Le compte d’indivision regroupe les créances et les dettes nées durant la période d’indivision, permettant ainsi de centraliser toutes les opérations financières effectuées au profit ou à la charge de la masse indivise.
Il peut être observé que l’inscription des créances et dettes dans le compte d’indivision présente un caractère essentiellement facultatif, laissant aux indivisaires une marge de manœuvre quant à la gestion de leurs créances et dettes vis-à-vis de la masse indivise.
En effet, chaque indivisaire, qu’il soit créancier ou débiteur, conserve une certaine liberté dans la décision d’inscrire ou non ses créances au compte d’indivision.
Par ailleurs, un indivisaire créancier, en vertu de l’article 815-17 du Code civil, peut, selon son intérêt, soit exiger immédiatement le règlement de sa créance, soit en reporter l’inscription jusqu’au moment du partage.
Cette faculté permet à l’indivisaire de moduler le moment où il souhaite récupérer les fonds investis dans la gestion de l’indivision, tout en évitant une exigibilité immédiate de créances qui pourraient mettre en péril la stabilité financière de l’ensemble indivis.
Cette flexibilité quant à l’inscription en compte n’est toutefois pas sans soulever des interrogations dans la doctrine.
Certains auteurs préconisent de distinguer la faculté d’inscription des créances selon la cause de la créance en question :
- D’un côté, pour les dépenses strictement nécessaires à la conservation du bien indivis ou celles validées par tous les indivisaires, l’indivisaire créancier aurait le choix entre un paiement immédiat ou l’inscription en compte avec règlement au partage, assurant ainsi une revalorisation de sa créance pour garantir une répartition équitable entre les coïndivisaires.
- D’un autre côté, pour les créances nées de dépenses non essentielles, la doctrine majoritaire estime que la créance devrait nécessairement être inscrite en compte et être régularisée lors du partage, afin d’éviter tout déséquilibre dans la jouissance et l’administration des biens indivis.
A) La détermination des créances et dettes pouvant être inscrites dans le compte d’indivision
1. Les créances et dettes pouvant être inscrites dans le compte d’indivision
a. Les créances
Le compte d’indivision regroupe diverses créances nées pendant la période d’indivision.
==>Dépenses de gestion et de conservation des biens indivis
Tout indivisaire qui engage des dépenses nécessaires à la gestion ou à la conservation des biens indivis peut inscrire cette créance dans le compte d’indivision.
Ces frais peuvent inclure des dépenses courantes telles que les réparations urgentes pour préserver la valeur du bien ou la mise en conformité avec les normes de sécurité,
Ces frais sont essentiels au maintien du bien en bon état, et l’indivisaire qui les prend en charge a droit à une créance équivalente sur l’indivision.
==>Amélioration du bien indivis
Les dépenses engagées pour améliorer le bien indivis, par exemple des travaux de rénovation, peuvent également être inscrites comme créances dans le compte d’indivision. Ces améliorations augmentent la valeur du bien et bénéficient à tous les indivisaires.
L’indivisaire qui finance ces améliorations peut demander une compensation au moment du partage en raison de l’augmentation de la valeur du bien (Cass. 1ère civ., 20 février 2001, n°98-13.006). Toutefois, ces créances ne seront liquidées qu’au moment du partage.
==>Prise en charge des impôts et taxes
Les indivisaires sont solidairement responsables du paiement des impôts et taxes relatifs aux biens indivis, tels que la taxe foncière ou les frais d’assurance.
Si un indivisaire avance ces frais pour le compte de l’indivision, il peut inscrire cette somme au compte d’indivision en tant que créance. Cette créance sera prise en compte lors du partage, garantissant à l’indivisaire le remboursement de sa contribution.
==>Rémunération du gérant
Si l’un des indivisaires est désigné gérant de l’indivision, il peut inscrire sa rémunération au compte d’indivision, même si cette créance peut parfois être payée immédiatement (Cass. 1ère civ., 10 mai 2006, n°04-12.473). Cette rémunération peut être déduite des produits de la gestion avant le partage final, garantissant au gérant une compensation pour son travail de gestion quotidienne.
b. Les dettes
Certaines dettes peuvent également être inscrites dans le compte d’indivision, représentant les obligations financières des indivisaires envers la masse indivise. Voici les principales dettes pouvant être inscrites au compte d’indivision :
==>Indemnité d’occupation privative
Lorsqu’un indivisaire occupe privativement un bien indivis, il doit indemniser l’indivision pour l’usage exclusif qu’il en fait.
Cette indemnité d’occupation est inscrite dans le compte d’indivision comme une dette à l’encontre de l’indivisaire occupant (C. civ., art. 815-9). Cette dette sera prise en compte lors du partage, l’indivisaire concerné devant compenser les autres indivisaires pour l’usage exclusif du bien.
==>Perception de fruits indivis
Si un indivisaire perçoit des fruits ou des revenus issus du bien indivis (par exemple, des loyers) sans les reverser à la masse indivise, il devient débiteur envers l’indivision (C. civ., art. 815-10).
Ces montants peuvent être inscrits au compte d’indivision en tant que dette et seront pris en compte lors du partage. Ce mécanisme garantit que les bénéfices du bien indivis soient répartis équitablement entre tous les indivisaires.
==>Détérioration ou négligence concernant un bien indivis
Si un indivisaire cause une détérioration au bien indivis par négligence ou non-respect de ses obligations de conservation, il peut être tenu de réparer cette détérioration.
Cette obligation peut être inscrite au compte d’indivision comme une dette à l’encontre de l’indivisaire fautif. Cette dette sera liquidée lors du partage.
2. Les créances et dettes exclues du compte d’indivision
Certaines créances ou dettes ne peuvent pas être inscrites au compte d’indivision, car elles ne sont pas directement liées à la gestion ou à la conservation du bien indivis, ou elles ne concernent que les relations entre les indivisaires eux-mêmes, et non avec l’indivision.
==>Créances entre indivisaires
Les créances personnelles entre indivisaires, telles que des prêts consentis entre eux, ne peuvent pas être inscrites dans le compte d’indivision.
Le compte d’indivision ne régit que les relations entre chaque indivisaire et la masse indivise, et non les relations personnelles entre indivisaires. Ces créances doivent être réglées séparément des opérations de l’indivision.
==>Avances en capital
Si un indivisaire a effectué une avance en capital dans l’indivision, cette avance n’est pas automatiquement inscrite au compte d’indivision.
Elle peut faire l’objet d’un accord distinct, et il appartient à l’indivisaire créancier de demander le paiement de cette avance avant le partage s’il le souhaite.
B) La preuve des créances et dettes pouvant être inscrites dans le compte d’indivision
La preuve des éléments inscrits dans le compte d’indivision repose sur les exigences énoncées à l’article 815-8 du Code civil, qui impose aux indivisaires une obligation de tenir un état dans deux situations bien distinctes :
- L’indivisaire perçoit des revenus pour le compte de l’indivision
- L’indivisaire expose des frais pour le compte de l’indivision
Dans le premier cas, l’indivisaire qui perçoit des fruits ou revenus provenant des biens indivis – qu’il soit détenteur d’un mandat explicite ou qu’il agisse en qualité de gérant de fait, voire dans le cadre d’une gestion d’affaires – est tenu de consigner ces recettes de manière rigoureuse.
Cette obligation n’est pas simplement une formalité administrative ; elle vise à garantir que chaque somme perçue pour le compte de l’indivision est comptabilisée de façon fidèle et rendue accessible aux autres indivisaires.
Ce relevé des revenus perçus permet ainsi de préserver l’équité entre les indivisaires, en évitant que l’un d’eux ne dispose, à titre individuel, de fonds qui devraient bénéficier à l’ensemble des co-indivisaires.
Dans un arrêt du 6 décembre 2005, la Cour de cassation a rappelé l’importance de cette obligation en censurant une décision qui n’avait pas vérifié que les revenus, en l’occurrence des loyers, avaient effectivement été perçus pour le compte de l’indivision (Cass. 1ère civ., 6 déc. 2005, n° 03-11.489).
Il ressort de cette décision que l’état des revenus perçus doit revêtir un caractère concret, appuyé par des preuves sérieuses, et ne saurait se fonder sur de simples évaluations ou conjectures.
Le second cas concerne les frais exposés pour le compte de l’indivision. Dans cette hypothèse, l’indivisaire qui avance des fonds pour des dépenses nécessaires, telles que des frais d’entretien, des mesures conservatoires ou des travaux d’amélioration, peut inscrire ces dépenses en tant que créance sur l’indivision.
Par exemple, un indivisaire qui finance des réparations urgentes sur un bien indivis ou qui règle des impôts fonciers dans l’intérêt de tous les indivisaires est en droit d’inscrire cette somme au compte d’indivision.
Cet enregistrement des dépenses, bien qu’il ne donne pas nécessairement lieu à un remboursement immédiat, assure que l’indivisaire concerné pourra faire valoir sa créance au moment du partage.
En ce sens, il ne s’agit pas uniquement d’une obligation de transparence, mais d’une garantie pour l’indivisaire contributeur d’être remboursé des frais exposés pour le compte de l’indivision.
L’obligation de tenir un « état » des opérations, qu’il s’agisse de revenus perçus ou de dépenses engagées, est volontairement imprécise dans son expression.
L’article 815-8 fait référence à la notion d’« état », sans définir la forme exacte que ce document doit revêtir.
En pratique, cet état prend la forme d’un relevé chronologique et détaillé, rendant compte des sommes perçues ou dépensées et accompagné des justificatifs nécessaires pour attester de la réalité de chaque transaction. Cette flexibilité permet une adaptation aux circonstances propres de chaque indivision, tout en respectant le principe de traçabilité.
A cet égard, dans son arrêt du 6 décembre 2005 cité précédemment, la Cour de cassation, a confirmé que ce document devait refléter des montants précis et effectivement perçus ou déboursés, plutôt que des valeurs hypothétiques ou non vérifiées.
L’état ainsi tenu doit être suffisamment détaillé pour permettre aux co-indivisaires de comprendre les flux financiers intervenus au sein de l’indivision et d’assurer ainsi une transparence totale sur les contributions respectives.
Dans certains cas spécifiques, tels que la gestion d’une activité commerciale ou agricole par un indivisaire pour le compte de l’indivision, les exigences en matière de preuve se renforcent.
La gestion de ces activités nécessite une comptabilité plus élaborée, intégrant des comptes précis et complets pour documenter les entrées et sorties de fonds liés à l’activité.
Ces circonstances imposent ainsi une adaptation du niveau de preuve, en raison des enjeux financiers souvent plus conséquents et de la nécessité d’assurer une équité entre les indivisaires.