Une fois les opérations liquidatives menées par le notaire commis, celui-ci dresse un projet d’état liquidatif qu’il soumet aux copartageants. Ce dernier constitue l’ossature du partage et conditionne la répartition définitive des biens entre les indivisaires.
À l’issue de cette première phase, le tribunal intervient en qualité d’arbitre: il examine le projet, prend acte des observations formulées par les parties et, selon les circonstances, peut soit en prononcer l’homologation, lui conférant ainsi pleine efficacité juridique, soit ordonner sa rectification et renvoyer les parties devant le notaire.
L’issue du partage judiciaire s’articule ainsi autour de deux étapes déterminantes: d’une part, la soumission du projet d’état liquidatif aux copartageants, permettant à chacun d’exercer ses droits ; d’autre part, la décision du juge, qui peut soit consacrer le projet par son homologation, soit en exiger la révision.
Nous nous focaliserons ici sur la seconde étape.
Lorsque les copartageants ne parviennent pas à s’accorder sur l’état liquidatif dressé par le notaire commis, il appartient au tribunal de trancher les contestations soulevées et de statuer sur la validité du projet de partage. Conformément aux dispositions de l’article 1375 du Code de procédure civile, deux voies s’offrent au juge : l’homologation du projet, qui confère au partage une valeur définitive et exécutoire, ou son renvoi devant le notaire, lorsqu’une rectification s’impose.
I) L’homologation du projet d’état liquidatif
L’homologation du projet d’état liquidatif marque l’achèvement du partage judiciaire car le rendant irrévocable. Elle consacre la répartition des biens entre les copartageants et scelle leur sortie de l’indivision sous l’égide de l’autorité judiciaire. En vertu de l’article 1375 du Code de procédure civile, cette décision constitue une reconnaissance de la validité du projet établi par le notaire et met un terme aux contestations subsistantes.
==>Les effets de l’homologation
L’homologation du partage produit plusieurs effets décisifs :
- L’attribution irrévocable des biens: dès lors que le partage est homologué, chaque copartageant devient propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués. Cette mutation patrimoniale s’opère avec un effet rétroactif au jour du décès de l’auteur de la succession ou de l’ouverture de l’indivision (art. 883 C. civ.).
- L’exécution des obligations découlant du partage: le jugement d’homologation impose aux copartageants d’exécuter les dispositions liquidatives, notamment en ce qui concerne le paiement des soultes. L’héritier attributaire d’un bien dont la valeur excède ses droits dans la masse partageable est tenu d’indemniser ses coïndivisaires selon les modalités arrêtées dans l’état liquidatif.
- Le tirage au sort des lots: lorsque le partage s’opère par la constitution de lots, le tribunal peut ordonner, par la même décision, leur attribution par tirage au sort. Cette formalité peut être réalisée soit devant le juge commis, soit devant le notaire, garantissant ainsi l’impartialité du processus (art. 1375 C. civ.).
==>L’autorité de chose jugée attachée à l’homologation
L’homologation revêt une portée essentielle en ce qu’elle confère au partage l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Il s’agit d’un verrou juridique qui empêche toute remise en cause des éléments ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le juge.
En effet, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 28 février 2006 que le jugement d’homologation a l’autorité de chose jugée dès lors qu’il tranche une contestation, ce qui signifie que les copartageants ne peuvent ultérieurement remettre en question les attributions validées par le juge (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n°04-12.647). Cette solution a été renforcée par un arrêt rendu par la Première chambre civile le 14 novembre 2007, laquelle a précisé que les indivisaires ne sauraient soulever, à titre ultérieur, des contestations portant sur des points qui auraient pu être débattus lors de la procédure d’homologation (Cass. 1re civ., 14 nov. 2007, n°06-20.215).
Cette rigueur se justifie par le principe de concentration des moyens consacré par l’article 1374 du Code de procédure civile. Ce texte impose aux parties de présenter l’ensemble de leurs prétentions au cours d’une même instance, interdisant ainsi les contestations tardives destinées à remettre en cause le partage une fois celui-ci entériné. Cette règle participe d’une exigence de sécurité juridique, évitant qu’un copartageant, insatisfait du résultat, ne multiplie les recours dans le but de retarder ou d’entraver l’exécution du partage.
Toutefois, l’autorité de la chose jugée attachée à l’homologation ne fait pas obstacle aux recours légitimes, notamment lorsque le jugement est entaché de vices substantiels (dol, erreur, violence). Par ailleurs, en cas d’éléments omis ou de contentieux relatifs à l’exécution du partage, des actions spécifiques peuvent être exercées sans remettre en cause la décision d’homologation elle-même.
II) Le renvoi devant le notaire
Si le tribunal considère que le projet d’état liquidatif comporte des irrégularités ou que certaines contestations méritent d’être prises en compte, il peut refuser l’homologation et renvoyer l’affaire devant le notaire pour rectification.
Conformément à l’article 1375 du Code de procédure civile, le tribunal peut décider de ne pas homologuer l’état liquidatif et de le renvoyer devant le notaire lorsque :
- Des erreurs matérielles affectent l’évaluation des biens ou la répartition des lots : des inexactitudes dans l’estimation des actifs indivis ou des déséquilibres manifestes dans l’attribution des biens peuvent justifier une révision du projet liquidatif.
- Les contestations soulevées par les copartageants sont jugées sérieuses et nécessitent une modification du projet : lorsqu’un indivisaire démontre que l’état liquidatif ne respecte pas les règles applicables ou qu’il méconnaît ses droits, le tribunal peut exiger une correction du projet.
- Le notaire a omis certains éléments, compromettant l’équilibre du partage : des oublis portant sur des actifs indivis, sur la prise en compte des soultes ou sur l’affectation des charges successorales peuvent justifier un réexamen du projet liquidatif.
Dans ces hypothèses, le notaire est chargé de revoir l’état liquidatif à la lumière des observations formulées par le tribunal. Il doit établir un nouveau projet, qui sera soumis une seconde fois aux copartageants. Si ces derniers parviennent à un consensus, ils pourront opter pour un partage amiable, conformément à l’article 842 du Code civil. À défaut d’accord, le projet rectifié sera transmis au juge pour une nouvelle homologation.
Ce renvoi, bien qu’il entraîne un allongement de la procédure et des coûts supplémentaires, constitue une garantie essentielle de la régularité du partage. Il permet d’éviter qu’un partage entaché d’erreurs ou d’injustices ne soit définitivement entériné, préservant ainsi les droits des copartageants.
Il convient toutefois de distinguer cette hypothèse du cas où l’homologation est prononcée sous réserve de corrections mineures. En effet, lorsqu’une rectification est nécessaire mais qu’elle ne laisse aucune marge d’appréciation au notaire, l’intervention du juge peut se limiter à prescrire les ajustements à apporter. Dans cette configuration, le notaire rectifie le projet en présence des parties ou après les avoir dûment convoquées, sans qu’un nouveau passage devant le tribunal ne soit requis.