

Les actes de disposition recouvre tous les actes qui entraînent une transmission ou une charge durable sur le patrimoine du représenté, notamment :

  • La vente d’un bien immobilier ou d’un fonds de commerce.
  • L’octroi d’une hypothèque ou d’un nantissement sur un bien du représenté.
  • La souscription d’un emprunt au nom du représenté.
  • La cession d’actions ou de parts sociales ayant une incidence significative sur la gouvernance d’une société.
  • L’acceptation ou la renonciation à une succession.

Ces actes, par leur gravité et leurs conséquences sur le patrimoine du représenté, ne peuvent être accomplis que si le représentant a reçu une autorisation expresse, laquelle doit être précise et détaillée.

D) La prévention des risques liés à l’absence de pouvoir

L’efficacité d’un acte juridique repose sur la capacité de celui qui le conclut à engager la personne pour le compte de laquelle il agit. Toutefois, l’incertitude quant à l’étendue des pouvoirs d’un représentant peut générer un risque juridique considérable, tant pour le représenté, qui pourrait se voir tenu d’exécuter un acte irrégulier, que pour le tiers contractant, dont les droits pourraient être remis en cause. Afin d’apporter une réponse à cette difficulté, le législateur a introduit, par la réforme de 2016, un mécanisme préventif : l’action interrogatoire, régie par l’article 1158 du Code civil.

Ce dispositif permet au tiers contractant, en cas de doute sur l’étendue des pouvoirs du représentant, d’interpeller formellement le représenté afin d’obtenir une clarification avant la conclusion de l’acte. À défaut de réponse dans le délai imparti, le représentant est réputé habilité à agir. L’objectif est d’assurer la sécurité des transactions en conférant une présomption d’habilitation tout en incitant les parties à une plus grande vigilance.

1. Un dispositif préventif au service de la sécurité juridique

==>Contenu du dispositif

L’action interrogatoire se distingue des autres mécanismes de régularisation des actes irréguliers en ce qu’elle intervient en amont de la conclusion du contrat. Elle permet ainsi d’éviter qu’un acte soit ultérieurement frappé d’inopposabilité ou de nullité pour défaut ou dépassement de pouvoir. Ce mécanisme repose sur une logique simple : offrir au tiers la possibilité d’obtenir une confirmation explicite de l’étendue des pouvoirs du représentant afin de lever toute incertitude.

L’article 1158 du Code civil prévoit que le tiers qui envisage de conclure un acte avec un représentant peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant dispose bien des pouvoirs nécessaires. Cet écrit peut revêtir diverses formes : une lettre recommandée avec accusé de réception, un courriel ou tout autre moyen permettant d’en conserver la preuve. La loi n’impose pas de formalisme rigoureux, mais il appartient au tiers de veiller à ce que son interpellation soit rédigée de manière explicite et incontestable.

Deux mentions obligatoires doivent figurer dans cette mise en demeure :

  • Le délai imparti au représenté pour répondre, qui doit être raisonnable afin de garantir l’équilibre des intérêts en présence.
  • L’effet du silence du représenté, qui vaut confirmation tacite des pouvoirs du représentant.

==>Critiques

Si l’action interrogatoire constitue un outil précieux pour sécuriser les transactions, son efficacité n’est pas exempte de critiques. L’un des principaux reproches adressés à ce mécanisme tient à la dérogation au principe selon lequel le silence ne vaut pas consentement en droit civil. En effet, l’article 1158 introduit une exception de taille en posant que le silence du représenté emporte validation des pouvoirs du représentant.

Certains auteurs ont souligné le risque d’une utilisation abusive de cette mise en demeure interrogatoire, qui pourrait être détournée à des fins opportunistes. Un tiers mal intentionné pourrait en effet adresser une demande dans des conditions peu claires ou dans un délai déraisonnable, dans l’espoir d’obtenir une confirmation tacite résultant du silence du représenté. Cette perspective soulève des interrogations quant à la protection du représenté, qui pourrait voir ses droits affectés simplement par une absence de réaction dans les délais impartis.

De plus, il demeure incertain si la présomption d’habilitation qui découle du silence du représenté est absolue ou si celui-ci pourrait ultérieurement contester son effet en démontrant que son absence de réponse ne pouvait raisonnablement être interprétée comme une validation. La jurisprudence sera amenée à préciser les contours de cette règle, notamment dans les cas où le représenté n’a pas eu connaissance effective de l’interpellation ou lorsque des circonstances particulières justifient qu’il n’ait pas répondu dans le délai imparti.

2. Les effets de la mise en demeure interrogatoire

L’article 1158 du Code civil attache une conséquence déterminante à l’absence de réponse du représenté dans le délai fixé : le représentant est alors présumé habilité à conclure l’acte. Ce silence, qui vaut acceptation, confère une sécurité juridique au tiers contractant en empêchant le représenté de contester ultérieurement l’acte au motif d’un défaut de pouvoir.

Si le représenté répond à la mise en demeure :

  • En confirmant les pouvoirs du représentant, l’acte pourra être conclu en toute sécurité.
  • En contestant ces pouvoirs, le tiers est informé du risque et pourra ajuster son comportement en conséquence, soit en renonçant à contracter, soit en exigeant une régularisation préalable.

Ce mécanisme vise donc à prémunir le tiers contre les incertitudes liées au pouvoir du représentant, tout en imposant une certaine discipline au représenté, qui ne peut se contenter d’une passivité stratégique pour se réserver la possibilité de contester ultérieurement l’acte.

3. Une obligation implicite de diligence pour le tiers contractant ?

Si l’action interrogatoire est présentée comme une simple faculté laissée à la discrétion du tiers, on peut se demander si son utilisation ne pourrait pas, dans certains cas, devenir une obligation implicite. En effet, dans l’hypothèse où un doute sérieux existe quant aux pouvoirs du représentant, ne pas recourir à l’article 1158 pourrait être perçu comme une négligence susceptible d’engager la responsabilité du tiers.

Ainsi, dans certaines situations, un professionnel (notaire, avocat, banquier, etc.) qui conclut un acte avec un représentant dont les pouvoirs sont incertains sans avoir procédé à une interpellation préalable pourrait voir sa responsabilité engagée pour imprudence. Cette interprétation, qui reste encore à être confirmée par la jurisprudence, met en lumière la portée potentiellement contraignante de ce mécanisme, qui pourrait s’imposer comme une précaution incontournable dans la gestion du risque contractuel.

La représentation: conditions

La représentation est un mécanisme juridique permettant à une personne, le représentant, d’accomplir un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre, le représenté. Son efficacité repose sur l’articulation entre la volonté et le pouvoir : la volonté du représenté, qui consent à être engagé par l’intermédiaire d’un tiers, et le pouvoir conféré au représentant, qui agit en vertu d’une habilitation. Si la théorie classique mettait l’accent sur la primauté de la volonté du représenté, la doctrine moderne souligne davantage le rôle actif du représentant et l’autonomie du pouvoir qui lui est délégué. Cette évolution doctrinale éclaire l’analyse des conditions de validité de la représentation, qu’il s’agisse de la nature des actes accomplis, du statut du représentant ou de celui du représenté.

A) Les conditions relatives à l’objet de la représentation

La représentation permet à une personne d’accomplir un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre. Toutefois, ce mécanisme ne saurait être appliqué de manière indifférenciée à toutes les situations. Il ne peut jouer que dans le cadre d’actes juridiques et se heurte à certaines limites inhérentes à la nature de l’acte accompli. L’examen de ces conditions impose d’abord de circonscrire le domaine des actes susceptibles d’être réalisés par représentation (1), puis d’identifier ceux qui, par leur nature, échappent à ce régime (2).

1. La représentation dans l’accomplissement d’actes juridiques

La représentation ne trouve à s’exercer que dans le cadre des actes juridiques, c’est-à-dire des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Cette restriction se justifie par la nature même du mécanisme représentatif, qui repose sur l’aptitude du représentant à exprimer une volonté en vue d’engager juridiquement le représenté. L’acte accompli par le représentant déploie ainsi directement ses effets dans la sphère juridique du représenté, comme si celui-ci l’avait lui-même accompli.

Toutefois, certains actes, en raison de leur caractère strictement personnel, échappent à cette logique. Le droit positif interdit ainsi la représentation dans les situations où l’intervention d’un tiers priverait l’acte de son essence propre. Tel est le cas du mariage : l’article 146 du Code civil pose l’exigence du consentement personnel des époux, rendant toute substitution impossible. De même, la rédaction d’un testament ne saurait être confiée à un tiers (C. civ., art. 970), dans la mesure où elle traduit une volonté personnelle irréductible. Enfin, la prestation de serment, qui engage non seulement la responsabilité juridique mais aussi l’intégrité morale de l’individu, ne peut être accomplie que par celui qui en est l’objet (CPC, art. 321).

Cette interdiction ne signifie pas pour autant que tout acte relevant de la sphère personnelle est exclu du domaine de la représentation. Certaines actions, bien que fondées sur un droit personnel, peuvent être engagées par un représentant dès lors que leur exercice ne requiert pas nécessairement l’intervention physique du titulaire du droit. Ainsi, une action en divorce ou en séparation de corps peut être introduite par un représentant, notamment dans le cas où l’un des époux est frappé d’incapacité. De même, la réparation d’un préjudice moral peut être demandée par un représentant, dès lors que la titularité du droit à indemnisation n’implique pas nécessairement l’expression directe d’une volonté propre au représenté. Ces distinctions soulignent l’importance du critère de l’intuitu personae dans la détermination du champ d’application de la représentation.

2. L’exclusion de la représentation dans les faits juridiques et les actes matériels

Si les actes juridiques peuvent être réalisés par l’intermédiaire d’un représentant, il n’en va pas de même des faits juridiques. Ces derniers, par définition, produisent des effets de droit indépendamment de toute manifestation de volonté. Ils se distinguent ainsi des actes juridiques en ce qu’ils résultent de circonstances objectives ou de la loi elle-même. L’intervention d’un représentant y serait donc dépourvue de sens, car elle ne pourrait modifier ni la survenance du fait ni ses conséquences juridiques. Ainsi, une naissance, une possession ou encore la réalisation d’un fait dommageable générateur de responsabilité délictuelle ne sauraient donner lieu à un mécanisme de représentation: la responsabilité d’un individu du fait de son acte ne saurait être transférée à autrui par le biais d’une représentation.

De la même manière, la représentation ne s’étend pas aux actes matériels, qui constituent l’exécution concrète d’une opération juridique. Si un agent immobilier peut être mandaté pour vendre un bien, ce qui relève bien de la représentation dans un acte juridique, il n’en demeure pas moins que les visites des lieux, la gestion des formalités administratives ou la prise en charge de la relation avec les potentiels acquéreurs sont des actes matériels qu’il accomplit en son nom propre. Cette distinction est d’autant plus essentielle que de nombreux professionnels, tels que les agents commerciaux, les courtiers ou les commissionnaires, interviennent dans des opérations où se mêlent à la fois des actes juridiques et des actes matériels. Lorsqu’ils agissent en qualité de représentants, ils peuvent engager directement la responsabilité du représenté ; mais lorsqu’ils accomplissent des actes matériels, ils n’engagent qu’eux-mêmes.

Enfin, il convient de souligner que certaines catégories d’actes, bien que pouvant paraître relever de la représentation, n’en relèvent pas en raison de leur mode d’exécution. Par exemple, dans le domaine des contrats intuitu personae, une entreprise ne saurait se substituer à un tiers pour exécuter une prestation si celle-ci repose sur des compétences personnelles spécifiques. Ainsi, un artiste ou un avocat ne peut déléguer intégralement l’exécution de sa mission à un représentant, car l’obligation qui lui incombe est strictement attachée à sa personne.

Ces considérations démontrent que la représentation, bien qu’étant un mécanisme de transmission de la volonté juridique, ne saurait être étendue au-delà du domaine des actes de volonté. Son champ d’application est donc limité par la nature même des actes susceptibles d’être accomplis par autrui, ce qui impose un encadrement strict de son régime.

B) Les conditions relatives au représentant

L’exercice de la représentation repose sur un ensemble de conditions visant à garantir l’efficacité et la sécurité des actes accomplis au nom et pour le compte du représenté. Trois éléments doivent être réunis pour que la représentation produise pleinement ses effets.

En premier lieu, la capacité du représentant, qui détermine son aptitude à exercer les droits du représenté et à conclure valablement des actes juridiques. Si le principe veut que le représentant soit juridiquement capable, la jurisprudence et la doctrine ont admis des tempéraments, notamment en matière de représentation par des personnes dotées de discernement mais frappées d’incapacité.

En second lieu, la volonté du représentant, qui doit se manifester de manière non équivoque. Son consentement doit être libre et éclairé, exempt de tout vice, et son intention d’agir pour autrui clairement établie. Sans cette volonté de représenter, l’acte risque d’être interprété comme un engagement personnel du représentant plutôt que comme une opération réalisée pour le compte du représenté.

Enfin, le pouvoir de représentation, qui constitue le fondement même de l’acte accompli. Ce pouvoir peut être conféré par la loi, par une décision judiciaire ou par un acte conventionnel. Sa reconnaissance et sa délimitation conditionnent l’étendue des prérogatives du représentant et déterminent les conséquences des actes qu’il accomplit.

1. La capacité de représenter

La validité de la représentation repose en premier lieu sur la capacité du représentant, c’est-à-dire son aptitude à exercer les droits du représenté et à accomplir des actes juridiques en son nom. Si le principe veut que le représentant soit capable d’exercer pleinement ces droits, la jurisprudence et la doctrine ont admis des tempéraments, notamment en ce qui concerne les incapables dotés de discernement.

a. Principe

En droit civil, l’exercice d’un droit suppose en principe que son titulaire soit capable juridiquement, c’est-à-dire qu’il dispose de la capacité d’exercice, lui permettant d’accomplir seul des actes juridiques. À défaut, une personne juridiquement incapable – par exemple, un mineur non émancipé ou un majeur placé sous curatelle ou tutelle – ne peut pas conclure seule un contrat ou accomplir un acte engageant son patrimoine. Cette incapacité vise à la protéger contre les conséquences d’actes qu’elle pourrait ne pas pleinement comprendre ou maîtriser.

Cependant, cette exigence de capacité d’exercice connaît un assouplissement en matière de représentation. En effet, dans le cadre de la représentation, c’est le représenté, et non le représentant, qui est engagé par l’acte accompli. Dès lors, la rigueur habituelle imposée à la capacité d’exercice du représentant s’atténue, car l’acte n’a pas d’effet direct sur son propre patrimoine.

La jurisprudence a ainsi admis que certaines personnes juridiquement incapables – telles que des mineurs doués de discernement ou des majeurs protégés – puissent représenter autrui (Cass. civ., 5 déc. 1933). Cette tolérance repose sur un principe fondamental : le représentant ne prend pas d’engagement personnel et n’exerce pas ses propres droits, mais agit uniquement au nom et pour le compte d’un tiers. Ainsi, l’exigence d’une capacité juridique complète s’applique avant tout au représenté, qui supportera les conséquences de l’acte accompli en son nom.

Cette distinction entre la capacité d’exercice du représentant et la capacité de jouissance du représenté est essentielle. Elle justifie qu’une personne normalement privée de la capacité d’accomplir certains actes pour elle-même puisse néanmoins les accomplir pour autrui, dès lors qu’elle est apte à comprendre la portée de ses actes et à exprimer une volonté propre.

b. Exception

Le Code civil prévoit expressément que le mandat peut être confié à un mineur non émancipé dès lors qu’il est capable de discernement (art. 1990 C. civ.). Cette solution repose sur une analyse pragmatique : le représentant n’exerce pas ses propres droits, mais ceux du représenté, et il n’engage pas son propre patrimoine. Il est donc moins risqué, du point de vue juridique, d’autoriser un mineur doté de discernement à être mandataire que de lui reconnaître la capacité d’agir en son nom propre.

Les auteurs classiques et contemporains confirment cette analyse en insistant sur le fait que la représentation n’implique pas nécessairement que le représentant soit titulaire des droits exercés, mais seulement qu’il dispose de la lucidité suffisante pour les mettre en œuvre. La doctrine relève ainsi que l’attribution d’un pouvoir de représentation à un mineur peut être envisagée à condition qu’il soit doté d’un discernement suffisant.

Dans certains cas, la jurisprudence a même étendu cette possibilité aux autres incapables. Bien que la doctrine reconnaisse la pertinence de cette approche, elle insiste sur la nécessité d’une prudence accrue : si des juridictions du fond ont parfois admis qu’un incapable puisse être représentant, la Cour de cassation a, dans certaines affaires, laissé la question ouverte sans trancher définitivement (Cass. civ. 4 janv. 1934).

c. Cas particulier de la survenance d’une incapacité sur les pouvoirs du représentant

La question se pose de savoir ce qu’il advient des pouvoirs du représentant lorsqu’il devient lui-même incapable en cours de mission. Le Code civil apporte une réponse à cette problématique à travers l’article 1160, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, qui dispose que les pouvoirs du représentant cessent s’il est atteint d’une incapacité ou frappé d’une interdiction. Toutefois, ce texte ne précise ni les modalités de cessation de la représentation ni ses effets à l’égard des tiers.

L’application stricte de cette disposition conduirait à considérer que l’incapacité du représentant entraîne immédiatement l’extinction de son pouvoir de représentation, ce qui pourrait soulever des difficultés pratiques, notamment lorsque des tiers ignorent l’existence de cette incapacité. La théorie de l’apparence pourrait dès lors être invoquée pour protéger ces tiers de bonne foi.

Cependant, une ambiguïté demeure quant à l’exigence d’une capacité lors de l’attribution initiale du pouvoir de représentation. Certains auteurs ont suggéré que la nouvelle rédaction de l’article 1160 du Code civil pourrait être interprétée comme imposant une capacité au moment de la désignation du représentant[21]. Une telle lecture serait toutefois une rupture avec la conception traditionnelle selon laquelle la validité du contrat conclu par représentation reste subordonnée à la seule capacité du représenté[22].

Il apparaît donc préférable de maintenir la distinction entre :

  • L’incapacité survenue en cours de mandat, qui justifie l’extinction des pouvoirs du représentant pour préserver les intérêts du représenté.
  • L’incapacité préexistante au moment de l’attribution du pouvoir, qui ne remet pas en cause la représentation dès lors que le représenté, en connaissance de cause, a choisi d’octroyer un mandat à une personne dotée du discernement nécessaire.

2. La volonté de représenter

L’effectivité de la représentation repose sur une volonté non équivoque du représentant, qui se manifeste par son consentement libre et éclairé et son intention d’agir pour autrui. Le consentement doit être exempt de tout vice, sous peine de nullité de l’acte. Quant à l’intention de représenter, elle garantit que l’acte produit ses effets dans le patrimoine du représenté et non dans celui du représentant. Cette exigence de clarté assure la sécurité juridique des actes accomplis sous le régime de la représentation.

a. Le consentement du représentant

Le représentant est l’auteur de l’acte qu’il accomplit : il ne se borne pas à extérioriser la volonté du représenté, mais manifeste une volonté propre, qui, bien que tournée vers l’intérêt d’un tiers, n’en demeure pas moins un engagement personnel. Cette autonomie implique nécessairement que son consentement soit libre, réel et exempt de vices.

Ainsi, l’erreur, le dol ou la violence peuvent vicier son consentement et entraîner l’annulation du contrat conclu par son intermédiaire. C’est donc en la personne du représentant que s’apprécie l’existence d’un éventuel vice du consentement, et non en celle du représenté, lequel ne contracte pas directement.

Lorsqu’un représentant est victime d’un dol ou d’une erreur portant sur l’acte conclu, il peut en demander l’annulation, indépendamment de la volonté du représenté. Par exemple, si le représentant a été induit en erreur par des informations fallacieuses fournies par le cocontractant, l’acte est susceptible d’être frappé de nullité (Cass. 3e civ., 29 avr. 1998, n° 96-17.540). Cette règle s’applique avec d’autant plus de rigueur lorsque le représentant est une personne juridiquement protégée.

Dans le cas particulier où le représentant ne dispose pas de la pleine capacité civile – comme un mineur pourvu de discernement –, il est indispensable que son consentement soit éclairé et exempt de toute manipulation (Cass. civ., 5 déc. 1933). Le Code civil admet en effet qu’un mineur non émancipé puisse être choisi comme mandataire dès lors qu’il est capable de comprendre la portée des actes qu’il accomplit (art. 1990 C. civ.).

Toutefois, la jurisprudence reste prudente dans l’admission de cette possibilité, exigeant que l’incapable soit doté d’une lucidité suffisante pour appréhender les implications de son rôle de représentant. Cette exigence vise à éviter que des individus vulnérables ne soient instrumentalisés à leur insu dans des opérations juridiques dont ils ne mesurent pas pleinement la portée.

b. L’intention de représenter

Outre son consentement libre, le représentant doit également agir dans l’intention claire et non équivoque de représenter le mandant. Cette condition, parfois qualifiée de “contemplatio domini“, vise à garantir que les effets de l’acte se répercutent sur le patrimoine du représenté et non sur celui du représentant.

==>Une volonté manifeste d’agir pour autrui

Pour que la représentation produise ses effets, il est essentiel que le représentant exprime sans ambiguïté son intention d’agir au nom et pour le compte du représenté (Cass. com., 31 mars 1981). Cette volonté peut se manifester de manière explicite, par une déclaration formelle, ou implicite, à travers des actes qui ne laissent aucun doute sur la qualité en laquelle il agit.

Dans la représentation parfaite, l’acte doit mentionner que le représentant agit pour le compte d’un tiers, et idéalement préciser l’identité de ce dernier (art. 1154, al. 1er C. civ.). Toutefois, cette identification n’est pas toujours obligatoire : en effet, l’intention de représenter suffit à conférer l’effet représentatif, même si l’identité du représenté n’a pas été révélée aux tiers.

==>La représentation sans divulgation du représenté

Il est admis que la représentation puisse exister sans que l’identité du représenté soit nécessairement dévoilée. Ainsi, en matière de commission, l’intermédiaire contracte en son nom propre mais pour le compte d’un tiers dont l’identité demeure inconnue du cocontractant (art. L. 132-1 C. com.). Dans cette hypothèse, le mandataire n’apparaît pas en tant que simple exécutant d’un ordre, mais comme un véritable opérateur qui engage la responsabilité du représenté dans une relation contractuelle.

L’absence de divulgation du représenté peut parfois soulever des interrogations sur la portée de l’engagement du représentant. Toutefois, la jurisprudence considère que dès lors que la volonté de représenter est évidente, la représentation fonctionne pleinement et produit ses effets dans le patrimoine du représenté.

==>Sanctions en cas d’absence d’intention de représenter

En l’absence de “contemplatio domini”, l’acte conclu par le représentant pourrait être interprété comme ayant été réalisé pour son propre compte, engageant ainsi sa responsabilité personnelle. Cette hypothèse s’illustre notamment dans les cas de contrats conclus par un prête-nom, où la dissimulation de la qualité de représentant entraîne des conséquences juridiques spécifiques (Cass. civ., 8 nov. 1926).

À l’inverse, lorsqu’un individu prétend agir en qualité de représentant sans en avoir réellement l’intention, la nullité de l’acte peut être prononcée. En ce sens, la Cour de cassation a jugé que la mauvaise foi du représentant pouvait être opposée au représenté, notamment dans les hypothèses où ce dernier avait connaissance de la fraude (Cass. 3e civ., 5 juill. 2018, n° 17-20.121).

3. Le pouvoir de représentation

L’exercice de la représentation repose sur l’existence d’un pouvoir permettant au représentant d’agir au nom et pour le compte du représenté. Ce pouvoir, qui constitue le fondement même de la représentation, peut être défini comme la prérogative conférée à une personne afin qu’elle accomplisse des actes juridiques dont les effets s’imputeront directement au représenté. Il convient d’examiner, d’une part, la notion de pouvoir et, d’autre part, les différentes modalités de son habilitation.

3.1. Notion de pouvoir

a. Définition

Le pouvoir conféré au représentant est une prérogative juridique qui lui permet d’accomplir des actes juridiques pour autrui, en engageant directement le patrimoine du représenté. Il ne s’agit donc pas d’un simple exercice personnel d’un droit, mais bien d’une faculté d’intervention conférée au représentant en vertu d’un mécanisme qui, selon Pothier, se justifie par la nécessité d’agir au nom d’autrui lorsque celui-ci ne peut le faire lui-même[23].

Selon une définition classique, le pouvoir peut être envisagé comme la capacité d’exprimer une volonté propre à produire des effets contraignants pour un tiers[24]. Cette approche s’inscrit dans la continuité des travaux de Planiol et Ripert, qui considéraient que le pouvoir juridique est une délégation de volonté permettant d’imputer directement les effets d’un acte à une personne distincte du signataire.

Toutefois, cette notion a fait l’objet de critiques. Elle est parfois perçue comme une simple constatation ex post de la validité d’un acte accompli, plutôt qu’une condition préalable à l’exercice de la représentation. La doctrine classique, en particulier Troplong et Baudry-Lacantinerie, soulignait déjà que le pouvoir n’existait que pour autant qu’un acte juridique pouvait être rattaché au représenté.

Néanmoins, la réforme du droit des contrats a consacré l’importance du pouvoir de représentation, en l’intégrant dans le droit commun des obligations. L’article 1153 du Code civil affirme ainsi que le représentant ne peut engager le représenté qu’en vertu d’un pouvoir qui lui a été donné à cet effet, confirmant le caractère central de cette notion dans la théorie juridique des actes accomplis pour autrui.

b. Distinctions

i. Pouvoir de représentation et pouvoirs propres

La notion de pouvoir en droit privé recouvre des réalités distinctes qu’il convient de ne pas confondre. Si le pouvoir de représentation permet au représentant d’agir au nom et pour le compte du représenté, certains pouvoirs sont exercés en nom propre, bien qu’ils bénéficient indirectement à un tiers. Cette distinction est essentielle, car elle détermine l’imputation des effets juridiques des actes accomplis.

==>Exposé de la distinction

  • Les pouvoirs de représentation : une délégation de volonté
    • Les pouvoirs de représentation impliquent que le représentant n’agit pas en son nom, mais qu’il exprime la volonté d’un tiers qui sera directement lié par l’acte accompli.
    • Ce pouvoir repose sur une délégation explicite ou implicite, qui peut résulter :
      • D’une convention : tel est le cas du mandataire, qui reçoit d’un mandant le pouvoir d’agir en son nom (art. 1984 C. civ.). L’étendue de ce pouvoir est déterminée par le contrat et peut être générale (lorsqu’il concerne toutes les affaires du représenté) ou spéciale (limitée à un ou plusieurs actes précis).
      • De la loi : certains représentants tiennent leurs pouvoirs directement d’un texte législatif. Ainsi, les administrateurs légaux (art. 387-1 C. civ.), les tuteurs (art. 496 C. civ.) ou encore les mandataires judiciaires d’un majeur protégé (art. 433 C. civ.) exercent leurs fonctions en vertu de règles qui leur confèrent expressément le pouvoir d’agir pour le compte d’autrui.
      • D’une décision judiciaire : l’autorité judiciaire peut conférer un pouvoir de représentation lorsqu’un individu est empêché d’exercer ses droits, par exemple lorsque le juge habilite un époux à représenter son conjoint hors d’état de manifester sa volonté (art. 216 C. civ.).
    • Dans toutes ces hypothèses, le représentant agit comme un intermédiaire juridique, et les actes qu’il accomplit sont directement rattachés à la personne du représenté.
    • Le pouvoir de représentation n’a donc pas d’autonomie propre : il est exercé dans l’intérêt exclusif du représenté et ne produit d’effets qu’à son égard.
  • Les pouvoirs propres : une autonomie d’action
    • À l’inverse, certains pouvoirs sont exercés en nom propre, bien qu’ils profitent indirectement à autrui.
    • Ces pouvoirs ne procèdent pas d’une délégation de volonté, mais d’une prérogative autonome conférée à une personne qui, bien qu’agissant dans l’intérêt d’un tiers, ne le représente pas juridiquement.
    • Ainsi, l’exécuteur testamentaire exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par le testateur, mais il n’agit ni au nom du défunt, ni au nom des héritiers (art. 1026 s. C. civ.).
    • Son rôle est d’assurer l’exécution des dernières volontés du défunt, et il dispose pour cela de prérogatives spécifiques qui lui sont propres.
    • En conséquence, les actes qu’il accomplit engagent sa propre responsabilité et ne sont pas directement imputables aux héritiers.
    • De même, le syndic de copropriété est investi de pouvoirs d’administration et de gestion de l’immeuble sans pour autant représenter individuellement chaque copropriétaire (L. n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 18).
    • Il prend des décisions qui affectent la copropriété dans son ensemble, mais les effets de ses actes ne se rattachent pas directement aux copropriétaires en tant qu’individus.Il agit donc en vertu de pouvoirs propres, et non d’un mandat de représentation.
    • Dans le même esprit, les dirigeants sociaux exercent ce que la doctrine qualifie de « représentation organique » : ils n’expriment pas la volonté d’un mandant, mais incarnent la personne morale qu’ils dirigent.
    • Lorsqu’un dirigeant engage une société, il n’agit pas en tant que représentant au sens strict du mandat, mais en tant qu’organe de la société, habilité à exprimer sa volonté propre.

==>Conséquences pratiques de la distinction

Cette distinction entre pouvoirs de représentation et pouvoirs propres n’est pas qu’une subtilité doctrinale. Elle emporte des conséquences importantes en matière de responsabilité et d’opposabilité des actes :

  • Opposabilité aux tiers
    • Dans la représentation, les actes du représentant s’imposent directement au représenté.
    • Par exemple, si un mandataire contracte une vente en son nom et pour le compte du mandant, c’est ce dernier qui est tenu par l’obligation.
    • Dans l’exercice de pouvoirs propres, l’auteur de l’acte reste personnellement engagé, même si l’acte bénéficie à un tiers.
    • Ainsi, un syndic de copropriété qui souscrit un contrat d’entretien ne représente pas individuellement les copropriétaires : c’est le syndicat des copropriétaires, en tant qu’entité distincte, qui est engagé.
  • Responsabilité
    • Le représentant n’engage pas sa responsabilité personnelle, sauf en cas de dépassement de pouvoir ou de faute lourde.
    • Le représenté est le véritable débiteur des obligations contractées.
    • À l’inverse, celui qui exerce un pouvoir propre répond personnellement des actes accomplis, car il est juridiquement l’auteur de ces actes.
    • Un dirigeant social qui abuse de ses pouvoirs engage ainsi sa responsabilité personnelle à l’égard de la société et des tiers.
  • Faculté de délégation
    • Un pouvoir de représentation peut être délégué, sous réserve que l’acte constitutif du pouvoir l’autorise (ex. : le mandataire peut désigner un sous-mandataire si cela est prévu dans le contrat).
    • En revanche, un pouvoir propre ne peut être cédé sans autorisation. Un exécuteur testamentaire ne peut transmettre son rôle à un tiers, sauf si le testateur l’a expressément prévu.

Ainsi, si la représentation est un mécanisme visant à imputer les effets d’un acte à une autre personne, les pouvoirs propres confèrent une autonomie juridique à celui qui les exerce, même lorsque son action bénéficie à autrui. Il en résulte des régimes distincts en matière d’engagements, de responsabilité et d’effets à l’égard des tiers, ce qui justifie la nécessité d’opérer une distinction rigoureuse entre ces deux catégories de pouvoirs.

==>Représentation de volonté et représentation organique

Si la représentation classique repose sur une délégation de pouvoir permettant à un individu d’agir au nom et pour le compte d’un tiers, la représentation organique propre aux personnes morales s’en distingue fondamentalement. Les dirigeants sociaux n’agissent pas en qualité de simples mandataires, mais en tant qu’organes de la personne morale, investis d’un pouvoir propre d’expression de la volonté sociale.

Dans le cadre de la représentation classique, le représentant est un intermédiaire juridique : il n’engage pas sa propre volonté, mais celle du représenté. À l’inverse, dans la représentation organique, l’organe social ne fait pas que retransmettre la volonté d’un tiers : il exprime la volonté propre de la personne morale, qu’il incarne juridiquement. Cette distinction a été consacrée par la doctrine, notamment par Gérard Martin, qui souligne que le dirigeant « ne se contente pas d’agir pour le compte de la société : il est la voix et la main par lesquelles elle s’exprime et agit »[25].

Ainsi, lorsqu’un gérant de SARL, un président de SAS ou un directeur général de SA conclut un contrat, il ne le fait pas au nom d’un mandant préexistant, mais en tant qu’organe exerçant un pouvoir directement conféré par la loi ou les statuts (art. 1843-5 C. civ.). De ce fait, les actes qu’il accomplit engagent immédiatement la société, sans qu’il soit nécessaire de prouver un mandat préalable ou une délégation de pouvoir.

Contrairement à un représentant classique qui peut être librement révoqué par le représenté, les pouvoirs du dirigeant social sont encadrés par la loi et les statuts. Ils ne peuvent être limités dans leurs effets à l’égard des tiers que dans des conditions strictement définies, notamment en cas d’abus de pouvoir ou de dépassement des limites statutaires.

Aussi, en application du principe de l’opposabilité des actes aux tiers de bonne foi (art. 1158 C. civ.), la société demeure engagée par les actes passés par son représentant légal, même si ceux-ci dépassent les pouvoirs qui lui ont été attribués en interne. Cette règle vise à protéger la sécurité des transactions et la stabilité des relations d’affaires.

Par ailleurs, contrairement au mandataire classique, qui doit justifier de l’étendue de son pouvoir, le dirigeant social tire directement son habilitation du texte fondateur de la société. Il n’a pas besoin d’un acte de désignation spécifique pour justifier de sa capacité à engager la société.

Cette autonomie d’action explique que les dirigeants sociaux soient soumis à un régime de responsabilité propre, distinct de celui des mandataires classiques. Ils ne peuvent être tenus personnellement responsables des engagements sociaux que dans des cas exceptionnels, notamment en cas de faute de gestion, d’abus de biens sociaux ou de dépassement manifeste de leurs pouvoirs.

La distinction entre pouvoir de représentation et pouvoir propre se retrouve également dans l’articulation entre les organes de direction et les organes de contrôle.

  • Les dirigeants exécutifs (président, directeur général, gérant, etc.) sont les véritables représentants de la société dans ses relations avec les tiers.
  • Les organes de contrôle (conseil d’administration, conseil de surveillance, commissaires aux comptes), bien qu’intervenant dans la gestion de la société, n’exercent pas une fonction de représentation au sens strict : ils disposent de pouvoirs propres de surveillance et de contrôle, qui ne se confondent pas avec un mandat classique de représentation.

De même, les associés ou actionnaires, bien qu’ils participent à la prise de décision, n’ont pas individuellement le pouvoir d’engager la société, sauf en cas d’action sociale ut singuli (art. 1843-5 C. civ.).

3.2. Source du pouvoir

L’exercice du pouvoir de représentation suppose une habilitation préalable, laquelle peut être d’origine légale, judiciaire ou conventionnelle. Cette habilitation constitue la source du pouvoir du représentant et conditionne la validité des actes qu’il accomplit au nom et pour le compte du représenté.

a. Les différentes sources de pouvoir

==>L’habilitation légale

Dans certains cas, la loi attribue directement un pouvoir de représentation sans qu’aucun acte juridique préalable ne soit nécessaire. Cette forme d’habilitation est automatique et découle du statut même du représentant.

Tel est le cas des parents administrateurs légaux qui gèrent les biens de leurs enfants mineurs non émancipés (art. 387-1 C. civ.). De même, le tuteur d’un mineur ou d’un majeur protégé est investi d’un pouvoir général d’administration des biens de la personne protégée (C. civ., art. 496).

D’autres situations relèvent de l’habilitation légale, bien que le pouvoir du représentant soit plus limité. Ainsi, le gérant d’affaires peut intervenir en l’absence d’un mandat exprès, mais son action doit se limiter aux actes nécessaires dans l’intérêt du représenté.

Dans tous ces cas, le représentant n’a pas besoin de justifier d’un acte spécifique de nomination : son pouvoir lui est directement attribué par la loi, et ses décisions s’imposent au représenté sans que ce dernier ait besoin de les approuver.

==>L’habilitation judiciaire

Dans d’autres situations, le pouvoir de représentation ne découle pas directement de la loi mais nécessite une intervention judiciaire. Le juge est alors amené à désigner un représentant lorsque le représenté est incapable d’exprimer sa volonté ou dans l’impossibilité d’agir lui-même.

Cette hypothèse concerne notamment :

  • Le conjoint empêché d’exprimer sa volonté, auquel cas le juge peut habiliter son époux ou épouse à le représenter pour certains actes patrimoniaux (art. 216 s. C. civ.).
  • L’indivisaire hors d’état de manifester sa volonté, pour lequel un mandataire judiciaire peut être désigné afin d’administrer ses droits indivis (815-4 C. civ.).
  • Le mandataire judiciaire d’une procédure collective, investi d’un pouvoir d’administration sur les biens du débiteur en liquidation judiciaire afin de préserver les intérêts des créanciers.

Dans ces situations, le juge définit l’étendue des pouvoirs du représentant : ceux-ci peuvent être généraux (gestion courante du patrimoine) ou limités à certains actes spécifiques. Le pouvoir de représentation ne peut excéder ce que la décision judiciaire a expressément prévu, garantissant ainsi une protection optimale du représenté.

==>L’habilitation conventionnelle

Enfin, l’habilitation du représentant peut être conventionnelle, résultant d’un accord conclu entre le représenté et son représentant. Dans ce cadre, c’est la volonté des parties qui définit les pouvoirs conférés au représentant.

L’exemple le plus emblématique est le mandat, par lequel une personne (le mandant) charge une autre personne (le mandataire) d’accomplir un ou plusieurs actes en son nom (art. 1984 s. C. civ.). Le mandat peut être :

  • Spécial, lorsque le mandataire est habilité à accomplir un acte déterminé (ex. : vente d’un bien immobilier).
  • Général, lorsqu’il porte sur l’ensemble des affaires du mandant.

D’autres contrats peuvent conférer des pouvoirs de représentation, comme :

  • La commission, où le commissionnaire agit pour le compte du commettant sans nécessairement révéler son identité (JCl. Commercial, fasc. 360).
  • Le mandat de protection future, permettant d’anticiper une situation d’incapacité en désignant un mandataire chargé de gérer les affaires du représenté (C. civ., art. 477).

Dans tous ces cas, l’étendue des pouvoirs du représentant est définie par la convention qui les établit. En cas de litige, son interprétation se fait à la lumière des règles générales d’interprétation des contrats, notamment les articles 1359 et suivants du Code civil.

b. L’absence d’habilitation

Si un individu agit comme représentant sans disposer d’un pouvoir valide, l’acte qu’il accomplit est en principe inopposable au représenté, sauf dans deux cas :

  • Ratification ultérieure : le représenté peut confirmer rétroactivement l’acte accompli sans pouvoir, lui conférant ainsi une pleine efficacité juridique. Cette ratification peut être expresse (par écrit, par exemple) ou tacite (par l’exécution volontaire de l’acte).
  • Théorie de l’apparence : si le comportement du représenté a fait naître chez un tiers une croyance légitime dans l’existence du pouvoir, ce dernier peut invoquer l’apparence pour faire valoir ses droits. Ainsi, un tiers de bonne foi peut être protégé contre les effets d’un défaut de pouvoir si l’attitude du représenté a laissé croire qu’un mandat existait (Cass. 1re civ., 2 févr. 1966).

C) Les conditions relatives au représenté

La représentation ne peut exister que si elle se rapporte à une personne juridiquement identifiable et titulaire de droits. Dès lors, le représenté doit remplir plusieurs conditions essentielles qui tiennent à son existence juridique et sa capacité à être représenté.

1. L’existence juridique du représenté

Pour qu’une représentation soit possible, le représenté doit exister juridiquement, c’est-à-dire être une personne physique ou morale dotée de la personnalité juridique. Cette exigence repose sur le principe fondamental selon lequel on ne peut exercer des droits pour le compte d’un être ou d’une entité dépourvue de personnalité.

==>La représentation d’un défunt

En principe, il est impossible d’accomplir un acte juridique au nom d’une personne décédée, la mort entraînant l’extinction de la personnalité juridique. Toute action introduite en justice au nom d’un défunt est donc irrecevable et doit être déclarée inexistante (Cass. 2e civ., 19 mai 1980).

Toutefois, certaines exceptions limitées existent :

  • Mandat posthume : en mandat peut être stipulé pour survivre au décès du mandant (art. 2003 C. civ.). Ce mécanisme, qui doit répondre à un intérêt sérieux et légitime, permet au mandataire d’administrer les biens du défunt après sa mort pour le compte des héritiers (art. 812 s. C. civ.).
  • Exécution d’un contrat conclu avant le décès : en application de l’article 2008 du Code civil, les actes accomplis par un mandataire qui ignorait la mort du mandant restent valides.
  • Reprise d’actions par les héritiers : si une action a été initiée avant le décès, elle peut se poursuivre au profit des héritiers, ceux-ci devenant alors les véritables demandeurs (Cass. crim., 12 oct. 1995).

==>La représentation d’un être non encore né

Si une personne qui n’est plus, ne peut en principe être représentée, une exception est admise pour les enfants conçus mais non encore nés. Selon l’adage infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur, l’enfant conçu est réputé né chaque fois que cela lui profite. Il peut donc hériter (art. 725 C. civ.), recevoir une donation ou un legs (art. 906 C. civ.) et bénéficier des effets d’actes accomplis en son nom.

==>La représentation d’une société en formation

Une société n’acquiert la personnalité morale qu’à compter de son immatriculation. Dès lors, les actes accomplis avant cette date ne sont pas directement opposables à la société. Toutefois, le Code de commerce (art. L. 210-6 et art. 1843 C. civ.) prévoit un mécanisme de reprise, par lequel la société peut ratifier les engagements pris pour son compte. Cette ratification entraîne une fiction juridique : l’acte est réputé avoir été conclu dès l’origine par la société elle-même.

2. La capacité du représenté

Si l’existence juridique est un préalable incontournable, encore faut-il que le représenté soit titulaire des droits mis en œuvre par le représentant. Cette condition se traduit par l’exigence d’une capacité de jouissance, laquelle peut varier en fonction de la nature de la représentation.

La capacité de jouissance, définie comme l’aptitude à être titulaire de droits et obligations, est une condition essentielle. Une personne frappée d’une incapacité de jouissance ne peut être représentée que dans la mesure où elle possède les droits en question.

Par exemple :

  • Une personne sous curatelle ou tutelle peut être représentée pour gérer son patrimoine, mais elle ne peut pas être représentée pour tester ou consentir une donation si elle est frappée d’une incapacité de jouissance.
  • La capacité de recevoir une donation s’apprécie dans la personne du représenté, car c’est lui qui bénéficiera des effets de l’acte.

Dans les cas de représentation conventionnelle, le représenté doit en principe avoir la capacité de conclure le contrat par lequel il confère un pouvoir au représentant. Toutefois, des tempéraments existent, notamment en matière de gestion d’affaires, où la capacité du représenté est indifférente dès lors que l’acte est utile.

Les sources de la représentation

La représentation constitue une exception au principe selon lequel nul ne peut s’engager pour autrui sans y être autorisé. Ce principe, profondément ancré dans la tradition juridique française, implique que chaque individu agit et contracte en son propre nom et pour son propre compte. En conséquence, le pouvoir de représentation ne se présume pas : il ne peut exister qu’à condition d’avoir été expressément conféré selon des modalités strictement définies.

Ainsi, l’habilitation à agir au nom et pour le compte d’une autre personne suppose nécessairement l’existence d’un pouvoir de représentation, lequel peut tirer son origine soit de la loi, soit d’une décision de justice, soit d’une convention. Cette distinction, désormais bien ancrée en doctrine, permet de structurer l’étude de la représentation selon trois catégories principales :

  • La représentation légale, imposée par la loi pour pallier l’incapacité d’une personne d’exprimer ou d’exercer sa volonté.
  • La représentation judiciaire, qui résulte d’une décision de justice investissant un tiers du pouvoir d’agir au nom d’une personne empêchée.
  • La représentation conventionnelle, fondée sur la volonté du représenté, qui confère à un tiers le pouvoir de le représenter dans ses relations juridiques.

A) La représentation légale

La représentation légale constitue une modalité impérative d’organisation juridique, mise en place pour permettre à certaines personnes, privées de la capacité d’exercer leurs droits, d’agir par l’entremise d’un représentant désigné de plein droit. Elle se distingue des autres formes de représentation en ce qu’elle ne résulte ni d’une décision de justice ni d’un accord de volontés, mais d’une disposition expresse de la loi.

Ce mécanisme concerne principalement deux catégories d’incapables juridiques :

  • Les personnes physiques frappées d’une incapacité d’exercice, notamment les mineurs ;
  • Les personnes morales, qui, en raison de leur nature abstraite, ne peuvent agir que par l’intermédiaire d’un représentant.

1. La représentation du mineur

Le mineur est frappé d’une incapacité d’exercice générale : s’il peut être titulaire de droits et d’obligations, il est juridiquement inapte à les exercer par lui-même. La loi organise donc une protection en lui attribuant un représentant légal, chargé d’agir en son nom et pour son compte.

==>Le fondement de la représentation du mineur

L’incapacité du mineur repose sur une présomption d’inaptitude à exprimer une volonté juridiquement éclairée, justifiant ainsi l’intervention d’un tiers pour assurer la sauvegarde de ses intérêts. Cette représentation est nécessairement conférée par la loi, qui désigne les personnes habilitées à exercer cette mission.

==>Les représentants légaux du mineur

Le représentant légal du mineur est désigné de plein droit, en fonction de la situation familiale de l’enfant. Il s’agit :

  • Des titulaires de l’autorité parentale (les parents), lorsque ceux-ci exercent conjointement leurs prérogatives ;
  • D’un tuteur, dans l’hypothèse où l’enfant se trouve orphelin ou privé de la protection parentale.

Lorsque l’enfant est placé sous tutelle, l’autorité du représentant est encadrée par le juge des tutelles, qui veille à la préservation des intérêts du mineur et au bon exercice du mandat confié au tuteur.

==>L’étendue du pouvoir du représentant

Le pouvoir du représentant légal s’exerce jusqu’à la majorité du mineur (ou son émancipation, le cas échéant), moment à compter duquel ce dernier acquiert sa pleine capacité juridique, tant en jouissance qu’en exercice.

L’étendue des pouvoirs du représentant varie selon la nature des actes concernés :

  • Pour les actes d’administration, le représentant agit librement, dans l’intérêt du mineur.
  • Pour les actes de disposition (tels que la vente d’un bien immobilier appartenant au mineur), une autorisation judiciaire est généralement requise, afin de limiter les risques d’abus.

Ainsi, le régime de la représentation légale du mineur témoigne de la nécessité d’un encadrement strict de l’exercice des droits d’une personne qui, en raison de son âge, ne peut encore assumer seule les conséquences juridiques de ses engagements.

2. La représentation des personnes morales

Si le mineur finit par acquérir sa pleine capacité juridique à sa majorité, les personnes morales, en raison de leur nature abstraite, demeurent définitivement incapables d’agir sans l’intervention d’un représentant.

a. Une incapacité d’exercice permanente

Les personnes morales sont des êtres de fiction, qui ne disposent ni de volonté propre ni de capacité d’agir. À l’instar des mineurs, elles ne peuvent accomplir d’actes juridiques que par l’intermédiaire d’un représentant habilité, chargé d’engager la personne morale vis-à-vis des tiers.

Toutefois, contrairement à la représentation du mineur, qui vise à protéger une personne vulnérable, la représentation des personnes morales répond à une nécessité organisationnelle. Elle est un instrument de gestion, qui permet à une entité dépourvue d’existence physique de fonctionner et d’interagir avec son environnement économique et juridique.

b. Le représentant légal de la personne morale

La représentation des personnes morales est assurée par leurs dirigeants sociaux, qui exercent leur pouvoir au nom et pour le compte de l’entité. Les associés ne doivent pas être confondus avec ces représentants :

  • Les associés prennent part aux décisions collectives en exprimant la volonté de la personne morale lors des assemblées générales ;
  • Les dirigeants sociaux, quant à eux, représentent cette volonté dans l’exercice des actes de gestion et d’administration.

Le mode de représentation dépend de la structure juridique de la personne morale. Selon la forme sociale adoptée, le représentant peut être :

  • Le gérant, dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou les sociétés civiles ;
  • Le président, dans les sociétés par actions simplifiées (SAS) ;
  • Le directeur général, dans les sociétés anonymes (SA) ;
  • Un mandataire social spécialement désigné par les statuts ou par décision des organes sociaux compétents.

Dans toutes ces hypothèses, le représentant agit dans l’intérêt de la personne morale, mais il est lui-même tenu de respecter les limites de ses pouvoirs, sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la société ou des tiers.

c. L’étendue et les limites des pouvoirs du représentant

Le représentant légal d’une personne morale exerce ses pouvoirs dans le cadre fixé par la loi, les statuts et, dans certains cas, les décisions des organes sociaux. L’étendue de ces pouvoirs varie toutefois en fonction du régime de responsabilité applicable à la société concernée.

==>Sociétés à risque illimité vs sociétés à risque limité

Le degré d’autonomie du représentant légal dans l’accomplissement des actes de gestion dépend de la nature de la société qu’il dirige. La distinction fondamentale repose sur l’opposabilité de l’objet social aux tiers :

  • Dans les sociétés à risque illimité, telles que les sociétés civiles ou les sociétés en nom collectif (SNC), l’objet social constitue une limite impérative aux pouvoirs du représentant légal. Les actes accomplis en dépassement de l’objet social n’engagent pas la société envers les tiers, qui doivent s’assurer que l’acte entre bien dans le champ d’activité de la société avant de contracter. En effet, l’article 1849 du Code civil dispose que le gérant d’une société civile « engage la société pour les actes entrant dans l’objet social ». Il en résulte que les actes extrinsèques à cet objet peuvent être déclarés inopposables à la société.
  • Dans les sociétés à risque limité, telles que la SARL, la SAS ou la SA, les dirigeants bénéficient d’une plus grande liberté d’action. L’article L. 223-18, alinéa 6, du Code de commerce précise que les actes accomplis par le gérant d’une SARL engagent la société, même lorsqu’ils excèdent son objet social, sauf à prouver que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou ne pouvait l’ignorer. Une règle similaire s’applique aux présidents et directeurs généraux de SAS et SA, conformément aux articles L. 227-6 et L. 225-56 du Code de commerce. L’objet social ne constitue donc pas une limite opposable aux tiers, qui peuvent se fier aux engagements pris par les représentants légaux de ces sociétés.

==>Responsabilité du représentant en cas d’abus

Si l’inopposabilité de l’objet social protège les tiers dans les sociétés à risque limité, elle n’empêche pas la société de se retourner contre son dirigeant en cas de dépassement de ses pouvoirs. Trois principaux mécanismes peuvent être mis en œuvre :

  • La responsabilité civile pour faute de gestion
    • Lorsqu’un dirigeant commet une faute en prenant des décisions contraires à l’intérêt social ou en dépassant ses pouvoirs internes, il peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement des articles L. 223-22 (SARL), L. 225-251 (SA) et L. 227-8 (SAS) du Code de commerce. Il pourra alors être condamné à indemniser la société pour le préjudice causé.
  • L’abus de biens sociaux (ABS)
    • Dans les sociétés à risque limité, l’abus de biens sociaux constitue une infraction pénale prévue à l’article L. 241-3 du Code de commerce (SARL) et L. 242-6 (SA). Il est caractérisé lorsque le dirigeant utilise les biens ou le crédit de la société à des fins personnelles ou contraires à son intérêt.
  • La nullité des actes contraires à l’intérêt social
    • Si un acte est manifestement contraire aux intérêts de la société, les associés ou actionnaires peuvent solliciter son annulation sur le fondement de l’article L. 225-252 du Code de commerce, notamment lorsqu’un dirigeant a contracté au mépris des restrictions statutaires.

==>Aménagement statutaire des pouvoirs

Dans certaines sociétés, notamment les SAS, l’étendue des pouvoirs du représentant légal peut être aménagée par les statuts. L’article L. 227-6 du Code de commerce autorise une grande flexibilité dans la répartition des pouvoirs, permettant de limiter les décisions que le président peut prendre seul.

Toutefois, ces limitations statutaires n’ont d’effet qu’en interne : elles ne sont pas opposables aux tiers, sauf si ceux-ci avaient connaissance de ces restrictions (principe de la protection des tiers de bonne foi).

B) La représentation judiciaire

La représentation judiciaire se distingue par son origine : elle résulte d’une décision de justice conférant à un tiers le pouvoir d’agir au nom et pour le compte d’une personne qui, en raison d’une incapacité ou d’un empêchement, ne peut exercer elle-même ses droits. Elle intervient ainsi dans des situations où la volonté du représenté ne peut s’exprimer, qu’il s’agisse d’un empêchement temporaire ou d’une altération durable de ses facultés.

Cette représentation revêt une importance particulière en ce qu’elle permet d’assurer la continuité de la gestion patrimoniale et la protection des intérêts du représenté, tout en respectant l’encadrement judiciaire strict qui la caractérise.

1. La représentation des personnes protégées

Lorsqu’une personne majeure est frappée d’une incapacité d’exercice, le droit organise une mesure de protection adaptée à sa situation, qui peut aller d’une simple assistance à une représentation totale. La nomination d’un représentant judiciaire dépend du régime de protection mis en place :

  • Sous curatelle, la personne protégée conserve une autonomie relative et peut accomplir seule les actes de la vie courante. Toutefois, les actes importants (aliénation d’un bien immobilier, souscription d’un emprunt) nécessitent l’assistance du curateur.
  • Sous tutelle, la personne protégée est privée de toute capacité juridique : son tuteur agit en son nom et pour son compte, avec l’obligation de rendre compte de sa gestion.

Le juge des tutelles désigne le représentant judiciaire en tenant compte de l’intérêt supérieur de la personne protégée, pouvant nommer un proche ou un professionnel. Cette représentation est strictement encadrée, le représentant ne pouvant agir que dans les limites de la mission qui lui est confiée et sous le contrôle du juge.

2. La représentation de l’époux hors d’état de manifester sa volonté

Le droit des régimes matrimoniaux prévoit une solution spécifique lorsque l’un des époux se trouve dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté. L’article 219 du Code civil dispose ainsi que « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »

Cette disposition s’applique dans des situations où l’un des époux est empêché d’agir, notamment en cas de :

  • Maladie grave, lorsque l’époux est dans un coma prolongé ou atteint d’une altération de ses facultés mentales empêchant toute expression de volonté ;
  • Empêchement matériel, tel que l’absence prolongée ou une disparition ;
  • Incapacité juridique, lorsqu’un époux est placé sous un régime de protection nécessitant une représentation spécifique dans la gestion des biens communs.

L’habilitation judiciaire permet à l’époux habilité d’accomplir certains actes de gestion courante, ou dans certains cas, des actes plus graves, sous le contrôle du juge. Cette représentation a pour finalité d’éviter toute paralysie dans l’administration des biens du couple.

3. La représentation d’un indivisaire hors d’état de manifester sa volonté

L’indivision suppose la participation de tous les indivisaires aux décisions concernant les biens indivis. Or, il arrive que l’un des indivisaires se trouve dans l’incapacité de prendre part aux décisions, ce qui peut entraîner une impasse dans la gestion des biens communs.

L’article 815-4 du Code civil apporte une réponse en prévoyant que « si l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »

Cette disposition vise à assurer la continuité de la gestion du bien indivis en évitant que l’empêchement d’un indivisaire ne paralyse les décisions collectives. Le coindivisaire habilité peut ainsi être autorisé à :

  • Administrer le bien indivis (travaux d’entretien, conclusion d’un bail) ;
  • Engager certains actes de disposition avec l’autorisation du juge, lorsque l’intérêt de l’indivision le justifie.

Cette mesure, bien que permettant une gestion efficace du bien, reste encadrée afin de préserver les droits du représenté, notamment en garantissant un contrôle judiciaire strict sur les actes accomplis.

4. La représentation d’une personne présumée absente

La disparition d’une personne sans laisser de nouvelles soulève des difficultés majeures quant à la gestion de ses biens et à la préservation de ses intérêts. Pour pallier cette incertitude, l’article 113 du Code civil prévoit qu’un représentant peut être désigné pour administrer le patrimoine d’une personne présumée absente.

Cette procédure peut être mise en œuvre lorsque :

  • L’existence même de la personne est incertaine, mais qu’il n’existe pas suffisamment d’éléments pour établir son décès ;
  • L’absent a laissé des biens nécessitant une gestion, notamment en présence de créanciers ou d’obligations financières en cours.

Le représentant du présumé absent est désigné par le juge, qui peut choisir un membre de la famille ou toute autre personne qualifiée. Il agit dans un cadre strictement délimité, étant soumis aux règles applicables à la tutelle des majeurs. Son rôle consiste à :

  • Préserver les biens du présumé absent ;
  • Administrer son patrimoine en son nom ;
  • Représenter ses intérêts dans les actes de la vie civile.

Si la personne présumée absente réapparaît, elle peut reprendre possession de ses biens et annuler les actes accomplis en son nom dans la limite des règles fixées par le Code civil.

C) La représentation conventionnelle

La représentation conventionnelle repose sur un accord de volontés par lequel une personne confère à une autre le pouvoir de la représenter dans ses relations juridiques. Elle s’inscrit dans une logique d’organisation contractuelle des rapports de représentation, permettant à un individu ou à une entité d’agir par l’intermédiaire d’un tiers désigné, dans un cadre librement négocié et défini par les parties.

Cette forme de représentation trouve son expression la plus courante dans le contrat de mandat, qui constitue l’archétype du pouvoir de représentation conféré par voie d’accord contractuel.

1. Le mandat

Le contrat de mandat est défini par l’article 1984 du Code civil comme « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. »

Ce contrat repose ainsi sur une délégation volontaire de pouvoirs, qui permet au mandataire d’accomplir des actes juridiques dont les effets sont directement imputés au mandant. Autrement dit, dans l’hypothèse d’un mandat avec représentation, le mandataire n’est qu’un intermédiaire juridique : il agit certes matériellement, mais c’est le mandant qui est engagé par les actes accomplis en son nom.

L’effet principal du mandat avec représentation est donc que tous les actes accomplis par le mandataire sont juridiquement réputés avoir été accomplis par le mandant lui-même. Il en résulte que :

  • Le mandataire n’est pas personnellement engagé envers les tiers, sauf en cas d’abus de pouvoir ou d’excès manifeste dans l’exercice de sa mission ;
  • Les obligations issues des contrats conclus par le mandataire incombent directement au mandant ;
  • Le mandant peut invoquer les actes accomplis en son nom sans nécessiter de formalité de transfert postérieure.

Ce mécanisme est d’une grande utilité en pratique, notamment dans les relations d’affaires où un dirigeant peut confier à un mandataire la gestion de transactions spécifiques sans intervenir directement.

2. La distinction entre représentation véritable et intervention d’un intermédiaire

Si la représentation conventionnelle s’exprime le plus souvent par le mandat, tous les contrats impliquant une délégation de pouvoir ne confèrent pas nécessairement un véritable pouvoir de représentation.

La distinction repose sur deux éléments cumulatifs qui doivent être réunis pour qu’il y ait représentation :

  • L’accomplissement d’actes pour le compte d’autrui : le mandataire doit agir dans l’intérêt et selon les instructions du mandant.
  • L’accomplissement d’actes au nom d’autrui : l’acte accompli par le mandataire doit expressément engager la personne représentée.

Ainsi, lorsqu’un agent d’affaires, tel qu’un agent immobilier ou un courtier, est mandaté pour négocier une transaction, il agit certes pour le compte de son client, mais pas nécessairement en son nom. Il peut être un simple intermédiaire qui conclut les actes en son propre nom, sans pour autant engager directement le mandant vis-à-vis des tiers.

Cette distinction est essentielle car elle conditionne la nature des effets juridiques attachés aux actes accomplis par le mandataire. Seule la réunion des deux critères permet de caractériser une véritable représentation, où le représenté est immédiatement et directement engagé par l’acte accompli par son mandataire.

À défaut, on se situe dans le domaine des mandats sans représentation, comme ceux conclus avec certains intermédiaires économiques :

  • Le commissionnaire achète ou vend des biens pour le compte d’un tiers, mais en son propre nom. Le bénéficiaire de l’opération n’est donc pas directement lié au tiers cocontractant.
  • L’agent commercial agit pour le compte d’un mandant dans la prospection et la négociation de contrats, mais il n’engage pas juridiquement son mandant sauf mandat exprès.

Comme le souligne Ph. Didier, « la représentation suppose non seulement un lien entre le représentant et le représenté, mais également une relation juridique immédiate entre le représenté et le tiers cocontractant. À défaut, l’intermédiaire demeure personnellement tenu des engagements qu’il prend. »[20].

3. L’aménagement contractuel du pouvoir de représentation

La représentation conventionnelle offre une grande souplesse dans l’organisation des relations juridiques. Si le mandat est l’instrument privilégié, les parties disposent d’une liberté contractuelle leur permettant d’aménager le pouvoir du mandataire en fonction des besoins spécifiques de la relation envisagée.

Plusieurs éléments peuvent ainsi être réglés par contrat :

  • L’étendue des pouvoirs du représentant, qui peut être générale ou limitée à certaines catégories d’actes ;
  • La durée du mandat, qui peut être temporaire ou à durée indéterminée ;
  • Les conditions d’exercice du pouvoir, notamment les obligations d’information et de reddition de comptes ;
  • Les restrictions imposées au mandataire, comme l’interdiction de représenter des concurrents ou de prendre des décisions au-delà d’un certain seuil financier.

Toutefois, en cas de dépassement des pouvoirs conférés par le mandat, l’acte accompli par le mandataire peut ne pas engager le mandant, à moins que ce dernier ne le ratifie. Cette règle protège le représenté contre des abus ou des engagements excessifs pris en son nom sans son consentement.

La représentation: notion

Institution majeure du droit des obligations, la représentation permet à une personne d’agir au nom et pour le compte d’une autre, produisant ainsi des effets juridiques qui s’imputent directement au représenté. Pourtant, en dépit de son importance pratique, le Code civil demeure muet sur sa définition. Ce silence du législateur, que l’on pourrait voir comme une lacune regrettable, a laissé à la doctrine et à la jurisprudence le soin d’en préciser les contours et d’en délimiter le régime.

A) Définition

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, a introduit pour la première fois un régime général de la représentation aux articles 1153 à 1161 du Code civil. Pourtant, le législateur a délibérément choisi de ne pas définir la notion de représentation, se contentant de préciser son régime juridique et ses effets.

Cette absence de définition a été soulignée par les premiers commentateurs de la réforme qui déplorent que le législateur ait manqué l’occasion d’apporter une clarification conceptuelle. Selon eux, « la réforme aurait dû consacrer une définition générale de la représentation, afin de dissiper les incertitudes persistantes sur son champ d’application »[15].

La doctrine, quant à elle, a proposé plusieurs définitions théoriques de la représentation, s’accordant sur l’idée qu’il s’agit d’un mécanisme juridique permettant à une personne d’agir au nom et pour le compte d’une autre, tout en produisant des effets directs dans le patrimoine du représenté.

Selon André Rouast, « la représentation est une opération juridique consistant à remplacer une personne par une autre dans un acte intéressant la première, de telle manière que les effets de l’acte s’appliquent à celle-ci comme si elle y avait été effectivement partie »[16].

Ainsi, bien que le Code civil ne définisse pas la représentation, la doctrine s’accorde à en dégager deux traits essentiels :

  • Elle suppose nécessairement l’accomplissement d’un acte juridique ;
  • Les effets de cet acte sont directement rattachés au représenté, comme s’il l’avait lui-même accompli

B) Les éléments constitutifs de la représentation

1. Le cantonnement de la représentation aux actes juridiques

==>Principe

La représentation est, par nature, indissociable de l’accomplissement d’un acte juridique, c’est-à-dire d’un acte résultant d’une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. À l’inverse, elle ne saurait s’appliquer aux faits juridiques, qui surviennent indépendamment de toute volonté et ne peuvent donc faire l’objet d’une délégation à un tiers.

Comme l’a souligné M. Storck, « la représentation est un mécanisme qui suppose nécessairement une intervention volontaire du représentant, ce qui en limite le champ aux seuls actes juridiques »[17]. Cette conception a été consacrée par la jurisprudence, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 1968 aux termes duquel elle a confirmé que la représentation ne saurait être étendue aux faits juridiques ou aux actes purement matériels (Cass. 1ère civ. 19 févr. 1968, n° 64-14.315).

Ce principe se justifie notamment par la nature strictement personnelle de certains actes, qui impliquent l’intervention directe de leur auteur. Le mariage, par exemple, repose sur un consentement personnel et ne peut être contracté par l’intermédiaire d’un tiers. De même, la rédaction d’un testament exige une expression directe et manuscrite de la volonté du testateur, excluant toute possibilité de représentation.

À l’inverse, des actes juridiques patrimoniaux peuvent parfaitement être accomplis par un représentant. Ainsi, la conclusion d’un contrat, la signature d’un bail, la réalisation d’un paiement ou encore l’exercice d’un droit de préemption peuvent être valablement délégués à un tiers, le représenté étant juridiquement engagé comme s’il avait lui-même réalisé l’acte.

==>Tempéraments

Si la doctrine classique cantonne strictement la représentation aux actes juridiques, des développements plus récents tendent à nuancer cette position. En pratique, un représentant peut être amené à accomplir des actes matériels ou à produire des faits ayant des conséquences juridiques, ce qui interroge la rigidité du principe d’exclusion des faits juridiques.

À cet égard, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 24 novembre 1987, que le représentant pouvait réaliser certains actes matériels pour le compte du représenté, notamment dans le cadre d’un contrat de transport (Cass. com. 24 nov. 1987, n°86-14.424). Cette reconnaissance révèle un assouplissement du principe selon lequel la représentation serait strictement cantonnée aux actes juridiques.

En doctrine, plusieurs auteurs observent que certaines institutions traduisent une forme de représentation dans l’accomplissement de faits juridiques. Il en va ainsi de la responsabilité du fait d’autrui, où un employeur peut être tenu responsable des actes commis par son préposé, ou encore de la possession corpore alieno, où une personne peut être reconnue possesseur d’un bien alors même qu’un tiers en a la détention matérielle.

Comme le souligne Ph. Didier, « bien que le droit français réserve traditionnellement la représentation aux actes juridiques, la réalité démontre que, dans l’exercice de sa mission, le représentant accomplit inévitablement des actes matériels ayant des conséquences juridiques pour le représenté »[18].

Dès lors, si la représentation demeure fondamentalement attachée aux actes juridiques, l’analyse pragmatique révèle qu’elle peut, dans certaines hypothèses, intégrer des situations où l’accomplissement d’un fait matériel est le support d’un effet de droit.

2. L’imputation des effets de l’acte au représenté

==>La représentation comme fiction juridique

La représentation repose sur une construction juridique singulière : bien que l’acte soit accompli par le représentant, ses effets sont directement rattachés au représenté, comme si ce dernier l’avait lui-même accompli. Ce mécanisme s’éloigne ainsi des principes traditionnels du droit des obligations, notamment du principe d’effet relatif des conventions consacré par l’article 1199 du Code civil, selon lequel un contrat ne peut produire d’effet qu’entre les parties qui l’ont conclu.

L’article 1154 du Code civil consacre cette logique en disposant que lorsque le représentant agit dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés, seul le représenté est juridiquement engagé. Cette imputation s’opère de plein droit, sans qu’aucune formalité supplémentaire ne soit requise et sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un quelconque transfert des effets de l’acte.

Derrière ce mécanisme se dessine une dissociation fondamentale entre l’auteur matériel de l’acte (le représentant) et celui qui en supporte les effets juridiques (le représenté). Cette distinction a été parfaitement formulée par C. Larroumet « la représentation est une technique d’imputation dérogatoire, qui dissocie la formation de l’acte juridique de ses effets, permettant ainsi au représenté d’en supporter les conséquences sans y avoir directement pris part »[19].

Ce mode d’imputation distingue la représentation des autres techniques de gestion d’intérêts pour le compte d’autrui, notamment du contrat de commission. Dans cette dernière hypothèse, le commissionnaire agit certes dans l’intérêt d’un tiers, mais en son propre nom, de sorte que ce tiers ne se trouve pas immédiatement engagé par l’opération. La représentation, à l’inverse, établit un lien juridique direct entre le représenté et le tiers contractant, le représentant n’étant qu’un intermédiaire juridiquement transparent.

Ainsi, la représentation constitue bien plus qu’un simple mécanisme de substitution: elle permet au représenté de bénéficier des effets d’un acte auquel il n’a pas directement pris part, tout en préservant la sécurité des transactions en garantissant aux tiers un engagement clair et stable.

==>L’articulation entre représentation parfaite et imparfaite

La distinction entre représentation parfaite et représentation imparfaite éclaire les modalités précises de cette imputation juridique.

  • Dans la représentation parfaite, le représentant agit au nom et pour le compte du représenté. L’acte est directement rattaché à ce dernier, qui est seul engagé vis-à-vis des tiers. Le représentant, quant à lui, n’est qu’un intermédiaire sans obligation propre. Cette situation se rencontre notamment dans le cadre du mandat, de la gestion d’affaires, ou encore de la représentation légale d’un incapable.
  • Dans la représentation imparfaite, le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son propre nom. Dans ce cas, il contracte personnellement avec le tiers, ce qui le rend directement tenu à l’égard de celui-ci. Toutefois, il est ensuite tenu de répercuter les effets de l’acte sur le représenté, selon les modalités convenues. C’est notamment le cas dans certains contrats de commission ou de prête-nom, où l’engagement initial pèse sur l’intermédiaire avant d’être retransmis au bénéficiaire final.

L’ordonnance de 2016 a renforcé cette distinction en intégrant la représentation imparfaite dans le droit commun des obligations. Cette évolution a été saluée par une partie de la doctrine, tout en suscitant des critiques sur le risque de dilution de la notion même de représentation, traditionnellement attachée à une imputation directe.

La représentation: vue générale

La notion de représentation, inscrite au cœur du droit des obligations, se définit comme le mécanisme par lequel une personne (le représentant) accomplit un acte juridique pour le compte d’une autre personne (le représenté), laquelle est directement liée par les effets de cet acte. Cette technique, aujourd’hui omniprésente dans les relations juridiques, s’est toutefois heurtée, dans sa reconnaissance, aux principes d’individualisme juridique et d’effet relatif des conventions.

==>Evolution

La notion de représentation, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a longtemps été rejetée par le droit français, en raison du principe selon lequel nul ne saurait être engagé par l’acte d’autrui sans y avoir consenti. Selon ce principe, chaque individu doit exprimer sa propre volonté et être directement responsable des engagements qu’il prend. Ce postulat s’inscrit dans une conception héritée du droit romain, qui n’admettait pas la possibilité qu’une personne puisse être engagée juridiquement par les actes d’autrui. Comme le souligne le doyen Jean Carbonnier, « le droit romain n’a jamais consacré la représentation comme un principe général, mais en a admis des applications ponctuelles, notamment en cas de nécessité pratique »[1].

Cette méfiance vis-à-vis de la représentation se traduit dans les textes du Code civil de 1804. Les rédacteurs ont consacré à l’article 1119 ancien le principe selon lequel « on ne peut s’engager que pour soi-même », tandis que l’article 1165 ancien énonce que les conventions « ne produisent d’effet qu’entre les parties contractantes ». Ces dispositions traduisent le refus de reconnaître un mécanisme général permettant à une personne d’être directement engagée par les actes accomplis par un tiers.

Dans cette configuration, la représentation n’était admise qu’à titre d’exception, dans des cas spécifiques tels que le mandat, la tutelle ou encore la gestion d’affaires. Ces mécanismes visaient principalement à protéger les intérêts des personnes vulnérables ou des personnes morales, incapables d’agir elles-mêmes. Toutefois, ces hypothèses restaient limitées et encadrées de manière stricte. Comme l’explique J.-L. Gazzaniga, « le droit français a tardé à admettre le principe d’une représentation directe, en raison du dogme selon lequel les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes »[2].

Ce n’est qu’à partir du XIVe siècle que les juristes ont commencé à conceptualiser un mécanisme de représentation directe, permettant au représenté d’être immédiatement engagé par les actes accomplis par le représentant. Cette évolution a marqué un passage de la représentation indirecte à la représentation directe.

Sous le régime de la représentation indirecte, l’intermédiaire qui souhaitait agir pour le compte d’une autre personne devait d’abord s’engager personnellement vis-à-vis du tiers cocontractant. Ce n’est que par un second acte, distinct du premier, que les effets juridiques pouvaient être transférés au représenté. En d’autres termes, deux opérations successives étaient nécessaires pour produire l’effet recherché.

À l’inverse, la représentation directe permet au représentant d’agir directement au nom du représenté, engageant ce dernier dès la conclusion de l’acte. Cette transformation a progressivement trouvé un écho dans les pratiques juridiques, bien que le Code civil de 1804 n’ait pas consacré de dispositions générales sur la représentation directe. Comme le souligne Thomas Genicon, « la théorie de la représentation a longtemps été construite à partir du modèle du contrat de mandat, ce qui limitait son champ d’application aux seules hypothèses conventionnelles »[3].

Le tournant majeur dans la reconnaissance de la représentation en droit français a été opéré par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui a introduit aux articles 1153 à 1161 du Code civil un régime général de la représentation. Cette réforme consacre désormais deux formes distinctes de représentation, clarifiant ainsi les effets juridiques des actes accomplis par le représentant.

  • La représentation parfaite, prévue à l’article 1154 du Code civil, se caractérise par le fait que le représentant agit au nom et pour le compte du représenté, de sorte que seul ce dernier est engagé par les actes accomplis. Cette forme de représentation garantit que le tiers cocontractant n’aura à traiter qu’avec le représenté, et non avec le représentant, ce qui renforce la sécurité juridique des transactions.
  • La représentation imparfaite, quant à elle, se distingue par le fait que le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son propre nom. Dans cette hypothèse, le représentant est personnellement engagé vis-à-vis du tiers cocontractant. Ce n’est qu’à l’issue de l’acte que les effets juridiques peuvent être imputés au représenté, par un mécanisme de transfert d’obligations.

Cette distinction entre représentation parfaite et imparfaite permet de clarifier les situations juridiques complexes impliquant des intermédiaires. Comme le souligne Guillaume Wicker, « le nouveau droit commun de la représentation dans le Code civil consacre une distinction fondamentale entre représentation parfaite et imparfaite, permettant une meilleure sécurité juridique dans les relations contractuelles »[4].

L’introduction d’un régime général de la représentation a considérablement élargi le champ d’application de cette technique juridique. Elle ne se limite plus aux seuls contrats de mandat, mais s’étend désormais à des situations variées, telles que :

  • Le rôle administrateurs de personnes morales ;
  • Les actes accomplis par des représentants légaux, tels que les tuteurs ou curateurs ;
  • La représentation commerciale, par des agents ou des mandataires.

Cette généralisation de la représentation a des conséquences majeures sur les principes traditionnels du droit des obligations. En particulier, elle remet en question le principe d’effet relatif des conventions (art. 1199 C. civ.). Comme l’explique Emmanuel Gaillard, « la représentation, en tant que mécanisme d’imputation, permet de produire des effets juridiques au profit ou au détriment d’un tiers, ce qui constitue une dérogation au principe selon lequel les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes »[5].

De surcroît, l’article 1158 du Code civil introduit une procédure innovante d’interrogation du pouvoir du représentant, permettant au tiers cocontractant de s’assurer de l’étendue des pouvoirs conférés au représentant. Cette disposition vise à renforcer la sécurité juridique des transactions, tout en offrant une garantie supplémentaire aux tiers susceptibles d’être affectés par les actes de représentation.

==>Fondements

Les débats relatifs aux fondements de la représentation en droit privé illustrent la complexité de cette notion et les tensions doctrinales qu’elle suscite. Si la pratique juridique a depuis longtemps adopté ce mécanisme comme un outil essentiel dans les relations contractuelles, la doctrine s’est montrée divisée quant à son explication et à sa justification théorique. Entre les théories classiques fondées sur la fiction et les approches modernes fondées sur la notion d’imputation, la réflexion autour de la représentation reste d’une grande richesse.

Historiquement, la doctrine classique a tenté d’expliquer la représentation en recourant à la notion de fiction juridique. Cette approche, largement influencée par les travaux de Friedrich Carl von Savigny, considérait que le représentant n’agissait pas de manière autonome mais simplement comme un messager véhiculant la volonté du représenté.

Dans son ouvrage de droit des obligations Savigny soutient que le représenté exprime fictivement sa volonté à travers le représentant. Cette théorie repose sur l’idée que le représentant est un simple vecteur de transmission, sans que son action engage directement sa propre responsabilité. Ainsi, l’acte accompli par le représentant est censé être le prolongement de la volonté du représenté.

Cette analyse a toutefois été critiquée pour son caractère artificiel. Comme le note Pierre Bouquier, « la théorie de la fiction tend à nier la réalité de l’intervention du représentant, en faisant abstraction de sa participation effective dans l’accomplissement de l’acte juridique »[6].

Certains auteurs, tels que F. Corbesco et H. Mitteis, ont proposé une variante de cette théorie en considérant le représentant comme un collaborateur du représenté. Selon cette approche, le représentant agit pour le compte du représenté mais conserve une certaine autonomie dans l’exécution de l’acte juridique. Dans sa thèse intitulée « De la représentation dans les actes juridiques », F. Corbesco souligne que le représentant joue un rôle actif, sans pour autant remettre en cause le principe de l’autonomie de la volonté du représenté.

Toutefois, ces théories classiques se heurtent à une difficulté majeure : elles peinent à expliquer pourquoi une personne pourrait être engagée par les actes d’une autre, en violation apparente du principe d’effet relatif des conventions. Ce constat a conduit la doctrine moderne à proposer une approche renouvelée de la représentation.

L’analyse contemporaine de la représentation s’est largement détachée des notions de fiction et de messager pour adopter une approche plus pragmatique, fondée sur la notion d’imputation dérogatoire. Cette conception a été développée notamment par Philippe Didier, qui a profondément renouvelé la compréhension théorique de la représentation[7].

Selon cet auteur, la représentation permet d’imputer les effets juridiques d’un acte à une personne autre que celle l’ayant accompli. Ce mécanisme constitue une dérogation au principe d’effet relatif des conventions, en ce sens que le représenté est directement lié par les actes accomplis par le représentant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une fiction juridique.

Philippe Didier identifie trois composantes essentielles de l’acte juridique dans le cadre de la représentation :

  • Le droit exercé, qui appartient au représenté ;
  • L’exercice du droit, accompli par le représentant ;
  • Les effets de droit, qui sont imputés au représenté.

Cette analyse permet de dissocier la titularité des droits (qui reste au représenté) de leur exercice effectif (assuré par le représentant). En d’autres termes, le représentant ne fait qu’exercer un droit qui appartient au représenté, mais les effets juridiques de cet exercice sont directement imputés au représenté.

Comme le souligne Philippe Didier, cette dissociation met en lumière le rôle essentiel du représentant en tant que gestionnaire des intérêts du représenté. Le représentant ne se contente pas de transmettre la volonté du représenté : il agit de manière autonome pour défendre et promouvoir les intérêts de ce dernier. Cette approche reflète une vision plus réaliste de la représentation, adaptée aux besoins pratiques des relations juridiques contemporaines.

L’approche moderne de la représentation soulève des questions importantes quant à la compatibilité de ce mécanisme avec les principes fondamentaux du droit des obligations, notamment le principe d’effet relatif des conventions (art. 1199 du Code civil). Ce principe énonce que les conventions ne produisent d’effet qu’entre les parties contractantes et ne peuvent ni nuire ni profiter aux tiers.

Or, la représentation permet précisément de contourner cette règle en attribuant les effets d’un acte à une personne qui n’a pas elle-même participé à la conclusion de cet acte. Cette dérogation soulève la question de savoir si la représentation constitue une exception au principe d’effet relatif ou si elle repose sur un fondement théorique distinct.

Pour certains auteurs, comme Michel Storck, la représentation est un mécanisme spécifique qui ne peut être pleinement expliqué par les notions classiques de mandat ou de pouvoir. Michel Storck considère que la représentation implique une dissociation des trois composantes de tout acte juridique (le droit exercé, l’exercice du droit, les effets juridiques), permettant l’intervention d’une pluralité de parties dans l’accomplissement de l’acte[8].

Cette dissociation permet d’expliquer pourquoi les effets juridiques d’un acte peuvent être imputés au représenté, même s’il n’a pas personnellement participé à l’accomplissement de cet acte. En ce sens, la représentation apparaît comme un mécanisme d’imputation dérogatoire, fondé non sur la volonté du représenté, mais sur la nécessité de garantir la sécurité juridique des transactions.

En conclusion, les débats doctrinaux sur le fondement de la représentation illustrent la complexité d’un mécanisme juridique en constante évolution. Si les théories classiques, fondées sur la fiction et le rôle de messager, ont permis d’expliquer les premières applications de la représentation, elles apparaissent aujourd’hui insuffisantes pour rendre compte de la diversité des situations dans lesquelles la représentation est utilisée.

L’approche moderne, fondée sur la notion d’imputation, offre une explication plus convaincante, en mettant en avant le rôle du représentant en tant que gestionnaire des intérêts du représenté. Cette conception permet de mieux comprendre les effets juridiques de la représentation, tout en soulignant les limites du principe d’effet relatif des conventions.

Toutefois, ces débats doctrinaux ne doivent pas faire oublier que la représentation reste avant tout un outil pratique, destiné à faciliter les opérations juridiques et à garantir la sécurité juridique des parties concernées. Comme le rappelle Philippe Didier, « la représentation n’est pas seulement un mécanisme théorique : elle est avant tout une réponse aux exigences pratiques des relations juridiques modernes »[9]

==>Applications

Le mécanisme de la représentation, consacré par les articles 1153 à 1161 du Code civil, trouve aujourd’hui des applications variées et essentielles dans les relations juridiques. Son domaine d’application s’est considérablement élargi au fil du temps, couvrant aussi bien les rapports contractuels que les situations de gestion d’affaires ou d’administration des biens.

Parmi les principales applications pratiques de la représentation on compte :

  • Le mandat
    • Le contrat de mandat constitue l’une des formes les plus courantes de représentation conventionnelle.
    • Le mandataire reçoit pouvoir d’agir pour le compte du mandant, dans les limites définies par le contrat. Il accomplit ainsi des actes juridiques qui lient directement le mandant, conformément aux dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil.
    • Comme le souligne Thomas Genicon, « le mandat repose sur une délégation volontaire de pouvoirs, permettant au mandataire d’agir en lieu et place du mandant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une fiction juridique ».
  • La gestion d’affaires
    • La gestion d’affaires est une forme de représentation légale qui intervient lorsqu’une personne, sans mandat préalable, prend l’initiative d’agir pour le compte d’un tiers afin de sauvegarder ses intérêts.
    • Ce mécanisme est notamment utilisé en cas d’urgence, lorsqu’il est impossible de recueillir le consentement du représenté.
    • Selon Philippe Malaurie, « la gestion d’affaires traduit une nécessité pratique : elle permet d’éviter qu’une absence temporaire du titulaire des droits ne cause un préjudice grave à ses intérêts »[10].
  • La tutelle
    • La tutelle est une forme de représentation judiciaire destinée à protéger les personnes incapables, telles que les mineurs ou les majeurs sous protection.
    • Le tuteur agit au nom et pour le compte de la personne protégée, en accomplissant les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine.
    • Dans ce cadre, la représentation est un mécanisme de protection, visant à préserver les intérêts des personnes vulnérables.
    • Comme le rappelle Jean-Pierre Marguénaud, « le tuteur n’est pas un simple exécutant : il doit veiller aux intérêts du représenté, tout en respectant les limites fixées par la loi et le juge des tutelles »[11].
  • La représentation commerciale
    • Dans le domaine des affaires, la représentation commerciale est largement répandue.
    • Les agents commerciaux ou les représentants de commerce agissent au nom d’une entreprise pour conclure des contrats ou effectuer des transactions avec des tiers.
    • La représentation commerciale est essentielle pour assurer la fluidité des échanges économiques.
    • Comme le souligne Emmanuel Gaillard, « dans les relations commerciales, la représentation est un mécanisme incontournable qui permet de déléguer les pouvoirs nécessaires pour conclure des actes au nom de l’entreprise »[12].

==>Innovations apportées par la réforme de 2016

L’une des grandes nouveautés introduites par la réforme de 2016 réside dans la procédure d’interrogation instaurée par l’article 1158 du Code civil. Cette disposition permet à un tiers cocontractant, ayant un doute légitime sur l’étendue des pouvoirs conférés au représentant, de solliciter une confirmation écrite du représenté. Le tiers peut adresser une demande par écrit, fixant un délai raisonnable pour obtenir une réponse. Si le représenté ne répond pas dans le délai imparti, le représentant est réputé habilité à conclure l’acte au nom du représenté.

Ce mécanisme repose sur une logique de transparence et de prévisibilité, qui renforce la sécurité juridique des échanges contractuels. Il permet d’éviter les litiges liés aux dépassements de pouvoirs, en offrant au tiers la possibilité de vérifier les pouvoirs du représentant avant de s’engager.

Cette procédure d’interrogation constitue une véritable rupture avec la tradition juridique française, historiquement fondée sur le principe de méfiance vis-à-vis des tiers. Traditionnellement, le droit français considérait que le tiers devait assumer le risque lié à l’absence ou à l’insuffisance de pouvoirs du représentant. La réforme de 2016 inverse cette logique en introduisant une obligation de vérification proactive à la charge du tiers, tout en lui offrant un moyen légal de sécurisation.

Selon Sébastien Gaudemet, « cette procédure marque une rupture avec la tradition juridique française en introduisant une sécurité accrue pour les tiers, tout en interrogeant le dogme de l’autonomie de la volonté »[13]. Ainsi, le droit français a longtemps valorisé le principe d’autonomie de la volonté, selon lequel chaque partie contractante doit être libre de s’engager en toute connaissance de cause. Or, en permettant à un tiers d’interroger les pouvoirs du représentant, l’article 1158 introduit une logique d’immixtion dans la relation entre le représenté et le représentant.

La procédure d’interrogation du pouvoir du représentant a des implications pratiques considérables, notamment dans le cadre des transactions commerciales ou des actes notariés. Elle permet de limiter les risques de contestation ultérieure liés à un éventuel défaut de pouvoir du représentant. En cas de silence du représenté, le tiers peut raisonnablement considérer que le représentant est habilité à conclure l’acte, ce qui évite les situations d’incertitude juridique.

Cependant, cette innovation a suscité des débats doctrinaux, notamment quant à sa compatibilité avec le principe d’effet relatif des conventions. Traditionnellement, le droit français considère que les conventions ne produisent d’effet qu’entre les parties contractantes. Or, la procédure d’interrogation implique une intervention d’un tiers dans la relation contractuelle entre le représenté et le représentant, ce qui pourrait être perçu comme une atteinte au principe d’autonomie contractuelle.

A l’analyse, l’article 1158 du Code civil illustre parfaitement l’articulation entre théorie juridique et pragmatisme. Si la procédure d’interrogation du pouvoir du représentant remet en question certains dogmes traditionnels, elle répond à un besoin croissant de sécurisation des échanges juridiques dans un contexte économique marqué par une complexité accrue des relations contractuelles.

Comme le rappelle Guillaume Wicker, « l’introduction de l’article 1158 témoigne de la volonté du législateur de renforcer la sécurité juridique des transactions, tout en adaptant le droit des obligations aux réalités pratiques des échanges contemporains »[14].

En outre, cette disposition permet de rééquilibrer la relation contractuelle en offrant au tiers une garantie juridique quant à la validité des actes accomplis par le représentant. Ce rééquilibrage est particulièrement important dans les relations commerciales internationales, où les parties sont souvent confrontées à des incertitudes juridiques liées aux pouvoirs de leurs interlocuteurs.

La stipulation pour autrui: effets

La stipulation pour autrui, en introduisant un tiers bénéficiaire dans un rapport contractuel auquel il n’a pas pris part, s’affranchit du principe de l’effet relatif des contrats. Ce mécanisme confère à ce tiers un droit direct à l’encontre du promettant, tandis que le stipulant demeure l’architecte de cette attribution. Dès lors, les effets de la stipulation ne se limitent pas à la seule relation entre le stipulant et le promettant : ils s’étendent également aux liens qu’ils entretiennent avec le bénéficiaire, chacun jouant un rôle distinct dans l’équilibre de l’opération.

Ainsi, trois rapports juridiques se superposent tout en conservant leur autonomie : d’abord, la relation contractuelle initiale entre le stipulant et le promettant, qui constitue le fondement même de la stipulation ; ensuite, le lien qui s’établit entre le promettant et le bénéficiaire, ce dernier pouvant revendiquer l’exécution de la prestation convenue ; enfin, la relation entre le stipulant et le bénéficiaire, qui peut soulever des interrogations quant à la nature et aux limites des droits que ce dernier tient de la stipulation.

Il convient donc d’examiner successivement ces trois séries d’effets, afin de mieux saisir la portée et l’articulation des obligations nées de la stipulation pour autrui.

A) Les effets de la stipulation dans les rapports entre le stipulant et le promettant

Si la stipulation pour autrui confère au bénéficiaire un droit propre contre le promettant, elle n’épuise pas pour autant les droits du stipulant, qui demeure lié contractuellement au promettant. Ce dernier, bien que tenu d’exécuter une obligation au profit d’un tiers, reste en rapport direct avec le stipulant, dont il tire l’obligation principale. La relation entre ces deux parties repose ainsi sur une articulation délicate entre l’engagement souscrit envers le bénéficiaire et les droits que le stipulant conserve du fait du contrat dont est issue la stipulation.

1. L’existence d’un droit propre du stipulant à l’égard du promettant

Le stipulant, en tant que partie au contrat générateur de la stipulation pour autrui, conserve des droits propres à l’encontre du promettant, distincts de ceux conférés au bénéficiaire. Ces prérogatives trouvent leur source dans un double fondement : d’une part, le contrat conclu entre le stipulant et le promettant, qui régit leurs relations et leur confère des droits et obligations réciproques ; d’autre part, la stipulation elle-même, qui, bien qu’ayant pour finalité l’octroi d’un avantage à un tiers, ne prive pas le stipulant de toute maîtrise sur l’exécution de l’engagement souscrit par le promettant.

Ainsi, la stipulation pour autrui, loin d’anéantir les droits du stipulant, lui confère, au contraire, la possibilité d’exiger du promettant qu’il s’exécute conformément aux engagements contractuellement souscrits. Le stipulant demeure ainsi un acteur central de l’opération, disposant d’un droit propre à veiller à l’effectivité de la prestation due au bénéficiaire et, en cas d’inexécution, à en tirer toutes les conséquences juridiques.

Toutefois, la coexistence entre le droit du stipulant et celui du bénéficiaire n’est pas absolue et peut, dans certaines configurations, se trouver résorbée au profit du seul droit du bénéficiaire. Cette absorption intervient notamment lorsque l’objet du contrat consiste exclusivement à faire bénéficier un tiers d’une prestation, à l’exclusion de toute créance résiduelle du stipulant contre le promettant.

Tel est le cas, par exemple, dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie souscrit au profit d’un tiers : dès lors que l’assureur s’engage exclusivement à verser un capital au bénéficiaire, le souscripteur de l’assurance n’a plus, à l’égard de l’assureur, aucun droit propre lui permettant d’interférer dans l’exécution de l’engagement pris. Il en va de même lorsqu’un contrat de vente prévoit que le prix sera réglé directement entre les mains d’un tiers, que ce soit sous forme de rente viagère ou de capital payable en une seule fois : le droit du bénéficiaire à percevoir la somme convenue vient, en quelque sorte, supplanter et éteindre toute créance que le stipulant aurait pu initialement détenir à l’encontre du promettant.

Dans ces hypothèses, le stipulant se trouve privé de toute action propre contre le promettant et ne peut en aucun cas contester la transmission du droit au bénéficiaire. L’opération, une fois conclue, se referme sur elle-même : le stipulant disparaît de l’équation juridique, ne laissant subsister qu’une relation directe entre le bénéficiaire et le promettant.

Dans la plupart des cas, toutefois, le droit du stipulant demeure distinct de celui du bénéficiaire, ce qui soulève la question de l’articulation entre ces deux prérogatives. En effet, bien que le bénéficiaire puisse faire valoir un droit propre à l’encontre du promettant, ce dernier n’en devient pas pour autant son cocontractant direct au sens strict du terme : il reste tenu en vertu d’un engagement pris à l’égard du stipulant, qui demeure la source même de son obligation.

Dès lors, si le bénéficiaire est en droit d’exiger du promettant l’exécution de la stipulation, il ne saurait, en revanche, se prévaloir de moyens d’action propres aux parties au contrat générateur de la stipulation, tels que :

  • Les actions en nullité du contrat : seul le stipulant, en sa qualité de contractant, peut contester la validité du contrat ayant donné naissance à la stipulation. Ainsi, si le contrat est frappé de nullité pour un vice du consentement ou pour une cause illicite, le bénéficiaire ne pourra pas s’en prévaloir pour remettre en cause son droit. Cette incapacité tient au fait que les actions en nullité appartiennent aux parties contractantes et non aux tiers bénéficiant des effets d’un contrat.
  • Les actions en résolution pour inexécution des obligations contractuelles : si le promettant manque à ses engagements, le bénéficiaire ne peut, à lui seul, solliciter la résolution du contrat, car il ne détient pas la qualité de cocontractant. Cette prérogative demeure entre les mains du stipulant, qui, en tant que partie originelle au contrat, peut en poursuivre l’anéantissement en cas d’inexécution par le promettant.

Ainsi, malgré l’acquisition d’un droit propre par le bénéficiaire, la stipulation pour autrui ne le place pas sur un pied d’égalité avec le stipulant quant aux actions pouvant être exercées contre le promettant. Il en résulte que le stipulant, même après l’acceptation de la stipulation par le bénéficiaire, conserve un droit autonome, lui permettant d’intervenir dans l’exécution de l’engagement pris par le promettant.

Toutefois, l’exercice des droits du stipulant ne saurait être absolu et doit s’articuler avec le principe d’indépendance du droit du bénéficiaire une fois l’acceptation intervenue. En effet, si le stipulant conserve la faculté d’agir en nullité ou en résolution du contrat générateur de la stipulation, ces actions ne sauraient être mises en œuvre sans prendre en compte les effets qu’elles produisent à l’égard du bénéficiaire.

Lorsque la stipulation a été acceptée, son irrévocabilité empêche en principe le stipulant d’en anéantir les effets de manière unilatérale. Ainsi, si une action en nullité ou en résolution est engagée par le stipulant, il conviendra de distinguer selon que le bénéficiaire a été mis en cause dans la procédure ou non :

  • Si le bénéficiaire est partie au litige, la nullité ou la résolution prononcée lui est opposable et anéantit son droit. Dès lors, la disparition du contrat entraîne celle de la stipulation, dans un effet rétroactif global.
  • Si le bénéficiaire n’a pas été mis en cause, il pourra contester l’opposabilité de la décision et faire valoir que la résolution ne saurait lui être appliquée, faute d’avoir pu défendre ses intérêts. Dans cette hypothèse, la nullité ou la résolution sera inopposable au bénéficiaire, qui pourra toujours exiger du promettant l’exécution de la stipulation.

Ce mécanisme illustre la complexité des interactions entre le stipulant et le promettant dans le cadre d’une stipulation pour autrui. Si le stipulant reste maître du contrat générateur, il ne peut ignorer que la stipulation qu’il a instituée crée un droit au profit du bénéficiaire, lequel tend à s’émanciper progressivement du cadre contractuel initial.

2. Les voies de droit ouvertes au stipulant en cas d’inexécution du promettant

Si la stipulation pour autrui confère un droit direct au bénéficiaire à l’égard du promettant, elle ne prive pas pour autant le stipulant de tout recours en cas de défaillance de ce dernier. En tant que cocontractant du promettant, le stipulant demeure en effet investi d’un pouvoir d’action autonome, lui permettant d’assurer la mise en œuvre effective de la stipulation et de garantir le respect des engagements souscrits.

Ainsi, lorsqu’un manquement du promettant est constaté, trois voies de droit s’ouvrent au stipulant :

a. L’action en exécution de l’obligation souscrite par le promettant

Le stipulant, bien qu’il ne soit pas lui-même créancier direct de la prestation due au bénéficiaire, conserve la faculté d’exiger du promettant l’exécution de ses engagements. Cette prérogative repose sur le lien contractuel qui unit le stipulant et le promettant, en vertu duquel ce dernier s’est engagé à accomplir une prestation au profit du bénéficiaire.

La jurisprudence admet ainsi que le stipulant dispose d’un droit d’action en exécution forcée, lui permettant de contraindre le promettant à exécuter son obligation envers le bénéficiaire. Ce droit existe indépendamment de l’initiative du bénéficiaire : le stipulant peut agir, même si le bénéficiaire n’a pas encore exercé son propre recours contre le promettant. L’action du stipulant trouve sa justification dans l’intention même qui a présidé à la stipulation : il s’agit pour lui de garantir que l’engagement pris par le promettant au profit du tiers sera effectivement respecté.

Cette action en exécution peut revêtir plusieurs formes :

  • L’exécution forcée en nature: si l’obligation du promettant est encore susceptible d’être exécutée, le stipulant pourra demander au juge d’en ordonner l’exécution, le cas échéant sous astreinte. Cette solution s’impose notamment lorsque la prestation convenue revêt un caractère spécifique ou personnalisé, rendant une indemnisation pécuniaire insuffisante.
  • L’octroi de dommages-intérêts: lorsque l’exécution en nature est impossible ou manifestement disproportionnée, le stipulant pourra obtenir une indemnisation destinée à réparer l’inexécution de l’obligation contractuelle.

Ainsi, même si le bénéficiaire est titulaire d’un droit propre contre le promettant, la stipulation pour autrui ne dépossède pas le stipulant de son pouvoir d’intervention. Il conserve un intérêt légitime à veiller à l’exécution des engagements souscrits et peut, en conséquence, agir contre le promettant pour garantir l’effectivité de la stipulation.

b. L’action en résolution du contrat pour inexécution du promettant

Lorsqu’un contrat est créateur d’une stipulation pour autrui, il est admis que le stipulant puisse en solliciter la résolution en cas d’inexécution par le promettant. Cette faculté repose sur un principe fondamental : la stipulation pour autrui ne saurait subsister si le contrat dont elle est issue disparaît.

Ainsi, si le promettant manque à ses obligations à l’égard du bénéficiaire, le stipulant peut saisir le juge afin d’obtenir l’anéantissement rétroactif du contrat. Cette solution est largement consacrée par la jurisprudence, qui considère que le stipulant, en sa qualité de partie contractante, demeure en droit d’invoquer la résolution du contrat principal, même lorsque cette inexécution concerne exclusivement la prestation due au bénéficiaire.

Toutefois, le principe d’irrévocabilité de la stipulation après acceptation par le bénéficiaire vient tempérer ce pouvoir. En effet, une fois l’acceptation intervenue, la stipulation pour autrui acquiert une autonomie qui la protège d’une remise en cause arbitraire par le stipulant. La résolution du contrat devient alors plus délicate à obtenir et suppose un équilibre entre :

  • Le principe de l’irrévocabilité du droit du bénéficiaire, qui empêche le stipulant de remettre en cause la stipulation de manière unilatérale après acceptation ;
  • Le principe de dépendance du droit du bénéficiaire vis-à-vis du contrat dont il est issu, qui implique que la disparition du contrat entraîne logiquement celle de la stipulation.

Dès lors, si le bénéficiaire a accepté la stipulation, la résolution ne lui sera opposable que s’il a été mis en cause dans la procédure, conformément aux principes de l’autorité relative de la chose jugée. En revanche, en l’absence d’acceptation, la résolution s’impose naturellement, l’engagement du promettant envers le bénéficiaire trouvant exclusivement sa source dans le contrat initial.

Ainsi, l’action en résolution constitue une voie de droit essentielle pour le stipulant : elle lui permet d’exercer un contrôle sur la pérennité de la stipulation et de préserver ses intérêts en cas de défaillance du promettant.

c. L’action en responsabilité contractuelle pour obtenir des dommages-intérêts

Enfin, le stipulant peut solliciter une réparation pécuniaire lorsque l’inexécution du promettant lui cause un préjudice personnel. En effet, l’inexécution de la stipulation pour autrui ne saurait être neutre pour le stipulant : selon les circonstances, elle peut entraîner une atteinte à ses propres droits ou lui occasionner une perte financière.

L’action en responsabilité contractuelle du stipulant contre le promettant est susceptible d’intervenir dans deux situations:

  • Lorsque l’exécution de la stipulation conditionne une contrepartie due par le promettant. Tel est le cas, par exemple, lorsque le stipulant a prévu une prestation au profit du bénéficiaire en contrepartie d’une obligation réciproque du promettant. L’inexécution prive alors le stipulant de l’équilibre contractuel qu’il avait initialement recherché, justifiant ainsi une demande d’indemnisation.
  • Lorsque l’inexécution cause un préjudice propre au stipulant. L’absence d’exécution de la stipulation peut avoir des conséquences dommageables pour le stipulant lui-même, indépendamment des droits du bénéficiaire. Par exemple, si le stipulant avait un intérêt financier ou moral à voir la stipulation exécutée, il pourra prétendre à la réparation du préjudice subi.

Dans ces hypothèses, le stipulant peut solliciter l’octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en démontrant :

  • Une inexécution imputable au promettant ;
  • Un préjudice personnellement subi ;
  • Un lien de causalité direct entre cette inexécution et son dommage.

Ainsi, le stipulant, loin d’être un simple intermédiaire passif dans l’opération de stipulation pour autrui, demeure pleinement investi d’un pouvoir d’action à l’égard du promettant.

3. L’incidence de la résolution du contrat sur les droits du bénéficiaire

La résolution du contrat créateur de la stipulation pour autrui soulève une question quant au sort du droit acquis par le bénéficiaire. En principe, l’anéantissement du contrat entraîne l’extinction de toutes les obligations qui en découlent, y compris celles résultant de la stipulation. Toutefois, lorsque le bénéficiaire a déjà accepté la stipulation, la situation se complexifie, suscitant une controverse doctrinale quant à la préservation ou à l’anéantissement de son droit.

a. Les thèses doctrinales

Deux approches doctrinales s’affrontent sur la question du maintien des droits du bénéficiaire après la résolution du contrat support :

  • L’autonomie du droit du bénéficiaire
    • Certains auteurs considèrent que, dès lors que le bénéficiaire a accepté la stipulation, son droit acquiert une autonomie qui le protège des aléas du contrat générateur.
    • Cette position repose sur le principe de l’irrévocabilité de la stipulation après acceptation, consacrée par l’article 1206, alinéa 3, du Code civil. L’idée sous-jacente est que le bénéficiaire ne saurait subir les conséquences d’un différend entre le stipulant et le promettant auquel il est étranger.
    • Ainsi, même en cas de résolution du contrat principal, la stipulation pour autrui perdurerait, contraignant le promettant à exécuter son obligation envers le bénéficiaire.
  • Le caractère accessoire du droit du bénéficiaire
    • À l’inverse, une autre partie de la doctrine soutient que le droit du bénéficiaire est intrinsèquement lié au contrat générateur de la stipulation, dont il constitue un accessoire.
    • Dans cette logique, la disparition du contrat principal emporte nécessairement l’extinction du droit du bénéficiaire, conformément au principe selon lequel l’accessoire suit le sort du principal.
    • Cette position repose sur une lecture rigoureuse du mécanisme de la stipulation pour autrui : le promettant ne s’engage pas directement envers le bénéficiaire, mais seulement en exécution d’une obligation contractuelle souscrite à l’égard du stipulant.
    • L’anéantissement de cette obligation contractuelle par voie de résolution priverait donc le bénéficiaire de tout fondement juridique pour réclamer l’exécution de la stipulation.

b. La solution jurisprudentielle

Face aux divergences doctrinales quant aux effets de la résolution du contrat générateur de la stipulation pour autrui, la jurisprudence a adopté une solution intermédiaire, conciliant l’irrévocabilité du droit du bénéficiaire avec la nécessité de préserver la cohérence contractuelle.

Cette position repose sur un critère déterminant : la mise en cause ou non du bénéficiaire dans l’instance en résolution. Deux situations doivent ainsi être distinguées.

==>La mise en cause du bénéficiaire dans l’instance en résolution : l’extinction de ses droits

Lorsqu’un litige survient entre le stipulant et le promettant et que la résolution du contrat est sollicitée, la jurisprudence exige que le bénéficiaire soit mis en cause dans l’instance. Cette exigence repose sur le principe de l’autorité relative de la chose jugée : un jugement ne saurait affecter les droits d’un tiers qui n’a pas été partie au litige.

Ainsi, si le bénéficiaire est appelé à la procédure, il a la possibilité de faire valoir ses arguments et de défendre son droit avant que le contrat ne soit anéanti. En pareille hypothèse, la résolution lui devient opposable et entraîne l’extinction de la stipulation pour autrui, dans la mesure où son fondement juridique disparaît.

Ce principe a été affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juin 1888 (Req., 6 juin 1888) aux termes duquel elle a jugé que la résolution prononcée en présence du bénéficiaire mettait fin à ses droits contre le promettant. La solution a été réaffirmée plus récemment dans des décisions portant sur la révocation de donations avec charges, lesquelles s’analysent en stipulations pour autrui (V. Cass. 1re civ., 7 juin 1989, n°87-14.648).

==>L’absence de mise en cause du bénéficiaire : la survie de la stipulation

En revanche, si le bénéficiaire n’a pas été mis en cause, il conserve son droit contre le promettant, qui ne pourra lui opposer la résolution du contrat principal. Dans ce cas, la stipulation survit à l’anéantissement du contrat, créant ainsi une obligation autonome du promettant envers le bénéficiaire.

Cette solution trouve son fondement dans l’idée qu’un tiers ne saurait être privé d’un droit dont il n’a pas eu l’opportunité de contester l’anéantissement devant un juge. Elle permet de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire, en évitant qu’il ne soit soudainement privé de son droit sans avoir pu intervenir à la procédure.

La Cour de cassation a consacré cette approche dans un arrêt du 22 avril 1909 (Req., 22 avr. 1909, S. 1909, 1. 349), en refusant d’opposer la résolution du contrat au bénéficiaire d’une stipulation pour autrui qui n’avait pas été appelé à l’instance. Plus récemment, dans une affaire concernant l’assurance vie, elle a jugé que l’acceptation de la stipulation par le bénéficiaire créait un droit autonome, susceptible de survivre à la disparition du contrat initial (Cass. 1re civ., 12 mars 2002, n° 00-21.271).

==>Le recours du promettant contre le stipulant en cas d’exécution forcée

Lorsque la résolution du contrat ne peut être opposée au bénéficiaire, le promettant demeure tenu d’exécuter la stipulation, mais il conserve un recours en restitution contre le stipulant. Ce recours lui permet d’obtenir réparation du préjudice causé par l’exécution forcée d’une obligation qui aurait normalement dû disparaître avec le contrat initial.

La jurisprudence a confirmé que, dans une telle hypothèse, le promettant pouvait exercer une action en répétition des sommes versées (Cass. 1re civ., 14 déc. 1999, n° 97-20.040), ainsi qu’un recours en responsabilité contractuelle contre le stipulant s’il établissait un préjudice résultant de cette situation (Cass. com., 14 mai 1979, n°77-15.865).

4. Les recours dont dispose le promettant contre le stipulant aux fins d’exécution de ses obligations

Si la stipulation pour autrui confère au bénéficiaire un droit direct contre le promettant, elle ne réduit pas ce dernier à une position de simple débiteur passif, entièrement tributaire de la volonté du stipulant. En effet, en tant que partie au contrat générateur de la stipulation, le promettant conserve des voies de recours contre le stipulant, notamment lorsque ce dernier manque à ses propres engagements.

Ces recours revêtent une importance particulière dans le cadre d’un contrat synallagmatique, où l’obligation du promettant envers le bénéficiaire trouve sa contrepartie dans une prestation due par le stipulant. En ce sens, deux grandes catégories de recours sont ouvertes au promettant :

  • L’opposabilité au bénéficiaire des exceptions issues du contrat principal
  • Le recours en restitution contre le stipulant en cas d’exécution contrainte de la stipulation

a. L’opposabilité au bénéficiaire des exceptions tirées du contrat principal

Bien qu’il soit tenu d’une obligation à l’égard du bénéficiaire, le promettant conserve la possibilité d’invoquer des exceptions tirées du contrat conclu avec le stipulant. Ces exceptions lui permettent de suspendre ou de refuser l’exécution de l’obligation stipulée lorsque le contrat générateur n’est pas exécuté dans les conditions prévues.

==>L’exception d’inexécution

Le promettant peut opposer l’exception d’inexécution lorsque le stipulant n’a pas rempli ses obligations issues du contrat principal. Cette possibilité, consacrée par l’article 1219 du Code civil, permet au promettant de suspendre l’exécution de son obligation tant que le stipulant demeure défaillant.

En matière d’assurance vie, la jurisprudence admet que si le souscripteur n’a pas versé les primes dues, l’assureur peut refuser de verser le capital au bénéficiaire (Cass. 1re civ., 7 juin 1989, n° 87-14.648).

==>L’exception de nullité ou de résolution du contrat principal

Si le contrat générateur de la stipulation est entaché d’une cause de nullité ou fait l’objet d’une résolution, le promettant peut invoquer cette circonstance pour refuser d’exécuter l’obligation stipulée au profit du bénéficiaire.

La jurisprudence reconnaît en effet que le bénéficiaire ne peut prétendre à un droit dont le fondement juridique a disparu avec le contrat principal (Cass. 1re civ., 14 déc. 1999, n°97-20.040).

==>Limites aux exceptions opposables au bénéficiaire

Toutefois, le promettant ne peut pas opposer au bénéficiaire certaines exceptions personnelles au stipulant, notamment celles tenant à l’incapacité du stipulant ou à un vice du consentement, conformément aux articles 1147 et 1181 du Code civil.

Ainsi, si le contrat principal est annulé pour cause d’incapacité du stipulant, le promettant ne pourra pas s’en prévaloir à l’encontre du bénéficiaire (Cass. 1re civ., 12 mars 2002, n°00-21.271).

b. Le recours du promettant contre le stipulant en cas d’exécution forcée de la stipulation

Lorsqu’un promettant est contraint d’exécuter la stipulation malgré la disparition du contrat principal, il peut exercer un recours en restitution contre le stipulant. Ce recours repose sur le principe selon lequel le promettant ne doit pas être tenu d’exécuter une obligation qui a perdu son fondement contractuel.

==>L’action en répétition des prestations indûment exécutées

Si le promettant a été contraint d’exécuter une obligation au bénéfice du tiers alors que le contrat générateur a été annulé ou résolu, il peut exiger la restitution des prestations versées auprès du stipulant.

Ce principe s’inscrit dans la logique des restitutions consécutives à l’anéantissement d’un contrat, consacrée par l’article 1352 du Code civil et confirmée par la jurisprudence (Cass. req., 22 avr. 1909).

==>Le recours en responsabilité contractuelle contre le stipulant

Dans l’hypothèse où le promettant a dû exécuter la stipulation en raison d’un manquement du stipulant, il pourra engager la responsabilité contractuelle de ce dernier pour obtenir réparation du préjudice subi.

Ce recours suppose de prouver :

  • Un manquement contractuel du stipulant
  • Un préjudice pour le promettant
  • Un lien de causalité entre la faute du stipulant et le préjudice du promettant

Dans une affaire où un constructeur-promettant avait dû exécuter des travaux en faveur d’un bénéficiaire alors que le maître d’ouvrage (stipulant) n’avait pas payé le prix convenu, la Cour de cassation a admis son recours en responsabilité contractuelle contre le stipulant (Cass. com., 14 mai 1979).

c. Les actions dont dispose le stipulant après l’exécution de la stipulation

Bien que la stipulation pour autrui crée un droit direct au profit du bénéficiaire, elle ne prive pas pour autant le stipulant de toute action après l’exécution de l’obligation du promettant.

==>Le renouvellement des sûretés attachées à la créance du bénéficiaire

Lorsque la stipulation est assortie d’une sûreté garantissant l’exécution de la prestation due au bénéficiaire (gage, hypothèque, cautionnement), le stipulant peut prendre l’initiative de renouveler ces garanties afin de préserver le droit du bénéficiaire.

La Cour de cassation a reconnu la possibilité pour le stipulant de renouveler une hypothèque inscrite en garantie d’une obligation au profit d’un bénéficiaire (Cass. civ., 16 avr. 1894).

==>L’intervention en justice pour défendre l’exécution de la stipulation

Le stipulant, en sa qualité d’instigateur de la stipulation, peut également agir en justice pour garantir l’exécution de l’obligation souscrite par le promettant envers le bénéficiaire.

Par exemple, la Cour de cassation a admis que le stipulant puisse prendre des mesures conservatoires pour protéger le droit du bénéficiaire, notamment en saisissant des créances du promettant (Cass. civ., 16 janv. 1888)

B) Les effets dans les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire

La stipulation pour autrui est un mécanisme contractuel singulier, permettant à un stipulant d’octroyer un droit à un tiers bénéficiaire, bien que celui-ci ne soit pas partie au contrat initial. Ce droit, d’abord rattaché à la volonté du stipulant, s’en émancipe progressivement pour devenir pleinement autonome dès qu’il est accepté par le bénéficiaire. Ainsi, l’équilibre entre la liberté contractuelle du stipulant et la protection du bénéficiaire repose sur trois principes essentiels : un droit direct conféré indépendamment de toute acceptation, une révocabilité tant que le bénéficiaire ne s’est pas prononcé, et une irrévocabilité consacrée par son adhésion à la stipulation.

1. Un droit direct conféré au bénéficiaire indépendamment de son acceptation

La stipulation pour autrui confère au bénéficiaire un droit direct et autonome à l’encontre du promettant, indépendamment de toute acceptation préalable de sa part. En d’autres termes, dès l’instant où la stipulation est réalisée, le bénéficiaire se trouve investi d’un droit de créance, qu’il peut faire valoir sans avoir à intervenir dans la formation du contrat initial. Ce principe, affirmé par l’article 1206, alinéa 1ere du Code civil, traduit une exception marquante au principe de l’effet relatif des contrats.

==>L’attribution immédiate d’un droit de créance au bénéficiaire

La jurisprudence reconnaît depuis longtemps que la stipulation pour autrui confère immédiatement au bénéficiaire un droit de créance opposable au promettant, sans qu’il ait besoin d’exprimer son accord (Cass. civ., 8 févr. 1888).

Ce droit peut naître de deux façons :

  • Une désignation immédiate du bénéficiaire au moment de la conclusion du contrat
    • Dès que le stipulant et le promettant concluent leur accord, le bénéficiaire est investi de son droit.
    • Il peut alors exiger directement du promettant l’exécution de la prestation convenue, sans intervention du stipulant.
  • Une désignation ultérieure du bénéficiaire
    • Dans ce cas, le stipulant modifie après coup le contrat pour désigner un bénéficiaire.
    • Une fois la désignation effectuée, ce dernier devient automatiquement titulaire de la créance, sans qu’il ait besoin de donner son accord préalable.

Dans tous les cas, la stipulation pour autrui opère un transfert immédiat du droit au bénéficiaire. Celui-ci peut donc exiger l’exécution de l’obligation sans qu’aucune formalité d’acceptation ne soit requise à ce stade. Cependant, tant qu’il ne l’a pas expressément acceptée, son droit demeure précaire et peut être révoqué par le stipulant.

==>Une action directe du bénéficiaire contre le promettant

L’un des principaux effets de la stipulation pour autrui réside dans la possibilité pour le bénéficiaire d’agir directement contre le promettant, sans que l’intervention du stipulant ne soit requise. Ce droit d’agir directement contre le promettant est reconnu par la Cour de cassation, qui affirme que le bénéficiaire peut réclamer l’exécution de la prestation directement entre les mains du promettant (Cass. com., 12 mai 1981, n°77-14.793).

Cette action ne dépend en rien de la volonté du stipulant : une fois la stipulation réalisée, le bénéficiaire dispose d’un droit propre, indépendant de toute demande ou validation du stipulant. Le promettant est ainsi juridiquement tenu envers le bénéficiaire comme s’il était directement partie au contrat, bien qu’il n’ait contracté initialement qu’avec le stipulant.

==>L’encadrement du droit du bénéficiaire par le contrat initial

Bien que le droit du bénéficiaire soit direct et opposable, il n’échappe pas aux limites et conditions fixées par le contrat initial. En effet, la créance dont il bénéficie découle exclusivement de l’accord entre le stipulant et le promettant, ce qui emporte plusieurs conséquences :

  • Le bénéficiaire ne peut prétendre à plus de droits que ceux prévus dans le contrat initial. Ainsi, il ne saurait revendiquer une prestation plus favorable ou en des termes différents de ceux établis par le stipulant et le promettant (Cass. com., 22 févr. 1950).
  • Le promettant peut lui opposer les exceptions inhérentes au contrat initial, comme l’extinction de l’obligation due à une inexécution fautive du stipulant, la survenance d’une condition résolutoire ou encore un vice du consentement affectant la formation du contrat (Cass. 1ere civ., 4 mai 1955)
  • La validité du contrat principal conditionne l’existence du droit du bénéficiaire. Si le contrat est nul ou anéanti, la stipulation pour autrui disparaît de plein droit, privant ainsi le bénéficiaire de toute prétention contre le promettant (Cass. 1ere civ., 17 mai 2005, n° 03-14.077).

En matière d’assurance sur la vie, ces principes sont codifiés à l’article L. 132-12 du Code des assurances, qui précise que le droit du bénéficiaire existe dès la conclusion du contrat, quelle que soit la date de sa désignation. Toutefois, tant que le bénéficiaire ne manifeste pas son adhésion à la stipulation, ce droit demeure fragile, car il reste à la merci d’une révocation par le stipulant.

==>L’incidence des clauses stipulées dans le contrat initial sur les droits du bénéficiaire

Le droit du bénéficiaire ne s’exerce pas en dehors du cadre contractuel qui le fonde. Dès lors, les clauses du contrat initial lui sont opposables, notamment :

  • Les clauses limitatives de responsabilité, qui peuvent restreindre l’étendue des obligations du promettant ;
  • Les clauses d’exclusion, notamment en matière d’assurance, où l’assureur peut refuser d’indemniser le bénéficiaire en raison des exclusions prévues dans le contrat (Cass. 1ere civ., 20 juill. 1981, n° 80-13.752) ;
  • Les clauses compromissoires et attributives de compétence, qui ont vocation à s’imposer au bénéficiaire si elles figurent dans le contrat principal (Cass. 1ere civ., 11 juill. 2006, n° 03-11.983).

Toutefois, la doctrine critique cette extension des clauses au bénéficiaire, considérant qu’il n’est pas partie au contrat et ne devrait pas être contraint par une clause compromissoire sauf acceptation expresse de sa part.

==>Un droit conféré sous conditions et limites contractuelles

Enfin, si la stipulation pour autrui octroie un droit direct au bénéficiaire, certaines situations peuvent en limiter les effets :

  • L’incapacité du stipulant : si le stipulant était juridiquement inapte à contracter, la stipulation pour autrui sera privée d’effet (Cass. 1ere civ., 8 mai 1979, n° 77-13.339).
  • L’inopposabilité de certaines clauses : le bénéficiaire ne peut se prévaloir d’une clause pénale prévue dans le contrat principal s’il n’en est pas expressément attributaire (Cass. com., 23 mai 1989, n° 86-14.936).

2. Un droit révocable jusqu’à l’acceptation du tiers bénéficiaire

Si la stipulation pour autrui confère immédiatement un droit au bénéficiaire, ce dernier demeure précaire tant qu’il ne l’a pas accepté. En effet, l’article 1206, alinéa 2 du Code civil dispose que « tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée, le stipulant peut la révoquer ». Ce principe repose sur l’idée que le stipulant, à l’origine du droit conféré, conserve la maîtrise de son engagement jusqu’à ce qu’il devienne irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire.

Cette faculté de révocation du stipulant, qui constitue le pendant négatif de son pouvoir d’attribution, se caractérise par trois éléments essentiels : son caractère unilatéral, discrétionnaire et effectif à compter de sa notification.

a. La faculté de révocation du stipulant

==>Le caractère unilatéral du droit de révocation

Le stipulant est le seul maître du sort de la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée. Il peut donc décider seul, sans requérir l’accord ni du bénéficiaire ni du promettant, de modifier, supprimer ou substituer un autre bénéficiaire à celui initialement désigné.

Ce principe a été consacré par la jurisprudence dès le XIX? siècle, qui a affirmé que le stipulant dispose d’une liberté absolue de rétractation avant acceptation du bénéficiaire (Cass. civ., 27 déc. 1853).

==>Le caractère discrétionnaire du droit de révocation

Le stipulant peut exercer sa faculté de révocation librement, sans condition de forme ou de justification. La doctrine souligne que cette prérogative repose sur le principe de l’autonomie de la volonté, qui lui permet de modifier à tout moment l’acte de stipulation.

Toutefois, des limites à cette liberté ont été reconnues par la jurisprudence :

  • Lorsque le promettant a un intérêt légitime dans la stipulation (économique ou moral), son consentement peut être requis pour révoquer la stipulation (CA Grenoble, 6 avr. 1881).
  • Une clause contractuelle peut prévoir que la stipulation est irrévocable dès son origine, restreignant ainsi la faculté du stipulant de la modifier ou de la supprimer (Cass. req., 30 juill. 1877).
  • En cas d’abus de droit, la révocation pourrait être sanctionnée si elle est exercée dans des conditions contraires à la bonne foi contractuelle (art. 1104 du Code civil).

==>Le caractère réceptice du droit de révocation

Bien que le stipulant soit libre de révoquer la stipulation, l’effet de cette révocation n’est pas automatique : l’article 1207, alinéa 3 du Code civil impose qu’elle soit portée à la connaissance du bénéficiaire ou du promettant pour être opposable. Cette exigence vise à garantir la sécurité juridique des parties et à éviter toute exécution d’une prestation en faveur d’un bénéficiaire dont le droit aurait disparu.

b. Les conditions d’exercice du droit de révocation

La révocation ne peut être exercée que sous certaines conditions tenant à la durée du pouvoir de révocation et à son extinction en cas d’acceptation du bénéficiaire.

==>Une faculté limitée dans le temps

Le pouvoir de révocation du stipulant disparaît dès l’acceptation du bénéficiaire. En vertu de l’article 1206, alinéas 2 et 3 du Code civil, dès que le bénéficiaire accepte la stipulation, celle-ci devient irrévocable.

La jurisprudence a confirmé ce principe, notamment en matière d’assurance sur la vie : tant que le bénéficiaire n’a pas accepté la désignation, l’assuré conserve un droit absolu de révocation. En revanche, dès que l’acceptation intervient, la stipulation devient définitive, rendant toute révocation impossible (Cass. 1ere civ., 17 nov. 2021, n° 20-12.711).

==>Le droit de révocation peut être exercé par les héritiers

Si le stipulant décède avant d’avoir révoqué la stipulation, ses héritiers peuvent encore le faire, sous réserve de respecter un délai strict. L’article 1207, alinéa 1er du Code civil prévoit qu’ils doivent mettre le bénéficiaire en demeure d’accepter dans un délai de trois mois. À défaut d’acceptation dans ce délai, la stipulation est réputée révoquée.

c. Les modalités d’exercice du droit de révocation

La révocation peut être expresse ou tacite, mais elle doit être notifiée pour produire effet.

En effet, aucune forme spécifique n’est requise pour révoquer la stipulation. Elle peut être :

  • Expresse : par une déclaration écrite (courrier, acte notarié, avenant au contrat principal) ou verbale.
  • Tacite : par un acte manifestant sans équivoque la volonté du stipulant d’anéantir la stipulation (par exemple, la désignation d’un nouveau bénéficiaire).

En matière d’assurance sur la vie, la jurisprudence a reconnu qu’un testament révoquant une désignation bénéficiaire pouvait suffire à caractériser la révocation, même si l’assureur n’en était pas informé immédiatement (Cass. 1ere civ., 24 juin 1969).

Bien que le stipulant puisse révoquer la stipulation librement, cette révocation ne produit effet qu’une fois notifiée au bénéficiaire ou au promettant (art. 1207, alinéa 3 du Code civil).

Cette règle poursuit un double objectif :

  • Sécuriser la situation du bénéficiaire : tant qu’il n’a pas été informé de la révocation, il peut toujours accepter la stipulation et la rendre irrévocable.
  • Protéger le promettant : pour éviter qu’il exécute une obligation au profit d’un bénéficiaire dont le droit a été supprimé.

En cas d’acceptation du bénéficiaire avant que la révocation ne lui soit notifiée, la révocation devient sans effet (Cass. soc., 5 janv. 1956).

d. Les effets de la révocation

Une fois notifiée, la révocation anéantit rétroactivement le droit du bénéficiaire. Celui-ci est censé n’en avoir jamais été titulaire (art. 1207, alinéa 5 du Code civil).

Si la révocation est pure et simple, la stipulation disparaît, mais le contrat principal subsiste. En revanche, si la stipulation était essentielle à l’équilibre du contrat, la disparition de la stipulation peut entraîner celle du contrat principal.

  • Sort de la prestation après révocation
    • Si aucun nouveau bénéficiaire n’est désigné, la prestation profite au stipulant ou à ses héritiers (Cass. civ., 27 déc. 1853).
    • Si un nouveau bénéficiaire est désigné, la stipulation est maintenue mais le droit direct est transféré au nouveau bénéficiaire (art. 1207, alinéa 2 du Code civil).
  • Opposabilité de la révocation
    • Une fois notifiée, la révocation devient opposable au bénéficiaire, qui ne peut plus prétendre au bénéfice du contrat.
    • Si le promettant exécute la prestation en faveur d’un bénéficiaire révoqué faute d’avoir été informé, il peut réclamer restitution au bénéficiaire initial (Cass. 2? civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954).

3. Un droit irrévocable après l’acceptation du tiers bénéficiaire

L’acceptation de la stipulation pour autrui marque une rupture décisive dans la construction juridique de cette institution. Tant qu’elle n’intervient pas, le bénéficiaire demeure dans une situation d’incertitude, ne tenant son droit qu’à la volonté révocable du stipulant. Mais dès lors qu’il exprime son adhésion, ce droit se fige : il acquiert un caractère irrévocable, devient pleinement opposable au promettant et échappe définitivement au pouvoir de modification du stipulant.

Cette transition d’un droit fragile à un droit définitivement établi s’inscrit dans un cadre juridique rigoureusement structuré, régi par les articles 1206 à 1208 du Code civil, et, en matière d’assurance sur la vie, par l’article L. 132-9 du Code des assurances.

a. La faculté d’acceptation

L’acceptation de la stipulation pour autrui ne constitue en aucun cas une obligation pour le bénéficiaire : elle demeure une simple faculté, dont l’exercice relève de son libre arbitre. Ni le stipulant, ni le promettant ne peuvent le contraindre à accepter un droit qui lui est conféré.

Cette liberté trouve son fondement dans la nature même de la stipulation pour autrui, qui confère un avantage sans imposer de charge au bénéficiaire. Contrairement à un engagement contractuel classique, la stipulation ne crée aucune obligation tant que le bénéficiaire ne manifeste pas sa volonté de l’accepter.

==>Un droit discrétionnaire

Aussi, le bénéficiaire dispose d’un pouvoir souverain de décision quant à l’acceptation de la stipulation. Il peut choisir d’accepter ou de refuser le bénéfice qui lui est offert, sans avoir à en justifier les raisons.

Exemple: une personne désignée bénéficiaire d’une assurance-vie peut refuser ce bénéfice, notamment si elle ne souhaite pas être impliquée dans une situation successorale complexe.

Le refus du bénéficiaire entraîne la caducité de la stipulation. Aucun droit ne peut plus être revendiqué sur ce fondement.

==>Absence d’effet contraignant

Tant que le bénéficiaire ne s’est pas prononcé, aucune obligation ne pèse sur lui. Il ne peut être tenu d’exécuter une quelconque prestation, ni même d’assumer une quelconque responsabilité juridique.

Dès lors, un bénéficiaire désigné dans un contrat d’assurance-vie n’a aucun devoir envers l’assureur ni envers le souscripteur tant qu’il n’a pas accepté la stipulation. Il n’a donc pas à justifier son silence, ni ne s’expose à une action en responsabilité à raison de sa passivité.

==>Un droit précaire

Avant toute acceptation, le droit conféré au bénéficiaire reste fragile et révocable. Le stipulant conserve ainsi la faculté de modifier ou de rétracter son engagement à tout moment, sans que le bénéficiaire puisse s’y opposer.

La Cour de cassation a confirmé dès le XIX? siècle que, tant que l’acceptation n’est pas intervenue, le stipulant dispose d’un droit absolu de révocation (Cass. civ., 27 déc. 1853).

Exemple pratique :

  • Un souscripteur d’une assurance-vie peut modifier la clause bénéficiaire tant que le bénéficiaire initial ne l’a pas acceptée.
  • De même, dans un contrat de prestation de services, une entreprise peut révoquer une stipulation au profit d’un tiers avant que celui-ci ne manifeste son acceptation.

==>Les options ouvertes au bénéficiaire

Le bénéficiaire dispose de trois options, chacune ayant des conséquences distinctes :

  • Accepter la stipulation
    • L’acceptation a pour effet de consolider définitivement le droit conféré au bénéficiaire :
      • Le stipulant perd alors tout pouvoir de révocation.
      • Le bénéficiaire devient créancier direct du promettant.
    • Exemple : Lorsqu’un bénéficiaire accepte une assurance-vie, il devient le titulaire irrévocable du droit sur le capital garanti, et le souscripteur ne peut plus en modifier les termes.
  • Refuser le bénéfice de la stipulation
    • Si le bénéficiaire rejette la stipulation, celle-ci est anéantie et devient définitivement caduque.
    • Cette situation peut survenir, par exemple, lorsque l’acceptation de la stipulation entraînerait des conséquences fiscales indésirables ou un conflit d’intérêts.
    • Exemple: un bénéficiaire refuse un contrat d’assurance-vie pour éviter des frais fiscaux ou une gestion successorale complexe.
  • Ne pas se prononcer
    • Lorsque le bénéficiaire demeure silencieux et ne manifeste ni acceptation ni refus, la stipulation pour autrui reste en suspens, dans une situation juridique incertaine.
    • Cette absence de prise de position n’éteint pas la stipulation, mais la laisse dans un état précaire, où aucun droit définitif n’est acquis et où la faculté de révocation du stipulant demeure entière.
    • Tant que le bénéficiaire ne se prononce pas :
      • Le stipulant conserve un pouvoir discrétionnaire de révocation : il peut revenir sur son engagement à tout moment, sans avoir à justifier sa décision.
      • Le promettant n’est pas tenu envers le bénéficiaire : tant que ce dernier n’a pas accepté, aucune créance n’est constituée en sa faveur et le promettant ne peut être contraint d’exécuter l’obligation stipulée.
    • Exemple en matière d’assurance-vie:
      • Un bénéficiaire qui tarde à accepter ne fait naître aucune obligation à la charge de l’assureur.
      • L’assureur peut solliciter une clarification afin de savoir si le capital doit être versé au bénéficiaire désigné ou si un autre bénéficiaire doit être désigné en substitution.

b. Les conditions de l’acceptation

L’acceptation, en tant qu’acte juridique unilatéral du bénéficiaire, doit satisfaire aux conditions générales de validité des actes juridiques, telles que définies par le Code civil.

==>La capacité du bénéficiaire

L’acceptation suppose que le bénéficiaire soit juridiquement capable d’exercer ses droits. La jurisprudence considère que cette capacité doit être appréciée au jour de l’attribution du droit (Cass. civ., 8 févr. 1888), ce qui implique que si le bénéficiaire est frappé d’une incapacité à cette date, il ne pourra pas valablement accepter la stipulation sans l’intervention d’un représentant légal.

Si le bénéficiaire est frappé d’une incapacité juridique (mineur non émancipé, majeur sous tutelle, etc.), son représentant légal peut accepter la stipulation pour son compte. Cependant, cette acceptation ne doit pas être équivoque et doit clairement manifester l’intention du représentant d’accepter la stipulation au nom du bénéficiaire.

Toutefois, en matière d’assurance sur la vie, une protection supplémentaire est prévue afin d’éviter les abus ou l’exploitation d’un bénéficiaire vulnérable. Ainsi, l’article L. 132-4-1, alinéa 4 du Code des assurances dispose que l’acceptation d’un bénéficiaire sous tutelle ou curatelle peut être annulée si son incapacité était notoire ou connue du cocontractant au moment de l’acte.

Aussi, lorsqu’une personne vulnérable est désignée bénéficiaire d’une assurance-vie, l’assureur doit s’assurer de la capacité du bénéficiaire ou de son représentant avant d’enregistrer une acceptation, sous peine de voir l’acte annulé pour cause d’incapacité manifeste.

==>L’absence de vice du consentement

L’acceptation de la stipulation pour autrui doit être donnée en toute liberté et sans contrainte. Dès lors, elle doit être exempte d’erreur, de dol ou de violence, conformément aux principes généraux régissant la validité des actes juridiques (art. 1130 et s. du Code civil).

  • L’erreur
    • L’erreur peut affecter la validité de l’acceptation si elle porte sur l’objet même de la stipulation.
    • Par exemple, si le bénéficiaire accepte en croyant que la stipulation porte sur une prestation plus avantageuse qu’elle ne l’est en réalité, son consentement pourrait être remis en cause.
    • Exemple pratique: un bénéficiaire accepte un contrat d’assurance-vie en pensant qu’il percevra immédiatement un capital alors que la clause ne prévoit qu’un versement différé sous condition suspensive. S’il prouve que cette erreur était déterminante dans sa décision, il pourrait demander l’annulation de son acceptation.
  • Le dol
    • Le dol, défini comme une manœuvre frauduleuse ayant pour objet de tromper une personne et de l’inciter à contracter, constitue un vice du consentement susceptible d’entacher l’acceptation de nullité
    • Application en assurance-vie : si un stipulant ou un assureur cache volontairement des informations essentielles au bénéficiaire pour l’inciter à accepter la stipulation, cette acceptation pourrait être frappée de nullité pour dol.
  • La violence
    • L’acceptation doit être exempte de toute contrainte physique ou morale. Si un bénéficiaire accepte sous la pression d’un tiers (chantage, menace, abus de faiblesse), il pourrait contester son engagement et obtenir son annulation.
    • Exemple : un parent exerçant une pression morale sur son enfant pour qu’il accepte une stipulation dans un contrat d’assurance au profit d’un tiers non désiré pourrait voir cette acceptation annulée pour violence morale.

==>Une stipulation précise et déterminée

L’acceptation de la stipulation pour autrui ne saurait être efficace que si le bénéficiaire est en mesure d’identifier avec certitude les droits qui lui sont conférés. À défaut, l’acceptation reposerait sur une base incertaine, dépourvue de toute valeur juridique. Ce principe trouve son fondement dans l’exigence générale de détermination de l’objet des obligations, telle que consacrée par l’article 1128 du Code civil, qui impose que tout engagement juridique repose sur un objet certain et déterminé.

En effet, l’identification du droit conféré au bénéficiaire constitue une condition essentielle à la validité de son acceptation. Il ne peut exprimer un consentement éclairé qu’à la condition de connaître exactement l’étendue de la stipulation. L’objet de cette dernière doit être formulé en des termes suffisamment clairs pour éviter toute ambiguïté ou interprétation divergente.

Si la stipulation est trop vague, le bénéficiaire se trouverait dans l’impossibilité d’évaluer la portée de son droit et d’exercer librement sa faculté d’acceptation.

La jurisprudence est venue réaffirmer cette exigence en jugeant que le bénéficiaire doit être en mesure d’identifier sans équivoque les avantages qui lui sont conférés, sous peine d’invalidité de l’acceptation (Cass. civ., 8 févr. 1888).

Une stipulation qui se contenterait de mentionner « un avantage financier dont les modalités seront définies ultérieurement » ne saurait être acceptée valablement, faute d’éléments objectifs permettant d’en préciser la teneur.

L’exigence de détermination concerne tant la nature de la prestation que ses modalités d’exécution.

L’obligation stipulée doit être clairement définie et identifiable. Elle peut porter sur le versement d’une somme d’argent, l’octroi d’un droit particulier ou encore la fourniture d’une prestation en nature. Toutefois, elle ne peut être laissée à la seule discrétion du stipulant ou du promettant sans critères objectifs de détermination.

Ainsi, une clause prévoyant que « le bénéficiaire recevra un montant déterminé en fonction de la volonté du stipulant » est nulle, car elle repose sur un engagement potestatif, ce qui est prohibé par le droit des obligations (Cass. civ., 25 avr. 1903).

En matière d’assurance-vie, l’article L. 132-9, II du Code des assurances impose que la clause bénéficiaire soit rédigée avec suffisamment de précision pour permettre une identification certaine du bénéficiaire et des droits qui lui sont conférés.

Une stipulation trop vague ne saurait produire d’effet juridique. L’exigence de détermination joue ici un rôle fondamental de sécurité juridique, en garantissant que le bénéficiaire puisse comprendre l’étendue de ses droits et que le promettant puisse exécuter son engagement sans incertitude.

Par exemple, une clause stipulant que « le bénéficiaire recevra une aide financière adaptée à ses besoins » serait irrecevable, car elle ne précise ni le montant de l’aide, ni ses modalités d’octroi. Une telle clause pourrait être jugée nulle pour indétermination de l’objet (art. 1163 du Code civil).

Lorsqu’une stipulation offre plusieurs options de prestations, elle ne peut conférer un pouvoir discrétionnaire absolu au stipulant ou au promettant. Le choix entre plusieurs prestations doit être encadré par des critères objectifs. Ainsi, une clause précisant que « le bénéficiaire pourra recevoir soit une rente viagère, soit un capital forfaitaire de 100 000 € au choix du promettant » ne serait valide que si le contrat prévoit un mode de détermination du choix.

Par ailleurs, l’identification du bénéficiaire est également une condition de validité de la stipulation. Le droit conféré par celle-ci doit être attribué à une personne précisément désignée ou, à tout le moins, déterminable au moment de l’acceptation.

Lorsque le bénéficiaire est expressément désigné, la stipulation ne soulève aucune difficulté. En revanche, si la clause ne mentionne pas un nom précis, elle doit comporter des critères objectifs permettant d’identifier avec certitude la personne appelée à bénéficier de la prestation.

Ainsi, une stipulation prévoyant que « le bénéficiaire sera mon fils aîné » est valide, car elle repose sur un critère clair et vérifiable. En revanche, une désignation trop large, comme « l’un de mes proches », serait insuffisante et pourrait entraîner la caducité de la stipulation (Cass. civ., 7 oct. 1981).

En matière d’assurance-vie, la désignation du bénéficiaire doit respecter une rigueur particulière afin d’éviter toute contestation ultérieure. Une clause indiquant que « le bénéficiaire sera la personne vivant en concubinage avec moi au moment de mon décès » est considérée comme valide, dès lors qu’elle repose sur un critère objectif permettant d’identifier clairement le bénéficiaire.

c. Les modalités de l’acceptation

L’acceptation de la stipulation pour autrui constitue un acte juridique unilatéral qui peut prendre différentes formes, à condition qu’elle manifeste de manière claire et non équivoque la volonté du bénéficiaire d’adhérer aux droits qui lui sont conférés.

En l’absence d’exigences imposées par le Code civil, elle peut être expresse ou tacite. Toutefois, en matière d’assurance sur la vie, un formalisme particulier a été institué afin d’encadrer cette acceptation et d’en garantir l’opposabilité aux parties concernées.

==>L’acceptation expresse

L’acceptation est réputée expresse lorsqu’elle résulte d’une manifestation de volonté explicite du bénéficiaire, exprimée par écrit, verbalement ou par tout autre procédé ne laissant place à aucune équivoque quant à son intention d’adhérer à la stipulation.

L’article 1100-1 du Code civil exige que tout acte juridique unilatéral, tel que l’acceptation d’une stipulation pour autrui, soit formulé en des termes clairs et dépourvus d’ambiguïté. Par ailleurs, l’article 1172 du même code admet que l’acceptation puisse intervenir sous toute forme, sauf si un texte impose un formalisme spécifique.

La jurisprudence, dès le XIX? siècle, a consacré cette souplesse en affirmant que l’acceptation pouvait être rendue opposable au stipulant ou au promettant dès lors qu’elle résultait d’une déclaration expresse, qu’elle soit écrite ou verbale (Cass. civ., 25 avr. 1853).

Ainsi, l’acceptation peut se manifester de différentes manières :

  • Par l’envoi d’un écrit, tel qu’une lettre ou un courriel, adressé au stipulant ou au promettant.
  • Par une déclaration verbale dont l’existence peut être attestée par un écrit ou un témoignage.
  • Par l’insertion d’une mention explicite dans un acte juridique, tel qu’un testament ou un contrat.

Exemple pratique : en matière d’assurance-vie, si le bénéficiaire adresse une lettre recommandée à l’assureur et au souscripteur exprimant son acceptation, celle-ci devient irrévocable et prive le souscripteur de la faculté de modifier ultérieurement la clause bénéficiaire.

Toutefois, bien que l’acceptation expresse constitue la voie la plus sécurisante d’un point de vue juridique, elle ne constitue pas l’unique modalité d’adhésion à la stipulation, la jurisprudence reconnaissant également l’acceptation tacite lorsque certains indices factuels démontrent sans ambiguïté la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du droit qui lui est conféré.

==>L’acceptation tacite

L’acceptation peut également résulter d’un comportement du bénéficiaire traduisant sans équivoque sa volonté d’adhérer à la stipulation. Ce mode d’acceptation repose sur une interprétation des actes du bénéficiaire, qui doivent être suffisamment explicites pour établir son intention.

La jurisprudence a reconnu plusieurs situations dans lesquelles une acceptation tacite peut être caractérisée :

  • La perception régulière d’une prestation : lorsque le bénéficiaire d’une rente prévue par la stipulation pour autrui commence à percevoir les versements et ne manifeste aucune opposition, son acceptation est présumée (Cass. req., 2 avr. 1912).
  • Le paiement des primes d’un contrat d’assurance-vie : lorsqu’un bénéficiaire prend en charge le règlement des cotisations, il manifeste son adhésion à la stipulation faite à son profit (CA Bordeaux, 21 mai 1885).
  • L’exercice de droits liés à la stipulation : le fait pour un bénéficiaire d’intenter une action en exécution de la stipulation traduit une acceptation implicite et irrévocable.

Cependant, certains comportements ne suffisent pas à établir une acceptation tacite.

La simple détention de l’original d’un contrat d’assurance-vie ne suffit pas à caractériser une acceptation tacite, sauf si d’autres éléments viennent corroborer cette intention (CA Paris, 3 janv. 1918).

A cet égard, un bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie qui détient une copie du contrat sans jamais en demander l’exécution ne peut être considéré comme ayant accepté tacitement la stipulation. En revanche, s’il engage des démarches auprès de l’assureur pour obtenir le versement du capital, l’acceptation sera considérée comme acquise.

L’acceptation tacite repose donc sur une analyse factuelle et peut donner lieu à des débats en cas de contentieux. Elle est moins sécurisante qu’une acceptation expresse et peut être contestée en l’absence d’éléments probants.

==>Régime spécial de l’assurance-vie

L’acceptation du bénéfice d’un contrat d’assurance-vie est encadrée par un formalisme rigoureux, imposé par l’article L. 132-9, II du Code des assurances. Ce régime spécifique vise à protéger le souscripteur en lui garantissant un contrôle effectif sur la désignation du bénéficiaire tant qu’il est en vie.

  • Avant le décès du souscripteur
    • Tant que le souscripteur est en vie, l’acceptation du bénéficiaire ne peut intervenir que sous l’une des deux formes suivantes :
      • Un avenant tripartite, signé par le souscripteur, le bénéficiaire et l’assureur. Cet acte engage définitivement les parties et empêche toute modification unilatérale ultérieure du bénéficiaire.
      • Un acte authentique ou sous seing privé, signé par le souscripteur et le bénéficiaire, qui doit ensuite être notifié à l’assureur. Cette notification constitue une formalité essentielle, permettant à l’assureur d’être informé officiellement du caractère désormais irrévocable de la désignation.
    • L’une de ces deux formalités doit impérativement être respectée pour que l’acceptation produise ses effets.
    • Une simple manifestation de volonté du bénéficiaire, même exprimée clairement, ne saurait suffire. Tant que cette acceptation formalisée n’a pas eu lieu, le souscripteur conserve la liberté de modifier la clause bénéficiaire sans restriction.
  • Après le décès du souscripteur
    • À compter du décès du souscripteur, les contraintes formelles disparaissent.
    • Le bénéficiaire peut alors accepter le bénéfice du contrat par tout moyen, que ce soit de manière expresse (par une déclaration écrite) ou tacite (par un acte révélant sans équivoque sa volonté d’accepter, comme la demande de versement du capital).

L’article L. 132-9, II du Code des assurances a suscité des interrogations quant à la portée de la signature de l’assureur dans l’avenant tripartite. Certains auteurs ont estimé que cette signature traduisait une forme d’adhésion contractuelle, transformant ainsi l’acceptation en un acte nécessitant le consentement de trois parties (stipulant, bénéficiaire, assureur). D’autres ont soutenu une lecture plus restrictive, considérant que la signature de l’assureur ne constituait qu’une formalisation administrative, destinée à garantir une bonne information des parties.

En tout état de cause, ce formalisme strict répond à un impératif de protection du souscripteur. Il empêche que l’acceptation du bénéficiaire ne soit réalisée à son insu ou sous une influence extérieure, et lui garantit la possibilité de revenir sur la désignation tant qu’il est en vie. Ce n’est qu’après acceptation formelle que le bénéficiaire acquiert un droit intangible, rendant toute modification impossible sans son consentement.

En définitive, le régime de l’acceptation en assurance-vie illustre l’équilibre recherché entre la protection du souscripteur et la consolidation des droits du bénéficiaire, en fonction du moment où intervient l’acceptation.

d. Les effets de l’acceptation

L’acceptation de la stipulation pour autrui marque une transformation décisive dans le régime juridique de l’attribution au profit du bénéficiaire. Tant qu’elle n’est pas intervenue, la stipulation demeure précaire et révocable, ne créant à son profit qu’une simple expectative. En revanche, dès que le bénéficiaire exprime son acceptation, son droit acquiert une assise définitive : il devient irrévocable et directement opposable au promettant, tout en échappant à l’influence du stipulant. Cette irrévocabilité s’impose de manière absolue et ne souffre d’aucune exception, sauf stipulation expresse contraire.

Si la doctrine s’interroge sur la nature rétroactive de l’acceptation, elle s’accorde néanmoins sur son caractère déclaratif. L’acte d’acceptation ne crée pas un droit nouveau, mais vient consolider un droit préexistant, sans en modifier la substance. Loin d’opérer un bouleversement dans l’économie du contrat initial, il fige les conditions de la stipulation et confère au bénéficiaire un droit désormais intangible.

Les effets de l’acceptation revêtent une intensité particulière en matière d’assurance-vie. Loin de se limiter à la seule irrévocabilité de l’attribution, elle prive le souscripteur de la faculté de rachat du contrat, empêchant ainsi toute remise en cause ultérieure du bénéfice conféré. Le droit du bénéficiaire se trouve ainsi définitivement cristallisé, s’imposant tant au promettant qu’au stipulant.

L’analyse des effets de l’acceptation peut dès lors être structurée autour de trois axes : l’irrévocabilité du droit du bénéficiaire, son opposabilité immédiate au promettant et les conséquences spécifiques qu’elle entraîne en matière d’assurance-vie.

==>L’irrévocabilité du droit du bénéficiaire

L’acceptation de la stipulation pour autrui opère une véritable cristallisation des droits du bénéficiaire en le plaçant hors d’atteinte des volontés ultérieures du stipulant. Avant cette manifestation de volonté, la stipulation demeure fragile et révocable : le stipulant conserve toute latitude pour en modifier ou en anéantir les effets. Toutefois, dès que le bénéficiaire accepte la stipulation, son droit devient intangible. L’article 1206, alinéa 3 du Code civil consacre ce principe en affirmant que l’acceptation rend l’attribution irrévocable. Toute tentative ultérieure du stipulant de modifier ou de révoquer la stipulation se heurte alors à une nullité de plein droit. La jurisprudence a confirmé cette règle avec constance, en affirmant que toute révocation postérieure à l’acceptation demeure dépourvue d’effet et ne saurait priver le bénéficiaire du droit qui lui a été conféré (Cass. 1re civ., 26 juin 1961).

L’irrévocabilité ainsi acquise ne se limite pas à la seule impossibilité de suppression du droit du bénéficiaire : elle s’étend également aux conditions de son exécution. L’acceptation fige définitivement les termes de l’engagement souscrit par le promettant, rendant toute modification ultérieure du contrat d’origine inopposable au bénéficiaire. Dès lors que ce dernier a accepté la stipulation, les évolutions contractuelles intervenues entre le stipulant et le promettant ne peuvent en aucun cas altérer ses droits. La Cour de cassation a consacré ce principe en jugeant qu’une modification du contrat conclu entre le stipulant et le promettant, postérieure à l’acceptation, reste sans effet sur la créance du bénéficiaire, qui demeure tenu aux conditions initialement convenues (Cass. 1re civ., 5 déc. 1978, n°77-14.029).

Cette règle revêt une importance particulière en matière d’assurance emprunteur. Une fois l’acceptation intervenue, toute modification du risque couvert par l’assureur, même convenue entre le stipulant et le promettant, ne saurait porter atteinte aux droits du bénéficiaire. Il en résulte une véritable stabilité juridique du mécanisme de la stipulation pour autrui, qui confère au bénéficiaire une protection efficace contre toute remise en cause ultérieure.

==>L’opposabilité immédiate au promettant

L’acceptation ne se borne pas à dessaisir le stipulant de sa faculté de révocation ; elle confère également au bénéficiaire un droit propre et directement opposable au promettant. Dès que l’acceptation est formulée, le bénéficiaire devient le créancier exclusif du promettant, lequel ne peut plus s’acquitter de son obligation qu’en exécutant la prestation à son profit. Toute tentative de paiement au stipulant, même conforme à la relation initiale entre ce dernier et le promettant, est juridiquement inopérante. La jurisprudence a consacré cette règle en affirmant que le bénéficiaire dispose, dès son acceptation, d’un droit autonome qui ne saurait être anéanti par un paiement effectué entre les mains du stipulant (Cass. 1re civ., 19 déc. 2000, n° 98-14.105).

Cette consécration du droit direct du bénéficiaire s’accompagne d’un corollaire essentiel: toute exécution irrégulière de l’obligation du promettant est frappée de nullité. Ainsi, le paiement effectué entre les mains du stipulant après acceptation ne produit aucun effet libératoire à l’égard du bénéficiaire, lequel demeure fondé à en exiger l’exécution intégrale. Ce principe confère à la stipulation pour autrui une efficacité propre, en soustrayant définitivement le bénéficiaire aux aléas des relations contractuelles initiales.

Toutefois, une partie de la doctrine s’est interrogée sur la possibilité d’une dérogation conventionnelle à cette règle. Il a ainsi été soutenu que le stipulant et le promettant pourraient convenir, dès la formation du contrat, que le droit direct du bénéficiaire demeurerait révocable malgré son acceptation. Une telle analyse, défendue notamment par Demogue suggère que l’acceptation du bénéficiaire ne ferait pas obstacle à une révocation convenue dès l’origine. Cette thèse reste cependant largement minoritaire et n’a reçu aucune consécration jurisprudentielle. La jurisprudence demeure en effet attachée au principe d’irrévocabilité du droit du bénéficiaire après acceptation, considérant que toute stipulation contraire porterait atteinte à la sécurité juridique du mécanisme de la stipulation pour autrui.

==>Les effets de l’acceptation en matière d’assurance-vie

L’acceptation produit des effets particulièrement marqués en matière d’assurance-vie, où elle a pour conséquence de priver le souscripteur de sa faculté de rachat. Avant acceptation, le souscripteur conserve la possibilité de modifier la clause bénéficiaire ou d’exercer son droit de rachat sur le contrat. En revanche, après acceptation, ces prérogatives lui échappent totalement. L’article L. 132-9, I du Code des assurances, dans sa version issue de la loi du 17 décembre 2007, consacre désormais ce principe en disposant qu’après acceptation, « le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans l’accord du bénéficiaire ».

Cette interdiction du rachat a donné lieu à des controverses doctrinales et jurisprudentielles. Certains auteurs avaient soutenu que l’acceptation ne faisait pas obstacle à l’exercice du droit de rachat par le souscripteur, dès lors que ce droit était prévu dans le contrat et que le bénéficiaire avait accepté la stipulation en connaissance de cause. La chambre mixte de la Cour de cassation avait même admis, dans un premier temps, que l’acceptation du bénéficiaire ne privait pas nécessairement le souscripteur de sa faculté de rachat (Cass. ch. mixte, 22 févr. 2008, n°06-11.934). Toutefois, cette position a finalement été abandonnée au profit de la solution actuelle, qui consacre l’irrévocabilité de l’attribution après acceptation et l’interdiction corrélative du rachat.

La justification de cette solution repose sur la nature même de l’acceptation, qui équivaut à une acceptation de donation de la part du souscripteur. Or, en application des règles encadrant les donations, l’irrévocabilité constitue un principe d’ordre public, et la faculté de rachat reviendrait à vider l’acceptation de son effet juridique. Comme l’a souligné la doctrine, une clause par laquelle le souscripteur se réserverait la possibilité de racheter le contrat malgré l’acceptation du bénéficiaire serait contraire au principe d’irrévocabilité des donations et, à ce titre, juridiquement nulle[26].

Ainsi, en matière d’assurance-vie, l’acceptation ne se contente pas de figer les droits du bénéficiaire : elle soustrait également le contrat à toute possibilité de remise en cause par le souscripteur. Dès lors que le bénéficiaire a exprimé son acceptation, la stipulation lui devient définitivement acquise, et toute tentative du souscripteur de racheter le contrat en contradiction avec cette acceptation est juridiquement inefficace.

C) Les effets dans les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire

La stipulation pour autrui ne se réduit pas à la seule création d’un lien entre le bénéficiaire et le promettant. Elle instaure également une relation juridique entre le stipulant et le bénéficiaire, dont la nature et les effets varient selon l’intention qui a présidé à l’établissement de la stipulation dans le contrat principal. Cette relation, souvent sous-estimée, est pourtant fondamentale, car elle éclaire la portée véritable de la stipulation et détermine les éventuelles obligations réciproques des parties en présence.

==>Une relation qui peut être guidée par une intention libérale

Dans de nombreux cas, la stipulation pour autrui s’analyse comme une libéralité indirecte, en ce qu’elle vise à gratifier le bénéficiaire sans contrepartie. Cette qualification a des conséquences majeures, notamment en matière de protection des créanciers et des héritiers du stipulant.

D’une part, si la stipulation pour autrui a eu pour effet d’appauvrir le stipulant, ses créanciers peuvent agir par la voie de l’action paulienne pour en obtenir l’inopposabilité, à condition d’établir que la stipulation leur a causé un préjudice et qu’elle a été conclue en fraude de leurs droits.

D’autre part, en matière successorale, les héritiers du stipulant peuvent contester l’attribution au profit du bénéficiaire si celle-ci porte atteinte à la réserve héréditaire. Toutefois, cette contestation obéit à un régime particulier en ce qui concerne l’assurance-vie. L’article L. 132-13 du Code des assurances consacre en effet une règle spécifique selon laquelle seule la fraction des primes manifestement exagérées peut être réintégrée dans la succession. Le capital décès versé au bénéficiaire échappe ainsi à toute remise en cause, sauf en cas d’abus manifeste dans le versement des primes. Cette solution, largement admise par la jurisprudence, vise à préserver la spécificité du contrat d’assurance-vie en tant qu’instrument de prévoyance et de transmission patrimoniale.

==>L’absence d’obligation du stipulant envers le bénéficiaire

En principe, dès lors que la stipulation pour autrui a conféré un droit direct au bénéficiaire, le stipulant ne demeure tenu à aucune obligation à son égard. Le bénéficiaire ne peut exiger du stipulant qu’il veille à la bonne exécution de l’engagement pris par le promettant ni qu’il garantisse la prestation qui lui est due. Cette règle découle de la nature même de la stipulation pour autrui, qui repose sur un transfert de droit sans transfert d’obligation.

Le stipulant peut néanmoins choisir d’assumer un rôle plus actif dans la mise en œuvre de la stipulation. Ainsi, s’il s’engage expressément à garantir la réalisation de la prestation, il se trouve contractuellement tenu à l’égard du bénéficiaire. Dans cette hypothèse, une inexécution du promettant pourrait justifier une action du bénéficiaire contre le stipulant, fondée sur l’engagement de garantie souscrit. Toutefois, à défaut d’une stipulation expresse en ce sens, le bénéficiaire ne dispose d’aucun recours contre le stipulant et doit se retourner exclusivement contre le promettant pour faire valoir ses droits.

==>L’absence de recours du bénéficiaire contre le stipulant en cas d’échec de la stipulation

La question se pose avec acuité lorsque la stipulation pour autrui devient inefficace en raison d’une annulation ou d’une résolution du contrat principal. En pareil cas, le bénéficiaire se retrouve privé du droit qu’il croyait acquérir, et il pourrait être tenté d’agir contre le stipulant pour obtenir réparation du préjudice subi.

En principe, une telle action est irrecevable. La stipulation pour autrui ne crée en effet aucun engagement autonome du stipulant envers le bénéficiaire : son rôle se limite à instituer un droit au profit de ce dernier, mais sans obligation corrélative à sa charge. Ainsi, si le contrat principal est anéanti, la stipulation disparaît avec lui, sans que le bénéficiaire puisse en contester les effets. Cette solution, conforme aux principes généraux du droit des obligations, vise à éviter d’imputer au stipulant une responsabilité qui excéderait son engagement initial.

Toutefois, une exception mérite d’être relevée. Si le stipulant a expressément garanti au bénéficiaire la mise en œuvre de la stipulation, il pourrait voir sa responsabilité engagée en cas de défaillance du promettant. Une telle garantie ne se présume pas et doit résulter d’une clause expresse dans le contrat principal. En l’absence d’un tel engagement formel, le bénéficiaire demeure privé de tout recours contre le stipulant et doit exclusivement s’adresser au promettant pour obtenir l’exécution de la prestation qui lui est due.

 

 

 

  1. Pothier, Traité des obligations, 1761, n° 45. ?
  2. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. 2, 1901, n° 1123. ?
  3. E. Gaudemet, Théorie générale des obligations, 1937, p. 237 ?
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  5. M. Mignot, Commentaire article par article de l’ordonnance du 10 février 2016, LPA, 30 mars 2016, p. 11. ?
  6. F. Terré et Ph. Simler, Les obligations, Dalloz, 12e éd., 2019, n° 699. ?
  7. R. Remogue, Traité des obligations en général, t. VII, 1933, n° 759 ?
  8. J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, LGDJ, 3? éd. 2001, n° 967. ?
  9. R. Rodière, Droit des transports, Sirey, 2? éd., 1977, n° 364 ?
  10. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. II, 3e éd., n° 629 ?
  11. J. Ghestin, Traité de droit civil, Les effets du contrat, LGDJ, 3e éd., 2001, n° 967 ?
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  13. R. Beudant, Cours de droit civil français, 1953, n° 941 ?
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  15. Portalis, Discours préliminaire du Code civil, 1801. ?
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