La licitation: procédure

Le régime de la licitation s’inscrit dans une double exigence d’équilibre et de nécessité. D’une part, il est conçu comme un mécanisme subsidiaire permettant de surmonter les impasses inhérentes à l’indivision, notamment lorsque le partage en nature s’avère impraticable. D’autre part, son encadrement juridique strict vise à préserver les droits des indivisaires tout en garantissant la valorisation optimale des biens concernés.

Fondamentalement, la licitation se distingue du partage en nature en ce qu’elle entraîne une aliénation du bien indivis, substituant à la répartition matérielle des actifs une répartition en valeur. Cette spécificité explique la rigueur avec laquelle elle est encadrée par le Code civil et le Code de procédure civile, qui en conditionnent l’ouverture et en régissent minutieusement le déroulement.

D’abord, la licitation ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage, ce qui illustre son caractère nécessairement incident. Cette dépendance procédurale s’explique par la volonté du législateur de préserver l’option d’un partage amiable ou d’un partage en nature chaque fois que cela est possible. Toutefois, lorsque ces voies s’avèrent irréalisables, la licitation devient un recours inévitable pour désintéresser les indivisaires et mettre fin à l’indivision.

Ensuite, la licitation est soumise à des règles précises de compétence juridictionnelle. Le tribunal judiciaire est seul habilité à en connaître, garantissant ainsi une procédure unique et centralisée, adaptée aux enjeux patrimoniaux qu’elle soulève. Cette compétence est assortie de règles de territorialité, visant à assurer une proximité entre la juridiction et le bien concerné.

Enfin, le régime de la licitation repose sur une organisation rigoureuse de la vente. Qu’il s’agisse de la fixation des conditions de l’adjudication, des modalités de publicité ou des garanties entourant la protection des intérêts des parties, chaque étape est minutieusement encadrée afin d’assurer à la fois la transparence et l’efficacité de l’opération. L’adjudication elle-même, qu’elle se déroule devant le tribunal ou sous l’égide d’un notaire, doit répondre à des exigences de formalisme et de sécurité juridique.

Si la licitation s’impose comme un ultime recours lorsque l’indivision devient ingérable, elle n’en demeure pas moins une solution qui doit être maniée avec prudence. En effet, en substituant une somme d’argent à la détention d’un bien, elle transforme en profondeur la nature des droits des indivisaires, ce qui peut parfois conduire à des conflits d’intérêts ou à des revendications complémentaires. Il convient dès lors d’en appréhender les contours avec précision, afin d’en maîtriser les implications et d’en optimiser les effets.

1. Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

La licitation: conditions

Le principe du partage en nature constitue l’épine dorsale du droit des successions et de l’indivision, traduisant la volonté du législateur de préserver l’intégrité des patrimoines familiaux et d’assurer une répartition équitable des biens entre les coindivisaires. Toutefois, cette préférence ne saurait se transformer en impératif absolu dès lors que des contraintes matérielles, économiques ou juridiques font obstacle à une division équilibrée. C’est précisément dans ces circonstances que la licitation intervient comme solution subsidiaire, permettant de contourner les impossibilités inhérentes au partage en nature en procédant à la vente du bien indivis et à la répartition du produit de cette vente entre les indivisaires.

Ainsi, la licitation ne se justifie que lorsque le partage en nature se révèle incommode ou générateur d’une dépréciation substantielle du bien, compromettant l’équité entre les indivisaires. Cette exigence s’inscrit dans une logique de préservation du patrimoine et d’optimisation de sa gestion, tout en évitant les situations de blocage susceptibles d’entraver le règlement d’une indivision. Dès lors, il convient d’examiner les conditions dans lesquelles la licitation peut être ordonnée, en s’attachant tout d’abord à l’impossibilité d’un partage en nature (1), avant d’envisager les modalités pratiques de sa mise en œuvre (2).

1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

La licitation: domaine

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1. Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

La licitation: vue générale

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translative de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

Les alternatives au partage en nature: la licitation des biens

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translative de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

Les alternatives au partage en nature: la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

Opérations de partage: l’établissement des comptes entre indivisaires

L’établissement des comptes entre indivisaires constitue une étape cruciale dans le processus de liquidation de l’indivision, permettant de rétablir un équilibre financier au sein de la communauté indivise.

En tenant compte des créances et des dettes de chaque indivisaire vis-à-vis de la masse commune, cette opération vise à corriger les disparités nées de la gestion ou de la jouissance des biens indivis et à garantir une répartition équitable de la masse partageable.

À cet égard, Michel Grimaldi rappelle avec justesse que « l’établissement des comptes entre indivisaires assure une liquidation juste et équilibrée, en prenant en considération tant les contributions apportées que les prélèvements opérés par chacun sur le patrimoine commun »[10].

I) L’obligation de tenir un état des créances et des dettes

En application de l’article 815-8 du Code civil, toute personne percevant des revenus ou engageant des dépenses pour le compte de l’indivision est tenue de tenir un état des créances et des dettes.

Cette obligation s’étend non seulement aux indivisaires eux-mêmes, mais également à toute personne impliquée dans la gestion des biens indivis, qu’il s’agisse d’un mandataire désigné par les indivisaires ou d’une personne nommée par voie judiciaire.

L’état des créances et des dettes, couramment rédigé par un notaire, constitue un document essentiel à la gestion de l’indivision. Il doit être mis à la disposition des indivisaires et contenir un récapitulatif précis des recettes perçues et des dépenses engagées pour le compte de la collectivité indivise.

Ce document ne se limite pas à un simple état descriptif ; il est un véritable compte de gestion, destiné à permettre aux indivisaires de suivre de manière claire l’évolution financière de l’indivision. Il assure également la transparence quant à la répartition équitable des charges et des bénéfices entre les co-indivisaires.

Dans le cadre d’une succession, le rôle du notaire liquidateur devient primordial. Ce dernier est chargé de tenir un compte d’administration de l’indivision, qui centralise toutes les opérations financières effectuées au nom de la masse indivise.

Ce compte inclut non seulement les revenus perçus, tels que les loyers ou les produits de cession d’actifs indivis, mais également les dépenses nécessaires à la gestion des biens indivis, comme le paiement des taxes ou les frais d’entretien.

Bien que distinct du compte d’indivision proprement dit, ce compte d’administration joue un rôle essentiel. Il permet, en effet, d’établir les créances et les dettes de chaque indivisaire vis-à-vis de l’indivision et d’assurer une liquidation transparente au moment du partage.

II) La finalité des comptes entre indivisaires

L’établissement des comptes entre indivisaires répond à une nécessité impérieuse de régularisation des déséquilibres financiers nés au cours de la gestion de l’indivision. En effet, les relations entre indivisaires, loin d’être figées, évoluent au gré des apports, des dépenses et des bénéfices réalisés par chacun, rendant indispensable une clarification des droits et obligations respectifs avant tout partage définitif.

Les déséquilibres susceptibles de résulter de la gestion de l’indivision revêtent des formes variées. Ils peuvent résulter :

  • De dépenses engagées par certains indivisaires pour le compte de la collectivité indivise, telles que des frais d’entretien, des travaux de conservation ou encore des primes d’assurance. Ces dépenses, nécessaires à la préservation du patrimoine commun, doivent être prises en compte afin d’éviter qu’un seul indivisaire supporte des charges qui bénéficient à l’ensemble.
  • De la jouissance privative d’un bien indivis par un indivisaire, lorsque celui-ci occupe seul un immeuble indivis, privant ainsi les autres indivisaires de leur droit à la jouissance commune. Cette occupation exclusive engendre une dette à l’égard de la masse indivise, sous forme d’une indemnité d’occupation, destinée à rétablir l’équilibre entre les co-indivisaires.
  • De la perception exclusive de fruits ou de revenus issus des biens indivis par un indivisaire, par exemple lorsqu’un indivisaire perçoit seul les loyers d’un immeuble indivis sans en reverser la part revenant aux autres. Cette situation doit être régularisée pour garantir une répartition équitable des fruits entre tous les co-indivisaires.

Ces situations, bien que fréquentes, ne sauraient demeurer sans régularisation au risque de compromettre l’égalité qui doit présider au partage des biens indivis. L’objectif des comptes entre indivisaires est précisément de restaurer cet équilibre en tenant compte des créances et des dettes de chacun vis-à-vis de la masse indivise. Ils permettent d’éviter que certains indivisaires ne se trouvent avantagés au détriment des autres, notamment lorsque des dépenses ont été avancées ou des bénéfices perçus de manière inégale.

Comme le rappelle la doctrine, le compte d’indivision « se situe au carrefour des contributions financières et des droits patrimoniaux des indivisaires, visant à solder les relations économiques nées au cours de la gestion commune, afin d’assurer une liquidation juste et équitable »[11]. Il en résulte que les comptes entre indivisaires doivent être établis avec rigueur afin de garantir une répartition équitable des charges et des bénéfices.

Cette exigence de rigueur s’explique par le fait que l’établissement des comptes conditionne directement le partage. Un compte mal tenu ou incomplet pourrait fausser la liquidation de l’indivision, au risque d’engendrer de nouvelles contestations entre indivisaires. Dès lors, le rôle du notaire chargé de la liquidation apparaît primordial, ce dernier étant tenu de dresser un état précis des créances et des dettes de chacun, comme le prescrit l’article 1368 du Code de procédure civile.

Exemple pratique :

Un indivisaire finance seul des travaux de rénovation sur un immeuble indivis afin d’en préserver la valeur. Par ailleurs, un autre indivisaire perçoit les loyers générés par cet immeuble sans en reverser la part revenant aux autres. Ces situations doivent être régularisées lors de l’établissement des comptes, afin que le premier indivisaire puisse obtenir remboursement de sa créance et que le second soit redevable d’une indemnité correspondant aux loyers indûment perçus.

Ainsi, l’établissement des comptes d’indivision permet de dégager un solde global pour chaque indivisaire, qui sera imputé sur sa part dans la masse partageable. Si un indivisaire est créancier de la masse, il pourra prélever ce solde sur les biens indivis avant le partage. À l’inverse, si un indivisaire est débiteur, sa dette sera imputée sur sa part de l’actif net, garantissant ainsi une répartition équitable entre les co-indivisaires.

Aussi, les comptes d’indivision constituent l’ultime étape permettant de solder les relations entre indivisaires avant le partage. Leur rôle est de restaurer un équilibre entre les contributions financières de chacun et les bénéfices tirés de l’indivision, afin d’assurer une liquidation sereine.

III) La nature du compte d’indivision

==>Termes du débat

La nature juridique du compte d’indivision fait l’objet d’une controverse doctrinale importante. Deux courants principaux s’opposent sur cette question.

  • Première thèse
    • Un premier courant doctrinal voit dans le compte d’indivision un véritable compte juridique, comparable à celui des récompenses dans la liquidation d’une communauté.
    • Selon cette conception, le compte d’indivision est bien plus qu’un simple état descriptif des flux financiers entre les indivisaires et l’indivision.
    • Il constitue un mécanisme juridique ce qui entraîne des effets juridiques immédiats dès l’inscription des créances.
    • En effet, dès que les créances et dettes sont inscrites au compte d’indivision, elles perdent leur individualité pour constituer un « bloc indivisible ».
    • Ce bloc est constitué de la totalité des créances et des dettes inscrites, qui se fondent ensemble pour former un solde unique.
    • Ainsi, les créances et les dettes disparaissent dans leur forme originelle et sont absorbées dans ce bloc indivisible, qui devient constitutif du solde du compte.
    • Ce mécanisme présente l’avantage de simplifier considérablement les relations financières au sein de l’indivision.
    • En effet, au lieu de procéder à des règlements individuels de créances ou de dettes pendant la durée de l’indivision, toutes les créances et dettes inscrites dans le compte s’annulent réciproquement, créant ainsi un solde net qui sera établi lors de la clôture du compte.
    • Ce solde est alors soumis à un règlement unitaire, qui n’interviendra qu’au moment du partage définitif.
    • Autrement dit, ce compte ne permet pas aux indivisaires de revendiquer individuellement l’exigibilité de leurs créances avant le partage.
    • Ce n’est qu’à la clôture du compte, c’est-à-dire au moment du partage de l’indivision, que le solde final sera calculé et réglé entre les indivisaires.
    • Cette conception s’inspire en partie de la théorie de la novation, selon laquelle l’inscription des créances dans le compte d’indivision entraîne leur transformation en simples articles de compte.
    • Ces articles perdent leur individualité juridique et sont soumis aux règles propres au compte, incluant notamment des mécanismes de compensation automatique.
    • Ainsi, ce solde unique résultant du compte d’indivision est opposable à tous les indivisaires au moment du partage, créant une liquidation simplifiée et homogène des créances et des dettes.
    • Les créances ne peuvent plus être exigées individuellement avant cette clôture, et elles ne redeviennent exigibles qu’au moment où le solde global est calculé lors du partage.
    • Ce fonctionnement unitaire garantit donc une gestion financière plus fluide, en évitant des contestations sur l’exigibilité des créances en cours d’indivision.
  • Seconde thèse
    • Les partisans du second courant doctrinal, parmi lesquels figure notamment Michel Grimaldi, adoptent une approche plus circonspecte quant à la qualification juridique du compte d’indivision.
    • Selon cette vision, le compte d’indivision s’apparente à un simple instrument de nature arithmétique, ayant pour seul objet de répertorier les mouvements financiers entre les indivisaires et l’indivision elle-même.
    • Il ne s’agit donc pas, selon cette conception, d’un compte juridiquement structuré, mais plutôt d’un registre destiné à faciliter le règlement comptable lors du partage final.
    • Autrement dit, le compte n’a pas pour effet de modifier la nature des créances et dettes qui y sont inscrites.
    • Chaque élément inscrit au compte conserve son individualité et demeure isolé.
    • Contrairement à la thèse opposée, qui envisage la fusion des créances et des dettes dans un « bloc indivisible », les défenseurs de cette approche soutiennent que le compte d’indivision ne joue qu’un rôle descriptif et informatif.
    • Il se contente de répertorier de manière précise et détaillée les créances et dettes de chaque indivisaire, sans entraîner de novation ou de transformation de la nature juridique de ces créances et dettes.
    • Ainsi, la fonction première du compte d’indivision, selon cette thèse, est de fournir un état détaillé des flux financiers, dans le but d’en simplifier le calcul au moment du règlement final.
    • Chaque créance ou dette est inscrite individuellement, avec son montant exact, et sans qu’il y ait fusion ou compensation entre elles avant le partage.

==>Thèse privilégiée

Entre les deux thèses en présence, la doctrine majoritaire tend à privilégier la première, en raison des particularités qui régissent le fonctionnement du compte d’indivision.

Tout d’abord, il convient de souligner que dès l’inscription des créances au sein du compte, celles-ci perdent leur individualité pour être fusionnées dans un « bloc indivisible ».

Ce solde global, regroupant créances et dettes, ne sera liquidé qu’au moment du partage définitif, instant précis où les droits et obligations des indivisaires seront également réglés. Cette fusion des créances démontre que le compte d’indivision dépasse le simple cadre d’un relevé comptable.

De plus, l’entrée des créances et des dettes dans le compte interrompt le cours de la prescription. Ce seul élément confère une portée juridique immédiate au compte, garantissant que les créances, loin de s’éteindre sous l’effet du temps, demeurent exigibles lors du partage.

Par conséquent, le compte ne se limite pas à fournir une information sur la situation financière de l’indivision, mais joue un rôle actif dans la préservation des droits des indivisaires.

Une autre différence majeure entre le compte d’indivision et un simple outil de gestion comptable réside dans l’absence de mécanisme de compensation.

Contrairement à la compensation, qui ne s’applique qu’à des dettes exigibles entre créanciers et débiteurs réciproques, le compte d’indivision prend en compte des créances et dettes qui ne sont pas forcément exigibles avant le partage.

De surcroît, il régit exclusivement les relations entre chaque indivisaire et la masse indivise, sans inclure les créances entre indivisaires eux-mêmes, ce qui souligne encore une fois sa vocation à gérer la relation globale au sein de l’indivision.

Par ailleurs, le but ultime du compte d’indivision est d’établir un solde unique à la clôture de l’indivision. Ce solde, qu’il soit positif ou négatif, est imputé sur les droits de l’indivisaire dans la masse indivise.

Ainsi, si un indivisaire se trouve créancier au moment du partage, il sera réglé par prélèvement sur la masse. À l’inverse, s’il est débiteur, sa dette sera imputée avant l’attribution de ses droits, protégeant ainsi les autres indivisaires contre les risques d’insolvabilité.

Au total, au regard de ces différentes règles et mécanismes, il apparaît que le compte d’indivision s’éloigne du simple outil de gestion comptable pour s’inscrire véritablement dans la catégorie des comptes juridiques.

Par la fusion des créances, la protection des droits, et l’imputation sur la masse indivise, il présente toutes les caractéristiques d’un compte juridique structuré, davantage que d’un simple registre descriptif.

IV) La méthodologie d’établissement des comptes

Comme vu précédemment, l’article 1368 du Code de procédure civile impose au notaire commis à la liquidation de dresser un état liquidatif des comptes entre les indivisaires. Cet état se matérialise par la constitution de comptes individuels au nom de chaque indivisaire, dans lesquels sont inscrites les créances et les dettes de chacun vis-à-vis de l’indivision. L’objectif est de clarifier les droits de chacun sur la masse partageable en prenant en compte les apports financiers, les bénéfices perçus et les dettes contractées pendant la période d’indivision.

A cet égard, chaque compte individuel retrace les flux financiers intervenus au profit ou à la charge de l’indivisaire, qu’il s’agisse :

  • Des créances que l’indivisaire détient sur la masse indivise, par exemple pour des dépenses engagées dans l’intérêt commun ;
  • Des dettes qu’il doit à la masse indivise, notamment en cas de jouissance privative d’un bien indivis ou de perception exclusive de revenus issus de l’indivision.

L’établissement du compte individuel permet de dégager un solde final, qui peut être :

  • Positif : l’indivisaire est créancier de la masse indivise. Il pourra prélever le montant de sa créance sur les biens ou les liquidités disponibles avant le partage.
  • Négatif : l’indivisaire est débiteur envers la masse indivise. Sa dette sera imputée sur la valeur des biens qui lui seront attribués lors du partage, selon le mécanisme du rapport en moins prenant prévu par l’article 864 du Code civil.

Ce solde final conditionne directement les droits de chaque indivisaire lors du partage. En effet, le compte d’indivision permet d’imputer les créances et les dettes sur la masse partageable, garantissant ainsi une répartition équitable des biens indivis entre les indivisaires.

Exemple pratique :

Un indivisaire finance à ses frais la réfection de la toiture d’un immeuble indivis pour éviter une dégradation majeure. Cette dépense, engagée dans l’intérêt commun, constitue une créance inscrite à l’actif de son compte individuel. À l’inverse, si un autre indivisaire occupe seul cet immeuble sans indemniser les autres indivisaires, il devra une indemnité d’occupation, inscrite au passif de son compte. Au moment du partage, ces créances et dettes seront prises en compte pour déterminer la part nette revenant à chaque indivisaire.

V) Les éléments composant les comptes d’indivision

Le compte d’indivision regroupe les créances et les dettes nées durant la période d’indivision, permettant ainsi de centraliser toutes les opérations financières effectuées au profit ou à la charge de la masse indivise.

Il peut être observé que l’inscription des créances et dettes dans le compte d’indivision présente un caractère essentiellement facultatif, laissant aux indivisaires une marge de manœuvre quant à la gestion de leurs créances et dettes vis-à-vis de la masse indivise.

En effet, chaque indivisaire, qu’il soit créancier ou débiteur, conserve une certaine liberté dans la décision d’inscrire ou non ses créances au compte d’indivision.

Par ailleurs, un indivisaire créancier, en vertu de l’article 815-17 du Code civil, peut, selon son intérêt, soit exiger immédiatement le règlement de sa créance, soit en reporter l’inscription jusqu’au moment du partage.

Cette faculté permet à l’indivisaire de moduler le moment où il souhaite récupérer les fonds investis dans la gestion de l’indivision, tout en évitant une exigibilité immédiate de créances qui pourraient mettre en péril la stabilité financière de l’ensemble indivis.

Cette flexibilité quant à l’inscription en compte n’est toutefois pas sans soulever des interrogations dans la doctrine.

Certains auteurs préconisent de distinguer la faculté d’inscription des créances selon la cause de la créance en question :

  • D’un côté, pour les dépenses strictement nécessaires à la conservation du bien indivis ou celles validées par tous les indivisaires, l’indivisaire créancier aurait le choix entre un paiement immédiat ou l’inscription en compte avec règlement au partage, assurant ainsi une revalorisation de sa créance pour garantir une répartition équitable entre les coïndivisaires.
  • D’un autre côté, pour les créances nées de dépenses non essentielles, la doctrine majoritaire estime que la créance devrait nécessairement être inscrite en compte et être régularisée lors du partage, afin d’éviter tout déséquilibre dans la jouissance et l’administration des biens indivis.

A) La détermination des créances et dettes pouvant être inscrites dans le compte d’indivision

1. Les créances et dettes pouvant être inscrites dans le compte d’indivision

a. Les créances

Le compte d’indivision regroupe diverses créances nées pendant la période d’indivision.

==>Dépenses de gestion et de conservation des biens indivis

Tout indivisaire qui engage des dépenses nécessaires à la gestion ou à la conservation des biens indivis peut inscrire cette créance dans le compte d’indivision.

Ces frais peuvent inclure des dépenses courantes telles que les réparations urgentes pour préserver la valeur du bien ou la mise en conformité avec les normes de sécurité,

Ces frais sont essentiels au maintien du bien en bon état, et l’indivisaire qui les prend en charge a droit à une créance équivalente sur l’indivision.

==>Amélioration du bien indivis

Les dépenses engagées pour améliorer le bien indivis, par exemple des travaux de rénovation, peuvent également être inscrites comme créances dans le compte d’indivision. Ces améliorations augmentent la valeur du bien et bénéficient à tous les indivisaires.

L’indivisaire qui finance ces améliorations peut demander une compensation au moment du partage en raison de l’augmentation de la valeur du bien (Cass. 1ère civ., 20 février 2001, n°98-13.006). Toutefois, ces créances ne seront liquidées qu’au moment du partage.

==>Prise en charge des impôts et taxes

Les indivisaires sont solidairement responsables du paiement des impôts et taxes relatifs aux biens indivis, tels que la taxe foncière ou les frais d’assurance.

Si un indivisaire avance ces frais pour le compte de l’indivision, il peut inscrire cette somme au compte d’indivision en tant que créance. Cette créance sera prise en compte lors du partage, garantissant à l’indivisaire le remboursement de sa contribution.

==>Rémunération du gérant

Si l’un des indivisaires est désigné gérant de l’indivision, il peut inscrire sa rémunération au compte d’indivision, même si cette créance peut parfois être payée immédiatement (Cass. 1ère civ., 10 mai 2006, n°04-12.473). Cette rémunération peut être déduite des produits de la gestion avant le partage final, garantissant au gérant une compensation pour son travail de gestion quotidienne.

b. Les dettes

Certaines dettes peuvent également être inscrites dans le compte d’indivision, représentant les obligations financières des indivisaires envers la masse indivise. Voici les principales dettes pouvant être inscrites au compte d’indivision :

==>Indemnité d’occupation privative

Lorsqu’un indivisaire occupe privativement un bien indivis, il doit indemniser l’indivision pour l’usage exclusif qu’il en fait.

Cette indemnité d’occupation est inscrite dans le compte d’indivision comme une dette à l’encontre de l’indivisaire occupant (C. civ., art. 815-9). Cette dette sera prise en compte lors du partage, l’indivisaire concerné devant compenser les autres indivisaires pour l’usage exclusif du bien.

==>Perception de fruits indivis

Si un indivisaire perçoit des fruits ou des revenus issus du bien indivis (par exemple, des loyers) sans les reverser à la masse indivise, il devient débiteur envers l’indivision (C. civ., art. 815-10).

Ces montants peuvent être inscrits au compte d’indivision en tant que dette et seront pris en compte lors du partage. Ce mécanisme garantit que les bénéfices du bien indivis soient répartis équitablement entre tous les indivisaires.

==>Détérioration ou négligence concernant un bien indivis

Si un indivisaire cause une détérioration au bien indivis par négligence ou non-respect de ses obligations de conservation, il peut être tenu de réparer cette détérioration.

Cette obligation peut être inscrite au compte d’indivision comme une dette à l’encontre de l’indivisaire fautif. Cette dette sera liquidée lors du partage.

2. Les créances et dettes exclues du compte d’indivision

Certaines créances ou dettes ne peuvent pas être inscrites au compte d’indivision, car elles ne sont pas directement liées à la gestion ou à la conservation du bien indivis, ou elles ne concernent que les relations entre les indivisaires eux-mêmes, et non avec l’indivision.

==>Créances entre indivisaires

Les créances personnelles entre indivisaires, telles que des prêts consentis entre eux, ne peuvent pas être inscrites dans le compte d’indivision.

Le compte d’indivision ne régit que les relations entre chaque indivisaire et la masse indivise, et non les relations personnelles entre indivisaires. Ces créances doivent être réglées séparément des opérations de l’indivision.

==>Avances en capital

Si un indivisaire a effectué une avance en capital dans l’indivision, cette avance n’est pas automatiquement inscrite au compte d’indivision.

Elle peut faire l’objet d’un accord distinct, et il appartient à l’indivisaire créancier de demander le paiement de cette avance avant le partage s’il le souhaite.

B) La preuve des créances et dettes pouvant être inscrites dans le compte d’indivision

La preuve des éléments inscrits dans le compte d’indivision repose sur les exigences énoncées à l’article 815-8 du Code civil, qui impose aux indivisaires une obligation de tenir un état dans deux situations bien distinctes :

  • L’indivisaire perçoit des revenus pour le compte de l’indivision
  • L’indivisaire expose des frais pour le compte de l’indivision

Dans le premier cas, l’indivisaire qui perçoit des fruits ou revenus provenant des biens indivis – qu’il soit détenteur d’un mandat explicite ou qu’il agisse en qualité de gérant de fait, voire dans le cadre d’une gestion d’affaires – est tenu de consigner ces recettes de manière rigoureuse.

Cette obligation n’est pas simplement une formalité administrative ; elle vise à garantir que chaque somme perçue pour le compte de l’indivision est comptabilisée de façon fidèle et rendue accessible aux autres indivisaires.

Ce relevé des revenus perçus permet ainsi de préserver l’équité entre les indivisaires, en évitant que l’un d’eux ne dispose, à titre individuel, de fonds qui devraient bénéficier à l’ensemble des co-indivisaires.

Dans un arrêt du 6 décembre 2005, la Cour de cassation a rappelé l’importance de cette obligation en censurant une décision qui n’avait pas vérifié que les revenus, en l’occurrence des loyers, avaient effectivement été perçus pour le compte de l’indivision (Cass. 1ère civ., 6 déc. 2005, n° 03-11.489).

Il ressort de cette décision que l’état des revenus perçus doit revêtir un caractère concret, appuyé par des preuves sérieuses, et ne saurait se fonder sur de simples évaluations ou conjectures.

Le second cas concerne les frais exposés pour le compte de l’indivision. Dans cette hypothèse, l’indivisaire qui avance des fonds pour des dépenses nécessaires, telles que des frais d’entretien, des mesures conservatoires ou des travaux d’amélioration, peut inscrire ces dépenses en tant que créance sur l’indivision.

Par exemple, un indivisaire qui finance des réparations urgentes sur un bien indivis ou qui règle des impôts fonciers dans l’intérêt de tous les indivisaires est en droit d’inscrire cette somme au compte d’indivision.

Cet enregistrement des dépenses, bien qu’il ne donne pas nécessairement lieu à un remboursement immédiat, assure que l’indivisaire concerné pourra faire valoir sa créance au moment du partage.

En ce sens, il ne s’agit pas uniquement d’une obligation de transparence, mais d’une garantie pour l’indivisaire contributeur d’être remboursé des frais exposés pour le compte de l’indivision.

L’obligation de tenir un « état » des opérations, qu’il s’agisse de revenus perçus ou de dépenses engagées, est volontairement imprécise dans son expression.

L’article 815-8 fait référence à la notion d’« état », sans définir la forme exacte que ce document doit revêtir.

En pratique, cet état prend la forme d’un relevé chronologique et détaillé, rendant compte des sommes perçues ou dépensées et accompagné des justificatifs nécessaires pour attester de la réalité de chaque transaction. Cette flexibilité permet une adaptation aux circonstances propres de chaque indivision, tout en respectant le principe de traçabilité.

A cet égard, dans son arrêt du 6 décembre 2005 cité précédemment, la Cour de cassation, a confirmé que ce document devait refléter des montants précis et effectivement perçus ou déboursés, plutôt que des valeurs hypothétiques ou non vérifiées.

L’état ainsi tenu doit être suffisamment détaillé pour permettre aux co-indivisaires de comprendre les flux financiers intervenus au sein de l’indivision et d’assurer ainsi une transparence totale sur les contributions respectives.

Dans certains cas spécifiques, tels que la gestion d’une activité commerciale ou agricole par un indivisaire pour le compte de l’indivision, les exigences en matière de preuve se renforcent.

La gestion de ces activités nécessite une comptabilité plus élaborée, intégrant des comptes précis et complets pour documenter les entrées et sorties de fonds liés à l’activité.

Ces circonstances imposent ainsi une adaptation du niveau de preuve, en raison des enjeux financiers souvent plus conséquents et de la nécessité d’assurer une équité entre les indivisaires.

VI) Le règlement des comptes d’indivision

==>L’inscription en compte des créances et des dettes

Le fonctionnement du compte d’indivision repose sur un système d’inscription des créances et des dettes, qui sont consignées au fur et à mesure qu’elles se créent.

Ce système vise non seulement à différer l’exigibilité des créances jusqu’au moment du partage, mais aussi à maintenir une transparence absolue sur les flux financiers relatifs aux biens indivis.

Chaque opération est inscrite en compte, ce qui permet tracer les relations financières intervenant entre les indivisaires et la masse indivise.

L’enregistrement des créances et des dettes emporte transformation juridique de ces dernières en articles de compte. Une fois inscrites, elles perdent, en effet, leur individualité pour se fondre dans un ensemble unique d’où il résulte ce que l’on appelle un solde.

Ainsi, les dettes à terme, bien qu’elles ne soient pas immédiatement exigibles, sont intégrées au débit du compte, garantissant qu’un indivisaire ne puisse percevoir l’intégralité de sa part sans avoir honoré ses obligations envers l’indivision.

==>Compte d’indivision et compensation

Le compte d’indivision se distingue fondamentalement du mécanisme de compensation, car l’indivisaire n’est pas obligé directement envers chacun de ses coïndivisaires, mais bien à l’égard de la masse indivise.

Aussi, le compte d’indivision ne peut-il pas donner lieu à une compensation automatique des créances et dettes, laquelle suppose une exigibilité immédiate des obligations entre parties qui se trouvent mutuellement créancières et débitrices.

Dans le cadre de l’indivision, en revanche, le solde est établi en prenant en compte l’ensemble des créances et dettes, qu’elles soient ou non échues.

Par ailleurs, la notion même de compensation est inapplicable dans le contexte de l’indivision, car elle repose sur un principe de réciprocité qui n’existe pas ici : l’indivision n’est pas une personne morale, et les indivisaires n’agissent pas en tant que créanciers et débiteurs directs entre eux dans ce cadre.

De plus, la balance du compte d’indivision peut être réalisée même en cas de redressement ou de liquidation judiciaire d’un indivisaire, préservant ainsi les droits de l’ensemble des coïndivisaires sans porter atteinte aux créanciers personnels de l’indivisaire concerné.

==>L’imputation des créances et des dettes

S’agissant de l’imputation des créances et dettes inscrites dans le compte d’indivision, elle s’opère uniquement lors de l’établissement du solde final au moment du partage.

Si un indivisaire présente un solde créditeur, il pourra prélever la somme correspondante sur la masse indivise.

À l’inverse, si le solde est débiteur, cet indivisaire devra effectuer un rapport de dette.

Cette règle d’imputation protège les autres indivisaires contre l’insolvabilité éventuelle d’un indivisaire débiteur en permettant d’amortir sa dette sur la part qui lui revient au sein de la masse indivise.

Cette méthode d’allocation réduit les risques financiers pour la communauté, notamment dans les cas où les dettes personnelles d’un indivisaire excéderaient sa part dans l’indivision (Cass. civ., 11 janv. 1937).

En tout état de cause, les créances et les dettes inscrites dans le compte d’indivision produisent des intérêts au taux légal dès leur entrée en compte et jusqu’à la date du partage.

Ce mécanisme de valorisation continue assure que les créanciers ne voient pas leurs droits dévalorisés sous l’effet du temps, garantissant ainsi une juste compensation pour les indivisaires ayant avancé des fonds ou supporté des frais pour la préservation des biens indivis.

 

 

  1. Baudry-Lacantinerie et Wahl, Traité théorique et pratique de droit civil, t. 3, n° 2451. ?
  2. Ripert et Boulanger, Droit civil, t. 4, n° 3069. ?
  3. P. Hébraud, L’instabilité monétaire et les règlements d’intérêt familial, Études Ripert, t. 1, p. 499. ?
  4. J. Flour, Plus-values et fruits de biens indivis, JCP 1943.I.336. ?
  5. G. Champenois, Note sous Civ. 11 janv. 1937, DH 1937, p. 101 ?
  6. J. Patarin, RTD civ. 1982, p. 638 ?
  7. P. Catala, Les règlements successoraux depuis les réformes de 1938 et l’instabilité monétaire, thèse, Montpellier, 1954 ?
  8. P. Hébraud, Le partage des successions, p. 502 ?
  9. G. Champenois, obs. RTD civ. 1980, p. 811. ?
  10. M. Grimaldi, Droit des successions, 13e éd., LGDJ, 2023, p. 522 ?
  11. A. Chavanes, L’établissement des comptes d’indivision, Defrénois, 2010, p. 874. ?

Opérations de partage: le règlement des dettes et charges pesant sur l’indivision

L’indivision, par nature, impose une gestion concertée des actifs et passifs qui la composent. La question du règlement des dettes indivises occupe dès lors une place centrale dans l’administration de ce régime, en ce qu’elle conditionne la préservation du patrimoine commun et l’équilibre des intérêts des coindivisaires. Loin d’être une problématique accessoire, la prise en charge des charges et créances pesant sur l’indivision nécessite l’adoption de solutions adaptées, conciliant impératifs financiers et respect des droits de chacun.

Face aux difficultés inhérentes à toute indivision – notamment le risque de blocage en l’absence de consensus unanime –, le législateur a prévu divers mécanismes permettant d’apurer le passif. Avant d’envisager la cession de biens indivis pour faire face aux obligations financières, il est d’usage de mobiliser en priorité les liquidités disponibles. Cette démarche présente un double avantage : d’une part, elle préserve l’intégrité du patrimoine en évitant une aliénation précipitée ; d’autre part, elle permet une gestion plus souple des finances de l’indivision, sans nécessiter de recours systématique au juge.

Toutefois, l’affectation des ressources liquides à l’apurement des dettes indivises n’est pas sans limites. La décision d’utiliser les fonds disponibles pour solder les créances fait l’objet d’un encadrement strict, tant en ce qui concerne les règles de majorité applicables que les modalités d’intervention du gérant de l’indivision. Lorsqu’une insuffisance de trésorerie empêche le règlement du passif par ce biais, la vente de biens indivis devient alors une alternative incontournable, soit à l’initiative des indivisaires, soit sous la contrainte des créanciers.

Dès lors, il convient d’examiner successivement les deux principales voies de règlement des dettes indivises : le paiement au moyen des liquidités disponibles (A) et, en cas d’insuffisance, le recours à la vente de biens indivis (B).

A) Le règlement des dettes au moyen des liquidités disponibles dans l’indivision

Avant d’envisager la vente des biens indivis, les indivisaires peuvent décider d’affecter les liquidités disponibles — qu’il s’agisse des revenus générés par les biens indivis ou des sommes déjà présentes dans la masse — au paiement des dettes et charges.

Cette solution est généralement privilégiée, car elle permet de préserver l’intégrité du patrimoine indivis tout en désintéressant les créanciers.

1. Les règles de majorité applicables pour affecter les liquidités au paiement des dettes

L’article 815-3 du Code civil permet aux indivisaires représentant au moins deux tiers des droits indivis de prendre certaines décisions de gestion, notamment celle d’affecter les liquidités disponibles au règlement des dettes pesant sur l’indivision.

Les liquidités peuvent provenir de différentes sources :

  • Les loyers perçus sur les biens indivis loués ;
  • Les dividendes versés par une société dans laquelle l’indivision détient des parts sociales ;
  • Les sommes disponibles sur un compte bancaire détenu au nom de l’indivision ;
  • Les avances de fonds réalisées par un ou plusieurs indivisaires.

Exemple pratique :

Si un immeuble indivis est loué et génère des loyers, ou si l’indivision dispose d’un compte bancaire créditeur, les indivisaires majoritaires peuvent décider d’utiliser ces ressources pour payer la taxe foncière, régler les charges de copropriété, ou rembourser un emprunt contracté pour la rénovation du bien.

Cette décision, bien qu’importante, n’exige pas l’unanimité des indivisaires. Toutefois, elle suppose que les indivisaires minoritaires soient préalablement informés de la décision et que cette dernière soit prise dans l’intérêt commun de l’indivision.

Certaines décisions impliquant le paiement de dettes par le biais des liquidités disponibles nécessitent cependant l’accord unanime des indivisaires, notamment lorsqu’il s’agit de dettes contractées conjointement par tous les indivisaires ou de dettes dont le montant dépasse les ressources courantes de l’indivision.

Distinction importante :

  • Les décisions d’administration courante, comme le paiement des charges récurrentes (taxe foncière, primes d’assurance), peuvent être prises à la majorité des deux tiers.
  • Les décisions plus engageantes, telles que le remboursement anticipé d’un emprunt ou la souscription d’un nouvel emprunt, requièrent l’unanimité.

Cette distinction vise à préserver l’équilibre entre les droits des indivisaires minoritaires et la nécessité de gérer efficacement le patrimoine commun.

2. La gestion des dettes par le gérant de l’indivision

Lorsque les indivisaires désignent un gérant pour administrer les biens indivis, ce dernier est habilité à gérer les ressources financières disponibles dans l’indivision et à les affecter au règlement des dettes. Cette gestion doit toutefois respecter les règles de majorité prévues par l’article 815-3 du Code civil.

Le gérant peut ainsi, sans obtenir l’accord unanime des indivisaires :

  • Utiliser les loyers perçus pour payer les taxes et charges liées aux biens indivis ;
  • Affecter les liquidités présentes sur un compte bancaire indivis au règlement des dettes.

Exemple pratique :

Dans le cadre d’une indivision successorale portant sur un immeuble locatif, le gérant désigné peut décider d’affecter les loyers perçus au paiement des charges de copropriété et des travaux d’entretien, sans avoir besoin de l’accord unanime des indivisaires.

Cependant, en cas de désaccord entre les indivisaires sur l’affectation des ressources disponibles ou si le gérant prend des décisions jugées contraires aux intérêts de certains indivisaires, ces derniers peuvent contester la gestion du gérant devant le tribunal judiciaire.

B) Le règlement des dettes au moyen du produit de l’aliénation de biens indivis

Lorsque les liquidités disponibles au sein de l’indivision sont insuffisantes pour apurer le passif, il peut être nécessaire de procéder à la vente de certains biens indivis afin de générer les ressources financières nécessaires au règlement des créanciers.

Cette vente peut être décidée à l’initiative des indivisaires ou imposée par les créanciers, qui disposent d’un droit de gage sur les biens indivis.

1. La vente de meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision

Le règlement des dettes et charges pesant sur l’indivision constitue l’un des principaux motifs justifiant la vente de biens indivis. Deux mécanismes permettent d’y procéder : la vente à l’initiative des indivisaires, décidée à la majorité qualifiée, et la vente à l’instigation des créanciers de l’indivision. Ces dispositifs, bien que distincts dans leur mise en œuvre, visent à surmonter les blocages susceptibles d’entraver le paiement des créances, tout en encadrant les droits des indivisaires et des créanciers.

a. La vente décidée par les indivisaires à la majorité qualifiée

Sous l’empire du droit ancien, l’article 826 du Code civil autorisait la majorité des cohéritiers à décider de la vente publique des meubles, dès lors que celle-ci était jugée nécessaire pour apurer les dettes et charges de la succession. Cette dérogation au principe d’unanimité visait à prévenir les situations de blocage susceptibles d’empêcher le règlement du passif. Elle permettait ainsi d’éviter qu’un indivisaire minoritaire ne fasse obstacle au bon déroulement des opérations successorales, au risque de compromettre la liquidation du patrimoine commun.

Toutefois, cette disposition spécifique n’a pas été réintroduite dans le cadre de la réforme de l’indivision opérée par la loi du 23 juin 2006. À sa place, le législateur a préféré instaurer un dispositif plus souple mais également plus exigeant. Désormais, l’article 815-3, alinéa 1er, 3°, du Code civil confère aux indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis la faculté de procéder à la vente des meubles indivis en vue de régler les dettes et charges pesant sur l’indivision.

Ce dispositif rompt avec le droit antérieur en substituant au décompte par tête un calcul fondé sur les droits indivis détenus. Il vise ainsi à faciliter les ventes de biens meubles indispensables au règlement des dettes et charges, tout en prévenant les abus susceptibles de léser les indivisaires minoritaires.

==>Domaine

La règle énoncée à l’article 815-3, alinéa 1er, 3° vise la seule vente de meubles indivis, qu’ils soient corporels (mobilier, équipements, œuvres d’art) ou incorporels (parts sociales, créances).

Cette restriction reflète la volonté du législateur de réserver la majorité qualifiée à des biens facilement aliénables, tout en laissant aux indivisaires la possibilité de contester la pertinence de telles ventes si elles ne respectent pas les critères fixés par la loi.

Ainsi, tout bien meuble indivis peut être vendu dès lors que la finalité de la cession est de régler les dettes ou charges de l’indivision.

Par exemple, des parts sociales représentant une société civile immobilière ou des œuvres d’art indivises pourraient être cédées si les indivisaires majoritaires justifient que cette vente est nécessaire pour couvrir les frais afférents à l’indivision.

==>Conditions

La vente de meubles indivis ne peut être envisagée que pour des raisons spécifiques et impérieuses : le paiement des dettes et charges de l’indivision.

Ces charges comprennent notamment :

  • Les frais d’entretien ou de réparation nécessaires à la préservation du patrimoine indivis, comme des travaux de rénovation ou d’aménagement?;
  • Les taxes et impôts liés au bien indivis, tels que la taxe foncière ou les taxes locales?;
  • Les dépenses courantes liées à l’exploitation du bien, telles que les frais de gestion locative ou les coûts d’assurance.

En revanche, toute vente motivée par des considérations étrangères à ces impératifs, comme la volonté de se débarrasser d’un meuble jugé encombrant ou inutile, excède le cadre légal.

De telles opérations nécessiteraient alors soit l’unanimité des indivisaires, soit le recours à des mesures conservatoires ou à une autorisation judiciaire prévue par l’article 815-5-1 du Code civil.

==>La majorité qualifiée

Pour qu’une vente soit réalisée, les indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis doivent se prononcer en faveur de la cession.

Cette majorité, calculée en fonction des parts indivises et non du nombre d’indivisaires, permet d’assurer une certaine flexibilité tout en évitant qu’un indivisaire minoritaire puisse s’opposer de manière systématique à une opération indispensable.

Cependant, les indivisaires minoritaires conservent un droit de contrôle sur ces décisions.

Ils peuvent contester la vente si celle-ci excède le cadre de l’exploitation normale des biens indivis ou si elle ne respecte pas les critères légaux, notamment en termes de nécessité et de proportionnalité.

==>Procédure

La vente de meubles indivis en application de l’article 815-3 ne nécessite pas, en principe, l’intervention du juge.

Elle peut être réalisée à l’amiable, à condition que les indivisaires majoritaires respectent les obligations procédurales, notamment :

  • L’information préalable des indivisaires minoritaires?: selon l’article 815-3, alinéa 2, les indivisaires majoritaires sont tenus d’informer les autres indivisaires de la décision de vendre. Cette obligation garantit la transparence et permet aux indivisaires non consultés de contester l’opportunité de la vente si nécessaire.
  • Le respect du critère de proportionnalité : la vente ne doit porter que sur le montant strictement nécessaire au règlement des dettes et charges identifiées. Toute aliénation excédant ce besoin immédiat pourrait être remise en cause par les indivisaires minoritaires.

En permettant la vente de meubles indivis à la majorité qualifiée des deux tiers, l’article 815-3, alinéa 1er, 3° du Code civil introduit une souplesse bienvenue dans la gestion de l’indivision, tout en préservant les droits des indivisaires minoritaires grâce à des garanties procédurales et juridiques. Ce mécanisme, bien qu’exceptionnel, illustre une volonté de concilier efficacité et sécurité juridique dans un domaine marqué par des risques fréquents de blocage.

Cependant, cette faculté doit être exercée avec prudence. Une application abusive ou détournée de cette règle pourrait compromettre l’équilibre fragile entre les droits des indivisaires et la nécessité de gérer l’indivision de manière pragmatique et équitable.

b. La vente à l’initiative des créanciers de l’indivision

L’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil confère aux créanciers de l’indivision un droit de saisie et de vente des biens indivis, qu’ils soient meubles ou immeubles, indépendamment des opérations de partage. Cette prérogative, distincte du droit de prélèvement sur l’actif indivis, leur permet de se faire payer sur le produit de la vente des biens indivis, garantissant ainsi l’effectivité de leurs créances, malgré l’absence de partage.

Sous l’empire du droit ancien, l’article 826 du Code civil, complété par l’article 945 de l’ancien Code de procédure civile, prévoyait la vente publique des meubles successoraux à l’initiative des créanciers saisissants ou d’opposants, ou lorsque la majorité des cohéritiers jugeait la vente nécessaire pour acquitter le passif. La procédure suivait alors les règles des saisies-exécutions fixées par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, offrant ainsi aux créanciers une voie d’exécution sûre et encadrée.

Bien que ces dispositions aient été abrogées par la réforme de 2006, la possibilité pour les créanciers de provoquer la vente des biens indivis demeure. La jurisprudence a clairement confirmé ce droit. La Cour de cassation, notamment dans des arrêts rendus avant et après la réforme, a rappelé que les créanciers peuvent poursuivre la saisie des biens indivis tant que ceux-ci n’ont pas été attribués à un indivisaire dans le cadre d’un partage définitif (Cass. 1re civ., 15 juill. 1999, n° 97-14.361).

Ce droit de saisie des biens indivis constitue ainsi une garantie fondamentale pour les créanciers, en leur permettant d’échapper aux éventuels blocages liés au régime de l’indivision. Il leur offre une faculté d’exécution directe, qui se maintient tant que les biens concernés demeurent dans le périmètre indivis.

==>La prérogative de saisie des biens indivis

Les créanciers de l’indivision, contrairement aux créanciers personnels des indivisaires, bénéficient d’un droit spécifique leur permettant de poursuivre la saisie et la vente judiciaire des biens indivis.

Ces biens incluent non seulement ceux présents au moment de la formation de l’indivision, mais également ceux qui y sont intégrés ultérieurement par subrogation réelle, tels que les fruits et revenus produits par les biens indivis.

Toutefois, la sécurité des créanciers peut être affectée dans certaines situations. Par exemple, un immeuble acquis par un indivisaire en son nom propre avec des fonds indivis pourrait échapper au gage des créanciers de l’indivision, ceux-ci ne pouvant s’opposer aux droits du créancier personnel de cet indivisaire. Cette difficulté souligne l’importance de définir précisément l’assiette des biens indivis soumis au droit de saisie.

==>Modalités de la saisie et de la vente

La saisie des biens indivis doit être dirigée contre chaque indivisaire individuellement en raison de l’absence de personnalité juridique de l’indivision.

Les créanciers ne peuvent donc engager d’action contre « l’indivision » en tant qu’entité autonome.

La saisie peut viser des biens meubles ou immeubles, ainsi que des créances indivises. La vente s’effectue généralement par voie de licitation, sauf accord contraire entre les parties (Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, n° 93-11.317).

==>La portée et les limites du droit de saisie

Le droit de saisie des créanciers de l’indivision s’applique jusqu’au moment du partage définitif.

Une fois les biens indivis aliénés ou attribués à des indivisaires dans le cadre d’un partage, ils cessent de faire partie du gage des créanciers de l’indivision et deviennent soumis aux droits des créanciers personnels des indivisaires concernés.

Toutefois, l’effet déclaratif du partage n’altère pas les droits acquis par les créanciers de l’indivision avant le partage. Ces derniers conservent leur capacité à poursuivre la réalisation des biens indivis tant que ces biens font partie de la masse indivise.

Il convient également de noter que ce droit de saisie ne confère pas au créancier un droit exclusif sur les biens indivis. Les créanciers doivent partager leur gage avec les autres créanciers de l’indivision et se conformer aux priorités fixées par la loi, notamment lorsque plusieurs créanciers revendiquent des droits concurrents sur le même bien.

==>Extinction du droit de saisie et de vente des biens indivis

Le droit de saisie des créanciers trouve ses limites dans deux circonstances principales : le partage définitif et l’aliénation des biens indivis.

  • Le partage définitif
    • Principe
      • Le partage constitue l’acte par lequel l’indivision prend fin et les biens indivis sont attribués en pleine propriété à chacun des indivisaires, selon leurs droits respectifs.
      • Dès lors qu’un partage définitif intervient, les biens sortent du régime de l’indivision et, par conséquent, des mécanismes spécifiques prévus par l’article 815-17 du Code civil, qui confèrent aux créanciers la possibilité de saisir les biens indivis.
      • Il en résulte que, une fois le partage réalisé, les biens indivis cessent de constituer le gage commun des créanciers de l’indivision.
      • Les créanciers ne peuvent plus exercer leurs droits sur l’ensemble des biens indivis, mais uniquement sur ceux attribués à l’indivisaire débiteur.
      • Par ailleurs, en vertu de l’article 883 du Code civil, le partage est censé rétroagir à la date d’ouverture de l’indivision.
      • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, ce qui peut compliquer la position des créanciers pour les actions intentées avant le partage.
    • Exception
      • Un partage provisionnel, qui organise simplement la jouissance des biens sans en modifier la propriété, ne constitue pas une véritable dissolution de l’indivision.
      • Dans ce cas, les créanciers conservent leur droit de saisie sur les biens indivis.
      • Par exemple, une convention attribuant temporairement la jouissance d’un immeuble indivis à l’un des indivisaires n’empêche pas les créanciers de poursuivre la saisie de ce bien.
  • L’aliénation des biens indivis
    • Lorsqu’un bien indivis est vendu ou transféré à un tiers, il sort du patrimoine indivis et, par conséquent, du gage commun des créanciers de l’indivision.
    • Les créanciers ne peuvent alors plus exercer leur droit de poursuite sur ce bien, sauf exceptions prévues par le droit commun.
    • La Cour de cassation a confirmé ce principe dans un arrêt du 15 mai 2002 aux termes duquel elle a jugé que les biens indivis transférés à des tiers ne peuvent plus être saisis par les créanciers de l’indivision (Cass. 1ère civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).
    • Ces derniers doivent alors engager leurs poursuites contre les nouveaux propriétaires du bien ou contre le débiteur initial, mais sans bénéficier des mécanismes propres à l’indivision.
    • La conséquence pour les créanciers est alors double
      • Premier effet
        • Une fois le bien vendu, les créanciers doivent se tourner vers le produit de la vente si celui-ci est resté dans le patrimoine indivis, ou exercer leurs droits sur d’autres biens de l’indivision ou sur le patrimoine propre de l’indivisaire débiteur.
      • Second effet
        • Contrairement à certaines hypothèses en droit des sûretés, les créanciers ne disposent pas de mécanismes spécifiques pour revendiquer un bien indivis aliéné à un tiers, sauf si l’aliénation a été réalisée en fraude de leurs droits, auquel cas une action paulienne peut être envisagée (article 1341-2 du Code civil).

==>Cas particuliers

  • Le cas particulier des créanciers hypothécaires
    • Les créanciers hypothécaires jouissent d’un régime particulier lorsqu’ils ont consenti leur hypothèque sur des biens indivis.
    • L’hypothèque, quelle que soit sa nature (conventionnelle, judiciaire ou légale), échappe à l’effet déclaratif du partage.
    • Elle conserve ainsi sa pleine efficacité, même après l’attribution du bien grevé à un indivisaire spécifique ou sa licitation au profit d’un tiers.
    • Cela garantit au créancier hypothécaire une sécurité renforcée, bien que sa situation puisse différer de celle des créanciers de l’indivision selon les modalités de l’hypothèque.
  • Le cas particulier de l’attribution éliminatoire
    • L’attribution éliminatoire, qui permet à un indivisaire de prélever un bien précis en contrepartie d’une indemnité destinée à couvrir les droits des autres indivisaires, n’a pas pour effet de limiter le gage des créanciers sur les biens restant dans l’indivision.
    • La doctrine et la jurisprudence s’accordent à considérer que cette attribution n’affecte pas les droits des créanciers de l’indivision.
    • Aussi, les biens restant dans l’indivision continuent de constituer un gage pour les créanciers, préservant ainsi leurs droits sur l’ensemble des actifs indivis subsistants.

2. La vente des biens indivis par voie d’autorisation judiciaire

Historiquement, la possibilité de vendre des biens indivis sans l’accord unanime des copartageants était étroitement limitée. Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 826 du Code civil n’envisageait que deux hypothèses de vente forcée, strictement encadrées et exclusivement liées au règlement du passif successoral. En dehors de ces cas spécifiques, toute aliénation de biens indivis nécessitait le consentement unanime des indivisaires. Ce principe rigoureux, ancré dans l’idéal de l’égalité en nature dans le partage, empêchait même le juge d’imposer une vente, quelle que soit l’opportunité économique qu’elle pouvait représenter.

Cependant, la jurisprudence a progressivement assoupli cette exigence d’unanimité, notamment pour les biens meubles sujets à dépérissement. Dès 1871, la Cour d’appel de Rouen avait ainsi jugé que la vente de tels biens pouvait être ordonnée à la demande d’un ou plusieurs indivisaires, malgré l’opposition des autres (CA Rouen, 16 mars 1871). Cette solution, dictée par des considérations pratiques et économiques, visait à éviter une perte irrémédiable de valeur ou des charges de conservation disproportionnées qui auraient compromis l’intérêt commun.

Cette jurisprudence a trouvé une consécration législative dans la réforme de 2006, qui a introduit la notion d’acte conservatoire. Désormais, l’article 784, 2° du Code civil autorise les indivisaires à prendre toute mesure nécessaire à la préservation du patrimoine indivis, incluant la vente de biens périssables ou dont le coût de conservation serait déraisonnable. Comme le souligne Jean Patarin, « la qualification d’acte conservatoire légitime une vente rapide pour éviter la perte de valeur du bien ou les coûts inutiles de conservation ».

Cette faculté de solliciter l’adoption de mesures conservatoires a, par suite, été complétée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, qui a introduit l’article 815-5-1 du Code civil. Contrairement aux mesures conservatoires, cette disposition confère aux indivisaires réunissant au moins deux tiers des droits indivis la faculté de solliciter une autorisation judiciaire pour aliéner un bien indivis, qu’il soit meuble ou immeuble. Cette demande peut être formulée lorsque le bien ne peut être commodément partagé ou lorsque sa conservation génère des charges disproportionnées. Ce mécanisme constitue une avancée majeure par rapport à l’article 815-5, car il n’exige pas de démontrer un péril imminent menaçant l’intérêt commun.

L’intervention judiciaire prévue par l’article 815-5-1 tend ainsi à donner effet à la volonté des indivisaires majoritaires, tout en encadrant cette prérogative par un contrôle juridictionnel rigoureux. L’objectif affiché est de surmonter les situations de blocage en adaptant la gestion de l’indivision aux contraintes économiques. La doctrine considère d’ailleurs que cette disposition marque une rupture avec le droit antérieur, en favorisant une gestion plus pragmatique de l’indivision.

a. Les conditions d’application

==>Conditions négatives

L’autorisation judiciaire prévue à l’article 815-5-1 du Code civil est strictement encadrée par deux conditions négatives, qui visent à protéger des situations spécifiques où les droits ou intérêts de certains indivisaires pourraient être compromis.

Ces restrictions traduisent une volonté d’équilibre entre l’efficacité de la gestion des biens indivis et la sauvegarde des droits des parties les plus vulnérables.

  • L’exclusion en cas de démembrement de propriété
    • Le texte exclut toute application de l’article 815-5-1 lorsqu’un bien indivis est grevé d’un démembrement de propriété, tel que l’usufruit ou la nue-propriété.
    • Cette interdiction repose sur une préoccupation fondamentale : préserver les droits de l’usufruitier, dont la jouissance effective du bien pourrait être mise en péril par une vente imposée.
    • En effet, dans le cadre d’un démembrement, la propriété se scinde en droits distincts et complémentaires — l’usufruit et la nue-propriété —, dont les titulaires ne partagent pas les mêmes intérêts ni obligations.
    • L’aliénation forcée de la pleine propriété, bien qu’initiée par les nus-propriétaires majoritaires, risquerait d’emporter des conséquences disproportionnées pour l’usufruitier.
    • Celui-ci, souvent désigné en raison de sa situation personnelle (par exemple, un conjoint survivant jouissant du logement familial), se verrait contraint de renoncer à un droit essentiel, sa jouissance, sans possibilité de s’y opposer pleinement.
    • Ainsi, cette restriction constitue un garde-fou pour éviter que les équilibres inhérents au démembrement ne soient rompus au détriment des parties les plus exposées.
  • L’exclusion en présence d’un indivisaire protégé ou éloigné
    • La seconde limitation, tout aussi significative, interdit le recours à l’article 815-5-1 lorsque l’un des indivisaires se trouve dans l’une des situations énoncées à l’article 836 du Code civil :
      • Présomption d’absence,
      • Impossibilité de manifester sa volonté en raison d’un éloignement,
      • Placement sous un régime de protection juridique.
    • Cette disposition vise à garantir que les indivisaires les plus vulnérables, incapables d’exprimer leur consentement ou de défendre leurs intérêts, ne soient pas lésés par une décision prise en leur absence.
    • Le législateur a ainsi voulu prévenir le risque d’abus ou d’iniquité, notamment dans des contextes où les autres indivisaires pourraient exploiter une telle situation pour imposer une aliénation.
    • Cependant, cette condition négative, si elle protège les droits des indivisaires concernés, peut également engendrer des blocages prolongés.
    • Par exemple, la vente d’un bien indivis pourrait être retardée pendant plusieurs années en cas de présomption d’absence, au détriment de l’intérêt collectif.
    • De même, un indivisaire sous protection juridique pourrait, malgré la présence d’un curateur ou d’un tuteur, faire obstacle à une aliénation pourtant bénéfique à tous.

==>Conditions positives

Pour que l’autorisation judiciaire prévue à l’article 815-5-1 du Code civil puisse être délivrée, deux conditions positives doivent être simultanément réunies. Ces critères, à la fois pragmatiques et protecteurs, visent à concilier la volonté des indivisaires majoritaires avec le respect des droits des minoritaires.

  • Majorité des deux tiers des droits indivis : la prééminence de la majorité économique
    • La première condition impose que la demande d’autorisation émane d’un ou plusieurs indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis.
    • Ce seuil, établi sur la proportion des droits et non sur le nombre d’indivisaires, consacre la prédominance de la majorité économique.
    • Ainsi, un indivisaire unique possédant plus des deux tiers des droits peut, à lui seul, initier la procédure, même si les autres indivisaires sont numériquement supérieurs.
    • Cette règle, inspirée des mécanismes propres aux entités dotées de personnalité morale, introduit une forme de gouvernance majoritaire dans le cadre de l’indivision.
    • Elle vise à limiter les blocages, en permettant aux indivisaires majoritaires de surmonter l’opposition d’une minorité.
    • Toutefois, cette prééminence de la majorité économique interroge sur son adéquation avec les principes fondamentaux du droit de propriété.
    • En effet, l’article 815-5-1 confère aux indivisaires majoritaires le pouvoir d’imposer une aliénation, potentiellement contraire à la volonté des minoritaires, ce qui peut apparaître comme une forme d’expropriation privée.
    • Si cette disposition a été jugée conforme aux exigences constitutionnelles, elle n’en demeure pas moins sujette à débat, notamment en ce qu’elle remet en question l’unanimité comme garantie traditionnelle des droits de chacun.
  • Absence d’atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires : une protection nuancée
    • La seconde condition impose que l’aliénation envisagée ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires.
    • Ce critère, d’apparence simple, recèle une complexité d’interprétation qui en limite la portée pratique.
      • Une approche subjective : le préjudice moral ou affectif
        • Une lecture subjective de l’atteinte excessive pourrait conduire le juge à examiner l’impact moral ou affectif de l’aliénation sur les indivisaires minoritaires.
        • Cette approche pourrait, par exemple, tenir compte de l’attachement personnel à un bien familial ou des conséquences psychologiques d’une vente forcée.
        • Toutefois, une telle interprétation risque de priver d’effectivité le mécanisme de l’article 815-5-1, dans la mesure où toute opposition des minoritaires repose, par hypothèse, sur des raisons personnelles.
      • Une approche objective : le respect des garanties procédurales
        • À l’inverse, une lecture objective de la notion d’atteinte excessive pourrait limiter l’examen du juge aux seules garanties procédurales, telles que la régularité de la procédure ou l’équité dans la répartition des fruits de la vente.
        • Si cette approche permet de préserver l’efficacité du dispositif, elle réduit toutefois considérablement la protection offerte aux indivisaires minoritaires, en négligeant les dimensions émotionnelles et sociales de leur opposition.
    • En définitive, le juge doit trouver un équilibre délicat entre ces deux approches, afin de garantir une application à la fois efficace et équitable de l’article 815-5-1.
    • Ce critère, bien que fondamental pour préserver les droits des minoritaires, reflète les tensions inhérentes à toute tentative de concilier les intérêts divergents au sein d’une indivision.

b. La procédure d’autorisation

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, instaure une procédure dérogatoire à la règle de l’unanimité en matière d’indivision.

Ce texte permet à un ou plusieurs indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis de demander l’autorisation judiciaire de vendre un bien indivis, même en cas d’opposition des indivisaires minoritaires.

Cette procédure se déploie en deux phases distinctes, chacune encadrée par des règles spécifiques.

==>La phase devant notaire

La procédure débute obligatoirement devant notaire, dont le rôle est central dans la mise en œuvre du mécanisme d’aliénation.

  • Déclaration d’intention d’aliéner par les indivisaires majoritaires
    • Selon l’alinéa 2 de l’article 815-5-1, les indivisaires majoritaires doivent exprimer devant notaire leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis.
    • Cette déclaration, formalisée dans un acte notarié, constitue le point de départ de la procédure et marque la volonté des majoritaires de passer outre l’opposition des minoritaires.
  • Notification aux indivisaires minoritaires
    • L’alinéa 3 de l’article 815-5-1 impose au notaire de notifier cette déclaration aux indivisaires minoritaires dans un délai d’un mois.
    • La notification, effectuée par ministère d’huissier, informe les minoritaires de l’intention d’aliéner et leur ouvre un délai pour réagir.
  • Réponse des indivisaires minoritaires
    • À compter de la notification, les indivisaires minoritaires disposent d’un délai de trois mois pour manifester leur opposition ou donner leur consentement à l’aliénation, conformément à l’alinéa 4 de l’article 815-5-1. Le silence des minoritaires vaut opposition implicite, renforçant ainsi leur droit de ne pas se prononcer activement.
  • Procès-verbal de difficultés
    • Si une opposition est exprimée ou si les indivisaires minoritaires demeurent silencieux, le notaire dresse un procès-verbal de difficultés.
    • Ce document consigne les désaccords ou l’absence de réponse, formalisant ainsi l’échec de la phase notariale.
    • Ce procès-verbal est indispensable pour initier la phase judiciaire.

==>La phase devant le juge

Lorsque l’opposition persiste, la procédure se poursuit devant le tribunal judiciaire, conformément à l’alinéa 5 de l’article 815-5-1.

  • Saisine du tribunal
    • Les indivisaires majoritaires, disposant du procès-verbal de difficultés, saisissent le tribunal judiciaire pour obtenir une autorisation d’aliéner le bien indivis.
    • Cette saisine déclenche l’examen juridictionnel des conditions posées par la loi.
  • Examen des conditions par le juge
    • Aux termes de l’alinéa 5 de l’article 815-5-1, le tribunal doit s’assurer que :
      • Les demandeurs détiennent au moins deux tiers des droits indivis.
      • L’aliénation ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires.
    • Le tribunal peut également tenir compte des circonstances particulières de l’affaire, telles que les motifs d’opposition des minoritaires ou l’intérêt collectif à l’aliénation.
  • Autorisation et licitation
    • Si les conditions légales sont remplies, le tribunal autorise la vente, qui doit s’effectuer par voie de licitation, conformément à l’alinéa 6 de l’article 815-5-1.
    • Ce mode de vente garantit la transparence et l’égalité de traitement entre les indivisaires, en attribuant le bien au plus offrant lors d’une vente aux enchères.
  • Opposabilité de la décision
    • Une fois l’autorisation délivrée, l’aliénation devient opposable à tous les indivisaires, y compris à ceux ayant exprimé leur opposition.
    • L’alinéa 7 de l’article 815-5-1 précise que cette opposabilité s’étend également aux indivisaires qui n’auraient pas été formellement notifiés, sous réserve du respect des conditions procédurales.

c. Les effets de l’autorisation judiciaire

==>À l’égard des indivisaires

L’autorisation délivrée par le tribunal s’impose à tous les indivisaires, qu’ils aient donné leur consentement ou exprimé leur opposition à la vente. En vertu de l’alinéa 7 de l’article 815-5-1, cette décision rend l’aliénation opposable à chacun d’eux, ce qui signifie que le transfert de propriété s’opère comme si tous avaient consenti à l’acte.

Cependant, cette opposabilité ne crée pas d’obligation personnelle pour les indivisaires minoritaires.

En d’autres termes, ces derniers ne sont pas considérés comme parties à l’acte de vente et ne peuvent être tenus responsables, par exemple, des garanties attachées à la chose vendue (telle que la garantie des vices cachés).

Ils demeurent juridiquement tiers à l’acte, même s’ils doivent en supporter les conséquences pratiques, notamment la perte de leurs droits sur le bien vendu.

==>À l’égard des tiers

Pour les tiers acquéreurs, l’autorisation judiciaire constitue une garantie essentielle de sécurité juridique.

Elle certifie que la vente est opposable à tous les indivisaires, qu’ils aient consenti ou non à l’aliénation. Cette opposabilité protège les tiers contre toute contestation ultérieure pouvant émaner des indivisaires minoritaires.

En pratique, cela signifie que le tiers acquéreur peut être certain de la validité de son titre de propriété et de l’impossibilité pour les indivisaires minoritaires de remettre en cause la vente.

Cette sécurité renforce l’attractivité économique du bien, en favorisant des ventes rapides et à des conditions avantageuses, tout en évitant les litiges postérieurs à l’aliénation.

==>Sur le produit de la vente

L’autorisation judiciaire ne met pas un terme à l’indivision, mais transforme le bien vendu en une somme d’argent répartie entre les indivisaires selon leurs droits respectifs, conformément à l’alinéa 6 de l’article 815-5-1.

Ce mécanisme de subrogation permet de maintenir l’équilibre des droits de chaque indivisaire, tout en facilitant la gestion du produit de la vente.

  • Répartition entre les indivisaires
    • Le prix obtenu est réparti proportionnellement aux droits indivis de chacun.
    • Cette répartition reflète les parts initiales détenues dans l’indivision et garantit une juste compensation pour chaque indivisaire, qu’il ait consenti ou non à la vente.
  • Interdiction du remploi pour une nouvelle indivision
    • Afin d’éviter la reconstitution des blocages qui avaient motivé l’aliénation, l’article 815-5-1 prohibe le remploi des fonds pour l’acquisition d’un nouveau bien indivis.
    • Cette interdiction vise à encourager les indivisaires à sortir définitivement de l’indivision et à privilégier des solutions individuelles.
  • Paiement des dettes et charges
    • Une exception à l’interdiction de remploi est toutefois prévue pour le règlement des dettes et charges liées à l’indivision.
    • Cette obligation qui pèse sur les indivisaires permet de solder les dettes communes avant la distribution du reliquat entre les indivisaires, renforçant ainsi la sécurité juridique et financière de l’opération.

Opérations de partage: le recensement des dettes et charges pesant sur l’indivision

Le recensement des dettes et charges pesant sur l’indivision constitue une étape indispensable avant toute opération de partage. Il s’agit d’identifier précisément les obligations financières qui grèvent la masse indivise afin de garantir une liquidation équitable et d’éviter toute contestation ultérieure. Ce recensement, souvent effectué par le notaire commis à la liquidation, doit être exhaustif et précis. Il concerne aussi bien les dettes externes, dues à des créanciers tiers, que les dettes internes, résultant des relations financières entre les indivisaires.

Le Code civil, à travers l’article 815-8, impose une obligation de transparence dans la gestion de l’indivision. Toute personne percevant des revenus ou engageant des dépenses pour le compte de l’indivision est tenue d’en tenir un état détaillé, comprenant les dettes contractées et les charges nécessaires à la conservation des biens indivis.

A) Les créances des tiers sur l’indivision

Les dettes externes concernent les obligations financières que l’indivision doit à des tiers, notamment les créanciers fiscaux, les établissements de crédit ou les copropriétés. Ces créances doivent être réglées en priorité, sous peine de poursuites contre la masse indivise.

1. Les dettes fiscales

Les biens indivis sont naturellement grevés d’obligations fiscales, dont le paiement incombe directement aux indivisaires. Ces dettes doivent impérativement être apurées avant toute opération de partage, sous peine de voir les créanciers fiscaux exercer des poursuites sur la masse indivise.

En effet, l’administration fiscale dispose de prérogatives spécifiques lui permettant de garantir le recouvrement de ses créances, notamment par le biais d’une hypothèque légale inscrite sur les biens indivis en application de l’article 1929-1 du Code général des impôts.

==>La taxe foncière

La taxe foncière est une imposition annuelle qui frappe la propriété immobilière, indépendamment de son usage ou de sa jouissance. En matière d’indivision, la jurisprudence a confirmé que cette taxe doit être répartie entre les indivisaires proportionnellement à leurs droits, en tant que dépense nécessaire à la conservation des biens indivis.

Ainsi, même si un indivisaire occupe seul le bien indivis, cela ne le dispense pas de partager la charge de la taxe foncière avec les autres indivisaires. Cette imposition est directement liée à la propriété du bien, et non à son occupation.

Exemple pratique :

Dans un arrêt du 16 avril 2008, la Cour de cassation a jugé que la taxe foncière devait être supportée par tous les indivisaires, y compris lorsque le bien est occupé à titre privatif par l’un d’entre eux (Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n° 07-12.224).

==>La taxe d’habitation

Avant sa suppression progressive depuis 2021 pour les résidences principales, la taxe d’habitation était due par le résident occupant le bien au 1er janvier de l’année d’imposition. Contrairement à la taxe foncière, cette taxe repose sur la jouissance effective du bien et pèse exclusivement sur celui qui l’occupe à titre privatif.

Dans un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour de cassation a précisé que la taxe d’habitation devait être supportée par l’indivisaire occupant le bien, à moins qu’un accord entre les indivisaires n’en dispose autrement (Cass. 3e civ., 5 déc. 2018, n° 17-31.189).

Exemple pratique :

Si un indivisaire occupe seul un appartement indivis à titre de résidence principale, la taxe d’habitation due au 1er janvier de l’année sera entièrement à sa charge. Toutefois, un accord entre les indivisaires peut prévoir une répartition différente.

==>Les droits de succession

Dans le cadre d’une indivision successorale, les droits de succession constituent une dette prioritaire que les héritiers doivent régler avant toute opération de partage ou d’aliénation des biens indivis.

L’article 1929-1 du Code général des impôts confère à l’administration fiscale le droit d’inscrire une hypothèque légale sur les biens indivis en garantie du paiement des droits de succession. Cette hypothèque peut bloquer toute vente ou partage du bien jusqu’au règlement intégral de la créance fiscale.

Exemple pratique :

Un immeuble indivis, évalué à 500 000 €, est grevé de droits de succession s’élevant à 50 000 €. Si les héritiers n’acquittent pas ces droits, l’administration fiscale peut inscrire une hypothèque légale sur l’immeuble. Cette hypothèque rend impossible toute cession du bien sans que le fisc soit préalablement désintéressé.

Dans un arrêt du 10 mai 2011, la Cour de cassation a rappelé que les créances fiscales disposent d’un rang prioritaire, et que leur non-paiement peut justifier une vente judiciaire des biens indivis pour apurer le passif (Cass. com., 10 mai 2011, n°10-14.101).

2. Les emprunts contractés au bénéfice de l’indivision

Les biens indivis peuvent nécessiter des financements spécifiques, notamment pour leur acquisition ou leur conservation. À cette fin, les indivisaires peuvent être amenés à souscrire des emprunts collectifs, qui constituent des dettes communes devant être apurées avant tout partage. Bien que l’indivision elle-même ne puisse contracter un emprunt, en l’absence de personnalité morale, les indivisaires peuvent s’engager conjointement auprès d’un créancier pour les besoins de la masse indivise.

Les emprunts contractés par les indivisaires peuvent être regroupés en deux grandes catégories selon leur moment de souscription :

  • Les emprunts souscrits avant l’ouverture de l’indivision
    • Ces emprunts concernent généralement les dettes successorales, telles que les prêts immobiliers contractés par le défunt avant son décès.
    • À l’ouverture de la succession, ces dettes se transmettent aux héritiers, qui deviennent débiteurs du solde restant dû.
    • Chaque indivisaire est alors tenu au remboursement de l’emprunt, à proportion de sa quote-part successorale.
    • Cette répartition est essentielle pour éviter tout déséquilibre entre les cohéritiers.
      • Exemple pratique :
        • Un défunt laisse un immeuble grevé d’un prêt immobilier. À l’ouverture de la succession, les héritiers doivent poursuivre le remboursement de ce prêt, proportionnellement à leurs parts dans la masse successorale.
        • Si l’un d’eux refuse de payer, les autres héritiers devront régler les échéances pour éviter tout contentieux avec la banque, mais pourront demander une compensation lors du partage.
  • Les emprunts contractés pendant l’indivision
    • Les indivisaires peuvent également souscrire un emprunt après l’ouverture de l’indivision, par exemple pour financer des travaux de conservation ou d’amélioration d’un bien indivis.
    • Ces emprunts doivent être souscrits avec l’accord des indivisaires majoritaires, conformément à l’article 815-3 du Code civil, qui encadre les actes d’administration.
    • Dans ce cas, chaque indivisaire devient personnellement tenu du remboursement envers le créancier, proportionnellement à ses droits dans l’indivision.
    • Toutefois, la responsabilité des indivisaires peut être solidaire, en fonction des termes du contrat de prêt.
      • Exemple pratique :
        • Dans le cadre d’une indivision successorale portant sur un immeuble nécessitant des travaux de rénovation, les indivisaires décident de contracter un emprunt collectif.
        • Chaque indivisaire est alors tenu de rembourser une part de cet emprunt, à proportion de ses droits dans l’indivision.
        • Si l’un des indivisaires fait défaut, les autres indivisaires doivent couvrir les échéances impayées, mais pourront demander une compensation lors du partage.

Lorsqu’un emprunt est contracté au bénéfice de l’indivision, le créancier conserve la possibilité de poursuivre chacun des indivisaires pour l’intégralité de la dette, sauf stipulation contraire dans le contrat. Cette solidarité emporte des conséquences importantes :

  • Le créancier peut exiger le remboursement total auprès d’un seul indivisaire ;
  • L’indivisaire ayant réglé la totalité de la dette peut exercer un recours contre les autres co-emprunteurs, afin de récupérer leur part de la dette.

Dans un arrêt du 23 janvier 2001, la Cour de cassation a rappelé que l’indivisaire qui prend en charge les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis dispose d’une créance sur la masse indivise (Cass. 1ère civ. 23 janv. 2001, n° 98-22.937). Ce principe peut être appliqué aux emprunts souscrits pour financer de tels travaux, permettant à l’indivisaire ayant réglé les échéances de demander une compensation lors du partage.

Si un indivisaire ne s’acquitte pas de sa part des échéances d’un emprunt collectif, le créancier peut poursuivre l’ensemble des co-emprunteurs. Cette situation peut créer un déséquilibre financier au sein de l’indivision, notamment si les indivisaires solvables doivent couvrir les impayés de l’indivisaire défaillant.

Cependant, ces indivisaires peuvent ensuite se retourner contre l’indivisaire défaillant, notamment en demandant l’imputation de la dette sur sa part lors du partage final. Ce mécanisme permet de préserver l’équité entre les indivisaires.

Exemple pratique :

Un héritier refuse de contribuer au remboursement d’un prêt souscrit pour rénover un immeuble indivis. Les autres indivisaires prennent en charge les échéances pour éviter un défaut de paiement auprès de la banque. Lors du partage, ils demanderont que le montant de la dette soit imputé sur la part de l’indivisaire défaillant.

3. Les charges d’entretien et de copropriété

La gestion des biens indivis implique nécessairement l’acquittement de charges d’entretien et de gestion courante. Ces dépenses, indispensables à la préservation du patrimoine commun, constituent des obligations incontournables pour les indivisaires. Toutefois, elles peuvent rapidement devenir une source de discordes, notamment en cas de défaut de contribution de certains indivisaires ou lorsqu’un indivisaire occupe privativement le bien sans assumer les frais afférents.

Ces charges, qui grèvent directement la masse indivise, se répartissent en plusieurs catégories distinctes, chacune répondant à des besoins spécifiques en matière de conservation et de gestion des biens.

  • Les frais d’entretien courant
    • Les biens indivis, qu’il s’agisse d’immeubles ou de meubles, nécessitent des dépenses régulières pour maintenir leur valeur et éviter leur dégradation. Ces frais incluent notamment :
      • Les réparations urgentes, destinées à prévenir des dommages susceptibles d’affecter durablement le bien ;
      • Les travaux de rénovation, visant à mettre le bien en conformité avec les normes en vigueur ou à améliorer son état général ;
      • Les frais de gestion courante, tels que les prestations d’entretien ou les honoraires de gestion locative.
    • Ces dépenses bénéficient à l’ensemble des indivisaires, puisqu’elles préservent ou augmentent la valeur du bien indivis. En conséquence, elles doivent être prises en charge proportionnellement aux droits de chacun dans l’indivision.
    • Conformément à l’article 815-13 du Code civil, l’indivisaire qui a engagé des frais nécessaires à la conservation du bien peut obtenir le remboursement de ses dépenses lors du partage, sous réserve de prouver leur caractère utile et nécessaire.
      • Exemple pratique :
        • Si la toiture d’un immeuble indivis est endommagée, un indivisaire peut décider d’engager les travaux nécessaires pour éviter une dégradation supplémentaire du bien. Lors du partage, il pourra demander à ce que les frais engagés soient inscrits à son actif dans le compte d’indivision, afin d’obtenir une compensation financière.
  • Les charges de copropriété
    • Lorsque le bien indivis est situé dans une résidence soumise au régime de la copropriété, les indivisaires doivent participer au paiement des charges de copropriété, proportionnellement à leurs droits.
    • Ces charges incluent :
      • Les frais d’entretien des parties communes, tels que l’entretien des ascenseurs, des jardins ou des couloirs ;
      • Les frais de gestion administrative, comprenant les honoraires du syndic et les assurances souscrites par la copropriété ;
      • Les appels de fonds exceptionnels, destinés à financer des travaux votés en assemblée générale.
    • En cas de défaillance dans le paiement de ces charges, le syndic peut engager des poursuites contre l’ensemble des indivisaires, conformément aux dispositions de l’article 1200 du Code civil, qui régit la solidarité passive des débiteurs.
      • Exemple pratique :
        • Un appartement indivis situé dans une copropriété fait l’objet d’une réhabilitation des parties communes, votée en assemblée générale.
        • Chaque indivisaire doit contribuer au règlement des appels de fonds, proportionnellement à ses droits.
        • Si certains indivisaires refusent de payer, le syndic peut assigner l’indivision dans son ensemble devant le tribunal et demander l’inscription d’une hypothèque légale sur le bien indivis, en application de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1965.
  • Les primes d’assurance
    • Les biens indivis doivent être assurés afin de prévenir les risques liés aux sinistres, tels que les incendies, les dégâts des eaux ou encore les vols.
    • Les indivisaires doivent souscrire une assurance multirisque habitation couvrant les biens indivis et répartir le coût de la prime en fonction de leurs droits respectifs.
    • L’absence d’assurance expose les indivisaires à des risques considérables, notamment en cas de sinistre non couvert.
    • Le créancier (compagnie d’assurance) peut alors se retourner contre la masse indivise pour obtenir le remboursement des sommes dues.
      • Exemple pratique :
        • Si un immeuble indivis est détruit par un incendie et qu’aucune assurance n’a été souscrite, les pertes seront supportées par l’ensemble des indivisaires, sans possibilité d’indemnisation.
        • À l’inverse, si une assurance a été contractée, l’indemnisation versée par l’assureur sera répartie entre les indivisaires selon leurs droits.

Les frais d’entretien, les charges de copropriété ou les primes d’assurance afférentes aux biens indivis constituent des dépenses récurrentes, indispensables à la préservation du patrimoine commun. Ces obligations financières, essentielles au bon fonctionnement de l’indivision, exposent néanmoins les indivisaires à au mécanisme de la solidarité passive, permettant aux créanciers d’exiger le paiement intégral de la dette auprès de l’un quelconque d’entre eux.

Ces dépenses, indispensables à la préservation et à la valorisation des biens indivis, pèsent sur l’ensemble des indivisaires, proportionnellement à leurs droits dans l’indivision. Toutefois, leur prise en charge peut susciter des difficultés pratiques, notamment en cas de défaillance d’un ou plusieurs indivisaires. Pour garantir le règlement des sommes dues, les créanciers bénéficient d’un régime de solidarité passive, qui leur permet de poursuivre l’un quelconque des indivisaires pour le paiement intégral de la dette.

Cette règle, avantageuse pour les créanciers, peut toutefois engendrer des tensions au sein de l’indivision. En effet, les indivisaires solvables peuvent être contraints de supporter les impayés des indivisaires défaillants, créant ainsi un déséquilibre financier. Afin de rétablir l’équité, ceux qui ont payé au-delà de leur quote-part peuvent exercer un recours contre les indivisaires défaillants, en demandant l’imputation des sommes avancées lors de la liquidation finale.

Pour les charges de copropriété, la solidarité passive a été instituée par la jurisprudence. Dans un arrêt du 9 février 1970, la Cour de cassation a rappelé que le syndic de copropriété peut poursuivre l’ensemble des indivisaires pour le paiement des charges impayées, et ce, indépendamment de leur participation réelle aux décisions prises en assemblée générale (Cass. 3e civ. 9 févr. 1970, n° 68-13.306).

Ce principe permet au créancier d’exiger le paiement intégral de la créance auprès de l’un quelconque des co-indivisaires, lequel devra ensuite se retourner contre les débiteurs défaillants pour obtenir le remboursement des sommes avancées.

Exemple pratique :

Un appartement indivis, situé dans une copropriété, fait l’objet de travaux de rénovation votés en assemblée générale. Si certains indivisaires refusent de régler leur part des appels de fonds, le syndic peut assigner l’indivision dans son ensemble et demander la saisie des biens indivis pour garantir le recouvrement des sommes dues. L’indivisaire poursuivi pourra ensuite, au moment du partage, demander que les sommes qu’il a avancées soient imputées sur la part des indivisaires défaillants.

Ce mécanisme, bien que protecteur pour les créanciers, peut s’avérer particulièrement contraignant pour les indivisaires qui se retrouvent tenus de payer des dettes dépassant leur propre quote-part. Cette situation peut notamment se produire dans les cas suivants :

  • Frais d’entretien courant : un indivisaire avance les frais de réparation d’urgence d’un bien indivis, comme le remplacement d’une toiture endommagée. À défaut de participation des autres indivisaires, il peut se voir contraint d’assumer seul la dépense.
  • Charges de copropriété : les charges liées à l’entretien des parties communes ou aux travaux votés en assemblée générale doivent être réglées, même si certains indivisaires refusent de contribuer. En cas de défaillance, le syndic peut engager des poursuites contre l’ensemble des indivisaires.
  • Primes d’assurance : les biens indivis doivent être couverts par une assurance adéquate. Si l’un des indivisaires refuse de participer au règlement des primes d’assurance, les autres indivisaires devront pallier son défaut de paiement pour éviter de mettre en péril la couverture assurantielle.

Exemple pratique :

Si un immeuble indivis est détruit par un incendie, les indivisaires pourront prétendre à une indemnisation de la part de l’assureur, sous réserve que les primes aient été intégralement réglées. À défaut de paiement des primes, l’ensemble des indivisaires subira une perte définitive, sans possibilité de compensation. Celui qui aurait assumé seul le paiement des primes pourra demander à ce que les sommes avancées soient imputées sur les parts des autres indivisaires.

Pour éviter les déséquilibres financiers et les litiges liés à la solidarité passive, il est primordial de tenir un compte d’indivision précis, récapitulant les contributions de chaque indivisaire. Ce compte permettra de régulariser les avances de fonds et les impayés au moment de la liquidation, en imputant les créances sur les parts des indivisaires défaillants.

La Cour de cassation a rappelé, dans plusieurs décisions, que les comptes entre indivisaires doivent être établis avec une rigueur particulière, afin d’éviter que les charges pesant sur l’indivision ne soient supportées de manière disproportionnée par certains indivisaires (Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 98-13.006).

B) Les créances entre indivisaires

Outre les dettes externes contractées envers des créanciers tiers, l’indivision génère des dettes internes, résultant des relations financières entre les indivisaires eux-mêmes. Ces dettes trouvent leur origine dans les dépenses engagées par certains indivisaires pour la gestion ou la préservation du patrimoine indivis, ainsi que dans la jouissance privative de certains biens indivis par un ou plusieurs d’entre eux.

L’établissement de ces comptes internes, souvent confié au notaire lors des opérations de liquidation, vise à assurer une répartition équitable des charges et des bénéfices au sein de l’indivision.

==>Les avances de fonds pour la gestion et la conservation des biens indivis

Lorsqu’un indivisaire engage des dépenses nécessaires à la gestion, à la conservation ou à l’amélioration des biens indivis — telles que des travaux de réparation, le paiement des primes d’assurance, ou encore le règlement des charges de copropriété —, il est en droit de demander le remboursement de ces sommes par la masse indivise.

Ces avances de fonds constituent des créances inscrites à l’actif de l’indivisaire au moment de la reddition des comptes. Toutefois, pour être indemnisé, l’indivisaire devra démontrer que les dépenses engagées étaient nécessaires à la préservation du bien indivis.

Exemple pratique :

Si un indivisaire finance la réfection de la toiture d’un immeuble indivis pour éviter une dégradation du bien, il pourra demander à ce que les frais engagés soient inscrits comme créance à son bénéfice lors du partage.

Dans ce cas, les autres indivisaires devront contribuer au remboursement de cette créance, proportionnellement à leurs droits dans l’indivision.

==>Les indemnités d’occupation pour jouissance privative

Selon les termes de l’article 815-9 du Code civil, tout indivisaire qui occupe privativement un bien indivis doit une indemnité d’occupation à la masse indivise, dès lors que cette occupation empêche les autres indivisaires d’exercer leur droit à la jouissance commune.

Cette indemnité est destinée à compenser l’exclusion des autres indivisaires et est calculée sur la base de la valeur locative du bien. Elle constitue une dette inscrite au passif de l’indivisaire occupant lors de la liquidation.

Exemple pratique :

Si un indivisaire utilise seul un appartement indivis comme résidence principale, sans verser de compensation aux autres co-indivisaires, il sera tenu de régler une indemnité d’occupation au profit de la masse. Cette somme viendra réduire sa part dans le produit de la liquidation.

La jurisprudence a reconnu à plusieurs reprises le caractère automatique de cette indemnité d’occupation, dès lors que l’occupation privative est exercée sans accord des autres indivisaires (par ex. CA Lyon, 23 nov. 2017, n° 15/04545).

==>Les créances de gestion : rémunération d’un indivisaire désigné gérant

Lorsqu’un indivisaire est mandaté pour administrer les biens indivis, il peut prétendre à une rémunération pour sa gestion. Cette gestion peut inclure des missions telles que :

  • La perception des loyers issus des biens indivis mis en location ;
  • La supervision des travaux ou des démarches administratives ;
  • Le paiement des charges courantes (impôts, assurances, etc.).

Si cette rémunération n’a pas été réglée au cours de l’indivision, elle constitue une créance inscrite à l’actif de l’indivisaire gérant lors du partage.

Exemple pratique :

Un indivisaire est chargé de gérer un immeuble locatif indivis, percevant les loyers et assurant le paiement des charges de copropriété. S’il n’a pas été rémunéré pour cette gestion, il pourra réclamer une indemnisation lors de la liquidation des comptes, correspondant aux services rendus.

Opérations de partage: la prise en compte du passif de l’indivision

Le partage d’une indivision ne peut être envisagé sans une préalable détermination précise de la masse partageable. Avant de répartir les biens entre les indivisaires, il est indispensable de connaître l’étendue du patrimoine commun, d’identifier les dettes grevant ce patrimoine et de régulariser les comptes entre les co-indivisaires. Cette étape de liquidation est essentielle pour garantir un partage équitable, fondé sur une vision claire et exhaustive des droits et obligations de chacun.

La détermination de la masse partageable repose ainsi sur trois opérations successives :

  • L’inventaire des biens existants, permettant d’établir la consistance matérielle et juridique du patrimoine indivis ;
  • La prise en compte du passif de l’indivision, incluant tant les dettes externes que les créances internes nées des relations entre indivisaires ;
  • L’établissement des comptes entre indivisaires, destiné à régulariser les déséquilibres financiers survenus au cours de la gestion de l’indivision.

Nous nous focaliserons ici sur la deuxième étape: la prise en compte du passif de l’indivision.

Le recensement des dettes et charges pesant sur l’indivision constitue une étape indispensable avant toute opération de partage. Il s’agit d’identifier précisément les obligations financières qui grèvent la masse indivise afin de garantir une liquidation équitable et d’éviter toute contestation ultérieure. Ce recensement, souvent effectué par le notaire commis à la liquidation, doit être exhaustif et précis. Il concerne aussi bien les dettes externes, dues à des créanciers tiers, que les dettes internes, résultant des relations financières entre les indivisaires.

Le Code civil, à travers l’article 815-8, impose une obligation de transparence dans la gestion de l’indivision. Toute personne percevant des revenus ou engageant des dépenses pour le compte de l’indivision est tenue d’en tenir un état détaillé, comprenant les dettes contractées et les charges nécessaires à la conservation des biens indivis.

A) Les créances des tiers sur l’indivision

Les dettes externes concernent les obligations financières que l’indivision doit à des tiers, notamment les créanciers fiscaux, les établissements de crédit ou les copropriétés. Ces créances doivent être réglées en priorité, sous peine de poursuites contre la masse indivise.

1. Les dettes fiscales

Les biens indivis sont naturellement grevés d’obligations fiscales, dont le paiement incombe directement aux indivisaires. Ces dettes doivent impérativement être apurées avant toute opération de partage, sous peine de voir les créanciers fiscaux exercer des poursuites sur la masse indivise.

En effet, l’administration fiscale dispose de prérogatives spécifiques lui permettant de garantir le recouvrement de ses créances, notamment par le biais d’une hypothèque légale inscrite sur les biens indivis en application de l’article 1929-1 du Code général des impôts.

==>La taxe foncière

La taxe foncière est une imposition annuelle qui frappe la propriété immobilière, indépendamment de son usage ou de sa jouissance. En matière d’indivision, la jurisprudence a confirmé que cette taxe doit être répartie entre les indivisaires proportionnellement à leurs droits, en tant que dépense nécessaire à la conservation des biens indivis.

Ainsi, même si un indivisaire occupe seul le bien indivis, cela ne le dispense pas de partager la charge de la taxe foncière avec les autres indivisaires. Cette imposition est directement liée à la propriété du bien, et non à son occupation.

Exemple pratique :

Dans un arrêt du 16 avril 2008, la Cour de cassation a jugé que la taxe foncière devait être supportée par tous les indivisaires, y compris lorsque le bien est occupé à titre privatif par l’un d’entre eux (Cass. 1re civ., 16 avr. 2008, n° 07-12.224).

==>La taxe d’habitation

Avant sa suppression progressive depuis 2021 pour les résidences principales, la taxe d’habitation était due par le résident occupant le bien au 1er janvier de l’année d’imposition. Contrairement à la taxe foncière, cette taxe repose sur la jouissance effective du bien et pèse exclusivement sur celui qui l’occupe à titre privatif.

Dans un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour de cassation a précisé que la taxe d’habitation devait être supportée par l’indivisaire occupant le bien, à moins qu’un accord entre les indivisaires n’en dispose autrement (Cass. 3e civ., 5 déc. 2018, n° 17-31.189).

Exemple pratique :

Si un indivisaire occupe seul un appartement indivis à titre de résidence principale, la taxe d’habitation due au 1er janvier de l’année sera entièrement à sa charge. Toutefois, un accord entre les indivisaires peut prévoir une répartition différente.

==>Les droits de succession

Dans le cadre d’une indivision successorale, les droits de succession constituent une dette prioritaire que les héritiers doivent régler avant toute opération de partage ou d’aliénation des biens indivis.

L’article 1929-1 du Code général des impôts confère à l’administration fiscale le droit d’inscrire une hypothèque légale sur les biens indivis en garantie du paiement des droits de succession. Cette hypothèque peut bloquer toute vente ou partage du bien jusqu’au règlement intégral de la créance fiscale.

Exemple pratique :

Un immeuble indivis, évalué à 500 000 €, est grevé de droits de succession s’élevant à 50 000 €. Si les héritiers n’acquittent pas ces droits, l’administration fiscale peut inscrire une hypothèque légale sur l’immeuble. Cette hypothèque rend impossible toute cession du bien sans que le fisc soit préalablement désintéressé.

Dans un arrêt du 10 mai 2011, la Cour de cassation a rappelé que les créances fiscales disposent d’un rang prioritaire, et que leur non-paiement peut justifier une vente judiciaire des biens indivis pour apurer le passif (Cass. com., 10 mai 2011, n°10-14.101).

2. Les emprunts contractés au bénéfice de l’indivision

Les biens indivis peuvent nécessiter des financements spécifiques, notamment pour leur acquisition ou leur conservation. À cette fin, les indivisaires peuvent être amenés à souscrire des emprunts collectifs, qui constituent des dettes communes devant être apurées avant tout partage. Bien que l’indivision elle-même ne puisse contracter un emprunt, en l’absence de personnalité morale, les indivisaires peuvent s’engager conjointement auprès d’un créancier pour les besoins de la masse indivise.

Les emprunts contractés par les indivisaires peuvent être regroupés en deux grandes catégories selon leur moment de souscription :

  • Les emprunts souscrits avant l’ouverture de l’indivision
    • Ces emprunts concernent généralement les dettes successorales, telles que les prêts immobiliers contractés par le défunt avant son décès.
    • À l’ouverture de la succession, ces dettes se transmettent aux héritiers, qui deviennent débiteurs du solde restant dû.
    • Chaque indivisaire est alors tenu au remboursement de l’emprunt, à proportion de sa quote-part successorale.
    • Cette répartition est essentielle pour éviter tout déséquilibre entre les cohéritiers.
      • Exemple pratique :
        • Un défunt laisse un immeuble grevé d’un prêt immobilier. À l’ouverture de la succession, les héritiers doivent poursuivre le remboursement de ce prêt, proportionnellement à leurs parts dans la masse successorale.
        • Si l’un d’eux refuse de payer, les autres héritiers devront régler les échéances pour éviter tout contentieux avec la banque, mais pourront demander une compensation lors du partage.
  • Les emprunts contractés pendant l’indivision
    • Les indivisaires peuvent également souscrire un emprunt après l’ouverture de l’indivision, par exemple pour financer des travaux de conservation ou d’amélioration d’un bien indivis.
    • Ces emprunts doivent être souscrits avec l’accord des indivisaires majoritaires, conformément à l’article 815-3 du Code civil, qui encadre les actes d’administration.
    • Dans ce cas, chaque indivisaire devient personnellement tenu du remboursement envers le créancier, proportionnellement à ses droits dans l’indivision.
    • Toutefois, la responsabilité des indivisaires peut être solidaire, en fonction des termes du contrat de prêt.
      • Exemple pratique :
        • Dans le cadre d’une indivision successorale portant sur un immeuble nécessitant des travaux de rénovation, les indivisaires décident de contracter un emprunt collectif.
        • Chaque indivisaire est alors tenu de rembourser une part de cet emprunt, à proportion de ses droits dans l’indivision.
        • Si l’un des indivisaires fait défaut, les autres indivisaires doivent couvrir les échéances impayées, mais pourront demander une compensation lors du partage.

Lorsqu’un emprunt est contracté au bénéfice de l’indivision, le créancier conserve la possibilité de poursuivre chacun des indivisaires pour l’intégralité de la dette, sauf stipulation contraire dans le contrat. Cette solidarité emporte des conséquences importantes :

  • Le créancier peut exiger le remboursement total auprès d’un seul indivisaire ;
  • L’indivisaire ayant réglé la totalité de la dette peut exercer un recours contre les autres co-emprunteurs, afin de récupérer leur part de la dette.

Dans un arrêt du 23 janvier 2001, la Cour de cassation a rappelé que l’indivisaire qui prend en charge les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis dispose d’une créance sur la masse indivise (Cass. 1ère civ. 23 janv. 2001, n° 98-22.937). Ce principe peut être appliqué aux emprunts souscrits pour financer de tels travaux, permettant à l’indivisaire ayant réglé les échéances de demander une compensation lors du partage.

Si un indivisaire ne s’acquitte pas de sa part des échéances d’un emprunt collectif, le créancier peut poursuivre l’ensemble des co-emprunteurs. Cette situation peut créer un déséquilibre financier au sein de l’indivision, notamment si les indivisaires solvables doivent couvrir les impayés de l’indivisaire défaillant.

Cependant, ces indivisaires peuvent ensuite se retourner contre l’indivisaire défaillant, notamment en demandant l’imputation de la dette sur sa part lors du partage final. Ce mécanisme permet de préserver l’équité entre les indivisaires.

Exemple pratique :

Un héritier refuse de contribuer au remboursement d’un prêt souscrit pour rénover un immeuble indivis. Les autres indivisaires prennent en charge les échéances pour éviter un défaut de paiement auprès de la banque. Lors du partage, ils demanderont que le montant de la dette soit imputé sur la part de l’indivisaire défaillant.

3. Les charges d’entretien et de copropriété

La gestion des biens indivis implique nécessairement l’acquittement de charges d’entretien et de gestion courante. Ces dépenses, indispensables à la préservation du patrimoine commun, constituent des obligations incontournables pour les indivisaires. Toutefois, elles peuvent rapidement devenir une source de discordes, notamment en cas de défaut de contribution de certains indivisaires ou lorsqu’un indivisaire occupe privativement le bien sans assumer les frais afférents.

Ces charges, qui grèvent directement la masse indivise, se répartissent en plusieurs catégories distinctes, chacune répondant à des besoins spécifiques en matière de conservation et de gestion des biens.

  • Les frais d’entretien courant
    • Les biens indivis, qu’il s’agisse d’immeubles ou de meubles, nécessitent des dépenses régulières pour maintenir leur valeur et éviter leur dégradation. Ces frais incluent notamment :
      • Les réparations urgentes, destinées à prévenir des dommages susceptibles d’affecter durablement le bien ;
      • Les travaux de rénovation, visant à mettre le bien en conformité avec les normes en vigueur ou à améliorer son état général ;
      • Les frais de gestion courante, tels que les prestations d’entretien ou les honoraires de gestion locative.
    • Ces dépenses bénéficient à l’ensemble des indivisaires, puisqu’elles préservent ou augmentent la valeur du bien indivis. En conséquence, elles doivent être prises en charge proportionnellement aux droits de chacun dans l’indivision.
    • Conformément à l’article 815-13 du Code civil, l’indivisaire qui a engagé des frais nécessaires à la conservation du bien peut obtenir le remboursement de ses dépenses lors du partage, sous réserve de prouver leur caractère utile et nécessaire.
      • Exemple pratique :
        • Si la toiture d’un immeuble indivis est endommagée, un indivisaire peut décider d’engager les travaux nécessaires pour éviter une dégradation supplémentaire du bien. Lors du partage, il pourra demander à ce que les frais engagés soient inscrits à son actif dans le compte d’indivision, afin d’obtenir une compensation financière.
  • Les charges de copropriété
    • Lorsque le bien indivis est situé dans une résidence soumise au régime de la copropriété, les indivisaires doivent participer au paiement des charges de copropriété, proportionnellement à leurs droits.
    • Ces charges incluent :
      • Les frais d’entretien des parties communes, tels que l’entretien des ascenseurs, des jardins ou des couloirs ;
      • Les frais de gestion administrative, comprenant les honoraires du syndic et les assurances souscrites par la copropriété ;
      • Les appels de fonds exceptionnels, destinés à financer des travaux votés en assemblée générale.
    • En cas de défaillance dans le paiement de ces charges, le syndic peut engager des poursuites contre l’ensemble des indivisaires, conformément aux dispositions de l’article 1200 du Code civil, qui régit la solidarité passive des débiteurs.
      • Exemple pratique :
        • Un appartement indivis situé dans une copropriété fait l’objet d’une réhabilitation des parties communes, votée en assemblée générale.
        • Chaque indivisaire doit contribuer au règlement des appels de fonds, proportionnellement à ses droits.
        • Si certains indivisaires refusent de payer, le syndic peut assigner l’indivision dans son ensemble devant le tribunal et demander l’inscription d’une hypothèque légale sur le bien indivis, en application de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1965.
  • Les primes d’assurance
    • Les biens indivis doivent être assurés afin de prévenir les risques liés aux sinistres, tels que les incendies, les dégâts des eaux ou encore les vols.
    • Les indivisaires doivent souscrire une assurance multirisque habitation couvrant les biens indivis et répartir le coût de la prime en fonction de leurs droits respectifs.
    • L’absence d’assurance expose les indivisaires à des risques considérables, notamment en cas de sinistre non couvert.
    • Le créancier (compagnie d’assurance) peut alors se retourner contre la masse indivise pour obtenir le remboursement des sommes dues.
      • Exemple pratique :
        • Si un immeuble indivis est détruit par un incendie et qu’aucune assurance n’a été souscrite, les pertes seront supportées par l’ensemble des indivisaires, sans possibilité d’indemnisation.
        • À l’inverse, si une assurance a été contractée, l’indemnisation versée par l’assureur sera répartie entre les indivisaires selon leurs droits.

Les frais d’entretien, les charges de copropriété ou les primes d’assurance afférentes aux biens indivis constituent des dépenses récurrentes, indispensables à la préservation du patrimoine commun. Ces obligations financières, essentielles au bon fonctionnement de l’indivision, exposent néanmoins les indivisaires à au mécanisme de la solidarité passive, permettant aux créanciers d’exiger le paiement intégral de la dette auprès de l’un quelconque d’entre eux.

Ces dépenses, indispensables à la préservation et à la valorisation des biens indivis, pèsent sur l’ensemble des indivisaires, proportionnellement à leurs droits dans l’indivision. Toutefois, leur prise en charge peut susciter des difficultés pratiques, notamment en cas de défaillance d’un ou plusieurs indivisaires. Pour garantir le règlement des sommes dues, les créanciers bénéficient d’un régime de solidarité passive, qui leur permet de poursuivre l’un quelconque des indivisaires pour le paiement intégral de la dette.

Cette règle, avantageuse pour les créanciers, peut toutefois engendrer des tensions au sein de l’indivision. En effet, les indivisaires solvables peuvent être contraints de supporter les impayés des indivisaires défaillants, créant ainsi un déséquilibre financier. Afin de rétablir l’équité, ceux qui ont payé au-delà de leur quote-part peuvent exercer un recours contre les indivisaires défaillants, en demandant l’imputation des sommes avancées lors de la liquidation finale.

Pour les charges de copropriété, la solidarité passive a été instituée par la jurisprudence. Dans un arrêt du 9 février 1970, la Cour de cassation a rappelé que le syndic de copropriété peut poursuivre l’ensemble des indivisaires pour le paiement des charges impayées, et ce, indépendamment de leur participation réelle aux décisions prises en assemblée générale (Cass. 3e civ. 9 févr. 1970, n° 68-13.306).

Ce principe permet au créancier d’exiger le paiement intégral de la créance auprès de l’un quelconque des co-indivisaires, lequel devra ensuite se retourner contre les débiteurs défaillants pour obtenir le remboursement des sommes avancées.

Exemple pratique :

Un appartement indivis, situé dans une copropriété, fait l’objet de travaux de rénovation votés en assemblée générale. Si certains indivisaires refusent de régler leur part des appels de fonds, le syndic peut assigner l’indivision dans son ensemble et demander la saisie des biens indivis pour garantir le recouvrement des sommes dues. L’indivisaire poursuivi pourra ensuite, au moment du partage, demander que les sommes qu’il a avancées soient imputées sur la part des indivisaires défaillants.

Ce mécanisme, bien que protecteur pour les créanciers, peut s’avérer particulièrement contraignant pour les indivisaires qui se retrouvent tenus de payer des dettes dépassant leur propre quote-part. Cette situation peut notamment se produire dans les cas suivants :

  • Frais d’entretien courant : un indivisaire avance les frais de réparation d’urgence d’un bien indivis, comme le remplacement d’une toiture endommagée. À défaut de participation des autres indivisaires, il peut se voir contraint d’assumer seul la dépense.
  • Charges de copropriété : les charges liées à l’entretien des parties communes ou aux travaux votés en assemblée générale doivent être réglées, même si certains indivisaires refusent de contribuer. En cas de défaillance, le syndic peut engager des poursuites contre l’ensemble des indivisaires.
  • Primes d’assurance : les biens indivis doivent être couverts par une assurance adéquate. Si l’un des indivisaires refuse de participer au règlement des primes d’assurance, les autres indivisaires devront pallier son défaut de paiement pour éviter de mettre en péril la couverture assurantielle.

Exemple pratique :

Si un immeuble indivis est détruit par un incendie, les indivisaires pourront prétendre à une indemnisation de la part de l’assureur, sous réserve que les primes aient été intégralement réglées. À défaut de paiement des primes, l’ensemble des indivisaires subira une perte définitive, sans possibilité de compensation. Celui qui aurait assumé seul le paiement des primes pourra demander à ce que les sommes avancées soient imputées sur les parts des autres indivisaires.

Pour éviter les déséquilibres financiers et les litiges liés à la solidarité passive, il est primordial de tenir un compte d’indivision précis, récapitulant les contributions de chaque indivisaire. Ce compte permettra de régulariser les avances de fonds et les impayés au moment de la liquidation, en imputant les créances sur les parts des indivisaires défaillants.

La Cour de cassation a rappelé, dans plusieurs décisions, que les comptes entre indivisaires doivent être établis avec une rigueur particulière, afin d’éviter que les charges pesant sur l’indivision ne soient supportées de manière disproportionnée par certains indivisaires (Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 98-13.006).

B) Les créances entre indivisaires

Outre les dettes externes contractées envers des créanciers tiers, l’indivision génère des dettes internes, résultant des relations financières entre les indivisaires eux-mêmes. Ces dettes trouvent leur origine dans les dépenses engagées par certains indivisaires pour la gestion ou la préservation du patrimoine indivis, ainsi que dans la jouissance privative de certains biens indivis par un ou plusieurs d’entre eux.

L’établissement de ces comptes internes, souvent confié au notaire lors des opérations de liquidation, vise à assurer une répartition équitable des charges et des bénéfices au sein de l’indivision.

==>Les avances de fonds pour la gestion et la conservation des biens indivis

Lorsqu’un indivisaire engage des dépenses nécessaires à la gestion, à la conservation ou à l’amélioration des biens indivis — telles que des travaux de réparation, le paiement des primes d’assurance, ou encore le règlement des charges de copropriété —, il est en droit de demander le remboursement de ces sommes par la masse indivise.

Ces avances de fonds constituent des créances inscrites à l’actif de l’indivisaire au moment de la reddition des comptes. Toutefois, pour être indemnisé, l’indivisaire devra démontrer que les dépenses engagées étaient nécessaires à la préservation du bien indivis.

Exemple pratique :

Si un indivisaire finance la réfection de la toiture d’un immeuble indivis pour éviter une dégradation du bien, il pourra demander à ce que les frais engagés soient inscrits comme créance à son bénéfice lors du partage.

Dans ce cas, les autres indivisaires devront contribuer au remboursement de cette créance, proportionnellement à leurs droits dans l’indivision.

==>Les indemnités d’occupation pour jouissance privative

Selon les termes de l’article 815-9 du Code civil, tout indivisaire qui occupe privativement un bien indivis doit une indemnité d’occupation à la masse indivise, dès lors que cette occupation empêche les autres indivisaires d’exercer leur droit à la jouissance commune.

Cette indemnité est destinée à compenser l’exclusion des autres indivisaires et est calculée sur la base de la valeur locative du bien. Elle constitue une dette inscrite au passif de l’indivisaire occupant lors de la liquidation.

Exemple pratique :

Si un indivisaire utilise seul un appartement indivis comme résidence principale, sans verser de compensation aux autres co-indivisaires, il sera tenu de régler une indemnité d’occupation au profit de la masse. Cette somme viendra réduire sa part dans le produit de la liquidation.

La jurisprudence a reconnu à plusieurs reprises le caractère automatique de cette indemnité d’occupation, dès lors que l’occupation privative est exercée sans accord des autres indivisaires (par ex. CA Lyon, 23 nov. 2017, n° 15/04545).

==>Les créances de gestion : rémunération d’un indivisaire désigné gérant

Lorsqu’un indivisaire est mandaté pour administrer les biens indivis, il peut prétendre à une rémunération pour sa gestion. Cette gestion peut inclure des missions telles que :

  • La perception des loyers issus des biens indivis mis en location ;
  • La supervision des travaux ou des démarches administratives ;
  • Le paiement des charges courantes (impôts, assurances, etc.).

Si cette rémunération n’a pas été réglée au cours de l’indivision, elle constitue une créance inscrite à l’actif de l’indivisaire gérant lors du partage.

Exemple pratique :

Un indivisaire est chargé de gérer un immeuble locatif indivis, percevant les loyers et assurant le paiement des charges de copropriété. S’il n’a pas été rémunéré pour cette gestion, il pourra réclamer une indemnisation lors de la liquidation des comptes, correspondant aux services rendus.

II) Le règlement des dettes et charges pesant sur l’indivision

A) Le règlement des dettes au moyen des liquidités disponibles dans l’indivision

Avant d’envisager la vente des biens indivis, les indivisaires peuvent décider d’affecter les liquidités disponibles — qu’il s’agisse des revenus générés par les biens indivis ou des sommes déjà présentes dans la masse — au paiement des dettes et charges.

Cette solution est généralement privilégiée, car elle permet de préserver l’intégrité du patrimoine indivis tout en désintéressant les créanciers.

1. Les règles de majorité applicables pour affecter les liquidités au paiement des dettes

L’article 815-3 du Code civil permet aux indivisaires représentant au moins deux tiers des droits indivis de prendre certaines décisions de gestion, notamment celle d’affecter les liquidités disponibles au règlement des dettes pesant sur l’indivision.

Les liquidités peuvent provenir de différentes sources :

  • Les loyers perçus sur les biens indivis loués ;
  • Les dividendes versés par une société dans laquelle l’indivision détient des parts sociales ;
  • Les sommes disponibles sur un compte bancaire détenu au nom de l’indivision ;
  • Les avances de fonds réalisées par un ou plusieurs indivisaires.

Exemple pratique :

Si un immeuble indivis est loué et génère des loyers, ou si l’indivision dispose d’un compte bancaire créditeur, les indivisaires majoritaires peuvent décider d’utiliser ces ressources pour payer la taxe foncière, régler les charges de copropriété, ou rembourser un emprunt contracté pour la rénovation du bien.

Cette décision, bien qu’importante, n’exige pas l’unanimité des indivisaires. Toutefois, elle suppose que les indivisaires minoritaires soient préalablement informés de la décision et que cette dernière soit prise dans l’intérêt commun de l’indivision.

Certaines décisions impliquant le paiement de dettes par le biais des liquidités disponibles nécessitent cependant l’accord unanime des indivisaires, notamment lorsqu’il s’agit de dettes contractées conjointement par tous les indivisaires ou de dettes dont le montant dépasse les ressources courantes de l’indivision.

Distinction importante :

  • Les décisions d’administration courante, comme le paiement des charges récurrentes (taxe foncière, primes d’assurance), peuvent être prises à la majorité des deux tiers.
  • Les décisions plus engageantes, telles que le remboursement anticipé d’un emprunt ou la souscription d’un nouvel emprunt, requièrent l’unanimité.

Cette distinction vise à préserver l’équilibre entre les droits des indivisaires minoritaires et la nécessité de gérer efficacement le patrimoine commun.

2. La gestion des dettes par le gérant de l’indivision

Lorsque les indivisaires désignent un gérant pour administrer les biens indivis, ce dernier est habilité à gérer les ressources financières disponibles dans l’indivision et à les affecter au règlement des dettes. Cette gestion doit toutefois respecter les règles de majorité prévues par l’article 815-3 du Code civil.

Le gérant peut ainsi, sans obtenir l’accord unanime des indivisaires :

  • Utiliser les loyers perçus pour payer les taxes et charges liées aux biens indivis ;
  • Affecter les liquidités présentes sur un compte bancaire indivis au règlement des dettes.

Exemple pratique :

Dans le cadre d’une indivision successorale portant sur un immeuble locatif, le gérant désigné peut décider d’affecter les loyers perçus au paiement des charges de copropriété et des travaux d’entretien, sans avoir besoin de l’accord unanime des indivisaires.

Cependant, en cas de désaccord entre les indivisaires sur l’affectation des ressources disponibles ou si le gérant prend des décisions jugées contraires aux intérêts de certains indivisaires, ces derniers peuvent contester la gestion du gérant devant le tribunal judiciaire.

B) Le règlement des dettes au moyen du produit de l’aliénation de biens indivis

Lorsque les liquidités disponibles au sein de l’indivision sont insuffisantes pour apurer le passif, il peut être nécessaire de procéder à la vente de certains biens indivis afin de générer les ressources financières nécessaires au règlement des créanciers.

Cette vente peut être décidée à l’initiative des indivisaires ou imposée par les créanciers, qui disposent d’un droit de gage sur les biens indivis.

1. La vente de meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision

Le règlement des dettes et charges pesant sur l’indivision constitue l’un des principaux motifs justifiant la vente de biens indivis. Deux mécanismes permettent d’y procéder : la vente à l’initiative des indivisaires, décidée à la majorité qualifiée, et la vente à l’instigation des créanciers de l’indivision. Ces dispositifs, bien que distincts dans leur mise en œuvre, visent à surmonter les blocages susceptibles d’entraver le paiement des créances, tout en encadrant les droits des indivisaires et des créanciers.

a. La vente décidée par les indivisaires à la majorité qualifiée

Sous l’empire du droit ancien, l’article 826 du Code civil autorisait la majorité des cohéritiers à décider de la vente publique des meubles, dès lors que celle-ci était jugée nécessaire pour apurer les dettes et charges de la succession. Cette dérogation au principe d’unanimité visait à prévenir les situations de blocage susceptibles d’empêcher le règlement du passif. Elle permettait ainsi d’éviter qu’un indivisaire minoritaire ne fasse obstacle au bon déroulement des opérations successorales, au risque de compromettre la liquidation du patrimoine commun.

Toutefois, cette disposition spécifique n’a pas été réintroduite dans le cadre de la réforme de l’indivision opérée par la loi du 23 juin 2006. À sa place, le législateur a préféré instaurer un dispositif plus souple mais également plus exigeant. Désormais, l’article 815-3, alinéa 1er, 3°, du Code civil confère aux indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis la faculté de procéder à la vente des meubles indivis en vue de régler les dettes et charges pesant sur l’indivision.

Ce dispositif rompt avec le droit antérieur en substituant au décompte par tête un calcul fondé sur les droits indivis détenus. Il vise ainsi à faciliter les ventes de biens meubles indispensables au règlement des dettes et charges, tout en prévenant les abus susceptibles de léser les indivisaires minoritaires.

==>Domaine

La règle énoncée à l’article 815-3, alinéa 1er, 3° vise la seule vente de meubles indivis, qu’ils soient corporels (mobilier, équipements, œuvres d’art) ou incorporels (parts sociales, créances).

Cette restriction reflète la volonté du législateur de réserver la majorité qualifiée à des biens facilement aliénables, tout en laissant aux indivisaires la possibilité de contester la pertinence de telles ventes si elles ne respectent pas les critères fixés par la loi.

Ainsi, tout bien meuble indivis peut être vendu dès lors que la finalité de la cession est de régler les dettes ou charges de l’indivision.

Par exemple, des parts sociales représentant une société civile immobilière ou des œuvres d’art indivises pourraient être cédées si les indivisaires majoritaires justifient que cette vente est nécessaire pour couvrir les frais afférents à l’indivision.

==>Conditions

La vente de meubles indivis ne peut être envisagée que pour des raisons spécifiques et impérieuses : le paiement des dettes et charges de l’indivision.

Ces charges comprennent notamment :

  • Les frais d’entretien ou de réparation nécessaires à la préservation du patrimoine indivis, comme des travaux de rénovation ou d’aménagement?;
  • Les taxes et impôts liés au bien indivis, tels que la taxe foncière ou les taxes locales?;
  • Les dépenses courantes liées à l’exploitation du bien, telles que les frais de gestion locative ou les coûts d’assurance.

En revanche, toute vente motivée par des considérations étrangères à ces impératifs, comme la volonté de se débarrasser d’un meuble jugé encombrant ou inutile, excède le cadre légal.

De telles opérations nécessiteraient alors soit l’unanimité des indivisaires, soit le recours à des mesures conservatoires ou à une autorisation judiciaire prévue par l’article 815-5-1 du Code civil.

==>La majorité qualifiée

Pour qu’une vente soit réalisée, les indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis doivent se prononcer en faveur de la cession.

Cette majorité, calculée en fonction des parts indivises et non du nombre d’indivisaires, permet d’assurer une certaine flexibilité tout en évitant qu’un indivisaire minoritaire puisse s’opposer de manière systématique à une opération indispensable.

Cependant, les indivisaires minoritaires conservent un droit de contrôle sur ces décisions.

Ils peuvent contester la vente si celle-ci excède le cadre de l’exploitation normale des biens indivis ou si elle ne respecte pas les critères légaux, notamment en termes de nécessité et de proportionnalité.

==>Procédure

La vente de meubles indivis en application de l’article 815-3 ne nécessite pas, en principe, l’intervention du juge.

Elle peut être réalisée à l’amiable, à condition que les indivisaires majoritaires respectent les obligations procédurales, notamment :

  • L’information préalable des indivisaires minoritaires?: selon l’article 815-3, alinéa 2, les indivisaires majoritaires sont tenus d’informer les autres indivisaires de la décision de vendre. Cette obligation garantit la transparence et permet aux indivisaires non consultés de contester l’opportunité de la vente si nécessaire.
  • Le respect du critère de proportionnalité : la vente ne doit porter que sur le montant strictement nécessaire au règlement des dettes et charges identifiées. Toute aliénation excédant ce besoin immédiat pourrait être remise en cause par les indivisaires minoritaires.

En permettant la vente de meubles indivis à la majorité qualifiée des deux tiers, l’article 815-3, alinéa 1er, 3° du Code civil introduit une souplesse bienvenue dans la gestion de l’indivision, tout en préservant les droits des indivisaires minoritaires grâce à des garanties procédurales et juridiques. Ce mécanisme, bien qu’exceptionnel, illustre une volonté de concilier efficacité et sécurité juridique dans un domaine marqué par des risques fréquents de blocage.

Cependant, cette faculté doit être exercée avec prudence. Une application abusive ou détournée de cette règle pourrait compromettre l’équilibre fragile entre les droits des indivisaires et la nécessité de gérer l’indivision de manière pragmatique et équitable.

b. La vente à l’initiative des créanciers de l’indivision

L’article 815-17, alinéa 1er, du Code civil confère aux créanciers de l’indivision un droit de saisie et de vente des biens indivis, qu’ils soient meubles ou immeubles, indépendamment des opérations de partage. Cette prérogative, distincte du droit de prélèvement sur l’actif indivis, leur permet de se faire payer sur le produit de la vente des biens indivis, garantissant ainsi l’effectivité de leurs créances, malgré l’absence de partage.

Sous l’empire du droit ancien, l’article 826 du Code civil, complété par l’article 945 de l’ancien Code de procédure civile, prévoyait la vente publique des meubles successoraux à l’initiative des créanciers saisissants ou d’opposants, ou lorsque la majorité des cohéritiers jugeait la vente nécessaire pour acquitter le passif. La procédure suivait alors les règles des saisies-exécutions fixées par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, offrant ainsi aux créanciers une voie d’exécution sûre et encadrée.

Bien que ces dispositions aient été abrogées par la réforme de 2006, la possibilité pour les créanciers de provoquer la vente des biens indivis demeure. La jurisprudence a clairement confirmé ce droit. La Cour de cassation, notamment dans des arrêts rendus avant et après la réforme, a rappelé que les créanciers peuvent poursuivre la saisie des biens indivis tant que ceux-ci n’ont pas été attribués à un indivisaire dans le cadre d’un partage définitif (Cass. 1re civ., 15 juill. 1999, n° 97-14.361).

Ce droit de saisie des biens indivis constitue ainsi une garantie fondamentale pour les créanciers, en leur permettant d’échapper aux éventuels blocages liés au régime de l’indivision. Il leur offre une faculté d’exécution directe, qui se maintient tant que les biens concernés demeurent dans le périmètre indivis.

==>La prérogative de saisie des biens indivis

Les créanciers de l’indivision, contrairement aux créanciers personnels des indivisaires, bénéficient d’un droit spécifique leur permettant de poursuivre la saisie et la vente judiciaire des biens indivis.

Ces biens incluent non seulement ceux présents au moment de la formation de l’indivision, mais également ceux qui y sont intégrés ultérieurement par subrogation réelle, tels que les fruits et revenus produits par les biens indivis.

Toutefois, la sécurité des créanciers peut être affectée dans certaines situations. Par exemple, un immeuble acquis par un indivisaire en son nom propre avec des fonds indivis pourrait échapper au gage des créanciers de l’indivision, ceux-ci ne pouvant s’opposer aux droits du créancier personnel de cet indivisaire. Cette difficulté souligne l’importance de définir précisément l’assiette des biens indivis soumis au droit de saisie.

==>Modalités de la saisie et de la vente

La saisie des biens indivis doit être dirigée contre chaque indivisaire individuellement en raison de l’absence de personnalité juridique de l’indivision.

Les créanciers ne peuvent donc engager d’action contre « l’indivision » en tant qu’entité autonome.

La saisie peut viser des biens meubles ou immeubles, ainsi que des créances indivises. La vente s’effectue généralement par voie de licitation, sauf accord contraire entre les parties (Cass. 1re civ., 29 nov. 1994, n° 93-11.317).

==>La portée et les limites du droit de saisie

Le droit de saisie des créanciers de l’indivision s’applique jusqu’au moment du partage définitif.

Une fois les biens indivis aliénés ou attribués à des indivisaires dans le cadre d’un partage, ils cessent de faire partie du gage des créanciers de l’indivision et deviennent soumis aux droits des créanciers personnels des indivisaires concernés.

Toutefois, l’effet déclaratif du partage n’altère pas les droits acquis par les créanciers de l’indivision avant le partage. Ces derniers conservent leur capacité à poursuivre la réalisation des biens indivis tant que ces biens font partie de la masse indivise.

Il convient également de noter que ce droit de saisie ne confère pas au créancier un droit exclusif sur les biens indivis. Les créanciers doivent partager leur gage avec les autres créanciers de l’indivision et se conformer aux priorités fixées par la loi, notamment lorsque plusieurs créanciers revendiquent des droits concurrents sur le même bien.

==>Extinction du droit de saisie et de vente des biens indivis

Le droit de saisie des créanciers trouve ses limites dans deux circonstances principales : le partage définitif et l’aliénation des biens indivis.

  • Le partage définitif
    • Principe
      • Le partage constitue l’acte par lequel l’indivision prend fin et les biens indivis sont attribués en pleine propriété à chacun des indivisaires, selon leurs droits respectifs.
      • Dès lors qu’un partage définitif intervient, les biens sortent du régime de l’indivision et, par conséquent, des mécanismes spécifiques prévus par l’article 815-17 du Code civil, qui confèrent aux créanciers la possibilité de saisir les biens indivis.
      • Il en résulte que, une fois le partage réalisé, les biens indivis cessent de constituer le gage commun des créanciers de l’indivision.
      • Les créanciers ne peuvent plus exercer leurs droits sur l’ensemble des biens indivis, mais uniquement sur ceux attribués à l’indivisaire débiteur.
      • Par ailleurs, en vertu de l’article 883 du Code civil, le partage est censé rétroagir à la date d’ouverture de l’indivision.
      • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, ce qui peut compliquer la position des créanciers pour les actions intentées avant le partage.
    • Exception
      • Un partage provisionnel, qui organise simplement la jouissance des biens sans en modifier la propriété, ne constitue pas une véritable dissolution de l’indivision.
      • Dans ce cas, les créanciers conservent leur droit de saisie sur les biens indivis.
      • Par exemple, une convention attribuant temporairement la jouissance d’un immeuble indivis à l’un des indivisaires n’empêche pas les créanciers de poursuivre la saisie de ce bien.
  • L’aliénation des biens indivis
    • Lorsqu’un bien indivis est vendu ou transféré à un tiers, il sort du patrimoine indivis et, par conséquent, du gage commun des créanciers de l’indivision.
    • Les créanciers ne peuvent alors plus exercer leur droit de poursuite sur ce bien, sauf exceptions prévues par le droit commun.
    • La Cour de cassation a confirmé ce principe dans un arrêt du 15 mai 2002 aux termes duquel elle a jugé que les biens indivis transférés à des tiers ne peuvent plus être saisis par les créanciers de l’indivision (Cass. 1ère civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).
    • Ces derniers doivent alors engager leurs poursuites contre les nouveaux propriétaires du bien ou contre le débiteur initial, mais sans bénéficier des mécanismes propres à l’indivision.
    • La conséquence pour les créanciers est alors double
      • Premier effet
        • Une fois le bien vendu, les créanciers doivent se tourner vers le produit de la vente si celui-ci est resté dans le patrimoine indivis, ou exercer leurs droits sur d’autres biens de l’indivision ou sur le patrimoine propre de l’indivisaire débiteur.
      • Second effet
        • Contrairement à certaines hypothèses en droit des sûretés, les créanciers ne disposent pas de mécanismes spécifiques pour revendiquer un bien indivis aliéné à un tiers, sauf si l’aliénation a été réalisée en fraude de leurs droits, auquel cas une action paulienne peut être envisagée (article 1341-2 du Code civil).

==>Cas particuliers

  • Le cas particulier des créanciers hypothécaires
    • Les créanciers hypothécaires jouissent d’un régime particulier lorsqu’ils ont consenti leur hypothèque sur des biens indivis.
    • L’hypothèque, quelle que soit sa nature (conventionnelle, judiciaire ou légale), échappe à l’effet déclaratif du partage.
    • Elle conserve ainsi sa pleine efficacité, même après l’attribution du bien grevé à un indivisaire spécifique ou sa licitation au profit d’un tiers.
    • Cela garantit au créancier hypothécaire une sécurité renforcée, bien que sa situation puisse différer de celle des créanciers de l’indivision selon les modalités de l’hypothèque.
  • Le cas particulier de l’attribution éliminatoire
    • L’attribution éliminatoire, qui permet à un indivisaire de prélever un bien précis en contrepartie d’une indemnité destinée à couvrir les droits des autres indivisaires, n’a pas pour effet de limiter le gage des créanciers sur les biens restant dans l’indivision.
    • La doctrine et la jurisprudence s’accordent à considérer que cette attribution n’affecte pas les droits des créanciers de l’indivision.
    • Aussi, les biens restant dans l’indivision continuent de constituer un gage pour les créanciers, préservant ainsi leurs droits sur l’ensemble des actifs indivis subsistants.

2. La vente des biens indivis par voie d’autorisation judiciaire

Historiquement, la possibilité de vendre des biens indivis sans l’accord unanime des copartageants était étroitement limitée. Sous l’empire du droit antérieur, l’ancien article 826 du Code civil n’envisageait que deux hypothèses de vente forcée, strictement encadrées et exclusivement liées au règlement du passif successoral. En dehors de ces cas spécifiques, toute aliénation de biens indivis nécessitait le consentement unanime des indivisaires. Ce principe rigoureux, ancré dans l’idéal de l’égalité en nature dans le partage, empêchait même le juge d’imposer une vente, quelle que soit l’opportunité économique qu’elle pouvait représenter.

Cependant, la jurisprudence a progressivement assoupli cette exigence d’unanimité, notamment pour les biens meubles sujets à dépérissement. Dès 1871, la Cour d’appel de Rouen avait ainsi jugé que la vente de tels biens pouvait être ordonnée à la demande d’un ou plusieurs indivisaires, malgré l’opposition des autres (CA Rouen, 16 mars 1871). Cette solution, dictée par des considérations pratiques et économiques, visait à éviter une perte irrémédiable de valeur ou des charges de conservation disproportionnées qui auraient compromis l’intérêt commun.

Cette jurisprudence a trouvé une consécration législative dans la réforme de 2006, qui a introduit la notion d’acte conservatoire. Désormais, l’article 784, 2° du Code civil autorise les indivisaires à prendre toute mesure nécessaire à la préservation du patrimoine indivis, incluant la vente de biens périssables ou dont le coût de conservation serait déraisonnable. Comme le souligne Jean Patarin, « la qualification d’acte conservatoire légitime une vente rapide pour éviter la perte de valeur du bien ou les coûts inutiles de conservation ».

Cette faculté de solliciter l’adoption de mesures conservatoires a, par suite, été complétée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, qui a introduit l’article 815-5-1 du Code civil. Contrairement aux mesures conservatoires, cette disposition confère aux indivisaires réunissant au moins deux tiers des droits indivis la faculté de solliciter une autorisation judiciaire pour aliéner un bien indivis, qu’il soit meuble ou immeuble. Cette demande peut être formulée lorsque le bien ne peut être commodément partagé ou lorsque sa conservation génère des charges disproportionnées. Ce mécanisme constitue une avancée majeure par rapport à l’article 815-5, car il n’exige pas de démontrer un péril imminent menaçant l’intérêt commun.

L’intervention judiciaire prévue par l’article 815-5-1 tend ainsi à donner effet à la volonté des indivisaires majoritaires, tout en encadrant cette prérogative par un contrôle juridictionnel rigoureux. L’objectif affiché est de surmonter les situations de blocage en adaptant la gestion de l’indivision aux contraintes économiques. La doctrine considère d’ailleurs que cette disposition marque une rupture avec le droit antérieur, en favorisant une gestion plus pragmatique de l’indivision.

a. Les conditions d’application

==>Conditions négatives

L’autorisation judiciaire prévue à l’article 815-5-1 du Code civil est strictement encadrée par deux conditions négatives, qui visent à protéger des situations spécifiques où les droits ou intérêts de certains indivisaires pourraient être compromis.

Ces restrictions traduisent une volonté d’équilibre entre l’efficacité de la gestion des biens indivis et la sauvegarde des droits des parties les plus vulnérables.

  • L’exclusion en cas de démembrement de propriété
    • Le texte exclut toute application de l’article 815-5-1 lorsqu’un bien indivis est grevé d’un démembrement de propriété, tel que l’usufruit ou la nue-propriété.
    • Cette interdiction repose sur une préoccupation fondamentale : préserver les droits de l’usufruitier, dont la jouissance effective du bien pourrait être mise en péril par une vente imposée.
    • En effet, dans le cadre d’un démembrement, la propriété se scinde en droits distincts et complémentaires — l’usufruit et la nue-propriété —, dont les titulaires ne partagent pas les mêmes intérêts ni obligations.
    • L’aliénation forcée de la pleine propriété, bien qu’initiée par les nus-propriétaires majoritaires, risquerait d’emporter des conséquences disproportionnées pour l’usufruitier.
    • Celui-ci, souvent désigné en raison de sa situation personnelle (par exemple, un conjoint survivant jouissant du logement familial), se verrait contraint de renoncer à un droit essentiel, sa jouissance, sans possibilité de s’y opposer pleinement.
    • Ainsi, cette restriction constitue un garde-fou pour éviter que les équilibres inhérents au démembrement ne soient rompus au détriment des parties les plus exposées.
  • L’exclusion en présence d’un indivisaire protégé ou éloigné
    • La seconde limitation, tout aussi significative, interdit le recours à l’article 815-5-1 lorsque l’un des indivisaires se trouve dans l’une des situations énoncées à l’article 836 du Code civil :
      • Présomption d’absence,
      • Impossibilité de manifester sa volonté en raison d’un éloignement,
      • Placement sous un régime de protection juridique.
    • Cette disposition vise à garantir que les indivisaires les plus vulnérables, incapables d’exprimer leur consentement ou de défendre leurs intérêts, ne soient pas lésés par une décision prise en leur absence.
    • Le législateur a ainsi voulu prévenir le risque d’abus ou d’iniquité, notamment dans des contextes où les autres indivisaires pourraient exploiter une telle situation pour imposer une aliénation.
    • Cependant, cette condition négative, si elle protège les droits des indivisaires concernés, peut également engendrer des blocages prolongés.
    • Par exemple, la vente d’un bien indivis pourrait être retardée pendant plusieurs années en cas de présomption d’absence, au détriment de l’intérêt collectif.
    • De même, un indivisaire sous protection juridique pourrait, malgré la présence d’un curateur ou d’un tuteur, faire obstacle à une aliénation pourtant bénéfique à tous.

==>Conditions positives

Pour que l’autorisation judiciaire prévue à l’article 815-5-1 du Code civil puisse être délivrée, deux conditions positives doivent être simultanément réunies. Ces critères, à la fois pragmatiques et protecteurs, visent à concilier la volonté des indivisaires majoritaires avec le respect des droits des minoritaires.

  • Majorité des deux tiers des droits indivis : la prééminence de la majorité économique
    • La première condition impose que la demande d’autorisation émane d’un ou plusieurs indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis.
    • Ce seuil, établi sur la proportion des droits et non sur le nombre d’indivisaires, consacre la prédominance de la majorité économique.
    • Ainsi, un indivisaire unique possédant plus des deux tiers des droits peut, à lui seul, initier la procédure, même si les autres indivisaires sont numériquement supérieurs.
    • Cette règle, inspirée des mécanismes propres aux entités dotées de personnalité morale, introduit une forme de gouvernance majoritaire dans le cadre de l’indivision.
    • Elle vise à limiter les blocages, en permettant aux indivisaires majoritaires de surmonter l’opposition d’une minorité.
    • Toutefois, cette prééminence de la majorité économique interroge sur son adéquation avec les principes fondamentaux du droit de propriété.
    • En effet, l’article 815-5-1 confère aux indivisaires majoritaires le pouvoir d’imposer une aliénation, potentiellement contraire à la volonté des minoritaires, ce qui peut apparaître comme une forme d’expropriation privée.
    • Si cette disposition a été jugée conforme aux exigences constitutionnelles, elle n’en demeure pas moins sujette à débat, notamment en ce qu’elle remet en question l’unanimité comme garantie traditionnelle des droits de chacun.
  • Absence d’atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires : une protection nuancée
    • La seconde condition impose que l’aliénation envisagée ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires.
    • Ce critère, d’apparence simple, recèle une complexité d’interprétation qui en limite la portée pratique.
      • Une approche subjective : le préjudice moral ou affectif
        • Une lecture subjective de l’atteinte excessive pourrait conduire le juge à examiner l’impact moral ou affectif de l’aliénation sur les indivisaires minoritaires.
        • Cette approche pourrait, par exemple, tenir compte de l’attachement personnel à un bien familial ou des conséquences psychologiques d’une vente forcée.
        • Toutefois, une telle interprétation risque de priver d’effectivité le mécanisme de l’article 815-5-1, dans la mesure où toute opposition des minoritaires repose, par hypothèse, sur des raisons personnelles.
      • Une approche objective : le respect des garanties procédurales
        • À l’inverse, une lecture objective de la notion d’atteinte excessive pourrait limiter l’examen du juge aux seules garanties procédurales, telles que la régularité de la procédure ou l’équité dans la répartition des fruits de la vente.
        • Si cette approche permet de préserver l’efficacité du dispositif, elle réduit toutefois considérablement la protection offerte aux indivisaires minoritaires, en négligeant les dimensions émotionnelles et sociales de leur opposition.
    • En définitive, le juge doit trouver un équilibre délicat entre ces deux approches, afin de garantir une application à la fois efficace et équitable de l’article 815-5-1.
    • Ce critère, bien que fondamental pour préserver les droits des minoritaires, reflète les tensions inhérentes à toute tentative de concilier les intérêts divergents au sein d’une indivision.

b. La procédure d’autorisation

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, instaure une procédure dérogatoire à la règle de l’unanimité en matière d’indivision.

Ce texte permet à un ou plusieurs indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis de demander l’autorisation judiciaire de vendre un bien indivis, même en cas d’opposition des indivisaires minoritaires.

Cette procédure se déploie en deux phases distinctes, chacune encadrée par des règles spécifiques.

==>La phase devant notaire

La procédure débute obligatoirement devant notaire, dont le rôle est central dans la mise en œuvre du mécanisme d’aliénation.

  • Déclaration d’intention d’aliéner par les indivisaires majoritaires
    • Selon l’alinéa 2 de l’article 815-5-1, les indivisaires majoritaires doivent exprimer devant notaire leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis.
    • Cette déclaration, formalisée dans un acte notarié, constitue le point de départ de la procédure et marque la volonté des majoritaires de passer outre l’opposition des minoritaires.
  • Notification aux indivisaires minoritaires
    • L’alinéa 3 de l’article 815-5-1 impose au notaire de notifier cette déclaration aux indivisaires minoritaires dans un délai d’un mois.
    • La notification, effectuée par ministère d’huissier, informe les minoritaires de l’intention d’aliéner et leur ouvre un délai pour réagir.
  • Réponse des indivisaires minoritaires
    • À compter de la notification, les indivisaires minoritaires disposent d’un délai de trois mois pour manifester leur opposition ou donner leur consentement à l’aliénation, conformément à l’alinéa 4 de l’article 815-5-1. Le silence des minoritaires vaut opposition implicite, renforçant ainsi leur droit de ne pas se prononcer activement.
  • Procès-verbal de difficultés
    • Si une opposition est exprimée ou si les indivisaires minoritaires demeurent silencieux, le notaire dresse un procès-verbal de difficultés.
    • Ce document consigne les désaccords ou l’absence de réponse, formalisant ainsi l’échec de la phase notariale.
    • Ce procès-verbal est indispensable pour initier la phase judiciaire.

==>La phase devant le juge

Lorsque l’opposition persiste, la procédure se poursuit devant le tribunal judiciaire, conformément à l’alinéa 5 de l’article 815-5-1.

  • Saisine du tribunal
    • Les indivisaires majoritaires, disposant du procès-verbal de difficultés, saisissent le tribunal judiciaire pour obtenir une autorisation d’aliéner le bien indivis.
    • Cette saisine déclenche l’examen juridictionnel des conditions posées par la loi.
  • Examen des conditions par le juge
    • Aux termes de l’alinéa 5 de l’article 815-5-1, le tribunal doit s’assurer que :
      • Les demandeurs détiennent au moins deux tiers des droits indivis.
      • L’aliénation ne porte pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires minoritaires.
    • Le tribunal peut également tenir compte des circonstances particulières de l’affaire, telles que les motifs d’opposition des minoritaires ou l’intérêt collectif à l’aliénation.
  • Autorisation et licitation
    • Si les conditions légales sont remplies, le tribunal autorise la vente, qui doit s’effectuer par voie de licitation, conformément à l’alinéa 6 de l’article 815-5-1.
    • Ce mode de vente garantit la transparence et l’égalité de traitement entre les indivisaires, en attribuant le bien au plus offrant lors d’une vente aux enchères.
  • Opposabilité de la décision
    • Une fois l’autorisation délivrée, l’aliénation devient opposable à tous les indivisaires, y compris à ceux ayant exprimé leur opposition.
    • L’alinéa 7 de l’article 815-5-1 précise que cette opposabilité s’étend également aux indivisaires qui n’auraient pas été formellement notifiés, sous réserve du respect des conditions procédurales.

c. Les effets de l’autorisation judiciaire

==>À l’égard des indivisaires

L’autorisation délivrée par le tribunal s’impose à tous les indivisaires, qu’ils aient donné leur consentement ou exprimé leur opposition à la vente. En vertu de l’alinéa 7 de l’article 815-5-1, cette décision rend l’aliénation opposable à chacun d’eux, ce qui signifie que le transfert de propriété s’opère comme si tous avaient consenti à l’acte.

Cependant, cette opposabilité ne crée pas d’obligation personnelle pour les indivisaires minoritaires.

En d’autres termes, ces derniers ne sont pas considérés comme parties à l’acte de vente et ne peuvent être tenus responsables, par exemple, des garanties attachées à la chose vendue (telle que la garantie des vices cachés).

Ils demeurent juridiquement tiers à l’acte, même s’ils doivent en supporter les conséquences pratiques, notamment la perte de leurs droits sur le bien vendu.

==>À l’égard des tiers

Pour les tiers acquéreurs, l’autorisation judiciaire constitue une garantie essentielle de sécurité juridique.

Elle certifie que la vente est opposable à tous les indivisaires, qu’ils aient consenti ou non à l’aliénation. Cette opposabilité protège les tiers contre toute contestation ultérieure pouvant émaner des indivisaires minoritaires.

En pratique, cela signifie que le tiers acquéreur peut être certain de la validité de son titre de propriété et de l’impossibilité pour les indivisaires minoritaires de remettre en cause la vente.

Cette sécurité renforce l’attractivité économique du bien, en favorisant des ventes rapides et à des conditions avantageuses, tout en évitant les litiges postérieurs à l’aliénation.

==>Sur le produit de la vente

L’autorisation judiciaire ne met pas un terme à l’indivision, mais transforme le bien vendu en une somme d’argent répartie entre les indivisaires selon leurs droits respectifs, conformément à l’alinéa 6 de l’article 815-5-1.

Ce mécanisme de subrogation permet de maintenir l’équilibre des droits de chaque indivisaire, tout en facilitant la gestion du produit de la vente.

  • Répartition entre les indivisaires
    • Le prix obtenu est réparti proportionnellement aux droits indivis de chacun.
    • Cette répartition reflète les parts initiales détenues dans l’indivision et garantit une juste compensation pour chaque indivisaire, qu’il ait consenti ou non à la vente.
  • Interdiction du remploi pour une nouvelle indivision
    • Afin d’éviter la reconstitution des blocages qui avaient motivé l’aliénation, l’article 815-5-1 prohibe le remploi des fonds pour l’acquisition d’un nouveau bien indivis.
    • Cette interdiction vise à encourager les indivisaires à sortir définitivement de l’indivision et à privilégier des solutions individuelles.
  • Paiement des dettes et charges
    • Une exception à l’interdiction de remploi est toutefois prévue pour le règlement des dettes et charges liées à l’indivision.
    • Cette obligation qui pèse sur les indivisaires permet de solder les dettes communes avant la distribution du reliquat entre les indivisaires, renforçant ainsi la sécurité juridique et financière de l’opération.