Effets du partage: la garantie des lots entre copartageants

Le partage met fin à l’indivision en répartissant les biens entre les copartageants. Cependant, pour que cette répartition soit équitable, il est essentiel que chaque copartageant conserve sans difficulté les biens qui lui ont été attribués. Or, il peut arriver qu’un copartageant soit évincé du bien qu’il a reçu, par exemple si ce bien appartient en réalité à un tiers ou si une charge inconnue au moment du partage vient en limiter l’usage. Dans ce cas, une garantie spécifique s’applique afin de protéger l’équilibre du partage et d’éviter que l’un des copartageants ne subisse seul cette perte.

Les articles 884 et suivants du Code civil prévoient ainsi que les copartageants doivent se garantir mutuellement contre les évictions et les troubles qui trouvent leur origine dans une cause antérieure au partage. Ce principe repose sur un impératif fondamental : l’égalité entre les copartageants. Si un bien attribué lors du partage venait à disparaître ou à être grevé d’une charge inconnue, la perte ne peut être supportée uniquement par l’attributaire du bien, mais doit être partagée entre tous, proportionnellement à leurs droits. Cette garantie rappelle celle due par un vendeur à son acheteur, prévue aux articles 1625 et suivants du Code civil. Toutefois, la différence essentielle tient au fait que, dans une vente, il y a un transfert de propriété, alors que dans un partage, les copartageants sont censés recevoir des droits qu’ils détenaient déjà sur l’indivision.

Cette garantie joue aussi bien dans les partages amiables que dans les partages judiciaires. Elle s’applique quels que soient les biens attribués et protège les copartageants contre les conséquences d’une éviction ou d’un trouble affectant leur lot. En revanche, elle ne concerne en principe que les troubles causés par des tiers. Cela soulève une question : un copartageant pourrait-il être tenu responsable des troubles qu’il causerait lui-même après le partage ? Autrement dit, si un indivisaire porte atteinte aux droits d’un autre après la répartition des biens, peut-il être contraint de réparer le préjudice subi sur le fondement de la garantie des lots ?

Ainsi, la garantie entre copartageants vise à préserver la stabilité du partage en assurant que chacun conserve ce qui lui a été attribué sans subir de préjudice. Elle repose sur le principe d’égalité et empêche qu’un copartageant ne soit lésé par l’issue du partage. Toutefois, son application soulève plusieurs interrogations, notamment sur son champ exact et sur la possibilité d’inclure dans cette garantie les troubles causés par les copartageants eux-mêmes.

I) Conditions d’application

L’article 884 du Code civil érige la garantie des lots en une obligation pesant sur l’ensemble des copartageants. Toutefois, cette garantie ne joue que si certaines conditions, tenant à l’acte de partage, au trouble subi et à l’absence de faute du copartageant évincé, sont réunies.

A. Une garantie attachée au partage

La garantie des lots s’applique à toute opération de partage, quelle que soit la nature de l’indivision concernée. Il s’agit d’une garantie qui joue entre copartageants afin d’assurer l’équité du partage en cas d’éviction ou de trouble postérieur à l’attribution des biens. Cependant, l’existence même d’une telle garantie suppose un partage juridiquement valable. Dès lors, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait faire naître une quelconque obligation de garantie entre copartagés.

1. L’application de la garantie des lots à toutes les formes de partage

L’obligation de garantie s’applique aux partages successoraux, conjugaux ou encore sociétaires, ces derniers intervenant notamment lors de la dissolution d’une société civile ou d’une société créée de fait. Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 1983 affirmant que la garantie des lots joue indépendamment de la nature de l’indivision à laquelle le partage met fin (Cass. 1re civ., 22 mars 1983, n°82-12.135).

De même, la donation-partage est assimilée à un véritable partage et ouvre donc droit à la garantie entre les copartagés. Ce caractère distributif de la donation-partage justifie que chacun des donataires bénéficiaires puisse se prévaloir des règles relatives à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 18 janv. 1983, n°81-12.638).

L’objectif de cette garantie est d’assurer une égalité entre les copartageants en leur conférant une protection contre d’éventuels troubles ou évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Cette garantie est d’autant plus essentielle que le partage, en tant qu’acte déclaratif, emporte l’extinction de l’indivision et l’attribution exclusive des biens aux copartageants concernés.

2. L’absence de garantie en cas de partage nul

Toutefois, la garantie des lots suppose nécessairement un partage juridiquement valide. À cet égard, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait produire d’effets juridiques et ne peut donc fonder une obligation de garantie entre copartageants. Cette solution a été affirmée de longue date par la jurisprudence.

Ainsi, l’omission volontaire d’un ayant droit constitue une cause de nullité du partage et empêche l’application de la garantie des lots. En effet, un partage opéré sans tenir compte de tous les indivisaires est entaché d’un vice fondamental affectant sa validité. Dans un arrêt du 21 mars 1922, la Cour de cassation a rappelé qu’un partage nul, notamment en raison de l’exclusion d’un héritier ou d’un indivisaire, ne saurait donner lieu à une obligation de garantie (Req. 21 mars 1922, DP 1923, 1. 60).

Cette position s’explique par la nature même du partage, qui doit être réalisé entre tous les titulaires de droits indivis. Si un partage est frappé de nullité, il est censé n’avoir jamais existé, ce qui empêche l’application des obligations qui en découlent, y compris la garantie des lots.

B. L’existence d’un trouble ou d’une éviction

La garantie des lots, attachée au partage, assure aux copartageants une protection contre les troubles et évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Toutefois, cette garantie ne joue que sous certaines conditions, notamment lorsque le trouble ou l’éviction trouve son origine dans une cause antérieure au partage. Il convient dès lors d’examiner les situations dans lesquelles cette garantie peut être mobilisée, en précisant la nature des troubles pris en compte.

1. L’éviction et les troubles de droit

L’éviction se définit comme une dépossession totale ou partielle du bien attribué à un copartageant. Elle peut résulter de la revendication d’un tiers se prévalant d’un droit réel préexistant au partage, ou d’une impossibilité pour le copartageant d’exercer pleinement ses droits sur le bien attribué. Dès lors qu’un tel trouble provient d’une cause antérieure au partage, la garantie joue de plein droit en faveur du copartageant lésé (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).

La doctrine, notamment Aubry et Rau, souligne que seuls les troubles de droit sont couverts par la garantie. Ainsi, une revendication judiciaire d’un tiers, fondée sur un droit réel antérieur au partage, constitue un cas typique d’éviction ouvrant droit à la garantie des lots. En revanche, si l’attribution du bien à un copartageant est ultérieurement remise en cause pour un motif n’ayant aucun lien avec la situation antérieure au partage, la garantie ne saurait être invoquée.

2. L’exclusion des troubles de fait

Si la garantie couvre les troubles de droit, elle ne s’étend pas aux troubles de fait, c’est-à-dire aux atteintes qui ne reposent sur aucun fondement juridique. Par exemple, une occupation illicite du bien par un tiers ou une simple nuisance causée par le voisinage ne suffisent pas à justifier l’application de la garantie. Cette distinction, consacrée par la jurisprudence, exclut ainsi de la garantie tout trouble qui ne trouve pas son origine dans une atteinte à un droit préexistant.

Toutefois, une nuance mérite d’être apportée : lorsque le trouble émane directement d’un copartageant lui-même, il peut être pris en compte dans le cadre de la garantie du fait personnel. Tel est le cas lorsque l’un des copartageants revendique abusivement des droits sur un bien attribué à un autre, ou lorsqu’il entrave la jouissance paisible du lot de son cohéritier. La Cour de cassation a consacré cette exception en admettant que le trouble de fait causé par un copartageant puisse engager sa responsabilité et donner lieu à garantie (Cass. com., 8 déc. 1966).

3. L’insolvabilité du débiteur d’une créance attribuée lors du partage

Outre les troubles affectant la jouissance d’un bien immobilier ou mobilier, la garantie s’applique également lorsqu’un copartageant se voit attribuer, en partage, une créance irrécouvrable. En effet, si l’un des lots comprend une créance et que le débiteur de cette dernière est insolvable à la date du partage, le copartageant lésé peut se prévaloir de la garantie. Cette solution a été rappelée par la Cour de cassation, qui a jugé que lorsque l’insolvabilité du débiteur est révélée avant le partage, elle constitue un trouble ouvrant droit à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 22 mars 1983).

L’objectif de cette règle est de garantir l’équilibre du partage et d’éviter qu’un copartageant ne se retrouve lésé par l’attribution d’un élément de patrimoine dépourvu de toute valeur effective. Dès lors, en présence d’une créance douteuse, il appartient aux copartageants d’exercer un contrôle préalable afin d’éviter toute contestation ultérieure.

C. L’exigence d’une cause antérieure au partage et l’absence de faute

La garantie des lots n’a pas un caractère absolu. Sa mise en œuvre est soumise à deux conditions : d’une part, le trouble ou l’éviction doit trouver sa cause dans une situation antérieure au partage, et d’autre part, le copartageant évincé ne doit pas être lui-même fautif. Ces exigences visent à préserver l’équilibre du partage tout en évitant des garanties abusives ou des contestations résultant de la négligence des copartageants eux-mêmes.

1. Une cause antérieure au partage : condition sine qua non de la garantie

L’article 884 du Code civil fonde le principe selon lequel la garantie ne s’étend qu’aux troubles dont l’origine est antérieure au partage. Cela signifie que le copartageant évincé ne peut prétendre à la garantie que si le trouble ou l’éviction découle d’un droit réel préexistant au partage, dont l’existence était ignorée ou sous-estimée au moment de la répartition des lots.

Ce principe a notamment été illustré par l’hypothèse d’une prescription acquisitive ayant débuté avant le partage mais s’achevant après celui-ci. Dans un tel cas, la garantie pourrait, en théorie, être invoquée par le copartageant évincé, car l’éviction résulterait d’une situation juridique initiée avant la répartition des lots. Cette analyse a été avancée par certains auteurs qui considèrent qu’une telle prescription doit être prise en compte dès lors qu’elle constitue une menace latente au moment du partage.

Toutefois, cette position doctrinale n’est pas exempte de nuances. En effet, certains auteurs soulignent que la garantie ne saurait jouer si l’omission d’un acte interruptif de prescription est imputable à la négligence du copartageant évincé. Dans cette hypothèse, l’éviction ne résulte plus d’un trouble préexistant au partage, mais bien d’une absence de diligence postérieure à celui-ci, excluant ainsi le jeu de la garantie.

2. L’exclusion de la garantie en cas de faute du copartageant évincé

Le second principe limitatif de la garantie réside dans l’exclusion de toute prise en charge des évictions causées par la faute du copartageant évincé. L’article 884 du Code civil précise en effet que la garantie cesse dès lors que l’éviction résulte d’une faute du copartageant concerné. Ce principe repose sur une logique de responsabilité individuelle : un copartageant qui, par sa propre imprudence ou inaction, favorise ou ne prévient pas son éviction, ne peut exiger une indemnisation de ses cohéritiers.

La faute du copartageant évincé peut prendre plusieurs formes :

  • La négligence à faire valoir un moyen de défense : un copartageant qui se laisse condamner sans opposer les moyens de droit dont il dispose ne saurait invoquer la garantie.
  • L’omission d’appeler les autres copartageants en garantie : si le copartageant, confronté à une revendication d’un tiers, s’abstient de solliciter l’intervention des autres copartageants dans le cadre du litige, il commet une faute qui exclut son droit à garantie (Cass. req., 24 déc. 1866).

Ainsi, l’application de la garantie suppose non seulement que le trouble soit antérieur au partage, mais également que le copartageant ait agi avec diligence pour préserver ses droits. La jurisprudence veille à ce que la garantie ne devienne pas un instrument de correction de la négligence ou de l’inertie des copartageants.

II) Mise en oeuvre

La garantie des lots ne constitue pas une simple protection théorique des copartageants : elle ouvre la voie à un recours spécifique, permettant au copartageant évincé d’obtenir réparation.

A) Le recours en garantie : modalités d’exercice

Lorsqu’un copartageant est évincé d’un bien qui lui a été attribué lors du partage, il dispose d’un recours en garantie contre les autres copartageants. Ce recours s’articule autour de deux voies procédurales, selon que l’éviction est encore hypothétique ou déjà consommée. Il bénéficie en outre à certaines catégories de tiers, en particulier les ayants cause et les créanciers du copartageant évincé.

1. L’appel en garantie avant l’éviction effective

Si le copartageant concerné fait l’objet d’une revendication judiciaire d’un tiers sur le bien qui lui a été attribué, il a la possibilité d’appeler ses copartageants en garantie dans la procédure principale. Cette démarche vise à prévenir un éventuel préjudice en intégrant d’emblée la question de la garantie dans le cadre du litige existant.

a. Un mécanisme préventif évitant la multiplication des contentieux

L’appel en garantie permet de traiter la question de l’éviction dans le cadre de la procédure engagée par le tiers, ce qui évite au copartageant menacé de devoir ultérieurement introduire une action autonome en réparation. Cette solution présente un double avantage:

  • Elle limite le morcellement des contentieux, en évitant que le copartageant évincé ne doive engager une seconde procédure contre ses co-partageants une fois l’éviction constatée ;
  • Elle assure une meilleure coordination des défenses, en permettant aux copartageants de faire front commun pour contester la revendication du tiers.

b. Un recours limité aux troubles de droit

Cet appel en garantie est toutefois conditionné à l’existence d’un trouble de droit, c’est-à-dire d’une revendication fondée sur un droit réel préexistant au partage.

Ainsi, si l’éviction résulte d’un trouble de fait, sans fondement juridique avéré, la garantie ne pourra être invoquée contre les copartageants.

2. L’action autonome après l’éviction

Lorsque l’éviction est déjà consommée, et que le copartageant a perdu la jouissance du bien litigieux, il lui reste la possibilité d’agir en garantie contre ses co-indivisaires par le biais d’une action autonome.

a. Une action visant à rétablir l’équilibre du partage

L’objectif de cette action en garantie est de rétablir l’égalité entre les copartageants, en compensant la perte subie par l’évincé. Cette compensation peut prendre plusieurs formes :

  • Une indemnisation pécuniaire, à hauteur de la valeur du bien perdu ;
  • L’attribution d’un autre bien, lorsque cela est possible, en compensation du lot évincé.

L’action en garantie trouve ainsi son fondement dans la nature compensatoire du partage, lequel doit préserver l’équilibre entre les copartageants.

b. Une action qui repose sur la garantie des lots

L’action en garantie après éviction repose sur l’obligation de garantie attachée au partage, laquelle s’inspire des mécanismes de garantie des vices cachés en matière contractuelle. Toutefois, elle se distingue du régime de la garantie des vices cachés, dans la mesure où elle ne suppose pas une faute des copartageants : leur responsabilité est objective et découle du simple fait de l’éviction.

3. L’extension du recours aux ayants cause et aux créanciers du copartageant évincé

L’action en garantie n’est pas un droit exclusivement réservé au copartageant directement évincé : elle peut être exercée par d’autres parties ayant un intérêt légitime à la protection du patrimoine partagé.

a. Les ayants cause du copartageant évincé

Les ayants cause du copartageant évincé disposent d’un droit propre à agir en garantie, qu’il s’agisse :

  • D’héritiers, qui poursuivent la revendication initiée par le copartageant défunt ;
  • De cessionnaires, ayant acquis les droits du copartageant évincé et subissant directement le préjudice lié à l’éviction.

Cette transmission du droit à garantie assure la continuité de la protection attachée au partage, en permettant aux ayants cause de faire valoir les droits qui leur reviennent par transmission successorale ou contractuelle.

b. L’action oblique des créanciers du copartageant évincé

Les créanciers du copartageant évincé disposent également d’un mécanisme spécifique leur permettant d’exercer la garantie en lieu et place du copartageant.

Cette faculté repose sur l’action oblique, qui leur permet d’agir en justice pour préserver leurs droits, lorsque le débiteur n’exerce pas lui-même ses droits contre ses co-partageants.

Ce recours présente un intérêt particulier lorsque le copartageant évincé :

  • Est inactif ou refuse d’agir en justice ;
  • Est insolvable, et que ses créanciers souhaitent garantir le recouvrement de leur créance en obtenant une compensation pour le bien perdu.

Grâce à cette action oblique, les créanciers peuvent éviter qu’une inaction du copartageant évincé ne les prive d’un recours utile, garantissant ainsi une meilleure protection de leurs droits.

B) Prescription de l’action en garantie

L’action en garantie des lots, permettant au copartageant évincé d’obtenir une compensation, est soumise à un régime de prescription encadré par le droit civil. Ce régime a connu une évolution majeure avec la réforme du 23 juin 2006, qui a considérablement réduit le délai pour agir en justice.

1. L’ancien régime : une prescription trentenaire

Avant la réforme de 2006, l’action en garantie obéissait au régime général de prescription applicable aux actions réelles et immobilières.

a. Un délai de 30 ans protecteur mais excessif

Conformément aux règles de prescription de droit commun, l’action en garantie pouvait être exercée dans un délai de 30 ans à compter de l’éviction.

Ce délai prolongé avait pour objectif de protéger les copartageants évincés, leur offrant une période étendue pour découvrir un éventuel trouble et agir en conséquence.

b. Une instabilité prolongée des partages

Toutefois, cette prescription trentenaire présentait d’importants inconvénients :

  • Elle permettait de rouvrir des partages anciens, perturbant des situations patrimoniales stabilisées depuis des décennies.
  • Elle entretenait une incertitude juridique persistante, en maintenant le risque de contestation sur une durée excessive.
  • Elle compliquait la preuve des faits, puisque les événements à l’origine de l’éviction pouvaient être très anciens, rendant leur démonstration difficile.

Face à ces inconvénients, le législateur a choisi d’intervenir pour rationaliser le régime de prescription, en réduisant substantiellement le délai accordé aux copartageants évincés.

2. Le nouveau régime : une prescription abrégée à deux ans

La réforme du 23 juin 2006 a introduit une limitation plus stricte du droit d’agir en garantie, en instaurant un délai de prescription de deux ans, fixé par l’article 886 du Code civil.

a. Un délai plus court pour sécuriser les partages

Désormais, le copartageant évincé dispose de deux ans pour exercer son recours en garantie, ce délai courant à compter de l’éviction effective ou de la découverte du trouble.

Ce changement répond à un double objectif :

  • Garantir la stabilité des partages, en évitant qu’ils ne soient remis en cause des décennies après leur réalisation.
  • Limiter les contestations tardives, qui reposaient souvent sur des faits difficilement vérifiables, générant des incertitudes pour les héritiers ou copartageants.

Ce nouveau délai s’aligne ainsi sur la tendance générale du droit des successions et des indivisions, visant à raccourcir les périodes de contestation pour renforcer la prévisibilité des transmissions patrimoniales.

b. Une prise en compte du moment où l’éviction est révélée

Toutefois, la jurisprudence veille à ce que l’application de ce délai ne soit pas trop rigide et qu’elle tienne compte des circonstances propres à chaque situation.

Ainsi, lorsque le trouble ou l’éviction n’était pas immédiatement perceptible au moment du partage, le point de départ du délai est reporté à la date où le copartageant en a eu une connaissance effective.

Cette approche protège les copartageants évincés contre des situations où le trouble ne se manifeste qu’après plusieurs années, notamment dans les cas suivants :

  • Une revendication tardive d’un tiers, révélant un droit réel antérieur au partage mais inconnu lors de l’attribution des lots.
  • Une hypothèque non révélée lors du partage, qui n’est découverte qu’au moment de la saisie du bien.
  • Une prescription acquisitive ayant produit ses effets après le partage, rendant impossible la jouissance du bien attribué.

III) Effets

La garantie des lots repose sur un principe d’égalité entre copartageants, garantissant que nul ne soit lésé par une éviction ou un trouble affectant son lot.

Toutefois, cette garantie ne conduit pas à une remise en cause du partage lui-même, mais ouvre droit à une indemnisation, dont les modalités de répartition et de mise en œuvre obéissent à des règles précises.

A) Une indemnisation et non une remise en cause du partage

2. Un principe de compensation financière

Contrairement à d’autres mécanismes juridiques permettant d’anéantir rétroactivement un acte (comme l’action en nullité), la garantie des lots n’a pas pour effet d’invalider le partage.

L’éviction d’un copartageant ne remet pas en cause l’opération de partage en elle-même, mais génère un droit à réparation. Cette solution s’explique par la nature même du partage, qui n’est pas une cession mais une attribution à titre déclaratif.

Dès lors, la réparation prend exclusivement la forme d’une indemnisation dont le montant est calculé en fonction de la valeur du bien évincé au jour de l’éviction (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).

2. Une évaluation fondée sur la valeur réelle du bien

Le calcul de l’indemnité ne repose pas sur la valeur du bien au jour du partage, mais bien sur sa valeur au moment où l’éviction survient. Cette approche permet d’éviter une indemnisation inéquitable en raison de la dépréciation ou de l’appréciation du bien au fil du temps.

Ainsi, si un immeuble attribué lors du partage subit une éviction plusieurs années plus tard, l’indemnité due au copartageant évincé sera évaluée en fonction du prix du marché immobilier à cette date, et non de sa valeur au moment du partage.

B) Une répartition de l’indemnisation entre les copartageants

1. Une charge collective et proportionnelle

L’indemnisation due au copartageant évincé est répartie entre tous les copartageants, proportionnellement à l’émolument reçu lors du partage (art. 885 C. civ.).

Cette règle repose sur un principe d’équité : tous les copartageants ont bénéficié du partage, il est donc légitime qu’ils contribuent à la réparation.

2. La prise en compte de l’insolvabilité d’un copartageant

Toutefois, lorsque l’un des copartageants est insolvable, sa part d’indemnisation est répartie entre les autres, y compris le copartageant évincé lui-même.

Ce mécanisme, bien que critiquable en ce qu’il impose une charge supplémentaire au copartageant lésé, vise à préserver la solidarité entre copartageants et à éviter une rupture de l’équilibre du partage.

C) Une garantie étendue au fait personnel des copartageants

Outre la garantie traditionnelle, qui couvre les troubles de droit affectant les biens attribués, la jurisprudence a consacré une garantie du fait personnel des copartageants (Cass. com., 8 déc. 1966).

Cette garantie repose sur un principe fondamental : aucun copartageant ne peut, après le partage, adopter un comportement portant atteinte aux droits d’un autre.

Plusieurs situations ont donné lieu à l’application de cette garantie :

  • L’exploitation d’un fonds de commerce concurrent à proximité immédiate de celui attribué à un autre copartageant a été jugée constitutive d’une violation de la garantie du fait personnel (Cass. com., 17 oct. 1984).
  • La remise en cause d’un droit concédé lors du partage, par exemple en contestant la validité d’une servitude attribuée à un autre copartageant, peut également donner lieu à garantie.

Contrairement à la garantie classique, qui repose sur l’article 884 du Code civil, la garantie du fait personnel trouve son fondement dans l’obligation de bonne foi et le respect des engagements (art. 1104 C.civ.).

Ce fondement a des implications importantes :

  • Elle pourrait être considérée d’ordre public, ce qui interdirait aux copartageants de l’exclure contractuellement.
  • Elle repose sur une logique de loyauté entre copartageants, interdisant toute manœuvre destinée à priver un autre copartageant du bénéfice du partage.

Effets du partage: l’effet déclaratif

Le partage constitue l’acte par lequel se dissout l’indivision, opérant la transformation des droits indivis en droits pleinement privatifs. Qu’il intervienne dans le cadre d’une succession, d’une communauté conjugale dissoute, d’une société civile ou d’une simple indivision conventionnelle, le partage poursuit invariablement le même objectif: substituer à la propriété collective et indéterminée des indivisaires une répartition claire et définitive des biens ou des droits entre les co-indivisaires.

À première vue, ses effets paraissent simples : le droit indivis de chaque co-indivisaire se cristallise sur les biens ou droits qui lui sont attribués, lesquels deviennent alors sa propriété exclusive. Cette apparente simplicité dissimule toutefois des subtilités juridiques considérables lorsque l’on s’interroge sur la nature véritable de cette attribution. De qui le copartageant tient-il sa propriété exclusive ? De l’ensemble des co-indivisaires, par l’effet d’un transfert de droits, ou bien détenait-il déjà, de manière latente, la propriété des biens qui lui sont attribués, le partage ne faisant que révéler cet état de fait ?

C’est à cette question que répond le principe de l’effet déclaratif du partage, énoncé par l’article 883 du Code civil. Ce texte dispose que chaque copartageant est censé avoir été, dès l’origine de l’indivision, seul propriétaire des biens ou droits compris dans son lot. Ainsi, le partage n’est pas conçu comme un acte translatif créant des droits nouveaux, mais comme un acte déclaratif qui révèle la part individuelle de chaque co-indivisaire. Cette règle, qui confère au partage une portée rétroactive jusqu’au jour de la naissance de l’indivision, a pour vocation de consolider la sécurité juridique des transactions et de simplifier les régimes fiscaux applicables, en excluant notamment l’application des droits de mutation.

Toutefois, cette conception déclarative du partage n’est pas universellement admise. Si le droit français a opté pour cette voie depuis l’abandon de la conception translative issue du droit romain, certains systèmes juridiques étrangers, tels que le Code civil allemand (§ 2032 BGB) ou le Code civil suisse (art. 648 et 653), continuent d’y voir un acte translatif, tout en aménageant des règles spécifiques pour préserver l’équité entre les copartageants.

Cette exigence d’équité constitue le second effet du partage : la garantie des lots. Afin d’assurer une répartition équilibrée des biens et de protéger chaque copartageant contre les risques d’éviction ou les vices cachés affectant son lot, le droit impose aux co-indivisaires une obligation de garantie. Ce mécanisme, qui s’inspire du régime de la garantie dans les contrats synallagmatiques, s’applique indépendamment de la nature des biens partagés ou de la forme de l’indivision. Ainsi, si un co-indivisaire venait à être évincé d’un bien attribué lors du partage, les autres copartageants seraient tenus de réparer le préjudice subi, préservant ainsi l’équité inhérente à l’opération.

Nous nous focaliserons ici sur le seul effet déclaratif du partage.

I) Le principe de l’effet déclaratif

Le partage constitue l’acte par lequel s’opère la liquidation de l’indivision et l’attribution définitive des biens aux copartageants. Au-delà de cette simple répartition, il produit un effet juridique majeur: l’effet déclaratif, prévu par l’article 883 du Code civil. Ce principe implique que chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’ouverture de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués, effaçant rétroactivement la période d’indivision. Toutefois, pour éviter que cette rétroactivité n’entraîne des conséquences excessives, notamment au détriment des tiers de bonne foi ou de la stabilité des transactions, le législateur et la jurisprudence ont assorti ce principe de limites.

A) Les différentes conception du partage

1. La théorie de la fiction légale

La première interprétation, longtemps dominante, postule que l’effet déclaratif est une fiction légale, instaurée pour aplanir les inégalités qu’un partage strictement translatif pourrait engendrer. Le partage, dans cette perspective, est considéré comme un acte translatif de droits entre coindivisaires, où l’effet déclaratif ne serait qu’un habillage légal destiné à neutraliser certaines conséquences indésirables.

Cette approche puise ses racines dans le droit romain, où le partage était vu comme un acte translatif de propriété. Chaque indivisaire y était considéré comme titulaire d’une quote-part indivise sur chacun des biens composant l’actif indivis. Le partage s’analysait alors comme un véritable échange entre coindivisaires : chacun cédait ses droits indivis sur les biens qu’il n’obtenait pas en contrepartie de la pleine propriété des biens qui lui étaient attribués. Autrement dit, pour devenir propriétaire exclusif de certains biens, chaque indivisaire devait céder à ses coindivisaires ses droits sur les autres biens.

Cette conception du partage implique que chaque coindivisaire devient l’ayant-cause non seulement du de cujus (dans le cadre d’une succession) mais également de ses coindivisaires. Ce double lien engendre des conséquences juridiques et fiscales importantes.

Cette approche, toujours retenue par certains droits étrangers comme le droit allemand (BGB, § 2032 s.) et le droit suisse (Code civil suisse, art. 634), a toutefois été progressivement abandonnée en droit français en raison de ses nombreuses implications négatives.

La conception translative du partage engendre plusieurs difficultés majeures, tant sur le plan fiscal que sur le plan civil :

  • La soumission aux droits de mutation
    • En considérant que le partage réalise un transfert de propriété entre coindivisaires, cette analyse implique, en principe, l’application des droits de mutation à titre onéreux.
    • Or, ces droits fiscaux, souvent conséquents, viennent alourdir le coût du partage et peuvent dissuader les indivisaires de procéder à la liquidation de l’indivision.
  • Le maintien des charges grevant les biens attribués
    • Dans la logique translative, les actes accomplis par un coindivisaire pendant la période d’indivision – tels que les hypothèques ou les cessions de parts – continuent de produire effet après le partage, même si le bien en question est finalement attribué à un autre coindivisaire.
    • Ainsi, un copartageant peut se voir attribuer un bien grevé par une hypothèque consentie par un autre indivisaire, sans avoir été l’auteur de cet acte.
    • Certes, le copartageant lésé dispose d’un recours contre le coindivisaire ayant constitué l’hypothèque, mais ce recours est souvent illusoire, notamment en cas d’insolvabilité du débiteur.
    • Cela compromet l’équilibre et l’équité du partage.
  • Le risque d’inégalité entre copartageants
    • La conséquence directe de ces charges maintenues est l’introduction d’inégalités entre copartageants.
    • Un indivisaire peut hériter d’un bien lourdement grevé tandis qu’un autre reçoit un bien libre de toute charge, sans qu’aucun correctif ne soit automatiquement appliqué pour rétablir l’équité du partage.
  • L’absence de rétroactivité
    • Enfin, la conception translative ne reconnaît pas d’effet rétroactif au partage : la fin de l’indivision n’efface pas les actes accomplis pendant cette période.
    • Les charges et engagements contractés par les indivisaires restent donc pleinement opposables, ce qui aggrave encore les déséquilibres et expose les copartageants à des risques juridiques et financiers.

Certains systèmes juridiques étrangers, tout en conservant la nature translative du partage, ont introduit des mécanismes destinés à en atténuer les effets les plus préjudiciables :

En Allemagne, le Code civil (BGB, § 2040) exige l’accord unanime de tous les indivisaires pour la constitution de droits réels sur les biens indivis. Cette règle vise à éviter que des actes unilatéraux réalisés par un seul indivisaire affectent les biens communs.

En Suisse, les articles 648 et 653 du Code civil imposent des restrictions similaires, interdisant notamment les aliénations et les hypothèques sans le consentement de tous les indivisaires. Ces garanties renforcent la sécurité juridique des copartageants et limitent les risques liés aux actes translatifs.

Face aux inconvénients majeurs de la conception translative, il a progressivement été opéré un revirement jurisprudentiel et doctrinal en droit français. Dès le XVI? siècle, la jurisprudence des parlements français a amorcé ce changement en posant le principe selon lequel les biens attribués lors du partage devaient revenir aux copartageants « francs et quittes de toutes charges consenties par les autres héritiers ». Cette solution visait à préserver l’équité du partage et à éviter que les indivisaires n’héritent de dettes qu’ils n’avaient pas contractées.

Le Code civil de 1804 a consolidé cette évolution en consacrant, à l’article 883, alinéa 1??, le principe de l’effet déclaratif :

« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Par cette disposition, le législateur français a pris le contrepied de la conception translative. Le partage n’est plus conçu comme un échange de droits entre coindivisaires, mais comme une opération révélant rétroactivement la propriété exclusive des biens attribués à chaque copartageant.

Cependant, certains auteurs ont vu dans cette consécration du principe de l’effet déclaratif une simple fiction légale, destinée à masquer la nature fondamentalement translative du partage. Selon cette lecture, l’article 883 du Code civil ne ferait qu’instaurer une présomption irréfragable : en affirmant que chaque cohéritier est «censé avoir succédé seul et immédiatement», le texte instituerait une pure fiction, visant à simplifier les opérations de partage et à contourner les conséquences indésirables du transfert de propriété.

Pour ces auteurs, le législateur aurait ainsi choisi de recourir à un artifice technique pour écarter les droits de mutation, neutraliser les charges grevant les biens et garantir l’équité entre copartageants, sans pour autant remettre en cause la nature translatrice du partage. Ce choix, bien que pragmatique, entretiendrait une forme d’ambiguïté juridique.

La théorie de la fiction légale n’a pas échappé aux critiques. De nombreux auteurs ont souligné les incohérences qu’elle engendre et les incertitudes juridiques qui en résultent :

  • Incohérences fiscales : la fiction légale rend difficile la détermination des règles fiscales applicables, notamment en matière de droits de mutation ou de plus-values.
  • Insécurité patrimoniale : les praticiens se trouvent confrontés à des difficultés dans l’interprétation des actes accomplis pendant l’indivision, notamment concernant les hypothèques et autres sûretés.
  • Complexité procédurale : la coexistence de la fiction légale et des réalités patrimoniales alourdit les procédures et multiplie les situations litigieuses.

Ces critiques ont conduit la doctrine et la jurisprudence à favoriser progressivement une conception réaliste de l’effet déclaratif, selon laquelle le partage ne constitue pas une fiction, mais l’expression naturelle de la structure du droit indivis. Cette approche, aujourd’hui largement majoritaire, considère que le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais se contente de révéler ceux qui existaient depuis l’origine.

2. La conception réaliste

En réaction aux limites et aux incohérences révélées par la théorie de la fiction légale, la doctrine contemporaine a progressivement fait émerger une conception plus cohérente et fidèle à la nature du partage : la conception réaliste de l’effet déclaratif. Cette approche, aujourd’hui largement consacrée par la jurisprudence française, rejette l’idée que l’effet déclaratif soit un simple artifice juridique destiné à corriger les défauts d’un partage translatif. Elle y voit, au contraire, l’expression directe et naturelle de la structure juridique du partage. Dans cette optique, le partage ne réalise aucun transfert de propriété entre les indivisaires, mais se borne à révéler et à individualiser les droits préexistants de chacun.

La conception réaliste repose sur l’idée fondamentale que les indivisaires ne détiennent pas des droits concrets et distincts sur chaque bien de la masse indivise, mais un droit global et abstrait sur l’ensemble de l’indivision. Tant que le partage n’a pas été réalisé, ce droit indivis est flottant : il s’exerce sur la masse indivise dans sa globalité, sans se fixer sur des biens particuliers.

Le partage intervient alors comme un acte déclaratif et non translatif : il n’opère aucun transfert de propriété entre les coindivisaires, mais délimite l’assiette matérielle des droits de chacun. Dès lors, chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’origine de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui composent son lot. Il s’agit d’une révélation des droits existants et non d’une création ou d’une mutation juridique.

Cette lecture trouve son fondement doctrinal dans les écrits de Planiol et Ripert qui qualifient le partage d’« acte déclaratif par nature ». De même, F. Terré et Y. Lequette soulignent que « le partage cristallise les droits des coindivisaires sans en modifier la substance ». Ces auteurs insistent sur le fait que le partage n’est ni un contrat d’échange ni un acte translatif, mais bien un mécanisme révélateur des droits originels.

L’adoption de cette analyse réaliste de l’effet déclaratif emporte des conséquences notamment en matière patrimoniale, fiscale et procédurale.

  • Première conséquence
    • L’une des premières conséquences de cette conception est l’exclusion des droits de mutation à titre onéreux.
    • Puisque le partage ne procède pas à un transfert de propriété mais se borne à révéler les droits préexistants des indivisaires, il échappe aux règles fiscales applicables aux cessions de biens.
    • Le législateur a consacré ce principe à l’article 883 du Code civil, limitant les charges fiscales à des frais de partage, généralement moins lourds que les droits de mutation.
  • Deuxième conséquence
    • L’autre implication majeure réside dans la protection des copartageants contre les actes réalisés par leurs coindivisaires pendant l’indivision.
    • Dans la conception réaliste, si un indivisaire constitue une hypothèque sur un bien indivis et que ce bien est finalement attribué à un autre copartageant lors du partage, l’hypothèque est automatiquement anéantie.
    • Le coindivisaire qui a grevé le bien n’était pas, en réalité, propriétaire du bien attribué à autrui, et l’acte est donc considéré comme accompli a non domino.
    • À l’inverse, si le bien est attribué à celui qui avait constitué l’hypothèque, celle-ci est consolidée rétroactivement.
    • Ce mécanisme permet de garantir l’équité du partage et protège chaque copartageant contre les conséquences des actes unilatéraux réalisés par d’autres indivisaires pendant la période d’indivision.
  • Troisième conséquence
    • La conception réaliste est intimement liée au principe de rétroactivité du partage.
    • En révélant les droits préexistants de chaque copartageant, le partage opère rétroactivement ses effets à la date d’ouverture de l’indivision.
    • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.
    • Toutefois, cette rétroactivité connaît certaines limites, destinées à préserver la sécurité juridique et les droits des tiers.
    • L’article 883, alinéa 3, du Code civil précise ainsi que « les actes valablement accomplis, soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
    • Ce tempérament permet d’éviter que des tiers contractants de bonne foi soient lésés par les conséquences du partage.

B) La conception retenue en droit français

Après avoir oscillé entre les différentes théories, le droit français a finalement consacré la conception réaliste du partage. Loin de n’être qu’un simple compromis théorique, cette approche repose sur une articulation subtile entre deux notions connexes mais juridiquement distinctes : d’une part, le caractère déclaratif du partage, qui révèle les droits préexistants des indivisaires sans opérer de transfert de propriété ; d’autre part, sa rétroactivité, qui fait remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision.

Si le partage est reconnu comme un acte purement déclaratif, révélant les droits préexistants de chaque indivisaire, la rétroactivité, quant à elle, constitue une modalité d’application qui, bien que prévue par la loi, est sujette à des tempéraments destinés à protéger les tiers et assurer la sécurité juridique.

1. Distinction entre le caractère déclaratif et la rétroactivité

Pour mémoire; l’article 883 du Code civil prévoit que « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Ce texte consacre la logique selon laquelle le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais révèle les droits qui existaient depuis l’origine. Le copartageant est donc réputé avoir été, dès le jour de l’ouverture de l’indivision, propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.

Toutefois, cet effet déclaratif s’accompagne d’une rétroactivité : les effets du partage sont réputés remonter au jour de l’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire durant laquelle les biens étaient indivis. Cette rétroactivité permet de neutraliser les actes accomplis pendant l’indivision qui seraient contraires aux droits définitifs des copartageants.

Cependant, il est essentiel de bien distinguer deux notions fondamentales qui structurent le régime du partage :

  • Le caractère déclaratif du partage : il s’agit d’un acte qui se borne à révéler et préciser les droits préexistants des coindivisaires sans opérer de transfert de propriété. Le partage n’a donc pas de vocation translative : il détermine simplement l’assiette concrète des droits de chacun.
  • La rétroactivité du partage : il s’agit d’une modalité d’application du caractère déclaratif. La rétroactivité permet de faire remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire et considérant que chaque copartageant a toujours été titulaire exclusif des biens finalement attribués dans son lot.

Cette distinction est loin d’être purement théorique. La doctrine a souligné que la rétroactivité, si elle était appliquée de manière absolue, pourrait engendrer des risques d’insécurité juridique, notamment en remettant en cause des droits acquis ou en affectant les intérêts des tiers de bonne foi.

Certains auteurs, à l’instar de P. Hébraud ont plaidé pour une limitation de cette rétroactivité dans les situations où elle pourrait compromettre la stabilité juridique, notamment lorsqu’elle remet en cause des actes accomplis en toute légalité pendant la période d’indivision.

2. Tempéraments à la rétroactivité

Conscient des conséquences potentiellement excessives d’une rétroactivité absolue, le législateur français a introduit des mécanismes destinés à équilibrer la protection des coindivisaires et celle des tiers.

==>Les aménagements prévus par la loi

L’article 883, alinéa 3, du Code civil apporte un premier tempérament important :

« Les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet. »

Cette disposition permet de sécuriser les actes nécessaires à la gestion de l’indivision.

Par exemple :

  • Si un bien indivis est vendu par un mandataire commun, l’acte de vente conserve sa pleine validité, quel que soit le lot attribué lors du partage.
  • De même, si un juge autorise la constitution d’une hypothèque sur un bien indivis pour financer des travaux urgents, cette hypothèque subsistera même si le bien est finalement attribué à un indivisaire différent de celui qui a sollicité l’autorisation.

Ce mécanisme garantit ainsi la continuité des droits des tiers qui auraient contracté avec l’indivision, tout en évitant qu’un partage ultérieur ne vienne remettre en cause des actes accomplis en toute légalité.

==>La protection des tiers de bonne foi

La jurisprudence a, elle aussi, contribué à affiner l’application de l’effet déclaratif et de sa rétroactivité. Les juges ont systématiquement cherché à préserver la sécurité juridique, en protégeant les tiers de bonne foi contre les effets destructeurs d’une rétroactivité pure et dure.

Ainsi, il a été reconnu que certains actes accomplis par des coindivisaires pendant l’indivision — même en l’absence de mandat ou d’autorisation judiciaire — pouvaient produire leurs effets si :

  • Le tiers contractant était de bonne foi, et
  • L’acte était conforme aux règles d’administration des biens indivis.

Par exemple, si un indivisaire cède temporairement l’usage d’un bien indivis à un tiers et que ce bien est ensuite attribué à un autre copartageant lors du partage, le contrat pourra subsister jusqu’à son terme si le tiers ignorait la situation d’indivision et agissait de bonne foi.

==>Les aménagements conventionnels

Enfin, le droit français permet aux coindivisaires, dans le cadre d’un partage amiable, d’introduire des clauses dérogatoires au principe de la rétroactivité. Les indivisaires peuvent ainsi convenir que certains actes passés continueront à produire leurs effets ou que la rétroactivité sera limitée pour des raisons de commodité ou de stratégie patrimoniale.

Cette faculté permet de renforcer la sécurité juridique des opérations patrimoniales et d’adapter le régime du partage aux besoins spécifiques des indivisaires.

II) Le domaine de l’effet déclaratif

L’effet déclaratif du partage, posé par l’article 883 du Code civil, repose sur une fiction juridique selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, tout en n’ayant jamais eu de droits sur ceux échus à ses coindivisaires. Ce principe, qui exclut toute idée de transmission de droits entre indivisaires, vise à garantir l’égalité entre les copartageants et à préserver la sécurité juridique des actes accomplis sur les biens indivis avant leur attribution définitive.

Si l’effet déclaratif s’applique traditionnellement au partage successoral, il ne se limite pas à cette hypothèse. Il régit également les partages de communauté conjugale, les partages d’indivision conventionnelle ou encore la liquidation des sociétés dans les cas où les associés se partagent les biens sociaux. Toutefois, son domaine d’application est encadré : il convient d’en préciser les limites, tant au regard des actes concernés que des biens susceptibles d’être soumis à ce régime, ainsi que les tempéraments qu’il connaît, notamment pour la protection des tiers.

A) Domaine quant aux actes

1. Le partage proprement dit

a. L’indifférence de la nature du partage

L’effet déclaratif du partage concerne tout partage successoral, qu’il soit amiable ou judiciaire, global ou partiel. Cette application découle directement de l’insertion de l’article 883 au sein du titre des successions du Code civil, affirmant ainsi son champ d’application privilégié aux partages successoraux.

Cependant, ce principe ne se limite pas aux successions et s’étend aux partages de communauté en vertu du renvoi opéré par l’article 1476 du Code civil. Cette disposition aligne expressément les règles du partage de communauté sur celles du partage successoral, permettant ainsi d’appliquer sans difficulté l’effet déclaratif (V. Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n° 99-10.515).

Le partage des biens indivis entre époux séparés de biens bénéficie également de cette extension législative. Bien que la jurisprudence ait initialement refusé d’appliquer les règles du partage successoral aux partages opérés après séparation de biens (Cass. civ., 9 mars 1965), la loi du 11 juillet 1975 a unifié le régime du partage des biens indivis entre époux séparés de biens avec celui des successions (art. 1542 C. civ.). Il en résulte que ces partages bénéficient pleinement de l’effet déclaratif, ce que la jurisprudence a confirmé par la suite (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.011).

L’effet déclaratif s’applique également au partage de l’actif social, dès lors que la liquidation de la société est engagée. En effet, l’article 1844-9, alinéa 2, du Code civil prévoit l’application des règles du partage successoral aux partages de sociétés. Toutefois, cette assimilation n’est possible qu’à condition qu’il s’agisse bien d’un véritable partage et non d’une réduction de capital par répartition de biens sociaux (Cass. com., 23 sept. 2008, n°07-12.493).

Enfin, l’application de l’article 883 du Code civil ne se limite pas aux partages successoraux ou conjugaux et concerne toute indivision, qu’il s’agisse d’un partage d’un bien indivis acquis par plusieurs personnes (Cass. req., 28 avr. 1840) ou d’un partage d’un ensemble patrimonial constituant une universalité (Cass. 1re civ., 24 mars 1981).

b. L’indifférence des modalités du partage

Le principe de l’effet déclaratif du partage s’attache à tout partage définitif, qu’il soit total ou partiel (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146). En d’autres termes, ce qui importe n’est pas l’étendue du partage mais le fait qu’il mette un terme à l’indivision, en fixant définitivement les droits privatifs des copartageants sur les biens répartis. Dès lors, les modalités d’attribution des lots sont indifférentes : l’effet déclaratif ne varie ni en fonction du mécanisme d’allotissement, ni selon la nature de la répartition opérée.

Aussi, le partage peut s’effectuer selon plusieurs procédés, sans que cela n’altère son effet déclaratif :

  • Le tirage au sort, qui constitue une méthode ordinaire d’attribution des lots lorsque les copartageants n’ont pas convenu d’une répartition amiable. Il a été jugé que le fait d’attribuer les biens selon un tirage au sort n’ôtait en rien au partage son caractère déclaratif (Cass. soc., 3 oct. 1958).
  • L’attribution préférentielle, qui permet à un indivisaire d’obtenir un bien particulier en raison d’un intérêt spécifique (par exemple, l’attribution du logement familial au conjoint survivant). La jurisprudence a confirmé que l’effet déclaratif s’applique également à ces attributions spécifiques, lesquelles sont réputées exister depuis l’origine de l’indivision (CA Paris, 10 févr. 1977).
  • Le droit de retour légal, qui permet à certains héritiers de récupérer des biens précédemment donnés par le défunt. L’effet déclaratif du partage s’étend également à ce mécanisme, de sorte que l’héritier bénéficiaire du droit de retour est censé n’avoir jamais perdu la propriété du bien en cause (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

La question se pose avec acuité lorsqu’un partage est accompagné du versement d’une soulte, c’est-à-dire lorsqu’un copartageant reçoit un lot d’une valeur supérieure à sa part théorique et doit indemniser les autres en conséquence. L’on aurait pu estimer que la soulte confère au partage un caractère translatif, en ce que le copartageant bénéficiant d’un lot excédentaire en nature l’acquerrait en contrepartie d’une compensation financière versée aux autres. Toutefois, la jurisprudence a adopté une approche radicalement opposée.

En effet, les lots et les soultes sont considérés comme issus de la masse indivise et non des copartageants entre eux. Ainsi, même lorsqu’un indivisaire perçoit une soulte, il n’est pas juridiquement en situation d’acquérir une part supplémentaire à ses coindivisaires ; il se voit simplement allouer un lot dont il est réputé propriétaire depuis l’origine, la soulte n’étant qu’un ajustement financier (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

Ce raisonnement est fondamental en pratique, car il empêche toute remise en cause rétroactive des droits sur les biens attribués. Par exemple, un bien immobilier inclus dans un lot assorti d’une soulte est censé avoir toujours appartenu à l’indivisaire attributaire, et ce, depuis l’ouverture de la succession ou de l’indivision initiale. Il en résulte notamment :

  • L’absence de taxation comme une mutation : en droit fiscal, les partages avec soulte échappent au régime des mutations à titre onéreux lorsqu’ils s’inscrivent dans une indivision successorale ou conjugale (CGI, art. 748).
  • L’inopposabilité des créanciers des coindivisaires : puisqu’il n’y a pas eu transmission entre les indivisaires, un créancier hypothécaire ne saurait revendiquer un droit de gage sur le bien attribué à un copartageant, même si celui-ci avait des dettes avant le partage.
  • L’imputation des garanties et des servitudes : en raison de l’effet rétroactif du partage, les droits réels grevant un bien suivent l’attributaire de manière continue, comme si celui-ci en avait toujours été propriétaire.

c. L’exclusion du partage provisionnel

Le partage provisionnel se distingue du partage définitif en ce qu’il ne met pas fin à l’indivision, mais organise temporairement la jouissance des biens indivis. Par conséquent, il ne peut bénéficier de l’effet déclaratif qui s’attache aux partages définitifs. Cette exclusion découle de la nature même du partage provisionnel, lequel se borne à répartir l’usage des biens sans en modifier la répartition patrimoniale.

A cet égard, l’effet déclaratif du partage repose sur l’idée que chaque indivisaire est censé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Or, cette logique est incompatible avec le partage provisionnel, qui ne détermine pas définitivement l’attribution des biens, mais se limite à aménager leur utilisation pendant la durée de l’indivision.

Ainsi :

  • Le partage provisionnel ne transfère aucun droit privatif définitif : il ne fait que répartir l’occupation ou l’exploitation des biens entre les indivisaires, sans leur attribuer une propriété exclusive.
  • Les attributions restent réversibles : contrairement au partage définitif, où chaque indivisaire devient rétroactivement propriétaire de son lot, le partage provisionnel n’a pas vocation à cristalliser des droits patrimoniaux définitifs.
  • L’indivision persiste intégralement : aucun des biens ne cesse d’être indivis, ce qui empêche la fixation des droits privatifs exigée pour l’effet déclaratif (Cass. civ., 28 juill. 1947).

Dès lors, appliquer l’effet déclaratif à un partage provisionnel reviendrait à définitivement établir des droits sur un bien alors que le partage lui-même reste réversible, ce qui serait contraire à l’économie du régime de l’indivision.

Aussi, la jurisprudence a toujours refusé d’appliquer l’effet déclaratif au partage provisionnel. La Cour de cassation l’a notamment affirmé en jugeant que le partage provisionnel ne constitue qu’une organisation temporaire de l’indivision, sans incidence sur la propriété des biens (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975). La doctrine est également unanime : un partage n’a d’effet déclaratif que s’il met fin à l’indivision et opère une répartition irrévocable des biens.

A titre d’illustration, les conventions d’indivision temporaire conclues entre les indivisaires, qui visent à organiser l’exploitation des biens pour une durée déterminée, n’entraînent aucune modification des droits de propriété des parties. Ces conventions permettent uniquement de fixer les modalités d’usage des biens, sans véritablement réaliser l’attribution de droits réels.

À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 octobre 2004 (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968) illustre parfaitement la distinction entre un véritable partage et un simple aménagement conventionnel. En l’espèce, il s’agissait d’une cession de droits indivis sur un fonds de commerce, incluant un droit au bail, opérée entre deux coïndivisaires preneurs. Les bailleurs prétendaient que cette cession constituait une mutation soumise aux formalités prévues par le contrat de bail, à savoir l’exigence d’un accord exprès du bailleur.

Or, la Cour de cassation a rejeté cet argument, en affirmant que tout acte mettant fin à une indivision est un partage. En l’espèce, la cession de droits indivis réalisée entre coïndivisaires ne constituait pas une mutation ordinaire mais bien un partage, bénéficiant de l’effet déclaratif prévu par l’article 883 du Code civil. Par conséquent, le copartageant attributaire des droits cédés était censé en être propriétaire depuis l’origine de l’indivision, et les formalités de cession exigées par le contrat de bail n’étaient pas applicables.

Cet arrêt vient ainsi rappeler que l’effet déclaratif ne peut être reconnu qu’aux actes mettant un terme définitif à l’indivision. En revanche, les conventions d’indivision temporaire, qui organisent simplement l’usage des biens indivis, restent en dehors de ce régime. Elles ne modifient en rien les droits des indivisaires et ne peuvent être assimilées à un partage, qu’il soit amiable ou judiciaire.

L’exclusion de l’effet déclaratif a également des conséquences en matière fiscale. Contrairement à un partage définitif, qui entraîne une individualisation des droits et peut générer des conséquences fiscales spécifiques (droits de partage, taxation des soultes, etc.), le partage provisionnel est neutre fiscalement. Puisqu’il ne modifie pas les droits de propriété, il n’est pas assimilé à une mutation et ne déclenche donc pas d’imposition comme le ferait un partage définitif (V. CGI, art. 747 et 748, sur la taxation des partages définitifs).

Un autre corollaire de l’exclusion de l’effet déclaratif concerne les sûretés. Lorsqu’un indivisaire obtient un bien dans le cadre d’un partage définitif, les droits réels attachés au bien sont maintenus et les hypothèques, par exemple, suivent l’attributaire du bien. En revanche, dans un partage provisionnel, les créanciers ne peuvent se prévaloir d’une fixation définitive des droits de chaque indivisaire, ce qui leur interdit de revendiquer une hypothèque sur un bien qui aurait été temporairement attribué à un indivisaire.

De même, un indivisaire ne peut constituer une sûreté sur un bien qu’il détient à titre provisoire dans le cadre d’un partage provisionnel, puisque son droit d’usage n’implique pas un droit patrimonial définitif.

2. La licitation

L’opération de licitation, consistant à mettre aux enchères un bien indivis, constitue un mode de sortie de l’indivision dont les effets varient selon la qualité de l’adjudicataire. Lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation produit un effet déclaratif, assimilable à une attribution classique dans un partage. En revanche, lorsque l’adjudication intervient au profit d’un tiers étranger à l’indivision, l’effet est translatisif, et l’opération est juridiquement assimilée à une vente.

a. La licitation au profit d’un indivisaire

L’article 883, alinéa 1er, du Code civil énoncé expressément le principe selon lequel un bien indivis adjugé à un coïndivisaire est réputé lui avoir toujours appartenu. La licitation au profit d’un indivisaire n’est donc pas une vente ordinaire : elle s’apparente à un partage et produit, à ce titre, un effet déclaratif.

Autrement dit, l’indivisaire adjudicataire est censé avoir toujours détenu le bien à titre exclusif, tandis que les autres indivisaires sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur celui-ci, mais seulement sur la somme qui leur revient en contrepartie (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146).

L’effet déclaratif attaché à la licitation s’impose indépendamment des circonstances entourant son déroulement.

Ainsi :

  • Peu importe que l’adjudication soit amiable ou judiciaire : la licitation peut résulter d’un accord entre indivisaires ou être imposée par justice à la demande d’un créancier ou d’un indivisaire souhaitant sortir de l’indivision (Cass. req., 22 févr. 1881).
  • Peu importe que les enchères soient libres ou encadrées : l’effet déclaratif demeure inchangé, la licitation n’étant qu’un moyen d’évaluer la valeur du bien attribué au copartageant adjudicataire.
  • Peu importe la situation de l’adjudicataire : qu’il soit héritier pur et simple ou acceptant à concurrence de l’actif net, la licitation produit le même effet déclaratif (Cass. civ., 12 août 1839).

L’effet déclaratif trouve sa justification dans la nature même de la licitation au profit d’un indivisaire. En attribuant le bien licité à l’adjudicataire, l’opération produit un résultat identique à celui d’un partage ordinaire : elle met fin à l’indivision sur le bien concerné et attribue à chaque indivisaire une contrepartie équivalente à ses droits. Dès lors, la licitation, quelle qu’en soit la modalité, est traitée comme un partage avec soulte (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830).

Dans ce schéma, l’indivisaire adjudicataire conserve les droits réels qu’il a pu constituer sur le bien licité avant l’opération. En revanche, les droits réels constitués par les autres indivisaires, désormais privés de tout droit sur le bien, sont réputés n’avoir jamais existé. C

L’assimilation à un partage de la licitation opérée au profit d’un copartageant n’est pas sans incidences en matière de sûretés :

  • Les droits réels constitués sur l’immeuble par l’adjudicataire demeurent valables, puisqu’il est censé en avoir toujours été propriétaire (Cass. 1re civ., 26 avr. 1955).
  • En revanche, ceux établis par les indivisaires ayant reçu le prix de licitation tombent rétroactivement, car ils sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur le bien.

Un cas particulier mérite d’être envisagé : celui de la licitation assortie d’une clause d’attribution. Cette clause, fréquemment insérée dans les cahiers des charges des ventes judiciaires, prévoit que si l’adjudicataire est un coïndivisaire, il ne sera pas immédiatement déclaré propriétaire du bien, mais celui-ci lui sera attribué lors du partage définitif.

À la différence d’une licitation ordinaire, cette stipulation empêche l’effet déclaratif de se produire immédiatement. Le bien demeure indivis jusqu’au partage, et l’adjudicataire ne peut ni en disposer librement, ni s’opposer à l’exercice des droits des autres indivisaires sur celui-ci (Cass. 1re civ., 4 mai 1983, n° 82-11.928). En conséquence, toute cession réalisée par l’adjudicataire avant le partage est inopposable aux autres indivisaires, qui conservent leur droit de regard sur le bien.

Ce mécanisme a également des implications en matière de lésion. Contrairement à un partage ordinaire, qui ouvre droit à une action en complément de part, une licitation avec clause d’attribution ne peut être contestée pour cause de lésion qu’au moment du partage définitif (Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n°94-21.387).

Toutefois, l’effet déclaratif redevient pleinement opérant dès lors que la clause est exécutée, c’est-à-dire lorsque l’attributaire du bien règle le prix aux autres indivisaires et entre en possession du bien. Dans ce cas, l’opération est assimilée à un partage partiel, et l’adjudicataire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif du bien (Cass. 1re civ., 21 févr. 1989, n° 87-16.287).

Enfin, le prix versé par l’adjudicataire aux autres indivisaires n’est pas une simple contrepartie financière : il prend la nature d’une soulte. Dès lors, il est soumis aux règles applicables aux créances issues d’un partage, notamment en matière de revalorisation (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830). Si le paiement du prix est différé, la somme due aux coïndivisaires subit les ajustements prévus par l’article 828 du Code civil.

En outre, cette créance ne peut être assimilée à un bien indivis, de sorte que les sûretés prises sur l’immeuble par les coïndivisaires non adjudicataires tombent, tandis que celles constituées par l’adjudicataire sont maintenues. Cette solution découle de la nature même de l’effet déclaratif, qui opère une reconstitution rétroactive des droits de propriété (Cass. civ., 26 avr. 1955).

b. La licitation au profit d’un tiers

Lorsqu’un bien indivis est adjugé à un tiers étranger à l’indivision, la licitation perd son effet déclaratif et revêt la nature d’une vente classique. Contrairement à la licitation au profit d’un indivisaire, qui s’analyse comme un partage partiel avec rétroactivité, la licitation à un tiers opère un transfert de propriété entre les indivisaires et l’adjudicataire, conformément aux règles ordinaires de la vente (Cass. civ., 14 mars 1950).

Ce changement de qualification emporte des conséquences majeures sur les droits et obligations des parties, notamment en matière de garanties, d’enregistrement et d’opposabilité aux tiers.

En premier lieu, l’adjudication réalisée au profit d’un tiers entraîne un transfert immédiat de propriété. Dès l’adjudication, le bien quitte le patrimoine indivis pour entrer dans celui de l’acquéreur. Ce transfert doit être publié au service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers, conformément aux règles applicables aux mutations immobilières (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28 et 30).

En conséquence :

  • L’adjudicataire acquiert le bien directement des coïndivisaires, et non par transmission successorale (Cass. civ., 7 juin 1899).
  • L’acte doit être publié pour être opposable aux tiers et garantir l’efficacité du transfert (Cass. civ., 14 mars 1950).
  • Les droits des créanciers inscrits sur le bien sont maintenus, mais peuvent faire l’objet d’une purge par l’adjudicataire (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Dès lors que la licitation a un effet translatif, elle échappe à la rétroactivité attachée au partage. L’adjudicataire est un acquéreur ordinaire, qui achète un bien aux indivisaires sans bénéficier des prérogatives d’un héritier (Cass. civ., 14 mars 1950). À ce titre, il peut purger les hypothèques inscrites sur le bien, sans avoir à se soucier de leur éventuelle disparition par effet déclaratif (Cass. civ., 2 juill. 1925).

En deuxième lieu, dans le cadre d’une licitation à un tiers, les indivisaires sont tenus aux obligations ordinaires des vendeurs. À ce titre, ils doivent garantir à l’adjudicataire :

  • La garantie d’éviction et des vices cachés (Cass. soc., 19 févr. 1959). L’acquéreur doit être protégé contre toute revendication ultérieure portant atteinte à sa propriété, ainsi que contre les défauts cachés du bien.
  • L’obligation de délivrance conforme, qui impose aux indivisaires de remettre le bien dans l’état convenu lors de l’adjudication.
  • L’obligation de paiement du prix, l’adjudicataire pouvant être poursuivi en cas de non-paiement par une action en résolution de la vente (art. 1654 C. civ.).

La licitation au profit d’un tiers étant une vente et non un partage, elle est soumise à la rescision pour lésion de plus de sept douzièmes (art. 1674 C. civ.), qui permet à un vendeur de demander l’annulation de la vente si le prix est manifestement insuffisant. En revanche, l’adjudication ne peut être contestée sur le fondement de l’action en complément de part prévue en matière de partage (art. 889 C. civ.).

En troisième lieu, bien que la licitation emporte un effet translatif vis-à-vis de l’adjudicataire, elle conserve dans les rapports entre coïndivisaires la nature d’une opération préliminaire au partage. Ce n’est pas la licitation elle-même qui opère le partage, mais la répartition ultérieure du prix d’adjudication entre les indivisaires (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907).

En d’autres termes :

  • Le bien indivis est vendu, mais la créance du prix de vente remplace l’immeuble dans la masse successorale.
  • Ce n’est qu’au moment du partage du prix que s’applique l’effet déclaratif : l’indivisaire auquel est attribué tout ou partie du prix est réputé avoir toujours détenu cette somme à titre exclusif.
  • Les sûretés constituées sur le bien avant la licitation continuent d’exister sur la créance du prix, sauf purge exercée par l’acquéreur (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Cette situation emportent des conséquences en matière d’hypothèques:

  • Si un indivisaire a hypothéqué sa part dans le bien indivis avant la licitation, son créancier pourra exercer son droit de préférence sur sa quote-part dans la créance d’adjudication.
  • Si l’effet déclaratif était appliqué directement à la licitation, le prix aurait été attribué à un seul coïndivisaire, faisant disparaître rétroactivement les droits des autres indivisaires, ce qui aurait lésé les créanciers (Cass. civ., 14 déc. 1887).

La jurisprudence a donc précisé que l’effet déclaratif ne peut s’appliquer qu’au moment du partage du prix et non au moment de la vente du bien (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907). Cela signifie que, jusqu’au partage, chaque indivisaire conserve un droit indivis sur la créance du prix de vente, et peut demander sa quote-part avant que l’attribution finale ne soit fixée.

En dernier lieu, lorsque la licitation est réalisée au profit d’un indivisaire et d’un tiers, les effets de l’adjudication sont partagés entre ces deux logiques :

  • Pour la part attribuée à l’indivisaire, l’effet déclaratif s’applique : il est réputé avoir toujours détenu sa part du bien.
  • Pour la part attribuée au tiers, l’effet translatif s’impose : il acquiert la propriété du bien par l’effet d’un transfert ordinaire de droits réels (Cass. civ., 23 juill. 1912).

Ce système peut soulever des difficultés pratiques, notamment en matière de garanties. La Cour de cassation a ainsi précisé que l’hypothèque légale du vendeur, prise par les coïndivisaires pour garantir le paiement du prix de licitation, n’est pas opposable aux créanciers personnels de l’héritier adjudicataire (Cass. civ., 23 juill. 1912).

3. Les autres actes mettant fin à l’indivision

L’effet déclaratif du partage ne s’attache pas exclusivement aux opérations qualifiées de partage stricto sensu. Il s’étend à tout acte ayant pour conséquence de mettre un terme à l’indivision, dès lors que celui-ci aboutit à l’allotissement d’un indivisaire. Issu de la loi du 31 juillet 1976 l’article 883, alinéa 2, du Code civil confère explicitement un effet déclaratif à “tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision”. Ainsi, au-delà du partage et de la licitation, plusieurs opérations peuvent revêtir ce caractère.

a. Les cessions de droits indivis entre indivisaires

i. Principe

La cession de droits indivis entre coïndivisaires a toujours été assimilée à une opération de partage, dès lors qu’elle met fin à l’indivision en ce qui concerne le cédant. Dès le XIXe siècle, la jurisprudence a reconnu que de telles cessions devaient bénéficier de l’effet déclaratif (Req. 3 mars 1807). Cette assimilation repose sur la logique même du partage : l’indivisaire cessionnaire est réputé avoir toujours été seul propriétaire des droits cédés, tandis que le cédant est censé avoir toujours détenu, en contrepartie, la somme perçue en paiement.

L’analogie avec le partage est encore plus évidente lorsque la cession est effectuée à titre onéreux. Dans ce cas, elle aboutit à un allotissement semblable à celui réalisé par une licitation ou un partage avec soulte. Le cessionnaire reçoit la part indivise du cédant en échange d’une somme d’argent, ce qui s’analyse à une opération de liquidation de l’indivision. Pour cette raison, la jurisprudence considère que l’effet déclaratif a pleinement vocation à jouer pour ces opérations (Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-13.267).

Cependant, l’application de l’effet déclaratif suppose que la cession porte bien sur des droits indivis. Si les droits cédés ne sont pas indivis, l’effet déclaratif ne peut être invoqué. Ainsi, lorsqu’un usufruitier cède ses droits aux nus-propriétaires, alors même qu’aucune indivision n’existe entre eux, la cession est une simple mutation patrimoniale et ne saurait être assimilée à un partage (Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n°85-10.780).

ii. Exceptions

Bien que la cession de droits indivis entre coïndivisaires bénéficie en principe de l’effet déclaratif, certaines situations échappent à cette règle.

==>L’exclusion des cessions à titre gratuit

La jurisprudence refuse de reconnaître un effet déclaratif aux cessions de droits indivis réalisées à titre gratuit. La raison en est simple : l’absence de contrepartie prive l’opération de la logique d’allotissement inhérente au partage.

Contrairement à une licitation ou à un partage avec soulte, où les indivisaires bénéficient d’une compensation en valeur, une donation entraîne une transmission patrimoniale unilatérale, sans redistribution équitable des droits successoraux. Dès lors, elle est considérée comme une mutation translative et non comme un partage.

==>La cession à un tiers

Autre exception notable, la cession de droits indivis à un tiers ne produit pas d’effet déclaratif dans les rapports entre les indivisaires et l’acquéreur. Une telle opération revêt la nature d’une véritable vente et non d’un partage.

L’acquéreur, étant étranger à l’indivision, n’est pas réputé avoir toujours été propriétaire des droits cédés. Toutefois, l’effet déclaratif peut s’appliquer entre les indivisaires eux-mêmes, sous réserve que le prix de la cession soit réparti entre eux selon leurs droits respectifs.

Dans cette hypothèse, la cession amiable d’un bien indivis à un tiers est assimilée à une licitation dans ses effets entre les coïndivisaires, mais elle conserve un effet translatif vis-à-vis de l’acquéreur (Cass. civ. 7 févr. 1949).

b. La vente amiable d’un bien indivis à un coïndivisaire

La vente d’un bien indivis à l’un des coïndivisaires, réalisée avec l’accord de l’ensemble des indivisaires, constitue une illustration notable de l’extension de l’effet déclaratif. Bien qu’elle prenne la forme d’une vente, cette opération est assimilée à un partage en raison de son résultat : l’indivisaire acquéreur devient pleinement propriétaire du bien, tandis que les autres indivisaires perçoivent une somme d’argent en contrepartie de leur renonciation à leurs droits indivis.

Ainsi, dans sa finalité, cette vente équivaut à une attribution dans le cadre d’un partage avec soulte. Par conséquent, elle doit être traitée comme un partage et bénéficie de l’effet déclaratif. Cela signifie que l’indivisaire acquéreur est réputé avoir toujours été propriétaire du bien, tandis que le prix payé aux autres indivisaires est assimilé à une soulte destinée à compenser la perte de leurs droits sur le bien vendu.

Cette analyse est d’autant plus justifiée lorsque l’acquéreur rachète l’intégralité des droits indivis portant sur un bien déterminé. Dans ce cas, l’indivision prend fin pour ce bien, ce qui justifie pleinement l’application de l’effet déclaratif. L’indivisaire acquéreur est alors censé en avoir toujours été le seul propriétaire, comme si ce bien lui avait été attribué lors d’un partage formel.

Cette approche, consacrée par la jurisprudence, a été renforcée par l’article 883 du Code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 1976. Le texte n’exige plus que l’opération mette fin à l’ensemble de l’indivision, mais uniquement à celle portant sur le bien concerné. Ainsi, l’effet déclaratif s’applique même si d’autres biens indivis subsistent dans la masse successorale.

c. L’application de l’effet déclaratif aux actes partiels et aux conversions de droits

Avant la réforme de 1976, l’effet déclaratif du partage était strictement encadré. Il ne s’appliquait qu’aux actes mettant définitivement fin à l’indivision dans son ensemble et exigeait la participation de tous les indivisaires. Cette approche rigide a été vivement critiquée par la doctrine, qui estimait injustifié de refuser l’effet déclaratif à des actes ayant précisément pour objet de substituer des droits privatifs à une appropriation collective.

La réforme entreprise par la loi du 31 décembre 1976 a profondément modifié cette approche en supprimant l’exigence d’une extinction totale de l’indivision. Désormais, un acte peut bénéficier de l’effet déclaratif dès lors qu’il met fin à l’indivision sur certains biens ou entre certains indivisaires. Il en résulte que même un partage partiel, c’est-à-dire un partage ne portant que sur une partie des biens indivis, est aujourd’hui doté de l’effet déclaratif. Il en va de même lorsqu’un indivisaire rachète les parts de ses coïndivisaires sur un bien spécifique : dans ce cas, l’indivision prend fin uniquement sur ce bien, mais l’effet déclaratif s’applique tout de même.

La reconnaissance de l’effet déclaratif s’étend également aux actes mettant fin à l’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Tel est le cas lorsque l’usufruit est converti en rente viagère, opération qui transforme la jouissance temporaire du bien en un droit patrimonial d’une autre nature. La jurisprudence considère désormais qu’une telle conversion est assimilable à un partage et doit donc bénéficier de l’effet déclaratif.

De la même manière, la conversion d’un usufruit en pleine propriété est traitée comme une opération de partage. Elle ne se limite pas à une simple modification du mode de détention du bien, mais entraîne une véritable mutation juridique, justifiant l’application de l’effet déclaratif. L’usufruitier converti en propriétaire est ainsi réputé l’avoir toujours été, et les droits éventuels qu’il avait pu consentir en tant qu’usufruitier s’éteignent rétroactivement.

B) Domaine quant aux biens

L’effet déclaratif du partage et des actes qui lui sont assimilés embrasse une large catégorie de biens, qu’ils soient corporels ou incorporels. Il s’applique aux biens qui étaient inclus dans l’indivision et à ceux qui, par subrogation, leur sont substitués. Cependant, certaines difficultés d’application se sont posées, notamment en ce qui concerne les créances héréditaires, les créances issues de la licitation d’un bien indivis et les créances relevant d’indivisions autres que successorales.

1. L’application générale de l’effet déclaratif aux biens de l’indivision

L’effet déclaratif du partage, tel que consacré par l’article 883 du Code civil, ne distingue ni la nature ni la qualification juridique des biens concernés. Il s’étend indistinctement aux meubles et immeubles, ainsi qu’aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient fait partie de l’indivision et qu’ils aient fait l’objet d’un partage, d’une licitation ou de tout acte ayant mis fin à l’indivision. Cette règle, qui découle directement du principe selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont échus, a été largement consacrée tant par la doctrine que par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 mars 1981, n°79-14.083). Toutefois, certaines limitations, tenant soit à la nature spécifique des biens, soit à des dispositions légales particulières, méritent d’être relevées.

a. L’application indifférenciée aux biens corporels et incorporels

Le domaine de l’effet déclaratif couvre l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient corporels ou incorporels, dès lors qu’ils font l’objet d’un partage ou d’une licitation. La loi ne distingue pas entre les catégories de biens et consacre ainsi une application uniforme de cette règle, quelle que soit leur nature.

==>Les biens corporels

L’article 883 du Code civil trouve à s’appliquer aux biens corporels, qu’ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, les immeubles faisant partie de l’indivision et attribués à un copartageant lors du partage sont réputés lui avoir toujours appartenu. Ce principe s’applique également aux meubles indivis, qui sont également soumis à l’effet déclaratif. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler ce caractère indifférencié de l’effet déclaratif en précisant que tout bien corporel intégré à un partage doit être considéré comme ayant toujours appartenu à son attributaire dès l’origine (Cass. 1re civ., 6 nov. 1967).

==>Les biens incorporels

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux seuls biens matériels. Il s’étend également aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient été inclus dans l’indivision et attribués à un copartageant. Cette extension a notamment été consacrée par la jurisprudence en matière de fonds de commerce où il a été jugé que l’attribution d’un fonds indivis à un coindivisaire lors du partage entraîne l’effet déclaratif, le rendant rétroactivement propriétaire exclusif du fonds.

Dans le même esprit, la doctrine considère que l’effet déclaratif couvre également les créances dépendant d’une indivision, dans la mesure où celles-ci constituent un élément du patrimoine indivis (Cass. req., 7 août 1860). Cependant, cette application aux créances n’a pas toujours été admise sans réserve, et certaines décisions ont pu restreindre son champ en fonction de la nature des créances concernées (V. ci-après).

b. Les limites de l’effet déclaratif : exceptions et restrictions

Si l’effet déclaratif du partage présente un caractère général, certaines restrictions s’imposent en raison soit de la nature des biens concernés, soit de dispositions légales spécifiques qui viennent limiter son application.

==>L’exclusion des fruits et revenus des biens indivis

Un premier tempérament réside dans l’exclusion des fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits ne sont pas soumis à l’effet déclaratif et restent la propriété des indivisaires en proportion de leurs droits sur l’indivision. La Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’effet déclaratif du partage ne s’applique pas aux fruits et revenus perçus avant la cessation de l’indivision et a censuré une décision qui avait attribué à certains copartageants la totalité des fermages échus avant le partage, au motif qu’ils étaient devenus propriétaires des biens loués (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031)).

Dans cette affaire, un bien indivis donné à bail rural avant le partage avait généré des fermages dont les attributaires du bien avaient revendiqué la perception exclusive, en se prévalant de l’effet déclaratif du partage. La cour d’appel avait accueilli cette demande, considérant que l’attribution du bien leur conférait rétroactivement la qualité de propriétaires exclusifs et les habilitait à percevoir seuls les loyers dus pour les périodes antérieures au partage. La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que l’effet déclaratif ne saurait conférer rétroactivement à un indivisaire l’exclusivité des fruits et revenus produits avant la fin de l’indivision. Ces revenus conservent leur caractère indivis jusqu’au partage et doivent être répartis entre tous les indivisaires en fonction de leurs droits respectifs.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a généré des revenus avant son attribution à un copartageant, ces produits ne peuvent être réputés lui avoir toujours appartenu. Ils doivent être partagés entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs quotes-parts, sans que le partage ne puisse produire un effet rétroactif sur leur répartition.

==>L’exclusion légale de certains biens spécifiques

Certaines catégories de biens échappent à l’application de l’article 883 du Code civil en raison de dispositions législatives particulières. Tel est le cas, par exemple, en matière de brevets d’invention. L’article L. 613-30 du Code de la propriété intellectuelle exclut expressément l’application de l’effet déclaratif aux situations de copropriété d’un brevet ou d’une demande de brevet, en instaurant un régime spécifique à la matière. Cette disposition traduit la volonté du législateur de soumettre la gestion des brevets à un régime plus strict, distinct de celui du droit commun de l’indivision.

D’autres domaines spécifiques peuvent également donner lieu à des exceptions, en fonction des règles particulières qui leur sont applicables. Il conviendra donc, avant d’invoquer l’effet déclaratif, de s’assurer que la législation propre à chaque type de bien ne prévoit pas de disposition dérogatoire.

==>La prise en compte des soultes et compensations

Si l’effet déclaratif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus, il s’applique en revanche aux soultes versées entre copartageants. Une soulte, qui constitue une somme versée en compensation d’un lot excédentaire, est réputée avoir toujours appartenu à son bénéficiaire. Cette règle a été posée dès le XIX? siècle par la Cour de cassation, qui a admis que même une soulte versée sur les deniers propres de l’un des copartageants bénéficie de l’effet déclaratif (Cass. req., 7 août 1860).

Ainsi, si un indivisaire reçoit un bien d’une valeur supérieure à sa quote-part et qu’il compense cette inégalité par le versement d’une soulte à un autre copartageant, cette soulte est réputée avoir toujours fait partie du patrimoine de son bénéficiaire. Ce principe vise à garantir la cohérence de l’effet déclaratif et à éviter que le partage ne soit requalifié en opération translative.

2. Cas particuliers

a. Les créances héréditaires

La question de l’application de l’effet déclaratif du partage aux créances héréditaires a longtemps divisé doctrine et jurisprudence, en raison de l’apparente contradiction entre deux règles fondamentales du droit successoral. D’un côté, l’article 1309 du Code civil (ancien article 1220) prévoit que les créances successorales se divisent de plein droit entre les cohéritiers en proportion de leur part dans la succession. De l’autre, l’article 883 du même code instaure un effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués.

À l’origine, la jurisprudence appliquait strictement l’article 1309 et considérait que les créances successorales étaient divisées entre les héritiers dès l’ouverture de la succession, les excluant ainsi de l’indivision et du champ d’application de l’effet déclaratif (Cass. req., 23 févr. 1864). Cette approche signifiait que chaque cohéritier pouvait revendiquer immédiatement sa part individuelle sur la créance et l’exercer indépendamment des autres. Le débiteur de la succession pouvait également opposer la compensation à hauteur de la part de chaque héritier (Cass. req., 9 nov. 1847).

Toutefois, cette position s’est révélée insatisfaisante, car elle privait l’effet déclaratif du partage d’une grande partie de sa portée en ce qui concerne les créances. Un héritier pouvait, avant le partage, céder ou faire saisir sa quote-part de créance, ce qui compromettait l’égalité entre les copartageants. La jurisprudence a donc progressivement évolué vers une application distributive des deux articles, aboutissant à la célèbre décision des chambres réunies de la Cour de cassation dans l’arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907 (Cass. ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cet arrêt opère une distinction selon le moment où l’on se place. Avant le partage, l’article 1309 s’applique dans les rapports entre les héritiers et les débiteurs successoraux. Chaque héritier peut alors exercer sa part de la créance, et le débiteur peut se libérer en réglant chaque cohéritier individuellement. Il peut également opposer une compensation pour toute dette qu’il détient à l’égard d’un héritier, sans que cette compensation puisse être remise en cause par le partage ultérieur (Cass. req., 25 févr. 1864). Cette solution repose sur la double nature du droit de créance : il est à la fois un lien de droit (vinculum juris) entre le créancier et le débiteur, et un bien faisant partie du patrimoine du créancier.

Une fois le partage consommé, l’article 883 prend le pas et s’applique exclusivement dans les rapports entre cohéritiers. La créance indivise est alors attribuée en totalité à un copartageant, qui est réputé l’avoir toujours possédée en exclusivité. Dès lors, les actes accomplis par d’autres indivisaires sur cette créance deviennent inopposables à son attributaire, sauf s’ils ont été régulièrement exécutés avant le partage (Cass. req., 13 janv. 1909). Ainsi, un cohéritier ne peut plus, après le partage, revendiquer une part sur une créance qui a été attribuée à un autre. Il en va de même pour une cession de créance consentie par un indivisaire seul avant le partage : elle est inopposable à l’attributaire final de la créance (Cass. req., 2 juin 1908).

Cette articulation entre les deux articles permet d’assurer un équilibre entre les droits des cohéritiers et les exigences de sécurité juridique. L’article 1309 garantit que chaque héritier puisse faire valoir ses droits sur les créances successorales tant que l’indivision subsiste, sans être tributaire de l’inaction des autres indivisaires. En revanche, une fois le partage réalisé, l’effet déclaratif de l’article 883 permet d’éviter que des actes de disposition antérieurs ne viennent compromettre l’égalité entre copartageants. Cette solution est aujourd’hui largement admise par la doctrine.

b. L’effet déclaratif sur la créance du prix d’adjudication d’un bien indivis

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux biens matériels présents dans l’indivision. Il s’étend également aux créances qui en sont issues, notamment la créance résultant du prix d’adjudication d’un immeuble indivis vendu par licitation à un tiers. Dans ce cas, l’adjudication équivaut à une vente, et l’immeuble licité cesse de faire partie de l’indivision, tandis que la créance de prix qu’il génère vient s’y substituer et entre dans l’actif successoral à partager. Une fois le partage réalisé, cette créance peut être répartie entre tous les copartageants, ou bien être attribuée en totalité à l’un d’eux.

Une question essentielle a été soulevée quant à la portée de l’effet déclaratif dans ce contexte : l’attributaire de la créance doit-il être considéré comme ayant été le seul propriétaire du bien depuis son entrée dans l’indivision, et donc comme étant le seul vendeur au regard des tiers, ou bien tous les indivisaires doivent-ils être regardés comme ayant participé à la vente ? L’enjeu de la réponse à cette question est fondamental, car il touche au sort des droits réels que certains indivisaires auraient pu consentir sur l’immeuble avant la licitation. En effet, si seul l’attributaire final de la créance est réputé rétroactivement propriétaire, les droits réels accordés par d’autres indivisaires avant la licitation pourraient être anéantis. À l’inverse, si tous les indivisaires sont considérés comme ayant participé à la vente, ces droits réels devraient être reportés sur leur part du prix d’adjudication.

Initialement, la Cour de cassation avait retenu une interprétation stricte de l’effet déclaratif, en considérant que seul l’attributaire de la créance devait être regardé comme ayant été propriétaire du bien et donc comme ayant procédé à la vente (Cass. civ., 18 juin 1834). Cette solution conduisait à l’anéantissement des droits réels constitués par d’autres indivisaires sur l’immeuble licité. Toutefois, cette position a été abandonnée au profit d’une approche fondée sur la subrogation réelle. Désormais, la créance du prix d’adjudication est assimilée au bien vendu, et l’effet déclaratif du partage ne remet pas en cause les sûretés qui ont pu être constituées sur l’immeuble pendant l’indivision (Cass. civ., 21 juin 1904). Il en résulte que si un indivisaire a hypothéqué l’immeuble avant la licitation, cette hypothèque ne disparaît pas avec la vente, mais est reportée sur la part du prix d’adjudication qui lui revient dans le partage.

L’arrêt Chollet contre Dumoulin, rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 5 décembre 1907, a consacré cette évolution en affirmant que, si la licitation doit être considérée comme une vente à l’égard de l’adjudicataire lorsqu’il est un tiers, elle constitue dans les rapports entre cohéritiers une simple opération préparatoire au partage. Dès lors, la créance du prix d’adjudication est soumise aux mêmes règles que l’immeuble qu’elle remplace. Ainsi, si un héritier est tenu à un rapport en moins prenant et que la créance du prix est attribuée à ses cohéritiers en compensation du rapport dû, cet héritier est réputé n’avoir jamais eu de droit sur cette créance. Il en découle que ses créanciers personnels ne peuvent exercer de droit de préférence sur le prix d’adjudication, puisqu’ils ne disposent pas de plus de droits que leur débiteur dans la masse successorale (Cass., ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cette solution se justifie par la combinaison de l’effet déclaratif du partage et du principe de la subrogation réelle. En effet, dès lors que l’immeuble est remplacé par une créance de prix, il est logique que toute sûreté constituée sur ce bien soit reportée sur la somme d’argent qui lui succède. Cette position a été confirmée par la jurisprudence moderne, qui admet que l’hypothèque consentie sur un bien indivis par un indivisaire seul est reportée, en cas de vente, sur la fraction du prix qui lui est attribuée dans le partage (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331).

L’admission de la subrogation réelle atténue ainsi la portée absolue de la rétroactivité du partage. En effet, bien que l’article 883 du Code civil établisse une présomption selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire des biens de son lot, la prise en compte de la situation de la masse indivise au jour du partage permet de préserver les droits des tiers ayant acquis des garanties sur ces biens avant leur attribution définitive.

c. L’extension de l’effet déclaratif aux créances issues d’indivisions non successorales

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux successions. Il s’étend aux créances issues d’autres formes d’indivision, notamment l’indivision post-communautaire. Dans ce cadre, la jurisprudence a longtemps refusé d’appliquer l’article 1309 du Code civil, considérant que tant que la communauté n’était pas liquidée, les créances communes ne pouvaient être divisées entre les époux (Cass. req., 18 oct. 1893). Toutefois, cette position a évolué, et il est désormais admis que chaque époux peut réclamer sa part de créance sans attendre le partage. Dans un arrêt du 10 février 1981, la Cour de cassation a, en effet, jugé que, dès la dissolution de la communauté, chacun des époux est investi d’un droit personnel sur les valeurs qui en dépendent et peut, à ce titre, demander individuellement le règlement de sa quote-part dans les créances communes (Cass. 1re civ., 10 févr. 1981, n° 79-12.765).

Dans cette affaire, à l’occasion de la liquidation d’une communauté dissoute par divorce, l’une des parties revendiquait le droit d’agir seule en recouvrement de créances qui avaient appartenu à la communauté. Son ancien conjoint contestait cette possibilité, soutenant que tant que la liquidation n’avait pas été achevée, les droits de chacun des époux restaient incertains, excluant ainsi toute division automatique des créances. La Cour d’appel avait néanmoins condamné le débiteur des créances litigieuses à verser directement à l’épouse sa part correspondant à la moitié du montant dû, au motif qu’elle détenait des droits sur les valeurs de la communauté.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette approche, énonçant que la dissolution de la communauté confère immédiatement à chacun des époux un titre leur permettant de réclamer leur part des créances communes, sans attendre le partage. Ce faisant, la Haute juridiction a admis que la créance, bien qu’encore incluse dans la masse indivise au stade de la liquidation, pouvait être partiellement mobilisée par chacun des ex-époux, consacrant ainsi une autonomie certaine dans l’exercice des droits patrimoniaux post-communautaires.

Par cette décision, la Cour de cassation a confirmé que la dissolution de la communauté entraîne la division des créances entre les époux et leur permet d’en revendiquer le paiement, indépendamment de l’achèvement de la liquidation et du partage.

Cette reconnaissance d’un droit propre à chaque indivisaire sur une créance dès la dissolution ne remet toutefois pas en cause l’application du principe de l’effet déclaratif du partage. Si, dans leurs rapports avec les tiers, les indivisaires peuvent faire valoir leur part de créance indépendamment du partage, il en va différemment dans les relations internes à l’indivision. En effet, une fois le partage intervenu, l’attribution d’une créance à un indivisaire emporte l’effet rétroactif prévu par l’article 883 du Code civil, impliquant qu’il est réputé l’avoir toujours détenue. Cette conséquence, qui marque une rupture avec la logique de division immédiate des créances, permet de garantir la stabilité des attributions patrimoniales et d’uniformiser le régime des créances successorales et post-communautaires.

Dans les rapports entre indivisaires, ces créances sont ainsi soumises à l’article 883 du Code civil et bénéficient de l’effet déclaratif. Un indivisaire qui se voit attribuer une créance dans le partage est réputé en avoir été le titulaire exclusif depuis l’origine, ce qui a pour effet de priver ses coïndivisaires de tout droit rétroactif sur celle-ci. En conséquence, les actes de disposition accomplis avant le partage par un autre indivisaire sur la créance, tels qu’une cession ou une saisie, peuvent lui être inopposables (Cass. req., 2 juin 1908).

III) Les conséquences de l’effet déclaratif

Le partage judiciaire, loin d’être une simple opération de répartition des biens indivis, constitue un acte aux conséquences juridiques majeures. Parmi celles-ci, l’effet rétroactif du partage occupe une place centrale, traduisant la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus. Cette rétroactivité, bien que fondamentale, ne s’exerce toutefois pas de manière absolue : elle se heurte à des limites destinées à garantir la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

Ainsi, si l’effet rétroactif du partage peut anéantir certains actes passés par les indivisaires avant la répartition définitive des biens, il peut aussi, à l’inverse, en confirmer la validité, selon que ces actes sont ou non conformes aux attributions résultant du partage. Cette dualité se reflète tant dans les rapports entre les copartageants eux-mêmes que dans leurs relations avec les tiers. Dès lors, il convient d’analyser les implications de cet effet rétroactif, en mettant en lumière ses principes fondamentaux, ses limites et les solutions dégagées par la jurisprudence afin d’assurer un équilibre entre la logique déclarative du partage et les impératifs de préservation des droits acquis.

A) Conséquences générales

1. Effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

2. Exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

a. L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

i. L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

ii. L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

iii. L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

iv. Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

b. L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

i. L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

ii. L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

iii. La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

c. L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

i. Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

ii. L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

iii. La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

d. L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

i. La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

ii. Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

iii. Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

e. L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

i. L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

ii. L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

f. L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

B) Sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.

Le partage: effets

Le partage constitue l’acte par lequel se dissout l’indivision, opérant la transformation des droits indivis en droits pleinement privatifs. Qu’il intervienne dans le cadre d’une succession, d’une communauté conjugale dissoute, d’une société civile ou d’une simple indivision conventionnelle, le partage poursuit invariablement le même objectif: substituer à la propriété collective et indéterminée des indivisaires une répartition claire et définitive des biens ou des droits entre les co-indivisaires.

À première vue, ses effets paraissent simples : le droit indivis de chaque co-indivisaire se cristallise sur les biens ou droits qui lui sont attribués, lesquels deviennent alors sa propriété exclusive. Cette apparente simplicité dissimule toutefois des subtilités juridiques considérables lorsque l’on s’interroge sur la nature véritable de cette attribution. De qui le copartageant tient-il sa propriété exclusive ? De l’ensemble des co-indivisaires, par l’effet d’un transfert de droits, ou bien détenait-il déjà, de manière latente, la propriété des biens qui lui sont attribués, le partage ne faisant que révéler cet état de fait ?

C’est à cette question que répond le principe de l’effet déclaratif du partage, énoncé par l’article 883 du Code civil. Ce texte dispose que chaque copartageant est censé avoir été, dès l’origine de l’indivision, seul propriétaire des biens ou droits compris dans son lot. Ainsi, le partage n’est pas conçu comme un acte translatif créant des droits nouveaux, mais comme un acte déclaratif qui révèle la part individuelle de chaque co-indivisaire. Cette règle, qui confère au partage une portée rétroactive jusqu’au jour de la naissance de l’indivision, a pour vocation de consolider la sécurité juridique des transactions et de simplifier les régimes fiscaux applicables, en excluant notamment l’application des droits de mutation.

Toutefois, cette conception déclarative du partage n’est pas universellement admise. Si le droit français a opté pour cette voie depuis l’abandon de la conception translative issue du droit romain, certains systèmes juridiques étrangers, tels que le Code civil allemand (§ 2032 BGB) ou le Code civil suisse (art. 648 et 653), continuent d’y voir un acte translatif, tout en aménageant des règles spécifiques pour préserver l’équité entre les copartageants.

Cette exigence d’équité constitue le second effet du partage : la garantie des lots. Afin d’assurer une répartition équilibrée des biens et de protéger chaque copartageant contre les risques d’éviction ou les vices cachés affectant son lot, le droit impose aux co-indivisaires une obligation de garantie. Ce mécanisme, qui s’inspire du régime de la garantie dans les contrats synallagmatiques, s’applique indépendamment de la nature des biens partagés ou de la forme de l’indivision. Ainsi, si un co-indivisaire venait à être évincé d’un bien attribué lors du partage, les autres copartageants seraient tenus de réparer le préjudice subi, préservant ainsi l’équité inhérente à l’opération.

L’étude des effets du partage suppose donc d’analyser successivement le principe de l’effet déclaratif, qui structure la nature juridique du partage et organise la répartition rétroactive des biens, et le régime de la garantie des lots, qui incarne l’exigence d’équilibre et de protection des droits des copartageants. Cette double approche permet d’appréhender la complexité des mécanismes juridiques qui gouvernent le partage, quelle que soit la nature de l’indivision concernée.

§1: L’attribution de droits privatifs ou l’effet déclaratif du partage

I) Le principe de l’effet déclaratif

Le partage constitue l’acte par lequel s’opère la liquidation de l’indivision et l’attribution définitive des biens aux copartageants. Au-delà de cette simple répartition, il produit un effet juridique majeur: l’effet déclaratif, prévu par l’article 883 du Code civil. Ce principe implique que chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’ouverture de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui lui sont attribués, effaçant rétroactivement la période d’indivision. Toutefois, pour éviter que cette rétroactivité n’entraîne des conséquences excessives, notamment au détriment des tiers de bonne foi ou de la stabilité des transactions, le législateur et la jurisprudence ont assorti ce principe de limites.

A) Les différentes conception du partage

1. La théorie de la fiction légale

La première interprétation, longtemps dominante, postule que l’effet déclaratif est une fiction légale, instaurée pour aplanir les inégalités qu’un partage strictement translatif pourrait engendrer. Le partage, dans cette perspective, est considéré comme un acte translatif de droits entre coindivisaires, où l’effet déclaratif ne serait qu’un habillage légal destiné à neutraliser certaines conséquences indésirables.

Cette approche puise ses racines dans le droit romain, où le partage était vu comme un acte translatif de propriété. Chaque indivisaire y était considéré comme titulaire d’une quote-part indivise sur chacun des biens composant l’actif indivis. Le partage s’analysait alors comme un véritable échange entre coindivisaires : chacun cédait ses droits indivis sur les biens qu’il n’obtenait pas en contrepartie de la pleine propriété des biens qui lui étaient attribués. Autrement dit, pour devenir propriétaire exclusif de certains biens, chaque indivisaire devait céder à ses coindivisaires ses droits sur les autres biens.

Cette conception du partage implique que chaque coindivisaire devient l’ayant-cause non seulement du de cujus (dans le cadre d’une succession) mais également de ses coindivisaires. Ce double lien engendre des conséquences juridiques et fiscales importantes.

Cette approche, toujours retenue par certains droits étrangers comme le droit allemand (BGB, § 2032 s.) et le droit suisse (Code civil suisse, art. 634), a toutefois été progressivement abandonnée en droit français en raison de ses nombreuses implications négatives.

La conception translative du partage engendre plusieurs difficultés majeures, tant sur le plan fiscal que sur le plan civil :

  • La soumission aux droits de mutation
    • En considérant que le partage réalise un transfert de propriété entre coindivisaires, cette analyse implique, en principe, l’application des droits de mutation à titre onéreux.
    • Or, ces droits fiscaux, souvent conséquents, viennent alourdir le coût du partage et peuvent dissuader les indivisaires de procéder à la liquidation de l’indivision.
  • Le maintien des charges grevant les biens attribués
    • Dans la logique translative, les actes accomplis par un coindivisaire pendant la période d’indivision – tels que les hypothèques ou les cessions de parts – continuent de produire effet après le partage, même si le bien en question est finalement attribué à un autre coindivisaire.
    • Ainsi, un copartageant peut se voir attribuer un bien grevé par une hypothèque consentie par un autre indivisaire, sans avoir été l’auteur de cet acte.
    • Certes, le copartageant lésé dispose d’un recours contre le coindivisaire ayant constitué l’hypothèque, mais ce recours est souvent illusoire, notamment en cas d’insolvabilité du débiteur.
    • Cela compromet l’équilibre et l’équité du partage.
  • Le risque d’inégalité entre copartageants
    • La conséquence directe de ces charges maintenues est l’introduction d’inégalités entre copartageants.
    • Un indivisaire peut hériter d’un bien lourdement grevé tandis qu’un autre reçoit un bien libre de toute charge, sans qu’aucun correctif ne soit automatiquement appliqué pour rétablir l’équité du partage.
  • L’absence de rétroactivité
    • Enfin, la conception translative ne reconnaît pas d’effet rétroactif au partage : la fin de l’indivision n’efface pas les actes accomplis pendant cette période.
    • Les charges et engagements contractés par les indivisaires restent donc pleinement opposables, ce qui aggrave encore les déséquilibres et expose les copartageants à des risques juridiques et financiers.

Certains systèmes juridiques étrangers, tout en conservant la nature translative du partage, ont introduit des mécanismes destinés à en atténuer les effets les plus préjudiciables :

En Allemagne, le Code civil (BGB, § 2040) exige l’accord unanime de tous les indivisaires pour la constitution de droits réels sur les biens indivis. Cette règle vise à éviter que des actes unilatéraux réalisés par un seul indivisaire affectent les biens communs.

En Suisse, les articles 648 et 653 du Code civil imposent des restrictions similaires, interdisant notamment les aliénations et les hypothèques sans le consentement de tous les indivisaires. Ces garanties renforcent la sécurité juridique des copartageants et limitent les risques liés aux actes translatifs.

Face aux inconvénients majeurs de la conception translative, il a progressivement été opéré un revirement jurisprudentiel et doctrinal en droit français. Dès le XVI? siècle, la jurisprudence des parlements français a amorcé ce changement en posant le principe selon lequel les biens attribués lors du partage devaient revenir aux copartageants « francs et quittes de toutes charges consenties par les autres héritiers ». Cette solution visait à préserver l’équité du partage et à éviter que les indivisaires n’héritent de dettes qu’ils n’avaient pas contractées.

Le Code civil de 1804 a consolidé cette évolution en consacrant, à l’article 883, alinéa 1??, le principe de l’effet déclaratif :

« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Par cette disposition, le législateur français a pris le contrepied de la conception translative. Le partage n’est plus conçu comme un échange de droits entre coindivisaires, mais comme une opération révélant rétroactivement la propriété exclusive des biens attribués à chaque copartageant.

Cependant, certains auteurs ont vu dans cette consécration du principe de l’effet déclaratif une simple fiction légale, destinée à masquer la nature fondamentalement translative du partage. Selon cette lecture, l’article 883 du Code civil ne ferait qu’instaurer une présomption irréfragable : en affirmant que chaque cohéritier est «censé avoir succédé seul et immédiatement», le texte instituerait une pure fiction, visant à simplifier les opérations de partage et à contourner les conséquences indésirables du transfert de propriété.

Pour ces auteurs, le législateur aurait ainsi choisi de recourir à un artifice technique pour écarter les droits de mutation, neutraliser les charges grevant les biens et garantir l’équité entre copartageants, sans pour autant remettre en cause la nature translatrice du partage. Ce choix, bien que pragmatique, entretiendrait une forme d’ambiguïté juridique.

La théorie de la fiction légale n’a pas échappé aux critiques. De nombreux auteurs ont souligné les incohérences qu’elle engendre et les incertitudes juridiques qui en résultent :

  • Incohérences fiscales : la fiction légale rend difficile la détermination des règles fiscales applicables, notamment en matière de droits de mutation ou de plus-values.
  • Insécurité patrimoniale : les praticiens se trouvent confrontés à des difficultés dans l’interprétation des actes accomplis pendant l’indivision, notamment concernant les hypothèques et autres sûretés.
  • Complexité procédurale : la coexistence de la fiction légale et des réalités patrimoniales alourdit les procédures et multiplie les situations litigieuses.

Ces critiques ont conduit la doctrine et la jurisprudence à favoriser progressivement une conception réaliste de l’effet déclaratif, selon laquelle le partage ne constitue pas une fiction, mais l’expression naturelle de la structure du droit indivis. Cette approche, aujourd’hui largement majoritaire, considère que le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais se contente de révéler ceux qui existaient depuis l’origine.

2. La conception réaliste

En réaction aux limites et aux incohérences révélées par la théorie de la fiction légale, la doctrine contemporaine a progressivement fait émerger une conception plus cohérente et fidèle à la nature du partage : la conception réaliste de l’effet déclaratif. Cette approche, aujourd’hui largement consacrée par la jurisprudence française, rejette l’idée que l’effet déclaratif soit un simple artifice juridique destiné à corriger les défauts d’un partage translatif. Elle y voit, au contraire, l’expression directe et naturelle de la structure juridique du partage. Dans cette optique, le partage ne réalise aucun transfert de propriété entre les indivisaires, mais se borne à révéler et à individualiser les droits préexistants de chacun.

La conception réaliste repose sur l’idée fondamentale que les indivisaires ne détiennent pas des droits concrets et distincts sur chaque bien de la masse indivise, mais un droit global et abstrait sur l’ensemble de l’indivision. Tant que le partage n’a pas été réalisé, ce droit indivis est flottant : il s’exerce sur la masse indivise dans sa globalité, sans se fixer sur des biens particuliers.

Le partage intervient alors comme un acte déclaratif et non translatif : il n’opère aucun transfert de propriété entre les coindivisaires, mais délimite l’assiette matérielle des droits de chacun. Dès lors, chaque copartageant est réputé avoir été, depuis l’origine de l’indivision, le seul propriétaire des biens qui composent son lot. Il s’agit d’une révélation des droits existants et non d’une création ou d’une mutation juridique.

Cette lecture trouve son fondement doctrinal dans les écrits de Planiol et Ripert qui qualifient le partage d’« acte déclaratif par nature ». De même, F. Terré et Y. Lequette soulignent que « le partage cristallise les droits des coindivisaires sans en modifier la substance ». Ces auteurs insistent sur le fait que le partage n’est ni un contrat d’échange ni un acte translatif, mais bien un mécanisme révélateur des droits originels.

L’adoption de cette analyse réaliste de l’effet déclaratif emporte des conséquences notamment en matière patrimoniale, fiscale et procédurale.

  • Première conséquence
    • L’une des premières conséquences de cette conception est l’exclusion des droits de mutation à titre onéreux.
    • Puisque le partage ne procède pas à un transfert de propriété mais se borne à révéler les droits préexistants des indivisaires, il échappe aux règles fiscales applicables aux cessions de biens.
    • Le législateur a consacré ce principe à l’article 883 du Code civil, limitant les charges fiscales à des frais de partage, généralement moins lourds que les droits de mutation.
  • Deuxième conséquence
    • L’autre implication majeure réside dans la protection des copartageants contre les actes réalisés par leurs coindivisaires pendant l’indivision.
    • Dans la conception réaliste, si un indivisaire constitue une hypothèque sur un bien indivis et que ce bien est finalement attribué à un autre copartageant lors du partage, l’hypothèque est automatiquement anéantie.
    • Le coindivisaire qui a grevé le bien n’était pas, en réalité, propriétaire du bien attribué à autrui, et l’acte est donc considéré comme accompli a non domino.
    • À l’inverse, si le bien est attribué à celui qui avait constitué l’hypothèque, celle-ci est consolidée rétroactivement.
    • Ce mécanisme permet de garantir l’équité du partage et protège chaque copartageant contre les conséquences des actes unilatéraux réalisés par d’autres indivisaires pendant la période d’indivision.
  • Troisième conséquence
    • La conception réaliste est intimement liée au principe de rétroactivité du partage.
    • En révélant les droits préexistants de chaque copartageant, le partage opère rétroactivement ses effets à la date d’ouverture de l’indivision.
    • Cela signifie que chaque indivisaire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.
    • Toutefois, cette rétroactivité connaît certaines limites, destinées à préserver la sécurité juridique et les droits des tiers.
    • L’article 883, alinéa 3, du Code civil précise ainsi que « les actes valablement accomplis, soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet ».
    • Ce tempérament permet d’éviter que des tiers contractants de bonne foi soient lésés par les conséquences du partage.

B) La conception retenue en droit français

Après avoir oscillé entre les différentes théories, le droit français a finalement consacré la conception réaliste du partage. Loin de n’être qu’un simple compromis théorique, cette approche repose sur une articulation subtile entre deux notions connexes mais juridiquement distinctes : d’une part, le caractère déclaratif du partage, qui révèle les droits préexistants des indivisaires sans opérer de transfert de propriété ; d’autre part, sa rétroactivité, qui fait remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision.

Si le partage est reconnu comme un acte purement déclaratif, révélant les droits préexistants de chaque indivisaire, la rétroactivité, quant à elle, constitue une modalité d’application qui, bien que prévue par la loi, est sujette à des tempéraments destinés à protéger les tiers et assurer la sécurité juridique.

1. Distinction entre le caractère déclaratif et la rétroactivité

Pour mémoire; l’article 883 du Code civil prévoit que « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

Ce texte consacre la logique selon laquelle le partage ne transfère pas de droits entre coindivisaires, mais révèle les droits qui existaient depuis l’origine. Le copartageant est donc réputé avoir été, dès le jour de l’ouverture de l’indivision, propriétaire exclusif des biens qui composent son lot.

Toutefois, cet effet déclaratif s’accompagne d’une rétroactivité : les effets du partage sont réputés remonter au jour de l’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire durant laquelle les biens étaient indivis. Cette rétroactivité permet de neutraliser les actes accomplis pendant l’indivision qui seraient contraires aux droits définitifs des copartageants.

Cependant, il est essentiel de bien distinguer deux notions fondamentales qui structurent le régime du partage :

  • Le caractère déclaratif du partage : il s’agit d’un acte qui se borne à révéler et préciser les droits préexistants des coindivisaires sans opérer de transfert de propriété. Le partage n’a donc pas de vocation translative : il détermine simplement l’assiette concrète des droits de chacun.
  • La rétroactivité du partage : il s’agit d’une modalité d’application du caractère déclaratif. La rétroactivité permet de faire remonter les effets du partage à la date d’ouverture de l’indivision, effaçant juridiquement la période intermédiaire et considérant que chaque copartageant a toujours été titulaire exclusif des biens finalement attribués dans son lot.

Cette distinction est loin d’être purement théorique. La doctrine a souligné que la rétroactivité, si elle était appliquée de manière absolue, pourrait engendrer des risques d’insécurité juridique, notamment en remettant en cause des droits acquis ou en affectant les intérêts des tiers de bonne foi.

Certains auteurs, à l’instar de P. Hébraud ont plaidé pour une limitation de cette rétroactivité dans les situations où elle pourrait compromettre la stabilité juridique, notamment lorsqu’elle remet en cause des actes accomplis en toute légalité pendant la période d’indivision.

2. Tempéraments à la rétroactivité

Conscient des conséquences potentiellement excessives d’une rétroactivité absolue, le législateur français a introduit des mécanismes destinés à équilibrer la protection des coindivisaires et celle des tiers.

==>Les aménagements prévus par la loi

L’article 883, alinéa 3, du Code civil apporte un premier tempérament important :

« Les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coindivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leurs effets quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet. »

Cette disposition permet de sécuriser les actes nécessaires à la gestion de l’indivision.

Par exemple :

  • Si un bien indivis est vendu par un mandataire commun, l’acte de vente conserve sa pleine validité, quel que soit le lot attribué lors du partage.
  • De même, si un juge autorise la constitution d’une hypothèque sur un bien indivis pour financer des travaux urgents, cette hypothèque subsistera même si le bien est finalement attribué à un indivisaire différent de celui qui a sollicité l’autorisation.

Ce mécanisme garantit ainsi la continuité des droits des tiers qui auraient contracté avec l’indivision, tout en évitant qu’un partage ultérieur ne vienne remettre en cause des actes accomplis en toute légalité.

==>La protection des tiers de bonne foi

La jurisprudence a, elle aussi, contribué à affiner l’application de l’effet déclaratif et de sa rétroactivité. Les juges ont systématiquement cherché à préserver la sécurité juridique, en protégeant les tiers de bonne foi contre les effets destructeurs d’une rétroactivité pure et dure.

Ainsi, il a été reconnu que certains actes accomplis par des coindivisaires pendant l’indivision — même en l’absence de mandat ou d’autorisation judiciaire — pouvaient produire leurs effets si :

  • Le tiers contractant était de bonne foi, et
  • L’acte était conforme aux règles d’administration des biens indivis.

Par exemple, si un indivisaire cède temporairement l’usage d’un bien indivis à un tiers et que ce bien est ensuite attribué à un autre copartageant lors du partage, le contrat pourra subsister jusqu’à son terme si le tiers ignorait la situation d’indivision et agissait de bonne foi.

==>Les aménagements conventionnels

Enfin, le droit français permet aux coindivisaires, dans le cadre d’un partage amiable, d’introduire des clauses dérogatoires au principe de la rétroactivité. Les indivisaires peuvent ainsi convenir que certains actes passés continueront à produire leurs effets ou que la rétroactivité sera limitée pour des raisons de commodité ou de stratégie patrimoniale.

Cette faculté permet de renforcer la sécurité juridique des opérations patrimoniales et d’adapter le régime du partage aux besoins spécifiques des indivisaires.

II) Le domaine de l’effet déclaratif

L’effet déclaratif du partage, posé par l’article 883 du Code civil, repose sur une fiction juridique selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués, tout en n’ayant jamais eu de droits sur ceux échus à ses coindivisaires. Ce principe, qui exclut toute idée de transmission de droits entre indivisaires, vise à garantir l’égalité entre les copartageants et à préserver la sécurité juridique des actes accomplis sur les biens indivis avant leur attribution définitive.

Si l’effet déclaratif s’applique traditionnellement au partage successoral, il ne se limite pas à cette hypothèse. Il régit également les partages de communauté conjugale, les partages d’indivision conventionnelle ou encore la liquidation des sociétés dans les cas où les associés se partagent les biens sociaux. Toutefois, son domaine d’application est encadré : il convient d’en préciser les limites, tant au regard des actes concernés que des biens susceptibles d’être soumis à ce régime, ainsi que les tempéraments qu’il connaît, notamment pour la protection des tiers.

A) Domaine quant aux actes

1. Le partage proprement dit

a. L’indifférence de la nature du partage

L’effet déclaratif du partage concerne tout partage successoral, qu’il soit amiable ou judiciaire, global ou partiel. Cette application découle directement de l’insertion de l’article 883 au sein du titre des successions du Code civil, affirmant ainsi son champ d’application privilégié aux partages successoraux.

Cependant, ce principe ne se limite pas aux successions et s’étend aux partages de communauté en vertu du renvoi opéré par l’article 1476 du Code civil. Cette disposition aligne expressément les règles du partage de communauté sur celles du partage successoral, permettant ainsi d’appliquer sans difficulté l’effet déclaratif (V. Cass. 1re civ., 2 mai 2001, n° 99-10.515).

Le partage des biens indivis entre époux séparés de biens bénéficie également de cette extension législative. Bien que la jurisprudence ait initialement refusé d’appliquer les règles du partage successoral aux partages opérés après séparation de biens (Cass. civ., 9 mars 1965), la loi du 11 juillet 1975 a unifié le régime du partage des biens indivis entre époux séparés de biens avec celui des successions (art. 1542 C. civ.). Il en résulte que ces partages bénéficient pleinement de l’effet déclaratif, ce que la jurisprudence a confirmé par la suite (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-11.011).

L’effet déclaratif s’applique également au partage de l’actif social, dès lors que la liquidation de la société est engagée. En effet, l’article 1844-9, alinéa 2, du Code civil prévoit l’application des règles du partage successoral aux partages de sociétés. Toutefois, cette assimilation n’est possible qu’à condition qu’il s’agisse bien d’un véritable partage et non d’une réduction de capital par répartition de biens sociaux (Cass. com., 23 sept. 2008, n°07-12.493).

Enfin, l’application de l’article 883 du Code civil ne se limite pas aux partages successoraux ou conjugaux et concerne toute indivision, qu’il s’agisse d’un partage d’un bien indivis acquis par plusieurs personnes (Cass. req., 28 avr. 1840) ou d’un partage d’un ensemble patrimonial constituant une universalité (Cass. 1re civ., 24 mars 1981).

b. L’indifférence des modalités du partage

Le principe de l’effet déclaratif du partage s’attache à tout partage définitif, qu’il soit total ou partiel (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146). En d’autres termes, ce qui importe n’est pas l’étendue du partage mais le fait qu’il mette un terme à l’indivision, en fixant définitivement les droits privatifs des copartageants sur les biens répartis. Dès lors, les modalités d’attribution des lots sont indifférentes : l’effet déclaratif ne varie ni en fonction du mécanisme d’allotissement, ni selon la nature de la répartition opérée.

Aussi, le partage peut s’effectuer selon plusieurs procédés, sans que cela n’altère son effet déclaratif :

  • Le tirage au sort, qui constitue une méthode ordinaire d’attribution des lots lorsque les copartageants n’ont pas convenu d’une répartition amiable. Il a été jugé que le fait d’attribuer les biens selon un tirage au sort n’ôtait en rien au partage son caractère déclaratif (Cass. soc., 3 oct. 1958).
  • L’attribution préférentielle, qui permet à un indivisaire d’obtenir un bien particulier en raison d’un intérêt spécifique (par exemple, l’attribution du logement familial au conjoint survivant). La jurisprudence a confirmé que l’effet déclaratif s’applique également à ces attributions spécifiques, lesquelles sont réputées exister depuis l’origine de l’indivision (CA Paris, 10 févr. 1977).
  • Le droit de retour légal, qui permet à certains héritiers de récupérer des biens précédemment donnés par le défunt. L’effet déclaratif du partage s’étend également à ce mécanisme, de sorte que l’héritier bénéficiaire du droit de retour est censé n’avoir jamais perdu la propriété du bien en cause (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

La question se pose avec acuité lorsqu’un partage est accompagné du versement d’une soulte, c’est-à-dire lorsqu’un copartageant reçoit un lot d’une valeur supérieure à sa part théorique et doit indemniser les autres en conséquence. L’on aurait pu estimer que la soulte confère au partage un caractère translatif, en ce que le copartageant bénéficiant d’un lot excédentaire en nature l’acquerrait en contrepartie d’une compensation financière versée aux autres. Toutefois, la jurisprudence a adopté une approche radicalement opposée.

En effet, les lots et les soultes sont considérés comme issus de la masse indivise et non des copartageants entre eux. Ainsi, même lorsqu’un indivisaire perçoit une soulte, il n’est pas juridiquement en situation d’acquérir une part supplémentaire à ses coindivisaires ; il se voit simplement allouer un lot dont il est réputé propriétaire depuis l’origine, la soulte n’étant qu’un ajustement financier (Cass. 1re civ., 28 févr. 2018, n°17-12.040).

Ce raisonnement est fondamental en pratique, car il empêche toute remise en cause rétroactive des droits sur les biens attribués. Par exemple, un bien immobilier inclus dans un lot assorti d’une soulte est censé avoir toujours appartenu à l’indivisaire attributaire, et ce, depuis l’ouverture de la succession ou de l’indivision initiale. Il en résulte notamment :

  • L’absence de taxation comme une mutation : en droit fiscal, les partages avec soulte échappent au régime des mutations à titre onéreux lorsqu’ils s’inscrivent dans une indivision successorale ou conjugale (CGI, art. 748).
  • L’inopposabilité des créanciers des coindivisaires : puisqu’il n’y a pas eu transmission entre les indivisaires, un créancier hypothécaire ne saurait revendiquer un droit de gage sur le bien attribué à un copartageant, même si celui-ci avait des dettes avant le partage.
  • L’imputation des garanties et des servitudes : en raison de l’effet rétroactif du partage, les droits réels grevant un bien suivent l’attributaire de manière continue, comme si celui-ci en avait toujours été propriétaire.

c. L’exclusion du partage provisionnel

Le partage provisionnel se distingue du partage définitif en ce qu’il ne met pas fin à l’indivision, mais organise temporairement la jouissance des biens indivis. Par conséquent, il ne peut bénéficier de l’effet déclaratif qui s’attache aux partages définitifs. Cette exclusion découle de la nature même du partage provisionnel, lequel se borne à répartir l’usage des biens sans en modifier la répartition patrimoniale.

A cet égard, l’effet déclaratif du partage repose sur l’idée que chaque indivisaire est censé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Or, cette logique est incompatible avec le partage provisionnel, qui ne détermine pas définitivement l’attribution des biens, mais se limite à aménager leur utilisation pendant la durée de l’indivision.

Ainsi :

  • Le partage provisionnel ne transfère aucun droit privatif définitif : il ne fait que répartir l’occupation ou l’exploitation des biens entre les indivisaires, sans leur attribuer une propriété exclusive.
  • Les attributions restent réversibles : contrairement au partage définitif, où chaque indivisaire devient rétroactivement propriétaire de son lot, le partage provisionnel n’a pas vocation à cristalliser des droits patrimoniaux définitifs.
  • L’indivision persiste intégralement : aucun des biens ne cesse d’être indivis, ce qui empêche la fixation des droits privatifs exigée pour l’effet déclaratif (Cass. civ., 28 juill. 1947).

Dès lors, appliquer l’effet déclaratif à un partage provisionnel reviendrait à définitivement établir des droits sur un bien alors que le partage lui-même reste réversible, ce qui serait contraire à l’économie du régime de l’indivision.

Aussi, la jurisprudence a toujours refusé d’appliquer l’effet déclaratif au partage provisionnel. La Cour de cassation l’a notamment affirmé en jugeant que le partage provisionnel ne constitue qu’une organisation temporaire de l’indivision, sans incidence sur la propriété des biens (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975). La doctrine est également unanime : un partage n’a d’effet déclaratif que s’il met fin à l’indivision et opère une répartition irrévocable des biens.

A titre d’illustration, les conventions d’indivision temporaire conclues entre les indivisaires, qui visent à organiser l’exploitation des biens pour une durée déterminée, n’entraînent aucune modification des droits de propriété des parties. Ces conventions permettent uniquement de fixer les modalités d’usage des biens, sans véritablement réaliser l’attribution de droits réels.

À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 octobre 2004 (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n° 03-12.968) illustre parfaitement la distinction entre un véritable partage et un simple aménagement conventionnel. En l’espèce, il s’agissait d’une cession de droits indivis sur un fonds de commerce, incluant un droit au bail, opérée entre deux coïndivisaires preneurs. Les bailleurs prétendaient que cette cession constituait une mutation soumise aux formalités prévues par le contrat de bail, à savoir l’exigence d’un accord exprès du bailleur.

Or, la Cour de cassation a rejeté cet argument, en affirmant que tout acte mettant fin à une indivision est un partage. En l’espèce, la cession de droits indivis réalisée entre coïndivisaires ne constituait pas une mutation ordinaire mais bien un partage, bénéficiant de l’effet déclaratif prévu par l’article 883 du Code civil. Par conséquent, le copartageant attributaire des droits cédés était censé en être propriétaire depuis l’origine de l’indivision, et les formalités de cession exigées par le contrat de bail n’étaient pas applicables.

Cet arrêt vient ainsi rappeler que l’effet déclaratif ne peut être reconnu qu’aux actes mettant un terme définitif à l’indivision. En revanche, les conventions d’indivision temporaire, qui organisent simplement l’usage des biens indivis, restent en dehors de ce régime. Elles ne modifient en rien les droits des indivisaires et ne peuvent être assimilées à un partage, qu’il soit amiable ou judiciaire.

L’exclusion de l’effet déclaratif a également des conséquences en matière fiscale. Contrairement à un partage définitif, qui entraîne une individualisation des droits et peut générer des conséquences fiscales spécifiques (droits de partage, taxation des soultes, etc.), le partage provisionnel est neutre fiscalement. Puisqu’il ne modifie pas les droits de propriété, il n’est pas assimilé à une mutation et ne déclenche donc pas d’imposition comme le ferait un partage définitif (V. CGI, art. 747 et 748, sur la taxation des partages définitifs).

Un autre corollaire de l’exclusion de l’effet déclaratif concerne les sûretés. Lorsqu’un indivisaire obtient un bien dans le cadre d’un partage définitif, les droits réels attachés au bien sont maintenus et les hypothèques, par exemple, suivent l’attributaire du bien. En revanche, dans un partage provisionnel, les créanciers ne peuvent se prévaloir d’une fixation définitive des droits de chaque indivisaire, ce qui leur interdit de revendiquer une hypothèque sur un bien qui aurait été temporairement attribué à un indivisaire.

De même, un indivisaire ne peut constituer une sûreté sur un bien qu’il détient à titre provisoire dans le cadre d’un partage provisionnel, puisque son droit d’usage n’implique pas un droit patrimonial définitif.

2. La licitation

L’opération de licitation, consistant à mettre aux enchères un bien indivis, constitue un mode de sortie de l’indivision dont les effets varient selon la qualité de l’adjudicataire. Lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation produit un effet déclaratif, assimilable à une attribution classique dans un partage. En revanche, lorsque l’adjudication intervient au profit d’un tiers étranger à l’indivision, l’effet est translatisif, et l’opération est juridiquement assimilée à une vente.

a. La licitation au profit d’un indivisaire

L’article 883, alinéa 1er, du Code civil énoncé expressément le principe selon lequel un bien indivis adjugé à un coïndivisaire est réputé lui avoir toujours appartenu. La licitation au profit d’un indivisaire n’est donc pas une vente ordinaire : elle s’apparente à un partage et produit, à ce titre, un effet déclaratif.

Autrement dit, l’indivisaire adjudicataire est censé avoir toujours détenu le bien à titre exclusif, tandis que les autres indivisaires sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur celui-ci, mais seulement sur la somme qui leur revient en contrepartie (Cass. 1re civ., 26 févr. 1975, n°73-10.146).

L’effet déclaratif attaché à la licitation s’impose indépendamment des circonstances entourant son déroulement.

Ainsi :

  • Peu importe que l’adjudication soit amiable ou judiciaire : la licitation peut résulter d’un accord entre indivisaires ou être imposée par justice à la demande d’un créancier ou d’un indivisaire souhaitant sortir de l’indivision (Cass. req., 22 févr. 1881).
  • Peu importe que les enchères soient libres ou encadrées : l’effet déclaratif demeure inchangé, la licitation n’étant qu’un moyen d’évaluer la valeur du bien attribué au copartageant adjudicataire.
  • Peu importe la situation de l’adjudicataire : qu’il soit héritier pur et simple ou acceptant à concurrence de l’actif net, la licitation produit le même effet déclaratif (Cass. civ., 12 août 1839).

L’effet déclaratif trouve sa justification dans la nature même de la licitation au profit d’un indivisaire. En attribuant le bien licité à l’adjudicataire, l’opération produit un résultat identique à celui d’un partage ordinaire : elle met fin à l’indivision sur le bien concerné et attribue à chaque indivisaire une contrepartie équivalente à ses droits. Dès lors, la licitation, quelle qu’en soit la modalité, est traitée comme un partage avec soulte (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830).

Dans ce schéma, l’indivisaire adjudicataire conserve les droits réels qu’il a pu constituer sur le bien licité avant l’opération. En revanche, les droits réels constitués par les autres indivisaires, désormais privés de tout droit sur le bien, sont réputés n’avoir jamais existé. C

L’assimilation à un partage de la licitation opérée au profit d’un copartageant n’est pas sans incidences en matière de sûretés :

  • Les droits réels constitués sur l’immeuble par l’adjudicataire demeurent valables, puisqu’il est censé en avoir toujours été propriétaire (Cass. 1re civ., 26 avr. 1955).
  • En revanche, ceux établis par les indivisaires ayant reçu le prix de licitation tombent rétroactivement, car ils sont réputés n’avoir jamais eu de droits sur le bien.

Un cas particulier mérite d’être envisagé : celui de la licitation assortie d’une clause d’attribution. Cette clause, fréquemment insérée dans les cahiers des charges des ventes judiciaires, prévoit que si l’adjudicataire est un coïndivisaire, il ne sera pas immédiatement déclaré propriétaire du bien, mais celui-ci lui sera attribué lors du partage définitif.

À la différence d’une licitation ordinaire, cette stipulation empêche l’effet déclaratif de se produire immédiatement. Le bien demeure indivis jusqu’au partage, et l’adjudicataire ne peut ni en disposer librement, ni s’opposer à l’exercice des droits des autres indivisaires sur celui-ci (Cass. 1re civ., 4 mai 1983, n° 82-11.928). En conséquence, toute cession réalisée par l’adjudicataire avant le partage est inopposable aux autres indivisaires, qui conservent leur droit de regard sur le bien.

Ce mécanisme a également des implications en matière de lésion. Contrairement à un partage ordinaire, qui ouvre droit à une action en complément de part, une licitation avec clause d’attribution ne peut être contestée pour cause de lésion qu’au moment du partage définitif (Cass. 1re civ., 3 juin 1997, n°94-21.387).

Toutefois, l’effet déclaratif redevient pleinement opérant dès lors que la clause est exécutée, c’est-à-dire lorsque l’attributaire du bien règle le prix aux autres indivisaires et entre en possession du bien. Dans ce cas, l’opération est assimilée à un partage partiel, et l’adjudicataire est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif du bien (Cass. 1re civ., 21 févr. 1989, n° 87-16.287).

Enfin, le prix versé par l’adjudicataire aux autres indivisaires n’est pas une simple contrepartie financière : il prend la nature d’une soulte. Dès lors, il est soumis aux règles applicables aux créances issues d’un partage, notamment en matière de revalorisation (Cass. 1re civ., 14 mai 2014, n° 13-10.830). Si le paiement du prix est différé, la somme due aux coïndivisaires subit les ajustements prévus par l’article 828 du Code civil.

En outre, cette créance ne peut être assimilée à un bien indivis, de sorte que les sûretés prises sur l’immeuble par les coïndivisaires non adjudicataires tombent, tandis que celles constituées par l’adjudicataire sont maintenues. Cette solution découle de la nature même de l’effet déclaratif, qui opère une reconstitution rétroactive des droits de propriété (Cass. civ., 26 avr. 1955).

b. La licitation au profit d’un tiers

Lorsqu’un bien indivis est adjugé à un tiers étranger à l’indivision, la licitation perd son effet déclaratif et revêt la nature d’une vente classique. Contrairement à la licitation au profit d’un indivisaire, qui s’analyse comme un partage partiel avec rétroactivité, la licitation à un tiers opère un transfert de propriété entre les indivisaires et l’adjudicataire, conformément aux règles ordinaires de la vente (Cass. civ., 14 mars 1950).

Ce changement de qualification emporte des conséquences majeures sur les droits et obligations des parties, notamment en matière de garanties, d’enregistrement et d’opposabilité aux tiers.

En premier lieu, l’adjudication réalisée au profit d’un tiers entraîne un transfert immédiat de propriété. Dès l’adjudication, le bien quitte le patrimoine indivis pour entrer dans celui de l’acquéreur. Ce transfert doit être publié au service de la publicité foncière afin d’être opposable aux tiers, conformément aux règles applicables aux mutations immobilières (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28 et 30).

En conséquence :

  • L’adjudicataire acquiert le bien directement des coïndivisaires, et non par transmission successorale (Cass. civ., 7 juin 1899).
  • L’acte doit être publié pour être opposable aux tiers et garantir l’efficacité du transfert (Cass. civ., 14 mars 1950).
  • Les droits des créanciers inscrits sur le bien sont maintenus, mais peuvent faire l’objet d’une purge par l’adjudicataire (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Dès lors que la licitation a un effet translatif, elle échappe à la rétroactivité attachée au partage. L’adjudicataire est un acquéreur ordinaire, qui achète un bien aux indivisaires sans bénéficier des prérogatives d’un héritier (Cass. civ., 14 mars 1950). À ce titre, il peut purger les hypothèques inscrites sur le bien, sans avoir à se soucier de leur éventuelle disparition par effet déclaratif (Cass. civ., 2 juill. 1925).

En deuxième lieu, dans le cadre d’une licitation à un tiers, les indivisaires sont tenus aux obligations ordinaires des vendeurs. À ce titre, ils doivent garantir à l’adjudicataire :

  • La garantie d’éviction et des vices cachés (Cass. soc., 19 févr. 1959). L’acquéreur doit être protégé contre toute revendication ultérieure portant atteinte à sa propriété, ainsi que contre les défauts cachés du bien.
  • L’obligation de délivrance conforme, qui impose aux indivisaires de remettre le bien dans l’état convenu lors de l’adjudication.
  • L’obligation de paiement du prix, l’adjudicataire pouvant être poursuivi en cas de non-paiement par une action en résolution de la vente (art. 1654 C. civ.).

La licitation au profit d’un tiers étant une vente et non un partage, elle est soumise à la rescision pour lésion de plus de sept douzièmes (art. 1674 C. civ.), qui permet à un vendeur de demander l’annulation de la vente si le prix est manifestement insuffisant. En revanche, l’adjudication ne peut être contestée sur le fondement de l’action en complément de part prévue en matière de partage (art. 889 C. civ.).

En troisième lieu, bien que la licitation emporte un effet translatif vis-à-vis de l’adjudicataire, elle conserve dans les rapports entre coïndivisaires la nature d’une opération préliminaire au partage. Ce n’est pas la licitation elle-même qui opère le partage, mais la répartition ultérieure du prix d’adjudication entre les indivisaires (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907).

En d’autres termes :

  • Le bien indivis est vendu, mais la créance du prix de vente remplace l’immeuble dans la masse successorale.
  • Ce n’est qu’au moment du partage du prix que s’applique l’effet déclaratif : l’indivisaire auquel est attribué tout ou partie du prix est réputé avoir toujours détenu cette somme à titre exclusif.
  • Les sûretés constituées sur le bien avant la licitation continuent d’exister sur la créance du prix, sauf purge exercée par l’acquéreur (Cass. civ., 2 juill. 1925).

Cette situation emportent des conséquences en matière d’hypothèques:

  • Si un indivisaire a hypothéqué sa part dans le bien indivis avant la licitation, son créancier pourra exercer son droit de préférence sur sa quote-part dans la créance d’adjudication.
  • Si l’effet déclaratif était appliqué directement à la licitation, le prix aurait été attribué à un seul coïndivisaire, faisant disparaître rétroactivement les droits des autres indivisaires, ce qui aurait lésé les créanciers (Cass. civ., 14 déc. 1887).

La jurisprudence a donc précisé que l’effet déclaratif ne peut s’appliquer qu’au moment du partage du prix et non au moment de la vente du bien (Cass., ch. réun., 5 déc. 1907). Cela signifie que, jusqu’au partage, chaque indivisaire conserve un droit indivis sur la créance du prix de vente, et peut demander sa quote-part avant que l’attribution finale ne soit fixée.

En dernier lieu, lorsque la licitation est réalisée au profit d’un indivisaire et d’un tiers, les effets de l’adjudication sont partagés entre ces deux logiques :

  • Pour la part attribuée à l’indivisaire, l’effet déclaratif s’applique : il est réputé avoir toujours détenu sa part du bien.
  • Pour la part attribuée au tiers, l’effet translatif s’impose : il acquiert la propriété du bien par l’effet d’un transfert ordinaire de droits réels (Cass. civ., 23 juill. 1912).

Ce système peut soulever des difficultés pratiques, notamment en matière de garanties. La Cour de cassation a ainsi précisé que l’hypothèque légale du vendeur, prise par les coïndivisaires pour garantir le paiement du prix de licitation, n’est pas opposable aux créanciers personnels de l’héritier adjudicataire (Cass. civ., 23 juill. 1912).

3. Les autres actes mettant fin à l’indivision

L’effet déclaratif du partage ne s’attache pas exclusivement aux opérations qualifiées de partage stricto sensu. Il s’étend à tout acte ayant pour conséquence de mettre un terme à l’indivision, dès lors que celui-ci aboutit à l’allotissement d’un indivisaire. Issu de la loi du 31 juillet 1976 l’article 883, alinéa 2, du Code civil confère explicitement un effet déclaratif à “tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision”. Ainsi, au-delà du partage et de la licitation, plusieurs opérations peuvent revêtir ce caractère.

a. Les cessions de droits indivis entre indivisaires

i. Principe

La cession de droits indivis entre coïndivisaires a toujours été assimilée à une opération de partage, dès lors qu’elle met fin à l’indivision en ce qui concerne le cédant. Dès le XIXe siècle, la jurisprudence a reconnu que de telles cessions devaient bénéficier de l’effet déclaratif (Req. 3 mars 1807). Cette assimilation repose sur la logique même du partage : l’indivisaire cessionnaire est réputé avoir toujours été seul propriétaire des droits cédés, tandis que le cédant est censé avoir toujours détenu, en contrepartie, la somme perçue en paiement.

L’analogie avec le partage est encore plus évidente lorsque la cession est effectuée à titre onéreux. Dans ce cas, elle aboutit à un allotissement semblable à celui réalisé par une licitation ou un partage avec soulte. Le cessionnaire reçoit la part indivise du cédant en échange d’une somme d’argent, ce qui s’analyse à une opération de liquidation de l’indivision. Pour cette raison, la jurisprudence considère que l’effet déclaratif a pleinement vocation à jouer pour ces opérations (Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-13.267).

Cependant, l’application de l’effet déclaratif suppose que la cession porte bien sur des droits indivis. Si les droits cédés ne sont pas indivis, l’effet déclaratif ne peut être invoqué. Ainsi, lorsqu’un usufruitier cède ses droits aux nus-propriétaires, alors même qu’aucune indivision n’existe entre eux, la cession est une simple mutation patrimoniale et ne saurait être assimilée à un partage (Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n°85-10.780).

ii. Exceptions

Bien que la cession de droits indivis entre coïndivisaires bénéficie en principe de l’effet déclaratif, certaines situations échappent à cette règle.

==>L’exclusion des cessions à titre gratuit

La jurisprudence refuse de reconnaître un effet déclaratif aux cessions de droits indivis réalisées à titre gratuit. La raison en est simple : l’absence de contrepartie prive l’opération de la logique d’allotissement inhérente au partage.

Contrairement à une licitation ou à un partage avec soulte, où les indivisaires bénéficient d’une compensation en valeur, une donation entraîne une transmission patrimoniale unilatérale, sans redistribution équitable des droits successoraux. Dès lors, elle est considérée comme une mutation translative et non comme un partage.

==>La cession à un tiers

Autre exception notable, la cession de droits indivis à un tiers ne produit pas d’effet déclaratif dans les rapports entre les indivisaires et l’acquéreur. Une telle opération revêt la nature d’une véritable vente et non d’un partage.

L’acquéreur, étant étranger à l’indivision, n’est pas réputé avoir toujours été propriétaire des droits cédés. Toutefois, l’effet déclaratif peut s’appliquer entre les indivisaires eux-mêmes, sous réserve que le prix de la cession soit réparti entre eux selon leurs droits respectifs.

Dans cette hypothèse, la cession amiable d’un bien indivis à un tiers est assimilée à une licitation dans ses effets entre les coïndivisaires, mais elle conserve un effet translatif vis-à-vis de l’acquéreur (Cass. civ. 7 févr. 1949).

b. La vente amiable d’un bien indivis à un coïndivisaire

La vente d’un bien indivis à l’un des coïndivisaires, réalisée avec l’accord de l’ensemble des indivisaires, constitue une illustration notable de l’extension de l’effet déclaratif. Bien qu’elle prenne la forme d’une vente, cette opération est assimilée à un partage en raison de son résultat : l’indivisaire acquéreur devient pleinement propriétaire du bien, tandis que les autres indivisaires perçoivent une somme d’argent en contrepartie de leur renonciation à leurs droits indivis.

Ainsi, dans sa finalité, cette vente équivaut à une attribution dans le cadre d’un partage avec soulte. Par conséquent, elle doit être traitée comme un partage et bénéficie de l’effet déclaratif. Cela signifie que l’indivisaire acquéreur est réputé avoir toujours été propriétaire du bien, tandis que le prix payé aux autres indivisaires est assimilé à une soulte destinée à compenser la perte de leurs droits sur le bien vendu.

Cette analyse est d’autant plus justifiée lorsque l’acquéreur rachète l’intégralité des droits indivis portant sur un bien déterminé. Dans ce cas, l’indivision prend fin pour ce bien, ce qui justifie pleinement l’application de l’effet déclaratif. L’indivisaire acquéreur est alors censé en avoir toujours été le seul propriétaire, comme si ce bien lui avait été attribué lors d’un partage formel.

Cette approche, consacrée par la jurisprudence, a été renforcée par l’article 883 du Code civil dans sa rédaction issue de la réforme de 1976. Le texte n’exige plus que l’opération mette fin à l’ensemble de l’indivision, mais uniquement à celle portant sur le bien concerné. Ainsi, l’effet déclaratif s’applique même si d’autres biens indivis subsistent dans la masse successorale.

c. L’application de l’effet déclaratif aux actes partiels et aux conversions de droits

Avant la réforme de 1976, l’effet déclaratif du partage était strictement encadré. Il ne s’appliquait qu’aux actes mettant définitivement fin à l’indivision dans son ensemble et exigeait la participation de tous les indivisaires. Cette approche rigide a été vivement critiquée par la doctrine, qui estimait injustifié de refuser l’effet déclaratif à des actes ayant précisément pour objet de substituer des droits privatifs à une appropriation collective.

La réforme entreprise par la loi du 31 décembre 1976 a profondément modifié cette approche en supprimant l’exigence d’une extinction totale de l’indivision. Désormais, un acte peut bénéficier de l’effet déclaratif dès lors qu’il met fin à l’indivision sur certains biens ou entre certains indivisaires. Il en résulte que même un partage partiel, c’est-à-dire un partage ne portant que sur une partie des biens indivis, est aujourd’hui doté de l’effet déclaratif. Il en va de même lorsqu’un indivisaire rachète les parts de ses coïndivisaires sur un bien spécifique : dans ce cas, l’indivision prend fin uniquement sur ce bien, mais l’effet déclaratif s’applique tout de même.

La reconnaissance de l’effet déclaratif s’étend également aux actes mettant fin à l’indivision entre un usufruitier et un nu-propriétaire. Tel est le cas lorsque l’usufruit est converti en rente viagère, opération qui transforme la jouissance temporaire du bien en un droit patrimonial d’une autre nature. La jurisprudence considère désormais qu’une telle conversion est assimilable à un partage et doit donc bénéficier de l’effet déclaratif.

De la même manière, la conversion d’un usufruit en pleine propriété est traitée comme une opération de partage. Elle ne se limite pas à une simple modification du mode de détention du bien, mais entraîne une véritable mutation juridique, justifiant l’application de l’effet déclaratif. L’usufruitier converti en propriétaire est ainsi réputé l’avoir toujours été, et les droits éventuels qu’il avait pu consentir en tant qu’usufruitier s’éteignent rétroactivement.

B) Domaine quant aux biens

L’effet déclaratif du partage et des actes qui lui sont assimilés embrasse une large catégorie de biens, qu’ils soient corporels ou incorporels. Il s’applique aux biens qui étaient inclus dans l’indivision et à ceux qui, par subrogation, leur sont substitués. Cependant, certaines difficultés d’application se sont posées, notamment en ce qui concerne les créances héréditaires, les créances issues de la licitation d’un bien indivis et les créances relevant d’indivisions autres que successorales.

1. L’application générale de l’effet déclaratif aux biens de l’indivision

L’effet déclaratif du partage, tel que consacré par l’article 883 du Code civil, ne distingue ni la nature ni la qualification juridique des biens concernés. Il s’étend indistinctement aux meubles et immeubles, ainsi qu’aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient fait partie de l’indivision et qu’ils aient fait l’objet d’un partage, d’une licitation ou de tout acte ayant mis fin à l’indivision. Cette règle, qui découle directement du principe selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont échus, a été largement consacrée tant par la doctrine que par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 mars 1981, n°79-14.083). Toutefois, certaines limitations, tenant soit à la nature spécifique des biens, soit à des dispositions légales particulières, méritent d’être relevées.

a. L’application indifférenciée aux biens corporels et incorporels

Le domaine de l’effet déclaratif couvre l’ensemble des biens indivis, qu’ils soient corporels ou incorporels, dès lors qu’ils font l’objet d’un partage ou d’une licitation. La loi ne distingue pas entre les catégories de biens et consacre ainsi une application uniforme de cette règle, quelle que soit leur nature.

==>Les biens corporels

L’article 883 du Code civil trouve à s’appliquer aux biens corporels, qu’ils soient meubles ou immeubles. Ainsi, les immeubles faisant partie de l’indivision et attribués à un copartageant lors du partage sont réputés lui avoir toujours appartenu. Ce principe s’applique également aux meubles indivis, qui sont également soumis à l’effet déclaratif. La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler ce caractère indifférencié de l’effet déclaratif en précisant que tout bien corporel intégré à un partage doit être considéré comme ayant toujours appartenu à son attributaire dès l’origine (Cass. 1re civ., 6 nov. 1967).

==>Les biens incorporels

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux seuls biens matériels. Il s’étend également aux biens incorporels, pourvu qu’ils aient été inclus dans l’indivision et attribués à un copartageant. Cette extension a notamment été consacrée par la jurisprudence en matière de fonds de commerce où il a été jugé que l’attribution d’un fonds indivis à un coindivisaire lors du partage entraîne l’effet déclaratif, le rendant rétroactivement propriétaire exclusif du fonds.

Dans le même esprit, la doctrine considère que l’effet déclaratif couvre également les créances dépendant d’une indivision, dans la mesure où celles-ci constituent un élément du patrimoine indivis (Cass. req., 7 août 1860). Cependant, cette application aux créances n’a pas toujours été admise sans réserve, et certaines décisions ont pu restreindre son champ en fonction de la nature des créances concernées (V. ci-après).

b. Les limites de l’effet déclaratif : exceptions et restrictions

Si l’effet déclaratif du partage présente un caractère général, certaines restrictions s’imposent en raison soit de la nature des biens concernés, soit de dispositions légales spécifiques qui viennent limiter son application.

==>L’exclusion des fruits et revenus des biens indivis

Un premier tempérament réside dans l’exclusion des fruits et revenus produits par les biens indivis avant le partage. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits ne sont pas soumis à l’effet déclaratif et restent la propriété des indivisaires en proportion de leurs droits sur l’indivision. La Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’effet déclaratif du partage ne s’applique pas aux fruits et revenus perçus avant la cessation de l’indivision et a censuré une décision qui avait attribué à certains copartageants la totalité des fermages échus avant le partage, au motif qu’ils étaient devenus propriétaires des biens loués (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031)).

Dans cette affaire, un bien indivis donné à bail rural avant le partage avait généré des fermages dont les attributaires du bien avaient revendiqué la perception exclusive, en se prévalant de l’effet déclaratif du partage. La cour d’appel avait accueilli cette demande, considérant que l’attribution du bien leur conférait rétroactivement la qualité de propriétaires exclusifs et les habilitait à percevoir seuls les loyers dus pour les périodes antérieures au partage. La Cour de cassation a censuré cette analyse en rappelant que l’effet déclaratif ne saurait conférer rétroactivement à un indivisaire l’exclusivité des fruits et revenus produits avant la fin de l’indivision. Ces revenus conservent leur caractère indivis jusqu’au partage et doivent être répartis entre tous les indivisaires en fonction de leurs droits respectifs.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a généré des revenus avant son attribution à un copartageant, ces produits ne peuvent être réputés lui avoir toujours appartenu. Ils doivent être partagés entre tous les indivisaires, proportionnellement à leurs quotes-parts, sans que le partage ne puisse produire un effet rétroactif sur leur répartition.

==>L’exclusion légale de certains biens spécifiques

Certaines catégories de biens échappent à l’application de l’article 883 du Code civil en raison de dispositions législatives particulières. Tel est le cas, par exemple, en matière de brevets d’invention. L’article L. 613-30 du Code de la propriété intellectuelle exclut expressément l’application de l’effet déclaratif aux situations de copropriété d’un brevet ou d’une demande de brevet, en instaurant un régime spécifique à la matière. Cette disposition traduit la volonté du législateur de soumettre la gestion des brevets à un régime plus strict, distinct de celui du droit commun de l’indivision.

D’autres domaines spécifiques peuvent également donner lieu à des exceptions, en fonction des règles particulières qui leur sont applicables. Il conviendra donc, avant d’invoquer l’effet déclaratif, de s’assurer que la législation propre à chaque type de bien ne prévoit pas de disposition dérogatoire.

==>La prise en compte des soultes et compensations

Si l’effet déclaratif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus, il s’applique en revanche aux soultes versées entre copartageants. Une soulte, qui constitue une somme versée en compensation d’un lot excédentaire, est réputée avoir toujours appartenu à son bénéficiaire. Cette règle a été posée dès le XIX? siècle par la Cour de cassation, qui a admis que même une soulte versée sur les deniers propres de l’un des copartageants bénéficie de l’effet déclaratif (Cass. req., 7 août 1860).

Ainsi, si un indivisaire reçoit un bien d’une valeur supérieure à sa quote-part et qu’il compense cette inégalité par le versement d’une soulte à un autre copartageant, cette soulte est réputée avoir toujours fait partie du patrimoine de son bénéficiaire. Ce principe vise à garantir la cohérence de l’effet déclaratif et à éviter que le partage ne soit requalifié en opération translative.

2. Cas particuliers

a. Les créances héréditaires

La question de l’application de l’effet déclaratif du partage aux créances héréditaires a longtemps divisé doctrine et jurisprudence, en raison de l’apparente contradiction entre deux règles fondamentales du droit successoral. D’un côté, l’article 1309 du Code civil (ancien article 1220) prévoit que les créances successorales se divisent de plein droit entre les cohéritiers en proportion de leur part dans la succession. De l’autre, l’article 883 du même code instaure un effet déclaratif du partage, selon lequel chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire exclusif des biens qui lui sont attribués.

À l’origine, la jurisprudence appliquait strictement l’article 1309 et considérait que les créances successorales étaient divisées entre les héritiers dès l’ouverture de la succession, les excluant ainsi de l’indivision et du champ d’application de l’effet déclaratif (Cass. req., 23 févr. 1864). Cette approche signifiait que chaque cohéritier pouvait revendiquer immédiatement sa part individuelle sur la créance et l’exercer indépendamment des autres. Le débiteur de la succession pouvait également opposer la compensation à hauteur de la part de chaque héritier (Cass. req., 9 nov. 1847).

Toutefois, cette position s’est révélée insatisfaisante, car elle privait l’effet déclaratif du partage d’une grande partie de sa portée en ce qui concerne les créances. Un héritier pouvait, avant le partage, céder ou faire saisir sa quote-part de créance, ce qui compromettait l’égalité entre les copartageants. La jurisprudence a donc progressivement évolué vers une application distributive des deux articles, aboutissant à la célèbre décision des chambres réunies de la Cour de cassation dans l’arrêt Chollet contre Dumoulin du 5 décembre 1907 (Cass. ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cet arrêt opère une distinction selon le moment où l’on se place. Avant le partage, l’article 1309 s’applique dans les rapports entre les héritiers et les débiteurs successoraux. Chaque héritier peut alors exercer sa part de la créance, et le débiteur peut se libérer en réglant chaque cohéritier individuellement. Il peut également opposer une compensation pour toute dette qu’il détient à l’égard d’un héritier, sans que cette compensation puisse être remise en cause par le partage ultérieur (Cass. req., 25 févr. 1864). Cette solution repose sur la double nature du droit de créance : il est à la fois un lien de droit (vinculum juris) entre le créancier et le débiteur, et un bien faisant partie du patrimoine du créancier.

Une fois le partage consommé, l’article 883 prend le pas et s’applique exclusivement dans les rapports entre cohéritiers. La créance indivise est alors attribuée en totalité à un copartageant, qui est réputé l’avoir toujours possédée en exclusivité. Dès lors, les actes accomplis par d’autres indivisaires sur cette créance deviennent inopposables à son attributaire, sauf s’ils ont été régulièrement exécutés avant le partage (Cass. req., 13 janv. 1909). Ainsi, un cohéritier ne peut plus, après le partage, revendiquer une part sur une créance qui a été attribuée à un autre. Il en va de même pour une cession de créance consentie par un indivisaire seul avant le partage : elle est inopposable à l’attributaire final de la créance (Cass. req., 2 juin 1908).

Cette articulation entre les deux articles permet d’assurer un équilibre entre les droits des cohéritiers et les exigences de sécurité juridique. L’article 1309 garantit que chaque héritier puisse faire valoir ses droits sur les créances successorales tant que l’indivision subsiste, sans être tributaire de l’inaction des autres indivisaires. En revanche, une fois le partage réalisé, l’effet déclaratif de l’article 883 permet d’éviter que des actes de disposition antérieurs ne viennent compromettre l’égalité entre copartageants. Cette solution est aujourd’hui largement admise par la doctrine.

b. L’effet déclaratif sur la créance du prix d’adjudication d’un bien indivis

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux biens matériels présents dans l’indivision. Il s’étend également aux créances qui en sont issues, notamment la créance résultant du prix d’adjudication d’un immeuble indivis vendu par licitation à un tiers. Dans ce cas, l’adjudication équivaut à une vente, et l’immeuble licité cesse de faire partie de l’indivision, tandis que la créance de prix qu’il génère vient s’y substituer et entre dans l’actif successoral à partager. Une fois le partage réalisé, cette créance peut être répartie entre tous les copartageants, ou bien être attribuée en totalité à l’un d’eux.

Une question essentielle a été soulevée quant à la portée de l’effet déclaratif dans ce contexte : l’attributaire de la créance doit-il être considéré comme ayant été le seul propriétaire du bien depuis son entrée dans l’indivision, et donc comme étant le seul vendeur au regard des tiers, ou bien tous les indivisaires doivent-ils être regardés comme ayant participé à la vente ? L’enjeu de la réponse à cette question est fondamental, car il touche au sort des droits réels que certains indivisaires auraient pu consentir sur l’immeuble avant la licitation. En effet, si seul l’attributaire final de la créance est réputé rétroactivement propriétaire, les droits réels accordés par d’autres indivisaires avant la licitation pourraient être anéantis. À l’inverse, si tous les indivisaires sont considérés comme ayant participé à la vente, ces droits réels devraient être reportés sur leur part du prix d’adjudication.

Initialement, la Cour de cassation avait retenu une interprétation stricte de l’effet déclaratif, en considérant que seul l’attributaire de la créance devait être regardé comme ayant été propriétaire du bien et donc comme ayant procédé à la vente (Cass. civ., 18 juin 1834). Cette solution conduisait à l’anéantissement des droits réels constitués par d’autres indivisaires sur l’immeuble licité. Toutefois, cette position a été abandonnée au profit d’une approche fondée sur la subrogation réelle. Désormais, la créance du prix d’adjudication est assimilée au bien vendu, et l’effet déclaratif du partage ne remet pas en cause les sûretés qui ont pu être constituées sur l’immeuble pendant l’indivision (Cass. civ., 21 juin 1904). Il en résulte que si un indivisaire a hypothéqué l’immeuble avant la licitation, cette hypothèque ne disparaît pas avec la vente, mais est reportée sur la part du prix d’adjudication qui lui revient dans le partage.

L’arrêt Chollet contre Dumoulin, rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 5 décembre 1907, a consacré cette évolution en affirmant que, si la licitation doit être considérée comme une vente à l’égard de l’adjudicataire lorsqu’il est un tiers, elle constitue dans les rapports entre cohéritiers une simple opération préparatoire au partage. Dès lors, la créance du prix d’adjudication est soumise aux mêmes règles que l’immeuble qu’elle remplace. Ainsi, si un héritier est tenu à un rapport en moins prenant et que la créance du prix est attribuée à ses cohéritiers en compensation du rapport dû, cet héritier est réputé n’avoir jamais eu de droit sur cette créance. Il en découle que ses créanciers personnels ne peuvent exercer de droit de préférence sur le prix d’adjudication, puisqu’ils ne disposent pas de plus de droits que leur débiteur dans la masse successorale (Cass., ch. réunies, 5 déc. 1907).

Cette solution se justifie par la combinaison de l’effet déclaratif du partage et du principe de la subrogation réelle. En effet, dès lors que l’immeuble est remplacé par une créance de prix, il est logique que toute sûreté constituée sur ce bien soit reportée sur la somme d’argent qui lui succède. Cette position a été confirmée par la jurisprudence moderne, qui admet que l’hypothèque consentie sur un bien indivis par un indivisaire seul est reportée, en cas de vente, sur la fraction du prix qui lui est attribuée dans le partage (Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-10.331).

L’admission de la subrogation réelle atténue ainsi la portée absolue de la rétroactivité du partage. En effet, bien que l’article 883 du Code civil établisse une présomption selon laquelle chaque copartageant est réputé avoir toujours été propriétaire des biens de son lot, la prise en compte de la situation de la masse indivise au jour du partage permet de préserver les droits des tiers ayant acquis des garanties sur ces biens avant leur attribution définitive.

c. L’extension de l’effet déclaratif aux créances issues d’indivisions non successorales

L’effet déclaratif du partage ne se limite pas aux successions. Il s’étend aux créances issues d’autres formes d’indivision, notamment l’indivision post-communautaire. Dans ce cadre, la jurisprudence a longtemps refusé d’appliquer l’article 1309 du Code civil, considérant que tant que la communauté n’était pas liquidée, les créances communes ne pouvaient être divisées entre les époux (Cass. req., 18 oct. 1893). Toutefois, cette position a évolué, et il est désormais admis que chaque époux peut réclamer sa part de créance sans attendre le partage. Dans un arrêt du 10 février 1981, la Cour de cassation a, en effet, jugé que, dès la dissolution de la communauté, chacun des époux est investi d’un droit personnel sur les valeurs qui en dépendent et peut, à ce titre, demander individuellement le règlement de sa quote-part dans les créances communes (Cass. 1re civ., 10 févr. 1981, n° 79-12.765).

Dans cette affaire, à l’occasion de la liquidation d’une communauté dissoute par divorce, l’une des parties revendiquait le droit d’agir seule en recouvrement de créances qui avaient appartenu à la communauté. Son ancien conjoint contestait cette possibilité, soutenant que tant que la liquidation n’avait pas été achevée, les droits de chacun des époux restaient incertains, excluant ainsi toute division automatique des créances. La Cour d’appel avait néanmoins condamné le débiteur des créances litigieuses à verser directement à l’épouse sa part correspondant à la moitié du montant dû, au motif qu’elle détenait des droits sur les valeurs de la communauté.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette approche, énonçant que la dissolution de la communauté confère immédiatement à chacun des époux un titre leur permettant de réclamer leur part des créances communes, sans attendre le partage. Ce faisant, la Haute juridiction a admis que la créance, bien qu’encore incluse dans la masse indivise au stade de la liquidation, pouvait être partiellement mobilisée par chacun des ex-époux, consacrant ainsi une autonomie certaine dans l’exercice des droits patrimoniaux post-communautaires.

Par cette décision, la Cour de cassation a confirmé que la dissolution de la communauté entraîne la division des créances entre les époux et leur permet d’en revendiquer le paiement, indépendamment de l’achèvement de la liquidation et du partage.

Cette reconnaissance d’un droit propre à chaque indivisaire sur une créance dès la dissolution ne remet toutefois pas en cause l’application du principe de l’effet déclaratif du partage. Si, dans leurs rapports avec les tiers, les indivisaires peuvent faire valoir leur part de créance indépendamment du partage, il en va différemment dans les relations internes à l’indivision. En effet, une fois le partage intervenu, l’attribution d’une créance à un indivisaire emporte l’effet rétroactif prévu par l’article 883 du Code civil, impliquant qu’il est réputé l’avoir toujours détenue. Cette conséquence, qui marque une rupture avec la logique de division immédiate des créances, permet de garantir la stabilité des attributions patrimoniales et d’uniformiser le régime des créances successorales et post-communautaires.

Dans les rapports entre indivisaires, ces créances sont ainsi soumises à l’article 883 du Code civil et bénéficient de l’effet déclaratif. Un indivisaire qui se voit attribuer une créance dans le partage est réputé en avoir été le titulaire exclusif depuis l’origine, ce qui a pour effet de priver ses coïndivisaires de tout droit rétroactif sur celle-ci. En conséquence, les actes de disposition accomplis avant le partage par un autre indivisaire sur la créance, tels qu’une cession ou une saisie, peuvent lui être inopposables (Cass. req., 2 juin 1908).

III) Les conséquences de l’effet déclaratif

Le partage judiciaire, loin d’être une simple opération de répartition des biens indivis, constitue un acte aux conséquences juridiques majeures. Parmi celles-ci, l’effet rétroactif du partage occupe une place centrale, traduisant la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus. Cette rétroactivité, bien que fondamentale, ne s’exerce toutefois pas de manière absolue : elle se heurte à des limites destinées à garantir la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

Ainsi, si l’effet rétroactif du partage peut anéantir certains actes passés par les indivisaires avant la répartition définitive des biens, il peut aussi, à l’inverse, en confirmer la validité, selon que ces actes sont ou non conformes aux attributions résultant du partage. Cette dualité se reflète tant dans les rapports entre les copartageants eux-mêmes que dans leurs relations avec les tiers. Dès lors, il convient d’analyser les implications de cet effet rétroactif, en mettant en lumière ses principes fondamentaux, ses limites et les solutions dégagées par la jurisprudence afin d’assurer un équilibre entre la logique déclarative du partage et les impératifs de préservation des droits acquis.

A) Conséquences générales

1. Effet rétroactif du partage

L’effet rétroactif du partage constitue l’une des principales manifestations de son effet déclaratif. Il repose sur la fiction selon laquelle chaque copartageant est réputé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués aux autres et avoir toujours été seul propriétaire de ceux qui lui sont échus.

Ce principe, destiné à garantir l’égalité du partage, entraîne des conséquences majeures tant dans les rapports entre copartageants que dans leurs relations avec les tiers. Toutefois, cette rétroactivité n’est pas absolue et connaît plusieurs limites visant à préserver la sécurité juridique et la stabilité des relations contractuelles.

a. Le principe de la rétroactivité

L’effet rétroactif du partage trouve sa justification dans l’objectif d’assurer une répartition égalitaire des biens indivis en effaçant toute trace de l’indivision initiale. Il permet ainsi d’établir une continuité fictive entre l’attributaire d’un bien et la période antérieure au partage, en lui conférant la qualité de propriétaire unique dès l’origine de l’indivision.

i. Dans les rapports entre indivisaires

L’un des principaux effets de la rétroactivité du partage réside dans son incidence sur les actes accomplis par les indivisaires avant l’attribution définitive des biens. Ce mécanisme opère un double effet : il valide certains actes et en anéantit d’autres, selon qu’ils sont ou non conformes à la répartition opérée par le partage.

Ainsi, lorsqu’un indivisaire a conclu un bail sur un bien indivis, cet acte est confirmé si le bien lui est attribué lors du partage. La fiction de la rétroactivité lui confère en effet la qualité de propriétaire exclusif depuis l’ouverture de l’indivision, rendant ainsi son engagement pleinement opposable aux tiers. En revanche, si ce bien échoit à un autre copartageant, ce dernier pourra invoquer la rétroactivité du partage pour considérer que le bail a été consenti par une personne dépourvue de titre et en demander l’annulation (Cass. req., 2 juin 1908).

Ce principe s’étend également aux sûretés constituées sur les biens indivis. Ainsi, une hypothèque consentie par un indivisaire seul, sans l’accord des autres, est frappée de caducité dès lors que le bien est attribué à un autre copartageant. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire réputé de toujours, peut s’opposer aux droits des tiers ayant contracté avec un indivisaire n’ayant pas qualité pour agir seul (Cass. civ., 18 juin 1834).

Toutefois, l’effet rétroactif du partage connaît des limites. Les actes accomplis avec le consentement unanime des indivisaires ou en vertu d’une autorisation judiciaire conservent leur validité, quel que soit le résultat du partage. Par exemple, une hypothèque constituée par l’ensemble des indivisaires demeure pleinement opposable après le partage, même si le bien grevé est attribué à un seul copartageant (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 89-13.876).

ii. Dans les rapports avec les tiers

L’effet rétroactif du partage ne se limite pas aux relations entre indivisaires ; il s’étend également aux rapports avec les tiers, notamment en ce qui concerne la computation des délais nécessaires à l’exercice de certains droits.

==>Le droit de reprise du bailleur

L’effet rétroactif du partage peut avoir des conséquences importantes en matière locative, notamment en permettant à l’attributaire d’un bien indivis d’exercer immédiatement certains droits attachés à la propriété.

Un exemple peut être trouvé dans l’exercice du droit de reprise du bailleur, qui lui permet de récupérer un bien loué pour l’occuper lui-même. En principe, la loi impose qu’un propriétaire justifie d’une durée minimale de détention avant de pouvoir exercer ce droit. Toutefois, lorsque le bien concerné était indivis et est attribué à un copartageant lors du partage, celui-ci est réputé l’avoir possédé dès l’origine de l’indivision. Dès lors, la durée d’indivision s’ajoute à sa période de détention, lui permettant d’exercer immédiatement son droit de reprise, sans avoir à attendre l’écoulement d’un délai supplémentaire (Cass. soc., 3 oct. 1958).

Cette solution a été étendue aux sociétés immobilières. Lorsque des indivisaires héritent d’un bien appartenant à une société dissoute, ils peuvent se prévaloir de l’effet rétroactif du partage pour justifier du délai de détention requis et ainsi exercer leur droit de reprise. Toutefois, cette rétroactivité ne peut être poussée à l’extrême: elle ne saurait faire remonter artificiellement la propriété du bien à une période antérieure à celle où la société elle-même en était propriétaire (Cass. soc., 30 juin 1955).

Ainsi, l’effet rétroactif du partage, bien qu’utile pour faciliter l’exercice de certains droits, connaît des limites qui empêchent toute manipulation artificielle de la chronologie des droits de propriété.

==>L’exercice du droit de préférence

L’effet rétroactif du partage revêt une importance particulière lorsqu’un bien indivis est assorti d’un droit de préférence. Ce mécanisme, qui permet aux anciens propriétaires de se voir accorder un droit prioritaire en cas de revente, voit son titulaire désigné par l’attribution des lots lors du partage.

Ainsi, lorsqu’un bien indivis a été cédé avec une clause de préférence stipulée au profit des coïndivisaires, seul celui auquel ce bien est attribué lors du partage pourra exercer ce droit. Il devient l’unique bénéficiaire de cette prérogative, même si elle avait initialement été consentie à l’ensemble des indivisaires. La Cour de cassation a confirmé cette solution en jugeant que l’indivisaire devenu seul propriétaire d’un bien à l’issue du partage est le seul habilité à revendiquer un droit de préférence stipulé antérieurement par l’ensemble des indivisaires (Cass. 1re civ., 14 janv. 1981).

Ce raisonnement découle directement de la fiction selon laquelle l’attributaire du bien est censé l’avoir toujours possédé. Par conséquent, tous les droits attachés à ce bien, y compris ceux qui avaient été négociés collectivement par les indivisaires avant le partage, se trouvent concentrés entre ses seules mains. Cette solution garantit la cohérence du régime de l’effet déclaratif en assurant une pleine continuité entre la propriété du bien et les droits qui lui sont afférents.

b. Les limites de la rétroactivité

Si l’effet rétroactif du partage constitue une règle de principe, il ne revêt pas un caractère absolu. Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des conséquences excessives, certaines restrictions viennent tempérer son application. Ces limitations concernent notamment les fruits et revenus produits avant le partage, la préservation des actes régulièrement accomplis en période d’indivision et l’inopposabilité des causes de suspension de la prescription.

i. L’exclusion des fruits et revenus perçus avant le partage

L’effet rétroactif du partage ne s’étend pas aux fruits et revenus générés par les biens indivis avant leur attribution définitive à un copartageant. Contrairement aux biens eux-mêmes, ces produits demeurent la propriété collective des indivisaires et doivent être répartis entre eux en fonction de leurs droits respectifs sur l’indivision.

Ainsi, un indivisaire qui reçoit, lors du partage, un bien générateur de revenus ne saurait prétendre, au nom de la rétroactivité, à l’appropriation exclusive des loyers, fermages ou autres produits perçus avant l’attribution. Ceux-ci doivent être répartis entre tous les indivisaires jusqu’au jour du partage effectif. La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant qu’un indivisaire attributaire d’un bien rural donné à bail ne pouvait, seul, réclamer les fermages échus avant le partage, ceux-ci relevant encore de l’indivision jusqu’à la répartition définitive des biens (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-12.031).

ii. Le maintien des actes accomplis sous certaines conditions

Si l’effet rétroactif du partage peut conduire à l’anéantissement de certains actes passés sur un bien indivis, il ne saurait remettre en cause ceux qui ont été valablement accomplis dans des conditions garantissant la stabilité juridique. Deux situations se dégagent :

  • Les actes conclus avec l’accord unanime des indivisaires
    • Lorsqu’un acte de disposition ou de gestion a été consenti par l’ensemble des indivisaires, il conserve son plein effet après le partage, quel que soit l’attributaire final du bien.
    • Ainsi, si une hypothèque a été régulièrement consentie par tous les indivisaires sur un bien indivis, elle reste opposable à celui qui en devient propriétaire après le partage, sans que ce dernier puisse en contester la validité (Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n°89-13.876).
    • Cette règle vise à garantir la continuité des engagements pris collectivement pendant l’indivision et à éviter que le partage ne serve à éluder des obligations librement consenties.
  • Les actes autorisés par une décision judiciaire
    • De même, les actes accomplis sur autorisation judiciaire échappent à l’effet rétroactif du partage et demeurent opposables à l’attributaire du bien concerné.
    • Tel est le cas d’une aliénation ou d’une constitution de droits réels sur un bien indivis autorisée par le juge.
    • Une fois le partage réalisé, l’indivisaire qui reçoit ce bien ne peut prétendre remettre en cause ces actes, qui ont été légalement validés dans l’intérêt de l’indivision.
    • Ainsi, la sécurité juridique prime sur l’effet rétroactif lorsque l’acte a été consenti par tous les indivisaires ou imposé par une décision de justice.
    • Ce maintien des engagements pris sous certaines conditions permet d’éviter que le partage ne devienne un instrument de remise en cause systématique des droits des tiers ou des décisions prises dans l’intérêt de l’indivision.

iii. L’inopposabilité des causes de suspension de la prescription

L’effet rétroactif du partage ne peut conférer à un indivisaire, une fois le bien indivis définitivement attribué, le bénéfice des causes de suspension de la prescription propres à un autre coïndivisaire. Autrement dit, la rétroactivité du partage ne permet pas à l’attributaire d’un bien de se prévaloir d’une suspension de prescription qui aurait résulté de l’incapacité d’un autre indivisaire.

==>L’indivisaire ne peut invoquer une suspension de prescription qui ne lui est pas propre

Lorsqu’un tiers revendique un bien indivis qui, à l’issue du partage, est attribué à l’un des coïndivisaires, ce dernier ne peut contester la prescription acquise par le tiers en se fondant sur la minorité ou l’incapacité d’un autre indivisaire (Cass. civ., 2 déc. 1845, S. 1846). La prescription s’apprécie exclusivement à l’égard de l’attributaire du bien et ne saurait être suspendue du seul fait de l’incapacité d’un autre copartageant.

Ainsi, si un bien indivis fait l’objet d’une prescription acquisitive par un tiers, la suspension de cette prescription ne joue qu’en faveur de l’indivisaire frappé d’incapacité, et non au profit des autres coïndivisaires. Une fois le bien attribué dans le partage, l’attributaire ne peut donc invoquer la suspension dont bénéficiait un autre copartageant pour s’opposer à la revendication du tiers. Cette solution préserve la sécurité juridique en évitant qu’une incapacité personnelle n’affecte la situation juridique des autres indivisaires.

==>L’interruption de prescription par un indivisaire profite à tous

Toutefois, si un indivisaire a, avant le partage, accompli un acte interruptif de prescription, cette interruption s’étend à l’ensemble des coïndivisaires, y compris celui qui se verra ultérieurement attribuer le bien concerné. Ainsi, lorsqu’un indivisaire agit en justice pour interrompre la prescription d’un droit appartenant à l’indivision, cette action bénéficie à tous les indivisaires et demeure opposable au tiers, indépendamment de la répartition des biens opérée dans le partage.

Dès lors, si un indivisaire engage une action pour empêcher l’acquisition d’un bien indivis par prescription au profit d’un tiers, cette initiative préserve les droits de l’indivision et empêche la consolidation de la prescription, quel que soit l’attributaire final du bien. L’effet déclaratif du partage ne saurait priver les coïndivisaires des avantages résultant des démarches entreprises collectivement ou par l’un d’eux dans l’intérêt commun de l’indivision.

Cette distinction entre suspension et interruption de prescription illustre une limite essentielle à la rétroactivité du partage: celle-ci ne peut être invoquée pour bénéficier de droits qui n’étaient pas attachés à l’indivisaire concerné, mais elle ne fait pas obstacle aux actions entreprises pour la conservation du patrimoine indivis.

2. Exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

a. L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

i. L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

ii. L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

iii. L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

iv. Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

b. L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

i. L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

ii. L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

iii. La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

c. L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

i. Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

ii. L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

iii. La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

d. L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

i. La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

ii. Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

iii. Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

e. L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

i. L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

ii. L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

f. L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.

B) Sort des actes accomplis pendant l’indivision

L’effet déclaratif du partage entraîne une rétroactivité qui confère à chaque copartageant la propriété exclusive des biens qui lui sont attribués, comme s’il en avait toujours été propriétaire. En conséquence, les actes accomplis sur ces biens au cours de l’indivision peuvent soit être consolidés, soit être anéantis, selon qu’ils ont été passés dans le respect des règles de gestion de l’indivision ou non.

Il convient ainsi de distinguer, d’une part, les actes accomplis unilatéralement par un indivisaire, dont le sort dépend des résultats du partage, et, d’autre part, les actes régulièrement conclus au nom de l’indivision, qui conservent leur pleine efficacité après la répartition des biens entre les copartageants.

1. La consolidation ou l’anéantissement des actes accomplis unilatéralement par un indivisaire

L’effet déclaratif du partage signifie que chaque indivisaire est réputé n’avoir jamais été propriétaire des biens qui, lors du partage, sont attribués à ses cohéritiers. Cette fiction juridique a des conséquences majeures sur les actes qu’un indivisaire a pu accomplir seul avant le partage. En effet, ces actes n’ont pas tous la même portée et leur validité dépend du lot qui sera finalement attribué à l’indivisaire concerné.

Si, à l’issue du partage, le bien qui fait l’objet de l’acte revient à l’indivisaire qui l’a conclu, cet acte est validé rétroactivement. Il est alors considéré comme ayant toujours été valable. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, l’acte est anéanti de manière rétroactive : il est juridiquement réputé n’avoir jamais existé, car son auteur n’était pas censé en être propriétaire.

Ce mécanisme s’applique à tous les actes passés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse de la vente d’un bien indivis, de la conclusion d’un bail, de la constitution d’une hypothèque ou encore de l’octroi d’un droit réel tel qu’une servitude. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes sont juridiquement incertains : ils peuvent soit être confirmés si l’indivisaire concerné reçoit le bien dans son lot, soit être anéantis si ce bien revient à un autre. Cette insécurité juridique constitue un risque majeur pour les tiers qui contractent avec un indivisaire sans s’assurer que tous les coïndivisaires donnent leur accord.

a. La vente d’un bien indivis par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire vend un bien indivis sans le consentement de ses coïndivisaires, cette vente est juridiquement incertaine et suspendue aux résultats du partage. En effet, l’effet déclaratif du partage implique que chaque indivisaire est censé n’avoir jamais eu de droits sur les biens attribués à ses cohéritiers. Ainsi, la validité d’une vente réalisée par un seul indivisaire dépend du lot qui lui sera attribué lors du partage.

Si le bien vendu est finalement placé dans son lot, la vente est consolidée avec un effet rétroactif: elle est alors considérée comme ayant toujours été valable, et l’acquéreur devient pleinement propriétaire. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, la vente est anéantie rétroactivement. Il en résulte que l’acheteur ne peut faire valoir aucun droit sur le bien et se retrouve privé de l’acquisition qu’il croyait avoir réalisée. La Cour de cassation a confirmé cette règle de manière constante, jugeant que la vente d’un bien indivis par un seul indivisaire est inopposable aux autres copartageants tant que le partage n’a pas attribué définitivement le bien au vendeur (Cass. 1re civ., 7 juill. 1987, n° 85-16.968).

L’acquéreur d’un bien indivis dans une telle situation se trouve donc dans une position précaire. Il ne peut exiger l’attribution du bien au vendeur initial et doit se contenter, dans le meilleur des cas, d’intervenir dans la procédure de partage pour tenter d’orienter la répartition des lots en sa faveur (Cass. 1re civ., 9 févr. 2022, n°20-22.159). Toutefois, cette démarche demeure aléatoire et ne garantit en rien la préservation de ses droits. Le risque pour l’acquéreur est donc considérable, car il dépend entièrement de la manière dont les biens indivis seront répartis entre les copartageants.

b. L’hypothèque consentie sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage influence également la validité des sûretés constituées sur un bien indivis, notamment les hypothèques consenties par un indivisaire seul. En raison du principe de rétroactivité du partage, ces garanties ne sont véritablement consolidées que si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué l’hypothèque. Dans ce cas, la sûreté conserve toute son efficacité, et l’attributaire du bien hypothéqué reste tenu par cette charge, qui grève son lot à titre définitif (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947). Le créancier hypothécaire peut alors exercer son droit de suite sur l’immeuble et bénéficier de la garantie qui lui avait été consentie.

En revanche, si le bien grevé est attribué à un autre copartageant, l’hypothèque est anéantie rétroactivement. L’immeuble se retrouve ainsi libéré de toute sûreté constituée par un indivisaire qui, en définitive, n’a jamais été censé en être propriétaire. Ce mécanisme protège l’attributaire du bien, qui ne saurait voir sa propriété entachée par un acte accompli par un autre indivisaire sans son consentement. La règle a été expressément consacrée par l’article 2412 du Code civil, qui prévoit que l’hypothèque consentie par un indivisaire ne subsiste que si l’immeuble hypothéqué lui est finalement attribué. Cette disposition a remplacé l’ancien article 2414 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, qui énonçait déjà ce principe.

Ainsi, les créanciers hypothécaires qui acceptent une sûreté sur un bien indivis prennent un risque important, leur droit de suite étant conditionné aux résultats du partage. S’ils souhaitent garantir efficacement leur créance, ils doivent s’assurer que l’indivisaire constituant l’hypothèque dispose d’une probabilité élevée d’obtenir l’attribution du bien lors du partage. À défaut, ils s’exposent à la disparition pure et simple de leur garantie, sans aucun recours contre l’attributaire du bien.

c. Le bail consenti par un seul indivisaire

Lorsqu’un indivisaire conclut seul un bail sur un bien indivis sans l’accord des autres coïndivisaires, la validité du contrat reste suspendue aux résultats du partage. Si le bien loué est finalement attribué à l’indivisaire bailleur, le bail est consolidé rétroactivement, produisant ses effets comme s’il avait été valablement conclu dès l’origine. Le preneur peut alors poursuivre l’exécution du contrat sans que sa situation ne soit remise en cause (Cass. 1re civ., 27 oct. 1992, n°90-21.173).

En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, le bail se trouve anéanti de manière rétroactive. Le nouvel attributaire du bien n’est pas tenu par le contrat, et le preneur perd tout droit sur les lieux loués (Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n°03-13.481). Cette solution découle du principe selon lequel seul le véritable propriétaire d’un bien peut valablement en consentir la jouissance. Ainsi, le locataire qui contracte avec un seul indivisaire agit à ses risques et périls : il ne peut exiger ni la poursuite du bail ni une indemnisation en cas de disparition de son droit par l’effet du partage.

d. La constitution de droits réels sur un bien indivis

L’effet déclaratif du partage s’applique également aux droits réels que peut tenter de constituer un indivisaire seul sur un bien indivis. Lorsqu’un indivisaire établit une servitude sans le consentement de ses coïndivisaires, la validité de cette charge est conditionnée aux résultats du partage. Si le bien grevé est attribué à l’indivisaire qui a constitué la servitude, celle-ci est consolidée rétroactivement et produit pleinement ses effets. En revanche, si le bien est placé dans le lot d’un autre copartageant, la servitude est anéantie de plein droit, car elle est réputée n’avoir jamais existé.

Cette règle s’étend à l’ensemble des droits réels susceptibles d’être créés par un indivisaire seul, qu’il s’agisse d’un usufruit, d’un droit d’usage ou encore d’une charge affectant le bien indivis. Tant que le partage n’est pas intervenu, ces actes demeurent précaires et soumis à l’incertitude quant à l’attribution définitive du bien concerné. Si le bien revient au constituant du droit réel, l’acte est validé rétroactivement, conférant aux tiers le bénéfice de la situation créée. En revanche, si le bien est attribué à un autre copartageant, ces droits s’éteignent automatiquement, privant les bénéficiaires de toute prétention sur le bien.

Ainsi, toute constitution de droit réel sur un bien indivis réalisée sans l’accord des coïndivisaires demeure incertaine jusqu’au partage. Cette situation expose les tiers à un risque non négligeable, notamment lorsqu’ils acquièrent un droit grevant le bien sans s’assurer de l’identité du futur attributaire. Il en résulte une nécessité pour les parties prenantes de prendre en compte cette instabilité juridique avant de contracter.

2. Le maintien des actes régulièrement accomplis au nom de l’indivision

Contrairement aux actes passés unilatéralement par un indivisaire, ceux qui ont été régulièrement accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision conservent toute leur efficacité après le partage. L’effet déclaratif du partage, qui emporte rétroactivité quant aux droits des copartageants, n’a pas vocation à remettre en cause les actes qui ont été passés avec l’accord de l’ensemble des indivisaires ou qui ont été autorisés selon les règles légales en vigueur.

a. Le maintien des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires

Lorsqu’un acte a été conclu avec le consentement de tous les indivisaires, il demeure pleinement valable après le partage, indépendamment du lot dans lequel le bien concerné est finalement attribué. Cela signifie que l’attributaire du bien ne peut remettre en cause l’acte ou s’y soustraire.

Un exemple typique est celui du bail. Si tous les indivisaires ont donné leur accord pour louer un bien indivis, le locataire bénéficie d’un contrat stable, qui continue de produire ses effets après le partage. L’indivisaire qui reçoit le bien dans son lot est tenu de respecter ce bail et ne peut en contester la validité. La Cour de cassation a confirmé cette règle en jugeant qu’un bail signé avec l’accord de tous les indivisaires obligeait l’attributaire du bien à le respecter, même après la fin de l’indivision (Cass. 1re civ., 3 juin 1986).

Ce principe vise à sécuriser les engagements contractuels pris dans le cadre de l’indivision. Sans lui, les tiers contractants – comme les locataires – risqueraient de voir leurs droits remis en question en raison d’un simple changement d’attributaire après le partage. Grâce à cette règle, un locataire qui a contracté en toute bonne foi avec l’ensemble des indivisaires conserve ses droits, et le partage ne vient pas perturber les obligations nées d’un engagement collectif.

Ainsi, lorsqu’un acte est approuvé par tous les indivisaires, il est protégé contre les effets du partage et continue de s’imposer à celui qui reçoit le bien. Cette stabilité garantit la sécurité des transactions et protège les intérêts des tiers ayant contracté avec l’indivision.

b. Le maintien des garanties consenties collectivement

Lorsqu’une hypothèque est constituée avec l’accord unanime de tous les indivisaires, elle conserve sa pleine efficacité après le partage et continue de grever le bien attribué, sans que l’attributaire puisse en contester la validité. Cette solution, qui vise à garantir la sécurité des créanciers, est expressément consacrée par l’article 2414 du Code civil.

Ainsi, à la différence des hypothèques constituées par un seul indivisaire – qui peuvent être anéanties si le bien concerné est attribué à un autre copartageant –, celles qui ont été consenties collectivement restent en vigueur quelle que soit l’issue du partage. La Cour de cassation a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises que l’effet déclaratif du partage ne pouvait remettre en cause une hypothèque valablement consentie par l’ensemble des coïndivisaires (Cass. 3e civ., 7 mai 1986, n°87-13.947).

Ce principe garantit la stabilité des garanties constituées sur les biens indivis et préserve les intérêts des créanciers hypothécaires. Ces derniers ne peuvent voir leurs sûretés disparaître en raison de la répartition des biens entre copartageants. Une fois l’hypothèque consentie par tous les indivisaires, elle s’impose à celui qui reçoit le bien dans son lot et continue de le grever, évitant ainsi tout risque d’insécurité juridique pour les prêteurs.

Ainsi, le partage ne modifie en rien l’opposabilité des garanties collectivement consenties, assurant ainsi la continuité des engagements financiers liés aux biens indivis et protégeant les créanciers contre une remise en cause postérieure de leurs droits.

c. La préservation des actes passés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire

Au-delà des actes passés avec l’accord unanime des indivisaires, ceux réalisés en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire conservent également toute leur efficacité après le partage. Lorsqu’un indivisaire a été mandaté par ses coïndivisaires pour accomplir un acte déterminé – qu’il s’agisse, par exemple, de vendre un bien, d’administrer un immeuble ou de contracter un bail – cet acte s’impose à l’ensemble des indivisaires et demeure pleinement valide après la répartition des biens. L’attributaire du bien concerné ne peut en remettre en cause la validité ni contester ses effets.

Il en va de même pour les actes réalisés sous autorisation judiciaire. Lorsqu’un juge a expressément autorisé un indivisaire à accomplir un acte sur un bien indivis – par exemple, céder un bien, consentir une hypothèque ou conclure un bail – cette autorisation s’impose à tous les coïndivisaires et ne saurait être remise en question après le partage. La Cour de cassation a ainsi jugé que l’attributaire d’un bien indivis ne pouvait contester un acte qui avait été valablement accompli en vertu d’une décision judiciaire (Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n°00-18.798).

Ce régime vise à assurer la sécurité juridique des actes accomplis dans l’intérêt de l’indivision. Il empêche qu’un indivisaire, une fois devenu seul propriétaire d’un bien, remette en cause des décisions prises antérieurement dans le respect des règles légales. Cette règle protège non seulement les indivisaires eux-mêmes, mais aussi les tiers qui ont contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les engagements pris en vertu d’un mandat ou d’une autorisation judiciaire ne seront pas remis en question par l’effet du partage.

d. Le maintien des actes d’administration pris à la majorité qualifiée

Depuis la réforme du 23 juin 2006, les règles de gestion de l’indivision ont été assouplies afin de permettre aux indivisaires de prendre certaines décisions sans nécessiter l’unanimité. Désormais, les actes d’administration et de gestion courante peuvent être décidés à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette faculté concerne notamment la conclusion de baux d’habitation de courte durée, l’entretien courant des biens indivis ou encore la réalisation de travaux nécessaires à leur conservation.

Lorsqu’un tel acte a été régulièrement adopté selon ces règles de majorité, il conserve toute son efficacité après le partage. L’attributaire du bien concerné est tenu de respecter les engagements qui ont été pris à la majorité qualifiée et ne peut s’y soustraire. Ainsi, si un bail d’habitation a été conclu par une décision prise aux deux tiers des droits indivis, le partage n’a pas pour effet d’en remettre en cause la validité, et le preneur peut continuer à occuper le bien aux conditions initialement convenues.

Ce principe vise à garantir la stabilité des décisions de gestion prises dans l’intérêt commun des indivisaires. Il empêche qu’un indivisaire, devenu seul propriétaire du bien après le partage, puisse remettre en question des engagements pris collectivement et validés par la majorité requise. Cette règle assure également une meilleure sécurité pour les tiers ayant contracté avec l’indivision, en leur garantissant que les décisions prises conformément aux dispositions légales continueront de produire leurs effets indépendamment du changement d’attributaire du bien concerné.

e. La protection des actes régulièrement conclus en indivision

L’article 883 du Code civil établit de manière explicite que les actes accomplis en vertu d’un mandat des coïndivisaires ou d’une autorisation judiciaire conservent leur pleine efficacité après le partage, indépendamment de l’attribution des biens concernés. Cette disposition vise à sécuriser les engagements pris dans le cadre de l’indivision et à éviter que la répartition des biens ne vienne remettre en cause des décisions prises dans un cadre collectif ou judiciaire.

En effet, l’objectif fondamental de cette règle est de garantir la stabilité des transactions et d’assurer la continuité des actes passés régulièrement au nom de l’indivision. Ainsi, un contrat conclu sous mandat exprès des coïndivisaires ou une vente autorisée par le juge ne peuvent être contestés par l’attributaire du bien après le partage. Cette règle permet de prévenir toute remise en cause des décisions prises dans l’intérêt commun des indivisaires et d’éviter des situations d’incertitude juridique pour les tiers ayant contracté avec l’indivision.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage ne s’applique qu’aux actes unilatéraux, qui demeurent soumis à l’aléa de l’attribution des biens. En revanche, les actes accomplis conformément aux règles de gestion de l’indivision sont préservés, assurant ainsi une continuité juridique et protégeant les intérêts des indivisaires comme ceux des tiers contractants. Cette distinction, qui repose sur un équilibre entre la liberté des indivisaires et la nécessité de sécuriser les engagements pris collectivement, participe à la cohérence du régime de l’indivision et à la stabilité des relations juridiques qui en découlent.

§2: La garantie des lots

Le partage met fin à l’indivision en répartissant les biens entre les copartageants. Cependant, pour que cette répartition soit équitable, il est essentiel que chaque copartageant conserve sans difficulté les biens qui lui ont été attribués. Or, il peut arriver qu’un copartageant soit évincé du bien qu’il a reçu, par exemple si ce bien appartient en réalité à un tiers ou si une charge inconnue au moment du partage vient en limiter l’usage. Dans ce cas, une garantie spécifique s’applique afin de protéger l’équilibre du partage et d’éviter que l’un des copartageants ne subisse seul cette perte.

Les articles 884 et suivants du Code civil prévoient ainsi que les copartageants doivent se garantir mutuellement contre les évictions et les troubles qui trouvent leur origine dans une cause antérieure au partage. Ce principe repose sur un impératif fondamental : l’égalité entre les copartageants. Si un bien attribué lors du partage venait à disparaître ou à être grevé d’une charge inconnue, la perte ne peut être supportée uniquement par l’attributaire du bien, mais doit être partagée entre tous, proportionnellement à leurs droits. Cette garantie rappelle celle due par un vendeur à son acheteur, prévue aux articles 1625 et suivants du Code civil. Toutefois, la différence essentielle tient au fait que, dans une vente, il y a un transfert de propriété, alors que dans un partage, les copartageants sont censés recevoir des droits qu’ils détenaient déjà sur l’indivision.

Cette garantie joue aussi bien dans les partages amiables que dans les partages judiciaires. Elle s’applique quels que soient les biens attribués et protège les copartageants contre les conséquences d’une éviction ou d’un trouble affectant leur lot. En revanche, elle ne concerne en principe que les troubles causés par des tiers. Cela soulève une question : un copartageant pourrait-il être tenu responsable des troubles qu’il causerait lui-même après le partage ? Autrement dit, si un indivisaire porte atteinte aux droits d’un autre après la répartition des biens, peut-il être contraint de réparer le préjudice subi sur le fondement de la garantie des lots ?

Ainsi, la garantie entre copartageants vise à préserver la stabilité du partage en assurant que chacun conserve ce qui lui a été attribué sans subir de préjudice. Elle repose sur le principe d’égalité et empêche qu’un copartageant ne soit lésé par l’issue du partage. Toutefois, son application soulève plusieurs interrogations, notamment sur son champ exact et sur la possibilité d’inclure dans cette garantie les troubles causés par les copartageants eux-mêmes.

I) Conditions d’application

L’article 884 du Code civil érige la garantie des lots en une obligation pesant sur l’ensemble des copartageants. Toutefois, cette garantie ne joue que si certaines conditions, tenant à l’acte de partage, au trouble subi et à l’absence de faute du copartageant évincé, sont réunies.

A. Une garantie attachée au partage

La garantie des lots s’applique à toute opération de partage, quelle que soit la nature de l’indivision concernée. Il s’agit d’une garantie qui joue entre copartageants afin d’assurer l’équité du partage en cas d’éviction ou de trouble postérieur à l’attribution des biens. Cependant, l’existence même d’une telle garantie suppose un partage juridiquement valable. Dès lors, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait faire naître une quelconque obligation de garantie entre copartagés.

1. L’application de la garantie des lots à toutes les formes de partage

L’obligation de garantie s’applique aux partages successoraux, conjugaux ou encore sociétaires, ces derniers intervenant notamment lors de la dissolution d’une société civile ou d’une société créée de fait. Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 1983 affirmant que la garantie des lots joue indépendamment de la nature de l’indivision à laquelle le partage met fin (Cass. 1re civ., 22 mars 1983, n°82-12.135).

De même, la donation-partage est assimilée à un véritable partage et ouvre donc droit à la garantie entre les copartagés. Ce caractère distributif de la donation-partage justifie que chacun des donataires bénéficiaires puisse se prévaloir des règles relatives à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 18 janv. 1983, n°81-12.638).

L’objectif de cette garantie est d’assurer une égalité entre les copartageants en leur conférant une protection contre d’éventuels troubles ou évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Cette garantie est d’autant plus essentielle que le partage, en tant qu’acte déclaratif, emporte l’extinction de l’indivision et l’attribution exclusive des biens aux copartageants concernés.

2. L’absence de garantie en cas de partage nul

Toutefois, la garantie des lots suppose nécessairement un partage juridiquement valide. À cet égard, un partage affecté d’une cause de nullité ne saurait produire d’effets juridiques et ne peut donc fonder une obligation de garantie entre copartageants. Cette solution a été affirmée de longue date par la jurisprudence.

Ainsi, l’omission volontaire d’un ayant droit constitue une cause de nullité du partage et empêche l’application de la garantie des lots. En effet, un partage opéré sans tenir compte de tous les indivisaires est entaché d’un vice fondamental affectant sa validité. Dans un arrêt du 21 mars 1922, la Cour de cassation a rappelé qu’un partage nul, notamment en raison de l’exclusion d’un héritier ou d’un indivisaire, ne saurait donner lieu à une obligation de garantie (Req. 21 mars 1922, DP 1923, 1. 60).

Cette position s’explique par la nature même du partage, qui doit être réalisé entre tous les titulaires de droits indivis. Si un partage est frappé de nullité, il est censé n’avoir jamais existé, ce qui empêche l’application des obligations qui en découlent, y compris la garantie des lots.

B. L’existence d’un trouble ou d’une éviction

La garantie des lots, attachée au partage, assure aux copartageants une protection contre les troubles et évictions affectant les biens qui leur ont été attribués. Toutefois, cette garantie ne joue que sous certaines conditions, notamment lorsque le trouble ou l’éviction trouve son origine dans une cause antérieure au partage. Il convient dès lors d’examiner les situations dans lesquelles cette garantie peut être mobilisée, en précisant la nature des troubles pris en compte.

1. L’éviction et les troubles de droit

L’éviction se définit comme une dépossession totale ou partielle du bien attribué à un copartageant. Elle peut résulter de la revendication d’un tiers se prévalant d’un droit réel préexistant au partage, ou d’une impossibilité pour le copartageant d’exercer pleinement ses droits sur le bien attribué. Dès lors qu’un tel trouble provient d’une cause antérieure au partage, la garantie joue de plein droit en faveur du copartageant lésé (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).

La doctrine, notamment Aubry et Rau, souligne que seuls les troubles de droit sont couverts par la garantie. Ainsi, une revendication judiciaire d’un tiers, fondée sur un droit réel antérieur au partage, constitue un cas typique d’éviction ouvrant droit à la garantie des lots. En revanche, si l’attribution du bien à un copartageant est ultérieurement remise en cause pour un motif n’ayant aucun lien avec la situation antérieure au partage, la garantie ne saurait être invoquée.

2. L’exclusion des troubles de fait

Si la garantie couvre les troubles de droit, elle ne s’étend pas aux troubles de fait, c’est-à-dire aux atteintes qui ne reposent sur aucun fondement juridique. Par exemple, une occupation illicite du bien par un tiers ou une simple nuisance causée par le voisinage ne suffisent pas à justifier l’application de la garantie. Cette distinction, consacrée par la jurisprudence, exclut ainsi de la garantie tout trouble qui ne trouve pas son origine dans une atteinte à un droit préexistant.

Toutefois, une nuance mérite d’être apportée : lorsque le trouble émane directement d’un copartageant lui-même, il peut être pris en compte dans le cadre de la garantie du fait personnel. Tel est le cas lorsque l’un des copartageants revendique abusivement des droits sur un bien attribué à un autre, ou lorsqu’il entrave la jouissance paisible du lot de son cohéritier. La Cour de cassation a consacré cette exception en admettant que le trouble de fait causé par un copartageant puisse engager sa responsabilité et donner lieu à garantie (Cass. com., 8 déc. 1966).

3. L’insolvabilité du débiteur d’une créance attribuée lors du partage

Outre les troubles affectant la jouissance d’un bien immobilier ou mobilier, la garantie s’applique également lorsqu’un copartageant se voit attribuer, en partage, une créance irrécouvrable. En effet, si l’un des lots comprend une créance et que le débiteur de cette dernière est insolvable à la date du partage, le copartageant lésé peut se prévaloir de la garantie. Cette solution a été rappelée par la Cour de cassation, qui a jugé que lorsque l’insolvabilité du débiteur est révélée avant le partage, elle constitue un trouble ouvrant droit à la garantie des lots (Cass. 1re civ., 22 mars 1983).

L’objectif de cette règle est de garantir l’équilibre du partage et d’éviter qu’un copartageant ne se retrouve lésé par l’attribution d’un élément de patrimoine dépourvu de toute valeur effective. Dès lors, en présence d’une créance douteuse, il appartient aux copartageants d’exercer un contrôle préalable afin d’éviter toute contestation ultérieure.

C. L’exigence d’une cause antérieure au partage et l’absence de faute

La garantie des lots n’a pas un caractère absolu. Sa mise en œuvre est soumise à deux conditions : d’une part, le trouble ou l’éviction doit trouver sa cause dans une situation antérieure au partage, et d’autre part, le copartageant évincé ne doit pas être lui-même fautif. Ces exigences visent à préserver l’équilibre du partage tout en évitant des garanties abusives ou des contestations résultant de la négligence des copartageants eux-mêmes.

1. Une cause antérieure au partage : condition sine qua non de la garantie

L’article 884 du Code civil fonde le principe selon lequel la garantie ne s’étend qu’aux troubles dont l’origine est antérieure au partage. Cela signifie que le copartageant évincé ne peut prétendre à la garantie que si le trouble ou l’éviction découle d’un droit réel préexistant au partage, dont l’existence était ignorée ou sous-estimée au moment de la répartition des lots.

Ce principe a notamment été illustré par l’hypothèse d’une prescription acquisitive ayant débuté avant le partage mais s’achevant après celui-ci. Dans un tel cas, la garantie pourrait, en théorie, être invoquée par le copartageant évincé, car l’éviction résulterait d’une situation juridique initiée avant la répartition des lots. Cette analyse a été avancée par certains auteurs qui considèrent qu’une telle prescription doit être prise en compte dès lors qu’elle constitue une menace latente au moment du partage.

Toutefois, cette position doctrinale n’est pas exempte de nuances. En effet, certains auteurs soulignent que la garantie ne saurait jouer si l’omission d’un acte interruptif de prescription est imputable à la négligence du copartageant évincé. Dans cette hypothèse, l’éviction ne résulte plus d’un trouble préexistant au partage, mais bien d’une absence de diligence postérieure à celui-ci, excluant ainsi le jeu de la garantie.

2. L’exclusion de la garantie en cas de faute du copartageant évincé

Le second principe limitatif de la garantie réside dans l’exclusion de toute prise en charge des évictions causées par la faute du copartageant évincé. L’article 884 du Code civil précise en effet que la garantie cesse dès lors que l’éviction résulte d’une faute du copartageant concerné. Ce principe repose sur une logique de responsabilité individuelle : un copartageant qui, par sa propre imprudence ou inaction, favorise ou ne prévient pas son éviction, ne peut exiger une indemnisation de ses cohéritiers.

La faute du copartageant évincé peut prendre plusieurs formes :

  • La négligence à faire valoir un moyen de défense : un copartageant qui se laisse condamner sans opposer les moyens de droit dont il dispose ne saurait invoquer la garantie.
  • L’omission d’appeler les autres copartageants en garantie : si le copartageant, confronté à une revendication d’un tiers, s’abstient de solliciter l’intervention des autres copartageants dans le cadre du litige, il commet une faute qui exclut son droit à garantie (Cass. req., 24 déc. 1866).

Ainsi, l’application de la garantie suppose non seulement que le trouble soit antérieur au partage, mais également que le copartageant ait agi avec diligence pour préserver ses droits. La jurisprudence veille à ce que la garantie ne devienne pas un instrument de correction de la négligence ou de l’inertie des copartageants.

II) Mise en oeuvre

La garantie des lots ne constitue pas une simple protection théorique des copartageants : elle ouvre la voie à un recours spécifique, permettant au copartageant évincé d’obtenir réparation.

A) Le recours en garantie : modalités d’exercice

Lorsqu’un copartageant est évincé d’un bien qui lui a été attribué lors du partage, il dispose d’un recours en garantie contre les autres copartageants. Ce recours s’articule autour de deux voies procédurales, selon que l’éviction est encore hypothétique ou déjà consommée. Il bénéficie en outre à certaines catégories de tiers, en particulier les ayants cause et les créanciers du copartageant évincé.

1. L’appel en garantie avant l’éviction effective

Si le copartageant concerné fait l’objet d’une revendication judiciaire d’un tiers sur le bien qui lui a été attribué, il a la possibilité d’appeler ses copartageants en garantie dans la procédure principale. Cette démarche vise à prévenir un éventuel préjudice en intégrant d’emblée la question de la garantie dans le cadre du litige existant.

a. Un mécanisme préventif évitant la multiplication des contentieux

L’appel en garantie permet de traiter la question de l’éviction dans le cadre de la procédure engagée par le tiers, ce qui évite au copartageant menacé de devoir ultérieurement introduire une action autonome en réparation. Cette solution présente un double avantage:

  • Elle limite le morcellement des contentieux, en évitant que le copartageant évincé ne doive engager une seconde procédure contre ses co-partageants une fois l’éviction constatée ;
  • Elle assure une meilleure coordination des défenses, en permettant aux copartageants de faire front commun pour contester la revendication du tiers.

b. Un recours limité aux troubles de droit

Cet appel en garantie est toutefois conditionné à l’existence d’un trouble de droit, c’est-à-dire d’une revendication fondée sur un droit réel préexistant au partage.

Ainsi, si l’éviction résulte d’un trouble de fait, sans fondement juridique avéré, la garantie ne pourra être invoquée contre les copartageants.

2. L’action autonome après l’éviction

Lorsque l’éviction est déjà consommée, et que le copartageant a perdu la jouissance du bien litigieux, il lui reste la possibilité d’agir en garantie contre ses co-indivisaires par le biais d’une action autonome.

a. Une action visant à rétablir l’équilibre du partage

L’objectif de cette action en garantie est de rétablir l’égalité entre les copartageants, en compensant la perte subie par l’évincé. Cette compensation peut prendre plusieurs formes :

  • Une indemnisation pécuniaire, à hauteur de la valeur du bien perdu ;
  • L’attribution d’un autre bien, lorsque cela est possible, en compensation du lot évincé.

L’action en garantie trouve ainsi son fondement dans la nature compensatoire du partage, lequel doit préserver l’équilibre entre les copartageants.

b. Une action qui repose sur la garantie des lots

L’action en garantie après éviction repose sur l’obligation de garantie attachée au partage, laquelle s’inspire des mécanismes de garantie des vices cachés en matière contractuelle. Toutefois, elle se distingue du régime de la garantie des vices cachés, dans la mesure où elle ne suppose pas une faute des copartageants : leur responsabilité est objective et découle du simple fait de l’éviction.

3. L’extension du recours aux ayants cause et aux créanciers du copartageant évincé

L’action en garantie n’est pas un droit exclusivement réservé au copartageant directement évincé : elle peut être exercée par d’autres parties ayant un intérêt légitime à la protection du patrimoine partagé.

a. Les ayants cause du copartageant évincé

Les ayants cause du copartageant évincé disposent d’un droit propre à agir en garantie, qu’il s’agisse :

  • D’héritiers, qui poursuivent la revendication initiée par le copartageant défunt ;
  • De cessionnaires, ayant acquis les droits du copartageant évincé et subissant directement le préjudice lié à l’éviction.

Cette transmission du droit à garantie assure la continuité de la protection attachée au partage, en permettant aux ayants cause de faire valoir les droits qui leur reviennent par transmission successorale ou contractuelle.

b. L’action oblique des créanciers du copartageant évincé

Les créanciers du copartageant évincé disposent également d’un mécanisme spécifique leur permettant d’exercer la garantie en lieu et place du copartageant.

Cette faculté repose sur l’action oblique, qui leur permet d’agir en justice pour préserver leurs droits, lorsque le débiteur n’exerce pas lui-même ses droits contre ses co-partageants.

Ce recours présente un intérêt particulier lorsque le copartageant évincé :

  • Est inactif ou refuse d’agir en justice ;
  • Est insolvable, et que ses créanciers souhaitent garantir le recouvrement de leur créance en obtenant une compensation pour le bien perdu.

Grâce à cette action oblique, les créanciers peuvent éviter qu’une inaction du copartageant évincé ne les prive d’un recours utile, garantissant ainsi une meilleure protection de leurs droits.

B) Prescription de l’action en garantie

L’action en garantie des lots, permettant au copartageant évincé d’obtenir une compensation, est soumise à un régime de prescription encadré par le droit civil. Ce régime a connu une évolution majeure avec la réforme du 23 juin 2006, qui a considérablement réduit le délai pour agir en justice.

1. L’ancien régime : une prescription trentenaire

Avant la réforme de 2006, l’action en garantie obéissait au régime général de prescription applicable aux actions réelles et immobilières.

a. Un délai de 30 ans protecteur mais excessif

Conformément aux règles de prescription de droit commun, l’action en garantie pouvait être exercée dans un délai de 30 ans à compter de l’éviction.

Ce délai prolongé avait pour objectif de protéger les copartageants évincés, leur offrant une période étendue pour découvrir un éventuel trouble et agir en conséquence.

b. Une instabilité prolongée des partages

Toutefois, cette prescription trentenaire présentait d’importants inconvénients :

  • Elle permettait de rouvrir des partages anciens, perturbant des situations patrimoniales stabilisées depuis des décennies.
  • Elle entretenait une incertitude juridique persistante, en maintenant le risque de contestation sur une durée excessive.
  • Elle compliquait la preuve des faits, puisque les événements à l’origine de l’éviction pouvaient être très anciens, rendant leur démonstration difficile.

Face à ces inconvénients, le législateur a choisi d’intervenir pour rationaliser le régime de prescription, en réduisant substantiellement le délai accordé aux copartageants évincés.

2. Le nouveau régime : une prescription abrégée à deux ans

La réforme du 23 juin 2006 a introduit une limitation plus stricte du droit d’agir en garantie, en instaurant un délai de prescription de deux ans, fixé par l’article 886 du Code civil.

a. Un délai plus court pour sécuriser les partages

Désormais, le copartageant évincé dispose de deux ans pour exercer son recours en garantie, ce délai courant à compter de l’éviction effective ou de la découverte du trouble.

Ce changement répond à un double objectif :

  • Garantir la stabilité des partages, en évitant qu’ils ne soient remis en cause des décennies après leur réalisation.
  • Limiter les contestations tardives, qui reposaient souvent sur des faits difficilement vérifiables, générant des incertitudes pour les héritiers ou copartageants.

Ce nouveau délai s’aligne ainsi sur la tendance générale du droit des successions et des indivisions, visant à raccourcir les périodes de contestation pour renforcer la prévisibilité des transmissions patrimoniales.

b. Une prise en compte du moment où l’éviction est révélée

Toutefois, la jurisprudence veille à ce que l’application de ce délai ne soit pas trop rigide et qu’elle tienne compte des circonstances propres à chaque situation.

Ainsi, lorsque le trouble ou l’éviction n’était pas immédiatement perceptible au moment du partage, le point de départ du délai est reporté à la date où le copartageant en a eu une connaissance effective.

Cette approche protège les copartageants évincés contre des situations où le trouble ne se manifeste qu’après plusieurs années, notamment dans les cas suivants :

  • Une revendication tardive d’un tiers, révélant un droit réel antérieur au partage mais inconnu lors de l’attribution des lots.
  • Une hypothèque non révélée lors du partage, qui n’est découverte qu’au moment de la saisie du bien.
  • Une prescription acquisitive ayant produit ses effets après le partage, rendant impossible la jouissance du bien attribué.

III) Effets

La garantie des lots repose sur un principe d’égalité entre copartageants, garantissant que nul ne soit lésé par une éviction ou un trouble affectant son lot.

Toutefois, cette garantie ne conduit pas à une remise en cause du partage lui-même, mais ouvre droit à une indemnisation, dont les modalités de répartition et de mise en œuvre obéissent à des règles précises.

A) Une indemnisation et non une remise en cause du partage

2. Un principe de compensation financière

Contrairement à d’autres mécanismes juridiques permettant d’anéantir rétroactivement un acte (comme l’action en nullité), la garantie des lots n’a pas pour effet d’invalider le partage.

L’éviction d’un copartageant ne remet pas en cause l’opération de partage en elle-même, mais génère un droit à réparation. Cette solution s’explique par la nature même du partage, qui n’est pas une cession mais une attribution à titre déclaratif.

Dès lors, la réparation prend exclusivement la forme d’une indemnisation dont le montant est calculé en fonction de la valeur du bien évincé au jour de l’éviction (Cass. 1re civ., 9 juin 1970, n°69-11.048).

2. Une évaluation fondée sur la valeur réelle du bien

Le calcul de l’indemnité ne repose pas sur la valeur du bien au jour du partage, mais bien sur sa valeur au moment où l’éviction survient. Cette approche permet d’éviter une indemnisation inéquitable en raison de la dépréciation ou de l’appréciation du bien au fil du temps.

Ainsi, si un immeuble attribué lors du partage subit une éviction plusieurs années plus tard, l’indemnité due au copartageant évincé sera évaluée en fonction du prix du marché immobilier à cette date, et non de sa valeur au moment du partage.

B) Une répartition de l’indemnisation entre les copartageants

1. Une charge collective et proportionnelle

L’indemnisation due au copartageant évincé est répartie entre tous les copartageants, proportionnellement à l’émolument reçu lors du partage (art. 885 C. civ.).

Cette règle repose sur un principe d’équité : tous les copartageants ont bénéficié du partage, il est donc légitime qu’ils contribuent à la réparation.

2. La prise en compte de l’insolvabilité d’un copartageant

Toutefois, lorsque l’un des copartageants est insolvable, sa part d’indemnisation est répartie entre les autres, y compris le copartageant évincé lui-même.

Ce mécanisme, bien que critiquable en ce qu’il impose une charge supplémentaire au copartageant lésé, vise à préserver la solidarité entre copartageants et à éviter une rupture de l’équilibre du partage.

C) Une garantie étendue au fait personnel des copartageants

Outre la garantie traditionnelle, qui couvre les troubles de droit affectant les biens attribués, la jurisprudence a consacré une garantie du fait personnel des copartageants (Cass. com., 8 déc. 1966).

Cette garantie repose sur un principe fondamental : aucun copartageant ne peut, après le partage, adopter un comportement portant atteinte aux droits d’un autre.

Plusieurs situations ont donné lieu à l’application de cette garantie :

  • L’exploitation d’un fonds de commerce concurrent à proximité immédiate de celui attribué à un autre copartageant a été jugée constitutive d’une violation de la garantie du fait personnel (Cass. com., 17 oct. 1984).
  • La remise en cause d’un droit concédé lors du partage, par exemple en contestant la validité d’une servitude attribuée à un autre copartageant, peut également donner lieu à garantie.

Contrairement à la garantie classique, qui repose sur l’article 884 du Code civil, la garantie du fait personnel trouve son fondement dans l’obligation de bonne foi et le respect des engagements (art. 1104 C.civ.).

Ce fondement a des implications importantes :

  • Elle pourrait être considérée d’ordre public, ce qui interdirait aux copartageants de l’exclure contractuellement.
  • Elle repose sur une logique de loyauté entre copartageants, interdisant toute manœuvre destinée à priver un autre copartageant du bénéfice du partage.

Les alternatives au partage en nature: le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

Opérations de partage: les alternatives au partage en nature

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

Nous nous focaliserons ici sur le cas où le partage en nature s’avère impossible ou préjudiciable. Dans cette hypothèse, trois solutions alternatives peuvent être envisagées : le recours à la soulte, la division des biens comme moindre mal, ou la licitation.

A) Première alternative : le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

B) Deuxième alternative : la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

C) Troisième alternative : la vente ou la licitation des biens comme dernier recours

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translatrice de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

Opérations de partage: la recherche d’un partage en nature

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

Nous nous focaliserons ici sur la première étape de constitution des lots: la recherche d’un partage en nature.

Le partage en nature constitue historiquement la règle de principe en matière de répartition des biens indivis. Bien que la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ait consacré le principe d’égalité en valeur à l’article 826 du Code civil, le partage en nature demeure la voie prioritaire qu’il y a lieu d’emprunter lorsqu’il peut être réalisé sans compromettre l’intégrité économique des biens. L’attribution à chaque copartageant d’une part en nature des biens indivis permet de garantir le respect des droits patrimoniaux de chacun et d’assurer une répartition concrète des actifs à partager.

La finalité du partage en nature est d’attribuer à chaque héritier un lot composé de biens matériels équivalant à ses droits dans l’indivision. Concrètement, cette répartition implique que chaque lot soit constitué d’une proportion comparable de biens meubles, immeubles, créances ou autres actifs de même nature. Par exemple, il ne saurait être question d’attribuer exclusivement des liquidités à un héritier et des biens immobiliers à un autre, sauf à porter atteinte à l’équilibre du partage. L’objectif est d’éviter une rupture d’égalité entre les copartageants.

Ainsi, un partage en nature rigoureusement équilibré pourrait se traduire par une répartition homogène des biens selon leur nature : chaque lot comprenant, par exemple, une part de terrains agricoles, une part de biens mobiliers et une part de liquidités. Cette approche permet d’assurer que chaque copartageant soit alloté de manière équitable, tant en valeur qu’en substance, préservant ainsi ses droits patrimoniaux de manière tangible.

A l’analyse, le partage en nature présente deux atouts majeurs :

  • D’une part, il favorise la sécurité juridique des opérations de partage en réduisant les aléas liés à l’évaluation des biens. En effet, les biens immobiliers, les titres financiers ou les objets d’art peuvent être soumis à des fluctuations de valeur parfois difficiles à anticiper. En attribuant directement une part matérielle à chaque héritier, le risque de contestations ultérieures est considérablement atténué.
  • D’autre part, le partage en nature favorise l’équilibre économique des opérations. Il évite que certains copartageants soient exclusivement alloties en liquidités, tandis que d’autres se voient attribuer des biens difficiles à liquider ou susceptibles de perdre de la valeur. Cette méthode de répartition assure une forme d’équité durable, car elle préserve les droits de chacun de manière concrète et immédiate.

Prenons un exemple pratique pour illustrer cette logique. Imaginons une succession comprenant deux appartements identiques situés dans un même immeuble. Il apparaît naturel et équitable d’attribuer un appartement à chacun des deux copartageants, évitant ainsi de recourir à une soulte ou à une vente. Une telle répartition permet d’assurer une égalité instantanée entre les parties, tout en évitant les frais et les délais qu’implique une procédure de licitation.

Dans une situation similaire, lorsque la masse partageable comprend des terrains agricoles de même qualité ou des actions d’une même société, il est tout aussi pertinent d’allouer à chaque héritier une fraction équivalente de ces biens. Cette approche garantit que chaque copartageant bénéficie d’une part concrète du patrimoine transmis, sans dépendre d’une évaluation incertaine ou d’une compensation monétaire qui pourrait, à terme, s’avérer inadaptée.

Toutefois, le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines configurations, trouve sa limite dès lors que la division matérielle des biens risque d’en compromettre la valeur ou l’utilité économique. Il en est ainsi des biens indivis dont le fractionnement entraînerait une dépréciation significative ou rendrait leur exploitation impossible.

L’article 830 du Code civil invite précisément à éviter la division des unités économiques et autres ensembles patrimoniaux dont le morcellement pourrait porter préjudice à leur viabilité. Ce texte traduit la volonté du législateur de préserver la cohérence économique des patrimoines partagés, notamment lorsqu’il s’agit de biens tels que des exploitations agricoles, des fonds de commerce ou des immeubles à usage locatif.

La jurisprudence, fidèle à cette exigence, rappelle que le juge du partage dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si un morcellement est approprié ou s’il constitue une atteinte à l’intégrité économique du bien concerné. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant refusé la division matérielle d’un immeuble composé de deux appartements (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993). Les juges avaient relevé que les installations communes des deux logements (chauffage, canalisations d’eau, installations électriques) rendaient leur séparation techniquement complexe et économiquement inopportune, en raison des coûts élevés de mise aux normes nécessaires pour assurer leur indépendance.

Dans cette affaire, le partage en nature aurait nécessité des travaux coûteux qui auraient compromis la rentabilité des biens. La solution retenue a donc été d’attribuer l’ensemble de l’immeuble à un seul héritier, moyennant le versement d’une soulte aux autres copartageants, afin de rétablir l’équilibre en valeur.

Cette jurisprudence illustre parfaitement la nécessité de préserver l’intégrité des biens lorsque leur division entraînerait une dévalorisation. Le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines hypothèses, ne saurait être réalisé au mépris des réalités économiques. Le juge doit donc, dans chaque situation, rechercher l’option la plus adaptée pour garantir l’équilibre entre les parties tout en préservant la valeur des actifs.

La question du morcellement se pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de biens à vocation économique, tels que les exploitations agricoles. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique d’attribution préférentielle pour ces biens, permettant à un héritier exploitant de se voir attribuer l’ensemble de l’exploitation, afin d’en assurer la pérennité.

Prenons l’exemple d’une exploitation agricole composée de plusieurs parcelles de terres cultivables et de bâtiments d’exploitation. La division matérielle de cet ensemble pourrait compromettre sa viabilité, en raison de la nécessité de maintenir une cohérence fonctionnelle entre les différentes parcelles et infrastructures. Dans une telle situation, le partage en nature serait inopportun, car il nuirait à la rentabilité économique de l’exploitation. Il serait donc préférable d’attribuer l’ensemble à un seul héritier, moyennant une compensation financière versée aux autres copartageants.

Cette solution permet non seulement de préserver l’intégrité de l’exploitation, mais également d’éviter les pertes économiques qui découleraient d’un morcellement. Elle illustre la nécessité d’adopter une approche pragmatique dans les opérations de partage, en tenant compte des spécificités des biens indivis et des intérêts économiques en jeu.

Opérations de partage: le contenu des lots

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

I) La recherche d’un partage en nature

Le partage en nature constitue historiquement la règle de principe en matière de répartition des biens indivis. Bien que la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ait consacré le principe d’égalité en valeur à l’article 826 du Code civil, le partage en nature demeure la voie prioritaire qu’il y a lieu d’emprunter lorsqu’il peut être réalisé sans compromettre l’intégrité économique des biens. L’attribution à chaque copartageant d’une part en nature des biens indivis permet de garantir le respect des droits patrimoniaux de chacun et d’assurer une répartition concrète des actifs à partager.

La finalité du partage en nature est d’attribuer à chaque héritier un lot composé de biens matériels équivalant à ses droits dans l’indivision. Concrètement, cette répartition implique que chaque lot soit constitué d’une proportion comparable de biens meubles, immeubles, créances ou autres actifs de même nature. Par exemple, il ne saurait être question d’attribuer exclusivement des liquidités à un héritier et des biens immobiliers à un autre, sauf à porter atteinte à l’équilibre du partage. L’objectif est d’éviter une rupture d’égalité entre les copartageants.

Ainsi, un partage en nature rigoureusement équilibré pourrait se traduire par une répartition homogène des biens selon leur nature : chaque lot comprenant, par exemple, une part de terrains agricoles, une part de biens mobiliers et une part de liquidités. Cette approche permet d’assurer que chaque copartageant soit alloté de manière équitable, tant en valeur qu’en substance, préservant ainsi ses droits patrimoniaux de manière tangible.

A l’analyse, le partage en nature présente deux atouts majeurs :

  • D’une part, il favorise la sécurité juridique des opérations de partage en réduisant les aléas liés à l’évaluation des biens. En effet, les biens immobiliers, les titres financiers ou les objets d’art peuvent être soumis à des fluctuations de valeur parfois difficiles à anticiper. En attribuant directement une part matérielle à chaque héritier, le risque de contestations ultérieures est considérablement atténué.
  • D’autre part, le partage en nature favorise l’équilibre économique des opérations. Il évite que certains copartageants soient exclusivement alloties en liquidités, tandis que d’autres se voient attribuer des biens difficiles à liquider ou susceptibles de perdre de la valeur. Cette méthode de répartition assure une forme d’équité durable, car elle préserve les droits de chacun de manière concrète et immédiate.

Prenons un exemple pratique pour illustrer cette logique. Imaginons une succession comprenant deux appartements identiques situés dans un même immeuble. Il apparaît naturel et équitable d’attribuer un appartement à chacun des deux copartageants, évitant ainsi de recourir à une soulte ou à une vente. Une telle répartition permet d’assurer une égalité instantanée entre les parties, tout en évitant les frais et les délais qu’implique une procédure de licitation.

Dans une situation similaire, lorsque la masse partageable comprend des terrains agricoles de même qualité ou des actions d’une même société, il est tout aussi pertinent d’allouer à chaque héritier une fraction équivalente de ces biens. Cette approche garantit que chaque copartageant bénéficie d’une part concrète du patrimoine transmis, sans dépendre d’une évaluation incertaine ou d’une compensation monétaire qui pourrait, à terme, s’avérer inadaptée.

Toutefois, le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines configurations, trouve sa limite dès lors que la division matérielle des biens risque d’en compromettre la valeur ou l’utilité économique. Il en est ainsi des biens indivis dont le fractionnement entraînerait une dépréciation significative ou rendrait leur exploitation impossible.

L’article 830 du Code civil invite précisément à éviter la division des unités économiques et autres ensembles patrimoniaux dont le morcellement pourrait porter préjudice à leur viabilité. Ce texte traduit la volonté du législateur de préserver la cohérence économique des patrimoines partagés, notamment lorsqu’il s’agit de biens tels que des exploitations agricoles, des fonds de commerce ou des immeubles à usage locatif.

La jurisprudence, fidèle à cette exigence, rappelle que le juge du partage dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si un morcellement est approprié ou s’il constitue une atteinte à l’intégrité économique du bien concerné. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant refusé la division matérielle d’un immeuble composé de deux appartements (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993). Les juges avaient relevé que les installations communes des deux logements (chauffage, canalisations d’eau, installations électriques) rendaient leur séparation techniquement complexe et économiquement inopportune, en raison des coûts élevés de mise aux normes nécessaires pour assurer leur indépendance.

Dans cette affaire, le partage en nature aurait nécessité des travaux coûteux qui auraient compromis la rentabilité des biens. La solution retenue a donc été d’attribuer l’ensemble de l’immeuble à un seul héritier, moyennant le versement d’une soulte aux autres copartageants, afin de rétablir l’équilibre en valeur.

Cette jurisprudence illustre parfaitement la nécessité de préserver l’intégrité des biens lorsque leur division entraînerait une dévalorisation. Le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines hypothèses, ne saurait être réalisé au mépris des réalités économiques. Le juge doit donc, dans chaque situation, rechercher l’option la plus adaptée pour garantir l’équilibre entre les parties tout en préservant la valeur des actifs.

La question du morcellement se pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de biens à vocation économique, tels que les exploitations agricoles. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique d’attribution préférentielle pour ces biens, permettant à un héritier exploitant de se voir attribuer l’ensemble de l’exploitation, afin d’en assurer la pérennité.

Prenons l’exemple d’une exploitation agricole composée de plusieurs parcelles de terres cultivables et de bâtiments d’exploitation. La division matérielle de cet ensemble pourrait compromettre sa viabilité, en raison de la nécessité de maintenir une cohérence fonctionnelle entre les différentes parcelles et infrastructures. Dans une telle situation, le partage en nature serait inopportun, car il nuirait à la rentabilité économique de l’exploitation. Il serait donc préférable d’attribuer l’ensemble à un seul héritier, moyennant une compensation financière versée aux autres copartageants.

Cette solution permet non seulement de préserver l’intégrité de l’exploitation, mais également d’éviter les pertes économiques qui découleraient d’un morcellement. Elle illustre la nécessité d’adopter une approche pragmatique dans les opérations de partage, en tenant compte des spécificités des biens indivis et des intérêts économiques en jeu.

II) Les alternatives au partage en nature

Lorsque le partage en nature s’avère impossible ou préjudiciable, trois solutions alternatives peuvent être envisagées : le recours à la soulte, la division des biens comme moindre mal, ou la licitation.

A) Première alternative : le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

B) Deuxième alternative : la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

C) Troisième alternative : la vente ou la licitation des biens comme dernier recours

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translatrice de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

Opérations de partage: les modalités de composition des lots

La constitution des lots constitue une étape essentielle des opérations de partage, visant à assurer une répartition équitable des biens indivis, dans le strict respect des droits de chaque héritier. Selon la complexité de la masse à partager et les éventuels différends opposant les indivisaires, le Code de procédure civile prévoit, pour chaque procédure applicable, des modalités spécifiques encadrant la composition des lots.

La mise en œuvre de ces procédures mobilise tantôt l’intervention directe du tribunal judiciaire, tantôt celle d’un notaire commis par le juge, voire celle d’un expert désigné en cours d’instance. Si le rôle des différents acteurs varie selon la voie procédurale retenue, la finalité demeure la même : garantir la sécurité juridique des opérations tout en veillant à préserver les droits individuels de chaque indivisaire dans le cadre du partage.

==>Dans le cadre de la procédure simplifiée

Régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, la procédure simplifiée s’applique lorsque le partage ne soulève aucune difficulté majeure. Elle se prête particulièrement aux situations où la masse successorale est clairement définie et ne comporte ni biens complexes ni ne fait l’objet de différends entre les indivisaires.

Dans ce cadre, le tribunal judiciaire se voit confier un rôle central dans la constitution des lots, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir un notaire pour superviser les opérations. Conformément au premier alinéa de l’article 1361, le juge peut ordonner le partage des biens indivis ou, si le partage est impraticable, décider la vente par licitation lorsque les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies.

Lorsque le tribunal opte pour le partage, il lui appartient d’évaluer la masse partageable et de déterminer la composition des lots en fonction des droits de chaque indivisaire. Le jugement rendu par le tribunal tient alors lieu d’acte de partage, formalisant ainsi la répartition des biens entre les héritiers. Ce mécanisme présente l’avantage d’offrir une solution rapide, alliant simplicité procédurale et sécurité juridique.

Dans les cas où la nature des biens exige une expertise spécifique, le juge peut s’adjoindre un expert, conformément à l’article 1362. Cette mesure facultative vise à garantir une évaluation précise des actifs à répartir, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de meubles ou de droits incorporels. L’expert peut également proposer une répartition des lots en tenant compte de la valeur des biens et des droits des indivisaires. Cependant, dans les situations simples, le tribunal peut directement procéder à la composition des lots et au tirage au sort, sans recourir à une expertise particulière.

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, est réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette opération permet de garantir une attribution impartiale des biens, tout en évitant tout soupçon de favoritisme ou de partialité dans la répartition.

Bien que prévue par le Code de procédure civile, cette procédure semble toutefois peu usitée dans la pratique, probablement en raison de la préférence des parties pour des solutions amiables ou des partages supervisés par un notaire. Comme le souligne Michel Grimaldi, la procédure simplifiée présente toutefois l’avantage d’être « rapide et peu formaliste », ce qui permet d’écarter des coûts et des délais supplémentaires liés à la désignation d’un notaire ou d’un expert.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots par tirage au sort sous la supervision d’un notaire

Lorsque les indivisaires s’entendent sur la composition des lots mais demeurent en désaccord quant à leur attribution, le Code de procédure civile instaure un mécanisme de tirage au sort, régi par l’article 1363, destiné à prévenir les blocages et à garantir une répartition impartiale. Ce mécanisme, qui repose sur le hasard, vise à écarter toute suspicion de favoritisme et à renforcer la sécurité juridique des opérations de partage.

Dans cette configuration, deux acteurs interviennent successivement : le tribunal judiciaire et le notaire désigné. En premier lieu, le tribunal forme la masse partageable, évalue les biens et compose les lots, le cas échéant avec l’assistance d’un expert, conformément aux articles 1361 et 1362. Ce n’est qu’après cette étape que le notaire entre en scène pour présider au tirage au sort des lots et dresser l’acte authentique constatant le partage.

Le rôle du notaire dans cette procédure est essentiellement formel et limité. Il ne participe ni à la liquidation des comptes ni à la constitution des lots, mais se borne à garantir la régularité du tirage au sort et à authentifier l’acte de partage. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le notaire se trouve ici dans une posture d’instrumentation, n’intervenant qu’en bout de chaîne, une fois les lots constitués par le tribunal ». Ainsi, sa mission se distingue nettement de celle du notaire liquidateur dans les procédures complexes, où il est directement impliqué dans l’ensemble des opérations de partage.

Le tirage au sort peut avoir lieu devant le notaire commis par le tribunal ou, à défaut, devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette faculté, prévue par l’article 1363, alinéa 1er, permet d’assurer la neutralité des opérations tout en évitant de mobiliser des ressources lorsque cela n’est pas indispensable.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office ou sur transmission du procès-verbal de carence établi par le notaire (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots dans le cadre de la procédure longue sous la supervision d’un juge commis

Lorsque les opérations de partage présentent une complexité particulière ou que des désaccords profonds persistent entre les indivisaires, la procédure longue, encadrée par les articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, devient nécessaire. À la différence des procédures simplifiées, la procédure longue repose sur une organisation plus élaborée des rôles, où le tribunal judiciaire, le notaire liquidateur et le juge commis interviennent de manière coordonnée, chacun apportant sa contribution spécifique afin d’assurer une répartition équitable et sécurisée des biens indivis.

Le notaire liquidateur, désigné par le tribunal en l’absence d’accord entre les parties (art. 1364, al. 2 CPC), joue un rôle primordial dans la constitution des lots. Contrairement aux procédures simplifiées, où le tribunal est directement impliqué dans la composition des lots, ici, cette mission incombe au notaire. Celui-ci doit procéder à l’évaluation des biens, à la liquidation des comptes entre les indivisaires, et à l’établissement d’un projet d’état liquidatif, lequel fixe la composition des lots à attribuer.

Pour mener à bien cette mission, le notaire dispose de pouvoirs étendus. Il peut, en vertu de l’article 1365, convoquer les parties, demander la communication de toutes pièces utiles à la liquidation et, si nécessaire, solliciter l’intervention d’un expert pour évaluer les biens ou proposer une répartition équitable des lots. Cette expertise s’avère particulièrement utile lorsqu’il s’agit de biens complexes ou difficiles à estimer, tels que des immeubles, des parts sociales, ou encore des œuvres d’art.

Si des difficultés surgissent lors de la préparation du projet d’état liquidatif, le notaire peut s’en remettre au juge commis. Ce dernier, en tant que garant du bon déroulement de la procédure, a la faculté de prononcer des injonctions, de fixer des astreintes, voire de remplacer le notaire si celui-ci manque à ses obligations (art. 1371, al. 2 CPC).

La procédure longue comporte plusieurs étapes encadrées par le Code de procédure civile :

  • Convocation des parties et collecte des informations
    • Le notaire commence par convoquer les parties et recueillir les documents nécessaires à l’évaluation de la masse partageable.
    • Si des désaccords apparaissent quant à la valeur des biens ou à leur répartition, il peut recourir à un expert pour estimer les biens et proposer une composition des lots (art. 1365, al. 3 CPC).
  • Tentative de conciliation sous la supervision du juge commis
    • Avant de finaliser le projet d’état liquidatif, le notaire peut demander au juge commis d’organiser une tentative de conciliation en présence des parties.
    • Cette étape vise à réduire les points de litige et à favoriser un accord amiable sur la répartition des biens (art. 1366 CPC).
  • Élaboration du projet d’état liquidatif
    • Une fois les biens évalués et les comptes liquidés, le notaire établit un projet d’état liquidatif détaillant la composition des lots.
    • Ce document, clé de voûte de la procédure, précise la valeur des biens attribués à chaque indivisaire, en tenant compte de leurs droits respectifs dans la masse partageable (art. 1368 CPC). 
    • Si un expert a été désigné, c’est lui qui procède à l’évaluation des biens et à la composition des lots.
  • Transmission au juge commis et traitement des contestations
    • Le projet d’état liquidatif est ensuite transmis au juge commis, accompagné d’un procès-verbal de difficultés si les parties ont formulé des contestations.
    • Le juge commis peut alors tenter une nouvelle conciliation ou, en cas d’échec, soumettre les points litigieux au tribunal judiciaire (art. 1373 CPC).

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, peut avoir lieu soit devant le notaire, soit devant le juge commis ou son délégué. Si un héritier fait défaut, un représentant peut être désigné pour y assister, conformément aux dispositions de l’article 1376 du Code de procédure civile. Cette mesure vise à éviter que l’absence d’un indivisaire ne paralyse les opérations de partage.

Le tribunal judiciaire, après avoir examiné le projet d’état liquidatif et les éventuelles contestations des parties, peut soit homologuer l’état liquidatif et ordonner le tirage au sort des lots, soit renvoyer le notaire à ses travaux pour apporter les corrections nécessaires (art. 1375 CPC).

Le notaire dispose en principe d’un délai d’un an pour établir le projet d’état liquidatif (art. 1368 CPC). Ce délai peut toutefois être suspendu pour diverses raisons — expertises, tentatives de conciliation, désignation d’un représentant pour un héritier défaillant — ou prorogé d’une année supplémentaire en cas de complexité des opérations (art. 1370 CPC).

Opérations de partage: la composition des lots

La constitution des lots constitue la première étape du partage effectif de la masse partageable. Elle consiste à regrouper les biens indivis en ensembles cohérents, appelés « lots », qui seront ensuite attribués à chaque indivisaire en fonction de ses droits. Cette opération est essentielle, car elle conditionne la répartition finale des biens et vise à garantir un partage équitable et équilibré.

Loin d’être une simple division matérielle des biens, la constitution des lots doit répondre à des principes fondamentaux, parmi lesquels le respect de l’égalité en valeur et le maintien des unités économiques. Le législateur et la jurisprudence imposent ainsi des règles précises encadrant cette opération, tout en laissant une certaine marge de manœuvre afin d’adapter le partage aux réalités économiques et humaines de chaque indivision.

Le processus de constitution des lots présente plusieurs enjeux essentiels :

  • La détermination du nombre de lots, qui dépend directement du mode de partage retenu. Selon les cas, le partage peut être réalisé par tête, lorsque chaque indivisaire reçoit une part égale, ou par souche, lorsque la répartition tient compte de branches familiales distinctes. Par ailleurs, il convient d’envisager le cas où les indivisaires ne disposent pas de droits égaux, ce qui impose une répartition spécifique.
  • La composition des lots, qui suppose de regrouper les biens de manière cohérente et équitable. Cette opération doit respecter les intérêts économiques des indivisaires tout en prenant en compte la nature des biens composant la masse partageable. 

Le partage en nature demeure, en principe, privilégié par le législateur, conformément à l’article 826 du Code civil, qui impose de rechercher autant que possible une attribution de biens en nature correspondant à la valeur des droits de chaque indivisaire. Toutefois, lorsque cette répartition s’avère impossible ou déséquilibrée, des alternatives au partage en nature doivent être envisagées (soultes, division de biens ou licitation en dernier recours).

Nous nous focaliserons ici sur la seconde étape du processus de constitution des lots: la composition des lots.

La composition des lots constitue une étape déterminante des opérations de partage. Elle vise à traduire, en unités cohérentes et équilibrées, les droits que chaque indivisaire détient sur la masse partageable. Cette opération, loin d’être purement arithmétique, exige une réflexion approfondie sur la valeur des biens, leur nature et leur vocation économique, afin de garantir un partage équitable et conforme aux intérêts de chacun.

§1: Modalités de composition des lots

La constitution des lots constitue une étape essentielle des opérations de partage, visant à assurer une répartition équitable des biens indivis, dans le strict respect des droits de chaque héritier. Selon la complexité de la masse à partager et les éventuels différends opposant les indivisaires, le Code de procédure civile prévoit, pour chaque procédure applicable, des modalités spécifiques encadrant la composition des lots.

La mise en œuvre de ces procédures mobilise tantôt l’intervention directe du tribunal judiciaire, tantôt celle d’un notaire commis par le juge, voire celle d’un expert désigné en cours d’instance. Si le rôle des différents acteurs varie selon la voie procédurale retenue, la finalité demeure la même : garantir la sécurité juridique des opérations tout en veillant à préserver les droits individuels de chaque indivisaire dans le cadre du partage.

==>Dans le cadre de la procédure simplifiée

Régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, la procédure simplifiée s’applique lorsque le partage ne soulève aucune difficulté majeure. Elle se prête particulièrement aux situations où la masse successorale est clairement définie et ne comporte ni biens complexes ni ne fait l’objet de différends entre les indivisaires.

Dans ce cadre, le tribunal judiciaire se voit confier un rôle central dans la constitution des lots, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir un notaire pour superviser les opérations. Conformément au premier alinéa de l’article 1361, le juge peut ordonner le partage des biens indivis ou, si le partage est impraticable, décider la vente par licitation lorsque les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies.

Lorsque le tribunal opte pour le partage, il lui appartient d’évaluer la masse partageable et de déterminer la composition des lots en fonction des droits de chaque indivisaire. Le jugement rendu par le tribunal tient alors lieu d’acte de partage, formalisant ainsi la répartition des biens entre les héritiers. Ce mécanisme présente l’avantage d’offrir une solution rapide, alliant simplicité procédurale et sécurité juridique.

Dans les cas où la nature des biens exige une expertise spécifique, le juge peut s’adjoindre un expert, conformément à l’article 1362. Cette mesure facultative vise à garantir une évaluation précise des actifs à répartir, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de meubles ou de droits incorporels. L’expert peut également proposer une répartition des lots en tenant compte de la valeur des biens et des droits des indivisaires. Cependant, dans les situations simples, le tribunal peut directement procéder à la composition des lots et au tirage au sort, sans recourir à une expertise particulière.

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, est réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette opération permet de garantir une attribution impartiale des biens, tout en évitant tout soupçon de favoritisme ou de partialité dans la répartition.

Bien que prévue par le Code de procédure civile, cette procédure semble toutefois peu usitée dans la pratique, probablement en raison de la préférence des parties pour des solutions amiables ou des partages supervisés par un notaire. Comme le souligne Michel Grimaldi, la procédure simplifiée présente toutefois l’avantage d’être « rapide et peu formaliste », ce qui permet d’écarter des coûts et des délais supplémentaires liés à la désignation d’un notaire ou d’un expert.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots par tirage au sort sous la supervision d’un notaire

Lorsque les indivisaires s’entendent sur la composition des lots mais demeurent en désaccord quant à leur attribution, le Code de procédure civile instaure un mécanisme de tirage au sort, régi par l’article 1363, destiné à prévenir les blocages et à garantir une répartition impartiale. Ce mécanisme, qui repose sur le hasard, vise à écarter toute suspicion de favoritisme et à renforcer la sécurité juridique des opérations de partage.

Dans cette configuration, deux acteurs interviennent successivement : le tribunal judiciaire et le notaire désigné. En premier lieu, le tribunal forme la masse partageable, évalue les biens et compose les lots, le cas échéant avec l’assistance d’un expert, conformément aux articles 1361 et 1362. Ce n’est qu’après cette étape que le notaire entre en scène pour présider au tirage au sort des lots et dresser l’acte authentique constatant le partage.

Le rôle du notaire dans cette procédure est essentiellement formel et limité. Il ne participe ni à la liquidation des comptes ni à la constitution des lots, mais se borne à garantir la régularité du tirage au sort et à authentifier l’acte de partage. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le notaire se trouve ici dans une posture d’instrumentation, n’intervenant qu’en bout de chaîne, une fois les lots constitués par le tribunal ». Ainsi, sa mission se distingue nettement de celle du notaire liquidateur dans les procédures complexes, où il est directement impliqué dans l’ensemble des opérations de partage.

Le tirage au sort peut avoir lieu devant le notaire commis par le tribunal ou, à défaut, devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette faculté, prévue par l’article 1363, alinéa 1er, permet d’assurer la neutralité des opérations tout en évitant de mobiliser des ressources lorsque cela n’est pas indispensable.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office ou sur transmission du procès-verbal de carence établi par le notaire (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots dans le cadre de la procédure longue sous la supervision d’un juge commis

Lorsque les opérations de partage présentent une complexité particulière ou que des désaccords profonds persistent entre les indivisaires, la procédure longue, encadrée par les articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, devient nécessaire. À la différence des procédures simplifiées, la procédure longue repose sur une organisation plus élaborée des rôles, où le tribunal judiciaire, le notaire liquidateur et le juge commis interviennent de manière coordonnée, chacun apportant sa contribution spécifique afin d’assurer une répartition équitable et sécurisée des biens indivis.

Le notaire liquidateur, désigné par le tribunal en l’absence d’accord entre les parties (art. 1364, al. 2 CPC), joue un rôle primordial dans la constitution des lots. Contrairement aux procédures simplifiées, où le tribunal est directement impliqué dans la composition des lots, ici, cette mission incombe au notaire. Celui-ci doit procéder à l’évaluation des biens, à la liquidation des comptes entre les indivisaires, et à l’établissement d’un projet d’état liquidatif, lequel fixe la composition des lots à attribuer.

Pour mener à bien cette mission, le notaire dispose de pouvoirs étendus. Il peut, en vertu de l’article 1365, convoquer les parties, demander la communication de toutes pièces utiles à la liquidation et, si nécessaire, solliciter l’intervention d’un expert pour évaluer les biens ou proposer une répartition équitable des lots. Cette expertise s’avère particulièrement utile lorsqu’il s’agit de biens complexes ou difficiles à estimer, tels que des immeubles, des parts sociales, ou encore des œuvres d’art.

Si des difficultés surgissent lors de la préparation du projet d’état liquidatif, le notaire peut s’en remettre au juge commis. Ce dernier, en tant que garant du bon déroulement de la procédure, a la faculté de prononcer des injonctions, de fixer des astreintes, voire de remplacer le notaire si celui-ci manque à ses obligations (art. 1371, al. 2 CPC).

La procédure longue comporte plusieurs étapes encadrées par le Code de procédure civile :

  • Convocation des parties et collecte des informations
    • Le notaire commence par convoquer les parties et recueillir les documents nécessaires à l’évaluation de la masse partageable.
    • Si des désaccords apparaissent quant à la valeur des biens ou à leur répartition, il peut recourir à un expert pour estimer les biens et proposer une composition des lots (art. 1365, al. 3 CPC).
  • Tentative de conciliation sous la supervision du juge commis
    • Avant de finaliser le projet d’état liquidatif, le notaire peut demander au juge commis d’organiser une tentative de conciliation en présence des parties.
    • Cette étape vise à réduire les points de litige et à favoriser un accord amiable sur la répartition des biens (art. 1366 CPC).
  • Élaboration du projet d’état liquidatif
    • Une fois les biens évalués et les comptes liquidés, le notaire établit un projet d’état liquidatif détaillant la composition des lots.
    • Ce document, clé de voûte de la procédure, précise la valeur des biens attribués à chaque indivisaire, en tenant compte de leurs droits respectifs dans la masse partageable (art. 1368 CPC). 
    • Si un expert a été désigné, c’est lui qui procède à l’évaluation des biens et à la composition des lots.
  • Transmission au juge commis et traitement des contestations
    • Le projet d’état liquidatif est ensuite transmis au juge commis, accompagné d’un procès-verbal de difficultés si les parties ont formulé des contestations.
    • Le juge commis peut alors tenter une nouvelle conciliation ou, en cas d’échec, soumettre les points litigieux au tribunal judiciaire (art. 1373 CPC).

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, peut avoir lieu soit devant le notaire, soit devant le juge commis ou son délégué. Si un héritier fait défaut, un représentant peut être désigné pour y assister, conformément aux dispositions de l’article 1376 du Code de procédure civile. Cette mesure vise à éviter que l’absence d’un indivisaire ne paralyse les opérations de partage.

Le tribunal judiciaire, après avoir examiné le projet d’état liquidatif et les éventuelles contestations des parties, peut soit homologuer l’état liquidatif et ordonner le tirage au sort des lots, soit renvoyer le notaire à ses travaux pour apporter les corrections nécessaires (art. 1375 CPC).

Le notaire dispose en principe d’un délai d’un an pour établir le projet d’état liquidatif (art. 1368 CPC). Ce délai peut toutefois être suspendu pour diverses raisons — expertises, tentatives de conciliation, désignation d’un représentant pour un héritier défaillant — ou prorogé d’une année supplémentaire en cas de complexité des opérations (art. 1370 CPC).

§2: Contenu des lots

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

I) La recherche d’un partage en nature

Le partage en nature constitue historiquement la règle de principe en matière de répartition des biens indivis. Bien que la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ait consacré le principe d’égalité en valeur à l’article 826 du Code civil, le partage en nature demeure la voie prioritaire qu’il y a lieu d’emprunter lorsqu’il peut être réalisé sans compromettre l’intégrité économique des biens. L’attribution à chaque copartageant d’une part en nature des biens indivis permet de garantir le respect des droits patrimoniaux de chacun et d’assurer une répartition concrète des actifs à partager.

La finalité du partage en nature est d’attribuer à chaque héritier un lot composé de biens matériels équivalant à ses droits dans l’indivision. Concrètement, cette répartition implique que chaque lot soit constitué d’une proportion comparable de biens meubles, immeubles, créances ou autres actifs de même nature. Par exemple, il ne saurait être question d’attribuer exclusivement des liquidités à un héritier et des biens immobiliers à un autre, sauf à porter atteinte à l’équilibre du partage. L’objectif est d’éviter une rupture d’égalité entre les copartageants.

Ainsi, un partage en nature rigoureusement équilibré pourrait se traduire par une répartition homogène des biens selon leur nature : chaque lot comprenant, par exemple, une part de terrains agricoles, une part de biens mobiliers et une part de liquidités. Cette approche permet d’assurer que chaque copartageant soit alloté de manière équitable, tant en valeur qu’en substance, préservant ainsi ses droits patrimoniaux de manière tangible.

A l’analyse, le partage en nature présente deux atouts majeurs :

  • D’une part, il favorise la sécurité juridique des opérations de partage en réduisant les aléas liés à l’évaluation des biens. En effet, les biens immobiliers, les titres financiers ou les objets d’art peuvent être soumis à des fluctuations de valeur parfois difficiles à anticiper. En attribuant directement une part matérielle à chaque héritier, le risque de contestations ultérieures est considérablement atténué.
  • D’autre part, le partage en nature favorise l’équilibre économique des opérations. Il évite que certains copartageants soient exclusivement alloties en liquidités, tandis que d’autres se voient attribuer des biens difficiles à liquider ou susceptibles de perdre de la valeur. Cette méthode de répartition assure une forme d’équité durable, car elle préserve les droits de chacun de manière concrète et immédiate.

Prenons un exemple pratique pour illustrer cette logique. Imaginons une succession comprenant deux appartements identiques situés dans un même immeuble. Il apparaît naturel et équitable d’attribuer un appartement à chacun des deux copartageants, évitant ainsi de recourir à une soulte ou à une vente. Une telle répartition permet d’assurer une égalité instantanée entre les parties, tout en évitant les frais et les délais qu’implique une procédure de licitation.

Dans une situation similaire, lorsque la masse partageable comprend des terrains agricoles de même qualité ou des actions d’une même société, il est tout aussi pertinent d’allouer à chaque héritier une fraction équivalente de ces biens. Cette approche garantit que chaque copartageant bénéficie d’une part concrète du patrimoine transmis, sans dépendre d’une évaluation incertaine ou d’une compensation monétaire qui pourrait, à terme, s’avérer inadaptée.

Toutefois, le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines configurations, trouve sa limite dès lors que la division matérielle des biens risque d’en compromettre la valeur ou l’utilité économique. Il en est ainsi des biens indivis dont le fractionnement entraînerait une dépréciation significative ou rendrait leur exploitation impossible.

L’article 830 du Code civil invite précisément à éviter la division des unités économiques et autres ensembles patrimoniaux dont le morcellement pourrait porter préjudice à leur viabilité. Ce texte traduit la volonté du législateur de préserver la cohérence économique des patrimoines partagés, notamment lorsqu’il s’agit de biens tels que des exploitations agricoles, des fonds de commerce ou des immeubles à usage locatif.

La jurisprudence, fidèle à cette exigence, rappelle que le juge du partage dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si un morcellement est approprié ou s’il constitue une atteinte à l’intégrité économique du bien concerné. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant refusé la division matérielle d’un immeuble composé de deux appartements (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993). Les juges avaient relevé que les installations communes des deux logements (chauffage, canalisations d’eau, installations électriques) rendaient leur séparation techniquement complexe et économiquement inopportune, en raison des coûts élevés de mise aux normes nécessaires pour assurer leur indépendance.

Dans cette affaire, le partage en nature aurait nécessité des travaux coûteux qui auraient compromis la rentabilité des biens. La solution retenue a donc été d’attribuer l’ensemble de l’immeuble à un seul héritier, moyennant le versement d’une soulte aux autres copartageants, afin de rétablir l’équilibre en valeur.

Cette jurisprudence illustre parfaitement la nécessité de préserver l’intégrité des biens lorsque leur division entraînerait une dévalorisation. Le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines hypothèses, ne saurait être réalisé au mépris des réalités économiques. Le juge doit donc, dans chaque situation, rechercher l’option la plus adaptée pour garantir l’équilibre entre les parties tout en préservant la valeur des actifs.

La question du morcellement se pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de biens à vocation économique, tels que les exploitations agricoles. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique d’attribution préférentielle pour ces biens, permettant à un héritier exploitant de se voir attribuer l’ensemble de l’exploitation, afin d’en assurer la pérennité.

Prenons l’exemple d’une exploitation agricole composée de plusieurs parcelles de terres cultivables et de bâtiments d’exploitation. La division matérielle de cet ensemble pourrait compromettre sa viabilité, en raison de la nécessité de maintenir une cohérence fonctionnelle entre les différentes parcelles et infrastructures. Dans une telle situation, le partage en nature serait inopportun, car il nuirait à la rentabilité économique de l’exploitation. Il serait donc préférable d’attribuer l’ensemble à un seul héritier, moyennant une compensation financière versée aux autres copartageants.

Cette solution permet non seulement de préserver l’intégrité de l’exploitation, mais également d’éviter les pertes économiques qui découleraient d’un morcellement. Elle illustre la nécessité d’adopter une approche pragmatique dans les opérations de partage, en tenant compte des spécificités des biens indivis et des intérêts économiques en jeu.

II) Les alternatives au partage en nature

Lorsque le partage en nature s’avère impossible ou préjudiciable, trois solutions alternatives peuvent être envisagées : le recours à la soulte, la division des biens comme moindre mal, ou la licitation.

A) Première alternative : le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

B) Deuxième alternative : la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

C) Troisième alternative : la vente ou la licitation des biens comme dernier recours

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translatrice de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

Opérations de partage: la détermination du nombre de lots

La constitution des lots constitue la première étape du partage effectif de la masse partageable. Elle consiste à regrouper les biens indivis en ensembles cohérents, appelés « lots », qui seront ensuite attribués à chaque indivisaire en fonction de ses droits. Cette opération est essentielle, car elle conditionne la répartition finale des biens et vise à garantir un partage équitable et équilibré.

Loin d’être une simple division matérielle des biens, la constitution des lots doit répondre à des principes fondamentaux, parmi lesquels le respect de l’égalité en valeur et le maintien des unités économiques. Le législateur et la jurisprudence imposent ainsi des règles précises encadrant cette opération, tout en laissant une certaine marge de manœuvre afin d’adapter le partage aux réalités économiques et humaines de chaque indivision.

Le processus de constitution des lots présente plusieurs enjeux essentiels :

  • La détermination du nombre de lots, qui dépend directement du mode de partage retenu. Selon les cas, le partage peut être réalisé par tête, lorsque chaque indivisaire reçoit une part égale, ou par souche, lorsque la répartition tient compte de branches familiales distinctes. Par ailleurs, il convient d’envisager le cas où les indivisaires ne disposent pas de droits égaux, ce qui impose une répartition spécifique.
  • La composition des lots, qui suppose de regrouper les biens de manière cohérente et équitable. Cette opération doit respecter les intérêts économiques des indivisaires tout en prenant en compte la nature des biens composant la masse partageable. 

Le partage en nature demeure, en principe, privilégié par le législateur, conformément à l’article 826 du Code civil, qui impose de rechercher autant que possible une attribution de biens en nature correspondant à la valeur des droits de chaque indivisaire. Toutefois, lorsque cette répartition s’avère impossible ou déséquilibrée, des alternatives au partage en nature doivent être envisagées (soultes, division de biens ou licitation en dernier recours).

Nous nous focaliserons ici sur la première étape du processus de constitution des lots: la détermination de leur nombre.

La détermination du nombre de lots à composer se pose avec la même acuité, qu’il s’agisse d’un partage successoral ou d’un partage issu d’une autre situation d’indivision, telle que la dissolution d’une indivision post-communautaire, la répartition d’un bien acquis conjointement par des tiers, ou encore la liquidation d’une indivision conventionnelle.

Si les règles applicables trouvent leur socle dans les principes généraux du droit des successions, elles s’adaptent aux spécificités de chaque situation afin de garantir une répartition équilibrée des droits indivis. 

La détermination du nombre de lots obéit à deux principes importants : d’une part, le partage par tête ou par souche, visant à garantir une stricte égalité arithmétique entre les copartageants, et, d’autre part, le partage en présence de parts inégales, qui exige une réduction des droits au plus petit dénominateur commun afin de garantir l’équité dans l’attribution des lots.

§1: Le partage par tête ou par souche

==>Le partage par tête : une division à parts égales entre les indivisaires

Le partage par tête intervient lorsque chaque indivisaire est titulaire de droits égaux sur les biens indivis et accède à l’indivision de son propre chef, sans qu’il y ait lieu de recourir à la représentation. Ce mode de répartition, qui a pour fondement l’article 827 du Code civil, impose que le partage de la masse indivise s’effectue à parts égales entre les copartageants, chacun recevant un lot correspondant à sa part de droits indivis. La règle énoncée par l’article 827 signifie qu’il doit être constitué autant de lots que d’indivisaires, chaque lot devant refléter de manière identique la valeur d’une fraction de la masse partageable.

L’exigence d’égalité qui sous-tend le partage par tête trouve à s’appliquer dans toutes les formes d’indivision, qu’elle soit d’origine successorale, communautaire ou conventionnelle. Prenons l’exemple d’une indivision issue de l’acquisition commune d’un bien immobilier par trois coacquéreurs ayant financé à parts égales l’achat. Si ces indivisaires souhaitent procéder au partage du bien, trois lots de valeur équivalente devront être constitués afin que chacun reçoive une portion correspondant à sa quote-part initiale. Ce mécanisme, qui est d’une grande simplicité, garantit une répartition équitable, prévenant ainsi tout litige sur la répartition des biens.

Dans le cadre d’une succession, le même principe s’applique. Si un défunt laisse trois enfants comme héritiers, la masse successorale sera divisée en trois parts égales, chacun des enfants recevant un lot d’égale valeur. Cette approche assure une répartition équilibrée des biens entre les héritiers, conformément à l’idée selon laquelle chaque copartageant doit pouvoir jouir d’une part identique du patrimoine à partager. Comme l’affirment Aubry et Rau, « le partage par tête tend à maintenir l’équilibre initial entre les indivisaires, sans distinction autre que celle de leurs droits respectifs ».

Le partage par tête trouve également à s’appliquer dans des indivisions post-communautaires. Lorsqu’un couple marié sous le régime de la communauté se sépare et que le partage doit intervenir entre les deux ex-époux, la division en deux lots de valeur équivalente s’impose si les contributions aux biens communs ont été égales. Ce principe assure une continuité logique avec l’égalité patrimoniale ayant prévalu durant le mariage.

Toutefois, certaines particularités doivent être prises en compte dans des situations spécifiques. Si un indivisaire décède avant que le partage ne soit réalisé, ses droits indivis sont transmis à ses héritiers, mais un seul lot devra être constitué pour l’ensemble des successeurs venant à la même part. Cette unité du lot, qui vise à préserver l’homogénéité du partage, permet d’éviter une multiplication des lots inutiles et une complexité excessive des opérations. Planiol et Ripert rappellent à cet égard que « le lot doit être conçu comme une unité indivisible destinée à satisfaire les droits d’un même indivisaire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe venant en représentation ».

Enfin, la question du partage par tête peut soulever des difficultés lorsque le partage est retardé en raison de circonstances particulières. Tel est le cas lorsqu’un enfant est seulement conçu au jour de l’ouverture de la succession. Conformément à l’article 725 du Code civil, cet enfant a vocation à recueillir la succession s’il naît viable. Dans une telle hypothèse, si le partage doit être organisé avant la naissance, il est raisonnable de constituer les lots en tenant compte de cette naissance probable. Un ajustement pourra alors intervenir ultérieurement pour corriger la répartition initiale en fonction du nombre d’enfants effectivement nés. Cette solution pragmatique permet d’anticiper les éventualités tout en garantissant une répartition conforme aux droits successoraux effectifs.

==>Le partage par souche : préserver l’unité des droits transmis par représentation

Le partage par souche intervient dans les situations où certains indivisaires accèdent à la masse indivise par le mécanisme de la représentation, c’est-à-dire en qualité de continuateurs des droits d’un auteur décédé avant le partage. Cette règle, consacrée par l’article 827 du Code civil, vise à préserver l’unité des droits transmis au sein d’une même branche familiale. En effet, le texte précise que « le partage de la masse s’opère par tête. Toutefois, il se fait par souche quand il y a lieu à représentation », ajoutant que, dans un tel cas, une répartition distincte doit être opérée entre les héritiers de chaque souche. Ce principe trouve son application naturelle dans le cadre des successions, mais il peut également s’étendre à d’autres formes d’indivision, telles que les indivisions conventionnelles ou post-communautaires.

Le mécanisme du partage par souche repose sur une division initiale de la masse partageable entre les différentes souches représentées, chaque souche formant une unité indivisible dans la répartition des lots. À titre d’illustration, prenons l’exemple d’une indivision successorale dans laquelle le défunt laisse deux enfants, l’un des deux étant décédé avant le partage, laissant à son tour deux descendants. Conformément à la règle du partage par souche, deux lots seront d’abord constitués pour les enfants du défunt, puis un second partage sera opéré au sein de la souche représentée, afin que les petits-enfants se partagent équitablement le lot attribué à leur parent décédé. Ce mécanisme garantit que chaque branche familiale conserve une part intacte des droits hérités, tout en assurant une répartition juste au sein de chaque souche.

La doctrine s’accorde sur l’importance de ce principe pour éviter une multiplication excessive des lots, laquelle pourrait conduire à des complications lors du tirage au sort ou à la nécessité de recourir à une licitation. Comme le rappellent Aubry et Rau, « la règle du partage par souche tend à maintenir l’équilibre entre les branches familiales, en limitant les risques de fragmentation excessive de la masse partageable ».

Dans la pratique, le partage par souche permet également de prendre en compte les situations où les droits transmis ne sont pas directement issus de la dévolution successorale. Par exemple, dans une société civile immobilière (SCI), si un associé décédé avait deux enfants, mais que l’un d’eux est également décédé avant le partage, ses propres descendants recueilleront ensemble le lot attribué à leur auteur. Cette méthode garantit que la transmission des droits reste cohérente avec la structure familiale initiale et permet d’éviter un morcellement disproportionné du capital social de la SCI.

Toutefois, le partage par souche ne s’applique pas uniquement aux successions. Il peut également trouver à s’appliquer dans les indivisions conventionnelles, notamment lorsque plusieurs indivisaires représentent les ayants droit d’un titulaire initial de droits indivis. 

Prenons un exemple concret. Imaginons une indivision conventionnelle issue de l’acquisition d’un bien immobilier par deux frères. L’un d’eux cède ses droits indivis à ses trois enfants, tandis que l’autre conserve l’intégralité de ses parts. Dans une telle situation, au moment du partage, les trois enfants du premier frère ne recevront pas chacun un lot distinct. Conformément au principe du partage par souche, ils seront considérés comme une souche unique, représentant les droits transmis par leur père. Il conviendra alors de constituer deux lots : l’un pour le frère ayant conservé ses parts, l’autre pour les trois enfants, pris collectivement. Ce mécanisme garantit que les droits transmis par le frère cédant ne soient pas artificiellement fragmentés, assurant ainsi une cohérence dans la répartition des biens indivis.

Ce principe trouve un écho important dans la jurisprudence. Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a rappelé que le partage par souche vise à préserver l’unité des droits transmis par représentation et ne doit pas être confondu avec le partage par tête (Cass. 1ère civ., 29 juin 2011, n°10-17.925). Dans cette affaire, la succession concernait l’épouse d’un copartageant survivant, lequel partageait les droits successoraux avec ses trois petites-filles, venues par représentation de leur père prédécédé.

L’époux survivant, usufruitier de la moitié des biens successoraux et donataire de la plus large quotité disponible, avait sollicité le partage de la succession et la licitation préalable de deux biens immobiliers. La cour d’appel avait ordonné cette licitation, estimant que les biens étaient de valeur inégale et que les copartageantes n’étaient pas en mesure de proposer une répartition en nature. Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette décision, en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le partage pouvait être commodément réalisé en deux lots distincts : l’un devant être attribué à l’époux survivant et l’autre aux trois petites-filles, prises collectivement en tant que souche unique.

Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme que le partage par souche permet d’éviter que les héritiers venant par représentation soient désavantagés en raison de leur nombre. En effet, si le partage s’était opéré par tête, chacune des petites-filles aurait reçu un lot distinct, risquant de fragmenter les droits issus de leur auteur commun. Or, en retenant le mécanisme du partage par souche, un lot unique est attribué à la souche représentée, ce qui permet d’assurer une cohérence dans la transmission des droits et une simplification du partage.

Cette distinction entre partage par tête et partage par souche est cruciale pour garantir une répartition équitable, notamment dans les successions complexes où les héritiers ne se trouvent pas tous au même degré de parenté. Prenons un autre exemple : un défunt laisse un enfant survivant et trois petits-enfants venant par représentation d’un autre enfant prédécédé. Si le partage s’opère par tête, chaque petit-enfant recevra une part distincte, ce qui aura pour effet de réduire la quote-part globale de leur souche par rapport à celle de l’enfant survivant. En revanche, si le partage est réalisé par souche, les trois petits-enfants recevront un lot unique correspondant à la part qui aurait été dévolue à leur parent prédécédé, assurant ainsi une stricte égalité entre les différentes branches familiales.

La distinction entre ces deux mécanismes est particulièrement importante lorsque les biens indivis sont difficiles à partager en nature, comme des immeubles ou des biens indivisibles. La Cour de cassation veille ainsi à ce que le recours au partage par souche permette d’éviter une multiplication excessive des lots, susceptible de conduire à une licitation, souvent source de conflits. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le partage par souche permet d’assurer une répartition juste tout en limitant le risque de licitations, qui sont souvent sources de tensions et de pertes financières pour les indivisaires ».

§2: Le partage en présence de parts inégales

Dans certaines situations d’indivision, les indivisaires ne détiennent pas des droits égaux sur les biens indivis. Cela peut être le cas dans une succession lorsque les héritiers ont des droits de quotités différentes, mais également dans une indivision conventionnelle résultant d’un apport initial inégal. Il devient alors nécessaire de composer un nombre de lots correspondant aux droits proportionnels de chaque indivisaire.

==>La réduction au plus petit dénominateur commun : une méthode de répartition proportionnelle

Lorsque le partage doit être réalisé entre des indivisaires détenant des droits inégaux sur les biens indivis, la méthode de réduction au plus petit dénominateur commun s’impose pour garantir une répartition proportionnelle des biens et éviter les déséquilibres susceptibles de naître d’une division inadaptée. Ce mécanisme permet d’ajuster le nombre de lots de manière à ce que chaque indivisaire reçoive une part conforme à ses droits, quelle que soit leur quotité. Il s’agit là d’une exigence essentielle dans les partages complexes, où une stricte division arithmétique prévient les litiges et assure une répartition juste.

Prenons l’exemple d’une indivision post-communautaire entre un conjoint survivant et les enfants du couple. Supposons que le conjoint survivant dispose d’un quart des droits sur la masse commune et que les deux enfants partagent les trois quarts restants. Dans cette hypothèse, la réduction au plus petit dénominateur commun conduit à diviser la masse en huit lots. Deux de ces lots seront attribués au conjoint survivant, correspondant à son quart des droits, tandis que les six lots restants seront répartis à parts égales entre les deux enfants, chacun recevant trois lots. Cette répartition garantit que chaque indivisaire soit rempli de ses droits de manière proportionnelle à sa quote-part dans la masse partageable.

Ce principe trouve également une application pertinente dans le cadre des successions comportant des biens indivis difficiles à répartir en nature. Imaginons une situation où trois héritiers doivent se partager une masse composée d’une propriété agricole indivisible, évaluée à 250 000 euros, et de 50 000 euros en liquidités. Les droits des héritiers s’élèvent respectivement à 50 %, 30 % et 20 %. La réduction au plus petit dénominateur commun conduit alors à diviser la masse en dix lots : cinq pour le premier héritier, trois pour le second et deux pour le troisième. Cette division garantit que les parts attribuées reflètent précisément les droits de chacun, tout en minimisant le risque d’inégalités dans le partage.

Dans les indivisions conventionnelles, la réduction au plus petit dénominateur commun se révèle tout aussi utile, notamment lorsque les apports des indivisaires à l’acquisition d’un bien sont inégaux. Imaginons trois coacquéreurs ayant acheté ensemble un immeuble, chacun ayant contribué à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % du prix d’achat. Plutôt que de composer trois lots arbitraires, la réduction au plus petit dénominateur commun impose de créer dix lots : cinq pour le premier coacquéreur, trois pour le second et deux pour le troisième. Cette méthode permet d’assurer une répartition fidèle des biens, conforme aux contributions initiales des indivisaires, et d’éviter une multiplication désordonnée des lots, qui pourrait rendre le partage impraticable.

En pratique, ce mécanisme se révèle particulièrement efficace pour prévenir les conflits entre indivisaires. En ajustant le nombre de lots à la proportion exacte des droits détenus, la réduction au plus petit dénominateur commun garantit une stricte correspondance entre les lots attribués et les parts réelles de chacun. Cette exigence de précision arithmétique est indispensable pour préserver l’équilibre patrimonial entre les indivisaires, notamment lorsque les biens indivis sont difficiles à partager équitablement en nature.

Comme le rappelle la doctrine, notamment sous la plume de Michel Grimaldi, « le partage proportionnel, fondé sur la réduction au plus petit dénominateur commun, assure une répartition juste et prévient les risques de litiges liés à une division déséquilibrée ». En adaptant le nombre de lots à la réalité des droits indivis, cette méthode constitue un rempart efficace contre les éventuelles contestations des indivisaires, tout en garantissant la sécurité juridique du partage.

Cependant, lorsque les biens indivis ne peuvent être divisés sans altérer leur valeur — par exemple, un immeuble d’habitation ou un fonds agricole —, la réduction au plus petit dénominateur commun peut atteindre ses limites. Il devient alors nécessaire d’envisager des ajustements complémentaires pour rétablir l’équilibre entre les lots. 

==>Le recours aux soultes : un correctif à l’inégalité en nature

Lorsque la répartition des biens indivis ne permet pas d’établir des lots de valeur strictement équivalente en nature, le recours aux soultes apparaît comme une solution indispensable pour préserver l’équilibre patrimonial entre les indivisaires. Ce mécanisme consiste à attribuer des lots inégaux en nature, compensés par une somme d’argent destiné à rétablir la proportionnalité des droits de chacun. Cette technique, bien que nécessitant une certaine souplesse dans l’appréhension de l’égalité, s’inscrit pleinement dans les exigences de justice distributive qui président aux opérations de partage.

Imaginons une succession comportant une propriété agricole indivisible d’une valeur estimée à 250 000 euros, ainsi que 50 000 euros en liquidités. Trois héritiers doivent se partager cette masse, leurs droits étant respectivement de 50 %, 30 % et 20 %. La méthode de réduction au plus petit dénominateur commun impose ici de diviser la masse en dix lots : cinq pour le premier héritier, trois pour le second et deux pour le troisième. Cependant, la propriété agricole ne pouvant être fractionnée sans altérer sa valeur, il conviendra de l’attribuer en totalité au premier héritier, lequel devra verser une soulte de 50 000 euros aux deux autres indivisaires. Cette soulte permettra de compenser l’écart entre la valeur des lots en nature et les droits respectifs des deux autres héritiers sur la masse partageable.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 28 juin 1972, a validé le recours aux soultes pour garantir une répartition équitable lorsque le partage en nature s’avère impraticable en raison de la nature indivisible des biens (Cass. 1re civ., 28 juin 1972, n°71-12.571). Il ressort de cette décision que, dans certaines situations, il est préférable de compenser les disparités entre les lots par des versements financiers plutôt que d’imposer un morcellement excessif des biens, qui pourrait nuire à leur valeur ou à leur exploitation.

L’affaire concernait une indivision issue du décès d’un copropriétaire, laissant pour lui succéder son conjoint survivant et leurs enfants. Après plusieurs cessions de droits au sein de la famille, l’indivision se composait de trois coïndivisaires, détenant respectivement 19/48, 16/48 et 13/48 des droits indivis sur une vaste exploitation agricole située à la Martinique, comprenant des terres agricoles, des bâtiments et une distillerie. Deux coïndivisaires avaient sollicité la licitation du domaine en un seul lot, tandis que le troisième avait demandé que le partage fût réalisé en nature.

La cour d’appel, se fondant sur un rapport d’expertise, avait décidé que le partage pouvait s’opérer en trois lots de valeur inégale, à condition que les déséquilibres soient corrigés par des soultes en argent. Elle avait relevé que l’exploitation agricole ne pouvait être divisée en parts égales sans perdre une part importante de sa valeur. En procédant à une attribution par tirage au sort des trois lots, avec versement de soultes pour compenser les écarts, la cour d’appel avait estimé préserver les droits de chaque indivisaire tout en assurant la continuité de l’exploitation.

La Cour de cassation a validé cette solution, en rejetant le pourvoi formé par l’un des coïndivisaires. La Haute juridiction a rappelé que, selon l’article 832 du Code civil, « la règle de l’égalité en nature dans la formation et la composition des lots ne doit être strictement observée que dans la mesure où le morcellement des héritages et la division des exploitations peuvent être évités ». En l’espèce, les juges d’appel avaient souverainement apprécié que la création de trois lots inégaux, avec correction par soultes, permettait de maintenir la propriété dans la famille et de garantir à chaque indivisaire une part proportionnelle à ses droits.

La Cour de cassation a également souligné que le partage en nature est toujours préférable à la licitation, surtout lorsqu’il permet de préserver l’intégrité d’un bien familial. En attribuant l’exploitation agricole à l’un des coïndivisaires et en compensant les autres par des soultes, la cour d’appel a évité une division excessive du domaine, qui aurait pu nuire à sa gestion et à sa rentabilité.

Prenons un exemple illustratif similaire. Imaginons une succession comprenant une propriété viticole estimée à 500 000 euros et des liquidités de 50 000 euros. Deux héritiers détiennent respectivement 60 % et 40 % des droits. Si la propriété ne peut être divisée en nature sans perdre sa valeur, il serait logique d’attribuer le domaine au premier héritier, à charge pour lui de verser une soulte de 50 000 euros au second, correspondant à l’écart entre la valeur de la propriété et les droits du coïndivisaire. Ce mécanisme permettrait de maintenir l’exploitation viticole intacte tout en assurant une répartition équitable.

Cette solution trouve également une application pratique dans les indivisions conventionnelles. Prenons l’exemple de trois coacquéreurs ayant acquis ensemble un immeuble d’une valeur de 300 000 euros, chacun ayant contribué à hauteur de 50 %, 30 % et 20 % du prix d’achat. Supposons que cet immeuble constitue le seul bien indivis. Plutôt que de procéder à une licitation, qui pourrait engendrer des pertes financières et des conflits, il serait préférable d’attribuer l’immeuble au coacquéreur ayant la plus grande participation, à condition qu’il verse une soulte aux deux autres, correspondant à la différence entre la valeur de l’immeuble et leurs droits respectifs. Ainsi, le premier coacquéreur pourrait recevoir le bien en totalité et compenser les deux autres par des versements financiers proportionnels à leurs parts.

Cette technique présente l’avantage d’éviter une division physique des biens qui, dans certains cas, pourrait réduire considérablement leur valeur. Elle permet également d’éviter les licitations forcées, qui peuvent engendrer des tensions entre les indivisaires et porter atteinte à l’intégrité du patrimoine à partager. En attribuant les biens les plus difficiles à fractionner à un seul indivisaire et en ajustant la répartition par des soultes, le partage peut s’opérer de manière plus harmonieuse et conforme aux intérêts de chacun.

Prenons un autre exemple dans le cadre d’une indivision postcommunautaire. Supposons qu’un couple, lors de la dissolution de la communauté, détienne un immeuble indivisible et peu de liquidités. Le conjoint survivant, ayant droit à un quart de la masse, pourrait se voir attribuer la totalité de l’immeuble, tandis qu’il verserait une soulte aux enfants pour compenser leur part dans la masse partageable. Ce mécanisme permettrait d’éviter la vente forcée du bien, tout en garantissant aux enfants une compensation monétaire équivalente à leurs droits.

Le recours aux soultes s’avère ainsi une méthode pragmatique et efficace pour préserver l’intégrité des biens indivis, tout en assurant une répartition conforme aux droits de chacun. Aussi, l’égalité dans le partage ne s’entend pas nécessairement d’une division en nature, mais d’une recherche d’équilibre patrimonial, garantissant à chaque copartageant la juste valeur de ses droits. Cette approche permet d’adapter les modalités de partage aux spécificités des biens à répartir, tout en respectant les principes fondamentaux du droit des successions et des indivisions.

==>La fente successorale : un mécanisme particulier de division par branches

Dans le cadre d’un partage successoral, l’application du mécanisme de la fente se présente comme une technique particulière de répartition, distincte des modalités classiques de partage par tête ou par souche, visant à préserver un équilibre patrimonial entre les deux branches familiales du défunt. Instituée par les articles 744 et suivants du Code civil, la fente trouve à s’appliquer lorsqu’une personne décède sans laisser ni descendants, ni conjoint survivant. Dans cette situation, la succession se divise par moitié entre la branche maternelle et la branche paternelle, indépendamment du nombre d’héritiers dans chacune d’elles. Ce mécanisme correcteur vise à prévenir les déséquilibres pouvant résulter d’une stricte application des règles de dévolution légale, qui, en l’absence de fente, pourraient aboutir à concentrer l’ensemble des biens dans une seule branche familiale.

La fente successorale ne repose pas sur les mêmes principes que le partage par souche. Tandis que le partage par souche repose sur le mécanisme de représentation, permettant à des héritiers de venir à la succession en lieu et place de leur auteur prédécédé, la fente obéit à une logique purement arithmétique de division de la masse successorale entre deux branches parentales, indépendamment du nombre d’héritiers au sein de chacune d’elles. Selon que la dévolution successorale mobilise l’un ou l’autre de ces mécanismes, les modalités de répartition des biens diffèrent substantiellement, influant directement sur la composition des lots attribués aux héritiers. En effet, contrairement au partage par souche, la fente successorale ne permet pas de constituer un lot unique regroupant tous les héritiers d’une même branche. Chaque héritier conserve un droit individuel à sa part, qu’il peut exiger en nature ou, à défaut, par la licitation des biens indivis.

La jurisprudence a eu l’occasion d’affirmer avec fermeté ce principe. Dans un arrêt du 26 novembre 1883, la Cour de cassation a rappelé que le mécanisme de la fente ne saurait altérer les droits patrimoniaux individuels des héritiers (Cass. civ., 26 nov. 1883). Dans cette affaire, la succession d’un défunt devait être partagée à parité entre les héritiers des branches paternelle et maternelle. La cour d’appel avait envisagé de constituer deux lots distincts — un pour chaque branche —, qui auraient ensuite été répartis entre les héritiers de chaque lignée. La Haute juridiction a censuré cette approche, considérant qu’elle méconnaissait la portée de la fente successorale. La division entre branches n’a pas pour effet de priver les héritiers de leur faculté de réclamer un lot en nature ou, à défaut, de provoquer la vente des biens indivis. La Haute juridiction a ainsi souligné que l’on ne peut assimiler la branche familiale à une souche, car le mécanisme de la fente ne repose pas sur le principe de représentation.

Cette solution jurisprudentielle met en lumière la finalité première de la fente : assurer une stricte égalité patrimoniale entre les deux branches du défunt, sans affecter les droits individuels des héritiers au sein de chaque branche. Chaque cohéritier, qu’il appartienne à la branche paternelle ou maternelle, doit pouvoir faire valoir son droit à une part distincte, sans se voir imposer un lot indivis partagé avec d’autres membres de sa lignée. Ainsi, la fente successorale garantit une équité entre les branches, mais laisse intacts les droits de chacun à l’intérieur de ces divisions.

Pour mieux illustrer le fonctionnement de ce mécanisme, prenons un exemple concret. Supposons un défunt qui ne laisse ni descendants, ni conjoint survivant, mais qui a pour héritiers un cousin du côté paternel et deux cousins du côté maternel. En application de la fente successorale, la masse successorale sera divisée en deux parts égales : 50 % pour la branche paternelle, attribuée au cousin paternel, et 50 % pour la branche maternelle, à partager entre les deux cousins maternels. Contrairement à ce que l’on pourrait observer dans un partage par souche, il ne sera pas possible d’imposer un lot unique aux cousins maternels. Chacun d’eux conserve le droit d’exiger un lot distinct correspondant à sa part ou de demander la licitation des biens indivis, afin de percevoir sa part en valeur.

Un second exemple permet d’éclairer davantage la distinction entre fente et partage par souche. Imaginons un défunt laissant deux oncles du côté paternel et un cousin germain du côté maternel. La fente successorale implique que la moitié de la masse successorale sera attribuée à la branche paternelle, partagée entre les deux oncles, et l’autre moitié à la branche maternelle, revenant au cousin germain. Cette répartition ne saurait toutefois conduire à la constitution d’un lot indivis regroupant les deux oncles. Chacun d’eux conserve le droit d’exiger sa part individuelle, que ce soit en nature ou par une compensation monétaire.

Cette jurisprudence constante met en exergue une règle fondamentale du droit des successions : la fente ne modifie pas la nature et l’étendue des droits des héritiers. Comme le souligne Michel Grimaldi, la division en branches n’a pas pour vocation de créer des entités indivises assimilables à des souches. Chaque héritier, au sein de sa branche, conserve un droit autonome à sa part de succession, qu’il peut faire valoir selon les règles habituelles du partage.

La fente successorale, bien qu’elle soit un mécanisme correcteur des inégalités entre branches, ne saurait non plus conduire à imposer une division arbitraire des lots. La Cour de cassation l’a rappelé à maintes reprises : le partage doit respecter les droits individuels des héritiers, et chaque cohéritier doit pouvoir réclamer sa part en nature ou, à défaut, provoquer la vente des biens indivis pour obtenir sa part en valeur.

Prenons un dernier exemple pour bien comprendre les subtilités de la fente successorale dans le cadre d’un partage. Un défunt laisse un frère du côté paternel et cinq cousins germains du côté maternel. Si la succession était partagée par tête, chaque héritier recevrait 1/6e de la masse successorale. Toutefois, la fente successorale divise d’abord la masse en deux parts égales : la moitié pour la branche paternelle, revenant au frère, et la moitié pour la branche maternelle, à partager entre les cinq cousins germains. En conséquence, chaque cousin maternel recevra 1/10e de la succession, tandis que le frère recevra 50 %. Il reste cependant possible pour chaque héritier de demander un lot distinct correspondant à sa part ou, si le partage en nature s’avère impraticable, de solliciter la licitation des biens.

Ainsi, la fente successorale garantit une stricte égalité entre les branches parentales, mais elle n’altère en rien les droits des héritiers au sein de chaque branche. Ce mécanisme constitue un garde-fou contre les inégalités susceptibles de naître d’une stricte application des règles de dévolution légale, en veillant à ce que chaque lignée soit traitée de manière équitable. Cependant, il ne saurait être interprété comme une obligation de constituer des lots indivis pour chaque branche, car cela reviendrait à méconnaître les principes fondamentaux du droit des successions, qui assurent à chaque héritier le droit d’exiger sa part individuelle.