Opérations de partage: le partage en présence de parts inégales

La détermination du nombre de lots à composer se pose avec la même acuité, qu’il s’agisse d’un partage successoral ou d’un partage issu d’une autre situation d’indivision, telle que la dissolution d’une indivision post-communautaire, la répartition d’un bien acquis conjointement par des tiers, ou encore la liquidation d’une indivision conventionnelle.

Si les règles applicables trouvent leur socle dans les principes généraux du droit des successions, elles s’adaptent aux spécificités de chaque situation afin de garantir une répartition équilibrée des droits indivis. 

La détermination du nombre de lots obéit à deux principes importants : d’une part, le partage par tête ou par souche, visant à garantir une stricte égalité arithmétique entre les copartageants, et, d’autre part, le partage en présence de parts inégales, qui exige une réduction des droits au plus petit dénominateur commun afin de garantir l’équité dans l’attribution des lots.

Nous nous focaliserons ici sur le partage en présence de parts inégales.

Dans certaines situations d’indivision, les indivisaires ne détiennent pas des droits égaux sur les biens indivis. Cela peut être le cas dans une succession lorsque les héritiers ont des droits de quotités différentes, mais également dans une indivision conventionnelle résultant d’un apport initial inégal. Il devient alors nécessaire de composer un nombre de lots correspondant aux droits proportionnels de chaque indivisaire.

==>La réduction au plus petit dénominateur commun : une méthode de répartition proportionnelle

Lorsque le partage doit être réalisé entre des indivisaires détenant des droits inégaux sur les biens indivis, la méthode de réduction au plus petit dénominateur commun s’impose pour garantir une répartition proportionnelle des biens et éviter les déséquilibres susceptibles de naître d’une division inadaptée. Ce mécanisme permet d’ajuster le nombre de lots de manière à ce que chaque indivisaire reçoive une part conforme à ses droits, quelle que soit leur quotité. Il s’agit là d’une exigence essentielle dans les partages complexes, où une stricte division arithmétique prévient les litiges et assure une répartition juste.

Prenons l’exemple d’une indivision post-communautaire entre un conjoint survivant et les enfants du couple. Supposons que le conjoint survivant dispose d’un quart des droits sur la masse commune et que les deux enfants partagent les trois quarts restants. Dans cette hypothèse, la réduction au plus petit dénominateur commun conduit à diviser la masse en huit lots. Deux de ces lots seront attribués au conjoint survivant, correspondant à son quart des droits, tandis que les six lots restants seront répartis à parts égales entre les deux enfants, chacun recevant trois lots. Cette répartition garantit que chaque indivisaire soit rempli de ses droits de manière proportionnelle à sa quote-part dans la masse partageable.

Ce principe trouve également une application pertinente dans le cadre des successions comportant des biens indivis difficiles à répartir en nature. Imaginons une situation où trois héritiers doivent se partager une masse composée d’une propriété agricole indivisible, évaluée à 250 000 euros, et de 50 000 euros en liquidités. Les droits des héritiers s’élèvent respectivement à 50 %, 30 % et 20 %. La réduction au plus petit dénominateur commun conduit alors à diviser la masse en dix lots : cinq pour le premier héritier, trois pour le second et deux pour le troisième. Cette division garantit que les parts attribuées reflètent précisément les droits de chacun, tout en minimisant le risque d’inégalités dans le partage.

Dans les indivisions conventionnelles, la réduction au plus petit dénominateur commun se révèle tout aussi utile, notamment lorsque les apports des indivisaires à l’acquisition d’un bien sont inégaux. Imaginons trois coacquéreurs ayant acheté ensemble un immeuble, chacun ayant contribué à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % du prix d’achat. Plutôt que de composer trois lots arbitraires, la réduction au plus petit dénominateur commun impose de créer dix lots : cinq pour le premier coacquéreur, trois pour le second et deux pour le troisième. Cette méthode permet d’assurer une répartition fidèle des biens, conforme aux contributions initiales des indivisaires, et d’éviter une multiplication désordonnée des lots, qui pourrait rendre le partage impraticable.

En pratique, ce mécanisme se révèle particulièrement efficace pour prévenir les conflits entre indivisaires. En ajustant le nombre de lots à la proportion exacte des droits détenus, la réduction au plus petit dénominateur commun garantit une stricte correspondance entre les lots attribués et les parts réelles de chacun. Cette exigence de précision arithmétique est indispensable pour préserver l’équilibre patrimonial entre les indivisaires, notamment lorsque les biens indivis sont difficiles à partager équitablement en nature.

Comme le rappelle la doctrine, notamment sous la plume de Michel Grimaldi, « le partage proportionnel, fondé sur la réduction au plus petit dénominateur commun, assure une répartition juste et prévient les risques de litiges liés à une division déséquilibrée ». En adaptant le nombre de lots à la réalité des droits indivis, cette méthode constitue un rempart efficace contre les éventuelles contestations des indivisaires, tout en garantissant la sécurité juridique du partage.

Cependant, lorsque les biens indivis ne peuvent être divisés sans altérer leur valeur — par exemple, un immeuble d’habitation ou un fonds agricole —, la réduction au plus petit dénominateur commun peut atteindre ses limites. Il devient alors nécessaire d’envisager des ajustements complémentaires pour rétablir l’équilibre entre les lots. 

==>Le recours aux soultes : un correctif à l’inégalité en nature

Lorsque la répartition des biens indivis ne permet pas d’établir des lots de valeur strictement équivalente en nature, le recours aux soultes apparaît comme une solution indispensable pour préserver l’équilibre patrimonial entre les indivisaires. Ce mécanisme consiste à attribuer des lots inégaux en nature, compensés par une somme d’argent destiné à rétablir la proportionnalité des droits de chacun. Cette technique, bien que nécessitant une certaine souplesse dans l’appréhension de l’égalité, s’inscrit pleinement dans les exigences de justice distributive qui président aux opérations de partage.

Imaginons une succession comportant une propriété agricole indivisible d’une valeur estimée à 250 000 euros, ainsi que 50 000 euros en liquidités. Trois héritiers doivent se partager cette masse, leurs droits étant respectivement de 50 %, 30 % et 20 %. La méthode de réduction au plus petit dénominateur commun impose ici de diviser la masse en dix lots : cinq pour le premier héritier, trois pour le second et deux pour le troisième. Cependant, la propriété agricole ne pouvant être fractionnée sans altérer sa valeur, il conviendra de l’attribuer en totalité au premier héritier, lequel devra verser une soulte de 50 000 euros aux deux autres indivisaires. Cette soulte permettra de compenser l’écart entre la valeur des lots en nature et les droits respectifs des deux autres héritiers sur la masse partageable.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 28 juin 1972, a validé le recours aux soultes pour garantir une répartition équitable lorsque le partage en nature s’avère impraticable en raison de la nature indivisible des biens (Cass. 1re civ., 28 juin 1972, n°71-12.571). Il ressort de cette décision que, dans certaines situations, il est préférable de compenser les disparités entre les lots par des versements financiers plutôt que d’imposer un morcellement excessif des biens, qui pourrait nuire à leur valeur ou à leur exploitation.

L’affaire concernait une indivision issue du décès d’un copropriétaire, laissant pour lui succéder son conjoint survivant et leurs enfants. Après plusieurs cessions de droits au sein de la famille, l’indivision se composait de trois coïndivisaires, détenant respectivement 19/48, 16/48 et 13/48 des droits indivis sur une vaste exploitation agricole située à la Martinique, comprenant des terres agricoles, des bâtiments et une distillerie. Deux coïndivisaires avaient sollicité la licitation du domaine en un seul lot, tandis que le troisième avait demandé que le partage fût réalisé en nature.

La cour d’appel, se fondant sur un rapport d’expertise, avait décidé que le partage pouvait s’opérer en trois lots de valeur inégale, à condition que les déséquilibres soient corrigés par des soultes en argent. Elle avait relevé que l’exploitation agricole ne pouvait être divisée en parts égales sans perdre une part importante de sa valeur. En procédant à une attribution par tirage au sort des trois lots, avec versement de soultes pour compenser les écarts, la cour d’appel avait estimé préserver les droits de chaque indivisaire tout en assurant la continuité de l’exploitation.

La Cour de cassation a validé cette solution, en rejetant le pourvoi formé par l’un des coïndivisaires. La Haute juridiction a rappelé que, selon l’article 832 du Code civil, « la règle de l’égalité en nature dans la formation et la composition des lots ne doit être strictement observée que dans la mesure où le morcellement des héritages et la division des exploitations peuvent être évités ». En l’espèce, les juges d’appel avaient souverainement apprécié que la création de trois lots inégaux, avec correction par soultes, permettait de maintenir la propriété dans la famille et de garantir à chaque indivisaire une part proportionnelle à ses droits.

La Cour de cassation a également souligné que le partage en nature est toujours préférable à la licitation, surtout lorsqu’il permet de préserver l’intégrité d’un bien familial. En attribuant l’exploitation agricole à l’un des coïndivisaires et en compensant les autres par des soultes, la cour d’appel a évité une division excessive du domaine, qui aurait pu nuire à sa gestion et à sa rentabilité.

Prenons un exemple illustratif similaire. Imaginons une succession comprenant une propriété viticole estimée à 500 000 euros et des liquidités de 50 000 euros. Deux héritiers détiennent respectivement 60 % et 40 % des droits. Si la propriété ne peut être divisée en nature sans perdre sa valeur, il serait logique d’attribuer le domaine au premier héritier, à charge pour lui de verser une soulte de 50 000 euros au second, correspondant à l’écart entre la valeur de la propriété et les droits du coïndivisaire. Ce mécanisme permettrait de maintenir l’exploitation viticole intacte tout en assurant une répartition équitable.

Cette solution trouve également une application pratique dans les indivisions conventionnelles. Prenons l’exemple de trois coacquéreurs ayant acquis ensemble un immeuble d’une valeur de 300 000 euros, chacun ayant contribué à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % du prix d’achat. Supposons que cet immeuble constitue le seul bien indivis. Plutôt que de procéder à une licitation, qui pourrait engendrer des pertes financières et des conflits, il serait préférable d’attribuer l’immeuble au coacquéreur ayant la plus grande participation, à condition qu’il verse une soulte aux deux autres, correspondant à la différence entre la valeur de l’immeuble et leurs droits respectifs. Ainsi, le premier coacquéreur pourrait recevoir le bien en totalité et compenser les deux autres par des versements financiers proportionnels à leurs parts.

Cette technique présente l’avantage d’éviter une division physique des biens qui, dans certains cas, pourrait réduire considérablement leur valeur. Elle permet également d’éviter les licitations forcées, qui peuvent engendrer des tensions entre les indivisaires et porter atteinte à l’intégrité du patrimoine à partager. En attribuant les biens les plus difficiles à fractionner à un seul indivisaire et en ajustant la répartition par des soultes, le partage peut s’opérer de manière plus harmonieuse et conforme aux intérêts de chacun.

Prenons un autre exemple dans le cadre d’une indivision postcommunautaire. Supposons qu’un couple, lors de la dissolution de la communauté, détienne un immeuble indivisible et peu de liquidités. Le conjoint survivant, ayant droit à un quart de la masse, pourrait se voir attribuer la totalité de l’immeuble, tandis qu’il verserait une soulte aux enfants pour compenser leur part dans la masse partageable. Ce mécanisme permettrait d’éviter la vente forcée du bien, tout en garantissant aux enfants une compensation monétaire équivalente à leurs droits.

Le recours aux soultes s’avère ainsi une méthode pragmatique et efficace pour préserver l’intégrité des biens indivis, tout en assurant une répartition conforme aux droits de chacun. Aussi, l’égalité dans le partage ne s’entend pas nécessairement d’une division en nature, mais d’une recherche d’équilibre patrimonial, garantissant à chaque copartageant la juste valeur de ses droits. Cette approche permet d’adapter les modalités de partage aux spécificités des biens à répartir, tout en respectant les principes fondamentaux du droit des successions et des indivisions.

==>La fente successorale : un mécanisme particulier de division par branches

Dans le cadre d’un partage successoral, l’application du mécanisme de la fente se présente comme une technique particulière de répartition, distincte des modalités classiques de partage par tête ou par souche, visant à préserver un équilibre patrimonial entre les deux branches familiales du défunt. Instituée par les articles 744 et suivants du Code civil, la fente trouve à s’appliquer lorsqu’une personne décède sans laisser ni descendants, ni conjoint survivant. Dans cette situation, la succession se divise par moitié entre la branche maternelle et la branche paternelle, indépendamment du nombre d’héritiers dans chacune d’elles. Ce mécanisme correcteur vise à prévenir les déséquilibres pouvant résulter d’une stricte application des règles de dévolution légale, qui, en l’absence de fente, pourraient aboutir à concentrer l’ensemble des biens dans une seule branche familiale.

La fente successorale ne repose pas sur les mêmes principes que le partage par souche. Tandis que le partage par souche repose sur le mécanisme de représentation, permettant à des héritiers de venir à la succession en lieu et place de leur auteur prédécédé, la fente obéit à une logique purement arithmétique de division de la masse successorale entre deux branches parentales, indépendamment du nombre d’héritiers au sein de chacune d’elles. Selon que la dévolution successorale mobilise l’un ou l’autre de ces mécanismes, les modalités de répartition des biens diffèrent substantiellement, influant directement sur la composition des lots attribués aux héritiers. En effet, contrairement au partage par souche, la fente successorale ne permet pas de constituer un lot unique regroupant tous les héritiers d’une même branche. Chaque héritier conserve un droit individuel à sa part, qu’il peut exiger en nature ou, à défaut, par la licitation des biens indivis.

La jurisprudence a eu l’occasion d’affirmer avec fermeté ce principe. Dans un arrêt du 26 novembre 1883, la Cour de cassation a rappelé que le mécanisme de la fente ne saurait altérer les droits patrimoniaux individuels des héritiers (Cass. civ., 26 nov. 1883). Dans cette affaire, la succession d’un défunt devait être partagée à parité entre les héritiers des branches paternelle et maternelle. La cour d’appel avait envisagé de constituer deux lots distincts — un pour chaque branche —, qui auraient ensuite été répartis entre les héritiers de chaque lignée. La Haute juridiction a censuré cette approche, considérant qu’elle méconnaissait la portée de la fente successorale. La division entre branches n’a pas pour effet de priver les héritiers de leur faculté de réclamer un lot en nature ou, à défaut, de provoquer la vente des biens indivis. La Haute juridiction a ainsi souligné que l’on ne peut assimiler la branche familiale à une souche, car le mécanisme de la fente ne repose pas sur le principe de représentation.

Cette solution jurisprudentielle met en lumière la finalité première de la fente : assurer une stricte égalité patrimoniale entre les deux branches du défunt, sans affecter les droits individuels des héritiers au sein de chaque branche. Chaque cohéritier, qu’il appartienne à la branche paternelle ou maternelle, doit pouvoir faire valoir son droit à une part distincte, sans se voir imposer un lot indivis partagé avec d’autres membres de sa lignée. Ainsi, la fente successorale garantit une équité entre les branches, mais laisse intacts les droits de chacun à l’intérieur de ces divisions.

Pour mieux illustrer le fonctionnement de ce mécanisme, prenons un exemple concret. Supposons un défunt qui ne laisse ni descendants, ni conjoint survivant, mais qui a pour héritiers un cousin du côté paternel et deux cousins du côté maternel. En application de la fente successorale, la masse successorale sera divisée en deux parts égales : 50 % pour la branche paternelle, attribuée au cousin paternel, et 50 % pour la branche maternelle, à partager entre les deux cousins maternels. Contrairement à ce que l’on pourrait observer dans un partage par souche, il ne sera pas possible d’imposer un lot unique aux cousins maternels. Chacun d’eux conserve le droit d’exiger un lot distinct correspondant à sa part ou de demander la licitation des biens indivis, afin de percevoir sa part en valeur.

Un second exemple permet d’éclairer davantage la distinction entre fente et partage par souche. Imaginons un défunt laissant deux oncles du côté paternel et un cousin germain du côté maternel. La fente successorale implique que la moitié de la masse successorale sera attribuée à la branche paternelle, partagée entre les deux oncles, et l’autre moitié à la branche maternelle, revenant au cousin germain. Cette répartition ne saurait toutefois conduire à la constitution d’un lot indivis regroupant les deux oncles. Chacun d’eux conserve le droit d’exiger sa part individuelle, que ce soit en nature ou par une compensation monétaire.

Cette jurisprudence constante met en exergue une règle fondamentale du droit des successions : la fente ne modifie pas la nature et l’étendue des droits des héritiers. Comme le souligne Michel Grimaldi, la division en branches n’a pas pour vocation de créer des entités indivises assimilables à des souches. Chaque héritier, au sein de sa branche, conserve un droit autonome à sa part de succession, qu’il peut faire valoir selon les règles habituelles du partage.

La fente successorale, bien qu’elle soit un mécanisme correcteur des inégalités entre branches, ne saurait non plus conduire à imposer une division arbitraire des lots. La Cour de cassation l’a rappelé à maintes reprises : le partage doit respecter les droits individuels des héritiers, et chaque cohéritier doit pouvoir réclamer sa part en nature ou, à défaut, provoquer la vente des biens indivis pour obtenir sa part en valeur.

Prenons un dernier exemple pour bien comprendre les subtilités de la fente successorale dans le cadre d’un partage. Un défunt laisse un frère du côté paternel et cinq cousins germains du côté maternel. Si la succession était partagée par tête, chaque héritier recevrait 1/6e de la masse successorale. Toutefois, la fente successorale divise d’abord la masse en deux parts égales : la moitié pour la branche paternelle, revenant au frère, et la moitié pour la branche maternelle, à partager entre les cinq cousins germains. En conséquence, chaque cousin maternel recevra 1/10e de la succession, tandis que le frère recevra 50 %. Il reste cependant possible pour chaque héritier de demander un lot distinct correspondant à sa part ou, si le partage en nature s’avère impraticable, de solliciter la licitation des biens.

Ainsi, la fente successorale garantit une stricte égalité entre les branches parentales, mais elle n’altère en rien les droits des héritiers au sein de chaque branche. Ce mécanisme constitue un garde-fou contre les inégalités susceptibles de naître d’une stricte application des règles de dévolution légale, en veillant à ce que chaque lignée soit traitée de manière équitable. Cependant, il ne saurait être interprété comme une obligation de constituer des lots indivis pour chaque branche, car cela reviendrait à méconnaître les principes fondamentaux du droit des successions, qui assurent à chaque héritier le droit d’exiger sa part individuelle.

Opérations de partage: le partage par tête ou par souche

La détermination du nombre de lots à composer se pose avec la même acuité, qu’il s’agisse d’un partage successoral ou d’un partage issu d’une autre situation d’indivision, telle que la dissolution d’une indivision post-communautaire, la répartition d’un bien acquis conjointement par des tiers, ou encore la liquidation d’une indivision conventionnelle.

Si les règles applicables trouvent leur socle dans les principes généraux du droit des successions, elles s’adaptent aux spécificités de chaque situation afin de garantir une répartition équilibrée des droits indivis. 

La détermination du nombre de lots obéit à deux principes importants : d’une part, le partage par tête ou par souche, visant à garantir une stricte égalité arithmétique entre les copartageants, et, d’autre part, le partage en présence de parts inégales, qui exige une réduction des droits au plus petit dénominateur commun afin de garantir l’équité dans l’attribution des lots.

Nous nous focaliserons ici sur le partage par tête ou par souche.

==>Le partage par tête : une division à parts égales entre les indivisaires

Le partage par tête intervient lorsque chaque indivisaire est titulaire de droits égaux sur les biens indivis et accède à l’indivision de son propre chef, sans qu’il y ait lieu de recourir à la représentation. Ce mode de répartition, qui a pour fondement l’article 827 du Code civil, impose que le partage de la masse indivise s’effectue à parts égales entre les copartageants, chacun recevant un lot correspondant à sa part de droits indivis. La règle énoncée par l’article 827 signifie qu’il doit être constitué autant de lots que d’indivisaires, chaque lot devant refléter de manière identique la valeur d’une fraction de la masse partageable.

L’exigence d’égalité qui sous-tend le partage par tête trouve à s’appliquer dans toutes les formes d’indivision, qu’elle soit d’origine successorale, communautaire ou conventionnelle. Prenons l’exemple d’une indivision issue de l’acquisition commune d’un bien immobilier par trois coacquéreurs ayant financé à parts égales l’achat. Si ces indivisaires souhaitent procéder au partage du bien, trois lots de valeur équivalente devront être constitués afin que chacun reçoive une portion correspondant à sa quote-part initiale. Ce mécanisme, qui est d’une grande simplicité, garantit une répartition équitable, prévenant ainsi tout litige sur la répartition des biens.

Dans le cadre d’une succession, le même principe s’applique. Si un défunt laisse trois enfants comme héritiers, la masse successorale sera divisée en trois parts égales, chacun des enfants recevant un lot d’égale valeur. Cette approche assure une répartition équilibrée des biens entre les héritiers, conformément à l’idée selon laquelle chaque copartageant doit pouvoir jouir d’une part identique du patrimoine à partager. Comme l’affirment Aubry et Rau, « le partage par tête tend à maintenir l’équilibre initial entre les indivisaires, sans distinction autre que celle de leurs droits respectifs ».

Le partage par tête trouve également à s’appliquer dans des indivisions post-communautaires. Lorsqu’un couple marié sous le régime de la communauté se sépare et que le partage doit intervenir entre les deux ex-époux, la division en deux lots de valeur équivalente s’impose si les contributions aux biens communs ont été égales. Ce principe assure une continuité logique avec l’égalité patrimoniale ayant prévalu durant le mariage.

Toutefois, certaines particularités doivent être prises en compte dans des situations spécifiques. Si un indivisaire décède avant que le partage ne soit réalisé, ses droits indivis sont transmis à ses héritiers, mais un seul lot devra être constitué pour l’ensemble des successeurs venant à la même part. Cette unité du lot, qui vise à préserver l’homogénéité du partage, permet d’éviter une multiplication des lots inutiles et une complexité excessive des opérations. Planiol et Ripert rappellent à cet égard que « le lot doit être conçu comme une unité indivisible destinée à satisfaire les droits d’un même indivisaire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe venant en représentation ».

Enfin, la question du partage par tête peut soulever des difficultés lorsque le partage est retardé en raison de circonstances particulières. Tel est le cas lorsqu’un enfant est seulement conçu au jour de l’ouverture de la succession. Conformément à l’article 725 du Code civil, cet enfant a vocation à recueillir la succession s’il naît viable. Dans une telle hypothèse, si le partage doit être organisé avant la naissance, il est raisonnable de constituer les lots en tenant compte de cette naissance probable. Un ajustement pourra alors intervenir ultérieurement pour corriger la répartition initiale en fonction du nombre d’enfants effectivement nés. Cette solution pragmatique permet d’anticiper les éventualités tout en garantissant une répartition conforme aux droits successoraux effectifs.

==>Le partage par souche : préserver l’unité des droits transmis par représentation

Le partage par souche intervient dans les situations où certains indivisaires accèdent à la masse indivise par le mécanisme de la représentation, c’est-à-dire en qualité de continuateurs des droits d’un auteur décédé avant le partage. Cette règle, consacrée par l’article 827 du Code civil, vise à préserver l’unité des droits transmis au sein d’une même branche familiale. En effet, le texte précise que « le partage de la masse s’opère par tête. Toutefois, il se fait par souche quand il y a lieu à représentation », ajoutant que, dans un tel cas, une répartition distincte doit être opérée entre les héritiers de chaque souche. Ce principe trouve son application naturelle dans le cadre des successions, mais il peut également s’étendre à d’autres formes d’indivision, telles que les indivisions conventionnelles ou post-communautaires.

Le mécanisme du partage par souche repose sur une division initiale de la masse partageable entre les différentes souches représentées, chaque souche formant une unité indivisible dans la répartition des lots. À titre d’illustration, prenons l’exemple d’une indivision successorale dans laquelle le défunt laisse deux enfants, l’un des deux étant décédé avant le partage, laissant à son tour deux descendants. Conformément à la règle du partage par souche, deux lots seront d’abord constitués pour les enfants du défunt, puis un second partage sera opéré au sein de la souche représentée, afin que les petits-enfants se partagent équitablement le lot attribué à leur parent décédé. Ce mécanisme garantit que chaque branche familiale conserve une part intacte des droits hérités, tout en assurant une répartition juste au sein de chaque souche.

La doctrine s’accorde sur l’importance de ce principe pour éviter une multiplication excessive des lots, laquelle pourrait conduire à des complications lors du tirage au sort ou à la nécessité de recourir à une licitation. Comme le rappellent Aubry et Rau, « la règle du partage par souche tend à maintenir l’équilibre entre les branches familiales, en limitant les risques de fragmentation excessive de la masse partageable ».

Dans la pratique, le partage par souche permet également de prendre en compte les situations où les droits transmis ne sont pas directement issus de la dévolution successorale. Par exemple, dans une société civile immobilière (SCI), si un associé décédé avait deux enfants, mais que l’un d’eux est également décédé avant le partage, ses propres descendants recueilleront ensemble le lot attribué à leur auteur. Cette méthode garantit que la transmission des droits reste cohérente avec la structure familiale initiale et permet d’éviter un morcellement disproportionné du capital social de la SCI.

Toutefois, le partage par souche ne s’applique pas uniquement aux successions. Il peut également trouver à s’appliquer dans les indivisions conventionnelles, notamment lorsque plusieurs indivisaires représentent les ayants droit d’un titulaire initial de droits indivis. 

Prenons un exemple concret. Imaginons une indivision conventionnelle issue de l’acquisition d’un bien immobilier par deux frères. L’un d’eux cède ses droits indivis à ses trois enfants, tandis que l’autre conserve l’intégralité de ses parts. Dans une telle situation, au moment du partage, les trois enfants du premier frère ne recevront pas chacun un lot distinct. Conformément au principe du partage par souche, ils seront considérés comme une souche unique, représentant les droits transmis par leur père. Il conviendra alors de constituer deux lots : l’un pour le frère ayant conservé ses parts, l’autre pour les trois enfants, pris collectivement. Ce mécanisme garantit que les droits transmis par le frère cédant ne soient pas artificiellement fragmentés, assurant ainsi une cohérence dans la répartition des biens indivis.

Ce principe trouve un écho important dans la jurisprudence. Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a rappelé que le partage par souche vise à préserver l’unité des droits transmis par représentation et ne doit pas être confondu avec le partage par tête (Cass. 1ère civ., 29 juin 2011, n°10-17.925). Dans cette affaire, la succession concernait l’épouse d’un copartageant survivant, lequel partageait les droits successoraux avec ses trois petites-filles, venues par représentation de leur père prédécédé.

L’époux survivant, usufruitier de la moitié des biens successoraux et donataire de la plus large quotité disponible, avait sollicité le partage de la succession et la licitation préalable de deux biens immobiliers. La cour d’appel avait ordonné cette licitation, estimant que les biens étaient de valeur inégale et que les copartageantes n’étaient pas en mesure de proposer une répartition en nature. Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette décision, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le partage pouvait être commodément réalisé en deux lots distincts : l’un devant être attribué à l’époux survivant et l’autre aux trois petites-filles, prises collectivement en tant que souche unique.

Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme que le partage par souche permet d’éviter que les héritiers venant par représentation soient désavantagés en raison de leur nombre. En effet, si le partage s’était opéré par tête, chacune des petites-filles aurait reçu un lot distinct, risquant de fragmenter les droits issus de leur auteur commun. Or, en retenant le mécanisme du partage par souche, un lot unique est attribué à la souche représentée, ce qui permet d’assurer une cohérence dans la transmission des droits et une simplification du partage.

Cette distinction entre partage par tête et partage par souche est cruciale pour garantir une répartition équitable, notamment dans les successions complexes où les héritiers ne se trouvent pas tous au même degré de parenté. Prenons un autre exemple : un défunt laisse un enfant survivant et trois petits-enfants venant par représentation d’un autre enfant prédécédé. Si le partage s’opère par tête, chaque petit-enfant recevra une part distincte, ce qui aura pour effet de réduire la quote-part globale de leur souche par rapport à celle de l’enfant survivant. En revanche, si le partage est réalisé par souche, les trois petits-enfants recevront un lot unique correspondant à la part qui aurait été dévolue à leur parent prédécédé, assurant ainsi une stricte égalité entre les différentes branches familiales.

La distinction entre ces deux mécanismes est particulièrement importante lorsque les biens indivis sont difficiles à partager en nature, comme des immeubles ou des biens indivisibles. La Cour de cassation veille ainsi à ce que le recours au partage par souche permette d’éviter une multiplication excessive des lots, susceptible de conduire à une licitation, souvent source de conflits. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le partage par souche permet d’assurer une répartition juste tout en limitant le risque de licitations, qui sont souvent sources de tensions et de pertes financières pour les indivisaires ».

Effet déclaratif du partage: le sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.

Effet déclaratif du partage: l’exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

I) L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

A) L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

B) L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

C) L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

D) Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

II) L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

A) L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

B) L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

C) La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

III) L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

A) Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

B) L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

C) La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

IV) L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

A) La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

B) Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

C) Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

V) L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

A) L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

B) L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

VI) L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

L’effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

Effet déclaratif du partage: les conséquences

Le partage judiciaire, loin d’être une simple opération de répartition des biens indivis, constitue un acte aux conséquences juridiques majeures. Parmi celles-ci, l’effet rétroactif du partage occupe une place centrale, traduisant la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus. Cette rétroactivité, bien que fondamentale, ne s’exerce toutefois pas de manière absolue : elle se heurte à des limites destinées à garantir la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

Ainsi, si l’effet rétroactif du partage peut anéantir certains actes passés par les indivisaires avant la répartition définitive des biens, il peut aussi, à l’inverse, en confirmer la validité, selon que ces actes sont ou non conformes aux attributions résultant du partage. Cette dualité se reflète tant dans les rapports entre les copartageants eux-mêmes que dans leurs relations avec les tiers. Dès lors, il convient d’analyser les implications de cet effet rétroactif, en mettant en lumière ses principes fondamentaux, ses limites et les solutions dégagées par la jurisprudence afin d’assurer un équilibre entre la logique déclarative du partage et les impératifs de préservation des droits acquis.

A) Conséquences générales

1. Effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

2. Exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

a. L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

i. L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

ii. L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

iii. L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

iv. Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

b. L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

i. L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

ii. L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

iii. La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

c. L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

i. Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

ii. L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

iii. La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

d. L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

i. La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

ii. Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

iii. Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

e. L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

i. L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

ii. L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

f. L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

B) Sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.

Effet déclaratif du partage: domaine d’application

L’effet déclaratif du partage, posé par l’article 883 du Code civil, repose sur une fiction juridique selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, tout en n’ayant jamais eu de droits sur ceux échus à ses coindivisaires. Ce principe, qui exclut toute idée de transmission de droits entre indivisaires, vise à garantir l’égalité entre les copartageants et à préserver la sécurité juridique des actes accomplis sur les biens indivis avant leur attribution définitive.

Si l’effet déclaratif s’applique traditionnellement au partage successoral, il ne se limite pas à cette hypothèse. Il régit également les partages de communauté conjugale, les partages d’indivision conventionnelle ou encore la liquidation des sociétés dans les cas où les associés se partagent les biens sociaux. Toutefois, son domaine d’application est encadré : il convient d’en préciser les limites, tant au regard des actes concernés que des biens susceptibles d’être soumis à ce régime, ainsi que les tempéraments qu’il connaît, notamment pour la protection des tiers.

A) Domaine quant aux actes

1. Le partage proprement dit

a. L’indifférence de la nature du partage

L’effet déclaratif du partage concerne tout partage successoral, qu’il soit amiable ou judiciaire, global ou partiel. Cette application découle directement de l’insertion de l’article 883 au sein du titre des successions du Code civil, affirmant ainsi son champ d’application privilégié aux partages successoraux.

Cependant, ce principe ne se limite pas aux successions et s’étend aux partages de communauté en vertu du renvoi opéré par l’article 1476 du Code civil. Cette disposition aligne expressément les règles du partage de communauté sur celles du partage successoral, permettant ainsi d’appliquer sans difficulté l’effet déclaratif (V. Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n° 99-10.515).

Le partage des biens indivis entre époux séparés de biens bénéficie également de cette extension législative. Bien que la jurisprudence ait initialement refusé d’appliquer les règles du partage successoral aux partages opérés après séparation de biens (Cass. civ., 9 mars 1965), la loi du 11 juillet 1975 a unifié le régime du partage des biens indivis entre époux séparés de biens avec celui des successions (art. 1542 C. civ.). Il en résulte que ces partages bénéficient pleinement de l’effet déclaratif, ce que la jurisprudence a confirmé par la suite (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.011).

L’effet déclaratif s’applique également au partage de l’actif social, dès lors que la liquidation de la société est engagée. En effet, l’article 1844-9, alinéa 2, du Code civil prévoit l’application des règles du partage successoral aux partages de sociétés. Toutefois, cette assimilation n’est possible qu’à condition qu’il s’agisse bien d’un véritable partage et non d’une réduction de capital par répartition de biens sociaux (Cass. com., 23 sept. 2008, n°07-12.493).

Enfin, l’application de l’article 883 du Code civil ne se limite pas aux partages successoraux ou conjugaux et concerne toute indivision, qu’il s’agisse d’un partage d’un bien indivis acquis par plusieurs personnes (Cass. req., 28 avr. 1840) ou d’un partage d’un ensemble patrimonial constituant une universalité (Cass. 1re civ., 24 mars 1981).

b. L’indifférence des modalités du partage

Le principe de l’effet déclaratif du partage s’attache à tout partage définitif, qu’il soit total ou partiel (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146). En d’autres termes, ce qui importe n’est pas l’étendue du partage mais le fait qu’il mette un terme à l’indivision, en fixant définitivement les droits privatifs des copartageants sur les biens répartis. Dès lors, les modalités d’attribution des lots sont indifférentes : l’effet déclaratif ne varie ni en fonction du mécanisme d’allotissement, ni selon la nature de la répartition opérée.

Aussi, le partage peut s’effectuer selon plusieurs procédés, sans que cela n’altère son effet déclaratif :

  • Le tirage au sort, qui constitue une méthode ordinaire d’attribution des lots lorsque les copartageants n’ont pas convenu d’une répartition amiable. Il a été jugé que le fait d’attribuer les biens selon un tirage au sort n’ôtait en rien au partage son caractère déclaratif (Cass. soc., 3 oct. 1958).
  • L’attribution préférentielle, qui permet à un indivisaire d’obtenir un bien particulier en raison d’un intérêt spécifique (par exemple, l’attribution du logement familial au conjoint survivant). La jurisprudence a confirmé que l’effet déclaratif s’applique également à ces attributions spécifiques, lesquelles sont réputées exister depuis l’origine de l’indivision (CA Paris, 10 févr. 1977).
  • Le droit de retour légal, qui permet à certains héritiers de récupérer des biens précédemment donnés par le défunt. L’effet déclaratif du partage s’étend également à ce mécanisme, de sorte que l’héritier bénéficiaire du droit de retour est censé n’avoir jamais perdu la propriété du bien en cause (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

La question se pose avec acuité lorsqu’un partage est accompagné du versement d’une soulte, c’est-à-dire lorsqu’un copartageant reçoit un lot d’une valeur supérieure à sa part théorique et doit indemniser les autres en conséquence. L’on aurait pu estimer que la soulte confère au partage un caractère translatif, en ce que le copartageant bénéficiant d’un lot excédentaire en nature l’acquerrait en contrepartie d’une compensation financière versée aux autres. Toutefois, la jurisprudence a adopté une approche radicalement opposée.

En effet, les lots et les soultes sont considérés comme issus de la masse indivise et non des copartageants entre eux. Ainsi, même lorsqu’un indivisaire perçoit une soulte, il n’est pas juridiquement en situation d’acquérir une part supplémentaire à ses coindivisaires ; il se voit simplement allouer un lot dont il est réputé propriétaire depuis l’origine, la soulte n’étant qu’un ajustement financier (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

Ce raisonnement est fondamental en pratique, car il empêche toute remise en cause rétroactive des droits sur les biens attribués. Par exemple, un bien immobilier inclus dans un lot assorti d’une soulte est censé avoir toujours appartenu à l’indivisaire attributaire, et ce, depuis l’ouverture de la succession ou de l’indivision initiale. Il en résulte notamment :

  • L’absence de taxation comme une mutation : en droit fiscal, les partages avec soulte échappent au régime des mutations à titre onéreux lorsqu’ils s’inscrivent dans une indivision successorale ou conjugale (CGI, art. 748).
  • L’inopposabilité des créanciers des coindivisaires : puisqu’il n’y a pas eu transmission entre les indivisaires, un créancier hypothécaire ne saurait revendiquer un droit de gage sur le bien attribué à un copartageant, même si celui-ci avait des dettes avant le partage.
  • L’imputation des garanties et des servitudes : en raison de l’effet rétroactif du partage, les droits réels grevant un bien suivent l’attributaire de manière continue, comme si celui-ci en avait toujours été propriétaire.

c. L’exclusion du partage provisionnel

Le partage provisionnel se distingue du partage définitif en ce qu’il ne met pas fin à l’indivision, mais organise temporairement la jouissance des biens indivis. Par conséquent, il ne peut bénéficier de l’effet déclaratif qui s’attache aux partages définitifs. Cette exclusion découle de la nature même du partage provisionnel, lequel se borne à répartir l’usage des biens sans en modifier la répartition patrimoniale.

A cet égard, l’effet déclaratif du partage repose sur l’idée que chaque indivisaire est censé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Or, cette logique est incompatible avec le partage provisionnel, qui ne détermine pas définitivement l’attribution des biens, mais se limite à aménager leur utilisation pendant la durée de l’indivision.

Ainsi :

  • Le partage provisionnel ne transfère aucun droit privatif définitif : il ne fait que répartir l’occupation ou l’exploitation des biens entre les indivisaires, sans leur attribuer une propriété exclusive.
  • Les attributions restent réversibles : contrairement au partage définitif, où chaque indivisaire devient rétroactivement propriétaire de son lot, le partage provisionnel n’a pas vocation à cristalliser des droits patrimoniaux définitifs.
  • L’indivision persiste intégralement : aucun des biens ne cesse d’être indivis, ce qui empêche la fixation des droits privatifs exigée pour l’effet déclaratif (Cass. civ., 28 juill. 1947).

Dès lors, appliquer l’effet déclaratif à un partage provisionnel reviendrait à définitivement établir des droits sur un bien alors que le partage lui-même reste réversible, ce qui serait contraire à l’économie du régime de l’indivision.

Aussi, la jurisprudence a toujours refusé d’appliquer l’effet déclaratif au partage provisionnel. La Cour de cassation l’a notamment affirmé en jugeant que le partage provisionnel ne constitue qu’une organisation temporaire de l’indivision, sans incidence sur la propriété des biens (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975). La doctrine est également unanime : un partage n’a d’effet déclaratif que s’il met fin à l’indivision et opère une répartition irrévocable des biens.

A titre d’illustration, les conventions d’indivision temporaire conclues entre les indivisaires, qui visent à organiser l’exploitation des biens pour une durée déterminée, n’entraînent aucune modification des droits de propriété des parties. Ces conventions permettent uniquement de fixer les modalités d’usage des biens, sans véritablement réaliser l’attribution de droits réels.

À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 octobre 2004 (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968) illustre parfaitement la distinction entre un véritable partage et un simple aménagement conventionnel. En l’espèce, il s’agissait d’une cession de droits indivis sur un fonds de commerce, incluant un droit au bail, opérée entre deux coïndivisaires preneurs. Les bailleurs prétendaient que cette cession constituait une mutation soumise aux formalités prévues par le contrat de bail, à savoir l’exigence d’un accord exprès du bailleur.

Or, la Cour de cassation a rejeté cet argument, en affirmant que tout acte mettant fin à une indivision est un partage. En l’espèce, la cession de droits indivis réalisée entre coïndivisaires ne constituait pas une mutation ordinaire mais bien un partage, bénéficiant de l’effet déclaratif prévu par l’article 883 du Code civil. Par conséquent, le copartageant attributaire des droits cédés était censé en être propriétaire depuis l’origine de l’indivision, et les formalités de cession exigées par le contrat de bail n’étaient pas applicables.

Cet arrêt vient ainsi rappeler que l’effet déclaratif ne peut être reconnu qu’aux actes mettant un terme définitif à l’indivision. En revanche, les conventions d’indivision temporaire, qui organisent simplement l’usage des biens indivis, restent en dehors de ce régime. Elles ne modifient en rien les droits des indivisaires et ne peuvent être assimilées à un partage, qu’il soit amiable ou judiciaire.

L’exclusion de l’effet déclaratif a également des conséquences en matière fiscale. Contrairement à un partage définitif, qui entraîne une individualisation des droits et peut générer des conséquences fiscales spécifiques (droits de partage, taxation des soultes, etc.), le partage provisionnel est neutre fiscalement. Puisqu’il ne modifie pas les droits de propriété, il n’est pas assimilé à une mutation et ne déclenche donc pas d’imposition comme le ferait un partage définitif (V. CGI, art. 747 et 748, sur la taxation des partages définitifs).

Un autre corollaire de l’exclusion de l’effet déclaratif concerne les sûretés. Lorsqu’un indivisaire obtient un bien dans le cadre d’un partage définitif, les droits réels attachés au bien sont maintenus et les hypothèques, par exemple, suivent l’attributaire du bien. En revanche, dans un partage provisionnel, les créanciers ne peuvent se prévaloir d’une fixation définitive des droits de chaque indivisaire, ce qui leur interdit de revendiquer une hypothèque sur un bien qui aurait été temporairement attribué à un indivisaire.

De même, un indivisaire ne peut constituer une sûreté sur un bien qu’il détient à titre provisoire dans le cadre d’un partage provisionnel, puisque son droit d’usage n’implique pas un droit patrimonial définitif.

2. La licitation

L’opération de licitation, consistant à mettre aux enchères un bien indivis, constitue un mode de sortie de l’indivision dont les effets varient selon la qualité de l’adjudicataire. Lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation produit un effet déclaratif, assimilable à une attribution classique dans un partage. En revanche, lorsque l’adjudication intervient au profit d’un tiers étranger à l’indivision, l’effet est translatisif, et l’opération est juridiquement assimilée à une vente.

a. La licitation au profit d’un indivisaire

L’article 883, alinéa 1er, du Code civil énoncé expressément le principe selon lequel un bien indivis adjugé à un coïndivisaire est réputé lui avoir toujours appartenu. La licitation au profit d’un indivisaire n’est donc pas une vente ordinaire : elle s’apparente à un partage et produit, à ce titre, un effet déclaratif.

Autrement dit, l’indivisaire adjudicataire est censé avoir toujours détenu le bien à titre exclusif, tandis que les autres indivisaires sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur celui-ci, mais seulement sur la somme qui leur revient en contrepartie (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146).

L’effet déclaratif attaché à la licitation s’impose indépendamment des circonstances entourant son déroulement.

Ainsi :

  • Peu importe que l’adjudication soit amiable ou judiciaire : la licitation peut résulter d’un accord entre indivisaires ou être imposée par justice à la demande d’un créancier ou d’un indivisaire souhaitant sortir de l’indivision (Cass. req., 22 févr. 1881).
  • Peu importe que les enchères soient libres ou encadrées : l’effet déclaratif demeure inchangé, la licitation n’étant qu’un moyen d’évaluer la valeur du bien attribué au copartageant adjudicataire.
  • Peu importe la situation de l’adjudicataire : qu’il soit héritier pur et simple ou acceptant à concurrence de l’actif net, la licitation produit le même effet déclaratif (Cass. civ., 12 août 1839).

L’effet déclaratif trouve sa justification dans la nature même de la licitation au profit d’un indivisaire. En attribuant le bien licité à l’adjudicataire, l’opération produit un résultat identique à celui d’un partage ordinaire : elle met fin à l’indivision sur le bien concerné et attribue à chaque indivisaire une contrepartie équivalente à ses droits. Dès lors, la licitation, quelle qu’en soit la modalité, est traitée comme un partage avec soulte (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830).

Dans ce schéma, l’indivisaire adjudicataire conserve les droits réels qu’il a pu constituer sur le bien licité avant l’opération. En revanche, les droits réels constitués par les autres indivisaires, désormais privés de tout droit sur le bien, sont réputés n’avoir jamais existé. C

L’assimilation à un partage de la licitation opérée au profit d’un copartageant n’est pas sans incidences en matière de sûretés :

  • Les droits réels constitués sur l’immeuble par l’adjudicataire demeurent valables, puisqu’il est censé en avoir toujours été propriétaire (Cass. 1re civ., 26 avr. 1955).
  • En revanche, ceux établis par les indivisaires ayant reçu le prix de licitation tombent rétroactivement, car ils sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur le bien.

Un cas particulier mérite d’être envisagé : celui de la licitation assortie d’une clause d’attribution. Cette clause, fréquemment insérée dans les cahiers des charges des ventes judiciaires, prévoit que si l’adjudicataire est un coïndivisaire, il ne sera pas immédiatement déclaré propriétaire du bien, mais celui-ci lui sera attribué lors du partage définitif.

À la différence d’une licitation ordinaire, cette stipulation empêche l’effet déclaratif de se produire immédiatement. Le bien demeure indivis jusqu’au partage, et l’adjudicataire ne peut ni en disposer librement, ni s’opposer à l’exercice des droits des autres indivisaires sur celui-ci (Cass. 1re civ., 4 mai 1983, n° 82-11.928). En conséquence, toute cession réalisée par l’adjudicataire avant le partage est inopposable aux autres indivisaires, qui conservent leur droit de regard sur le bien.

Ce mécanisme a également des implications en matière de lésion. Contrairement à un partage ordinaire, qui ouvre droit à une action en complément de part, une licitation avec clause d’attribution ne peut être contestée pour cause de lésion qu’au moment du partage définitif (Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n°94-21.387).

Toutefois, l’effet déclaratif redevient pleinement opérant dès lors que la clause est exécutée, c’est-à-dire lorsque l’attributaire du bien règle le prix aux autres indivisaires et entre en possession du bien. Dans ce cas, l’opération est assimilée à un partage partiel, et l’adjudicataire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif du bien (Cass. 1re civ., 21 févr. 1989, n° 87-16.287).

Enfin, le prix versé par l’adjudicataire aux autres indivisaires n’est pas une simple contrepartie financière : il prend la nature d’une soulte. Dès lors, il est soumis aux règles applicables aux créances issues d’un partage, notamment en matière de revalorisation (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830). Si le paiement du prix est différé, la somme due aux coïndivisaires subit les ajustements prévus par l’article 828 du Code civil.

En outre, cette créance ne peut être assimilée à un bien indivis, de sorte que les sûretés prises sur l’immeuble par les coïndivisaires non adjudicataires tombent, tandis que celles constituées par l’adjudicataire sont maintenues. Cette solution découle de la nature même de l’effet déclaratif, qui opère une reconstitution rétroactive des droits de propriété (Cass. civ., 26 avr. 1955).

b. La licitation au profit d’un tiers

Lorsqu’un bien indivis est adjugé à un tiers étranger à l’indivision, la licitation perd son effet déclaratif et revêt la nature d’une vente classique. Contrairement à la licitation au profit d’un indivisaire, qui s’analyse comme un partage partiel avec rétroactivité, la licitation à un tiers opère un transfert de propriété entre les indivisaires et l’adjudicataire, conformément aux règles ordinaires de la vente (Cass. civ., 14 mars 1950).

Ce changement de qualification emporte des conséquences majeures sur les droits et obligations des parties, notamment en matière de garanties, d’enregistrement et d’opposabilité aux tiers.

En premier lieu, l’adjudication réalisée au profit d’un tiers entraîne un transfert immédiat de propriété. Dès l’adjudication, le bien quitte le patrimoine indivis pour entrer dans celui de l’acquéreur. Ce transfert doit être publié au service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers, conformément aux règles applicables aux mutations immobilières (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28 et 30).

En conséquence :

  • L’adjudicataire acquiert le bien directement des coïndivisaires, et non par transmission successorale (Cass. civ., 7 juin 1899).
  • L’acte doit être publié pour être opposable aux tiers et garantir l’efficacité du transfert (Cass. civ., 14 mars 1950).
  • Les droits des créanciers inscrits sur le bien sont maintenus, mais peuvent faire l’objet d’une purge par l’adjudicataire (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Dès lors que la licitation a un effet translatif, elle échappe à la rétroactivité attachée au partage. L’adjudicataire est un acquéreur ordinaire, qui achète un bien aux indivisaires sans bénéficier des prérogatives d’un héritier (Cass. civ., 14 mars 1950). À ce titre, il peut purger les hypothèques inscrites sur le bien, sans avoir à se soucier de leur éventuelle disparition par effet déclaratif (Cass. civ., 2 juill. 1925).

En deuxième lieu, dans le cadre d’une licitation à un tiers, les indivisaires sont tenus aux obligations ordinaires des vendeurs. À ce titre, ils doivent garantir à l’adjudicataire :

  • La garantie d’éviction et des vices cachés (Cass. soc., 19 févr. 1959). L’acquéreur doit être protégé contre toute revendication ultérieure portant atteinte à sa propriété, ainsi que contre les défauts cachés du bien.
  • L’obligation de délivrance conforme, qui impose aux indivisaires de remettre le bien dans l’état convenu lors de l’adjudication.
  • L’obligation de paiement du prix, l’adjudicataire pouvant être poursuivi en cas de non-paiement par une action en résolution de la vente (art. 1654 C. civ.).

La licitation au profit d’un tiers étant une vente et non un partage, elle est soumise à la rescision pour lésion de plus de sept douzièmes (art. 1674 C. civ.), qui permet à un vendeur de demander l’annulation de la vente si le prix est manifestement insuffisant. En revanche, l’adjudication ne peut être contestée sur le fondement de l’action en complément de part prévue en matière de partage (art. 889 C. civ.).

En troisième lieu, bien que la licitation emporte un effet translatif vis-à-vis de l’adjudicataire, elle conserve dans les rapports entre coïndivisaires la nature d’une opération préliminaire au partage. Ce n’est pas la licitation elle-même qui opère le partage, mais la répartition ultérieure du prix d’adjudication entre les indivisaires (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907).

En d’autres termes :

  • Le bien indivis est vendu, mais la créance du prix de vente remplace l’immeuble dans la masse successorale.
  • Ce n’est qu’au moment du partage du prix que s’applique l’effet déclaratif : l’indivisaire auquel est attribué tout ou partie du prix est réputé avoir toujours détenu cette somme à titre exclusif.
  • Les sûretés constituées sur le bien avant la licitation continuent d’exister sur la créance du prix, sauf purge exercée par l’acquéreur (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Cette situation emportent des conséquences en matière d’hypothèques:

  • Si un indivisaire a hypothéqué sa part dans le bien indivis avant la licitation, son créancier pourra exercer son droit de préférence sur sa quote-part dans la créance d’adjudication.
  • Si l’effet déclaratif était appliqué directement à la licitation, le prix aurait été attribué à un seul coïndivisaire, faisant disparaître rétroactivement les droits des autres indivisaires, ce qui aurait lésé les créanciers (Cass. civ., 14 déc. 1887).

La jurisprudence a donc précisé que l’effet déclaratif ne peut s’appliquer qu’au moment du partage du prix et non au moment de la vente du bien (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907). Cela signifie que, jusqu’au partage, chaque indivisaire conserve un droit indivis sur la créance du prix de vente, et peut demander sa quote-part avant que l’attribution finale ne soit fixée.

En dernier lieu, lorsque la licitation est réalisée au profit d’un indivisaire et d’un tiers, les effets de l’adjudication sont partagés entre ces deux logiques :

  • Pour la part attribuée à l’indivisaire, l’effet déclaratif s’applique : il est réputé avoir toujours détenu sa part du bien.
  • Pour la part attribuée au tiers, l’effet translatif s’impose : il acquiert la propriété du bien par l’effet d’un transfert ordinaire de droits réels (Cass. civ., 23 juill. 1912).

Ce système peut soulever des difficultés pratiques, notamment en matière de garanties. La Cour de cassation a ainsi précisé que l’hypothèque légale du vendeur, prise par les coïndivisaires pour garantir le paiement du prix de licitation, n’est pas opposable aux créanciers personnels de l’héritier adjudicataire (Cass. civ., 23 juill. 1912).

3. Les autres actes mettant fin à l’indivision

L’effet déclaratif du partage ne s’attache pas exclusivement aux opérations qualifiées de partage stricto sensu. Il s’étend à tout acte ayant pour conséquence de mettre un terme à l’indivision, dès lors que celui-ci aboutit à l’allotissement d’un indivisaire. Issu de la loi du 31 juillet 1976 l’article 883, alinéa 2, du Code civil confère explicitement un effet déclaratif à “tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision”. Ainsi, au-delà du partage et de la licitation, plusieurs opérations peuvent revêtir ce caractère.

a. Les cessions de droits indivis entre indivisaires

i. Principe

La cession de droits indivis entre coïndivisaires a toujours été assimilée à une opération de partage, dès lors qu’elle met fin à l’indivision en ce qui concerne le cédant. Dès le XIXe siècle, la jurisprudence a reconnu que de telles cessions devaient bénéficier de l’effet déclaratif (Req. 3 mars 1807). Cette assimilation repose sur la logique même du partage : l’indivisaire cessionnaire est réputé avoir toujours été seul propriétaire des droits cédés, tandis que le cédant est censé avoir toujours détenu, en contrepartie, la somme perçue en paiement.

L’analogie avec le partage est encore plus évidente lorsque la cession est effectuée à titre onéreux. Dans ce cas, elle aboutit à un allotissement semblable à celui réalisé par une licitation ou un partage avec soulte. Le cessionnaire reçoit la part indivise du cédant en échange d’une somme d’argent, ce qui s’analyse à une opération de liquidation de l’indivision. Pour cette raison, la jurisprudence considère que l’effet déclaratif a pleinement vocation à jouer pour ces opérations (Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-13.267).

Cependant, l’application de l’effet déclaratif suppose que la cession porte bien sur des droits indivis. Si les droits cédés ne sont pas indivis, l’effet déclaratif ne peut être invoqué. Ainsi, lorsqu’un usufruitier cède ses droits aux nus-propriétaires, alors même qu’aucune indivision n’existe entre eux, la cession est une simple mutation patrimoniale et ne saurait être assimilée à un partage (Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n°85-10.780).

ii. Exceptions

Bien que la cession de droits indivis entre coïndivisaires bénéficie en principe de l’effet déclaratif, certaines situations échappent à cette règle.

==>L’exclusion des cessions à titre gratuit

La jurisprudence refuse de reconnaître un effet déclaratif aux cessions de droits indivis réalisées à titre gratuit. La raison en est simple : l’absence de contrepartie prive l’opération de la logique d’allotissement inhérente au partage.

Contrairement à une licitation ou à un partage avec soulte, où les indivisaires bénéficient d’une compensation en valeur, une donation entraîne une transmission patrimoniale unilatérale, sans redistribution équitable des droits successoraux. Dès lors, elle est considérée comme une mutation translative et non comme un partage.

==>La cession à un tiers

Autre exception notable, la cession de droits indivis à un tiers ne produit pas d’effet déclaratif dans les rapports entre les indivisaires et l’acquéreur. Une telle opération revêt la nature d’une véritable vente et non d’un partage.

L’acquéreur, étant étranger à l’indivision, n’est pas réputé avoir toujours été propriétaire des droits cédés. Toutefois, l’effet déclaratif peut s’appliquer entre les indivisaires eux-mêmes, sous réserve que le prix de la cession soit réparti entre eux selon leurs droits respectifs.

Dans cette hypothèse, la cession amiable d’un bien indivis à un tiers est assimilée à une licitation dans ses effets entre les coïndivisaires, mais elle conserve un effet translatif vis-à-vis de l’acquéreur (Cass. civ. 7 févr. 1949).

b. La vente amiable d’un bien indivis à un coïndivisaire

La vente d’un bien indivis à l’un des coïndivisaires, réalisée avec l’accord de l’ensemble des indivisaires, constitue une illustration notable de l’extension de l’effet déclaratif. Bien qu’elle prenne la forme d’une vente, cette opération est assimilée à un partage en raison de son résultat : l’indivisaire acquéreur devient pleinement propriétaire du bien, tandis que les autres indivisaires perçoivent une somme d’argent en contrepartie de leur renonciation à leurs droits indivis.

Ainsi, dans sa finalité, cette vente équivaut à une attribution dans le cadre d’un partage avec soulte. Par conséquent, elle doit être traitée comme un partage et bénéficie de l’effet déclaratif. Cela signifie que l’indivisaire acquéreur est réputé avoir toujours été propriétaire du bien, tandis que le prix payé aux autres indivisaires est assimilé à une soulte destinée à compenser la perte de leurs droits sur le bien vendu.

Cette analyse est d’autant plus justifiée lorsque l’acquéreur rachète l’intégralité des droits indivis portant sur un bien déterminé. Dans ce cas, l’indivision prend fin pour ce bien, ce qui justifie pleinement l’application de l’effet déclaratif. L’indivisaire acquéreur est alors censé en avoir toujours été le seul propriétaire, comme si ce bien lui avait été attribué lors d’un partage formel.

Cette approche, consacrée par la jurisprudence, a été renforcée par l’article 883 du Code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 1976. Le texte n’exige plus que l’opération mette fin à l’ensemble de l’indivision, mais uniquement à celle portant sur le bien concerné. Ainsi, l’effet déclaratif s’applique même si d’autres biens indivis subsistent dans la masse successorale.

c. L’application de l’effet déclaratif aux actes partiels et aux conversions de droits

Avant la réforme de 1976, l’effet déclaratif du partage était strictement encadré. Il ne s’appliquait qu’aux actes mettant définitivement fin à l’indivision dans son ensemble et exigeait la participation de tous les indivisaires. Cette approche rigide a été vivement critiquée par la doctrine, qui estimait injustifié de refuser l’effet déclaratif à des actes ayant précisément pour objet de substituer des droits privatifs à une appropriation collective.

La réforme entreprise par la loi du 31 décembre 1976 a profondément modifié cette approche en supprimant l’exigence d’une extinction totale de l’indivision. Désormais, un acte peut bénéficier de l’effet déclaratif dès lors qu’il met fin à l’indivision sur certains biens ou entre certains indivisaires. Il en résulte que même un partage partiel, c’est-à-dire un partage ne portant que sur une partie des biens indivis, est aujourd’hui doté de l’effet déclaratif. Il en va de même lorsqu’un indivisaire rachète les parts de ses coïndivisaires sur un bien spécifique : dans ce cas, l’indivision prend fin uniquement sur ce bien, mais l’effet déclaratif s’applique tout de même.

La reconnaissance de l’effet déclaratif s’étend également aux actes mettant fin à l’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Tel est le cas lorsque l’usufruit est converti en rente viagère, opération qui transforme la jouissance temporaire du bien en un droit patrimonial d’une autre nature. La jurisprudence considère désormais qu’une telle conversion est assimilable à un partage et doit donc bénéficier de l’effet déclaratif.

De la même manière, la conversion d’un usufruit en pleine propriété est traitée comme une opération de partage. Elle ne se limite pas à une simple modification du mode de détention du bien, mais entraîne une véritable mutation juridique, justifiant l’application de l’effet déclaratif. L’usufruitier converti en propriétaire est ainsi réputé l’avoir toujours été, et les droits éventuels qu’il avait pu consentir en tant qu’usufruitier s’éteignent rétroactivement.

B) Domaine quant aux biens

L’effet déclaratif du partage et des actes qui lui sont assimilés embrasse une large catégorie de biens, qu’ils soient corporels ou incorporels. Il s’applique aux biens qui étaient inclus dans l’indivision et à ceux qui, par subrogation, leur sont substitués. Cependant, certaines difficultés d’application se sont posées, notamment en ce qui concerne les créances héréditaires, les créances issues de la licitation d’un bien indivis et les créances relevant d’indivisions autres que successorales.

1. L’application générale de l’effet déclaratif aux biens de l’indivision

L’effet déclaratif du partage, tel que consacré par l’article 883 du Code civil, ne distingue ni la nature ni la qualification juridique des biens concernés. Il s’étend indistinctement aux meubles et immeubles, ainsi qu’aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient fait partie de l’indivision et qu’ils aient fait l’objet d’un partage, d’une licitation ou de tout acte ayant mis fin à l’indivision. Cette règle, qui découle directement du principe selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont échus, a été largement consacrée tant par la doctrine que par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 mars 1981, n°79-14.083). Toutefois, certaines limitations, tenant soit à la nature spécifique des biens, soit à des dispositions légales particulières, méritent d’être relevées.

a. L’application indifférenciée aux biens corporels et incorporels

Le domaine de l’effet déclaratif couvre l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient corporels ou incorporels, dès lors qu’ils font l’objet d’un partage ou d’une licitation. La loi ne distingue pas entre les catégories de biens et consacre ainsi une application uniforme de cette règle, quelle que soit leur nature.

==>Les biens corporels

L’article 883 du Code civil trouve à s’appliquer aux biens corporels, qu’ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, les immeubles faisant partie de l’indivision et attribués à un copartageant lors du partage sont réputés lui avoir toujours appartenu. Ce principe s’applique également aux meubles indivis, qui sont également soumis à l’effet déclaratif. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler ce caractère indifférencié de l’effet déclaratif en précisant que tout bien corporel intégré à un partage doit être considéré comme ayant toujours appartenu à son attributaire dès l’origine (Cass. 1re civ., 6 nov. 1967).

==>Les biens incorporels

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux seuls biens matériels. Il s’étend également aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient été inclus dans l’indivision et attribués à un copartageant. Cette extension a notamment été consacrée par la jurisprudence en matière de fonds de commerce où il a été jugé que l’attribution d’un fonds indivis à un coindivisaire lors du partage entraîne l’effet déclaratif, le rendant rétroactivement propriétaire exclusif du fonds.

Dans le même esprit, la doctrine considère que l’effet déclaratif couvre également les créances dépendant d’une indivision, dans la mesure où celles-ci constituent un élément du patrimoine indivis (Cass. req., 7 août 1860). Cependant, cette application aux créances n’a pas toujours été admise sans réserve, et certaines décisions ont pu restreindre son champ en fonction de la nature des créances concernées (V. ci-après).

b. Les limites de l’effet déclaratif : exceptions et restrictions

Si l’effet déclaratif du partage présente un caractère général, certaines restrictions s’imposent en raison soit de la nature des biens concernés, soit de dispositions légales spécifiques qui viennent limiter son application.

==>L’exclusion des fruits et revenus des biens indivis

Un premier tempérament réside dans l’exclusion des fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits ne sont pas soumis à l’effet déclaratif et restent la propriété des indivisaires en proportion de leurs droits sur l’indivision. La Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’effet déclaratif du partage ne s’applique pas aux fruits et revenus perçus avant la cessation de l’indivision et a censuré une décision qui avait attribué à certains copartageants la totalité des fermages échus avant le partage, au motif qu’ils étaient devenus propriétaires des biens loués (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031)).

Dans cette affaire, un bien indivis donné à bail rural avant le partage avait généré des fermages dont les attributaires du bien avaient revendiqué la perception exclusive, en se prévalant de l’effet déclaratif du partage. La cour d’appel avait accueilli cette demande, considérant que l’attribution du bien leur conférait rétroactivement la qualité de propriétaires exclusifs et les habilitait à percevoir seuls les loyers dus pour les périodes antérieures au partage. La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que l’effet déclaratif ne saurait conférer rétroactivement à un indivisaire l’exclusivité des fruits et revenus produits avant la fin de l’indivision. Ces revenus conservent leur caractère indivis jusqu’au partage et doivent être répartis entre tous les indivisaires en fonction de leurs droits respectifs.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a généré des revenus avant son attribution à un copartageant, ces produits ne peuvent être réputés lui avoir toujours appartenu. Ils doivent être partagés entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs quotes-parts, sans que le partage ne puisse produire un effet rétroactif sur leur répartition.

==>L’exclusion légale de certains biens spécifiques

Certaines catégories de biens échappent à l’application de l’article 883 du Code civil en raison de dispositions législatives particulières. Tel est le cas, par exemple, en matière de brevets d’invention. L’article L. 613-30 du Code de la propriété intellectuelle exclut expressément l’application de l’effet déclaratif aux situations de copropriété d’un brevet ou d’une demande de brevet, en instaurant un régime spécifique à la matière. Cette disposition traduit la volonté du législateur de soumettre la gestion des brevets à un régime plus strict, distinct de celui du droit commun de l’indivision.

D’autres domaines spécifiques peuvent également donner lieu à des exceptions, en fonction des règles particulières qui leur sont applicables. Il conviendra donc, avant d’invoquer l’effet déclaratif, de s’assurer que la législation propre à chaque type de bien ne prévoit pas de disposition dérogatoire.

==>La prise en compte des soultes et compensations

Si l’effet déclaratif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus, il s’applique en revanche aux soultes versées entre copartageants. Une soulte, qui constitue une somme versée en compensation d’un lot excédentaire, est réputée avoir toujours appartenu à son bénéficiaire. Cette règle a été posée dès le XIX? siècle par la Cour de cassation, qui a admis que même une soulte versée sur les deniers propres de l’un des copartageants bénéficie de l’effet déclaratif (Cass. req., 7 août 1860).

Ainsi, si un indivisaire reçoit un bien d’une valeur supérieure à sa quote-part et qu’il compense cette inégalité par le versement d’une soulte à un autre copartageant, cette soulte est réputée avoir toujours fait partie du patrimoine de son bénéficiaire. Ce principe vise à garantir la cohérence de l’effet déclaratif et à éviter que le partage ne soit requalifié en opération translative.

2. Cas particuliers

a. Les créances héréditaires

La question de l’application de l’effet déclaratif du partage aux créances héréditaires a longtemps divisé doctrine et jurisprudence, en raison de l’apparente contradiction entre deux règles fondamentales du droit successoral. D’un côté, l’article 1309 du Code civil (ancien article 1220) prévoit que les créances successorales se divisent de plein droit entre les cohéritiers en proportion de leur part dans la succession. De l’autre, l’article 883 du même code instaure un effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués.

À l’origine, la jurisprudence appliquait strictement l’article 1309 et considérait que les créances successorales étaient divisées entre les héritiers dès l’ouverture de la succession, les excluant ainsi de l’indivision et du champ d’application de l’effet déclaratif (Cass. req., 23 févr. 1864). Cette approche signifiait que chaque cohéritier pouvait revendiquer immédiatement sa part individuelle sur la créance et l’exercer indépendamment des autres. Le débiteur de la succession pouvait également opposer la compensation à hauteur de la part de chaque héritier (Cass. req., 9 nov. 1847).

Toutefois, cette position s’est révélée insatisfaisante, car elle privait l’effet déclaratif du partage d’une grande partie de sa portée en ce qui concerne les créances. Un héritier pouvait, avant le partage, céder ou faire saisir sa quote-part de créance, ce qui compromettait l’égalité entre les copartageants. La jurisprudence a donc progressivement évolué vers une application distributive des deux articles, aboutissant à la célèbre décision des chambres réunies de la Cour de cassation dans l’arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907 (Cass. ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cet arrêt opère une distinction selon le moment où l’on se place. Avant le partage, l’article 1309 s’applique dans les rapports entre les héritiers et les débiteurs successoraux. Chaque héritier peut alors exercer sa part de la créance, et le débiteur peut se libérer en réglant chaque cohéritier individuellement. Il peut également opposer une compensation pour toute dette qu’il détient à l’égard d’un héritier, sans que cette compensation puisse être remise en cause par le partage ultérieur (Cass. req., 25 févr. 1864). Cette solution repose sur la double nature du droit de créance : il est à la fois un lien de droit (vinculum juris) entre le créancier et le débiteur, et un bien faisant partie du patrimoine du créancier.

Une fois le partage consommé, l’article 883 prend le pas et s’applique exclusivement dans les rapports entre cohéritiers. La créance indivise est alors attribuée en totalité à un copartageant, qui est réputé l’avoir toujours possédée en exclusivité. Dès lors, les actes accomplis par d’autres indivisaires sur cette créance deviennent inopposables à son attributaire, sauf s’ils ont été régulièrement exécutés avant le partage (Cass. req., 13 janv. 1909). Ainsi, un cohéritier ne peut plus, après le partage, revendiquer une part sur une créance qui a été attribuée à un autre. Il en va de même pour une cession de créance consentie par un indivisaire seul avant le partage : elle est inopposable à l’attributaire final de la créance (Cass. req., 2 juin 1908).

Cette articulation entre les deux articles permet d’assurer un équilibre entre les droits des cohéritiers et les exigences de sécurité juridique. L’article 1309 garantit que chaque héritier puisse faire valoir ses droits sur les créances successorales tant que l’indivision subsiste, sans être tributaire de l’inaction des autres indivisaires. En revanche, une fois le partage réalisé, l’effet déclaratif de l’article 883 permet d’éviter que des actes de disposition antérieurs ne viennent compromettre l’égalité entre copartageants. Cette solution est aujourd’hui largement admise par la doctrine.

b. L’effet déclaratif sur la créance du prix d’adjudication d’un bien indivis

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux biens matériels présents dans l’indivision. Il s’étend également aux créances qui en sont issues, notamment la créance résultant du prix d’adjudication d’un immeuble indivis vendu par licitation à un tiers. Dans ce cas, l’adjudication équivaut à une vente, et l’immeuble licité cesse de faire partie de l’indivision, tandis que la créance de prix qu’il génère vient s’y substituer et entre dans l’actif successoral à partager. Une fois le partage réalisé, cette créance peut être répartie entre tous les copartageants, ou bien être attribuée en totalité à l’un d’eux.

Une question essentielle a été soulevée quant à la portée de l’effet déclaratif dans ce contexte : l’attributaire de la créance doit-il être considéré comme ayant été le seul propriétaire du bien depuis son entrée dans l’indivision, et donc comme étant le seul vendeur au regard des tiers, ou bien tous les indivisaires doivent-ils être regardés comme ayant participé à la vente ? L’enjeu de la réponse à cette question est fondamental, car il touche au sort des droits réels que certains indivisaires auraient pu consentir sur l’immeuble avant la licitation. En effet, si seul l’attributaire final de la créance est réputé rétroactivement propriétaire, les droits réels accordés par d’autres indivisaires avant la licitation pourraient être anéantis. À l’inverse, si tous les indivisaires sont considérés comme ayant participé à la vente, ces droits réels devraient être reportés sur leur part du prix d’adjudication.

Initialement, la Cour de cassation avait retenu une interprétation stricte de l’effet déclaratif, en considérant que seul l’attributaire de la créance devait être regardé comme ayant été propriétaire du bien et donc comme ayant procédé à la vente (Cass. civ., 18 juin 1834). Cette solution conduisait à l’anéantissement des droits réels constitués par d’autres indivisaires sur l’immeuble licité. Toutefois, cette position a été abandonnée au profit d’une approche fondée sur la subrogation réelle. Désormais, la créance du prix d’adjudication est assimilée au bien vendu, et l’effet déclaratif du partage ne remet pas en cause les sûretés qui ont pu être constituées sur l’immeuble pendant l’indivision (Cass. civ., 21 juin 1904). Il en résulte que si un indivisaire a hypothéqué l’immeuble avant la licitation, cette hypothèque ne disparaît pas avec la vente, mais est reportée sur la part du prix d’adjudication qui lui revient dans le partage.

L’arrêt Chollet contre Dumoulin, rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 5 décembre 1907, a consacré cette évolution en affirmant que, si la licitation doit être considérée comme une vente à l’égard de l’adjudicataire lorsqu’il est un tiers, elle constitue dans les rapports entre cohéritiers une simple opération préparatoire au partage. Dès lors, la créance du prix d’adjudication est soumise aux mêmes règles que l’immeuble qu’elle remplace. Ainsi, si un héritier est tenu à un rapport en moins prenant et que la créance du prix est attribuée à ses cohéritiers en compensation du rapport dû, cet héritier est réputé n’avoir jamais eu de droit sur cette créance. Il en découle que ses créanciers personnels ne peuvent exercer de droit de préférence sur le prix d’adjudication, puisqu’ils ne disposent pas de plus de droits que leur débiteur dans la masse successorale (Cass., ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cette solution se justifie par la combinaison de l’effet déclaratif du partage et du principe de la subrogation réelle. En effet, dès lors que l’immeuble est remplacé par une créance de prix, il est logique que toute sûreté constituée sur ce bien soit reportée sur la somme d’argent qui lui succède. Cette position a été confirmée par la jurisprudence moderne, qui admet que l’hypothèque consentie sur un bien indivis par un indivisaire seul est reportée, en cas de vente, sur la fraction du prix qui lui est attribuée dans le partage (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331).

L’admission de la subrogation réelle atténue ainsi la portée absolue de la rétroactivité du partage. En effet, bien que l’article 883 du Code civil établisse une présomption selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire des biens de son lot, la prise en compte de la situation de la masse indivise au jour du partage permet de préserver les droits des tiers ayant acquis des garanties sur ces biens avant leur attribution définitive.

c. L’extension de l’effet déclaratif aux créances issues d’indivisions non successorales

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux successions. Il s’étend aux créances issues d’autres formes d’indivision, notamment l’indivision post-communautaire. Dans ce cadre, la jurisprudence a longtemps refusé d’appliquer l’article 1309 du Code civil, considérant que tant que la communauté n’était pas liquidée, les créances communes ne pouvaient être divisées entre les époux (Cass. req., 18 oct. 1893). Toutefois, cette position a évolué, et il est désormais admis que chaque époux peut réclamer sa part de créance sans attendre le partage. Dans un arrêt du 10 février 1981, la Cour de cassation a, en effet, jugé que, dès la dissolution de la communauté, chacun des époux est investi d’un droit personnel sur les valeurs qui en dépendent et peut, à ce titre, demander individuellement le règlement de sa quote-part dans les créances communes (Cass. 1re civ., 10 févr. 1981, n° 79-12.765).

Dans cette affaire, à l’occasion de la liquidation d’une communauté dissoute par divorce, l’une des parties revendiquait le droit d’agir seule en recouvrement de créances qui avaient appartenu à la communauté. Son ancien conjoint contestait cette possibilité, soutenant que tant que la liquidation n’avait pas été achevée, les droits de chacun des époux restaient incertains, excluant ainsi toute division automatique des créances. La Cour d’appel avait néanmoins condamné le débiteur des créances litigieuses à verser directement à l’épouse sa part correspondant à la moitié du montant dû, au motif qu’elle détenait des droits sur les valeurs de la communauté.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette approche, énonçant que la dissolution de la communauté confère immédiatement à chacun des époux un titre leur permettant de réclamer leur part des créances communes, sans attendre le partage. Ce faisant, la Haute juridiction a admis que la créance, bien qu’encore incluse dans la masse indivise au stade de la liquidation, pouvait être partiellement mobilisée par chacun des ex-époux, consacrant ainsi une autonomie certaine dans l’exercice des droits patrimoniaux post-communautaires.

Par cette décision, la Cour de cassation a confirmé que la dissolution de la communauté entraîne la division des créances entre les époux et leur permet d’en revendiquer le paiement, indépendamment de l’achèvement de la liquidation et du partage.

Cette reconnaissance d’un droit propre à chaque indivisaire sur une créance dès la dissolution ne remet toutefois pas en cause l’application du principe de l’effet déclaratif du partage. Si, dans leurs rapports avec les tiers, les indivisaires peuvent faire valoir leur part de créance indépendamment du partage, il en va différemment dans les relations internes à l’indivision. En effet, une fois le partage intervenu, l’attribution d’une créance à un indivisaire emporte l’effet rétroactif prévu par l’article 883 du Code civil, impliquant qu’il est réputé l’avoir toujours détenue. Cette conséquence, qui marque une rupture avec la logique de division immédiate des créances, permet de garantir la stabilité des attributions patrimoniales et d’uniformiser le régime des créances successorales et post-communautaires.

Dans les rapports entre indivisaires, ces créances sont ainsi soumises à l’article 883 du Code civil et bénéficient de l’effet déclaratif. Un indivisaire qui se voit attribuer une créance dans le partage est réputé en avoir été le titulaire exclusif depuis l’origine, ce qui a pour effet de priver ses coïndivisaires de tout droit rétroactif sur celle-ci. En conséquence, les actes de disposition accomplis avant le partage par un autre indivisaire sur la créance, tels qu’une cession ou une saisie, peuvent lui être inopposables (Cass. req., 2 juin 1908).

Effet déclaratif du partage: vue générale

Le partage constitue l’acte par lequel s’opère la liquidation de l’indivision et l’attribution définitive des biens aux copartageants. Au-delà de cette simple répartition, il produit un effet juridique majeur: l’effet déclaratif, prévu par l’article 883 du Code civil. Ce principe implique que chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’ouverture de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués, effaçant rétroactivement la période d’indivision. Toutefois, pour éviter que cette rétroactivité n’entraîne des conséquences excessives, notamment au détriment des tiers de bonne foi ou de la stabilité des transactions, le législateur et la jurisprudence ont assorti ce principe de limites.

A) Les différentes conception du partage

1. La théorie de la fiction légale

La première interprétation, longtemps dominante, postule que l’effet déclaratif est une fiction légale, instaurée pour aplanir les inégalités qu’un partage strictement translatif pourrait engendrer. Le partage, dans cette perspective, est considéré comme un acte translatif de droits entre coindivisaires, où l’effet déclaratif ne serait qu’un habillage légal destiné à neutraliser certaines conséquences indésirables.

Cette approche puise ses racines dans le droit romain, où le partage était vu comme un acte translatif de propriété. Chaque indivisaire y était considéré comme titulaire d’une quote-part indivise sur chacun des biens composant l’actif indivis. Le partage s’analysait alors comme un véritable échange entre coindivisaires : chacun cédait ses droits indivis sur les biens qu’il n’obtenait pas en contrepartie de la pleine propriété des biens qui lui étaient attribués. Autrement dit, pour devenir propriétaire exclusif de certains biens, chaque indivisaire devait céder à ses coindivisaires ses droits sur les autres biens.

Cette conception du partage implique que chaque coindivisaire devient l’ayant-cause non seulement du de cujus (dans le cadre d’une succession) mais également de ses coindivisaires. Ce double lien engendre des conséquences juridiques et fiscales importantes.

Cette approche, toujours retenue par certains droits étrangers comme le droit allemand (BGB, § 2032 s.) et le droit suisse (Code civil suisse, art. 634), a toutefois été progressivement abandonnée en droit français en raison de ses nombreuses implications négatives.

La conception translative du partage engendre plusieurs difficultés majeures, tant sur le plan fiscal que sur le plan civil :

  • La soumission aux droits de mutation
    • En considérant que le partage réalise un transfert de propriété entre coindivisaires, cette analyse implique, en principe, l’application des droits de mutation à titre onéreux.
    • Or, ces droits fiscaux, souvent conséquents, viennent alourdir le coût du partage et peuvent dissuader les indivisaires de procéder à la liquidation de l’indivision.
  • Le maintien des charges grevant les biens attribués
    • Dans la logique translative, les actes accomplis par un coindivisaire pendant la période d’indivision – tels que les hypothèques ou les cessions de parts – continuent de produire effet après le partage, même si le bien en question est finalement attribué à un autre coindivisaire.
    • Ainsi, un copartageant peut se voir attribuer un bien grevé par une hypothèque consentie par un autre indivisaire, sans avoir été l’auteur de cet acte.
    • Certes, le copartageant lésé dispose d’un recours contre le coindivisaire ayant constitué l’hypothèque, mais ce recours est souvent illusoire, notamment en cas d’insolvabilité du débiteur.
    • Cela compromet l’équilibre et l’équité du partage.
  • Le risque d’inégalité entre copartageants
    • La conséquence directe de ces charges maintenues est l’introduction d’inégalités entre copartageants.
    • Un indivisaire peut hériter d’un bien lourdement grevé tandis qu’un autre reçoit un bien libre de toute charge, sans qu’aucun correctif ne soit automatiquement appliqué pour rétablir l’équité du partage.
  • L’absence de rétroactivité
    • Enfin, la conception translative ne reconnaît pas d’effet rétroactif au partage : la fin de l’indivision n’efface pas les actes accomplis pendant cette période.
    • Les charges et engagements contractés par les indivisaires restent donc pleinement opposables, ce qui aggrave encore les déséquilibres et expose les copartageants à des risques juridiques et financiers.

Certains systèmes juridiques étrangers, tout en conservant la nature translative du partage, ont introduit des mécanismes destinés à en atténuer les effets les plus préjudiciables :

En Allemagne, le Code civil (BGB, § 2040) exige l’accord unanime de tous les indivisaires pour la constitution de droits réels sur les biens indivis. Cette règle vise à éviter que des actes unilatéraux réalisés par un seul indivisaire affectent les biens communs.

En Suisse, les articles 648 et 653 du Code civil imposent des restrictions similaires, interdisant notamment les aliénations et les hypothèques sans le consentement de tous les indivisaires. Ces garanties renforcent la sécurité juridique des copartageants et limitent les risques liés aux actes translatifs.

Face aux inconvénients majeurs de la conception translative, il a progressivement été opéré un revirement jurisprudentiel et doctrinal en droit français. Dès le XVI? siècle, la jurisprudence des parlements français a amorcé ce changement en posant le principe selon lequel les biens attribués lors du partage devaient revenir aux copartageants « francs et quittes de toutes charges consenties par les autres héritiers ». Cette solution visait à préserver l’équité du partage et à éviter que les indivisaires n’héritent de dettes qu’ils n’avaient pas contractées.

Le Code civil de 1804 a consolidé cette évolution en consacrant, à l’article 883, alinéa 1??, le principe de l’effet déclaratif :

« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Par cette disposition, le législateur français a pris le contrepied de la conception translative. Le partage n’est plus conçu comme un échange de droits entre coindivisaires, mais comme une opération révélant rétroactivement la propriété exclusive des biens attribués à chaque copartageant.

Cependant, certains auteurs ont vu dans cette consécration du principe de l’effet déclaratif une simple fiction légale, destinée à masquer la nature fondamentalement translative du partage. Selon cette lecture, l’article 883 du Code civil ne ferait qu’instaurer une présomption irréfragable : en affirmant que chaque cohéritier est «censé avoir succédé seul et immédiatement», le texte instituerait une pure fiction, visant à simplifier les opérations de partage et à contourner les conséquences indésirables du transfert de propriété.

Pour ces auteurs, le législateur aurait ainsi choisi de recourir à un artifice technique pour écarter les droits de mutation, neutraliser les charges grevant les biens et garantir l’équité entre copartageants, sans pour autant remettre en cause la nature translatrice du partage. Ce choix, bien que pragmatique, entretiendrait une forme d’ambiguïté juridique.

La théorie de la fiction légale n’a pas échappé aux critiques. De nombreux auteurs ont souligné les incohérences qu’elle engendre et les incertitudes juridiques qui en résultent :

  • Incohérences fiscales : la fiction légale rend difficile la détermination des règles fiscales applicables, notamment en matière de droits de mutation ou de plus-values.
  • Insécurité patrimoniale : les praticiens se trouvent confrontés à des difficultés dans l’interprétation des actes accomplis pendant l’indivision, notamment concernant les hypothèques et autres sûretés.
  • Complexité procédurale : la coexistence de la fiction légale et des réalités patrimoniales alourdit les procédures et multiplie les situations litigieuses.

Ces critiques ont conduit la doctrine et la jurisprudence à favoriser progressivement une conception réaliste de l’effet déclaratif, selon laquelle le partage ne constitue pas une fiction, mais l’expression naturelle de la structure du droit indivis. Cette approche, aujourd’hui largement majoritaire, considère que le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais se contente de révéler ceux qui existaient depuis l’origine.

2. La conception réaliste

En réaction aux limites et aux incohérences révélées par la théorie de la fiction légale, la doctrine contemporaine a progressivement fait émerger une conception plus cohérente et fidèle à la nature du partage : la conception réaliste de l’effet déclaratif. Cette approche, aujourd’hui largement consacrée par la jurisprudence française, rejette l’idée que l’effet déclaratif soit un simple artifice juridique destiné à corriger les défauts d’un partage translatif. Elle y voit, au contraire, l’expression directe et naturelle de la structure juridique du partage. Dans cette optique, le partage ne réalise aucun transfert de propriété entre les indivisaires, mais se borne à révéler et à individualiser les droits préexistants de chacun.

La conception réaliste repose sur l’idée fondamentale que les indivisaires ne détiennent pas des droits concrets et distincts sur chaque bien de la masse indivise, mais un droit global et abstrait sur l’ensemble de l’indivision. Tant que le partage n’a pas été réalisé, ce droit indivis est flottant : il s’exerce sur la masse indivise dans sa globalité, sans se fixer sur des biens particuliers.

Le partage intervient alors comme un acte déclaratif et non translatif : il n’opère aucun transfert de propriété entre les coindivisaires, mais délimite l’assiette matérielle des droits de chacun. Dès lors, chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’origine de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui composent son lot. Il s’agit d’une révélation des droits existants et non d’une création ou d’une mutation juridique.

Cette lecture trouve son fondement doctrinal dans les écrits de Planiol et Ripert qui qualifient le partage d’« acte déclaratif par nature ». De même, F. Terré et Y. Lequette soulignent que « le partage cristallise les droits des coindivisaires sans en modifier la substance ». Ces auteurs insistent sur le fait que le partage n’est ni un contrat d’échange ni un acte translatif, mais bien un mécanisme révélateur des droits originels.

L’adoption de cette analyse réaliste de l’effet déclaratif emporte des conséquences notamment en matière patrimoniale, fiscale et procédurale.

  • Première conséquence
    • L’une des premières conséquences de cette conception est l’exclusion des droits de mutation à titre onéreux.
    • Puisque le partage ne procède pas à un transfert de propriété mais se borne à révéler les droits préexistants des indivisaires, il échappe aux règles fiscales applicables aux cessions de biens.
    • Le législateur a consacré ce principe à l’article 883 du Code civil, limitant les charges fiscales à des frais de partage, généralement moins lourds que les droits de mutation.
  • Deuxième conséquence
    • L’autre implication majeure réside dans la protection des copartageants contre les actes réalisés par leurs coindivisaires pendant l’indivision.
    • Dans la conception réaliste, si un indivisaire constitue une hypothèque sur un bien indivis et que ce bien est finalement attribué à un autre copartageant lors du partage, l’hypothèque est automatiquement anéantie.
    • Le coindivisaire qui a grevé le bien n’était pas, en réalité, propriétaire du bien attribué à autrui, et l’acte est donc considéré comme accompli a non domino.
    • À l’inverse, si le bien est attribué à celui qui avait constitué l’hypothèque, celle-ci est consolidée rétroactivement.
    • Ce mécanisme permet de garantir l’équité du partage et protège chaque copartageant contre les conséquences des actes unilatéraux réalisés par d’autres indivisaires pendant la période d’indivision.
  • Troisième conséquence
    • La conception réaliste est intimement liée au principe de rétroactivité du partage.
    • En révélant les droits préexistants de chaque copartageant, le partage opère rétroactivement ses effets à la date d’ouverture de l’indivision.
    • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.
    • Toutefois, cette rétroactivité connaît certaines limites, destinées à préserver la sécurité juridique et les droits des tiers.
    • L’article 883, alinéa 3, du Code civil précise ainsi que « les actes valablement accomplis, soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
    • Ce tempérament permet d’éviter que des tiers contractants de bonne foi soient lésés par les conséquences du partage.

B) La conception retenue en droit français

Après avoir oscillé entre les différentes théories, le droit français a finalement consacré la conception réaliste du partage. Loin de n’être qu’un simple compromis théorique, cette approche repose sur une articulation subtile entre deux notions connexes mais juridiquement distinctes : d’une part, le caractère déclaratif du partage, qui révèle les droits préexistants des indivisaires sans opérer de transfert de propriété ; d’autre part, sa rétroactivité, qui fait remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision.

Si le partage est reconnu comme un acte purement déclaratif, révélant les droits préexistants de chaque indivisaire, la rétroactivité, quant à elle, constitue une modalité d’application qui, bien que prévue par la loi, est sujette à des tempéraments destinés à protéger les tiers et assurer la sécurité juridique.

1. Distinction entre le caractère déclaratif et la rétroactivité

Pour mémoire; l’article 883 du Code civil prévoit que « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Ce texte consacre la logique selon laquelle le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais révèle les droits qui existaient depuis l’origine. Le copartageant est donc réputé avoir été, dès le jour de l’ouverture de l’indivision, propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.

Toutefois, cet effet déclaratif s’accompagne d’une rétroactivité : les effets du partage sont réputés remonter au jour de l’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire durant laquelle les biens étaient indivis. Cette rétroactivité permet de neutraliser les actes accomplis pendant l’indivision qui seraient contraires aux droits définitifs des copartageants.

Cependant, il est essentiel de bien distinguer deux notions fondamentales qui structurent le régime du partage :

  • Le caractère déclaratif du partage : il s’agit d’un acte qui se borne à révéler et préciser les droits préexistants des coindivisaires sans opérer de transfert de propriété. Le partage n’a donc pas de vocation translative : il détermine simplement l’assiette concrète des droits de chacun.
  • La rétroactivité du partage : il s’agit d’une modalité d’application du caractère déclaratif. La rétroactivité permet de faire remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire et considérant que chaque copartageant a toujours été titulaire exclusif des biens finalement attribués dans son lot.

Cette distinction est loin d’être purement théorique. La doctrine a souligné que la rétroactivité, si elle était appliquée de manière absolue, pourrait engendrer des risques d’insécurité juridique, notamment en remettant en cause des droits acquis ou en affectant les intérêts des tiers de bonne foi.

Certains auteurs, à l’instar de P. Hébraud ont plaidé pour une limitation de cette rétroactivité dans les situations où elle pourrait compromettre la stabilité juridique, notamment lorsqu’elle remet en cause des actes accomplis en toute légalité pendant la période d’indivision.

2. Tempéraments à la rétroactivité

Conscient des conséquences potentiellement excessives d’une rétroactivité absolue, le législateur français a introduit des mécanismes destinés à équilibrer la protection des coindivisaires et celle des tiers.

==>Les aménagements prévus par la loi

L’article 883, alinéa 3, du Code civil apporte un premier tempérament important :

« Les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet. »

Cette disposition permet de sécuriser les actes nécessaires à la gestion de l’indivision.

Par exemple :

  • Si un bien indivis est vendu par un mandataire commun, l’acte de vente conserve sa pleine validité, quel que soit le lot attribué lors du partage.
  • De même, si un juge autorise la constitution d’une hypothèque sur un bien indivis pour financer des travaux urgents, cette hypothèque subsistera même si le bien est finalement attribué à un indivisaire différent de celui qui a sollicité l’autorisation.

Ce mécanisme garantit ainsi la continuité des droits des tiers qui auraient contracté avec l’indivision, tout en évitant qu’un partage ultérieur ne vienne remettre en cause des actes accomplis en toute légalité.

==>La protection des tiers de bonne foi

La jurisprudence a, elle aussi, contribué à affiner l’application de l’effet déclaratif et de sa rétroactivité. Les juges ont systématiquement cherché à préserver la sécurité juridique, en protégeant les tiers de bonne foi contre les effets destructeurs d’une rétroactivité pure et dure.

Ainsi, il a été reconnu que certains actes accomplis par des coindivisaires pendant l’indivision — même en l’absence de mandat ou d’autorisation judiciaire — pouvaient produire leurs effets si :

  • Le tiers contractant était de bonne foi, et
  • L’acte était conforme aux règles d’administration des biens indivis.

Par exemple, si un indivisaire cède temporairement l’usage d’un bien indivis à un tiers et que ce bien est ensuite attribué à un autre copartageant lors du partage, le contrat pourra subsister jusqu’à son terme si le tiers ignorait la situation d’indivision et agissait de bonne foi.

==>Les aménagements conventionnels

Enfin, le droit français permet aux coindivisaires, dans le cadre d’un partage amiable, d’introduire des clauses dérogatoires au principe de la rétroactivité. Les indivisaires peuvent ainsi convenir que certains actes passés continueront à produire leurs effets ou que la rétroactivité sera limitée pour des raisons de commodité ou de stratégie patrimoniale.

Cette faculté permet de renforcer la sécurité juridique des opérations patrimoniales et d’adapter le régime du partage aux besoins spécifiques des indivisaires.

Effets du partage: la garantie des lots entre copartageants

Le partage met fin à l’indivision en répartissant les biens entre les copartageants. Cependant, pour que cette répartition soit équitable, il est essentiel que chaque copartageant conserve sans difficulté les biens qui lui ont été attribués. Or, il peut arriver qu’un copartageant soit évincé du bien qu’il a reçu, par exemple si ce bien appartient en réalité à un tiers ou si une charge inconnue au moment du partage vient en limiter l’usage. Dans ce cas, une garantie spécifique s’applique afin de protéger l’équilibre du partage et d’éviter que l’un des copartageants ne subisse seul cette perte.

Les articles 884 et suivants du Code civil prévoient ainsi que les copartageants doivent se garantir mutuellement contre les évictions et les troubles qui trouvent leur origine dans une cause antérieure au partage. Ce principe repose sur un impératif fondamental : l’égalité entre les copartageants. Si un bien attribué lors du partage venait à disparaître ou à être grevé d’une charge inconnue, la perte ne peut être supportée uniquement par l’attributaire du bien, mais doit être partagée entre tous, proportionnellement à leurs droits. Cette garantie rappelle celle due par un vendeur à son acheteur, prévue aux articles 1625 et suivants du Code civil. Toutefois, la différence essentielle tient au fait que, dans une vente, il y a un transfert de propriété, alors que dans un partage, les copartageants sont censés recevoir des droits qu’ils détenaient déjà sur l’indivision.

Cette garantie joue aussi bien dans les partages amiables que dans les partages judiciaires. Elle s’applique quels que soient les biens attribués et protège les copartageants contre les conséquences d’une éviction ou d’un trouble affectant leur lot. En revanche, elle ne concerne en principe que les troubles causés par des tiers. Cela soulève une question : un copartageant pourrait-il être tenu responsable des troubles qu’il causerait lui-même après le partage ? Autrement dit, si un indivisaire porte atteinte aux droits d’un autre après la répartition des biens, peut-il être contraint de réparer le préjudice subi sur le fondement de la garantie des lots ?

Ainsi, la garantie entre copartageants vise à préserver la stabilité du partage en assurant que chacun conserve ce qui lui a été attribué sans subir de préjudice. Elle repose sur le principe d’égalité et empêche qu’un copartageant ne soit lésé par l’issue du partage. Toutefois, son application soulève plusieurs interrogations, notamment sur son champ exact et sur la possibilité d’inclure dans cette garantie les troubles causés par les copartageants eux-mêmes.

I) Conditions d’application

L’article 884 du Code civil érige la garantie des lots en une obligation pesant sur l’ensemble des copartageants. Toutefois, cette garantie ne joue que si certaines conditions, tenant à l’acte de partage, au trouble subi et à l’absence de faute du copartageant évincé, sont réunies.

A. Une garantie attachée au partage

La garantie des lots s’applique à toute opération de partage, quelle que soit la nature de l’indivision concernée. Il s’agit d’une garantie qui joue entre copartageants afin d’assurer l’équité du partage en cas d’éviction ou de trouble postérieur à l’attribution des biens. Cependant, l’existence même d’une telle garantie suppose un partage juridiquement valable. Dès lors, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait faire naître une quelconque obligation de garantie entre copartagés.

1. L’application de la garantie des lots à toutes les formes de partage

L’obligation de garantie s’applique aux partages successoraux, conjugaux ou encore sociétaires, ces derniers intervenant notamment lors de la dissolution d’une société civile ou d’une société créée de fait. Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 1983 affirmant que la garantie des lots joue indépendamment de la nature de l’indivision à laquelle le partage met fin (Cass. 1re civ., 22 mars 1983, n°82-12.135).

De même, la donation-partage est assimilée à un véritable partage et ouvre donc droit à la garantie entre les copartagés. Ce caractère distributif de la donation-partage justifie que chacun des donataires bénéficiaires puisse se prévaloir des règles relatives à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 18 janv. 1983, n°81-12.638).

L’objectif de cette garantie est d’assurer une égalité entre les copartageants en leur conférant une protection contre d’éventuels troubles ou évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Cette garantie est d’autant plus essentielle que le partage, en tant qu’acte déclaratif, emporte l’extinction de l’indivision et l’attribution exclusive des biens aux copartageants concernés.

2. L’absence de garantie en cas de partage nul

Toutefois, la garantie des lots suppose nécessairement un partage juridiquement valide. À cet égard, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait produire d’effets juridiques et ne peut donc fonder une obligation de garantie entre copartageants. Cette solution a été affirmée de longue date par la jurisprudence.

Ainsi, l’omission volontaire d’un ayant droit constitue une cause de nullité du partage et empêche l’application de la garantie des lots. En effet, un partage opéré sans tenir compte de tous les indivisaires est entaché d’un vice fondamental affectant sa validité. Dans un arrêt du 21 mars 1922, la Cour de cassation a rappelé qu’un partage nul, notamment en raison de l’exclusion d’un héritier ou d’un indivisaire, ne saurait donner lieu à une obligation de garantie (Req. 21 mars 1922, DP 1923, 1. 60).

Cette position s’explique par la nature même du partage, qui doit être réalisé entre tous les titulaires de droits indivis. Si un partage est frappé de nullité, il est censé n’avoir jamais existé, ce qui empêche l’application des obligations qui en découlent, y compris la garantie des lots.

B. L’existence d’un trouble ou d’une éviction

La garantie des lots, attachée au partage, assure aux copartageants une protection contre les troubles et évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Toutefois, cette garantie ne joue que sous certaines conditions, notamment lorsque le trouble ou l’éviction trouve son origine dans une cause antérieure au partage. Il convient dès lors d’examiner les situations dans lesquelles cette garantie peut être mobilisée, en précisant la nature des troubles pris en compte.

1. L’éviction et les troubles de droit

L’éviction se définit comme une dépossession totale ou partielle du bien attribué à un copartageant. Elle peut résulter de la revendication d’un tiers se prévalant d’un droit réel préexistant au partage, ou d’une impossibilité pour le copartageant d’exercer pleinement ses droits sur le bien attribué. Dès lors qu’un tel trouble provient d’une cause antérieure au partage, la garantie joue de plein droit en faveur du copartageant lésé (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).

La doctrine, notamment Aubry et Rau, souligne que seuls les troubles de droit sont couverts par la garantie. Ainsi, une revendication judiciaire d’un tiers, fondée sur un droit réel antérieur au partage, constitue un cas typique d’éviction ouvrant droit à la garantie des lots. En revanche, si l’attribution du bien à un copartageant est ultérieurement remise en cause pour un motif n’ayant aucun lien avec la situation antérieure au partage, la garantie ne saurait être invoquée.

2. L’exclusion des troubles de fait

Si la garantie couvre les troubles de droit, elle ne s’étend pas aux troubles de fait, c’est-à-dire aux atteintes qui ne reposent sur aucun fondement juridique. Par exemple, une occupation illicite du bien par un tiers ou une simple nuisance causée par le voisinage ne suffisent pas à justifier l’application de la garantie. Cette distinction, consacrée par la jurisprudence, exclut ainsi de la garantie tout trouble qui ne trouve pas son origine dans une atteinte à un droit préexistant.

Toutefois, une nuance mérite d’être apportée : lorsque le trouble émane directement d’un copartageant lui-même, il peut être pris en compte dans le cadre de la garantie du fait personnel. Tel est le cas lorsque l’un des copartageants revendique abusivement des droits sur un bien attribué à un autre, ou lorsqu’il entrave la jouissance paisible du lot de son cohéritier. La Cour de cassation a consacré cette exception en admettant que le trouble de fait causé par un copartageant puisse engager sa responsabilité et donner lieu à garantie (Cass. com., 8 déc. 1966).

3. L’insolvabilité du débiteur d’une créance attribuée lors du partage

Outre les troubles affectant la jouissance d’un bien immobilier ou mobilier, la garantie s’applique également lorsqu’un copartageant se voit attribuer, en partage, une créance irrécouvrable. En effet, si l’un des lots comprend une créance et que le débiteur de cette dernière est insolvable à la date du partage, le copartageant lésé peut se prévaloir de la garantie. Cette solution a été rappelée par la Cour de cassation, qui a jugé que lorsque l’insolvabilité du débiteur est révélée avant le partage, elle constitue un trouble ouvrant droit à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 22 mars 1983).

L’objectif de cette règle est de garantir l’équilibre du partage et d’éviter qu’un copartageant ne se retrouve lésé par l’attribution d’un élément de patrimoine dépourvu de toute valeur effective. Dès lors, en présence d’une créance douteuse, il appartient aux copartageants d’exercer un contrôle préalable afin d’éviter toute contestation ultérieure.

C. L’exigence d’une cause antérieure au partage et l’absence de faute

La garantie des lots n’a pas un caractère absolu. Sa mise en œuvre est soumise à deux conditions : d’une part, le trouble ou l’éviction doit trouver sa cause dans une situation antérieure au partage, et d’autre part, le copartageant évincé ne doit pas être lui-même fautif. Ces exigences visent à préserver l’équilibre du partage tout en évitant des garanties abusives ou des contestations résultant de la négligence des copartageants eux-mêmes.

1. Une cause antérieure au partage : condition sine qua non de la garantie

L’article 884 du Code civil fonde le principe selon lequel la garantie ne s’étend qu’aux troubles dont l’origine est antérieure au partage. Cela signifie que le copartageant évincé ne peut prétendre à la garantie que si le trouble ou l’éviction découle d’un droit réel préexistant au partage, dont l’existence était ignorée ou sous-estimée au moment de la répartition des lots.

Ce principe a notamment été illustré par l’hypothèse d’une prescription acquisitive ayant débuté avant le partage mais s’achevant après celui-ci. Dans un tel cas, la garantie pourrait, en théorie, être invoquée par le copartageant évincé, car l’éviction résulterait d’une situation juridique initiée avant la répartition des lots. Cette analyse a été avancée par certains auteurs qui considèrent qu’une telle prescription doit être prise en compte dès lors qu’elle constitue une menace latente au moment du partage.

Toutefois, cette position doctrinale n’est pas exempte de nuances. En effet, certains auteurs soulignent que la garantie ne saurait jouer si l’omission d’un acte interruptif de prescription est imputable à la négligence du copartageant évincé. Dans cette hypothèse, l’éviction ne résulte plus d’un trouble préexistant au partage, mais bien d’une absence de diligence postérieure à celui-ci, excluant ainsi le jeu de la garantie.

2. L’exclusion de la garantie en cas de faute du copartageant évincé

Le second principe limitatif de la garantie réside dans l’exclusion de toute prise en charge des évictions causées par la faute du copartageant évincé. L’article 884 du Code civil précise en effet que la garantie cesse dès lors que l’éviction résulte d’une faute du copartageant concerné. Ce principe repose sur une logique de responsabilité individuelle : un copartageant qui, par sa propre imprudence ou inaction, favorise ou ne prévient pas son éviction, ne peut exiger une indemnisation de ses cohéritiers.

La faute du copartageant évincé peut prendre plusieurs formes :

  • La négligence à faire valoir un moyen de défense : un copartageant qui se laisse condamner sans opposer les moyens de droit dont il dispose ne saurait invoquer la garantie.
  • L’omission d’appeler les autres copartageants en garantie : si le copartageant, confronté à une revendication d’un tiers, s’abstient de solliciter l’intervention des autres copartageants dans le cadre du litige, il commet une faute qui exclut son droit à garantie (Cass. req., 24 déc. 1866).

Ainsi, l’application de la garantie suppose non seulement que le trouble soit antérieur au partage, mais également que le copartageant ait agi avec diligence pour préserver ses droits. La jurisprudence veille à ce que la garantie ne devienne pas un instrument de correction de la négligence ou de l’inertie des copartageants.

II) Mise en oeuvre

La garantie des lots ne constitue pas une simple protection théorique des copartageants : elle ouvre la voie à un recours spécifique, permettant au copartageant évincé d’obtenir réparation.

A) Le recours en garantie : modalités d’exercice

Lorsqu’un copartageant est évincé d’un bien qui lui a été attribué lors du partage, il dispose d’un recours en garantie contre les autres copartageants. Ce recours s’articule autour de deux voies procédurales, selon que l’éviction est encore hypothétique ou déjà consommée. Il bénéficie en outre à certaines catégories de tiers, en particulier les ayants cause et les créanciers du copartageant évincé.

1. L’appel en garantie avant l’éviction effective

Si le copartageant concerné fait l’objet d’une revendication judiciaire d’un tiers sur le bien qui lui a été attribué, il a la possibilité d’appeler ses copartageants en garantie dans la procédure principale. Cette démarche vise à prévenir un éventuel préjudice en intégrant d’emblée la question de la garantie dans le cadre du litige existant.

a. Un mécanisme préventif évitant la multiplication des contentieux

L’appel en garantie permet de traiter la question de l’éviction dans le cadre de la procédure engagée par le tiers, ce qui évite au copartageant menacé de devoir ultérieurement introduire une action autonome en réparation. Cette solution présente un double avantage:

  • Elle limite le morcellement des contentieux, en évitant que le copartageant évincé ne doive engager une seconde procédure contre ses co-partageants une fois l’éviction constatée ;
  • Elle assure une meilleure coordination des défenses, en permettant aux copartageants de faire front commun pour contester la revendication du tiers.

b. Un recours limité aux troubles de droit

Cet appel en garantie est toutefois conditionné à l’existence d’un trouble de droit, c’est-à-dire d’une revendication fondée sur un droit réel préexistant au partage.

Ainsi, si l’éviction résulte d’un trouble de fait, sans fondement juridique avéré, la garantie ne pourra être invoquée contre les copartageants.

2. L’action autonome après l’éviction

Lorsque l’éviction est déjà consommée, et que le copartageant a perdu la jouissance du bien litigieux, il lui reste la possibilité d’agir en garantie contre ses co-indivisaires par le biais d’une action autonome.

a. Une action visant à rétablir l’équilibre du partage

L’objectif de cette action en garantie est de rétablir l’égalité entre les copartageants, en compensant la perte subie par l’évincé. Cette compensation peut prendre plusieurs formes :

  • Une indemnisation pécuniaire, à hauteur de la valeur du bien perdu ;
  • L’attribution d’un autre bien, lorsque cela est possible, en compensation du lot évincé.

L’action en garantie trouve ainsi son fondement dans la nature compensatoire du partage, lequel doit préserver l’équilibre entre les copartageants.

b. Une action qui repose sur la garantie des lots

L’action en garantie après éviction repose sur l’obligation de garantie attachée au partage, laquelle s’inspire des mécanismes de garantie des vices cachés en matière contractuelle. Toutefois, elle se distingue du régime de la garantie des vices cachés, dans la mesure où elle ne suppose pas une faute des copartageants : leur responsabilité est objective et découle du simple fait de l’éviction.

3. L’extension du recours aux ayants cause et aux créanciers du copartageant évincé

L’action en garantie n’est pas un droit exclusivement réservé au copartageant directement évincé : elle peut être exercée par d’autres parties ayant un intérêt légitime à la protection du patrimoine partagé.

a. Les ayants cause du copartageant évincé

Les ayants cause du copartageant évincé disposent d’un droit propre à agir en garantie, qu’il s’agisse :

  • D’héritiers, qui poursuivent la revendication initiée par le copartageant défunt ;
  • De cessionnaires, ayant acquis les droits du copartageant évincé et subissant directement le préjudice lié à l’éviction.

Cette transmission du droit à garantie assure la continuité de la protection attachée au partage, en permettant aux ayants cause de faire valoir les droits qui leur reviennent par transmission successorale ou contractuelle.

b. L’action oblique des créanciers du copartageant évincé

Les créanciers du copartageant évincé disposent également d’un mécanisme spécifique leur permettant d’exercer la garantie en lieu et place du copartageant.

Cette faculté repose sur l’action oblique, qui leur permet d’agir en justice pour préserver leurs droits, lorsque le débiteur n’exerce pas lui-même ses droits contre ses co-partageants.

Ce recours présente un intérêt particulier lorsque le copartageant évincé :

  • Est inactif ou refuse d’agir en justice ;
  • Est insolvable, et que ses créanciers souhaitent garantir le recouvrement de leur créance en obtenant une compensation pour le bien perdu.

Grâce à cette action oblique, les créanciers peuvent éviter qu’une inaction du copartageant évincé ne les prive d’un recours utile, garantissant ainsi une meilleure protection de leurs droits.

B) Prescription de l’action en garantie

L’action en garantie des lots, permettant au copartageant évincé d’obtenir une compensation, est soumise à un régime de prescription encadré par le droit civil. Ce régime a connu une évolution majeure avec la réforme du 23 juin 2006, qui a considérablement réduit le délai pour agir en justice.

1. L’ancien régime : une prescription trentenaire

Avant la réforme de 2006, l’action en garantie obéissait au régime général de prescription applicable aux actions réelles et immobilières.

a. Un délai de 30 ans protecteur mais excessif

Conformément aux règles de prescription de droit commun, l’action en garantie pouvait être exercée dans un délai de 30 ans à compter de l’éviction.

Ce délai prolongé avait pour objectif de protéger les copartageants évincés, leur offrant une période étendue pour découvrir un éventuel trouble et agir en conséquence.

b. Une instabilité prolongée des partages

Toutefois, cette prescription trentenaire présentait d’importants inconvénients :

  • Elle permettait de rouvrir des partages anciens, perturbant des situations patrimoniales stabilisées depuis des décennies.
  • Elle entretenait une incertitude juridique persistante, en maintenant le risque de contestation sur une durée excessive.
  • Elle compliquait la preuve des faits, puisque les événements à l’origine de l’éviction pouvaient être très anciens, rendant leur démonstration difficile.

Face à ces inconvénients, le législateur a choisi d’intervenir pour rationaliser le régime de prescription, en réduisant substantiellement le délai accordé aux copartageants évincés.

2. Le nouveau régime : une prescription abrégée à deux ans

La réforme du 23 juin 2006 a introduit une limitation plus stricte du droit d’agir en garantie, en instaurant un délai de prescription de deux ans, fixé par l’article 886 du Code civil.

a. Un délai plus court pour sécuriser les partages

Désormais, le copartageant évincé dispose de deux ans pour exercer son recours en garantie, ce délai courant à compter de l’éviction effective ou de la découverte du trouble.

Ce changement répond à un double objectif :

  • Garantir la stabilité des partages, en évitant qu’ils ne soient remis en cause des décennies après leur réalisation.
  • Limiter les contestations tardives, qui reposaient souvent sur des faits difficilement vérifiables, générant des incertitudes pour les héritiers ou copartageants.

Ce nouveau délai s’aligne ainsi sur la tendance générale du droit des successions et des indivisions, visant à raccourcir les périodes de contestation pour renforcer la prévisibilité des transmissions patrimoniales.

b. Une prise en compte du moment où l’éviction est révélée

Toutefois, la jurisprudence veille à ce que l’application de ce délai ne soit pas trop rigide et qu’elle tienne compte des circonstances propres à chaque situation.

Ainsi, lorsque le trouble ou l’éviction n’était pas immédiatement perceptible au moment du partage, le point de départ du délai est reporté à la date où le copartageant en a eu une connaissance effective.

Cette approche protège les copartageants évincés contre des situations où le trouble ne se manifeste qu’après plusieurs années, notamment dans les cas suivants :

  • Une revendication tardive d’un tiers, révélant un droit réel antérieur au partage mais inconnu lors de l’attribution des lots.
  • Une hypothèque non révélée lors du partage, qui n’est découverte qu’au moment de la saisie du bien.
  • Une prescription acquisitive ayant produit ses effets après le partage, rendant impossible la jouissance du bien attribué.

III) Effets

La garantie des lots repose sur un principe d’égalité entre copartageants, garantissant que nul ne soit lésé par une éviction ou un trouble affectant son lot.

Toutefois, cette garantie ne conduit pas à une remise en cause du partage lui-même, mais ouvre droit à une indemnisation, dont les modalités de répartition et de mise en œuvre obéissent à des règles précises.

A) Une indemnisation et non une remise en cause du partage

2. Un principe de compensation financière

Contrairement à d’autres mécanismes juridiques permettant d’anéantir rétroactivement un acte (comme l’action en nullité), la garantie des lots n’a pas pour effet d’invalider le partage.

L’éviction d’un copartageant ne remet pas en cause l’opération de partage en elle-même, mais génère un droit à réparation. Cette solution s’explique par la nature même du partage, qui n’est pas une cession mais une attribution à titre déclaratif.

Dès lors, la réparation prend exclusivement la forme d’une indemnisation dont le montant est calculé en fonction de la valeur du bien évincé au jour de l’éviction (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).

2. Une évaluation fondée sur la valeur réelle du bien

Le calcul de l’indemnité ne repose pas sur la valeur du bien au jour du partage, mais bien sur sa valeur au moment où l’éviction survient. Cette approche permet d’éviter une indemnisation inéquitable en raison de la dépréciation ou de l’appréciation du bien au fil du temps.

Ainsi, si un immeuble attribué lors du partage subit une éviction plusieurs années plus tard, l’indemnité due au copartageant évincé sera évaluée en fonction du prix du marché immobilier à cette date, et non de sa valeur au moment du partage.

B) Une répartition de l’indemnisation entre les copartageants

1. Une charge collective et proportionnelle

L’indemnisation due au copartageant évincé est répartie entre tous les copartageants, proportionnellement à l’émolument reçu lors du partage (art. 885 C. civ.).

Cette règle repose sur un principe d’équité : tous les copartageants ont bénéficié du partage, il est donc légitime qu’ils contribuent à la réparation.

2. La prise en compte de l’insolvabilité d’un copartageant

Toutefois, lorsque l’un des copartageants est insolvable, sa part d’indemnisation est répartie entre les autres, y compris le copartageant évincé lui-même.

Ce mécanisme, bien que critiquable en ce qu’il impose une charge supplémentaire au copartageant lésé, vise à préserver la solidarité entre copartageants et à éviter une rupture de l’équilibre du partage.

C) Une garantie étendue au fait personnel des copartageants

Outre la garantie traditionnelle, qui couvre les troubles de droit affectant les biens attribués, la jurisprudence a consacré une garantie du fait personnel des copartageants (Cass. com., 8 déc. 1966).

Cette garantie repose sur un principe fondamental : aucun copartageant ne peut, après le partage, adopter un comportement portant atteinte aux droits d’un autre.

Plusieurs situations ont donné lieu à l’application de cette garantie :

  • L’exploitation d’un fonds de commerce concurrent à proximité immédiate de celui attribué à un autre copartageant a été jugée constitutive d’une violation de la garantie du fait personnel (Cass. com., 17 oct. 1984).
  • La remise en cause d’un droit concédé lors du partage, par exemple en contestant la validité d’une servitude attribuée à un autre copartageant, peut également donner lieu à garantie.

Contrairement à la garantie classique, qui repose sur l’article 884 du Code civil, la garantie du fait personnel trouve son fondement dans l’obligation de bonne foi et le respect des engagements (art. 1104 C.civ.).

Ce fondement a des implications importantes :

  • Elle pourrait être considérée d’ordre public, ce qui interdirait aux copartageants de l’exclure contractuellement.
  • Elle repose sur une logique de loyauté entre copartageants, interdisant toute manœuvre destinée à priver un autre copartageant du bénéfice du partage.

Effets du partage: l’effet déclaratif

Le partage constitue l’acte par lequel se dissout l’indivision, opérant la transformation des droits indivis en droits pleinement privatifs. Qu’il intervienne dans le cadre d’une succession, d’une communauté conjugale dissoute, d’une société civile ou d’une simple indivision conventionnelle, le partage poursuit invariablement le même objectif: substituer à la propriété collective et indéterminée des indivisaires une répartition claire et définitive des biens ou des droits entre les co-indivisaires.

À première vue, ses effets paraissent simples : le droit indivis de chaque co-indivisaire se cristallise sur les biens ou droits qui lui sont attribués, lesquels deviennent alors sa propriété exclusive. Cette apparente simplicité dissimule toutefois des subtilités juridiques considérables lorsque l’on s’interroge sur la nature véritable de cette attribution. De qui le copartageant tient-il sa propriété exclusive ? De l’ensemble des co-indivisaires, par l’effet d’un transfert de droits, ou bien détenait-il déjà, de manière latente, la propriété des biens qui lui sont attribués, le partage ne faisant que révéler cet état de fait ?

C’est à cette question que répond le principe de l’effet déclaratif du partage, énoncé par l’article 883 du Code civil. Ce texte dispose que chaque copartageant est censé avoir été, dès l’origine de l’indivision, seul propriétaire des biens ou droits compris dans son lot. Ainsi, le partage n’est pas conçu comme un acte translatif créant des droits nouveaux, mais comme un acte déclaratif qui révèle la part individuelle de chaque co-indivisaire. Cette règle, qui confère au partage une portée rétroactive jusqu’au jour de la naissance de l’indivision, a pour vocation de consolider la sécurité juridique des transactions et de simplifier les régimes fiscaux applicables, en excluant notamment l’application des droits de mutation.

Toutefois, cette conception déclarative du partage n’est pas universellement admise. Si le droit français a opté pour cette voie depuis l’abandon de la conception translative issue du droit romain, certains systèmes juridiques étrangers, tels que le Code civil allemand (§ 2032 BGB) ou le Code civil suisse (art. 648 et 653), continuent d’y voir un acte translatif, tout en aménageant des règles spécifiques pour préserver l’équité entre les copartageants.

Cette exigence d’équité constitue le second effet du partage : la garantie des lots. Afin d’assurer une répartition équilibrée des biens et de protéger chaque copartageant contre les risques d’éviction ou les vices cachés affectant son lot, le droit impose aux co-indivisaires une obligation de garantie. Ce mécanisme, qui s’inspire du régime de la garantie dans les contrats synallagmatiques, s’applique indépendamment de la nature des biens partagés ou de la forme de l’indivision. Ainsi, si un co-indivisaire venait à être évincé d’un bien attribué lors du partage, les autres copartageants seraient tenus de réparer le préjudice subi, préservant ainsi l’équité inhérente à l’opération.

Nous nous focaliserons ici sur le seul effet déclaratif du partage.

I) Le principe de l’effet déclaratif

Le partage constitue l’acte par lequel s’opère la liquidation de l’indivision et l’attribution définitive des biens aux copartageants. Au-delà de cette simple répartition, il produit un effet juridique majeur: l’effet déclaratif, prévu par l’article 883 du Code civil. Ce principe implique que chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’ouverture de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués, effaçant rétroactivement la période d’indivision. Toutefois, pour éviter que cette rétroactivité n’entraîne des conséquences excessives, notamment au détriment des tiers de bonne foi ou de la stabilité des transactions, le législateur et la jurisprudence ont assorti ce principe de limites.

A) Les différentes conception du partage

1. La théorie de la fiction légale

La première interprétation, longtemps dominante, postule que l’effet déclaratif est une fiction légale, instaurée pour aplanir les inégalités qu’un partage strictement translatif pourrait engendrer. Le partage, dans cette perspective, est considéré comme un acte translatif de droits entre coindivisaires, où l’effet déclaratif ne serait qu’un habillage légal destiné à neutraliser certaines conséquences indésirables.

Cette approche puise ses racines dans le droit romain, où le partage était vu comme un acte translatif de propriété. Chaque indivisaire y était considéré comme titulaire d’une quote-part indivise sur chacun des biens composant l’actif indivis. Le partage s’analysait alors comme un véritable échange entre coindivisaires : chacun cédait ses droits indivis sur les biens qu’il n’obtenait pas en contrepartie de la pleine propriété des biens qui lui étaient attribués. Autrement dit, pour devenir propriétaire exclusif de certains biens, chaque indivisaire devait céder à ses coindivisaires ses droits sur les autres biens.

Cette conception du partage implique que chaque coindivisaire devient l’ayant-cause non seulement du de cujus (dans le cadre d’une succession) mais également de ses coindivisaires. Ce double lien engendre des conséquences juridiques et fiscales importantes.

Cette approche, toujours retenue par certains droits étrangers comme le droit allemand (BGB, § 2032 s.) et le droit suisse (Code civil suisse, art. 634), a toutefois été progressivement abandonnée en droit français en raison de ses nombreuses implications négatives.

La conception translative du partage engendre plusieurs difficultés majeures, tant sur le plan fiscal que sur le plan civil :

  • La soumission aux droits de mutation
    • En considérant que le partage réalise un transfert de propriété entre coindivisaires, cette analyse implique, en principe, l’application des droits de mutation à titre onéreux.
    • Or, ces droits fiscaux, souvent conséquents, viennent alourdir le coût du partage et peuvent dissuader les indivisaires de procéder à la liquidation de l’indivision.
  • Le maintien des charges grevant les biens attribués
    • Dans la logique translative, les actes accomplis par un coindivisaire pendant la période d’indivision – tels que les hypothèques ou les cessions de parts – continuent de produire effet après le partage, même si le bien en question est finalement attribué à un autre coindivisaire.
    • Ainsi, un copartageant peut se voir attribuer un bien grevé par une hypothèque consentie par un autre indivisaire, sans avoir été l’auteur de cet acte.
    • Certes, le copartageant lésé dispose d’un recours contre le coindivisaire ayant constitué l’hypothèque, mais ce recours est souvent illusoire, notamment en cas d’insolvabilité du débiteur.
    • Cela compromet l’équilibre et l’équité du partage.
  • Le risque d’inégalité entre copartageants
    • La conséquence directe de ces charges maintenues est l’introduction d’inégalités entre copartageants.
    • Un indivisaire peut hériter d’un bien lourdement grevé tandis qu’un autre reçoit un bien libre de toute charge, sans qu’aucun correctif ne soit automatiquement appliqué pour rétablir l’équité du partage.
  • L’absence de rétroactivité
    • Enfin, la conception translative ne reconnaît pas d’effet rétroactif au partage : la fin de l’indivision n’efface pas les actes accomplis pendant cette période.
    • Les charges et engagements contractés par les indivisaires restent donc pleinement opposables, ce qui aggrave encore les déséquilibres et expose les copartageants à des risques juridiques et financiers.

Certains systèmes juridiques étrangers, tout en conservant la nature translative du partage, ont introduit des mécanismes destinés à en atténuer les effets les plus préjudiciables :

En Allemagne, le Code civil (BGB, § 2040) exige l’accord unanime de tous les indivisaires pour la constitution de droits réels sur les biens indivis. Cette règle vise à éviter que des actes unilatéraux réalisés par un seul indivisaire affectent les biens communs.

En Suisse, les articles 648 et 653 du Code civil imposent des restrictions similaires, interdisant notamment les aliénations et les hypothèques sans le consentement de tous les indivisaires. Ces garanties renforcent la sécurité juridique des copartageants et limitent les risques liés aux actes translatifs.

Face aux inconvénients majeurs de la conception translative, il a progressivement été opéré un revirement jurisprudentiel et doctrinal en droit français. Dès le XVI? siècle, la jurisprudence des parlements français a amorcé ce changement en posant le principe selon lequel les biens attribués lors du partage devaient revenir aux copartageants « francs et quittes de toutes charges consenties par les autres héritiers ». Cette solution visait à préserver l’équité du partage et à éviter que les indivisaires n’héritent de dettes qu’ils n’avaient pas contractées.

Le Code civil de 1804 a consolidé cette évolution en consacrant, à l’article 883, alinéa 1??, le principe de l’effet déclaratif :

« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Par cette disposition, le législateur français a pris le contrepied de la conception translative. Le partage n’est plus conçu comme un échange de droits entre coindivisaires, mais comme une opération révélant rétroactivement la propriété exclusive des biens attribués à chaque copartageant.

Cependant, certains auteurs ont vu dans cette consécration du principe de l’effet déclaratif une simple fiction légale, destinée à masquer la nature fondamentalement translative du partage. Selon cette lecture, l’article 883 du Code civil ne ferait qu’instaurer une présomption irréfragable : en affirmant que chaque cohéritier est «censé avoir succédé seul et immédiatement», le texte instituerait une pure fiction, visant à simplifier les opérations de partage et à contourner les conséquences indésirables du transfert de propriété.

Pour ces auteurs, le législateur aurait ainsi choisi de recourir à un artifice technique pour écarter les droits de mutation, neutraliser les charges grevant les biens et garantir l’équité entre copartageants, sans pour autant remettre en cause la nature translatrice du partage. Ce choix, bien que pragmatique, entretiendrait une forme d’ambiguïté juridique.

La théorie de la fiction légale n’a pas échappé aux critiques. De nombreux auteurs ont souligné les incohérences qu’elle engendre et les incertitudes juridiques qui en résultent :

  • Incohérences fiscales : la fiction légale rend difficile la détermination des règles fiscales applicables, notamment en matière de droits de mutation ou de plus-values.
  • Insécurité patrimoniale : les praticiens se trouvent confrontés à des difficultés dans l’interprétation des actes accomplis pendant l’indivision, notamment concernant les hypothèques et autres sûretés.
  • Complexité procédurale : la coexistence de la fiction légale et des réalités patrimoniales alourdit les procédures et multiplie les situations litigieuses.

Ces critiques ont conduit la doctrine et la jurisprudence à favoriser progressivement une conception réaliste de l’effet déclaratif, selon laquelle le partage ne constitue pas une fiction, mais l’expression naturelle de la structure du droit indivis. Cette approche, aujourd’hui largement majoritaire, considère que le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais se contente de révéler ceux qui existaient depuis l’origine.

2. La conception réaliste

En réaction aux limites et aux incohérences révélées par la théorie de la fiction légale, la doctrine contemporaine a progressivement fait émerger une conception plus cohérente et fidèle à la nature du partage : la conception réaliste de l’effet déclaratif. Cette approche, aujourd’hui largement consacrée par la jurisprudence française, rejette l’idée que l’effet déclaratif soit un simple artifice juridique destiné à corriger les défauts d’un partage translatif. Elle y voit, au contraire, l’expression directe et naturelle de la structure juridique du partage. Dans cette optique, le partage ne réalise aucun transfert de propriété entre les indivisaires, mais se borne à révéler et à individualiser les droits préexistants de chacun.

La conception réaliste repose sur l’idée fondamentale que les indivisaires ne détiennent pas des droits concrets et distincts sur chaque bien de la masse indivise, mais un droit global et abstrait sur l’ensemble de l’indivision. Tant que le partage n’a pas été réalisé, ce droit indivis est flottant : il s’exerce sur la masse indivise dans sa globalité, sans se fixer sur des biens particuliers.

Le partage intervient alors comme un acte déclaratif et non translatif : il n’opère aucun transfert de propriété entre les coindivisaires, mais délimite l’assiette matérielle des droits de chacun. Dès lors, chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’origine de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui composent son lot. Il s’agit d’une révélation des droits existants et non d’une création ou d’une mutation juridique.

Cette lecture trouve son fondement doctrinal dans les écrits de Planiol et Ripert qui qualifient le partage d’« acte déclaratif par nature ». De même, F. Terré et Y. Lequette soulignent que « le partage cristallise les droits des coindivisaires sans en modifier la substance ». Ces auteurs insistent sur le fait que le partage n’est ni un contrat d’échange ni un acte translatif, mais bien un mécanisme révélateur des droits originels.

L’adoption de cette analyse réaliste de l’effet déclaratif emporte des conséquences notamment en matière patrimoniale, fiscale et procédurale.

  • Première conséquence
    • L’une des premières conséquences de cette conception est l’exclusion des droits de mutation à titre onéreux.
    • Puisque le partage ne procède pas à un transfert de propriété mais se borne à révéler les droits préexistants des indivisaires, il échappe aux règles fiscales applicables aux cessions de biens.
    • Le législateur a consacré ce principe à l’article 883 du Code civil, limitant les charges fiscales à des frais de partage, généralement moins lourds que les droits de mutation.
  • Deuxième conséquence
    • L’autre implication majeure réside dans la protection des copartageants contre les actes réalisés par leurs coindivisaires pendant l’indivision.
    • Dans la conception réaliste, si un indivisaire constitue une hypothèque sur un bien indivis et que ce bien est finalement attribué à un autre copartageant lors du partage, l’hypothèque est automatiquement anéantie.
    • Le coindivisaire qui a grevé le bien n’était pas, en réalité, propriétaire du bien attribué à autrui, et l’acte est donc considéré comme accompli a non domino.
    • À l’inverse, si le bien est attribué à celui qui avait constitué l’hypothèque, celle-ci est consolidée rétroactivement.
    • Ce mécanisme permet de garantir l’équité du partage et protège chaque copartageant contre les conséquences des actes unilatéraux réalisés par d’autres indivisaires pendant la période d’indivision.
  • Troisième conséquence
    • La conception réaliste est intimement liée au principe de rétroactivité du partage.
    • En révélant les droits préexistants de chaque copartageant, le partage opère rétroactivement ses effets à la date d’ouverture de l’indivision.
    • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.
    • Toutefois, cette rétroactivité connaît certaines limites, destinées à préserver la sécurité juridique et les droits des tiers.
    • L’article 883, alinéa 3, du Code civil précise ainsi que « les actes valablement accomplis, soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
    • Ce tempérament permet d’éviter que des tiers contractants de bonne foi soient lésés par les conséquences du partage.

B) La conception retenue en droit français

Après avoir oscillé entre les différentes théories, le droit français a finalement consacré la conception réaliste du partage. Loin de n’être qu’un simple compromis théorique, cette approche repose sur une articulation subtile entre deux notions connexes mais juridiquement distinctes : d’une part, le caractère déclaratif du partage, qui révèle les droits préexistants des indivisaires sans opérer de transfert de propriété ; d’autre part, sa rétroactivité, qui fait remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision.

Si le partage est reconnu comme un acte purement déclaratif, révélant les droits préexistants de chaque indivisaire, la rétroactivité, quant à elle, constitue une modalité d’application qui, bien que prévue par la loi, est sujette à des tempéraments destinés à protéger les tiers et assurer la sécurité juridique.

1. Distinction entre le caractère déclaratif et la rétroactivité

Pour mémoire; l’article 883 du Code civil prévoit que « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Ce texte consacre la logique selon laquelle le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais révèle les droits qui existaient depuis l’origine. Le copartageant est donc réputé avoir été, dès le jour de l’ouverture de l’indivision, propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.

Toutefois, cet effet déclaratif s’accompagne d’une rétroactivité : les effets du partage sont réputés remonter au jour de l’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire durant laquelle les biens étaient indivis. Cette rétroactivité permet de neutraliser les actes accomplis pendant l’indivision qui seraient contraires aux droits définitifs des copartageants.

Cependant, il est essentiel de bien distinguer deux notions fondamentales qui structurent le régime du partage :

  • Le caractère déclaratif du partage : il s’agit d’un acte qui se borne à révéler et préciser les droits préexistants des coindivisaires sans opérer de transfert de propriété. Le partage n’a donc pas de vocation translative : il détermine simplement l’assiette concrète des droits de chacun.
  • La rétroactivité du partage : il s’agit d’une modalité d’application du caractère déclaratif. La rétroactivité permet de faire remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire et considérant que chaque copartageant a toujours été titulaire exclusif des biens finalement attribués dans son lot.

Cette distinction est loin d’être purement théorique. La doctrine a souligné que la rétroactivité, si elle était appliquée de manière absolue, pourrait engendrer des risques d’insécurité juridique, notamment en remettant en cause des droits acquis ou en affectant les intérêts des tiers de bonne foi.

Certains auteurs, à l’instar de P. Hébraud ont plaidé pour une limitation de cette rétroactivité dans les situations où elle pourrait compromettre la stabilité juridique, notamment lorsqu’elle remet en cause des actes accomplis en toute légalité pendant la période d’indivision.

2. Tempéraments à la rétroactivité

Conscient des conséquences potentiellement excessives d’une rétroactivité absolue, le législateur français a introduit des mécanismes destinés à équilibrer la protection des coindivisaires et celle des tiers.

==>Les aménagements prévus par la loi

L’article 883, alinéa 3, du Code civil apporte un premier tempérament important :

« Les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet. »

Cette disposition permet de sécuriser les actes nécessaires à la gestion de l’indivision.

Par exemple :

  • Si un bien indivis est vendu par un mandataire commun, l’acte de vente conserve sa pleine validité, quel que soit le lot attribué lors du partage.
  • De même, si un juge autorise la constitution d’une hypothèque sur un bien indivis pour financer des travaux urgents, cette hypothèque subsistera même si le bien est finalement attribué à un indivisaire différent de celui qui a sollicité l’autorisation.

Ce mécanisme garantit ainsi la continuité des droits des tiers qui auraient contracté avec l’indivision, tout en évitant qu’un partage ultérieur ne vienne remettre en cause des actes accomplis en toute légalité.

==>La protection des tiers de bonne foi

La jurisprudence a, elle aussi, contribué à affiner l’application de l’effet déclaratif et de sa rétroactivité. Les juges ont systématiquement cherché à préserver la sécurité juridique, en protégeant les tiers de bonne foi contre les effets destructeurs d’une rétroactivité pure et dure.

Ainsi, il a été reconnu que certains actes accomplis par des coindivisaires pendant l’indivision — même en l’absence de mandat ou d’autorisation judiciaire — pouvaient produire leurs effets si :

  • Le tiers contractant était de bonne foi, et
  • L’acte était conforme aux règles d’administration des biens indivis.

Par exemple, si un indivisaire cède temporairement l’usage d’un bien indivis à un tiers et que ce bien est ensuite attribué à un autre copartageant lors du partage, le contrat pourra subsister jusqu’à son terme si le tiers ignorait la situation d’indivision et agissait de bonne foi.

==>Les aménagements conventionnels

Enfin, le droit français permet aux coindivisaires, dans le cadre d’un partage amiable, d’introduire des clauses dérogatoires au principe de la rétroactivité. Les indivisaires peuvent ainsi convenir que certains actes passés continueront à produire leurs effets ou que la rétroactivité sera limitée pour des raisons de commodité ou de stratégie patrimoniale.

Cette faculté permet de renforcer la sécurité juridique des opérations patrimoniales et d’adapter le régime du partage aux besoins spécifiques des indivisaires.

II) Le domaine de l’effet déclaratif

L’effet déclaratif du partage, posé par l’article 883 du Code civil, repose sur une fiction juridique selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, tout en n’ayant jamais eu de droits sur ceux échus à ses coindivisaires. Ce principe, qui exclut toute idée de transmission de droits entre indivisaires, vise à garantir l’égalité entre les copartageants et à préserver la sécurité juridique des actes accomplis sur les biens indivis avant leur attribution définitive.

Si l’effet déclaratif s’applique traditionnellement au partage successoral, il ne se limite pas à cette hypothèse. Il régit également les partages de communauté conjugale, les partages d’indivision conventionnelle ou encore la liquidation des sociétés dans les cas où les associés se partagent les biens sociaux. Toutefois, son domaine d’application est encadré : il convient d’en préciser les limites, tant au regard des actes concernés que des biens susceptibles d’être soumis à ce régime, ainsi que les tempéraments qu’il connaît, notamment pour la protection des tiers.

A) Domaine quant aux actes

1. Le partage proprement dit

a. L’indifférence de la nature du partage

L’effet déclaratif du partage concerne tout partage successoral, qu’il soit amiable ou judiciaire, global ou partiel. Cette application découle directement de l’insertion de l’article 883 au sein du titre des successions du Code civil, affirmant ainsi son champ d’application privilégié aux partages successoraux.

Cependant, ce principe ne se limite pas aux successions et s’étend aux partages de communauté en vertu du renvoi opéré par l’article 1476 du Code civil. Cette disposition aligne expressément les règles du partage de communauté sur celles du partage successoral, permettant ainsi d’appliquer sans difficulté l’effet déclaratif (V. Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n° 99-10.515).

Le partage des biens indivis entre époux séparés de biens bénéficie également de cette extension législative. Bien que la jurisprudence ait initialement refusé d’appliquer les règles du partage successoral aux partages opérés après séparation de biens (Cass. civ., 9 mars 1965), la loi du 11 juillet 1975 a unifié le régime du partage des biens indivis entre époux séparés de biens avec celui des successions (art. 1542 C. civ.). Il en résulte que ces partages bénéficient pleinement de l’effet déclaratif, ce que la jurisprudence a confirmé par la suite (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.011).

L’effet déclaratif s’applique également au partage de l’actif social, dès lors que la liquidation de la société est engagée. En effet, l’article 1844-9, alinéa 2, du Code civil prévoit l’application des règles du partage successoral aux partages de sociétés. Toutefois, cette assimilation n’est possible qu’à condition qu’il s’agisse bien d’un véritable partage et non d’une réduction de capital par répartition de biens sociaux (Cass. com., 23 sept. 2008, n°07-12.493).

Enfin, l’application de l’article 883 du Code civil ne se limite pas aux partages successoraux ou conjugaux et concerne toute indivision, qu’il s’agisse d’un partage d’un bien indivis acquis par plusieurs personnes (Cass. req., 28 avr. 1840) ou d’un partage d’un ensemble patrimonial constituant une universalité (Cass. 1re civ., 24 mars 1981).

b. L’indifférence des modalités du partage

Le principe de l’effet déclaratif du partage s’attache à tout partage définitif, qu’il soit total ou partiel (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146). En d’autres termes, ce qui importe n’est pas l’étendue du partage mais le fait qu’il mette un terme à l’indivision, en fixant définitivement les droits privatifs des copartageants sur les biens répartis. Dès lors, les modalités d’attribution des lots sont indifférentes : l’effet déclaratif ne varie ni en fonction du mécanisme d’allotissement, ni selon la nature de la répartition opérée.

Aussi, le partage peut s’effectuer selon plusieurs procédés, sans que cela n’altère son effet déclaratif :

  • Le tirage au sort, qui constitue une méthode ordinaire d’attribution des lots lorsque les copartageants n’ont pas convenu d’une répartition amiable. Il a été jugé que le fait d’attribuer les biens selon un tirage au sort n’ôtait en rien au partage son caractère déclaratif (Cass. soc., 3 oct. 1958).
  • L’attribution préférentielle, qui permet à un indivisaire d’obtenir un bien particulier en raison d’un intérêt spécifique (par exemple, l’attribution du logement familial au conjoint survivant). La jurisprudence a confirmé que l’effet déclaratif s’applique également à ces attributions spécifiques, lesquelles sont réputées exister depuis l’origine de l’indivision (CA Paris, 10 févr. 1977).
  • Le droit de retour légal, qui permet à certains héritiers de récupérer des biens précédemment donnés par le défunt. L’effet déclaratif du partage s’étend également à ce mécanisme, de sorte que l’héritier bénéficiaire du droit de retour est censé n’avoir jamais perdu la propriété du bien en cause (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

La question se pose avec acuité lorsqu’un partage est accompagné du versement d’une soulte, c’est-à-dire lorsqu’un copartageant reçoit un lot d’une valeur supérieure à sa part théorique et doit indemniser les autres en conséquence. L’on aurait pu estimer que la soulte confère au partage un caractère translatif, en ce que le copartageant bénéficiant d’un lot excédentaire en nature l’acquerrait en contrepartie d’une compensation financière versée aux autres. Toutefois, la jurisprudence a adopté une approche radicalement opposée.

En effet, les lots et les soultes sont considérés comme issus de la masse indivise et non des copartageants entre eux. Ainsi, même lorsqu’un indivisaire perçoit une soulte, il n’est pas juridiquement en situation d’acquérir une part supplémentaire à ses coindivisaires ; il se voit simplement allouer un lot dont il est réputé propriétaire depuis l’origine, la soulte n’étant qu’un ajustement financier (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

Ce raisonnement est fondamental en pratique, car il empêche toute remise en cause rétroactive des droits sur les biens attribués. Par exemple, un bien immobilier inclus dans un lot assorti d’une soulte est censé avoir toujours appartenu à l’indivisaire attributaire, et ce, depuis l’ouverture de la succession ou de l’indivision initiale. Il en résulte notamment :

  • L’absence de taxation comme une mutation : en droit fiscal, les partages avec soulte échappent au régime des mutations à titre onéreux lorsqu’ils s’inscrivent dans une indivision successorale ou conjugale (CGI, art. 748).
  • L’inopposabilité des créanciers des coindivisaires : puisqu’il n’y a pas eu transmission entre les indivisaires, un créancier hypothécaire ne saurait revendiquer un droit de gage sur le bien attribué à un copartageant, même si celui-ci avait des dettes avant le partage.
  • L’imputation des garanties et des servitudes : en raison de l’effet rétroactif du partage, les droits réels grevant un bien suivent l’attributaire de manière continue, comme si celui-ci en avait toujours été propriétaire.

c. L’exclusion du partage provisionnel

Le partage provisionnel se distingue du partage définitif en ce qu’il ne met pas fin à l’indivision, mais organise temporairement la jouissance des biens indivis. Par conséquent, il ne peut bénéficier de l’effet déclaratif qui s’attache aux partages définitifs. Cette exclusion découle de la nature même du partage provisionnel, lequel se borne à répartir l’usage des biens sans en modifier la répartition patrimoniale.

A cet égard, l’effet déclaratif du partage repose sur l’idée que chaque indivisaire est censé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Or, cette logique est incompatible avec le partage provisionnel, qui ne détermine pas définitivement l’attribution des biens, mais se limite à aménager leur utilisation pendant la durée de l’indivision.

Ainsi :

  • Le partage provisionnel ne transfère aucun droit privatif définitif : il ne fait que répartir l’occupation ou l’exploitation des biens entre les indivisaires, sans leur attribuer une propriété exclusive.
  • Les attributions restent réversibles : contrairement au partage définitif, où chaque indivisaire devient rétroactivement propriétaire de son lot, le partage provisionnel n’a pas vocation à cristalliser des droits patrimoniaux définitifs.
  • L’indivision persiste intégralement : aucun des biens ne cesse d’être indivis, ce qui empêche la fixation des droits privatifs exigée pour l’effet déclaratif (Cass. civ., 28 juill. 1947).

Dès lors, appliquer l’effet déclaratif à un partage provisionnel reviendrait à définitivement établir des droits sur un bien alors que le partage lui-même reste réversible, ce qui serait contraire à l’économie du régime de l’indivision.

Aussi, la jurisprudence a toujours refusé d’appliquer l’effet déclaratif au partage provisionnel. La Cour de cassation l’a notamment affirmé en jugeant que le partage provisionnel ne constitue qu’une organisation temporaire de l’indivision, sans incidence sur la propriété des biens (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975). La doctrine est également unanime : un partage n’a d’effet déclaratif que s’il met fin à l’indivision et opère une répartition irrévocable des biens.

A titre d’illustration, les conventions d’indivision temporaire conclues entre les indivisaires, qui visent à organiser l’exploitation des biens pour une durée déterminée, n’entraînent aucune modification des droits de propriété des parties. Ces conventions permettent uniquement de fixer les modalités d’usage des biens, sans véritablement réaliser l’attribution de droits réels.

À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 octobre 2004 (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968) illustre parfaitement la distinction entre un véritable partage et un simple aménagement conventionnel. En l’espèce, il s’agissait d’une cession de droits indivis sur un fonds de commerce, incluant un droit au bail, opérée entre deux coïndivisaires preneurs. Les bailleurs prétendaient que cette cession constituait une mutation soumise aux formalités prévues par le contrat de bail, à savoir l’exigence d’un accord exprès du bailleur.

Or, la Cour de cassation a rejeté cet argument, en affirmant que tout acte mettant fin à une indivision est un partage. En l’espèce, la cession de droits indivis réalisée entre coïndivisaires ne constituait pas une mutation ordinaire mais bien un partage, bénéficiant de l’effet déclaratif prévu par l’article 883 du Code civil. Par conséquent, le copartageant attributaire des droits cédés était censé en être propriétaire depuis l’origine de l’indivision, et les formalités de cession exigées par le contrat de bail n’étaient pas applicables.

Cet arrêt vient ainsi rappeler que l’effet déclaratif ne peut être reconnu qu’aux actes mettant un terme définitif à l’indivision. En revanche, les conventions d’indivision temporaire, qui organisent simplement l’usage des biens indivis, restent en dehors de ce régime. Elles ne modifient en rien les droits des indivisaires et ne peuvent être assimilées à un partage, qu’il soit amiable ou judiciaire.

L’exclusion de l’effet déclaratif a également des conséquences en matière fiscale. Contrairement à un partage définitif, qui entraîne une individualisation des droits et peut générer des conséquences fiscales spécifiques (droits de partage, taxation des soultes, etc.), le partage provisionnel est neutre fiscalement. Puisqu’il ne modifie pas les droits de propriété, il n’est pas assimilé à une mutation et ne déclenche donc pas d’imposition comme le ferait un partage définitif (V. CGI, art. 747 et 748, sur la taxation des partages définitifs).

Un autre corollaire de l’exclusion de l’effet déclaratif concerne les sûretés. Lorsqu’un indivisaire obtient un bien dans le cadre d’un partage définitif, les droits réels attachés au bien sont maintenus et les hypothèques, par exemple, suivent l’attributaire du bien. En revanche, dans un partage provisionnel, les créanciers ne peuvent se prévaloir d’une fixation définitive des droits de chaque indivisaire, ce qui leur interdit de revendiquer une hypothèque sur un bien qui aurait été temporairement attribué à un indivisaire.

De même, un indivisaire ne peut constituer une sûreté sur un bien qu’il détient à titre provisoire dans le cadre d’un partage provisionnel, puisque son droit d’usage n’implique pas un droit patrimonial définitif.

2. La licitation

L’opération de licitation, consistant à mettre aux enchères un bien indivis, constitue un mode de sortie de l’indivision dont les effets varient selon la qualité de l’adjudicataire. Lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation produit un effet déclaratif, assimilable à une attribution classique dans un partage. En revanche, lorsque l’adjudication intervient au profit d’un tiers étranger à l’indivision, l’effet est translatisif, et l’opération est juridiquement assimilée à une vente.

a. La licitation au profit d’un indivisaire

L’article 883, alinéa 1er, du Code civil énoncé expressément le principe selon lequel un bien indivis adjugé à un coïndivisaire est réputé lui avoir toujours appartenu. La licitation au profit d’un indivisaire n’est donc pas une vente ordinaire : elle s’apparente à un partage et produit, à ce titre, un effet déclaratif.

Autrement dit, l’indivisaire adjudicataire est censé avoir toujours détenu le bien à titre exclusif, tandis que les autres indivisaires sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur celui-ci, mais seulement sur la somme qui leur revient en contrepartie (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146).

L’effet déclaratif attaché à la licitation s’impose indépendamment des circonstances entourant son déroulement.

Ainsi :

  • Peu importe que l’adjudication soit amiable ou judiciaire : la licitation peut résulter d’un accord entre indivisaires ou être imposée par justice à la demande d’un créancier ou d’un indivisaire souhaitant sortir de l’indivision (Cass. req., 22 févr. 1881).
  • Peu importe que les enchères soient libres ou encadrées : l’effet déclaratif demeure inchangé, la licitation n’étant qu’un moyen d’évaluer la valeur du bien attribué au copartageant adjudicataire.
  • Peu importe la situation de l’adjudicataire : qu’il soit héritier pur et simple ou acceptant à concurrence de l’actif net, la licitation produit le même effet déclaratif (Cass. civ., 12 août 1839).

L’effet déclaratif trouve sa justification dans la nature même de la licitation au profit d’un indivisaire. En attribuant le bien licité à l’adjudicataire, l’opération produit un résultat identique à celui d’un partage ordinaire : elle met fin à l’indivision sur le bien concerné et attribue à chaque indivisaire une contrepartie équivalente à ses droits. Dès lors, la licitation, quelle qu’en soit la modalité, est traitée comme un partage avec soulte (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830).

Dans ce schéma, l’indivisaire adjudicataire conserve les droits réels qu’il a pu constituer sur le bien licité avant l’opération. En revanche, les droits réels constitués par les autres indivisaires, désormais privés de tout droit sur le bien, sont réputés n’avoir jamais existé. C

L’assimilation à un partage de la licitation opérée au profit d’un copartageant n’est pas sans incidences en matière de sûretés :

  • Les droits réels constitués sur l’immeuble par l’adjudicataire demeurent valables, puisqu’il est censé en avoir toujours été propriétaire (Cass. 1re civ., 26 avr. 1955).
  • En revanche, ceux établis par les indivisaires ayant reçu le prix de licitation tombent rétroactivement, car ils sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur le bien.

Un cas particulier mérite d’être envisagé : celui de la licitation assortie d’une clause d’attribution. Cette clause, fréquemment insérée dans les cahiers des charges des ventes judiciaires, prévoit que si l’adjudicataire est un coïndivisaire, il ne sera pas immédiatement déclaré propriétaire du bien, mais celui-ci lui sera attribué lors du partage définitif.

À la différence d’une licitation ordinaire, cette stipulation empêche l’effet déclaratif de se produire immédiatement. Le bien demeure indivis jusqu’au partage, et l’adjudicataire ne peut ni en disposer librement, ni s’opposer à l’exercice des droits des autres indivisaires sur celui-ci (Cass. 1re civ., 4 mai 1983, n° 82-11.928). En conséquence, toute cession réalisée par l’adjudicataire avant le partage est inopposable aux autres indivisaires, qui conservent leur droit de regard sur le bien.

Ce mécanisme a également des implications en matière de lésion. Contrairement à un partage ordinaire, qui ouvre droit à une action en complément de part, une licitation avec clause d’attribution ne peut être contestée pour cause de lésion qu’au moment du partage définitif (Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n°94-21.387).

Toutefois, l’effet déclaratif redevient pleinement opérant dès lors que la clause est exécutée, c’est-à-dire lorsque l’attributaire du bien règle le prix aux autres indivisaires et entre en possession du bien. Dans ce cas, l’opération est assimilée à un partage partiel, et l’adjudicataire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif du bien (Cass. 1re civ., 21 févr. 1989, n° 87-16.287).

Enfin, le prix versé par l’adjudicataire aux autres indivisaires n’est pas une simple contrepartie financière : il prend la nature d’une soulte. Dès lors, il est soumis aux règles applicables aux créances issues d’un partage, notamment en matière de revalorisation (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830). Si le paiement du prix est différé, la somme due aux coïndivisaires subit les ajustements prévus par l’article 828 du Code civil.

En outre, cette créance ne peut être assimilée à un bien indivis, de sorte que les sûretés prises sur l’immeuble par les coïndivisaires non adjudicataires tombent, tandis que celles constituées par l’adjudicataire sont maintenues. Cette solution découle de la nature même de l’effet déclaratif, qui opère une reconstitution rétroactive des droits de propriété (Cass. civ., 26 avr. 1955).

b. La licitation au profit d’un tiers

Lorsqu’un bien indivis est adjugé à un tiers étranger à l’indivision, la licitation perd son effet déclaratif et revêt la nature d’une vente classique. Contrairement à la licitation au profit d’un indivisaire, qui s’analyse comme un partage partiel avec rétroactivité, la licitation à un tiers opère un transfert de propriété entre les indivisaires et l’adjudicataire, conformément aux règles ordinaires de la vente (Cass. civ., 14 mars 1950).

Ce changement de qualification emporte des conséquences majeures sur les droits et obligations des parties, notamment en matière de garanties, d’enregistrement et d’opposabilité aux tiers.

En premier lieu, l’adjudication réalisée au profit d’un tiers entraîne un transfert immédiat de propriété. Dès l’adjudication, le bien quitte le patrimoine indivis pour entrer dans celui de l’acquéreur. Ce transfert doit être publié au service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers, conformément aux règles applicables aux mutations immobilières (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28 et 30).

En conséquence :

  • L’adjudicataire acquiert le bien directement des coïndivisaires, et non par transmission successorale (Cass. civ., 7 juin 1899).
  • L’acte doit être publié pour être opposable aux tiers et garantir l’efficacité du transfert (Cass. civ., 14 mars 1950).
  • Les droits des créanciers inscrits sur le bien sont maintenus, mais peuvent faire l’objet d’une purge par l’adjudicataire (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Dès lors que la licitation a un effet translatif, elle échappe à la rétroactivité attachée au partage. L’adjudicataire est un acquéreur ordinaire, qui achète un bien aux indivisaires sans bénéficier des prérogatives d’un héritier (Cass. civ., 14 mars 1950). À ce titre, il peut purger les hypothèques inscrites sur le bien, sans avoir à se soucier de leur éventuelle disparition par effet déclaratif (Cass. civ., 2 juill. 1925).

En deuxième lieu, dans le cadre d’une licitation à un tiers, les indivisaires sont tenus aux obligations ordinaires des vendeurs. À ce titre, ils doivent garantir à l’adjudicataire :

  • La garantie d’éviction et des vices cachés (Cass. soc., 19 févr. 1959). L’acquéreur doit être protégé contre toute revendication ultérieure portant atteinte à sa propriété, ainsi que contre les défauts cachés du bien.
  • L’obligation de délivrance conforme, qui impose aux indivisaires de remettre le bien dans l’état convenu lors de l’adjudication.
  • L’obligation de paiement du prix, l’adjudicataire pouvant être poursuivi en cas de non-paiement par une action en résolution de la vente (art. 1654 C. civ.).

La licitation au profit d’un tiers étant une vente et non un partage, elle est soumise à la rescision pour lésion de plus de sept douzièmes (art. 1674 C. civ.), qui permet à un vendeur de demander l’annulation de la vente si le prix est manifestement insuffisant. En revanche, l’adjudication ne peut être contestée sur le fondement de l’action en complément de part prévue en matière de partage (art. 889 C. civ.).

En troisième lieu, bien que la licitation emporte un effet translatif vis-à-vis de l’adjudicataire, elle conserve dans les rapports entre coïndivisaires la nature d’une opération préliminaire au partage. Ce n’est pas la licitation elle-même qui opère le partage, mais la répartition ultérieure du prix d’adjudication entre les indivisaires (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907).

En d’autres termes :

  • Le bien indivis est vendu, mais la créance du prix de vente remplace l’immeuble dans la masse successorale.
  • Ce n’est qu’au moment du partage du prix que s’applique l’effet déclaratif : l’indivisaire auquel est attribué tout ou partie du prix est réputé avoir toujours détenu cette somme à titre exclusif.
  • Les sûretés constituées sur le bien avant la licitation continuent d’exister sur la créance du prix, sauf purge exercée par l’acquéreur (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Cette situation emportent des conséquences en matière d’hypothèques:

  • Si un indivisaire a hypothéqué sa part dans le bien indivis avant la licitation, son créancier pourra exercer son droit de préférence sur sa quote-part dans la créance d’adjudication.
  • Si l’effet déclaratif était appliqué directement à la licitation, le prix aurait été attribué à un seul coïndivisaire, faisant disparaître rétroactivement les droits des autres indivisaires, ce qui aurait lésé les créanciers (Cass. civ., 14 déc. 1887).

La jurisprudence a donc précisé que l’effet déclaratif ne peut s’appliquer qu’au moment du partage du prix et non au moment de la vente du bien (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907). Cela signifie que, jusqu’au partage, chaque indivisaire conserve un droit indivis sur la créance du prix de vente, et peut demander sa quote-part avant que l’attribution finale ne soit fixée.

En dernier lieu, lorsque la licitation est réalisée au profit d’un indivisaire et d’un tiers, les effets de l’adjudication sont partagés entre ces deux logiques :

  • Pour la part attribuée à l’indivisaire, l’effet déclaratif s’applique : il est réputé avoir toujours détenu sa part du bien.
  • Pour la part attribuée au tiers, l’effet translatif s’impose : il acquiert la propriété du bien par l’effet d’un transfert ordinaire de droits réels (Cass. civ., 23 juill. 1912).

Ce système peut soulever des difficultés pratiques, notamment en matière de garanties. La Cour de cassation a ainsi précisé que l’hypothèque légale du vendeur, prise par les coïndivisaires pour garantir le paiement du prix de licitation, n’est pas opposable aux créanciers personnels de l’héritier adjudicataire (Cass. civ., 23 juill. 1912).

3. Les autres actes mettant fin à l’indivision

L’effet déclaratif du partage ne s’attache pas exclusivement aux opérations qualifiées de partage stricto sensu. Il s’étend à tout acte ayant pour conséquence de mettre un terme à l’indivision, dès lors que celui-ci aboutit à l’allotissement d’un indivisaire. Issu de la loi du 31 juillet 1976 l’article 883, alinéa 2, du Code civil confère explicitement un effet déclaratif à “tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision”. Ainsi, au-delà du partage et de la licitation, plusieurs opérations peuvent revêtir ce caractère.

a. Les cessions de droits indivis entre indivisaires

i. Principe

La cession de droits indivis entre coïndivisaires a toujours été assimilée à une opération de partage, dès lors qu’elle met fin à l’indivision en ce qui concerne le cédant. Dès le XIXe siècle, la jurisprudence a reconnu que de telles cessions devaient bénéficier de l’effet déclaratif (Req. 3 mars 1807). Cette assimilation repose sur la logique même du partage : l’indivisaire cessionnaire est réputé avoir toujours été seul propriétaire des droits cédés, tandis que le cédant est censé avoir toujours détenu, en contrepartie, la somme perçue en paiement.

L’analogie avec le partage est encore plus évidente lorsque la cession est effectuée à titre onéreux. Dans ce cas, elle aboutit à un allotissement semblable à celui réalisé par une licitation ou un partage avec soulte. Le cessionnaire reçoit la part indivise du cédant en échange d’une somme d’argent, ce qui s’analyse à une opération de liquidation de l’indivision. Pour cette raison, la jurisprudence considère que l’effet déclaratif a pleinement vocation à jouer pour ces opérations (Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-13.267).

Cependant, l’application de l’effet déclaratif suppose que la cession porte bien sur des droits indivis. Si les droits cédés ne sont pas indivis, l’effet déclaratif ne peut être invoqué. Ainsi, lorsqu’un usufruitier cède ses droits aux nus-propriétaires, alors même qu’aucune indivision n’existe entre eux, la cession est une simple mutation patrimoniale et ne saurait être assimilée à un partage (Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n°85-10.780).

ii. Exceptions

Bien que la cession de droits indivis entre coïndivisaires bénéficie en principe de l’effet déclaratif, certaines situations échappent à cette règle.

==>L’exclusion des cessions à titre gratuit

La jurisprudence refuse de reconnaître un effet déclaratif aux cessions de droits indivis réalisées à titre gratuit. La raison en est simple : l’absence de contrepartie prive l’opération de la logique d’allotissement inhérente au partage.

Contrairement à une licitation ou à un partage avec soulte, où les indivisaires bénéficient d’une compensation en valeur, une donation entraîne une transmission patrimoniale unilatérale, sans redistribution équitable des droits successoraux. Dès lors, elle est considérée comme une mutation translative et non comme un partage.

==>La cession à un tiers

Autre exception notable, la cession de droits indivis à un tiers ne produit pas d’effet déclaratif dans les rapports entre les indivisaires et l’acquéreur. Une telle opération revêt la nature d’une véritable vente et non d’un partage.

L’acquéreur, étant étranger à l’indivision, n’est pas réputé avoir toujours été propriétaire des droits cédés. Toutefois, l’effet déclaratif peut s’appliquer entre les indivisaires eux-mêmes, sous réserve que le prix de la cession soit réparti entre eux selon leurs droits respectifs.

Dans cette hypothèse, la cession amiable d’un bien indivis à un tiers est assimilée à une licitation dans ses effets entre les coïndivisaires, mais elle conserve un effet translatif vis-à-vis de l’acquéreur (Cass. civ. 7 févr. 1949).

b. La vente amiable d’un bien indivis à un coïndivisaire

La vente d’un bien indivis à l’un des coïndivisaires, réalisée avec l’accord de l’ensemble des indivisaires, constitue une illustration notable de l’extension de l’effet déclaratif. Bien qu’elle prenne la forme d’une vente, cette opération est assimilée à un partage en raison de son résultat : l’indivisaire acquéreur devient pleinement propriétaire du bien, tandis que les autres indivisaires perçoivent une somme d’argent en contrepartie de leur renonciation à leurs droits indivis.

Ainsi, dans sa finalité, cette vente équivaut à une attribution dans le cadre d’un partage avec soulte. Par conséquent, elle doit être traitée comme un partage et bénéficie de l’effet déclaratif. Cela signifie que l’indivisaire acquéreur est réputé avoir toujours été propriétaire du bien, tandis que le prix payé aux autres indivisaires est assimilé à une soulte destinée à compenser la perte de leurs droits sur le bien vendu.

Cette analyse est d’autant plus justifiée lorsque l’acquéreur rachète l’intégralité des droits indivis portant sur un bien déterminé. Dans ce cas, l’indivision prend fin pour ce bien, ce qui justifie pleinement l’application de l’effet déclaratif. L’indivisaire acquéreur est alors censé en avoir toujours été le seul propriétaire, comme si ce bien lui avait été attribué lors d’un partage formel.

Cette approche, consacrée par la jurisprudence, a été renforcée par l’article 883 du Code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 1976. Le texte n’exige plus que l’opération mette fin à l’ensemble de l’indivision, mais uniquement à celle portant sur le bien concerné. Ainsi, l’effet déclaratif s’applique même si d’autres biens indivis subsistent dans la masse successorale.

c. L’application de l’effet déclaratif aux actes partiels et aux conversions de droits

Avant la réforme de 1976, l’effet déclaratif du partage était strictement encadré. Il ne s’appliquait qu’aux actes mettant définitivement fin à l’indivision dans son ensemble et exigeait la participation de tous les indivisaires. Cette approche rigide a été vivement critiquée par la doctrine, qui estimait injustifié de refuser l’effet déclaratif à des actes ayant précisément pour objet de substituer des droits privatifs à une appropriation collective.

La réforme entreprise par la loi du 31 décembre 1976 a profondément modifié cette approche en supprimant l’exigence d’une extinction totale de l’indivision. Désormais, un acte peut bénéficier de l’effet déclaratif dès lors qu’il met fin à l’indivision sur certains biens ou entre certains indivisaires. Il en résulte que même un partage partiel, c’est-à-dire un partage ne portant que sur une partie des biens indivis, est aujourd’hui doté de l’effet déclaratif. Il en va de même lorsqu’un indivisaire rachète les parts de ses coïndivisaires sur un bien spécifique : dans ce cas, l’indivision prend fin uniquement sur ce bien, mais l’effet déclaratif s’applique tout de même.

La reconnaissance de l’effet déclaratif s’étend également aux actes mettant fin à l’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Tel est le cas lorsque l’usufruit est converti en rente viagère, opération qui transforme la jouissance temporaire du bien en un droit patrimonial d’une autre nature. La jurisprudence considère désormais qu’une telle conversion est assimilable à un partage et doit donc bénéficier de l’effet déclaratif.

De la même manière, la conversion d’un usufruit en pleine propriété est traitée comme une opération de partage. Elle ne se limite pas à une simple modification du mode de détention du bien, mais entraîne une véritable mutation juridique, justifiant l’application de l’effet déclaratif. L’usufruitier converti en propriétaire est ainsi réputé l’avoir toujours été, et les droits éventuels qu’il avait pu consentir en tant qu’usufruitier s’éteignent rétroactivement.

B) Domaine quant aux biens

L’effet déclaratif du partage et des actes qui lui sont assimilés embrasse une large catégorie de biens, qu’ils soient corporels ou incorporels. Il s’applique aux biens qui étaient inclus dans l’indivision et à ceux qui, par subrogation, leur sont substitués. Cependant, certaines difficultés d’application se sont posées, notamment en ce qui concerne les créances héréditaires, les créances issues de la licitation d’un bien indivis et les créances relevant d’indivisions autres que successorales.

1. L’application générale de l’effet déclaratif aux biens de l’indivision

L’effet déclaratif du partage, tel que consacré par l’article 883 du Code civil, ne distingue ni la nature ni la qualification juridique des biens concernés. Il s’étend indistinctement aux meubles et immeubles, ainsi qu’aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient fait partie de l’indivision et qu’ils aient fait l’objet d’un partage, d’une licitation ou de tout acte ayant mis fin à l’indivision. Cette règle, qui découle directement du principe selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont échus, a été largement consacrée tant par la doctrine que par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 mars 1981, n°79-14.083). Toutefois, certaines limitations, tenant soit à la nature spécifique des biens, soit à des dispositions légales particulières, méritent d’être relevées.

a. L’application indifférenciée aux biens corporels et incorporels

Le domaine de l’effet déclaratif couvre l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient corporels ou incorporels, dès lors qu’ils font l’objet d’un partage ou d’une licitation. La loi ne distingue pas entre les catégories de biens et consacre ainsi une application uniforme de cette règle, quelle que soit leur nature.

==>Les biens corporels

L’article 883 du Code civil trouve à s’appliquer aux biens corporels, qu’ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, les immeubles faisant partie de l’indivision et attribués à un copartageant lors du partage sont réputés lui avoir toujours appartenu. Ce principe s’applique également aux meubles indivis, qui sont également soumis à l’effet déclaratif. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler ce caractère indifférencié de l’effet déclaratif en précisant que tout bien corporel intégré à un partage doit être considéré comme ayant toujours appartenu à son attributaire dès l’origine (Cass. 1re civ., 6 nov. 1967).

==>Les biens incorporels

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux seuls biens matériels. Il s’étend également aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient été inclus dans l’indivision et attribués à un copartageant. Cette extension a notamment été consacrée par la jurisprudence en matière de fonds de commerce où il a été jugé que l’attribution d’un fonds indivis à un coindivisaire lors du partage entraîne l’effet déclaratif, le rendant rétroactivement propriétaire exclusif du fonds.

Dans le même esprit, la doctrine considère que l’effet déclaratif couvre également les créances dépendant d’une indivision, dans la mesure où celles-ci constituent un élément du patrimoine indivis (Cass. req., 7 août 1860). Cependant, cette application aux créances n’a pas toujours été admise sans réserve, et certaines décisions ont pu restreindre son champ en fonction de la nature des créances concernées (V. ci-après).

b. Les limites de l’effet déclaratif : exceptions et restrictions

Si l’effet déclaratif du partage présente un caractère général, certaines restrictions s’imposent en raison soit de la nature des biens concernés, soit de dispositions légales spécifiques qui viennent limiter son application.

==>L’exclusion des fruits et revenus des biens indivis

Un premier tempérament réside dans l’exclusion des fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits ne sont pas soumis à l’effet déclaratif et restent la propriété des indivisaires en proportion de leurs droits sur l’indivision. La Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’effet déclaratif du partage ne s’applique pas aux fruits et revenus perçus avant la cessation de l’indivision et a censuré une décision qui avait attribué à certains copartageants la totalité des fermages échus avant le partage, au motif qu’ils étaient devenus propriétaires des biens loués (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031)).

Dans cette affaire, un bien indivis donné à bail rural avant le partage avait généré des fermages dont les attributaires du bien avaient revendiqué la perception exclusive, en se prévalant de l’effet déclaratif du partage. La cour d’appel avait accueilli cette demande, considérant que l’attribution du bien leur conférait rétroactivement la qualité de propriétaires exclusifs et les habilitait à percevoir seuls les loyers dus pour les périodes antérieures au partage. La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que l’effet déclaratif ne saurait conférer rétroactivement à un indivisaire l’exclusivité des fruits et revenus produits avant la fin de l’indivision. Ces revenus conservent leur caractère indivis jusqu’au partage et doivent être répartis entre tous les indivisaires en fonction de leurs droits respectifs.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a généré des revenus avant son attribution à un copartageant, ces produits ne peuvent être réputés lui avoir toujours appartenu. Ils doivent être partagés entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs quotes-parts, sans que le partage ne puisse produire un effet rétroactif sur leur répartition.

==>L’exclusion légale de certains biens spécifiques

Certaines catégories de biens échappent à l’application de l’article 883 du Code civil en raison de dispositions législatives particulières. Tel est le cas, par exemple, en matière de brevets d’invention. L’article L. 613-30 du Code de la propriété intellectuelle exclut expressément l’application de l’effet déclaratif aux situations de copropriété d’un brevet ou d’une demande de brevet, en instaurant un régime spécifique à la matière. Cette disposition traduit la volonté du législateur de soumettre la gestion des brevets à un régime plus strict, distinct de celui du droit commun de l’indivision.

D’autres domaines spécifiques peuvent également donner lieu à des exceptions, en fonction des règles particulières qui leur sont applicables. Il conviendra donc, avant d’invoquer l’effet déclaratif, de s’assurer que la législation propre à chaque type de bien ne prévoit pas de disposition dérogatoire.

==>La prise en compte des soultes et compensations

Si l’effet déclaratif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus, il s’applique en revanche aux soultes versées entre copartageants. Une soulte, qui constitue une somme versée en compensation d’un lot excédentaire, est réputée avoir toujours appartenu à son bénéficiaire. Cette règle a été posée dès le XIX? siècle par la Cour de cassation, qui a admis que même une soulte versée sur les deniers propres de l’un des copartageants bénéficie de l’effet déclaratif (Cass. req., 7 août 1860).

Ainsi, si un indivisaire reçoit un bien d’une valeur supérieure à sa quote-part et qu’il compense cette inégalité par le versement d’une soulte à un autre copartageant, cette soulte est réputée avoir toujours fait partie du patrimoine de son bénéficiaire. Ce principe vise à garantir la cohérence de l’effet déclaratif et à éviter que le partage ne soit requalifié en opération translative.

2. Cas particuliers

a. Les créances héréditaires

La question de l’application de l’effet déclaratif du partage aux créances héréditaires a longtemps divisé doctrine et jurisprudence, en raison de l’apparente contradiction entre deux règles fondamentales du droit successoral. D’un côté, l’article 1309 du Code civil (ancien article 1220) prévoit que les créances successorales se divisent de plein droit entre les cohéritiers en proportion de leur part dans la succession. De l’autre, l’article 883 du même code instaure un effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués.

À l’origine, la jurisprudence appliquait strictement l’article 1309 et considérait que les créances successorales étaient divisées entre les héritiers dès l’ouverture de la succession, les excluant ainsi de l’indivision et du champ d’application de l’effet déclaratif (Cass. req., 23 févr. 1864). Cette approche signifiait que chaque cohéritier pouvait revendiquer immédiatement sa part individuelle sur la créance et l’exercer indépendamment des autres. Le débiteur de la succession pouvait également opposer la compensation à hauteur de la part de chaque héritier (Cass. req., 9 nov. 1847).

Toutefois, cette position s’est révélée insatisfaisante, car elle privait l’effet déclaratif du partage d’une grande partie de sa portée en ce qui concerne les créances. Un héritier pouvait, avant le partage, céder ou faire saisir sa quote-part de créance, ce qui compromettait l’égalité entre les copartageants. La jurisprudence a donc progressivement évolué vers une application distributive des deux articles, aboutissant à la célèbre décision des chambres réunies de la Cour de cassation dans l’arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907 (Cass. ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cet arrêt opère une distinction selon le moment où l’on se place. Avant le partage, l’article 1309 s’applique dans les rapports entre les héritiers et les débiteurs successoraux. Chaque héritier peut alors exercer sa part de la créance, et le débiteur peut se libérer en réglant chaque cohéritier individuellement. Il peut également opposer une compensation pour toute dette qu’il détient à l’égard d’un héritier, sans que cette compensation puisse être remise en cause par le partage ultérieur (Cass. req., 25 févr. 1864). Cette solution repose sur la double nature du droit de créance : il est à la fois un lien de droit (vinculum juris) entre le créancier et le débiteur, et un bien faisant partie du patrimoine du créancier.

Une fois le partage consommé, l’article 883 prend le pas et s’applique exclusivement dans les rapports entre cohéritiers. La créance indivise est alors attribuée en totalité à un copartageant, qui est réputé l’avoir toujours possédée en exclusivité. Dès lors, les actes accomplis par d’autres indivisaires sur cette créance deviennent inopposables à son attributaire, sauf s’ils ont été régulièrement exécutés avant le partage (Cass. req., 13 janv. 1909). Ainsi, un cohéritier ne peut plus, après le partage, revendiquer une part sur une créance qui a été attribuée à un autre. Il en va de même pour une cession de créance consentie par un indivisaire seul avant le partage : elle est inopposable à l’attributaire final de la créance (Cass. req., 2 juin 1908).

Cette articulation entre les deux articles permet d’assurer un équilibre entre les droits des cohéritiers et les exigences de sécurité juridique. L’article 1309 garantit que chaque héritier puisse faire valoir ses droits sur les créances successorales tant que l’indivision subsiste, sans être tributaire de l’inaction des autres indivisaires. En revanche, une fois le partage réalisé, l’effet déclaratif de l’article 883 permet d’éviter que des actes de disposition antérieurs ne viennent compromettre l’égalité entre copartageants. Cette solution est aujourd’hui largement admise par la doctrine.

b. L’effet déclaratif sur la créance du prix d’adjudication d’un bien indivis

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux biens matériels présents dans l’indivision. Il s’étend également aux créances qui en sont issues, notamment la créance résultant du prix d’adjudication d’un immeuble indivis vendu par licitation à un tiers. Dans ce cas, l’adjudication équivaut à une vente, et l’immeuble licité cesse de faire partie de l’indivision, tandis que la créance de prix qu’il génère vient s’y substituer et entre dans l’actif successoral à partager. Une fois le partage réalisé, cette créance peut être répartie entre tous les copartageants, ou bien être attribuée en totalité à l’un d’eux.

Une question essentielle a été soulevée quant à la portée de l’effet déclaratif dans ce contexte : l’attributaire de la créance doit-il être considéré comme ayant été le seul propriétaire du bien depuis son entrée dans l’indivision, et donc comme étant le seul vendeur au regard des tiers, ou bien tous les indivisaires doivent-ils être regardés comme ayant participé à la vente ? L’enjeu de la réponse à cette question est fondamental, car il touche au sort des droits réels que certains indivisaires auraient pu consentir sur l’immeuble avant la licitation. En effet, si seul l’attributaire final de la créance est réputé rétroactivement propriétaire, les droits réels accordés par d’autres indivisaires avant la licitation pourraient être anéantis. À l’inverse, si tous les indivisaires sont considérés comme ayant participé à la vente, ces droits réels devraient être reportés sur leur part du prix d’adjudication.

Initialement, la Cour de cassation avait retenu une interprétation stricte de l’effet déclaratif, en considérant que seul l’attributaire de la créance devait être regardé comme ayant été propriétaire du bien et donc comme ayant procédé à la vente (Cass. civ., 18 juin 1834). Cette solution conduisait à l’anéantissement des droits réels constitués par d’autres indivisaires sur l’immeuble licité. Toutefois, cette position a été abandonnée au profit d’une approche fondée sur la subrogation réelle. Désormais, la créance du prix d’adjudication est assimilée au bien vendu, et l’effet déclaratif du partage ne remet pas en cause les sûretés qui ont pu être constituées sur l’immeuble pendant l’indivision (Cass. civ., 21 juin 1904). Il en résulte que si un indivisaire a hypothéqué l’immeuble avant la licitation, cette hypothèque ne disparaît pas avec la vente, mais est reportée sur la part du prix d’adjudication qui lui revient dans le partage.

L’arrêt Chollet contre Dumoulin, rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 5 décembre 1907, a consacré cette évolution en affirmant que, si la licitation doit être considérée comme une vente à l’égard de l’adjudicataire lorsqu’il est un tiers, elle constitue dans les rapports entre cohéritiers une simple opération préparatoire au partage. Dès lors, la créance du prix d’adjudication est soumise aux mêmes règles que l’immeuble qu’elle remplace. Ainsi, si un héritier est tenu à un rapport en moins prenant et que la créance du prix est attribuée à ses cohéritiers en compensation du rapport dû, cet héritier est réputé n’avoir jamais eu de droit sur cette créance. Il en découle que ses créanciers personnels ne peuvent exercer de droit de préférence sur le prix d’adjudication, puisqu’ils ne disposent pas de plus de droits que leur débiteur dans la masse successorale (Cass., ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cette solution se justifie par la combinaison de l’effet déclaratif du partage et du principe de la subrogation réelle. En effet, dès lors que l’immeuble est remplacé par une créance de prix, il est logique que toute sûreté constituée sur ce bien soit reportée sur la somme d’argent qui lui succède. Cette position a été confirmée par la jurisprudence moderne, qui admet que l’hypothèque consentie sur un bien indivis par un indivisaire seul est reportée, en cas de vente, sur la fraction du prix qui lui est attribuée dans le partage (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331).

L’admission de la subrogation réelle atténue ainsi la portée absolue de la rétroactivité du partage. En effet, bien que l’article 883 du Code civil établisse une présomption selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire des biens de son lot, la prise en compte de la situation de la masse indivise au jour du partage permet de préserver les droits des tiers ayant acquis des garanties sur ces biens avant leur attribution définitive.

c. L’extension de l’effet déclaratif aux créances issues d’indivisions non successorales

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux successions. Il s’étend aux créances issues d’autres formes d’indivision, notamment l’indivision post-communautaire. Dans ce cadre, la jurisprudence a longtemps refusé d’appliquer l’article 1309 du Code civil, considérant que tant que la communauté n’était pas liquidée, les créances communes ne pouvaient être divisées entre les époux (Cass. req., 18 oct. 1893). Toutefois, cette position a évolué, et il est désormais admis que chaque époux peut réclamer sa part de créance sans attendre le partage. Dans un arrêt du 10 février 1981, la Cour de cassation a, en effet, jugé que, dès la dissolution de la communauté, chacun des époux est investi d’un droit personnel sur les valeurs qui en dépendent et peut, à ce titre, demander individuellement le règlement de sa quote-part dans les créances communes (Cass. 1re civ., 10 févr. 1981, n° 79-12.765).

Dans cette affaire, à l’occasion de la liquidation d’une communauté dissoute par divorce, l’une des parties revendiquait le droit d’agir seule en recouvrement de créances qui avaient appartenu à la communauté. Son ancien conjoint contestait cette possibilité, soutenant que tant que la liquidation n’avait pas été achevée, les droits de chacun des époux restaient incertains, excluant ainsi toute division automatique des créances. La Cour d’appel avait néanmoins condamné le débiteur des créances litigieuses à verser directement à l’épouse sa part correspondant à la moitié du montant dû, au motif qu’elle détenait des droits sur les valeurs de la communauté.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette approche, énonçant que la dissolution de la communauté confère immédiatement à chacun des époux un titre leur permettant de réclamer leur part des créances communes, sans attendre le partage. Ce faisant, la Haute juridiction a admis que la créance, bien qu’encore incluse dans la masse indivise au stade de la liquidation, pouvait être partiellement mobilisée par chacun des ex-époux, consacrant ainsi une autonomie certaine dans l’exercice des droits patrimoniaux post-communautaires.

Par cette décision, la Cour de cassation a confirmé que la dissolution de la communauté entraîne la division des créances entre les époux et leur permet d’en revendiquer le paiement, indépendamment de l’achèvement de la liquidation et du partage.

Cette reconnaissance d’un droit propre à chaque indivisaire sur une créance dès la dissolution ne remet toutefois pas en cause l’application du principe de l’effet déclaratif du partage. Si, dans leurs rapports avec les tiers, les indivisaires peuvent faire valoir leur part de créance indépendamment du partage, il en va différemment dans les relations internes à l’indivision. En effet, une fois le partage intervenu, l’attribution d’une créance à un indivisaire emporte l’effet rétroactif prévu par l’article 883 du Code civil, impliquant qu’il est réputé l’avoir toujours détenue. Cette conséquence, qui marque une rupture avec la logique de division immédiate des créances, permet de garantir la stabilité des attributions patrimoniales et d’uniformiser le régime des créances successorales et post-communautaires.

Dans les rapports entre indivisaires, ces créances sont ainsi soumises à l’article 883 du Code civil et bénéficient de l’effet déclaratif. Un indivisaire qui se voit attribuer une créance dans le partage est réputé en avoir été le titulaire exclusif depuis l’origine, ce qui a pour effet de priver ses coïndivisaires de tout droit rétroactif sur celle-ci. En conséquence, les actes de disposition accomplis avant le partage par un autre indivisaire sur la créance, tels qu’une cession ou une saisie, peuvent lui être inopposables (Cass. req., 2 juin 1908).

III) Les conséquences de l’effet déclaratif

Le partage judiciaire, loin d’être une simple opération de répartition des biens indivis, constitue un acte aux conséquences juridiques majeures. Parmi celles-ci, l’effet rétroactif du partage occupe une place centrale, traduisant la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus. Cette rétroactivité, bien que fondamentale, ne s’exerce toutefois pas de manière absolue : elle se heurte à des limites destinées à garantir la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

Ainsi, si l’effet rétroactif du partage peut anéantir certains actes passés par les indivisaires avant la répartition définitive des biens, il peut aussi, à l’inverse, en confirmer la validité, selon que ces actes sont ou non conformes aux attributions résultant du partage. Cette dualité se reflète tant dans les rapports entre les copartageants eux-mêmes que dans leurs relations avec les tiers. Dès lors, il convient d’analyser les implications de cet effet rétroactif, en mettant en lumière ses principes fondamentaux, ses limites et les solutions dégagées par la jurisprudence afin d’assurer un équilibre entre la logique déclarative du partage et les impératifs de préservation des droits acquis.

A) Conséquences générales

1. Effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

2. Exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

a. L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

i. L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

ii. L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

iii. L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

iv. Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

b. L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

i. L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

ii. L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

iii. La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

c. L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

i. Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

ii. L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

iii. La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

d. L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

i. La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

ii. Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

iii. Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

e. L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

i. L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

ii. L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

f. L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

B) Sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.