Les formalités attachées aux opérations de partage

Le partage successoral est une opération délicate qui, une fois les lots constitués et attribués, requiert l’accomplissement de formalités matérielles destinées à assurer l’effectivité de la répartition des biens entre les copartageants. Cette phase finale du processus de partage est marquée par la délivrance des biens et des titres, la publicité du partage lorsqu’elle est requise, et la répartition des frais afférents à l’opération.

I) La délivrance des biens

Le partage confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens composant son lot. Cette attribution prend effet dès que les lots sont définitivement constitués et que le partage devient irrévocable, soit par un accord amiable entre les parties, soit par une décision judiciaire ayant acquis force de chose jugée. Dès lors, chaque copartageant devient propriétaire de son lot de manière immédiate et définitive, sans qu’il soit nécessaire d’accomplir d’autres formalités pour que ce droit de propriété soit pleinement reconnu.

Cette remise, qui doit donc intervenir immédiatement après l’attribution, repose sur le principe ancien posé par l’article 982 du Code de procédure civile, aujourd’hui abrogé mais toujours pertinent dans son esprit.

La remise des biens ne saurait donc être purement théorique : elle doit être à la fois matérielle et effective. L’attributaire est ainsi en droit d’obtenir non seulement la possession du bien lui-même, mais également les accessoires indispensables à son exploitation ou à sa jouissance.

A cet égard, la nature du bien attribué conditionne les modalités de sa délivrance :

  • Pour les biens immobiliers, la remise s’opère généralement par la transmission des clés et, surtout, par l’accomplissement des formalités de publicité foncière.
  • S’agissant des biens meubles corporels, la délivrance se concrétise par la remise matérielle du bien à l’attributaire.
  • Quant aux biens incorporels (parts sociales, créances, droits d’auteur, etc.), la remise nécessite la transmission des documents justificatifs appropriés et, lorsque la loi l’exige, l’accomplissement des formalités d’opposabilité telles que la notification aux débiteurs ou l’inscription sur les registres compétents.

II) La remise des titres

A) La remise des titres privatifs

Les documents et titres relatifs aux biens attribués lors du partage doivent être transmis au copartageant à qui ces biens ont été alloués. En effet, ces titres, considérés comme des accessoires du bien, suivent le sort de la propriété et reviennent donc de plein droit à l’attributaire du lot concerné.

Lorsque le partage conduit à la division d’un bien initialement indivis, la question du sort des titres se pose avec davantage d’acuité. La pratique, bien que l’ancien article 842 du Code civil ait été abrogé, conserve la solution qu’il préconisait : les titres relatifs à un bien divisé doivent être remis au copartageant à qui a été attribuée la portion la plus importante de ce bien. Ce dernier est tenu de les conserver et de les représenter aux autres héritiers sur simple demande. Cette règle, toujours jugée équitable et pratique, vise à éviter la dispersion des titres tout en garantissant leur disponibilité pour l’ensemble des copartageants concernés.

Il est toutefois essentiel de distinguer les remises opérées dans le cadre de l’inventaire préalable au partage. Lors de cet inventaire, certains titres peuvent être provisoirement confiés à un copartageant à des fins conservatoires. Toutefois, une telle remise ne produit aucun effet juridique sur l’attribution définitive des biens concernés. La jurisprudence a d’ailleurs précisé que cette remise provisoire ne confère aucun droit particulier sur le bien en question et ne saurait influencer la répartition finale .

B) Le sort des titres communs

Certains documents, en raison de leur nature ou de leur fonction, ne peuvent être attribués à un seul copartageant lors du partage. Il s’agit principalement des titres présentant un caractère familial ou un intérêt commun pour l’ensemble des héritiers — tels que les livrets de famille, les actes d’état civil, les archives familiales ou encore certains documents fiscaux ou administratifs relatifs à l’ensemble du patrimoine indivis.

Exclus du partage en raison de leur caractère indivisible, ces titres doivent être conservés dans un lieu sûr, au bénéfice de tous les copartageants. Le choix du dépositaire peut être fait selon deux modalités :

  • Le dépôt entre les mains d’un copartageant : les héritiers peuvent, d’un commun accord, désigner l’un d’entre eux pour assurer la conservation des titres communs. Ce copartageant agit alors en qualité de dépositaire, avec l’obligation de conserver les documents dans l’intérêt collectif et de les tenir à disposition des autres héritiers lorsqu’ils en font la demande.
  • Le dépôt auprès d’un tiers : lorsque les héritiers ne parviennent pas à s’entendre sur le choix d’un dépositaire ou souhaitent confier cette responsabilité à un professionnel neutre, les titres peuvent être déposés entre les mains d’un notaire, d’un avocat ou tout autre tiers de confiance. Cette solution offre l’avantage de garantir une conservation impartiale et sécurisée.

Afin d’assurer la transparence et de prévenir tout litige ultérieur, il est d’usage de dresser un inventaire précis des titres communs à la fin de l’acte de partage. Cet inventaire mentionne la nature, la date et le contenu des documents concernés. Le copartageant désigné comme dépositaire — ou le tiers choisi — signe alors un reçu qui atteste de la remise des titres et formalise son engagement à les conserver dans des conditions adéquates.

Cette précaution vise à garantir l’intégrité des documents et à maintenir l’accès aux informations qu’ils contiennent pour tous les héritiers. En cas de besoin, chacun des copartageants peut solliciter la communication ou la reproduction de ces titres, notamment dans le cadre de démarches administratives ou juridiques.

III) Copies et extraits de l’acte de partage

L’acte de partage est un document juridique de première importance dont la conservation et la délivrance sont strictement encadrées par la loi. Afin de garantir la transparence des opérations et de permettre aux parties d’exercer pleinement leurs droits, le Code de procédure civile, en son article 1435, prévoit que les personnes concernées peuvent obtenir, sur demande, des copies ou extraits de l’acte de partage.

Cette faculté est reconnue aux copartageants eux-mêmes, mais également à leurs héritiers ou ayants droit, qui peuvent justifier d’un intérêt légitime à se voir remettre ces documents, que ce soit dans le cadre d’une opération patrimoniale ou pour accomplir diverses formalités administratives.

La délivrance de ces copies est assurée par deux officiers publics distincts, selon la nature de l’acte :

  • Le notaire, lorsqu’il est intervenu dans le cadre d’un partage amiable, conserve l’acte authentique parmi ses minutes. En cette qualité, il est tenu de fournir aux parties qui en font la demande des copies certifiées conformes ou des extraits de l’acte, garantissant ainsi la valeur probante des documents remis. Ces copies peuvent être utilisées notamment pour des formalités de publicité foncière ou pour toute opération nécessitant la preuve de la propriété des biens attribués.
  • Le greffier du tribunal judiciaire, lorsque le partage a été effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire et a donné lieu à une homologation, conserve l’expédition homologuée de l’acte de partage. Il est également compétent pour délivrer des copies ou extraits aux parties intéressées, dans le respect des règles de confidentialité et des formalités en vigueur.

La délivrance des copies ou extraits ne peut être refusée aux héritiers ou ayants droit qui en justifient la nécessité. Toutefois, pour préserver la confidentialité des informations patrimoniales et protéger les droits des copartageants, les tiers étrangers au partage ne peuvent obtenir ces documents qu’en vertu d’une autorisation judiciaire ou lorsqu’ils justifient d’un intérêt légitime et direct.

Les copies délivrées, qu’elles proviennent du notaire ou du greffe, possèdent une valeur juridique identique à l’acte original et peuvent être utilisées pour toute démarche nécessitant la preuve du partage. En cas de perte ou de destruction de l’original, ces copies jouent un rôle fondamental en permettant la reconstitution des droits des copartageants et en garantissant la continuité des opérations juridiques.

Enfin, lorsque le partage porte sur des biens immobiliers, les extraits nécessaires aux formalités de publicité foncière sont souvent requis pour assurer l’opposabilité du partage aux tiers. Ces extraits permettent notamment de régulariser la situation cadastrale des biens et d’assurer la pleine effectivité des droits attribués à chaque copartageant.

IV) La publicité du partage

La publicité du partage constitue une formalité essentielle lorsqu’il porte sur des biens immobiliers ou plus généralement sur des droits réels immobiliers, conformément aux règles applicables en matière de publicité foncière. Cette exigence vise à garantir l’opposabilité du partage aux tiers et à assurer la sécurité juridique des attributions réalisées.

En effet, le partage, bien qu’il ait un effet déclaratif des droits entre les copartageants, ne produit pleinement ses effets à l’égard des tiers qu’après avoir été publié au fichier immobilier. Cette publicité permet de rendre les attributions opposables aux créanciers, aux acquéreurs potentiels ainsi qu’à toute personne souhaitant vérifier la situation juridique des biens concernés.

A) Domaine

Pour être éligible à la publicité foncière, l’acte de partage doit être établi sous forme authentique, c’est-à-dire dressé par un notaire. Cette exigence découle du fait que seul un acte authentique peut être inscrit au fichier immobilier, garantissant ainsi sa force probante et sa date certaine.

Le notaire, en qualité d’officier public, est alors tenu d’accomplir les formalités de publicité auprès du service de la publicité foncière compétent. Cette formalité est primordiale pour que le transfert de propriété opéré par le partage devienne opposable aux tiers.

B) Les délais applicables à la publicité du partage

Les règles applicables en matière de publicité foncière prévoient des délais spécifiques selon les circonstances entourant le partage :

  • Lorsque le partage porte sur la totalité des biens immobiliers d’une succession, il peut être publié directement dans les dix mois suivant le décès, sans qu’il soit nécessaire de procéder préalablement à une attestation notariée de transmission (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 29, al. 4). Cette règle facilite la transmission du patrimoine en évitant des formalités successives et allège la procédure.
  • Si ce délai de dix mois est dépassé, et que l’acte de partage n’a pas été dressé et publié, il devient impératif de procéder à la publication dans les deux mois suivant la signature de l’acte de partage (Décret de 1955, art. 33, C, al. 2). Ce second délai garantit que la situation juridique des biens immobiliers soit rapidement actualisée dans les registres fonciers.
  • Lorsque des attestations notariées de propriété ont déjà été publiées, la publication de l’acte de partage reste nécessaire afin de préciser les attributions immobilières entre les copartageants et d’assurer leur opposabilité.

C) Les effets de la publicité

La publication de l’acte de partage emporte plusieurs conséquences juridiques:

  • Elle rend le partage opposable aux tiers, permettant notamment aux créanciers de connaître la répartition des biens entre les copartageants et d’exercer leurs recours en conséquence.
  • Elle assure la sécurité des transactions immobilières ultérieures. En effet, tout acte de cession, hypothèque ou nantissement portant sur un bien issu du partage ne pourra être régularisé que si le transfert de propriété est préalablement inscrit.
  • Elle permet de clarifier la situation foncière en rectifiant les registres pour refléter les nouvelles attributions issues du partage. Cela prévient les litiges liés à la propriété des biens et garantit aux acquéreurs et créanciers une information fiable sur les droits existants.

L’omission de la publicité du partage peut entraîner des conséquences préjudiciables pour les copartageants. En l’absence d’inscription au fichier immobilier, les attributions immobilières ne sont pas opposables aux tiers, exposant ainsi les copartageants à des risques juridiques et financiers. Par exemple, un créancier pourrait valablement poursuivre la vente d’un immeuble indivis s’il n’est pas informé du transfert de propriété issu du partage.

De plus, en matière fiscale, la publication permet d’actualiser les informations relatives aux propriétaires et d’assurer une correcte imposition des biens transmis.

V) Les frais du partage

Les opérations de partage engendrent inévitablement des frais dont la nature et la répartition sont strictement encadrées.

A) Nature et répartition des frais

Les frais du partage recouvrent l’ensemble des dépenses engagées pour permettre la réalisation effective du partage et constituent une charge grevant la masse successorale. Ils incluent notamment :

  • La rémunération des experts sollicités pour estimer les biens (experts immobiliers, commissaires-priseurs, etc.).
  • Les émoluments des officiers ministériels, au premier rang desquels figurent les honoraires du notaire commis pour dresser l’acte de partage.
  • Les frais liés aux formalités de licitation, dans les cas où la vente aux enchères est nécessaire pour procéder à la répartition.
  • Les dépenses accessoires indispensables au bon déroulement du partage (frais d’inventaire, de déplacement des experts, droits d’enregistrement, etc.).

Ces frais s’inscrivent dans le cadre des charges de l’indivision et doivent, selon le principe d’égalité entre copartageants, être supportés par l’ensemble de ces derniers proportionnellement à leurs droits dans l’indivision.

B) Modes de règlement des frais

Le règlement des frais du partage suit un principe simple : ils sont, en priorité, prélevés sur la masse partageable avant la répartition des biens entre les copartageants. Cette règle évite que les copartageants aient à avancer personnellement les fonds nécessaires à la réalisation des opérations.

Toutefois, des situations plus complexes peuvent nécessiter des ajustements. Par exemple, lorsque la succession est liquidée en même temps qu’une communauté conjugale, les frais communs aux deux régimes patrimoniaux doivent être répartis entre la masse successorale et la masse communautaire au prorata de leur valeur respective.

Si un copartageant avance personnellement les frais pour accélérer les opérations, il bénéficie d’un droit de recours contre les autres pour en obtenir remboursement, proportionnellement à leurs parts respectives. En parallèle, le créancier des frais (notaire, expert, etc.) conserve la possibilité d’exiger directement le paiement de la part due par le copartageant ayant engagé la dépense.

C) Les frais causés par la faute d’un copartageant

Le principe d’égalité dans la répartition des frais connaît toutefois des limites lorsque le comportement fautif d’un copartageant entraîne des coûts supplémentaires injustifiés. En vertu des règles de responsabilité civile, un héritier qui, par sa conduite, occasionne des frais inutiles en assume seul la charge.

Cette solution s’applique notamment lorsque :

  • Un copartageant soulève des contestations infondées ou multiplie les recours dilatoires (Cass. 1ère civ., 27 avr. 1963, Bull. civ. I, n° 226).
  • Il provoque des frais supplémentaires par sa négligence ou son refus injustifié de collaborer aux opérations de partage.

Les juridictions appliquent ici les principes généraux du droit de la responsabilité pour garantir que les autres héritiers ne soient pas pénalisés par le comportement d’un seul.

Toutefois, les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation leur permettant, dans certaines hypothèses, de répartir les frais entre les copartageants lorsque les fautes sont partagées ou que les prétentions de chacun ont été partiellement accueillies.

D) Le privilège des frais du partage

Les frais du partage bénéficient, sous certaines conditions, du statut de frais privilégiés, leur conférant une priorité de paiement similaire à celle des frais de justice. Ce privilège est reconnu lorsqu’il est démontré que ces frais ont été utiles aux créanciers ou nécessaires à la préservation des droits des parties.

Cependant, ce privilège connaît des limites importantes. Il ne peut être invoqué contre :

  • Les créanciers de la masse successorale qui ne sont pas directement intéressés par les opérations de partage (Civ. 5 avr. 1865, S. 1865. 1. 375).
  • Les créanciers personnels des copartageants qui n’ont pas été appelés à l’instance et n’en ont donc tiré aucun bénéfice (Civ. 24 juin 1867, DP 1867. 1. 374).

En revanche, lorsque les frais ont permis d’assurer la conservation ou la valorisation du patrimoine indivis, ils conservent leur caractère de frais privilégiés et peuvent être réglés par prélèvement sur la masse successorale avant tout paiement aux créanciers ordinaires.

Effet déclaratif du partage: le sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.

Effet déclaratif du partage: l’exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

I) L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

A) L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

B) L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

C) L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

D) Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

II) L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

A) L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

B) L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

C) La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

III) L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

A) Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

B) L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

C) La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

IV) L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

A) La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

B) Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

C) Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

V) L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

A) L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

B) L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

VI) L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

L’effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

Effet déclaratif du partage: les conséquences

Le partage judiciaire, loin d’être une simple opération de répartition des biens indivis, constitue un acte aux conséquences juridiques majeures. Parmi celles-ci, l’effet rétroactif du partage occupe une place centrale, traduisant la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus. Cette rétroactivité, bien que fondamentale, ne s’exerce toutefois pas de manière absolue : elle se heurte à des limites destinées à garantir la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

Ainsi, si l’effet rétroactif du partage peut anéantir certains actes passés par les indivisaires avant la répartition définitive des biens, il peut aussi, à l’inverse, en confirmer la validité, selon que ces actes sont ou non conformes aux attributions résultant du partage. Cette dualité se reflète tant dans les rapports entre les copartageants eux-mêmes que dans leurs relations avec les tiers. Dès lors, il convient d’analyser les implications de cet effet rétroactif, en mettant en lumière ses principes fondamentaux, ses limites et les solutions dégagées par la jurisprudence afin d’assurer un équilibre entre la logique déclarative du partage et les impératifs de préservation des droits acquis.

A) Conséquences générales

1. Effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

2. Exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

a. L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

i. L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

ii. L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

iii. L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

iv. Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

b. L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

i. L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

ii. L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

iii. La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

c. L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

i. Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

ii. L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

iii. La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

d. L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

i. La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

ii. Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

iii. Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

e. L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

i. L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

ii. L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

f. L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

B) Sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.

Effet déclaratif du partage: domaine d’application

L’effet déclaratif du partage, posé par l’article 883 du Code civil, repose sur une fiction juridique selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, tout en n’ayant jamais eu de droits sur ceux échus à ses coindivisaires. Ce principe, qui exclut toute idée de transmission de droits entre indivisaires, vise à garantir l’égalité entre les copartageants et à préserver la sécurité juridique des actes accomplis sur les biens indivis avant leur attribution définitive.

Si l’effet déclaratif s’applique traditionnellement au partage successoral, il ne se limite pas à cette hypothèse. Il régit également les partages de communauté conjugale, les partages d’indivision conventionnelle ou encore la liquidation des sociétés dans les cas où les associés se partagent les biens sociaux. Toutefois, son domaine d’application est encadré : il convient d’en préciser les limites, tant au regard des actes concernés que des biens susceptibles d’être soumis à ce régime, ainsi que les tempéraments qu’il connaît, notamment pour la protection des tiers.

A) Domaine quant aux actes

1. Le partage proprement dit

a. L’indifférence de la nature du partage

L’effet déclaratif du partage concerne tout partage successoral, qu’il soit amiable ou judiciaire, global ou partiel. Cette application découle directement de l’insertion de l’article 883 au sein du titre des successions du Code civil, affirmant ainsi son champ d’application privilégié aux partages successoraux.

Cependant, ce principe ne se limite pas aux successions et s’étend aux partages de communauté en vertu du renvoi opéré par l’article 1476 du Code civil. Cette disposition aligne expressément les règles du partage de communauté sur celles du partage successoral, permettant ainsi d’appliquer sans difficulté l’effet déclaratif (V. Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n° 99-10.515).

Le partage des biens indivis entre époux séparés de biens bénéficie également de cette extension législative. Bien que la jurisprudence ait initialement refusé d’appliquer les règles du partage successoral aux partages opérés après séparation de biens (Cass. civ., 9 mars 1965), la loi du 11 juillet 1975 a unifié le régime du partage des biens indivis entre époux séparés de biens avec celui des successions (art. 1542 C. civ.). Il en résulte que ces partages bénéficient pleinement de l’effet déclaratif, ce que la jurisprudence a confirmé par la suite (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.011).

L’effet déclaratif s’applique également au partage de l’actif social, dès lors que la liquidation de la société est engagée. En effet, l’article 1844-9, alinéa 2, du Code civil prévoit l’application des règles du partage successoral aux partages de sociétés. Toutefois, cette assimilation n’est possible qu’à condition qu’il s’agisse bien d’un véritable partage et non d’une réduction de capital par répartition de biens sociaux (Cass. com., 23 sept. 2008, n°07-12.493).

Enfin, l’application de l’article 883 du Code civil ne se limite pas aux partages successoraux ou conjugaux et concerne toute indivision, qu’il s’agisse d’un partage d’un bien indivis acquis par plusieurs personnes (Cass. req., 28 avr. 1840) ou d’un partage d’un ensemble patrimonial constituant une universalité (Cass. 1re civ., 24 mars 1981).

b. L’indifférence des modalités du partage

Le principe de l’effet déclaratif du partage s’attache à tout partage définitif, qu’il soit total ou partiel (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146). En d’autres termes, ce qui importe n’est pas l’étendue du partage mais le fait qu’il mette un terme à l’indivision, en fixant définitivement les droits privatifs des copartageants sur les biens répartis. Dès lors, les modalités d’attribution des lots sont indifférentes : l’effet déclaratif ne varie ni en fonction du mécanisme d’allotissement, ni selon la nature de la répartition opérée.

Aussi, le partage peut s’effectuer selon plusieurs procédés, sans que cela n’altère son effet déclaratif :

  • Le tirage au sort, qui constitue une méthode ordinaire d’attribution des lots lorsque les copartageants n’ont pas convenu d’une répartition amiable. Il a été jugé que le fait d’attribuer les biens selon un tirage au sort n’ôtait en rien au partage son caractère déclaratif (Cass. soc., 3 oct. 1958).
  • L’attribution préférentielle, qui permet à un indivisaire d’obtenir un bien particulier en raison d’un intérêt spécifique (par exemple, l’attribution du logement familial au conjoint survivant). La jurisprudence a confirmé que l’effet déclaratif s’applique également à ces attributions spécifiques, lesquelles sont réputées exister depuis l’origine de l’indivision (CA Paris, 10 févr. 1977).
  • Le droit de retour légal, qui permet à certains héritiers de récupérer des biens précédemment donnés par le défunt. L’effet déclaratif du partage s’étend également à ce mécanisme, de sorte que l’héritier bénéficiaire du droit de retour est censé n’avoir jamais perdu la propriété du bien en cause (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

La question se pose avec acuité lorsqu’un partage est accompagné du versement d’une soulte, c’est-à-dire lorsqu’un copartageant reçoit un lot d’une valeur supérieure à sa part théorique et doit indemniser les autres en conséquence. L’on aurait pu estimer que la soulte confère au partage un caractère translatif, en ce que le copartageant bénéficiant d’un lot excédentaire en nature l’acquerrait en contrepartie d’une compensation financière versée aux autres. Toutefois, la jurisprudence a adopté une approche radicalement opposée.

En effet, les lots et les soultes sont considérés comme issus de la masse indivise et non des copartageants entre eux. Ainsi, même lorsqu’un indivisaire perçoit une soulte, il n’est pas juridiquement en situation d’acquérir une part supplémentaire à ses coindivisaires ; il se voit simplement allouer un lot dont il est réputé propriétaire depuis l’origine, la soulte n’étant qu’un ajustement financier (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

Ce raisonnement est fondamental en pratique, car il empêche toute remise en cause rétroactive des droits sur les biens attribués. Par exemple, un bien immobilier inclus dans un lot assorti d’une soulte est censé avoir toujours appartenu à l’indivisaire attributaire, et ce, depuis l’ouverture de la succession ou de l’indivision initiale. Il en résulte notamment :

  • L’absence de taxation comme une mutation : en droit fiscal, les partages avec soulte échappent au régime des mutations à titre onéreux lorsqu’ils s’inscrivent dans une indivision successorale ou conjugale (CGI, art. 748).
  • L’inopposabilité des créanciers des coindivisaires : puisqu’il n’y a pas eu transmission entre les indivisaires, un créancier hypothécaire ne saurait revendiquer un droit de gage sur le bien attribué à un copartageant, même si celui-ci avait des dettes avant le partage.
  • L’imputation des garanties et des servitudes : en raison de l’effet rétroactif du partage, les droits réels grevant un bien suivent l’attributaire de manière continue, comme si celui-ci en avait toujours été propriétaire.

c. L’exclusion du partage provisionnel

Le partage provisionnel se distingue du partage définitif en ce qu’il ne met pas fin à l’indivision, mais organise temporairement la jouissance des biens indivis. Par conséquent, il ne peut bénéficier de l’effet déclaratif qui s’attache aux partages définitifs. Cette exclusion découle de la nature même du partage provisionnel, lequel se borne à répartir l’usage des biens sans en modifier la répartition patrimoniale.

A cet égard, l’effet déclaratif du partage repose sur l’idée que chaque indivisaire est censé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Or, cette logique est incompatible avec le partage provisionnel, qui ne détermine pas définitivement l’attribution des biens, mais se limite à aménager leur utilisation pendant la durée de l’indivision.

Ainsi :

  • Le partage provisionnel ne transfère aucun droit privatif définitif : il ne fait que répartir l’occupation ou l’exploitation des biens entre les indivisaires, sans leur attribuer une propriété exclusive.
  • Les attributions restent réversibles : contrairement au partage définitif, où chaque indivisaire devient rétroactivement propriétaire de son lot, le partage provisionnel n’a pas vocation à cristalliser des droits patrimoniaux définitifs.
  • L’indivision persiste intégralement : aucun des biens ne cesse d’être indivis, ce qui empêche la fixation des droits privatifs exigée pour l’effet déclaratif (Cass. civ., 28 juill. 1947).

Dès lors, appliquer l’effet déclaratif à un partage provisionnel reviendrait à définitivement établir des droits sur un bien alors que le partage lui-même reste réversible, ce qui serait contraire à l’économie du régime de l’indivision.

Aussi, la jurisprudence a toujours refusé d’appliquer l’effet déclaratif au partage provisionnel. La Cour de cassation l’a notamment affirmé en jugeant que le partage provisionnel ne constitue qu’une organisation temporaire de l’indivision, sans incidence sur la propriété des biens (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975). La doctrine est également unanime : un partage n’a d’effet déclaratif que s’il met fin à l’indivision et opère une répartition irrévocable des biens.

A titre d’illustration, les conventions d’indivision temporaire conclues entre les indivisaires, qui visent à organiser l’exploitation des biens pour une durée déterminée, n’entraînent aucune modification des droits de propriété des parties. Ces conventions permettent uniquement de fixer les modalités d’usage des biens, sans véritablement réaliser l’attribution de droits réels.

À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 octobre 2004 (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968) illustre parfaitement la distinction entre un véritable partage et un simple aménagement conventionnel. En l’espèce, il s’agissait d’une cession de droits indivis sur un fonds de commerce, incluant un droit au bail, opérée entre deux coïndivisaires preneurs. Les bailleurs prétendaient que cette cession constituait une mutation soumise aux formalités prévues par le contrat de bail, à savoir l’exigence d’un accord exprès du bailleur.

Or, la Cour de cassation a rejeté cet argument, en affirmant que tout acte mettant fin à une indivision est un partage. En l’espèce, la cession de droits indivis réalisée entre coïndivisaires ne constituait pas une mutation ordinaire mais bien un partage, bénéficiant de l’effet déclaratif prévu par l’article 883 du Code civil. Par conséquent, le copartageant attributaire des droits cédés était censé en être propriétaire depuis l’origine de l’indivision, et les formalités de cession exigées par le contrat de bail n’étaient pas applicables.

Cet arrêt vient ainsi rappeler que l’effet déclaratif ne peut être reconnu qu’aux actes mettant un terme définitif à l’indivision. En revanche, les conventions d’indivision temporaire, qui organisent simplement l’usage des biens indivis, restent en dehors de ce régime. Elles ne modifient en rien les droits des indivisaires et ne peuvent être assimilées à un partage, qu’il soit amiable ou judiciaire.

L’exclusion de l’effet déclaratif a également des conséquences en matière fiscale. Contrairement à un partage définitif, qui entraîne une individualisation des droits et peut générer des conséquences fiscales spécifiques (droits de partage, taxation des soultes, etc.), le partage provisionnel est neutre fiscalement. Puisqu’il ne modifie pas les droits de propriété, il n’est pas assimilé à une mutation et ne déclenche donc pas d’imposition comme le ferait un partage définitif (V. CGI, art. 747 et 748, sur la taxation des partages définitifs).

Un autre corollaire de l’exclusion de l’effet déclaratif concerne les sûretés. Lorsqu’un indivisaire obtient un bien dans le cadre d’un partage définitif, les droits réels attachés au bien sont maintenus et les hypothèques, par exemple, suivent l’attributaire du bien. En revanche, dans un partage provisionnel, les créanciers ne peuvent se prévaloir d’une fixation définitive des droits de chaque indivisaire, ce qui leur interdit de revendiquer une hypothèque sur un bien qui aurait été temporairement attribué à un indivisaire.

De même, un indivisaire ne peut constituer une sûreté sur un bien qu’il détient à titre provisoire dans le cadre d’un partage provisionnel, puisque son droit d’usage n’implique pas un droit patrimonial définitif.

2. La licitation

L’opération de licitation, consistant à mettre aux enchères un bien indivis, constitue un mode de sortie de l’indivision dont les effets varient selon la qualité de l’adjudicataire. Lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation produit un effet déclaratif, assimilable à une attribution classique dans un partage. En revanche, lorsque l’adjudication intervient au profit d’un tiers étranger à l’indivision, l’effet est translatisif, et l’opération est juridiquement assimilée à une vente.

a. La licitation au profit d’un indivisaire

L’article 883, alinéa 1er, du Code civil énoncé expressément le principe selon lequel un bien indivis adjugé à un coïndivisaire est réputé lui avoir toujours appartenu. La licitation au profit d’un indivisaire n’est donc pas une vente ordinaire : elle s’apparente à un partage et produit, à ce titre, un effet déclaratif.

Autrement dit, l’indivisaire adjudicataire est censé avoir toujours détenu le bien à titre exclusif, tandis que les autres indivisaires sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur celui-ci, mais seulement sur la somme qui leur revient en contrepartie (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146).

L’effet déclaratif attaché à la licitation s’impose indépendamment des circonstances entourant son déroulement.

Ainsi :

  • Peu importe que l’adjudication soit amiable ou judiciaire : la licitation peut résulter d’un accord entre indivisaires ou être imposée par justice à la demande d’un créancier ou d’un indivisaire souhaitant sortir de l’indivision (Cass. req., 22 févr. 1881).
  • Peu importe que les enchères soient libres ou encadrées : l’effet déclaratif demeure inchangé, la licitation n’étant qu’un moyen d’évaluer la valeur du bien attribué au copartageant adjudicataire.
  • Peu importe la situation de l’adjudicataire : qu’il soit héritier pur et simple ou acceptant à concurrence de l’actif net, la licitation produit le même effet déclaratif (Cass. civ., 12 août 1839).

L’effet déclaratif trouve sa justification dans la nature même de la licitation au profit d’un indivisaire. En attribuant le bien licité à l’adjudicataire, l’opération produit un résultat identique à celui d’un partage ordinaire : elle met fin à l’indivision sur le bien concerné et attribue à chaque indivisaire une contrepartie équivalente à ses droits. Dès lors, la licitation, quelle qu’en soit la modalité, est traitée comme un partage avec soulte (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830).

Dans ce schéma, l’indivisaire adjudicataire conserve les droits réels qu’il a pu constituer sur le bien licité avant l’opération. En revanche, les droits réels constitués par les autres indivisaires, désormais privés de tout droit sur le bien, sont réputés n’avoir jamais existé. C

L’assimilation à un partage de la licitation opérée au profit d’un copartageant n’est pas sans incidences en matière de sûretés :

  • Les droits réels constitués sur l’immeuble par l’adjudicataire demeurent valables, puisqu’il est censé en avoir toujours été propriétaire (Cass. 1re civ., 26 avr. 1955).
  • En revanche, ceux établis par les indivisaires ayant reçu le prix de licitation tombent rétroactivement, car ils sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur le bien.

Un cas particulier mérite d’être envisagé : celui de la licitation assortie d’une clause d’attribution. Cette clause, fréquemment insérée dans les cahiers des charges des ventes judiciaires, prévoit que si l’adjudicataire est un coïndivisaire, il ne sera pas immédiatement déclaré propriétaire du bien, mais celui-ci lui sera attribué lors du partage définitif.

À la différence d’une licitation ordinaire, cette stipulation empêche l’effet déclaratif de se produire immédiatement. Le bien demeure indivis jusqu’au partage, et l’adjudicataire ne peut ni en disposer librement, ni s’opposer à l’exercice des droits des autres indivisaires sur celui-ci (Cass. 1re civ., 4 mai 1983, n° 82-11.928). En conséquence, toute cession réalisée par l’adjudicataire avant le partage est inopposable aux autres indivisaires, qui conservent leur droit de regard sur le bien.

Ce mécanisme a également des implications en matière de lésion. Contrairement à un partage ordinaire, qui ouvre droit à une action en complément de part, une licitation avec clause d’attribution ne peut être contestée pour cause de lésion qu’au moment du partage définitif (Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n°94-21.387).

Toutefois, l’effet déclaratif redevient pleinement opérant dès lors que la clause est exécutée, c’est-à-dire lorsque l’attributaire du bien règle le prix aux autres indivisaires et entre en possession du bien. Dans ce cas, l’opération est assimilée à un partage partiel, et l’adjudicataire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif du bien (Cass. 1re civ., 21 févr. 1989, n° 87-16.287).

Enfin, le prix versé par l’adjudicataire aux autres indivisaires n’est pas une simple contrepartie financière : il prend la nature d’une soulte. Dès lors, il est soumis aux règles applicables aux créances issues d’un partage, notamment en matière de revalorisation (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830). Si le paiement du prix est différé, la somme due aux coïndivisaires subit les ajustements prévus par l’article 828 du Code civil.

En outre, cette créance ne peut être assimilée à un bien indivis, de sorte que les sûretés prises sur l’immeuble par les coïndivisaires non adjudicataires tombent, tandis que celles constituées par l’adjudicataire sont maintenues. Cette solution découle de la nature même de l’effet déclaratif, qui opère une reconstitution rétroactive des droits de propriété (Cass. civ., 26 avr. 1955).

b. La licitation au profit d’un tiers

Lorsqu’un bien indivis est adjugé à un tiers étranger à l’indivision, la licitation perd son effet déclaratif et revêt la nature d’une vente classique. Contrairement à la licitation au profit d’un indivisaire, qui s’analyse comme un partage partiel avec rétroactivité, la licitation à un tiers opère un transfert de propriété entre les indivisaires et l’adjudicataire, conformément aux règles ordinaires de la vente (Cass. civ., 14 mars 1950).

Ce changement de qualification emporte des conséquences majeures sur les droits et obligations des parties, notamment en matière de garanties, d’enregistrement et d’opposabilité aux tiers.

En premier lieu, l’adjudication réalisée au profit d’un tiers entraîne un transfert immédiat de propriété. Dès l’adjudication, le bien quitte le patrimoine indivis pour entrer dans celui de l’acquéreur. Ce transfert doit être publié au service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers, conformément aux règles applicables aux mutations immobilières (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28 et 30).

En conséquence :

  • L’adjudicataire acquiert le bien directement des coïndivisaires, et non par transmission successorale (Cass. civ., 7 juin 1899).
  • L’acte doit être publié pour être opposable aux tiers et garantir l’efficacité du transfert (Cass. civ., 14 mars 1950).
  • Les droits des créanciers inscrits sur le bien sont maintenus, mais peuvent faire l’objet d’une purge par l’adjudicataire (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Dès lors que la licitation a un effet translatif, elle échappe à la rétroactivité attachée au partage. L’adjudicataire est un acquéreur ordinaire, qui achète un bien aux indivisaires sans bénéficier des prérogatives d’un héritier (Cass. civ., 14 mars 1950). À ce titre, il peut purger les hypothèques inscrites sur le bien, sans avoir à se soucier de leur éventuelle disparition par effet déclaratif (Cass. civ., 2 juill. 1925).

En deuxième lieu, dans le cadre d’une licitation à un tiers, les indivisaires sont tenus aux obligations ordinaires des vendeurs. À ce titre, ils doivent garantir à l’adjudicataire :

  • La garantie d’éviction et des vices cachés (Cass. soc., 19 févr. 1959). L’acquéreur doit être protégé contre toute revendication ultérieure portant atteinte à sa propriété, ainsi que contre les défauts cachés du bien.
  • L’obligation de délivrance conforme, qui impose aux indivisaires de remettre le bien dans l’état convenu lors de l’adjudication.
  • L’obligation de paiement du prix, l’adjudicataire pouvant être poursuivi en cas de non-paiement par une action en résolution de la vente (art. 1654 C. civ.).

La licitation au profit d’un tiers étant une vente et non un partage, elle est soumise à la rescision pour lésion de plus de sept douzièmes (art. 1674 C. civ.), qui permet à un vendeur de demander l’annulation de la vente si le prix est manifestement insuffisant. En revanche, l’adjudication ne peut être contestée sur le fondement de l’action en complément de part prévue en matière de partage (art. 889 C. civ.).

En troisième lieu, bien que la licitation emporte un effet translatif vis-à-vis de l’adjudicataire, elle conserve dans les rapports entre coïndivisaires la nature d’une opération préliminaire au partage. Ce n’est pas la licitation elle-même qui opère le partage, mais la répartition ultérieure du prix d’adjudication entre les indivisaires (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907).

En d’autres termes :

  • Le bien indivis est vendu, mais la créance du prix de vente remplace l’immeuble dans la masse successorale.
  • Ce n’est qu’au moment du partage du prix que s’applique l’effet déclaratif : l’indivisaire auquel est attribué tout ou partie du prix est réputé avoir toujours détenu cette somme à titre exclusif.
  • Les sûretés constituées sur le bien avant la licitation continuent d’exister sur la créance du prix, sauf purge exercée par l’acquéreur (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Cette situation emportent des conséquences en matière d’hypothèques:

  • Si un indivisaire a hypothéqué sa part dans le bien indivis avant la licitation, son créancier pourra exercer son droit de préférence sur sa quote-part dans la créance d’adjudication.
  • Si l’effet déclaratif était appliqué directement à la licitation, le prix aurait été attribué à un seul coïndivisaire, faisant disparaître rétroactivement les droits des autres indivisaires, ce qui aurait lésé les créanciers (Cass. civ., 14 déc. 1887).

La jurisprudence a donc précisé que l’effet déclaratif ne peut s’appliquer qu’au moment du partage du prix et non au moment de la vente du bien (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907). Cela signifie que, jusqu’au partage, chaque indivisaire conserve un droit indivis sur la créance du prix de vente, et peut demander sa quote-part avant que l’attribution finale ne soit fixée.

En dernier lieu, lorsque la licitation est réalisée au profit d’un indivisaire et d’un tiers, les effets de l’adjudication sont partagés entre ces deux logiques :

  • Pour la part attribuée à l’indivisaire, l’effet déclaratif s’applique : il est réputé avoir toujours détenu sa part du bien.
  • Pour la part attribuée au tiers, l’effet translatif s’impose : il acquiert la propriété du bien par l’effet d’un transfert ordinaire de droits réels (Cass. civ., 23 juill. 1912).

Ce système peut soulever des difficultés pratiques, notamment en matière de garanties. La Cour de cassation a ainsi précisé que l’hypothèque légale du vendeur, prise par les coïndivisaires pour garantir le paiement du prix de licitation, n’est pas opposable aux créanciers personnels de l’héritier adjudicataire (Cass. civ., 23 juill. 1912).

3. Les autres actes mettant fin à l’indivision

L’effet déclaratif du partage ne s’attache pas exclusivement aux opérations qualifiées de partage stricto sensu. Il s’étend à tout acte ayant pour conséquence de mettre un terme à l’indivision, dès lors que celui-ci aboutit à l’allotissement d’un indivisaire. Issu de la loi du 31 juillet 1976 l’article 883, alinéa 2, du Code civil confère explicitement un effet déclaratif à “tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision”. Ainsi, au-delà du partage et de la licitation, plusieurs opérations peuvent revêtir ce caractère.

a. Les cessions de droits indivis entre indivisaires

i. Principe

La cession de droits indivis entre coïndivisaires a toujours été assimilée à une opération de partage, dès lors qu’elle met fin à l’indivision en ce qui concerne le cédant. Dès le XIXe siècle, la jurisprudence a reconnu que de telles cessions devaient bénéficier de l’effet déclaratif (Req. 3 mars 1807). Cette assimilation repose sur la logique même du partage : l’indivisaire cessionnaire est réputé avoir toujours été seul propriétaire des droits cédés, tandis que le cédant est censé avoir toujours détenu, en contrepartie, la somme perçue en paiement.

L’analogie avec le partage est encore plus évidente lorsque la cession est effectuée à titre onéreux. Dans ce cas, elle aboutit à un allotissement semblable à celui réalisé par une licitation ou un partage avec soulte. Le cessionnaire reçoit la part indivise du cédant en échange d’une somme d’argent, ce qui s’analyse à une opération de liquidation de l’indivision. Pour cette raison, la jurisprudence considère que l’effet déclaratif a pleinement vocation à jouer pour ces opérations (Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-13.267).

Cependant, l’application de l’effet déclaratif suppose que la cession porte bien sur des droits indivis. Si les droits cédés ne sont pas indivis, l’effet déclaratif ne peut être invoqué. Ainsi, lorsqu’un usufruitier cède ses droits aux nus-propriétaires, alors même qu’aucune indivision n’existe entre eux, la cession est une simple mutation patrimoniale et ne saurait être assimilée à un partage (Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n°85-10.780).

ii. Exceptions

Bien que la cession de droits indivis entre coïndivisaires bénéficie en principe de l’effet déclaratif, certaines situations échappent à cette règle.

==>L’exclusion des cessions à titre gratuit

La jurisprudence refuse de reconnaître un effet déclaratif aux cessions de droits indivis réalisées à titre gratuit. La raison en est simple : l’absence de contrepartie prive l’opération de la logique d’allotissement inhérente au partage.

Contrairement à une licitation ou à un partage avec soulte, où les indivisaires bénéficient d’une compensation en valeur, une donation entraîne une transmission patrimoniale unilatérale, sans redistribution équitable des droits successoraux. Dès lors, elle est considérée comme une mutation translative et non comme un partage.

==>La cession à un tiers

Autre exception notable, la cession de droits indivis à un tiers ne produit pas d’effet déclaratif dans les rapports entre les indivisaires et l’acquéreur. Une telle opération revêt la nature d’une véritable vente et non d’un partage.

L’acquéreur, étant étranger à l’indivision, n’est pas réputé avoir toujours été propriétaire des droits cédés. Toutefois, l’effet déclaratif peut s’appliquer entre les indivisaires eux-mêmes, sous réserve que le prix de la cession soit réparti entre eux selon leurs droits respectifs.

Dans cette hypothèse, la cession amiable d’un bien indivis à un tiers est assimilée à une licitation dans ses effets entre les coïndivisaires, mais elle conserve un effet translatif vis-à-vis de l’acquéreur (Cass. civ. 7 févr. 1949).

b. La vente amiable d’un bien indivis à un coïndivisaire

La vente d’un bien indivis à l’un des coïndivisaires, réalisée avec l’accord de l’ensemble des indivisaires, constitue une illustration notable de l’extension de l’effet déclaratif. Bien qu’elle prenne la forme d’une vente, cette opération est assimilée à un partage en raison de son résultat : l’indivisaire acquéreur devient pleinement propriétaire du bien, tandis que les autres indivisaires perçoivent une somme d’argent en contrepartie de leur renonciation à leurs droits indivis.

Ainsi, dans sa finalité, cette vente équivaut à une attribution dans le cadre d’un partage avec soulte. Par conséquent, elle doit être traitée comme un partage et bénéficie de l’effet déclaratif. Cela signifie que l’indivisaire acquéreur est réputé avoir toujours été propriétaire du bien, tandis que le prix payé aux autres indivisaires est assimilé à une soulte destinée à compenser la perte de leurs droits sur le bien vendu.

Cette analyse est d’autant plus justifiée lorsque l’acquéreur rachète l’intégralité des droits indivis portant sur un bien déterminé. Dans ce cas, l’indivision prend fin pour ce bien, ce qui justifie pleinement l’application de l’effet déclaratif. L’indivisaire acquéreur est alors censé en avoir toujours été le seul propriétaire, comme si ce bien lui avait été attribué lors d’un partage formel.

Cette approche, consacrée par la jurisprudence, a été renforcée par l’article 883 du Code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 1976. Le texte n’exige plus que l’opération mette fin à l’ensemble de l’indivision, mais uniquement à celle portant sur le bien concerné. Ainsi, l’effet déclaratif s’applique même si d’autres biens indivis subsistent dans la masse successorale.

c. L’application de l’effet déclaratif aux actes partiels et aux conversions de droits

Avant la réforme de 1976, l’effet déclaratif du partage était strictement encadré. Il ne s’appliquait qu’aux actes mettant définitivement fin à l’indivision dans son ensemble et exigeait la participation de tous les indivisaires. Cette approche rigide a été vivement critiquée par la doctrine, qui estimait injustifié de refuser l’effet déclaratif à des actes ayant précisément pour objet de substituer des droits privatifs à une appropriation collective.

La réforme entreprise par la loi du 31 décembre 1976 a profondément modifié cette approche en supprimant l’exigence d’une extinction totale de l’indivision. Désormais, un acte peut bénéficier de l’effet déclaratif dès lors qu’il met fin à l’indivision sur certains biens ou entre certains indivisaires. Il en résulte que même un partage partiel, c’est-à-dire un partage ne portant que sur une partie des biens indivis, est aujourd’hui doté de l’effet déclaratif. Il en va de même lorsqu’un indivisaire rachète les parts de ses coïndivisaires sur un bien spécifique : dans ce cas, l’indivision prend fin uniquement sur ce bien, mais l’effet déclaratif s’applique tout de même.

La reconnaissance de l’effet déclaratif s’étend également aux actes mettant fin à l’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Tel est le cas lorsque l’usufruit est converti en rente viagère, opération qui transforme la jouissance temporaire du bien en un droit patrimonial d’une autre nature. La jurisprudence considère désormais qu’une telle conversion est assimilable à un partage et doit donc bénéficier de l’effet déclaratif.

De la même manière, la conversion d’un usufruit en pleine propriété est traitée comme une opération de partage. Elle ne se limite pas à une simple modification du mode de détention du bien, mais entraîne une véritable mutation juridique, justifiant l’application de l’effet déclaratif. L’usufruitier converti en propriétaire est ainsi réputé l’avoir toujours été, et les droits éventuels qu’il avait pu consentir en tant qu’usufruitier s’éteignent rétroactivement.

B) Domaine quant aux biens

L’effet déclaratif du partage et des actes qui lui sont assimilés embrasse une large catégorie de biens, qu’ils soient corporels ou incorporels. Il s’applique aux biens qui étaient inclus dans l’indivision et à ceux qui, par subrogation, leur sont substitués. Cependant, certaines difficultés d’application se sont posées, notamment en ce qui concerne les créances héréditaires, les créances issues de la licitation d’un bien indivis et les créances relevant d’indivisions autres que successorales.

1. L’application générale de l’effet déclaratif aux biens de l’indivision

L’effet déclaratif du partage, tel que consacré par l’article 883 du Code civil, ne distingue ni la nature ni la qualification juridique des biens concernés. Il s’étend indistinctement aux meubles et immeubles, ainsi qu’aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient fait partie de l’indivision et qu’ils aient fait l’objet d’un partage, d’une licitation ou de tout acte ayant mis fin à l’indivision. Cette règle, qui découle directement du principe selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont échus, a été largement consacrée tant par la doctrine que par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 mars 1981, n°79-14.083). Toutefois, certaines limitations, tenant soit à la nature spécifique des biens, soit à des dispositions légales particulières, méritent d’être relevées.

a. L’application indifférenciée aux biens corporels et incorporels

Le domaine de l’effet déclaratif couvre l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient corporels ou incorporels, dès lors qu’ils font l’objet d’un partage ou d’une licitation. La loi ne distingue pas entre les catégories de biens et consacre ainsi une application uniforme de cette règle, quelle que soit leur nature.

==>Les biens corporels

L’article 883 du Code civil trouve à s’appliquer aux biens corporels, qu’ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, les immeubles faisant partie de l’indivision et attribués à un copartageant lors du partage sont réputés lui avoir toujours appartenu. Ce principe s’applique également aux meubles indivis, qui sont également soumis à l’effet déclaratif. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler ce caractère indifférencié de l’effet déclaratif en précisant que tout bien corporel intégré à un partage doit être considéré comme ayant toujours appartenu à son attributaire dès l’origine (Cass. 1re civ., 6 nov. 1967).

==>Les biens incorporels

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux seuls biens matériels. Il s’étend également aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient été inclus dans l’indivision et attribués à un copartageant. Cette extension a notamment été consacrée par la jurisprudence en matière de fonds de commerce où il a été jugé que l’attribution d’un fonds indivis à un coindivisaire lors du partage entraîne l’effet déclaratif, le rendant rétroactivement propriétaire exclusif du fonds.

Dans le même esprit, la doctrine considère que l’effet déclaratif couvre également les créances dépendant d’une indivision, dans la mesure où celles-ci constituent un élément du patrimoine indivis (Cass. req., 7 août 1860). Cependant, cette application aux créances n’a pas toujours été admise sans réserve, et certaines décisions ont pu restreindre son champ en fonction de la nature des créances concernées (V. ci-après).

b. Les limites de l’effet déclaratif : exceptions et restrictions

Si l’effet déclaratif du partage présente un caractère général, certaines restrictions s’imposent en raison soit de la nature des biens concernés, soit de dispositions légales spécifiques qui viennent limiter son application.

==>L’exclusion des fruits et revenus des biens indivis

Un premier tempérament réside dans l’exclusion des fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits ne sont pas soumis à l’effet déclaratif et restent la propriété des indivisaires en proportion de leurs droits sur l’indivision. La Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’effet déclaratif du partage ne s’applique pas aux fruits et revenus perçus avant la cessation de l’indivision et a censuré une décision qui avait attribué à certains copartageants la totalité des fermages échus avant le partage, au motif qu’ils étaient devenus propriétaires des biens loués (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031)).

Dans cette affaire, un bien indivis donné à bail rural avant le partage avait généré des fermages dont les attributaires du bien avaient revendiqué la perception exclusive, en se prévalant de l’effet déclaratif du partage. La cour d’appel avait accueilli cette demande, considérant que l’attribution du bien leur conférait rétroactivement la qualité de propriétaires exclusifs et les habilitait à percevoir seuls les loyers dus pour les périodes antérieures au partage. La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que l’effet déclaratif ne saurait conférer rétroactivement à un indivisaire l’exclusivité des fruits et revenus produits avant la fin de l’indivision. Ces revenus conservent leur caractère indivis jusqu’au partage et doivent être répartis entre tous les indivisaires en fonction de leurs droits respectifs.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a généré des revenus avant son attribution à un copartageant, ces produits ne peuvent être réputés lui avoir toujours appartenu. Ils doivent être partagés entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs quotes-parts, sans que le partage ne puisse produire un effet rétroactif sur leur répartition.

==>L’exclusion légale de certains biens spécifiques

Certaines catégories de biens échappent à l’application de l’article 883 du Code civil en raison de dispositions législatives particulières. Tel est le cas, par exemple, en matière de brevets d’invention. L’article L. 613-30 du Code de la propriété intellectuelle exclut expressément l’application de l’effet déclaratif aux situations de copropriété d’un brevet ou d’une demande de brevet, en instaurant un régime spécifique à la matière. Cette disposition traduit la volonté du législateur de soumettre la gestion des brevets à un régime plus strict, distinct de celui du droit commun de l’indivision.

D’autres domaines spécifiques peuvent également donner lieu à des exceptions, en fonction des règles particulières qui leur sont applicables. Il conviendra donc, avant d’invoquer l’effet déclaratif, de s’assurer que la législation propre à chaque type de bien ne prévoit pas de disposition dérogatoire.

==>La prise en compte des soultes et compensations

Si l’effet déclaratif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus, il s’applique en revanche aux soultes versées entre copartageants. Une soulte, qui constitue une somme versée en compensation d’un lot excédentaire, est réputée avoir toujours appartenu à son bénéficiaire. Cette règle a été posée dès le XIX? siècle par la Cour de cassation, qui a admis que même une soulte versée sur les deniers propres de l’un des copartageants bénéficie de l’effet déclaratif (Cass. req., 7 août 1860).

Ainsi, si un indivisaire reçoit un bien d’une valeur supérieure à sa quote-part et qu’il compense cette inégalité par le versement d’une soulte à un autre copartageant, cette soulte est réputée avoir toujours fait partie du patrimoine de son bénéficiaire. Ce principe vise à garantir la cohérence de l’effet déclaratif et à éviter que le partage ne soit requalifié en opération translative.

2. Cas particuliers

a. Les créances héréditaires

La question de l’application de l’effet déclaratif du partage aux créances héréditaires a longtemps divisé doctrine et jurisprudence, en raison de l’apparente contradiction entre deux règles fondamentales du droit successoral. D’un côté, l’article 1309 du Code civil (ancien article 1220) prévoit que les créances successorales se divisent de plein droit entre les cohéritiers en proportion de leur part dans la succession. De l’autre, l’article 883 du même code instaure un effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués.

À l’origine, la jurisprudence appliquait strictement l’article 1309 et considérait que les créances successorales étaient divisées entre les héritiers dès l’ouverture de la succession, les excluant ainsi de l’indivision et du champ d’application de l’effet déclaratif (Cass. req., 23 févr. 1864). Cette approche signifiait que chaque cohéritier pouvait revendiquer immédiatement sa part individuelle sur la créance et l’exercer indépendamment des autres. Le débiteur de la succession pouvait également opposer la compensation à hauteur de la part de chaque héritier (Cass. req., 9 nov. 1847).

Toutefois, cette position s’est révélée insatisfaisante, car elle privait l’effet déclaratif du partage d’une grande partie de sa portée en ce qui concerne les créances. Un héritier pouvait, avant le partage, céder ou faire saisir sa quote-part de créance, ce qui compromettait l’égalité entre les copartageants. La jurisprudence a donc progressivement évolué vers une application distributive des deux articles, aboutissant à la célèbre décision des chambres réunies de la Cour de cassation dans l’arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907 (Cass. ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cet arrêt opère une distinction selon le moment où l’on se place. Avant le partage, l’article 1309 s’applique dans les rapports entre les héritiers et les débiteurs successoraux. Chaque héritier peut alors exercer sa part de la créance, et le débiteur peut se libérer en réglant chaque cohéritier individuellement. Il peut également opposer une compensation pour toute dette qu’il détient à l’égard d’un héritier, sans que cette compensation puisse être remise en cause par le partage ultérieur (Cass. req., 25 févr. 1864). Cette solution repose sur la double nature du droit de créance : il est à la fois un lien de droit (vinculum juris) entre le créancier et le débiteur, et un bien faisant partie du patrimoine du créancier.

Une fois le partage consommé, l’article 883 prend le pas et s’applique exclusivement dans les rapports entre cohéritiers. La créance indivise est alors attribuée en totalité à un copartageant, qui est réputé l’avoir toujours possédée en exclusivité. Dès lors, les actes accomplis par d’autres indivisaires sur cette créance deviennent inopposables à son attributaire, sauf s’ils ont été régulièrement exécutés avant le partage (Cass. req., 13 janv. 1909). Ainsi, un cohéritier ne peut plus, après le partage, revendiquer une part sur une créance qui a été attribuée à un autre. Il en va de même pour une cession de créance consentie par un indivisaire seul avant le partage : elle est inopposable à l’attributaire final de la créance (Cass. req., 2 juin 1908).

Cette articulation entre les deux articles permet d’assurer un équilibre entre les droits des cohéritiers et les exigences de sécurité juridique. L’article 1309 garantit que chaque héritier puisse faire valoir ses droits sur les créances successorales tant que l’indivision subsiste, sans être tributaire de l’inaction des autres indivisaires. En revanche, une fois le partage réalisé, l’effet déclaratif de l’article 883 permet d’éviter que des actes de disposition antérieurs ne viennent compromettre l’égalité entre copartageants. Cette solution est aujourd’hui largement admise par la doctrine.

b. L’effet déclaratif sur la créance du prix d’adjudication d’un bien indivis

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux biens matériels présents dans l’indivision. Il s’étend également aux créances qui en sont issues, notamment la créance résultant du prix d’adjudication d’un immeuble indivis vendu par licitation à un tiers. Dans ce cas, l’adjudication équivaut à une vente, et l’immeuble licité cesse de faire partie de l’indivision, tandis que la créance de prix qu’il génère vient s’y substituer et entre dans l’actif successoral à partager. Une fois le partage réalisé, cette créance peut être répartie entre tous les copartageants, ou bien être attribuée en totalité à l’un d’eux.

Une question essentielle a été soulevée quant à la portée de l’effet déclaratif dans ce contexte : l’attributaire de la créance doit-il être considéré comme ayant été le seul propriétaire du bien depuis son entrée dans l’indivision, et donc comme étant le seul vendeur au regard des tiers, ou bien tous les indivisaires doivent-ils être regardés comme ayant participé à la vente ? L’enjeu de la réponse à cette question est fondamental, car il touche au sort des droits réels que certains indivisaires auraient pu consentir sur l’immeuble avant la licitation. En effet, si seul l’attributaire final de la créance est réputé rétroactivement propriétaire, les droits réels accordés par d’autres indivisaires avant la licitation pourraient être anéantis. À l’inverse, si tous les indivisaires sont considérés comme ayant participé à la vente, ces droits réels devraient être reportés sur leur part du prix d’adjudication.

Initialement, la Cour de cassation avait retenu une interprétation stricte de l’effet déclaratif, en considérant que seul l’attributaire de la créance devait être regardé comme ayant été propriétaire du bien et donc comme ayant procédé à la vente (Cass. civ., 18 juin 1834). Cette solution conduisait à l’anéantissement des droits réels constitués par d’autres indivisaires sur l’immeuble licité. Toutefois, cette position a été abandonnée au profit d’une approche fondée sur la subrogation réelle. Désormais, la créance du prix d’adjudication est assimilée au bien vendu, et l’effet déclaratif du partage ne remet pas en cause les sûretés qui ont pu être constituées sur l’immeuble pendant l’indivision (Cass. civ., 21 juin 1904). Il en résulte que si un indivisaire a hypothéqué l’immeuble avant la licitation, cette hypothèque ne disparaît pas avec la vente, mais est reportée sur la part du prix d’adjudication qui lui revient dans le partage.

L’arrêt Chollet contre Dumoulin, rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 5 décembre 1907, a consacré cette évolution en affirmant que, si la licitation doit être considérée comme une vente à l’égard de l’adjudicataire lorsqu’il est un tiers, elle constitue dans les rapports entre cohéritiers une simple opération préparatoire au partage. Dès lors, la créance du prix d’adjudication est soumise aux mêmes règles que l’immeuble qu’elle remplace. Ainsi, si un héritier est tenu à un rapport en moins prenant et que la créance du prix est attribuée à ses cohéritiers en compensation du rapport dû, cet héritier est réputé n’avoir jamais eu de droit sur cette créance. Il en découle que ses créanciers personnels ne peuvent exercer de droit de préférence sur le prix d’adjudication, puisqu’ils ne disposent pas de plus de droits que leur débiteur dans la masse successorale (Cass., ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cette solution se justifie par la combinaison de l’effet déclaratif du partage et du principe de la subrogation réelle. En effet, dès lors que l’immeuble est remplacé par une créance de prix, il est logique que toute sûreté constituée sur ce bien soit reportée sur la somme d’argent qui lui succède. Cette position a été confirmée par la jurisprudence moderne, qui admet que l’hypothèque consentie sur un bien indivis par un indivisaire seul est reportée, en cas de vente, sur la fraction du prix qui lui est attribuée dans le partage (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331).

L’admission de la subrogation réelle atténue ainsi la portée absolue de la rétroactivité du partage. En effet, bien que l’article 883 du Code civil établisse une présomption selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire des biens de son lot, la prise en compte de la situation de la masse indivise au jour du partage permet de préserver les droits des tiers ayant acquis des garanties sur ces biens avant leur attribution définitive.

c. L’extension de l’effet déclaratif aux créances issues d’indivisions non successorales

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux successions. Il s’étend aux créances issues d’autres formes d’indivision, notamment l’indivision post-communautaire. Dans ce cadre, la jurisprudence a longtemps refusé d’appliquer l’article 1309 du Code civil, considérant que tant que la communauté n’était pas liquidée, les créances communes ne pouvaient être divisées entre les époux (Cass. req., 18 oct. 1893). Toutefois, cette position a évolué, et il est désormais admis que chaque époux peut réclamer sa part de créance sans attendre le partage. Dans un arrêt du 10 février 1981, la Cour de cassation a, en effet, jugé que, dès la dissolution de la communauté, chacun des époux est investi d’un droit personnel sur les valeurs qui en dépendent et peut, à ce titre, demander individuellement le règlement de sa quote-part dans les créances communes (Cass. 1re civ., 10 févr. 1981, n° 79-12.765).

Dans cette affaire, à l’occasion de la liquidation d’une communauté dissoute par divorce, l’une des parties revendiquait le droit d’agir seule en recouvrement de créances qui avaient appartenu à la communauté. Son ancien conjoint contestait cette possibilité, soutenant que tant que la liquidation n’avait pas été achevée, les droits de chacun des époux restaient incertains, excluant ainsi toute division automatique des créances. La Cour d’appel avait néanmoins condamné le débiteur des créances litigieuses à verser directement à l’épouse sa part correspondant à la moitié du montant dû, au motif qu’elle détenait des droits sur les valeurs de la communauté.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette approche, énonçant que la dissolution de la communauté confère immédiatement à chacun des époux un titre leur permettant de réclamer leur part des créances communes, sans attendre le partage. Ce faisant, la Haute juridiction a admis que la créance, bien qu’encore incluse dans la masse indivise au stade de la liquidation, pouvait être partiellement mobilisée par chacun des ex-époux, consacrant ainsi une autonomie certaine dans l’exercice des droits patrimoniaux post-communautaires.

Par cette décision, la Cour de cassation a confirmé que la dissolution de la communauté entraîne la division des créances entre les époux et leur permet d’en revendiquer le paiement, indépendamment de l’achèvement de la liquidation et du partage.

Cette reconnaissance d’un droit propre à chaque indivisaire sur une créance dès la dissolution ne remet toutefois pas en cause l’application du principe de l’effet déclaratif du partage. Si, dans leurs rapports avec les tiers, les indivisaires peuvent faire valoir leur part de créance indépendamment du partage, il en va différemment dans les relations internes à l’indivision. En effet, une fois le partage intervenu, l’attribution d’une créance à un indivisaire emporte l’effet rétroactif prévu par l’article 883 du Code civil, impliquant qu’il est réputé l’avoir toujours détenue. Cette conséquence, qui marque une rupture avec la logique de division immédiate des créances, permet de garantir la stabilité des attributions patrimoniales et d’uniformiser le régime des créances successorales et post-communautaires.

Dans les rapports entre indivisaires, ces créances sont ainsi soumises à l’article 883 du Code civil et bénéficient de l’effet déclaratif. Un indivisaire qui se voit attribuer une créance dans le partage est réputé en avoir été le titulaire exclusif depuis l’origine, ce qui a pour effet de priver ses coïndivisaires de tout droit rétroactif sur celle-ci. En conséquence, les actes de disposition accomplis avant le partage par un autre indivisaire sur la créance, tels qu’une cession ou une saisie, peuvent lui être inopposables (Cass. req., 2 juin 1908).

Effet déclaratif du partage: vue générale

Le partage constitue l’acte par lequel s’opère la liquidation de l’indivision et l’attribution définitive des biens aux copartageants. Au-delà de cette simple répartition, il produit un effet juridique majeur: l’effet déclaratif, prévu par l’article 883 du Code civil. Ce principe implique que chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’ouverture de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués, effaçant rétroactivement la période d’indivision. Toutefois, pour éviter que cette rétroactivité n’entraîne des conséquences excessives, notamment au détriment des tiers de bonne foi ou de la stabilité des transactions, le législateur et la jurisprudence ont assorti ce principe de limites.

A) Les différentes conception du partage

1. La théorie de la fiction légale

La première interprétation, longtemps dominante, postule que l’effet déclaratif est une fiction légale, instaurée pour aplanir les inégalités qu’un partage strictement translatif pourrait engendrer. Le partage, dans cette perspective, est considéré comme un acte translatif de droits entre coindivisaires, où l’effet déclaratif ne serait qu’un habillage légal destiné à neutraliser certaines conséquences indésirables.

Cette approche puise ses racines dans le droit romain, où le partage était vu comme un acte translatif de propriété. Chaque indivisaire y était considéré comme titulaire d’une quote-part indivise sur chacun des biens composant l’actif indivis. Le partage s’analysait alors comme un véritable échange entre coindivisaires : chacun cédait ses droits indivis sur les biens qu’il n’obtenait pas en contrepartie de la pleine propriété des biens qui lui étaient attribués. Autrement dit, pour devenir propriétaire exclusif de certains biens, chaque indivisaire devait céder à ses coindivisaires ses droits sur les autres biens.

Cette conception du partage implique que chaque coindivisaire devient l’ayant-cause non seulement du de cujus (dans le cadre d’une succession) mais également de ses coindivisaires. Ce double lien engendre des conséquences juridiques et fiscales importantes.

Cette approche, toujours retenue par certains droits étrangers comme le droit allemand (BGB, § 2032 s.) et le droit suisse (Code civil suisse, art. 634), a toutefois été progressivement abandonnée en droit français en raison de ses nombreuses implications négatives.

La conception translative du partage engendre plusieurs difficultés majeures, tant sur le plan fiscal que sur le plan civil :

  • La soumission aux droits de mutation
    • En considérant que le partage réalise un transfert de propriété entre coindivisaires, cette analyse implique, en principe, l’application des droits de mutation à titre onéreux.
    • Or, ces droits fiscaux, souvent conséquents, viennent alourdir le coût du partage et peuvent dissuader les indivisaires de procéder à la liquidation de l’indivision.
  • Le maintien des charges grevant les biens attribués
    • Dans la logique translative, les actes accomplis par un coindivisaire pendant la période d’indivision – tels que les hypothèques ou les cessions de parts – continuent de produire effet après le partage, même si le bien en question est finalement attribué à un autre coindivisaire.
    • Ainsi, un copartageant peut se voir attribuer un bien grevé par une hypothèque consentie par un autre indivisaire, sans avoir été l’auteur de cet acte.
    • Certes, le copartageant lésé dispose d’un recours contre le coindivisaire ayant constitué l’hypothèque, mais ce recours est souvent illusoire, notamment en cas d’insolvabilité du débiteur.
    • Cela compromet l’équilibre et l’équité du partage.
  • Le risque d’inégalité entre copartageants
    • La conséquence directe de ces charges maintenues est l’introduction d’inégalités entre copartageants.
    • Un indivisaire peut hériter d’un bien lourdement grevé tandis qu’un autre reçoit un bien libre de toute charge, sans qu’aucun correctif ne soit automatiquement appliqué pour rétablir l’équité du partage.
  • L’absence de rétroactivité
    • Enfin, la conception translative ne reconnaît pas d’effet rétroactif au partage : la fin de l’indivision n’efface pas les actes accomplis pendant cette période.
    • Les charges et engagements contractés par les indivisaires restent donc pleinement opposables, ce qui aggrave encore les déséquilibres et expose les copartageants à des risques juridiques et financiers.

Certains systèmes juridiques étrangers, tout en conservant la nature translative du partage, ont introduit des mécanismes destinés à en atténuer les effets les plus préjudiciables :

En Allemagne, le Code civil (BGB, § 2040) exige l’accord unanime de tous les indivisaires pour la constitution de droits réels sur les biens indivis. Cette règle vise à éviter que des actes unilatéraux réalisés par un seul indivisaire affectent les biens communs.

En Suisse, les articles 648 et 653 du Code civil imposent des restrictions similaires, interdisant notamment les aliénations et les hypothèques sans le consentement de tous les indivisaires. Ces garanties renforcent la sécurité juridique des copartageants et limitent les risques liés aux actes translatifs.

Face aux inconvénients majeurs de la conception translative, il a progressivement été opéré un revirement jurisprudentiel et doctrinal en droit français. Dès le XVI? siècle, la jurisprudence des parlements français a amorcé ce changement en posant le principe selon lequel les biens attribués lors du partage devaient revenir aux copartageants « francs et quittes de toutes charges consenties par les autres héritiers ». Cette solution visait à préserver l’équité du partage et à éviter que les indivisaires n’héritent de dettes qu’ils n’avaient pas contractées.

Le Code civil de 1804 a consolidé cette évolution en consacrant, à l’article 883, alinéa 1??, le principe de l’effet déclaratif :

« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Par cette disposition, le législateur français a pris le contrepied de la conception translative. Le partage n’est plus conçu comme un échange de droits entre coindivisaires, mais comme une opération révélant rétroactivement la propriété exclusive des biens attribués à chaque copartageant.

Cependant, certains auteurs ont vu dans cette consécration du principe de l’effet déclaratif une simple fiction légale, destinée à masquer la nature fondamentalement translative du partage. Selon cette lecture, l’article 883 du Code civil ne ferait qu’instaurer une présomption irréfragable : en affirmant que chaque cohéritier est «censé avoir succédé seul et immédiatement», le texte instituerait une pure fiction, visant à simplifier les opérations de partage et à contourner les conséquences indésirables du transfert de propriété.

Pour ces auteurs, le législateur aurait ainsi choisi de recourir à un artifice technique pour écarter les droits de mutation, neutraliser les charges grevant les biens et garantir l’équité entre copartageants, sans pour autant remettre en cause la nature translatrice du partage. Ce choix, bien que pragmatique, entretiendrait une forme d’ambiguïté juridique.

La théorie de la fiction légale n’a pas échappé aux critiques. De nombreux auteurs ont souligné les incohérences qu’elle engendre et les incertitudes juridiques qui en résultent :

  • Incohérences fiscales : la fiction légale rend difficile la détermination des règles fiscales applicables, notamment en matière de droits de mutation ou de plus-values.
  • Insécurité patrimoniale : les praticiens se trouvent confrontés à des difficultés dans l’interprétation des actes accomplis pendant l’indivision, notamment concernant les hypothèques et autres sûretés.
  • Complexité procédurale : la coexistence de la fiction légale et des réalités patrimoniales alourdit les procédures et multiplie les situations litigieuses.

Ces critiques ont conduit la doctrine et la jurisprudence à favoriser progressivement une conception réaliste de l’effet déclaratif, selon laquelle le partage ne constitue pas une fiction, mais l’expression naturelle de la structure du droit indivis. Cette approche, aujourd’hui largement majoritaire, considère que le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais se contente de révéler ceux qui existaient depuis l’origine.

2. La conception réaliste

En réaction aux limites et aux incohérences révélées par la théorie de la fiction légale, la doctrine contemporaine a progressivement fait émerger une conception plus cohérente et fidèle à la nature du partage : la conception réaliste de l’effet déclaratif. Cette approche, aujourd’hui largement consacrée par la jurisprudence française, rejette l’idée que l’effet déclaratif soit un simple artifice juridique destiné à corriger les défauts d’un partage translatif. Elle y voit, au contraire, l’expression directe et naturelle de la structure juridique du partage. Dans cette optique, le partage ne réalise aucun transfert de propriété entre les indivisaires, mais se borne à révéler et à individualiser les droits préexistants de chacun.

La conception réaliste repose sur l’idée fondamentale que les indivisaires ne détiennent pas des droits concrets et distincts sur chaque bien de la masse indivise, mais un droit global et abstrait sur l’ensemble de l’indivision. Tant que le partage n’a pas été réalisé, ce droit indivis est flottant : il s’exerce sur la masse indivise dans sa globalité, sans se fixer sur des biens particuliers.

Le partage intervient alors comme un acte déclaratif et non translatif : il n’opère aucun transfert de propriété entre les coindivisaires, mais délimite l’assiette matérielle des droits de chacun. Dès lors, chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’origine de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui composent son lot. Il s’agit d’une révélation des droits existants et non d’une création ou d’une mutation juridique.

Cette lecture trouve son fondement doctrinal dans les écrits de Planiol et Ripert qui qualifient le partage d’« acte déclaratif par nature ». De même, F. Terré et Y. Lequette soulignent que « le partage cristallise les droits des coindivisaires sans en modifier la substance ». Ces auteurs insistent sur le fait que le partage n’est ni un contrat d’échange ni un acte translatif, mais bien un mécanisme révélateur des droits originels.

L’adoption de cette analyse réaliste de l’effet déclaratif emporte des conséquences notamment en matière patrimoniale, fiscale et procédurale.

  • Première conséquence
    • L’une des premières conséquences de cette conception est l’exclusion des droits de mutation à titre onéreux.
    • Puisque le partage ne procède pas à un transfert de propriété mais se borne à révéler les droits préexistants des indivisaires, il échappe aux règles fiscales applicables aux cessions de biens.
    • Le législateur a consacré ce principe à l’article 883 du Code civil, limitant les charges fiscales à des frais de partage, généralement moins lourds que les droits de mutation.
  • Deuxième conséquence
    • L’autre implication majeure réside dans la protection des copartageants contre les actes réalisés par leurs coindivisaires pendant l’indivision.
    • Dans la conception réaliste, si un indivisaire constitue une hypothèque sur un bien indivis et que ce bien est finalement attribué à un autre copartageant lors du partage, l’hypothèque est automatiquement anéantie.
    • Le coindivisaire qui a grevé le bien n’était pas, en réalité, propriétaire du bien attribué à autrui, et l’acte est donc considéré comme accompli a non domino.
    • À l’inverse, si le bien est attribué à celui qui avait constitué l’hypothèque, celle-ci est consolidée rétroactivement.
    • Ce mécanisme permet de garantir l’équité du partage et protège chaque copartageant contre les conséquences des actes unilatéraux réalisés par d’autres indivisaires pendant la période d’indivision.
  • Troisième conséquence
    • La conception réaliste est intimement liée au principe de rétroactivité du partage.
    • En révélant les droits préexistants de chaque copartageant, le partage opère rétroactivement ses effets à la date d’ouverture de l’indivision.
    • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.
    • Toutefois, cette rétroactivité connaît certaines limites, destinées à préserver la sécurité juridique et les droits des tiers.
    • L’article 883, alinéa 3, du Code civil précise ainsi que « les actes valablement accomplis, soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
    • Ce tempérament permet d’éviter que des tiers contractants de bonne foi soient lésés par les conséquences du partage.

B) La conception retenue en droit français

Après avoir oscillé entre les différentes théories, le droit français a finalement consacré la conception réaliste du partage. Loin de n’être qu’un simple compromis théorique, cette approche repose sur une articulation subtile entre deux notions connexes mais juridiquement distinctes : d’une part, le caractère déclaratif du partage, qui révèle les droits préexistants des indivisaires sans opérer de transfert de propriété ; d’autre part, sa rétroactivité, qui fait remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision.

Si le partage est reconnu comme un acte purement déclaratif, révélant les droits préexistants de chaque indivisaire, la rétroactivité, quant à elle, constitue une modalité d’application qui, bien que prévue par la loi, est sujette à des tempéraments destinés à protéger les tiers et assurer la sécurité juridique.

1. Distinction entre le caractère déclaratif et la rétroactivité

Pour mémoire; l’article 883 du Code civil prévoit que « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Ce texte consacre la logique selon laquelle le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais révèle les droits qui existaient depuis l’origine. Le copartageant est donc réputé avoir été, dès le jour de l’ouverture de l’indivision, propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.

Toutefois, cet effet déclaratif s’accompagne d’une rétroactivité : les effets du partage sont réputés remonter au jour de l’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire durant laquelle les biens étaient indivis. Cette rétroactivité permet de neutraliser les actes accomplis pendant l’indivision qui seraient contraires aux droits définitifs des copartageants.

Cependant, il est essentiel de bien distinguer deux notions fondamentales qui structurent le régime du partage :

  • Le caractère déclaratif du partage : il s’agit d’un acte qui se borne à révéler et préciser les droits préexistants des coindivisaires sans opérer de transfert de propriété. Le partage n’a donc pas de vocation translative : il détermine simplement l’assiette concrète des droits de chacun.
  • La rétroactivité du partage : il s’agit d’une modalité d’application du caractère déclaratif. La rétroactivité permet de faire remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire et considérant que chaque copartageant a toujours été titulaire exclusif des biens finalement attribués dans son lot.

Cette distinction est loin d’être purement théorique. La doctrine a souligné que la rétroactivité, si elle était appliquée de manière absolue, pourrait engendrer des risques d’insécurité juridique, notamment en remettant en cause des droits acquis ou en affectant les intérêts des tiers de bonne foi.

Certains auteurs, à l’instar de P. Hébraud ont plaidé pour une limitation de cette rétroactivité dans les situations où elle pourrait compromettre la stabilité juridique, notamment lorsqu’elle remet en cause des actes accomplis en toute légalité pendant la période d’indivision.

2. Tempéraments à la rétroactivité

Conscient des conséquences potentiellement excessives d’une rétroactivité absolue, le législateur français a introduit des mécanismes destinés à équilibrer la protection des coindivisaires et celle des tiers.

==>Les aménagements prévus par la loi

L’article 883, alinéa 3, du Code civil apporte un premier tempérament important :

« Les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet. »

Cette disposition permet de sécuriser les actes nécessaires à la gestion de l’indivision.

Par exemple :

  • Si un bien indivis est vendu par un mandataire commun, l’acte de vente conserve sa pleine validité, quel que soit le lot attribué lors du partage.
  • De même, si un juge autorise la constitution d’une hypothèque sur un bien indivis pour financer des travaux urgents, cette hypothèque subsistera même si le bien est finalement attribué à un indivisaire différent de celui qui a sollicité l’autorisation.

Ce mécanisme garantit ainsi la continuité des droits des tiers qui auraient contracté avec l’indivision, tout en évitant qu’un partage ultérieur ne vienne remettre en cause des actes accomplis en toute légalité.

==>La protection des tiers de bonne foi

La jurisprudence a, elle aussi, contribué à affiner l’application de l’effet déclaratif et de sa rétroactivité. Les juges ont systématiquement cherché à préserver la sécurité juridique, en protégeant les tiers de bonne foi contre les effets destructeurs d’une rétroactivité pure et dure.

Ainsi, il a été reconnu que certains actes accomplis par des coindivisaires pendant l’indivision — même en l’absence de mandat ou d’autorisation judiciaire — pouvaient produire leurs effets si :

  • Le tiers contractant était de bonne foi, et
  • L’acte était conforme aux règles d’administration des biens indivis.

Par exemple, si un indivisaire cède temporairement l’usage d’un bien indivis à un tiers et que ce bien est ensuite attribué à un autre copartageant lors du partage, le contrat pourra subsister jusqu’à son terme si le tiers ignorait la situation d’indivision et agissait de bonne foi.

==>Les aménagements conventionnels

Enfin, le droit français permet aux coindivisaires, dans le cadre d’un partage amiable, d’introduire des clauses dérogatoires au principe de la rétroactivité. Les indivisaires peuvent ainsi convenir que certains actes passés continueront à produire leurs effets ou que la rétroactivité sera limitée pour des raisons de commodité ou de stratégie patrimoniale.

Cette faculté permet de renforcer la sécurité juridique des opérations patrimoniales et d’adapter le régime du partage aux besoins spécifiques des indivisaires.

Le partage amiable: régime

Le partage amiable, en tant que modalité privilégiée de sortie de l’indivision, repose sur un principe fondamental : le consensualisme. Il incarne la volonté du législateur de favoriser des solutions apaisées et autonomes, permettant aux indivisaires de s’accorder librement sur la répartition des biens. Cette souplesse procédurale, prévue par l’article 835 du Code civil, confère aux parties la latitude de définir elles-mêmes les modalités du partage, tout en encadrant cette liberté par des exigences de fond et de forme destinées à garantir l’équité et la sécurité juridique.

Toutefois, cette voie suppose la satisfaction d’une condition essentielle : la participation de l’ensemble des indivisaires. L’unanimité est le socle du partage amiable, conditionnant sa validité et son opposabilité à tous. Dès lors, la présence ou la représentation de chaque indivisaire devient indispensable pour assurer l’équilibre de l’opération. Cette exigence, bien que garante d’une répartition juste, peut devenir source de complexité lorsque certains indivisaires sont protégés, absents ou défaillants, ou lorsque des intérêts divergents entravent le processus.

C’est dans ce contexte que la réglementation prévoit des mécanismes adaptés pour permettre la participation effective de tous les indivisaires, tout en préservant leurs droits fondamentaux. De la protection des personnes vulnérables à la représentation des indivisaires absents, en passant par la gestion des situations de blocage, le cadre juridique du partage amiable s’efforce de concilier souplesse et sécurité.

Dès lors, il convient d’examiner les conditions dans lesquelles les indivisaires peuvent participer au partage amiable, en s’attachant à préciser les principes qui régissent leur intervention, les garanties offertes aux parties protégées et les solutions prévues en cas de défaillance ou d’absence d’un indivisaire.

I) Les parties au partage amiable

A) Le principe de participation de tous les indivisaires

Parce que le partage amiable requiert le consentement unanime de tous les indivisaires, tous doivent y participer. La participation de chacun est à la fois un gage de légitimité et de stabilité dans l’opération de partage. Elle confère aux indivisaires la faculté de définir librement les modalités de répartition, qu’il s’agisse de la composition des lots, de leur évaluation ou de leur attribution.

Cette liberté, caractéristique du partage amiable, est renforcée par l’abandon du principe d’égalité en nature au profit d’une égalité en valeur. Les parties peuvent ainsi recourir à des mécanismes tels que les soultes ou les licitations pour rétablir l’équilibre patrimonial. De même, l’unanimité permet d’écarter les aléas liés au tirage au sort, autorisant une répartition mieux adaptée aux intérêts et volontés de chacun.

Cependant, cette exigence de consentement unanime des indivisaires n’est pas sans contrainte. Si un indivisaire refuse d’adhérer à la composition ou à l’attribution des lots, le partage amiable devient inopposable à celui-ci. Dans un arrêt du 3 février 1982, la Cour de cassation a jugé en ce sens que la participation de tous les indivisaires est une condition essentielle pour conférer un caractère obligatoire à un partage amiable (Cass. 1ère civ. 3 févr. 1982).

En l’espèce, la succession d’un défunt, comprenant un important domaine, n’avait pas été immédiatement partagée après son décès en 1938. En 1977, l’un des héritiers avait sollicité l’authentification d’un accord prétendument conclu en mai 1967 entre tous les indivisaires pour réaliser le partage. Cependant, certains cohéritiers avaient contesté la validité de cet accord, soutenant qu’il ne s’agissait que d’un projet de partage non signé par tous les indivisaires. La Cour d’appel, tout en reconnaissant l’absence d’assentiment unanime, avait néanmoins donné mission à un notaire de procéder au partage sur la base du contenu de ce projet.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt, affirmant qu’un projet de partage n’ayant pas reçu l’assentiment de tous les coindivisaires ne pouvait être imposé à ceux qui ne l’avaient pas approuvé. Elle a jugé que, faute de consentement unanime, une telle convention n’avait aucun caractère obligatoire à l’égard des indivisaires non-signataires et ne pouvait servir de fondement à un partage judiciaire. Par ailleurs, elle a rappelé que cette absence d’unanimité rendait le projet inopposable aux coindivisaires dissidents, bien qu’il puisse éventuellement engager les signataires à titre individuel en tant que convention préparatoire.

Il convient par ailleurs de préciser que l’omission d’un indivisaire dans le cadre des opérations de partage constitue une irrégularité grave, sanctionnée par la nullité de l’acte. Ce principe découle de la nature indivisible du partage, qui exige la participation de tous les indivisaires pour assurer une répartition équitable des biens. En l’absence d’un indivisaire, l’acte se trouve donc privé de toute validité juridique.

Toutefois, cette nullité n’est pas irréversible. Il est, en effet, admis que l’acte de partage initialement entaché d’irrégularité puisse être consolidé par une ratification, qu’elle soit expresse ou tacite, de l’indivisaire omis (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 janv. 1984). Une ratification expresse résulte d’une déclaration claire et non équivoque d’adhésion au partage, tandis qu’une ratification tacite peut être déduite de comportements révélateurs, tels que l’exécution volontaire des obligations issues de l’acte. Ainsi, si un indivisaire omis accepte, par exemple, les biens ou les soultes qui lui sont attribués dans le cadre du partage, il manifeste implicitement son consentement à l’acte et en purifie les vices initiaux.

En pratique, ce cadre impose que tous les indivisaires soient partie à l’acte, qu’ils soient présents en personne ou représentés. Cette égalité procédurale s’étend également au partage judiciaire, où chaque indivisaire conserve le même droit de participation, que ce soit en qualité de demandeur ou de défendeur à l’action.

Dans le cadre des partages successoraux, le recours à une division par souches, tel que prévu par l’article 827 du Code civil, peut engendrer des problématiques particulières. Ce mode de répartition, qui divise la succession en fonction des branches familiales plutôt qu’en fonction du nombre exact d’héritiers, soulève la question délicate de la représentation collective des cohéritiers appartenant à une même souche.

La Cour de cassation a, dans un arrêt du 13 avril 1961 admis que le partage ne puisse être contesté au seul motif que tous les indivisaires d’une même souche n’avaient pas directement participé aux opérations (Cass. 1ère civ., 13 avr. 1961). Ce principe, bien qu’ayant pour finalité de simplifier les procédures et d’éviter des blocages inutiles, institue une représentation implicite des cohéritiers d’une souche par les autres membres de celle-ci.

Cependant, cette approche demeure controversée. Elle repose sur une construction jurisprudentielle dépourvue de fondement légal explicite et suscite des critiques quant à ses conséquences. En effet, permettre qu’un héritier soit représenté de manière collective au sein de sa souche revient à limiter son droit individuel à une participation active et personnelle au partage. Une telle pratique peut priver un héritier de l’opportunité de revendiquer l’attribution directe de certains biens ou de participer à la négociation des modalités du partage, ce qui peut être perçu comme une atteinte à son droit de propriété.

Ainsi, si cette solution jurisprudentielle vise à faciliter les opérations de partage dans des situations complexes, elle pose néanmoins des difficultés en termes de respect des droits fondamentaux des indivisaires. La doctrine continue de s’interroger sur l’équilibre à trouver entre l’efficacité des procédures de partage et la garantie des droits individuels de chaque cohéritier.

Enfin, le partage amiable reste strictement circonscrit aux indivisaires eux-mêmes. Les tiers, bien qu’ils puissent intervenir pour autoriser ou encadrer certaines opérations, ne participent pas à l’acte de partage. Cette exclusion garantit que la répartition des biens demeure une affaire interne, respectant le principe d’égalité et l’autonomie des parties directement concernées.

B) Les conditions de participation des indivisaires

Le partage, bien qu’il s’agisse d’un acte déclaratif, emporte des effets d’une gravité comparable à ceux d’une aliénation, substituant aux droits indivis flottants un droit privatif sur des biens individualisés. Cette transformation, qui touche aux fondements mêmes de la propriété, confère au partage une portée juridique et patrimoniale majeure. Conscient de ces implications, le législateur a érigé le consentement des indivisaires en pierre angulaire du dispositif, lui conférant une place centrale et indépassable.

L’article 835 du Code civil, en disposant que « Si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties », érige l’exigence de capacité et de présence pour participer pleinement au partage en principe cardinal du dispositif. Chaque indivisaire doit être juridiquement apte et matériellement disponible pour prendre part aux opérations, assurant ainsi la légitimité et l’équité des décisions prises.

Toutefois, le législateur, soucieux de ne pas rendre le partage amiable impraticable face aux contraintes de la vie, a également prévu des mécanismes spécifiques pour répondre aux situations où un indivisaire est présumé absent, hors d’état de manifester sa volonté ou défaillant. Ces règles, énoncées aux articles 836 et 837 du Code civil, visent à concilier la préservation des intérêts de l’indivisaire empêché et l’exigence d’une résolution harmonieuse de l’indivision.

1. La situation des indivisaires protégés

Historiquement, les indivisaires protégés étaient exclus des procédures de partage amiable, le cadre juridique limitant cette possibilité au seul partage judiciaire. Cette restriction, motivée par la nécessité de préserver les intérêts des personnes vulnérables, s’accompagnait d’un formalisme particulièrement rigoureux. Ainsi, tout partage nécessitait une autorisation préalable du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles, suivie d’une homologation par le tribunal de grande instance. Ces étapes, bien que protectrices, alourdissaient considérablement les procédures et freinaient la résolution des situations d’indivision.

Face aux lourdeurs inhérentes à ce cadre judiciaire, des pratiques dérogatoires ont vu le jour. Parmi celles-ci figuraient les conventions de partage assorties de promesses de ratification ultérieure par l’incapable ou encore des conventions d’indivision provisionnelle. Ces mécanismes, bien que contestés sur le plan juridique, révélaient une volonté pragmatique de contourner les rigidités du système pour faciliter la gestion des indivisions.

Les réformes successives de 1964, 1968, 2006 et 2007 ont marqué un tournant majeur en assouplissant ces exigences. Désormais, un partage amiable est possible, y compris pour les indivisaires protégés, à condition de respecter certaines exigences. Ces évolutions témoignent de l’effort du législateur pour allier la protection des personnes vulnérables à l’efficacité des opérations de partage.

Cette avancée est désormais consacrée par l’article 836 du Code civil, qui dispose que « si un indivisaire fait l’objet d’un régime de protection, un partage amiable peut intervenir dans les conditions prévues aux titres X, XI et XII du livre Ier. » Cette disposition renvoie ainsi au droit commun des personnes protégées, lequel encadre minutieusement les modalités d’assistance ou de représentation des indivisaires vulnérables, tout en garantissant la sauvegarde de leurs intérêts patrimoniaux. Par ce mécanisme, le législateur réaffirme son ambition de conjuguer souplesse procédurale et sécurité juridique au profit des individus les plus fragiles.

a. La situation des mineurs

i. Le mineur sous administration légale

La réforme opérée par l’ordonnance du 15 octobre 2015, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, a profondément transformé le régime de l’administration légale des biens des mineurs, consacrant une volonté de simplification et d’unification des règles applicables. En mettant fin à la distinction entre administration légale pure et simple et administration sous contrôle judiciaire, le législateur a instauré un cadre unique, destiné à mieux répondre aux exigences de protection tout en assouplissant les formalités.

Désormais régie par les articles 382 et suivants du Code civil, l’administration légale est confiée à ceux qui exercent l’autorité parentale, qu’il s’agisse d’un parent unique ou des deux parents conjointement. Ce cadre juridique modernisé sert une double ambition : offrir aux administrateurs légaux une autonomie renforcée pour gérer le patrimoine du mineur et préserver, par des mécanismes adaptés, les droits patrimoniaux de celui-ci face à des décisions engageant ses intérêts à long terme.

Dans ce contexte, les opérations de partage relatives au patrimoine du mineur s’inscrivent dans un dispositif articulé autour de principes d’autonomie, de contrôle et de prévention des conflits d’intérêts.

==>Administration légale conjointe ou unique

  • L’administration légale conjointe
    • Lorsque les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale, ils assument ensemble l’administration légale des biens du mineur, en vertu des dispositions de l’article 382-1 du Code civil.
    • Ce régime repose sur un principe cardinal : toute décision relative au patrimoine de l’enfant doit être approuvée par chacun des administrateurs légaux, afin d’assurer une gestion à la fois équilibrée et protectrice de ses intérêts.
    • Les actes de disposition, parmi lesquels figure le partage amiable, requièrent impérativement le consentement conjoint des deux parents.
    • Cette exigence traduit la volonté du législateur de s’assurer que les deux parents ont donné leur consentement à l’acte, favorisant ainsi la protection des intérêts patrimoniaux du mineur.
    • Cependant, cette règle ne s’applique pas aux actes relevant de l’administration courante, lesquels, en raison de leur impact limité sur le patrimoine du mineur, peuvent être accomplis sans nécessiter une telle formalité.
    • En cas de désaccord entre les deux administrateurs légaux, le Code civil prévoit des mécanismes destinés à prévenir tout blocage.
    • Ainsi, l’un des parents peut saisir le juge des tutelles, lequel est habilité soit à autoriser l’acte envisagé, soit à désigner un administrateur ad hoc pour représenter le mineur.
    • Cette possibilité de recourir au juge est de nature à garantir que les décisions demeurent conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant.
  • L’administration légale unique
    • Dans les situations où un seul parent détient l’autorité parentale – en raison d’une filiation unilatérale, du décès de l’un des parents, ou d’une décision judiciaire ayant retiré l’autorité parentale à l’autre – l’administration légale des biens du mineur est exercée par ce parent unique.
    • Conformément à l’article 382-2 du Code civil, cette configuration confère à l’administrateur légal une autonomie accrue, tout en préservant l’objectif de protection des intérêts patrimoniaux de l’enfant.
    • Dans ce cadre, l’administrateur légal peut agir seul pour autoriser un partage amiable ou accomplir les actes relatifs à la gestion du patrimoine du mineur.

==>Les actes soumis à autorisation du juge des tutelles

La gestion des biens des mineurs, confiée aux administrateurs légaux, est soumise à un encadrement rigoureux dès lors que certains actes, en raison de leur gravité ou de leur complexité, sont susceptibles de compromettre durablement le patrimoine de l’enfant. Ainsi, l’article 387-1 du Code civil érige en principe l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour les opérations susceptibles d’affecter durablement les droits patrimoniaux du mineur.

Lorsque le partage porte sur des biens spécifiques, tels que des immeubles ou des instruments financiers définis à l’article L.211-1 du Code monétaire et financier, cette autorisation s’impose. Conformément aux dispositions de l’article 387-12 du Code civil, elle est requise indépendamment de la nature amiable ou judiciaire du partage, traduisant la volonté du législateur de prévenir tout préjudice éventuel dans la répartition des biens. Cette exigence trouve sa justification dans la valeur souvent substantielle de ces actifs, ainsi que dans leur capacité à influer durablement sur la situation patrimoniale du mineur.

Les actes relatifs aux valeurs mobilières, par leur volatilité et leur caractère spéculatif, ne sauraient échapper à cette surveillance renforcée. L’autorisation préalable du juge des tutelles garantit ici que de telles opérations, parfois complexes et risquées, ne compromettent pas les intérêts supérieurs du mineur.

De surcroît, toute transaction impliquant une renonciation à un droit est strictement encadrée par l’exigence d’une approbation judiciaire. Cette précaution vise à s’assurer que l’acte envisagé repose sur une justification impérieuse et qu’il ne porte atteinte ni à la substance ni à la pérennité du patrimoine du mineur. De même, les partages impliquant des biens grevés de droits spécifiques, tels qu’une hypothèque ou une servitude, requièrent l’intervention du juge pour vérifier leur conformité aux intérêts patrimoniaux protégés.

L’intervention du juge des tutelles, loin de constituer une simple formalité, traduit une double ambition. Elle vise, d’une part, à garantir la parfaite adéquation des décisions aux intérêts supérieurs du mineur et, d’autre part, à prévenir tout risque de conflit d’intérêts ou d’appréciation erronée.

==>Prévention des conflits d’intérêts

L’article 383 du Code civil prévoit la désignation d’un administrateur ad hoc en cas de conflit d’intérêts entre le mineur et son administrateur légal, ou entre les coadministrateurs. Cette disposition vise à protéger les intérêts du mineur pour les cas où l’impartialité des administrateurs légaux pourrait être mise en cause.

Lorsque de tels conflits apparaissent, il appartient aux administrateurs légaux de solliciter auprès du juge des tutelles la nomination d’un administrateur ad hoc. Ce dernier, choisi pour son indépendance, assume alors la représentation du mineur pour les actes affectés par le conflit. Cette désignation garantit que les décisions prises dans ce cadre servent exclusivement les intérêts patrimoniaux de l’enfant.

En l’absence de diligence des administrateurs légaux, le juge des tutelles peut procéder à cette nomination de sa propre initiative, à la demande du ministère public ou encore du mineur lui-même, lorsque ce dernier est en mesure d’exprimer sa volonté.

Dans les cas où le conflit d’intérêts ne concerne qu’un des deux coadministrateurs, une solution alternative est prévue par l’article 383. Le juge des tutelles peut, en effet, habiliter l’autre administrateur légal à représenter le mineur pour un ou plusieurs actes déterminés. Cette mesure évite de recourir systématiquement à un administrateur ad hoc, tout en maintenant les garanties essentielles à la protection du patrimoine du mineur.

==>Contrôle judiciaire a posteriori

Même en l’absence de conflit apparent, le juge des tutelles conserve un pouvoir de surveillance a posteriori (art. 387-3 C. civ.). Ce contrôle permet de garantir que les actes accomplis par les administrateurs légaux, bien qu’autonomes en principe, demeurent conformes à l’intérêt supérieur du mineur. Le juge peut intervenir de manière corrective ou préventive, en posant des conditions ou des restrictions aux décisions affectant le patrimoine du mineur.

Ainsi, à l’occasion du contrôle des actes mentionnés à l’article 387-1 du Code civil, le juge des tutelles peut, s’il l’estime nécessaire pour la sauvegarde des droits patrimoniaux du mineur, subordonner la validité d’un acte ou d’une série d’actes de disposition à une autorisation préalable. Cette faculté prend en considération divers facteurs, tels que la composition ou la valeur du patrimoine, l’âge du mineur ou encore sa situation familiale.

En outre, le juge peut être saisi par plusieurs acteurs en cas de comportements ou d’omissions manifestement préjudiciables à l’enfant. Les parents, individuellement ou conjointement, le ministère public, ou encore tout tiers ayant connaissance d’une situation compromettant substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur, peuvent solliciter l’intervention du juge. Cette saisine est conçue comme un outil de sauvegarde proactive, permettant de corriger ou d’encadrer une gestion susceptible de porter gravement atteinte au patrimoine de l’enfant.

Dans ce contexte, il est expressément prévu que les tiers qui informent le juge de tutelle ne sont pas tenus pour responsables de la gestion des biens réalisée par l’administrateur légal. Cette précision vise à encourager la vigilance de l’entourage du mineur sans pour autant leur transférer les obligations ou les responsabilités incombant aux administrateurs légaux.

==>Sanctions en cas d’irrégularités

Le non-respect des règles encadrant l’administration légale des biens du mineur expose les actes irrégulièrement accomplis à la nullité. Toutefois, cette nullité n’est pas absolue : elle peut être levée par une confirmation ou une régularisation a posteriori, sous réserve que l’acte en question respecte l’intérêt supérieur du mineur, comme le prévoit l’article 1151 du Code civil.

La confirmation peut intervenir lorsque l’acte irrégulier, bien que vicié dans sa réalisation initiale, ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux du mineur et s’avère conforme à ses besoins. Ce mécanisme permet d’éviter une remise en cause systématique des décisions.

La régularisation a posteriori, quant à elle, peut prendre la forme d’une intervention judiciaire ou d’un accord entre les parties concernées, visant à réparer les manquements formels ou procéduraux. Cette démarche, encadrée par le juge des tutelles, garantit que l’acte, une fois corrigé, s’inscrive pleinement dans le cadre de la protection des intérêts du mineur.

ii. Le mineur sous tutelle

La situation du mineur placé sous tutelle s’inscrit dans un cadre juridique rigoureux, visant à garantir la protection de ses intérêts patrimoniaux. Si le tuteur, investi de la représentation légale du mineur dans les actes civils, dispose de prérogatives étendues, celles-ci sont toutefois particulièrement encadrées lorsqu’il s’agit d’opérations de partage.

L’article 507 du Code civil prévoit en ce sens que « le partage à l’égard d’une personne protégée peut être fait à l’amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge, qui désigne, s’il y a lieu, un notaire pour y procéder. Il peut n’être que partiel. L’état liquidatif est soumis à l’approbation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. Le partage peut également être fait en justice conformément aux articles 840 et 842. Tout autre partage est considéré comme provisionnel. »

  • L’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles
    • Toute démarche tendant à la réalisation d’un partage amiable exige, en amont, une autorisation expresse du conseil de famille, organe collégial chargé de veiller sur les décisions affectant le patrimoine du mineur.
    • Cette formalité préliminaire n’est pas un simple contrôle de forme ; elle s’analyse en un véritable examen de fond de l’opportunité et des modalités du partage envisagé.
    • Elle permet de s’assurer que l’opération projetée est conforme à l’intérêt du mineur, prévenant ainsi toute précipitation ou risque de préjudice.
    • À défaut d’intervention du conseil de famille, le juge des tutelles se substitue à cette instance et peut statuer sur la demande d’autorisation.
    • Ce recours juridictionnel assure la continuité de la protection et renforce la validité des décisions prises.
    • En cas d’opposition d’intérêts entre le tuteur et le mineur, ou entre plusieurs indivisaires mineurs, le juge peut également désigner un subrogé tuteur ou un administrateur ad hoc (art. 410 et 507, al. 1 C. civ.).
    • Cette formalité préalable demeure requise, y compris lorsque le tuteur se trouve en situation de devoir répondre à une demande en partage judiciaire introduite par un autre indivisaire, ainsi qu’en témoigne une jurisprudence antérieure à la réforme de 2007 (Cass. 1ère civ., 15 mai 2001, n°99-13.944).
  • La désignation éventuelle d’un notaire
    • Dans les situations où la complexité des opérations le requiert, il peut être fait appel à un notaire, désigné par le conseil de famille ou le juge des tutelles.
    • Cet officier ministériel, par son expertise, intervient pour évaluer les actifs, liquider les droits indivis et composer les lots à attribuer, tout en veillant scrupuleusement au respect des droits du mineur.
    • Toutefois, cette intervention n’a rien d’automatique ; elle demeure conditionnée à la nature et à la difficulté des biens concernés.
    • Lorsque le notaire intervient, il agit comme un garant de la rigueur des opérations, veillant à ce que chaque acte serve strictement les intérêts patrimoniaux du mineur.
  • L’approbation de l’état liquidatif
    • Une fois les opérations de partage finalisées, l’état liquidatif doit être soumis à l’approbation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles.
    • Ce document sert à consigner la répartition des droits indivis, la composition des lots et leur attribution ; il constitue ainsi la pierre angulaire de la procédure.
    • L’approbation de l’état liquidatif confère à l’opération son caractère définitif et son opposabilité, consolidant ainsi la sécurité juridique de l’ensemble des parties.

À défaut de se conformer à cette triple exigence, le partage ne saurait produire d’effets définitifs. Conformément à l’article 507 du Code civil, il est relégué au rang de partage provisionnel, dépourvu de force contraignante à l’égard du mineur. Ce dernier, ou ses représentants, conserve alors la faculté de contester ou de réviser les décisions prises en son nom, préservant ainsi l’intégrité de son patrimoine.

iii. Le mineur émancipé

Le mineur émancipé occupe une position singulière dans le cadre d’un partage, bénéficiant d’une capacité juridique pleine et entière, équivalente à celle d’un majeur. L’article 413-6 du Code civil dispose en ce sens que « l’émancipation confère au mineur la pleine capacité pour tous les actes de la vie civile », ce qui inclut la possibilité de participer à un partage sans autorisation ni assistance. Cette autonomie, fruit de l’émancipation, traduit une rupture avec la logique de protection renforcée caractérisant le régime des mineurs non émancipés.

Libéré de l’obligation d’être représenté ou assisté, le mineur émancipé peut négocier et consentir à un partage amiable avec une liberté identique à celle d’un majeur. Il peut ainsi, à titre personnel, procéder à l’évaluation de ses droits indivis, discuter les modalités de liquidation et accepter la composition des lots. Cette capacité s’étend également aux décisions relatives aux actes de disposition, tels que l’aliénation ou la mutation de biens issus du partage, sans qu’il soit nécessaire de solliciter une autorisation judiciaire ou familiale.

En matière de partage judiciaire, le mineur émancipé intervient également comme un copartageant ordinaire. Il peut agir en demande pour provoquer le partage en justice, conformément à l’article 840 du Code civil, ou répondre à une action intentée par un autre indivisaire. Il jouit donc de l’intégralité des droits procéduraux conférés aux indivisaires majeurs, que ce soit pour contester un état liquidatif ou pour demander la révision d’un partage non conforme à ses intérêts.

b. La situation des majeurs protégés

i. Le majeur sous tutelle

Le majeur placé sous tutelle bénéficie d’une protection juridique renforcée qui s’inspire des règles applicables aux mineurs en tutelle, conformément à l’article 507 du Code civil. Dans le cadre d’un partage amiable, la représentation exclusive du majeur protégé est confiée au tuteur. Celui-ci agit en son nom, mais cette représentation est strictement encadrée par des obligations légales destinées à garantir les droits patrimoniaux du majeur protégé.

Avant de procéder à un partage amiable, le tuteur doit impérativement obtenir une autorisation préalable du juge des tutelles. Cette autorisation vise à évaluer la pertinence et la conformité de l’acte avec l’intérêt supérieur du majeur. Une fois le partage réalisé, l’état liquidatif doit être soumis à l’approbation du juge, afin de s’assurer que l’opération respecte pleinement les droits et intérêts du majeur protégé.

Toutefois, en présence d’un conflit d’intérêts entre le tuteur et le majeur protégé, la loi prévoit des mécanismes de substitution pour préserver l’impartialité et la légitimité des décisions. L’article 454 du Code civil dispose que, dans une telle situation, un tuteur ad hoc est désigné par le juge des tutelles. Cette désignation garantit que les droits du majeur protégé sont défendus sans parti pris, évitant ainsi tout détournement ou abus potentiel.

ii. Le majeur sous curatelle

Le partage amiable auquel participe un majeur sous curatelle repose sur un équilibre subtil entre l’autonomie résiduelle du curatélaire et la nécessité de protection conférée par l’assistance du curateur. L’article 467 du Code civil établit que le curatélaire peut consentir au partage, mais uniquement avec l’assistance de son curateur. En pratique, cela signifie que l’acte de partage doit être signé par le majeur protégé et contresigné par son curateur, témoignant ainsi d’une double validation.

Contrairement à la tutelle, le partage amiable dans le cadre de la curatelle ne nécessite pas d’autorisation préalable du juge des tutelles, ni l’approbation de l’état liquidatif par celui-ci. Ce choix législatif s’inscrit dans une logique de déjudiciarisation et de simplification des mesures de protection, permettant ainsi une gestion plus fluide et moins intrusive du patrimoine des personnes protégées. Toutefois, cette autonomie relative est encadrée par des mécanismes de contrôle.

Le juge des tutelles conserve un rôle essentiel en cas de dysfonctionnement dans la relation entre le curatélaire et son curateur. Deux hypothèses principales appellent son intervention :

  • D’une part, en cas d’opposition d’intérêts entre le curatélaire et son curateur, le juge peut désigner un curateur ad hoc pour représenter le majeur dans l’acte de partage.
  • D’autre part, en cas de refus d’assistance de la part du curateur, le juge des tutelles peut suppléer cette carence en autorisant lui-même l’acte litigieux, conformément aux dispositions de l’article 469, alinéa 3, du Code civil.

iii. Le majeur sous sauvegarde de justice

Le majeur placé sous sauvegarde de justice conserve, conformément à l’article 435 du Code civil, sa capacité à consentir seul à un partage amiable. Cette aptitude repose sur le principe général selon lequel le majeur sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits civils. Néanmoins, cette capacité est conditionnée par l’absence de trouble mental affectant son discernement, comme le prévoit l’article 414-1 du Code civil. Ainsi, un partage amiable conclu dans un contexte où le majeur serait atteint d’un trouble mental invalidant pourrait être remis en cause.

Le régime de la sauvegarde de justice prévoit également des mécanismes de protection pour prévenir les atteintes au patrimoine du majeur. En particulier, tout acte de partage peut être rescindé pour simple lésion ou réduit en cas d’excès, conformément à l’alinéa 2 de l’article 435 du Code civil.

Par ailleurs, l’article 437 du Code civil permet de désigner un mandataire spécial lorsque le majeur sous sauvegarde de justice est dans l’incapacité de prendre part au partage ou si les circonstances le justifient. Dans cette hypothèse, le mandataire agit pour le compte du majeur et bénéficie des pouvoirs nécessaires pour représenter ses intérêts. Cette désignation peut cependant priver le majeur de sa capacité d’intervenir directement, introduisant ainsi une limitation temporaire à son autonomie.

Enfin, dans les cas où un désaccord ou un conflit d’intérêts surgirait entre le majeur et une autre partie au partage, ou encore entre le majeur et son mandataire spécial, l’intervention du juge des tutelles pourrait être sollicitée. Ce dernier dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour garantir que les décisions prises soient conformes à l’intérêt supérieur du majeur, renforçant ainsi les garanties offertes par ce régime.

iv. Le majeur sous mandat de protection future

Le mandat de protection future, institué par l’article 490 du Code civil, s’inscrit dans une perspective d’autonomie anticipative, permettant à une personne, appelée le mandant, de désigner un mandataire chargé de gérer ses affaires en cas de perte d’autonomie future. Lorsqu’il est mis à exécution, ce dispositif permet au mandataire d’agir pour le compte du mandant dans un cadre défini par le mandat lui-même.

Dans le contexte d’un partage amiable, le mandataire peut consentir à l’acte sous certaines conditions. Si le mandat est notarié, il confère généralement au mandataire une capacité étendue, incluant la faculté de participer à un partage amiable sans nécessiter d’autorisation judiciaire préalable, sauf clause contraire expressément stipulée dans le mandat. En revanche, si le mandat est sous seing privé, l’étendue des pouvoirs du mandataire est plus restreinte. Dans ce cas, la réalisation d’un acte aussi significatif qu’un partage amiable nécessite un pouvoir spécial mentionné explicitement dans le mandat, et une autorisation préalable du juge des tutelles est indispensable pour valider l’acte, conformément à l’article 493 du Code civil.

Toutefois, la situation se complexifie en cas d’opposition d’intérêts entre le mandant et le mandataire. Conformément au droit commun de la représentation, tel qu’énoncé à l’article 1161 du Code civil, le représentant ne peut pas contracter avec lui-même ou représenter deux parties ayant des intérêts opposés dans le même acte. Le juge des tutelles n’a pas la possibilité de désigner un mandataire ad hoc dans ce cadre. Une telle opposition d’intérêts pourrait alors bloquer la réalisation de l’acte, à moins que le juge n’intervienne pour évaluer si celui-ci respecte l’intérêt supérieur du mandant et ne constitue pas une atteinte à ses droits patrimoniaux.

v. Le majeur sous habilitation familiale

L’habilitation familiale, conçue pour offrir une alternative souple et moins intrusive aux régimes traditionnels de protection, permet à la personne habilitée de consentir au partage amiable pour le compte du majeur protégé, conformément à l’article 494-6 du Code civil. Cette habilitation, lorsqu’elle est étendue à la représentation pour les actes de disposition, peut inclure le partage amiable sans nécessiter d’autorisation préalable ou d’approbation judiciaire, sauf si des dispositions contraires sont spécifiées par le juge des tutelles dans la décision habilitante.

Cependant, ce régime, marqué par une volonté de déjudiciarisation, ne supprime pas toute intervention judiciaire. En effet, en cas d’opposition d’intérêts entre la personne habilitée et la personne protégée, le juge des tutelles peut exceptionnellement autoriser la personne habilitée à agir, dès lors que l’intérêt de la personne protégée le justifie.

En outre, les actes de disposition à titre gratuit, tels que la donation ou la renonciation à des droits, restent soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles, conformément aux principes fondamentaux du droit de la protection des majeurs. Cette exigence vise à prévenir toute atteinte injustifiée au patrimoine de la personne protégée, tout en conservant une certaine flexibilité pour les actes nécessaires à la gestion courante de ses biens.

2. La situation des indivisaires absents ou hors d’état de manifester leur volonté

Dans le cadre des opérations de partage, la présence et la participation active de tous les indivisaires constituent des conditions essentielles pour garantir l’équilibre et l’efficacité des décisions prises. Toutefois, certaines situations, telles que l’absence prolongée ou l’impossibilité manifeste pour un indivisaire de manifester sa volonté en raison d’un éloignement, compliquent ce processus. Pour répondre à ces cas particuliers, le législateur a instauré des mécanismes spécifiques destinés à préserver les intérêts patrimoniaux des indivisaires vulnérables tout en assurant la continuité de la gestion de l’indivision.

a. L’indivisaire absent

==>L’indivisaire présumé absent

L’article 836 du Code civil prévoit que lorsqu’un indivisaire est présumé absent, un partage amiable peut être réalisé dans les conditions définies à l’article 116. Cette situation concerne les cas où un indivisaire a cessé de paraître à son domicile ou résidence sans qu’aucune nouvelle ne parvienne, conformément aux dispositions de l’article 112 du Code civil. Le juge des tutelles, saisi à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constate alors la présomption d’absence et désigne un représentant pour exercer les droits du présumé absent, notamment dans le cadre d’un partage amiable.

L’article 116 encadre rigoureusement ce partage amiable. Le juge des tutelles doit, en premier lieu, autoriser le partage et peut, si nécessaire, désigner un notaire pour en superviser les opérations. Ce contrôle garantit que les intérêts du présumé absent sont pleinement préservés. Ensuite, l’état liquidatif résultant du partage doit obligatoirement être soumis à l’approbation du juge, marquant ainsi l’achèvement du processus et conférant à l’opération sa validité juridique. Enfin, en cas d’opposition d’intérêts entre le représentant et le présumé absent, le juge des tutelles peut désigner un remplaçant chargé de représenter impartialement les droits de ce dernier.

Dans le cas où ces formalités ne seraient pas respectées, l’article 116 prévoit que le partage amiable sera considéré comme provisionnel. Il ne pourra produire d’effets définitifs qu’après régularisation, garantissant ainsi une protection accrue du patrimoine du présumé absent.

==>L’indivisaire déclaré absent

Lorsque la présomption d’absence se prolonge sans nouvelles pendant dix ans (ou vingt ans en l’absence de constatation judiciaire), l’article 122 du Code civil permet de prononcer une déclaration d’absence. Ce jugement, qui assimile juridiquement l’absence à un décès, emporte des conséquences radicales : la personnalité juridique de l’indivisaire s’éteint, autorisant l’ouverture de sa succession. L’article 128 précise que cette déclaration prend effet à partir de sa transcription sur les registres d’état civil, marquant ainsi une rupture définitive avec les mécanismes de protection antérieurs.

Contrairement au présumé absent, l’indivisaire déclaré absent ne peut participer au partage amiable ni être représenté dans les opérations de l’indivision. La déclaration d’absence entraîne la liquidation de ses intérêts comme s’il était décédé, mettant fin aux mesures d’administration des biens qui avaient été prises à son bénéfice.

b. L’indivisaire hors d’état de manifester sa volonté en raison d’un éloignement

L’article 836 du Code civil s’applique également aux indivisaires qui, en raison d’un éloignement, se trouvent hors d’état de manifester leur volonté. Cette situation, bien que distincte de la présomption d’absence, obéit aux mêmes dispositions protectrices énoncées à l’article 116 du Code civil.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire est temporairement ou durablement empêché de participer aux décisions relatives à l’indivision en raison de son éloignement, le juge des tutelles peut désigner un représentant chargé d’agir en son nom. Le partage amiable, sous réserve de l’autorisation préalable du juge, peut alors être engagé. Si des intérêts divergents apparaissent entre l’indivisaire éloigné et son représentant, le juge des tutelles peut, comme dans le cas du présumé absent, désigner un remplaçant pour garantir l’impartialité des décisions.

L’article 120 du Code civil prévoit expressément que les règles applicables à l’administration des biens et à la représentation des présumés absents s’étendent aux indivisaires éloignés. Cela inclut l’autorisation préalable pour le partage amiable, la possibilité de désigner un notaire pour superviser l’opération, et l’approbation obligatoire de l’état liquidatif par le juge des tutelles.

3. La situation des indivisaires défaillants

L’article 837 du Code civil, issu de la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006, a introduit un mécanisme destiné à remédier aux difficultés que peut engendrer l’inertie d’un indivisaire dans le cadre d’un partage amiable. Ce dispositif, conçu pour éviter les lourdeurs et contraintes d’un partage judiciaire, établit un équilibre entre la nécessité de faire avancer les opérations et la préservation des droits de l’indivisaire absent.

Un indivisaire est qualifié de défaillant lorsqu’il ne répond pas aux sollicitations relatives au partage, qu’il s’agisse d’une négligence, d’un désintérêt manifeste ou d’une stratégie d’obstruction. Toutefois, cette situation se distingue de celles régies par l’article 836 du Code civil, qui concernent les indivisaires incapables, présumés absents ou hors d’état de manifester leur volonté en raison d’un éloignement. L’indivisaire défaillant n’oppose ici ni refus exprès au partage ni incapacité légale.

Pour surmonter cette inertie, l’article 837 prévoit qu’un coindivisaire diligent peut adresser à l’indivisaire défaillant une mise en demeure, notifiée par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage. Cette démarche ouvre un délai de trois mois, durant lequel l’indivisaire doit désigner un mandataire. Si ce dernier n’agit pas dans le délai imparti, le juge peut être saisi par tout coindivisaire afin de désigner une personne qualifiée pour représenter l’indivisaire défaillant.

La personne désignée par le juge agit en représentation de l’indivisaire jusqu’à l’achèvement complet des opérations de partage. Cependant, son pouvoir est limité : elle ne peut consentir au partage amiable qu’avec l’autorisation expresse du juge.

En, effet, l’article 1358 du Code de procédure civile précise que la personne désignée ne peut consentir au partage amiable qu’avec l’autorisation préalable du juge qui l’a nommée. Pour obtenir cette autorisation, le représentant doit transmettre au juge le projet de partage, approuvé par l’ensemble des autres coindivisaires. L’autorisation judiciaire ainsi accordée est rendue en dernier ressort, conférant au partage une force juridique incontestable et évitant tout recours dilatoire.

Le juge joue ici un rôle central, intervenant non seulement pour désigner un représentant qualifié, mais également pour examiner le projet de partage et s’assurer qu’il respecte les droits de l’indivisaire défaillant. Cette double intervention témoigne d’un équilibre subtil entre protection des parties et efficacité procédurale, permettant d’éviter que l’inertie d’un indivisaire n’entrave indûment la réalisation du partage.

Enfin, s’agissant de la juridiction compétente pour connaître des demandes relatives à la défaillance d’un indivisaire dans le cadre d’un partage amiable, l’article 1379 du Code de procédure civile dispose que les demandes formées en application de l’article 837 du Code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire. Ce magistrat statue dans les formes prévues aux articles 493 à 498 et 846, soit selon les règles de la procédure d’ordonnance sur requête.

II) L’assiette du partage amiable

Le partage amiable constitue une modalité souple et consensuelle de sortie de l’indivision, permettant aux indivisaires d’organiser la répartition des biens selon leurs volontés respectives.

L’assiette du partage peut varier, comprenant soit une fraction limitée des biens indivis (partage partiel), soit plusieurs indivisions regroupées dans une seule masse partageable (partage cumulatif). Ces deux formes de partage, désormais consacrées par les articles 838 et 839 du Code civil.

A) Le partage partiel

Le partage partiel, encadré par l’article 838 du Code civil, se distingue par sa souplesse, permettant de répartir certains éléments de l’indivision tout en maintenant celle-ci sur d’autres biens ou entre certaines personnes.

Contrairement au partage total, qui met fin à l’indivision en attribuant l’ensemble des biens indivis aux indivisaires pour remplir intégralement leurs droits, le partage partiel organise une sortie progressive, souvent adaptée aux contraintes ou à la complexité des situations patrimoniales.

==>Les formes du partage partiel

L’article 838 du Code civil prévoit que « le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu’il laisse subsister l’indivision à l’égard de certains biens ou de certaines personnes. » Il s’infère de cette disposition une distinction fondamentale entre deux modalités de répartition : tandis que le partage total met un terme définitif à l’indivision en attribuant l’ensemble des biens indivis à chaque indivisaire, le partage partiel, quant à lui, limite cette répartition, laissant perdurer l’indivision, soit sur certains biens, soit entre certains indivisaires.

Le partage est partiel quant aux biens lorsque certains éléments spécifiques de l’indivision, tels que les liquidités ou les biens meubles aisément divisibles, sont répartis entre les indivisaires, tandis que d’autres biens, notamment les biens immobiliers ou ceux présentant une nature indivisible, demeurent temporairement soumis à l’indivision. Ce mécanisme, souvent adopté pour répondre à des contraintes pratiques ou patrimoniales, instaure une gestion par étapes, où chaque phase de partage contribue à réduire progressivement le périmètre des biens encore indivis. Cette approche graduelle favorise une transition ordonnée, tout en conservant la souplesse requise pour s’adapter à la diversité et à la complexité des situations patrimoniales.

À l’inverse, le partage partiel quant aux personnes intervient lorsqu’une partie des indivisaires est remplie de ses droits et quitte l’indivision, tandis que les autres y demeurent. Ce procédé, qui permet une sortie individualisée de certains indivisaires, maintient néanmoins l’indivision, celle-ci nécessitant, par nature, la coexistence d’au moins deux indivisaires. Cette modalité offre ainsi une solution intermédiaire, adaptée aux situations où tous les indivisaires ne souhaitent ou ne peuvent sortir simultanément de l’indivision.

Dans certaines situations, ces deux formes de partage partiel peuvent se combiner. Il devient alors possible d’attribuer certains biens spécifiques à des indivisaires précis tout en conservant une indivision résiduelle pour les autres, répondant ainsi à des exigences d’équité et de pragmatisme.

Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît l’existence de conventions préparatoires au partage, parfois désignées sous les termes d’« avant-partage » ou de « promesse de partage ». Ces accords, bien qu’ils ne constituent pas un partage définitif, visent à organiser les modalités futures de la répartition. Ils peuvent, par exemple, prévoir la licitation de certains biens ou en fixer les principes de répartition, sans pour autant procéder immédiatement à leur attribution. Ces conventions engagent les parties dès lors qu’elles expriment une volonté claire et ferme, comme l’a établi la Cour de cassation dans plusieurs arrêts (Cass. 1re civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). En revanche, un simple projet de partage, dépourvu d’intention d’engagement, demeure sans effet obligatoire.

==>L’exigence de consentement unanime des indivisaires

En principe, le partage partiel nécessite l’unanimité des indivisaires, car il modifie les équilibres patrimoniaux au sein de l’indivision. Le juge ne peut imposer un partage partiel amiable, sauf à obtenir l’accord de toutes les parties concernées. Cette règle s’inscrit dans la logique du droit de l’indivision, qui repose sur une gestion collective et consensuelle.

Cependant, le législateur et la jurisprudence ont apporté des tempéraments à ce principe. Par exemple, il est admis que certains éléments d’actif puissent être exclus d’un partage, notamment en cas de doute sur leur existence ou leur consistance, dès lors que cette exclusion ne remet pas en cause la répartition décidée (Cass. 1ère civ., 28 mars 1979, n°78-11.889 et 78-12.807). De plus, certaines situations imposent un partage partiel sans qu’un consentement unanime soit requis. Ainsi, l’attribution éliminatoire prévue à l’article 824 du Code civil ou la perception de bénéfices en vertu de l’article 815-11 sont autant de mécanismes permettant un partage partiel, même en présence d’indivisaires opposés.

==>Effets du partage partiel

Le partage partiel peut être définitif ou provisionnel. Lorsqu’il est définitif, il emporte les mêmes effets déclaratifs qu’un partage total, consacrant la propriété privative des biens attribués. En revanche, un partage provisionnel, limité dans ses effets, n’engage pas définitivement les parties et peut être modifié ou complété ultérieurement.

Le caractère égalitaire ou inégalitaire du partage partiel peut également influer sur ses conséquences juridiques. Un partage partiel inégalitaire, bien que permis par la loi, doit respecter les droits de chaque indivisaire en termes de valeur, conformément à l’article 826 du Code civil, qui privilégie désormais une égalité en valeur plutôt qu’en nature. Dans tous les cas, le partage partiel ne peut produire ses effets que dans la mesure où il respecte les règles applicables à la gestion de l’indivision, notamment l’obligation de préserver les droits de chaque indivisaire.

Enfin, certaines dispositions permettent au juge de suspendre le droit au partage de certains biens tout en autorisant un partage partiel pour d’autres. Cette faculté, prévue aux articles 821 et 820 du Code civil, illustre une forme indirecte de partage partiel imposé, où les indivisaires sont contraints de se limiter à une répartition cantonnée. Ces mécanismes visent à concilier les impératifs de préservation du patrimoine indivis avec les besoins des indivisaires.

B) Le partage cumulatif

Le partage cumulatif, prévu par l’article 839 du Code civil, autorise le regroupement de plusieurs indivisions distinctes au sein d’une masse unique à partager, dès lors qu’elles concernent exclusivement les mêmes indivisaires, qu’il s’agisse de biens identiques ou de nature différente. Cette disposition, issue de la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006, rompt avec les exigences traditionnelles qui imposaient un traitement séparé de chaque indivision, sauf à recourir à des mécanismes judiciaires comme la licitation globale. Ce changement témoigne d’une volonté de rationalisation et de simplification des opérations de partage.

Cette technique trouve une application particulière dans les cas de successions confondues. Ainsi, lorsqu’après le décès de leurs parents, des enfants doivent partager deux successions post-successorales et une indivision post-communautaire, le regroupement de ces masses indivises permet de simplifier considérablement la composition des lots. Comme ont pu le souligner des auteurs « cette fongibilité des biens indivis au sein d’une masse unique facilite la répartition et diminue les risques de morcellement des biens »[1]. De plus, cette méthode atténue les déséquilibres financiers, grâce à l’intégration éventuelle de créances de soulte, et limite le recours aux licitations, conformément à une logique patrimoniale harmonieuse.

Avant la réforme de 2006, le partage cumulatif requérait l’unanimité des indivisaires pour être réalisé à l’amiable. À défaut, il était nécessaire de procéder à un partage judiciaire, indivision par indivision, sauf justification d’un intérêt suffisant pour ordonner une licitation globale (Cass. 1re civ., 11 févr. 1969). Cette solution s’appuyait sur le principe selon lequel chaque indivisaire avait le droit de recevoir une part en nature dans chaque indivision (Cass. 1re civ., 29 juill. 1952). Toutefois, la loi de 2006, en abandonnant l’exigence d’égalité en nature au profit d’une égalité en valeur, a supprimé cet obstacle. Désormais, le partage cumulatif est autorisé, même en présence de biens issus de plusieurs indivisions, dès lors que les indivisaires y consentent ou que des mécanismes judiciaires permettent de surmonter les oppositions.

L’article 826 du Code civil entérine cette évolution en consacrant une logique d’égalité en valeur, en remplacement de l’égalité en nature. Comme l’a précisé Michel Grimaldi, « cette évolution permet de concilier la souplesse des opérations amiables avec les impératifs d’équité entre les indivisaires ». Désormais, les indivisaires ne sont plus contraints de recevoir une part en nature dans chaque indivision, mais bénéficient d’une répartition globale, équitable et simplifiée.

Malgré ces avancées, le partage cumulatif demeure strictement encadré, en particulier lorsqu’il est réalisé sous l’égide du juge. Ce dernier doit garantir que les droits de chaque indivisaire sont respectés et qu’aucun tiers, notamment un créancier personnel, ne soit lésé par la fusion des masses indivises (Cass. 1re civ., 30 mai 1911). À cet égard, le juge dispose du pouvoir de refuser un partage cumulatif qui compromettrait les droits de tiers ou l’équilibre des indivisaires.

III) Les modalités du partage amiable

A) Liberté dans le choix des modalités de partage

Le principe de liberté est le fondement du partage amiable. L’article 835 du Code civil prévoit en ce sens que « le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties ». Cette latitude confère au partage amiable une grande flexibilité, adaptée à la diversité des situations patrimoniales et familiales.

Les indivisaires disposent d’une totale liberté pour organiser le partage. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, s’inspirer des règles applicables au partage judiciaire tout en y apportant les adaptations nécessaires pour répondre à leurs besoins spécifiques. Cette possibilité d’aménagement leur permet de simplifier les opérations ou d’élaborer des solutions sur mesure, comme l’a confirmé la jurisprudence (Cass. 27 mai 1903). Cette approche sur mesure favorise un règlement apaisé de l’indivision, évitant les rigidités du cadre judiciaire.

La liberté des parties s’exprime également dans la possibilité de conclure des actes préparatoires, qui servent à poser les bases du partage sans y procéder immédiatement. Ces accords préliminaires, qualifiés parfois de promesses de partage ou d’accords de principe, permettent de fixer les grandes lignes des modalités futures. Ils peuvent, par exemple, organiser la vente préalable de certains biens indivis ou définir des critères de répartition. Ces actes lient les signataires (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909) et constituent une étape essentielle pour préparer un partage définitif dans un cadre clair et consensuel.

Toutefois, ces actes n’ont pas de force obligatoire à l’égard des indivisaires qui ne les ont pas signés. Ils ne produisent donc pas les effets d’un partage au sens juridique, mais préfigurent son contenu, facilitant ainsi la conclusion d’un accord global.

Le partage amiable peut, en outre, être conclu sous condition suspensive ou résolutoire. Cette faculté permet aux parties de subordonner l’effet du partage à la réalisation d’un événement futur et incertain. Par exemple, un partage peut être suspendu à l’obtention d’une autorisation administrative ou à la vente d’un bien indivis. Tant que la condition n’est pas réalisée, l’indivision demeure, et les règles qui encadrent son fonctionnement continuent de s’appliquer (Cass. Req. 12 août 1856).

B) Liberté de composition des lots

Le partage amiable se distingue par la souplesse qu’il offre aux indivisaires dans la composition des lots. Cette liberté constitue l’un des atouts majeurs de cette modalité de partage, permettant aux parties de modeler les lots en fonction de leurs besoins spécifiques, de leurs préférences ou encore des contraintes pratiques attachées aux biens en indivision.

==>Modalités de composition des lots

Dans le cadre du partage amiable, les indivisaires peuvent librement constituer les lots selon leur convenance, qu’il s’agisse de lots prédéterminés attribués à chaque copartageant ou de lots tirés au sort, si tel est leur choix. Cette souplesse leur permet également de recourir à des modalités alternatives pour disposer des biens indivis. Ainsi, certains biens peuvent être vendus, soit de gré à gré, soit par adjudication amiable, afin que le produit de la vente soit ensuite réparti entre les indivisaires selon leurs droits respectifs. Cette faculté est particulièrement utile pour éviter les difficultés liées au partage matériel de biens indivisibles ou difficilement partageables en nature.

La latitude conférée dans la composition des lots reflète une grande harmonie dans l’adaptation aux circonstances. Ainsi, les indivisaires peuvent modeler les lots selon leur convenance, en y intégrant des biens mobiliers ou immobiliers, des créances, ou encore des droits spécifiques, façonnant ainsi une répartition qui s’accorde au mieux aux aspirations et besoins de chacun.

==>Principe d’égalité dans le partage

Cette liberté de composition est néanmoins tempérée par l’exigence d’égalité dans le partage, telle que consacrée par l’article 826 du Code civil. Ce principe impose que chaque indivisaire reçoive une part correspondant à la valeur de ses droits dans l’indivision. L’égalité dans le partage ne requiert pas nécessairement une identité en nature entre les lots attribués, mais garantit une équité en valeur.

Lorsque les biens à partager présentent une diversité telle qu’une égalité stricte en nature s’avère impossible, les indivisaires peuvent recourir aux soultes, c’est-à-dire des compensations financières mises à la charge des copartageants avantagés. Ces soultes permettent de rétablir l’équilibre entre les parts, en indemnisant les indivisaires lésés par une répartition inégale en nature. Par exemple, un indivisaire recevant un bien de valeur supérieure à ses droits pourra être tenu de verser une soulte aux autres indivisaires, afin de rétablir l’équité patrimoniale.

==>L’exigence d’unanimité

Enfin, la faculté de façonner les lots trouve son fondement dans l’accord unanime des indivisaires. Chaque choix relatif à la constitution des lots, à la vente des biens ou à l’attribution des soultes naît de la concertation, élevant ainsi le dialogue et la négociation au cœur du partage amiable.

L’exigence de ce consensus, loin d’apparaître comme une entrave, confère aux opérations une solidité juridique accrue, tout en permettant de forger des solutions sur mesure, en parfaite adéquation avec les spécificités uniques de chaque indivision.

C) Estimation des lots

L’évaluation des biens dans le cadre du partage amiable est un art délicat, laissé à la sagesse et au discernement des indivisaires. Libres de fixer les critères qui guideront cette estimation, ces derniers peuvent convenir, d’un commun accord, de valeurs adaptées aux particularités de leur indivision.

La jurisprudence, empreinte de pragmatisme, a reconnu que bien qu’une date unique d’évaluation soit souhaitable, les copartageants conservent la faculté de fixer des dates distinctes pour certains biens, dès lors que cela répond aux besoins de leur situation (Cass., ass. plén., 22 avr. 2005, n°02-15.180). Cette souplesse, loin de nuire à l’équité, permet de mieux appréhender les réalités patrimoniales lorsque les opérations s’étendent sur une durée significative.

Dans ce paysage d’accords et de conventions, la clause de jouissance divise, telle qu’envisagée par l’article 829 du Code civil, s’impose comme un instrument précieux de régulation. Cette clause, souvent insérée dans les actes notariés, établit le moment à partir duquel les fruits et revenus des biens cessent d’appartenir à l’indivision pour être attribués, avec grâce et justice, aux lots respectifs. Elle incarne, dans sa subtilité, la transition entre l’indivision et l’attribution privative, orchestrant une harmonie entre les parties tout en préservant l’équilibre des droits.

D) Force obligatoire du partage amiable

Une fois scellé par l’accord des parties, le partage amiable s’auréole de la force impérative des conventions, s’imposant aux indivisaires comme une loi contractuelle à laquelle ils ne sauraient se soustraire. À l’instar des contrats les plus solennels, il ne peut être remis en question que dans les cas strictement encadrés où des vices du consentement ou des irrégularités de procédure entacheraient sa validité (Cass. 1ère civ., 26 juin 1985, 84-12.417). Ainsi, celui qui a donné son assentiment à une licitation ou à toute autre modalité de répartition ne saurait, sans déroger à ses engagements, en contester ultérieurement les termes.

Cette force contraignante ne s’arrête pas aux engagements principaux mais s’étend aux conditions accessoires, telles que les délais impartis pour le règlement des soultes. Si ces délais venaient à être ignorés, les créanciers peuvent invoquer l’article 828 du Code civil pour demander une réévaluation des sommes dues, selon les termes du contrat ou à l’aune d’un indice convenu par les parties. Cette rigueur, loin d’être une contrainte, confère au partage amiable la stabilité et la sécurité nécessaires, permettant à chacun de trouver dans ses engagements la juste mesure de ses droits et obligations.

IV) La formalisation du partage amiable

Le partage, processus destiné à mettre fin à l’indivision, se situe au carrefour de la volonté des parties et des exigences légales. La formalisation de cet acte revêt des contours variables, selon qu’elle concerne la validité intrinsèque du partage ou simplement sa preuve.

A) Les exigences de forme ad validitatem

La question des formes à respecter pour la validité du partage appelle à distinguer selon que le bien objet du partage est soumis ou non à une obligation de publicité foncière.

1. Indivision ne comprenant pas de biens soumis à publicité foncière

L’article 835, alinéa 1er, du Code civil, dans une formulation limpide et respectueuse de la liberté contractuelle, énonce que le partage amiable peut être conclu « dans la forme et selon les modalités choisies par les parties ». En instituant le principe du consensualisme, ce texte met en lumière l’importance primordiale de l’accord des copartageants, lesquels sont libres de façonner les contours de leur convention.

Le consensualisme, dans ce contexte, signifie que les parties ne sont soumises à aucune contrainte légale quant à la forme que doit revêtir leur partage. Ce dernier peut ainsi être verbal ou écrit, et, si la voie écrite est retenue, il peut prendre la forme d’un acte notarié ou sous seing privé. La doctrine, notamment sous la plume de Michel Grimaldi, souligne cette liberté exceptionnelle, rappelant que l’écrit, lorsqu’il existe, n’a pas nécessairement à être solennel pour conférer validité au partage[2].

Toutefois, si cette souplesse semble a priori un gage de simplicité, elle ne saurait occulter les risques inhérents à l’absence de formalisme.

Le partage verbal, bien que juridiquement valable, a suscité par le passé de vives controverses doctrinales et jurisprudentielles. Certaines juridictions, au XIXe siècle, rejetaient catégoriquement sa validité, arguant que seul un écrit pouvait constituer un acte de partage au sens de l’article 816 du Code civil. Cette interprétation formaliste a été écartée par la Cour de cassation, qui, dans un arrêt de principe rendu le 21 janvier 1867, a affirmé la validité d’un partage verbal, reconnaissant que l’expression « acte de partage » devait s’entendre dans son sens substantiel et non formel (Cass. req., 21 janv. 1867).

Néanmoins, cette reconnaissance de la validité du partage verbal ne dispense pas les parties d’une prudence certaine. Le partage verbal présente un inconvénient majeur : celui de la preuve. En l’absence d’un écrit, les copartageants, confrontés à un désaccord ultérieur, devront se tourner vers les règles du droit commun de la preuve, prévues par les articles 1353 et suivants du Code civil. Ces règles imposent notamment, pour les biens d’une valeur excédant 1 500 euros, la production d’un écrit probant (art. 1359 C. civ.), sauf impossibilité matérielle ou morale de s’en procurer un, ou en cas de commencement de preuve par écrit corroboré par d’autres éléments (art. 1360 et 1361 C. civ.).

Dans un esprit de prévoyance, les copartageants opteront souvent pour un partage écrit. Cette formalisation leur offre une preuve préconstituée et, par conséquent, une sécurité juridique accrue. L’établissement de cet écrit peut résulter de divers supports : un simple compte de répartition établi par un notaire, pourvu qu’il soit signé et mentionne l’accord des parties, peut suffire à établir un partage (Cass. 1re civ., 24 févr. 2016, n° 15-13.758). En outre, plusieurs documents distincts, pris ensemble, peuvent également constituer un écrit valable dès lors qu’ils témoignent de manière concordante de l’accord des parties (Cass. 1re civ., 27 févr. 1952).

Pour prévenir tout litige et renforcer la sécurité juridique, il est fortement conseillé d’établir un écrit détaillant les modalités du partage et exprimant clairement l’accord des copartageants. Même lorsque les parties s’accordent sur un partage verbal, il peut être opportun d’obtenir des éléments matériels, tels qu’un commencement de preuve par écrit, pour corroborer leur entente en cas de contestation ultérieure. Enfin, en présence de biens mobiliers d’importance ou d’une indivision complexe, le recours à un acte notarié demeure une solution prudente, bien que facultative.

2. Indivision comprenant des biens soumis à publicité foncière

L’article 835, alinéa 2, du Code civil assortit le principe du consensualisme en matière de partage amiable d’un tempérament lorsqu’il s’agit de biens soumis à publicité foncière. Il impose, dans ce cas, que l’acte de partage soit établi par acte notarié. Toutefois, cette exigence, loin de déroger au principe, poursuit un objectif spécifique : celui de permettre la publicité de l’acte et, ainsi, d’assurer son opposabilité aux tiers.

==>L’exigence de l’acte notarié ad publicatem

Contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture superficielle du texte, l’obligation de recourir à un notaire n’a pas pour finalité de conférer une validité intrinsèque à l’acte. La Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 24 octobre 2012, a, en effet, précisé que cette formalité, imposée par l’article 835, al. 2, du Code civil, vise uniquement à garantir l’effectivité de la publicité obligatoire dans les services de publicité foncière, et non à conditionner la validité du partage (Cass. 1re civ., 24 oct. 2012, n° 11-19.855). Ainsi, un acte sous seing privé, voire un partage verbal, reste pleinement valable entre les parties, mais il ne pourra être opposé aux tiers qu’après avoir été authentifié et publié.

Cette interprétation est également soutenue par les travaux parlementaires ayant accompagné la réforme des successions et des libéralités de 2006, lesquels précisent que la formalité notariée requise pour les biens soumis à publicité foncière découle de l’article 4 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, qui impose la forme authentique pour tout acte sujet à publication.

En pratique, le recours à un acte notarié dès l’origine est souvent privilégié pour des raisons de simplicité et de sécurité. Le notaire, par son expertise, garantit non seulement la conformité de l’acte au regard des règles de publicité foncière mais aussi sa solidité juridique, réduisant ainsi les risques de contestation ultérieure.

Cependant, il convient de rappeler que cette formalité peut engendrer des coûts supplémentaires, notamment en raison des émoluments notariaux et des droits d’enregistrement. Il appartient donc aux copartageants de peser les avantages d’une publicité immédiate contre les contraintes financières qu’elle impose.

Enfin, il peut être observé que, dans certains cas, lorsqu’un partage sous seing privé n’a pas été authentifié pour permettre sa publication, les parties peuvent demander son authentification judiciaire. Cette procédure, reconnue par la doctrine et confirmée par les conservateurs des hypothèques, permet de déposer l’acte privé au rang des minutes d’un notaire, éventuellement accompagné d’une déclaration unilatérale de volonté par l’un des indivisaires souhaitant obtenir la publication (Décret n°55-22 du 4 janvier 1955, art. 37, al. 2). Ce mécanisme offre une alternative pratique aux situations où l’un des copartageants refuserait de réitérer son consentement en la forme authentique.

==>Opposabilité aux tiers

Le partage, en matière d’indivision comprenant des biens immobiliers, a un effet déclaratif : il ne crée pas de droits nouveaux mais consacre la répartition des droits préexistants entre les indivisaires. La publicité foncière, rendue nécessaire par l’article 835, al. 2, vient renforcer cet effet en rendant opposables aux tiers les attributions opérées dans le cadre du partage. Toutefois, comme le souligne la jurisprudence, l’absence de publication ne rend pas l’acte inopposable aux tiers par principe ; elle ouvre seulement droit à des dommages et intérêts si un tiers subit un préjudice du fait de cette omission (Cass. 1ère civ., 7 nov. 1984, n°83-13.643).

Cela signifie qu’un partage non publié demeure valable et opposable aux tiers dans la mesure où ces derniers n’ont pas à s’en plaindre. Cette solution, pragmatique, distingue le partage des actes translatifs de propriété qui, eux, ne peuvent produire aucun effet vis-à-vis des tiers sans publicité (Décret n°55-22 du 4 janvier 1955, art. 30).

B) Les exigences de forme ad probationem

Le partage amiable, fruit de la volonté unanime des indivisaires, se présente comme une convention librement négociée. Cependant, cette liberté, tout en permettant une grande souplesse dans les formes, appelle à une organisation précise lorsque se pose la question de la preuve. Car, en l’absence de formalités établies, la clarté de l’accord peut se trouver compromise, exposant les parties à des litiges prolongés.

Le partage amiable, comme tout acte juridique, obéit au droit commun de la preuve. Si l’accord peut être verbal ou écrit, il n’en reste pas moins que l’absence d’écrit fragilise sa preuve. Les décisions jurisprudentielles rappellent avec constance qu’un partage verbal est valide, mais qu’il expose les indivisaires à des difficultés sérieuses de preuve (Cass. 1re civ., 29 avr. 1968).

Lorsque le partage concerne des biens d’une valeur n’excédant pas 1 500 euros, la preuve est libre : témoignages, présomptions et indices suffisent à établir la réalité de l’accord (art. 1358 C. civ.). Au-delà de ce seuil, la loi impose un écrit, sous seing privé ou authentique, pour garantir la sécurité des conventions et préserver la stabilité des relations entre les indivisaires (art. 1359 C. civ.).

Toutefois, le législateur, attentif aux circonstances exceptionnelles, a prévu des tempéraments à cette exigence. Ainsi, lorsque l’écrit ne peut être produit en raison d’une impossibilité matérielle ou morale, ou lorsqu’il a été détruit par un cas de force majeure, il est permis de prouver le partage par tout moyen (art. 1360 C. civ.). De même, un commencement de preuve par écrit, corroboré par d’autres éléments, peut suppléer à l’absence d’un acte écrit (art. 1361 et 1362 C. civ.).

En l’absence d’écrit, d’autres moyens, tels que l’aveu judiciaire ou le serment décisoire, conservent leur pleine efficacité pour établir la preuve. Ces procédés, bien qu’exceptionnels, demeurent des instruments de droit commun permettant de trancher les différends dans les cas les plus complexes (art. 1361 C. civ.).

Enfin, l’acte notarié, par sa force probante et sa conformité aux exigences de publicité foncière, constitue le mode de preuve par excellence. Même lorsqu’il est affecté d’un vice de forme, il peut valoir comme acte sous seing privé, conservant ainsi sa portée probatoire (Cass. 1re civ., 11 juill. 1955).

Ainsi, bien que la liberté probatoire reste la règle, il est toujours prudent d’établir un écrit, seul capable de protéger les parties contre les incertitudes et les litiges futurs. L’écrit, sous seing privé ou authentique, demeure le gage de sécurité et de stabilité des accords conclus.

 

  1. A. Delfosse et J.-L. F. Peniguel, La réforme des successions et libéralités, éd. LexisNexis, 2006 ?
  2. M. Grimaldi, Droit des successions, LexisNexis, 7e éd., 2017, n° 952 ?

Droit au partage: un droit imprescriptible

Le principe de précarité de l’indivision s’exprime principalement par le droit au partage, un droit qui présente trois caractéristiques fondamentales : il est impératif, discrétionnaire et imprescriptible. Ces trois éléments se rejoignent et se complètent pour faire du droit au partage un droit absolu, garantissant à chaque indivisaire la possibilité de mettre fin à l’indivision à tout moment.

Premièrement, le caractère impératif du droit au partage découle directement de l’article 815 du Code civil, qui énonce que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Ce droit est d’ordre public, ce qui signifie que même des conventions conclues entre les indivisaires ne peuvent priver l’un d’entre eux de cette faculté. L’indivision étant perçue en droit français comme un état transitoire et précaire, chaque indivisaire doit pouvoir retrouver, quand il le souhaite, la situation normale de la propriété individuelle.

Deuxièmement, le droit au partage est discrétionnaire, ce qui signifie que l’indivisaire peut l’exercer sans avoir à justifier de motifs particuliers. La méfiance traditionnelle à l’égard de l’indivision en droit français a conduit à consacrer ce droit comme un levier permettant à chacun de sortir de l’indivision sans contrainte. Le juge ne peut contrôler les raisons d’une demande de partage, renforçant ainsi la liberté des indivisaires de ne pas rester dans une situation collective indéfinie.

Troisièmement, le droit au partage est imprescriptible : il ne s’éteint jamais, quel que soit le temps qui s’est écoulé depuis la formation de l’indivision. Chaque indivisaire conserve en permanence la faculté de demander le partage, même après une longue période. Cela reflète l’idée que l’indivision n’est qu’une parenthèse dans la jouissance des droits de propriété, et que le partage tend toujours à restaurer la propriété privative.

Ces trois caractères s’articulent pour faire du partage un droit fondamental et absolu, garantissant la possibilité de sortir de l’indivision à tout moment, ce qui illustre la précarité inhérente à cette situation juridique.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère imprescriptible du droit au partage.

I) L’exclusion de la prescription extinctive

Le droit au partage se distingue par son caractère imprescriptible, c’est-à-dire qu’il ne s’éteint jamais, quel que soit le temps écoulé depuis la constitution de l’indivision.

La Cour de cassation a rappelé ce principe notamment dans un arrêt du 12 décembre 2007 aux termes duquel elle a jugé que « le droit de demander le partage étant imprescriptible, celui-ci peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention » (Cass. 1ère civ., 12 déc. 2007, n°06-20.830).

Dans cette affaire, la demande de partage concernait une succession vieille de plus de 70 ans, et la Cour a confirmé que le délai écoulé ne faisait pas obstacle à cette action. Cet arrêt illustre de manière claire l’absence de toute prescription extinctive pour l’action en partage, même en présence d’une indivision très ancienne.

Cette règle vise à protéger le droit de propriété de chaque indivisaire, en lui offrant la possibilité de retrouver à tout moment une pleine maîtrise de sa part de bien.

Des auteurs soulignent à cet égard que « le droit au partage est intrinsèquement lié à la protection de la propriété individuelle et ne saurait être anéanti par l’écoulement du temps »[2]. Dans le même sens Planiol et Ripert ont écrit que « le droit de sortir d’indivision ne se perd pas par non-usage »[3].

Cette position doctrinale met en évidence la nature temporaire de l’indivision, conçue pour cesser dès lors qu’un indivisaire le souhaite. L’imprescriptibilité du droit au partage en est la manifestation la plus claire.

En tout état de cause, bien que la prescription extinctive puisse entraîner l’extinction de certains droits par l’écoulement du temps, elle ne s’applique pas à l’action en partage.

Ce principe, fermement établi par la jurisprudence, est illustré notamment par un ancien arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 décembre 1937 (Cass. req., 13 déc. 1937).

Elle y a confirmé que le droit au partage échappe à toute forme de prescription extinctive. Cette décision réaffirme le caractère fondamentalement imprescriptible de ce droit, garantissant à tout indivisaire la faculté de provoquer la fin de l’indivision, quel que soit le temps écoulé depuis sa constitution.

Ainsi, même en cas d’indivision prolongée, chaque indivisaire conserve la possibilité de demander le partage à tout moment. Ce droit est protégé contre toute forme d’inertie, qu’elle soit intentionnelle ou non, de la part des autres indivisaires. Cela évite que l’indivision ne se perpétue simplement par défaut d’action ou par négligence de certains indivisaires.

En ce sens, l’imprescriptibilité du droit au partage agit comme une garantie contre l’inaction, préservant le droit de chaque co-indivisaire à mettre fin à cette situation à tout moment, sans qu’un quelconque délai puisse jouer en défaveur de cette prérogative.

II) Le jeu de la prescription acquisitive

Reste que si le droit au partage est imprescriptible, la prescription acquisitive constitue une exception à ce principe.

En effet, bien que la prescription extinctive ne puisse éteindre le droit de demander le partage, il est possible, sous certaines conditions, qu’un indivisaire ou un tiers acquière la propriété d’un bien indivis par possession prolongée.

L’article 816 du Code civil dispose en ce sens que « le partage ne peut être demandé s’il y a eu possession suffisante pour acquérir la prescription ».

Cela signifie que si un bien indivis a été possédé de manière continue, paisible, publique et non équivoque pendant un délai de trente ans, l’usucapion permet à l’indivisaire ou au tiers possesseur de faire sortir ce bien de l’indivision, le privant ainsi de son caractère indivis.

L’usucapion, qui repose sur des conditions rigoureuses de possession, s’applique donc uniquement à des biens spécifiques au sein de l’indivision, et non à l’ensemble d’une succession ou d’un patrimoine indivis dans son intégralité.

Cela se justifie par la nature même de l’indivision, qui repose sur une co-titularité de droits de propriété, chacun des indivisaires jouissant de l’ensemble des biens indivis sans en détenir la propriété exclusive.

Certains auteurs soutiennent qu’une succession, en tant qu’universalité juridique, ne peut faire l’objet d’une possession prolongée dans son ensemble, car il serait difficile, voire impossible, de posséder une telle universalité de manière non équivoque et exclusive.

En raison de la diversité des biens qui la composent et de la nature collective des droits indivisaires, ils estiment que la possession, pour être effective et produire des effets juridiques, doit porter sur des biens déterminés, spécifiquement identifiés, plutôt que sur l’ensemble des biens formant l’indivision.

Les tenants de cette thèse considèrent que « l’usucapion ne peut jouer que relativement à des biens envisagés ut singuli », c’est-à-dire individuellement, et non sur l’intégralité d’une succession ou d’une indivision, laquelle est perçue comme une universalité juridique insusceptible de possession exclusive[4].

Cependant, d’autres auteurs adoptent une approche plus large et nuancée de l’usucapion.

Ils soutiennent qu’il serait possible, sous certaines conditions, d’acquérir par prescription acquisitive non seulement des biens spécifiques, mais également un ensemble de biens constituant l’actif successoral, dès lors que ces biens sont suffisamment identifiés au sein de l’universalité juridique de la succession.

Selon cette approche, l’usucapion ne porterait pas sur l’universalité en tant que telle, mais sur les éléments patrimoniaux qui la composent, ce qui permettrait à un indivisaire de prescrire l’intégralité de l’actif successoral ou de l’indivision.

Cette position a trouvé un certain écho dans la jurisprudence. En effet, la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 4 juillet 1853, que la prescription acquisitive pouvait, dans certaines circonstances, s’appliquer à l’ensemble des biens dépendant d’une succession.

Cet arrêt confirme l’interprétation selon laquelle l’usucapion, bien qu’habituellement limitée à des biens déterminés, peut dans des cas particuliers s’étendre à un ensemble de biens indivis, lorsque les conditions de la possession sont réunies.

L’article 816 du Code civil, qui dispose que « le partage ne peut être demandé s’il y a eu possession suffisante pour acquérir la prescription », consacre ce mécanisme, en permettant qu’un bien indivis puisse être usucapé et sortir ainsi de l’indivision, rendant le partage inapplicable à ce bien.

Quoi qu’il en doit, l’application de l’usucapion, même sur des biens indivis, repose sur le respect strict des conditions de la prescription acquisitive, telles qu’énoncées dans l’article 2261 du Code civil.

Pour que la possession puisse conduire à l’acquisition d’un bien par usucapion, elle doit être paisible, continue, publique et non équivoque, et ce, pendant un délai de trente ans, si aucun titre translatif de propriété n’est invoqué.

La jurisprudence et la doctrine insistent sur le caractère exclusif de la possession, particulièrement en matière d’indivision, où les actes accomplis par un indivisaire tendent souvent à être interprétés comme des actes de gestion collective plutôt que comme des manifestations d’une volonté d’exclusivité.

A cet égard, la possession en situation d’indivision présente une difficulté particulière : les actes de gestion ou d’usage par un coïndivisaire sont généralement équivoques, car ils peuvent être perçus comme l’exercice normal des droits indivis, et non comme une appropriation exclusive.

Selon Planiol et Ripert, la possession d’un bien indivis par un coïndivisaire est souvent indéterminée, car elle reflète une jouissance commune plutôt qu’une propriété individuelle. Les actes de possession ne peuvent donc permettre l’usucapion que s’ils traduisent une intention manifeste de se comporter en propriétaire exclusif, incompatible avec la qualité d’indivisaire.

La jurisprudence est venue confirmer cette exigence. Ainsi, dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a rappelé que les juges du fond doivent rechercher si le possesseur indivis s’est comporté en propriétaire exclusif, c’est-à-dire s’il a accompli des actes montrant son intention de s’approprier le bien pour lui seul (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 27 oct. 1993, n° 91-13.286). En l’absence d’actes exclusifs et non équivoques, la prescription acquisitive ne peut prospérer, et le bien demeure dans l’indivision.

Il peut être observé que le vice d’équivoque est l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre de l’usucapion dans le cadre de l’indivision.

Ce vice se manifeste lorsque la possession invoquée par l’indivisaire n’est pas clairement distincte de celle que pourrait exercer un autre indivisaire.

Par exemple, un indivisaire qui se contente d’occuper un bien indivis ou d’en tirer des revenus comme le ferait tout autre coïndivisaire ne pourra prétendre à l’usucapion, car ces actes ne montrent pas une volonté d’exclusivité (Cass. 3e civ., 27 nov. 1985, n°84-15.259). À l’inverse, des actes significatifs, tels que l’accomplissement de travaux importants sans en informer les autres indivisaires ou la perception exclusive des fruits du bien, peuvent constituer des indices d’une volonté d’exclusivité, susceptibles de permettre l’usucapion (Cass. 3e civ., 25 févr. 1998, n° 96-15.045).

Pour que la prescription acquisitive puisse être opposée avec succès aux autres indivisaires, il est nécessaire que l’indivisaire prétendant à l’usucapion se soit comporté en véritable propriétaire exclusif. Cette exclusivité doit être démontrée par des actes incompatibles avec la qualité d’indivisaire, c’est-à-dire des actes qui ne relèvent pas simplement de la gestion ordinaire de l’indivision, mais qui traduisent une appropriation personnelle du bien.

Le délai de prescription requis pour l’usucapion en matière d’indivision est de trente ans. La prescription abrégée de dix ans, applicable dans certains cas lorsque le possesseur dispose d’un juste titre, ne trouve pas à s’appliquer dans ce contexte, en raison de l’absence de titre translatif au profit de l’indivisaire.

Ce principe a été établi par la jurisprudence, qui exclut la possibilité pour un indivisaire de prescrire en moins de trente ans en invoquant un partage irrégulier ou un acte de gestion comme titre translatif (V. en ce sens Cass. req., 4 août 1870).

Cependant, dans le cadre de la copropriété, il est possible pour l’ensemble des copropriétaires d’acquérir des parties communes par prescription abrégée, comme rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 30 avril 2003 .

Aux termes de cet arrêt, elle a, en effet, jugé que « les actes de vente de biens immobiliers, constitués par des lots de copropriété qui sont nécessairement composés de parties privatives et de quotes-parts de parties communes, peuvent être le juste titre qui permet à l’ensemble des copropriétaires de prescrire, selon les modalités de l’article 2265 du Code civil, sur les parties communes de la copropriété, les droits indivis de propriété qu’ils ont acquis accessoirement aux droits exclusifs qu’ils détiennent sur les parties privatives de leurs lots » (Cass. 3e civ., 30 avr. 2003, n° 01-15.078).

Au total, l’usucapion, bien que potentiellement applicable à des biens indivis, reste un mécanisme d’exception nécessitant des conditions strictes. La possession doit être exclusive, continue, paisible, publique et non équivoque, et ce, pendant une période de trente ans.

Si ces conditions ne sont pas réunies, le bien demeurera dans l’indivision et restera éligible au partage, étant précisé que la jurisprudence exclut toute possibilité d’usucapion lorsque la possession invoquée par l’indivisaire se confond avec l’usage ordinaire d’un bien indivis, ce qui nécessité alors une véritable appropriation exclusive pour que la prescription acquisitive puisse produire ses effets.

Droit au partage: un droit discrétionnaire

Le principe de précarité de l’indivision s’exprime principalement par le droit au partage, un droit qui présente trois caractéristiques fondamentales : il est impératif, discrétionnaire et imprescriptible. Ces trois éléments se rejoignent et se complètent pour faire du droit au partage un droit absolu, garantissant à chaque indivisaire la possibilité de mettre fin à l’indivision à tout moment.

Premièrement, le caractère impératif du droit au partage découle directement de l’article 815 du Code civil, qui énonce que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». Ce droit est d’ordre public, ce qui signifie que même des conventions conclues entre les indivisaires ne peuvent priver l’un d’entre eux de cette faculté. L’indivision étant perçue en droit français comme un état transitoire et précaire, chaque indivisaire doit pouvoir retrouver, quand il le souhaite, la situation normale de la propriété individuelle.

Deuxièmement, le droit au partage est discrétionnaire, ce qui signifie que l’indivisaire peut l’exercer sans avoir à justifier de motifs particuliers. La méfiance traditionnelle à l’égard de l’indivision en droit français a conduit à consacrer ce droit comme un levier permettant à chacun de sortir de l’indivision sans contrainte. Le juge ne peut contrôler les raisons d’une demande de partage, renforçant ainsi la liberté des indivisaires de ne pas rester dans une situation collective indéfinie.

Troisièmement, le droit au partage est imprescriptible : il ne s’éteint jamais, quel que soit le temps qui s’est écoulé depuis la formation de l’indivision. Chaque indivisaire conserve en permanence la faculté de demander le partage, même après une longue période. Cela reflète l’idée que l’indivision n’est qu’une parenthèse dans la jouissance des droits de propriété, et que le partage tend toujours à restaurer la propriété privative.

Ces trois caractères s’articulent pour faire du partage un droit fondamental et absolu, garantissant la possibilité de sortir de l’indivision à tout moment, ce qui illustre la précarité inhérente à cette situation juridique.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère discrétionnaire du droit au partage.

Le caractère discrétionnaire du droit au partage permet à tout co-indivisaire de demander le partage sans avoir à fournir de justification ou de motif légitime.

Autrement dit, l’indivisaire n’a aucune obligation de démontrer que la poursuite de l’indivision lui est préjudiciable, ni d’attendre une circonstance particulière pour demander à en sortir.

L’absence d’exigence de justification permet de garantir que l’indivision ne soit jamais subie par un co-indivisaire.

François Zenati-Castaing explique en ce sens que « la liberté d’exercer ce droit, sans condition ni justification, est une manifestation directe du droit de propriété et de la volonté du législateur d’éviter la perpétuation d’une indivision subie »[1].

Ce caractère discrétionnaire assure ainsi que l’indivisaire, qu’il s’agisse d’une indivision successorale ou de tout autre forme d’indivision, conserve à tout moment la faculté de récupérer sa part de propriété exclusive. Il s’agit d’un droit absolu, qui s’impose aux co-indivisaires sans restriction.

La jurisprudence réaffirme régulièrement cette règle en insistant sur la liberté absolue de chaque indivisaire de provoquer le partage, et ce, sans motif particulier.

Un arrêt fondateur de la Cour de cassation du 26 décembre 1866 a précisé que la demande en partage n’a pas à être fondée sur des motifs légitimes et ne peut être considérée comme un abus de droit, même si elle est désavantageuse pour les autres indivisaires.

Cela signifie qu’un indivisaire peut provoquer le partage même lorsque cette décision s’avère préjudiciable pour les autres co-indivisaires.

Ce caractère discrétionnaire est essentiel pour préserver la précarité intrinsèque du régime de l’indivision, permettant à chaque indivisaire de mettre un terme à cette situation selon sa propre volonté, et ce, sans subir d’opposition.

De manière corrélative, les autres indivisaires ne peuvent empêcher l’un d’eux de sortir de l’indivision, peu importe les circonstances.

Le caractère absolu du droit au partage s’impose également aux juridictions saisies.

En effet, à l’exception des cas prévus par la loi permettant de maintenir temporairement la situation d’indivision, comme le sursis judiciaire (article 815-5 du Code civil), toute juridiction doit accéder à une demande de partage formulée par un indivisaire. La Cour de cassation a confirmé, dès le 19e siècle, que le juge ne dispose pas de la faculté de refuser le partage, quelles que soient les circonstances.

Dans l’arrêt du 26 décembre 1866, elle affirma en ce sens que le partage peut être provoqué à tout moment, peu importe l’absence de motif sérieux ou légitime lors de la demande.

De même, la faible valeur des biens indivis ne constitue pas un obstacle à l’exercice de ce droit, comme rappelé dans un arrêt du 30 mai 1877 (Cass. civ. 30 mai 1877).

Cette liberté s’étend même aux indivisaires en situation particulière, comme ceux placés en liquidation judiciaire.

Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a, par exemple, affirmé qu’un indivisaire faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire pouvait demander le partage sans que les autres indivisaires ne puissent s’y opposer (Cass. 1ère civ. 29 juin 2011, n°10-25.098).

Par ailleurs, le droit de tout indivisaire à demander le partage, absolu et discrétionnaire, prime sur toute disposition testamentaire qui tenterait d’y porter atteinte.

Ainsi, un testateur ne saurait contraindre ses héritiers à rester en indivision, qu’il s’agisse d’une durée illimitée ou même temporaire, sans enfreindre ce droit fondamental.

La jurisprudence est constante à ce sujet : toute clause testamentaire qui restreindrait l’exercice le droit au partage, en imposant par exemple une indivision perpétuelle ou en dissuadant un héritier de demander le partage, est réputée non écrite.

C’est ce que la Cour de cassation a réaffirmé dans un arrêt du 13 avril 2016 (Cass. 1re civ., 13 avr. 2016, n° 15-13.312), en invalidant une stipulation testamentaire visant à maintenir indéfiniment l’indivision.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a été saisie d’un litige concernant une stipulation testamentaire imposant une indivision aux héritiers. Le disposant avait inséré une clause pénale dans son testament, stipulant qu’un héritier qui exercerait son droit de demander le partage se verrait infliger une réduction de sa part dans la succession.

Cette disposition avait pour objectif d’empêcher, à tout le moins de dissuader, les héritiers de rompre l’indivision établie par le défunt, même si elle n’était pas à durée déterminée.

La question soulevée devant la Cour de cassation était donc de savoir si une telle clause était valide et si elle pouvait être opposée aux héritiers indivisaires.

Le testateur, en insérant cette clause, tentait manifestement de restreindre l’exercice du droit absolu et discrétionnaire de chaque indivisaire de demander le partage.

Cependant, la Cour de cassation a rappelé que ce droit est protégé par la loi, et qu’il ne peut être entravé, même par des volontés testamentaires explicites.

Plus précisément, elle a jugé que la stipulation testamentaire en question devait être réputée non écrite, car elle portait une atteinte excessive au droit des héritiers de demander le partage.

La Haute juridiction a souligné que ce droit est absolu et ne peut souffrir aucune limitation, qu’elle soit directe ou indirecte, notamment par le biais d’une clause pénale dissuasive.

Cette décision s’inscrit dans le droit fil d’une jurisprudence constante visant à protéger l’autonomie des héritiers indivisaires et à préserver leur faculté de sortir de l’indivision à tout moment.

En statuant ainsi, la Cour de cassation a non seulement invalidé la clause pénale insérée dans le testament, mais elle a également réaffirmé le caractère absolu et discrétionnaire du droit au partage : le testateur ne peut imposer à ses héritiers des contraintes qui porteraient atteinte à l’essence même de leur droit au partage. Ce droit prime sur toute volonté testamentaire visant à prolonger l’indivision, et toute clause contraire doit être écartée.

De même, même lorsque le testateur impose une indivision pour une durée limitée, comparable à ce qui est prévu pour l’indivision conventionnelle (limitée à cinq ans), cette contrainte ne saurait s’imposer aux héritiers.

La jurisprudence l’a confirmé à plusieurs reprises (V. notamment Cass. 1ère civ. 5 janv. 1977, n°75-15.199), et cette position n’a pas été remise en cause par la réforme de 1976.

Ainsi, qu’il s’agisse d’une indivision perpétuelle ou temporaire, toute tentative du testateur d’imposer sa durée, même assortie de sanctions, contrevient au droit inaliénable de tout indivisaire de demander le partage. Toute clause allant dans ce sens se voit automatiquement privée d’effet, étant réputée non écrite.