Le Droit dans tous ses états

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Effet déclaratif du partage: l’exclusion des règles applicables aux actes translatifs

Le partage se distingue fondamentalement des actes translatifs de propriété en ce qu’il ne réalise pas un transfert de droits entre copartageants, mais se limite à constater l’attribution des biens à chacun d’eux, en fonction de leurs droits préexistants. Il ne s’apparente donc ni à une vente ni à un échange, puisqu’il ne repose pas sur un mécanisme de transmission de propriété d’un copartageant à un autre. C’est précisément cette nature déclarative qui justifie l’inapplicabilité de nombreuses règles propres aux actes translatifs, notamment :

  • L’action résolutoire, qui permet d’anéantir une vente en cas d’inexécution, mais qui ne peut s’appliquer au partage, faute de véritable transmission de droits ;
  • La prescription abrégée, qui repose sur la nécessité d’un juste titre translatif, ce que le partage ne constitue pas ;
  • Le privilège du vendeur, inapplicable au partage où seule une garantie spécifique entre copartageants peut être invoquée ;
  • Le droit de préemption, qui ne peut être exercé lors d’une attribution en partage, faute d’aliénation à titre onéreux.

Ainsi, l’effet déclaratif du partage le soustrait à ces règles, confirmant qu’il ne s’agit pas d’un acte de translatif, mais d’une simple répartition des droits préexistants entre les copartageants.

I) L’exclusion des sanctions attachées à l’inexécution des obligations nées du partage

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence majeure d’exclure l’application des mécanismes de sanction propres aux actes translatifs, en particulier l’action résolutoire. Contrairement à une vente, où l’inexécution d’une obligation essentielle – telle que le paiement du prix – peut entraîner la résolution du contrat, le partage, en raison de son caractère non translatis, ne saurait être anéanti pour cause de non-paiement d’une soulte ou d’un prix d’adjudication.

A) L’impossibilité d’une résolution du partage pour inexécution

Dès le XIX? siècle, la Cour de cassation a consacré cette impossibilité en affirmant que le non-paiement d’une soulte ne saurait justifier l’anéantissement du partage (Cass. Req. 29 déc. 1829). Cette solution repose sur l’idée que la soulte ne constitue pas un élément essentiel du partage, mais une simple dette personnelle du copartageant concerné. Dès lors, l’indivisaire créancier d’une soulte dispose uniquement des moyens de droit commun pour en obtenir le recouvrement (saisie immobilière, inscription d’hypothèque, etc.), sans pouvoir prétendre à une remise en cause du partage lui-même.

Cette règle trouve une application particulière lorsque le partage prend la forme d’une licitation. L’adjudication d’un bien indivis à un copartageant vaut partage, si bien que l’inexécution des obligations mises à la charge de l’adjudicataire ne peut justifier l’anéantissement de la licitation (Cass. 1ère, 26 févr. 1975, n°73-10.146). Il en résulte que la licitation ne peut être résolue pour défaut de paiement du prix ou inexécution des conditions de l’adjudication.

L’effet déclaratif interdit ainsi d’assimiler les copartageants à des contractants ayant réciproquement opéré un transfert de droits. Chacun devient propriétaire des biens qui lui sont attribués comme s’il l’avait toujours été, et non par un effet de transmission intervenu au moment du partage. Dès lors, le non-paiement d’une soulte ne peut en aucun cas être assimilé au non-paiement d’un prix dans une vente.

B) L’inapplicabilité de la revente sur folle enchère en l’absence de stipulation expresse

L’exclusion de l’action résolutoire s’étend également à la procédure de revente sur folle enchère – désormais appelée réitération des enchères depuis l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 sur la saisie immobilière. Cette procédure, qui permet de remettre en vente un bien en cas de défaut de paiement du prix par l’adjudicataire, est normalement inapplicable aux licitations effectuées dans le cadre d’un partage. La jurisprudence a en effet confirmé que, faute d’effet translatif, la licitation ne peut être assimilée à une vente, et que les règles applicables aux adjudications classiques ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Toutefois, si le principe demeure, la pratique notariale a cherché à pallier cette rigidité en introduisant des clauses spécifiques dans le cahier des charges des licitations. La Cour de cassation a ainsi admis que les copartageants peuvent convenir contractuellement de soumettre la licitation à une procédure de folle enchère en cas de non-paiement du prix (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1981, n°80-12.799).

C) L’admission de clauses résolutoires par convention expresse

Dans le même esprit, la jurisprudence a validé la stipulation de clauses résolutoires dans l’acte de partage, afin de pallier l’absence de sanctions légales en cas d’inexécution. Si l’effet déclaratif empêche toute résolution de plein droit, les copartageants peuvent néanmoins stipuler contractuellement qu’un défaut de paiement de la soulte entraînera la remise en cause de l’attribution du bien concerné (Cass. civ. 6 janv. 1846).

Toutefois, la jurisprudence distingue nettement entre les stipulations expressément formulées et celles qui pourraient être déduites implicitement. Si une clause spécifique prévoyant la résolution est insérée dans l’acte de partage ou le cahier des charges d’une licitation, elle sera jugée valide. En revanche, il n’est pas possible de déduire une telle clause du seul fait que les parties ont prévu le paiement d’une soulte. La volonté des copartageants doit être clairement exprimée, sans quoi la résolution demeure impossible.

D) Une protection limitée du créancier de la soulte

En l’absence de clause spécifique, le copartageant créancier dispose uniquement de garanties limitées pour assurer le recouvrement de sa créance. Il bénéficie certes du privilège du copartageant (ancien article 2374, 3° du Code civil, devenu article 2402, 4°), qui lui permet d’inscrire une hypothèque légale sur les immeubles attribués au débiteur. Toutefois, cette sûreté, exclusivement immobilière, ne couvre pas nécessairement l’ensemble des biens du copartageant débiteur, et elle ne constitue pas une garantie aussi solide que le privilège du vendeur. En cas de défaillance du débiteur, le créancier devra ainsi engager une procédure de saisie immobilière ou d’exécution forcée, ce qui peut s’avérer long et complexe.

II) L’impossibilité d’invoquer le partage comme juste titre pour la prescription abrégée

L’effet déclaratif du partage exclut également l’application des règles propres aux actes translatifs en matière de prescription acquisitive abrégée. En effet, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit que la prescription abrégée, permettant l’acquisition d’un bien par un possesseur de bonne foi après un délai réduit de dix ans (ou vingt ans selon les cas), suppose l’existence d’un juste titre. Ce dernier se définit comme un acte translatif de propriété émanant d’une personne qui n’était pas véritablement propriétaire. Or, le partage, qui ne réalise aucun transfert de propriété entre copartageants, ne peut jamais constituer un tel juste titre.

A) L’inaptitude du partage à fonder une usucapion abrégée

Le partage a pour seul effet de déterminer la consistance des droits des copartageants en attribuant à chacun des biens qu’il est censé avoir possédés depuis l’origine. En ce sens, il ne crée aucun droit nouveau, ne procède à aucun transfert, mais se borne à reconnaître des droits préexistants. Dès lors, il ne peut servir de fondement à une prescription acquisitive abrégée, laquelle exige un acte juridiquement apte à transmettre la propriété.

La Cour de cassation a consacré ce principe qu’elle appliqué de manière constante. Elle a ainsi jugé que lorsqu’un bien appartenant à un tiers est inclus par erreur dans une masse successorale et attribué à un copartageant, ce dernier ne pourra se prévaloir de la prescription abrégée contre le véritable propriétaire, faute de disposer d’un juste titre (Cass. 3e civ., 30 oct. 1972, n° 71-11.541).

Dans cette affaire, une action en partage avait été engagée entre plusieurs indivisaires, donnant lieu à une décision judiciaire déterminant les droits respectifs de chacun. En exécution de cette décision, des lots avaient été constitués et attribués aux copartageants, cette attribution ayant été entérinée par une autorité administrative. Cependant, un tiers a formé tierce opposition, faisant valoir qu’une portion des biens attribués dans le cadre du partage lui appartenait en indivision.

Face à cette contestation, les copartageants ont tenté d’opposer la prescription abrégée, soutenant que la décision de partage et l’acte administratif entérinant la répartition des lots constituaient un juste titre au sens de l’article 2265 du Code civil. La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, rappelant que la prescription acquisitive abrégée repose sur l’existence d’un juste titre, lequel suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire. Or, en l’espèce, l’acte de partage ne réalisait qu’une répartition des biens indivis sans opérer un transfert de propriété. La Haute juridiction a expressément souligné que les décisions de justice et actes administratifs ayant mis fin à l’indivision étaient exclusivement déclaratifs de droits et ne pouvaient donc servir de juste titre permettant l’usucapion abrégée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a également écarté la possibilité pour les copartageants d’invoquer la prescription acquisitive de droit commun, en constatant que plusieurs personnes avaient exercé des actes de possession concurrents sur les biens litigieux. Dès lors, aucun des indivisaires ne pouvait prétendre à une possession exclusive et non équivoque de nature à fonder une prescription acquisitive.

Cette décision illustre ainsi, avec une particulière clarté, l’impossibilité pour un copartageant d’invoquer la prescription abrégée sur un bien inclus à tort dans le partage, faute de disposer d’un acte translatif de propriété. Elle rappelle également que la prescription acquisitive de droit commun ne saurait prospérer lorsque la possession est exercée concurremment par plusieurs indivisaires, ce qui empêche toute appropriation unilatérale du bien concerné.

B) L’absence de transmission de droits nouveaux

L’inaptitude du partage à constituer un juste titre s’explique par le fait que, contrairement à une vente ou une donation, il ne comporte aucune manifestation de volonté de transmettre un droit. Le copartageant attributaire n’est pas l’ayant cause de ses cohéritiers : il est réputé avoir toujours été propriétaire des biens qui lui sont attribués. Dès lors, il ne saurait bénéficier de la prescription abrégée, laquelle repose sur l’idée que l’acquéreur a reçu son droit d’un tiers qui n’était pas le véritable propriétaire.

Cette distinction a une conséquence pratique essentielle : si un bien indivis a été occupé pendant plusieurs années par l’un des copartageants avant le partage, celui-ci ne pourra pas invoquer la prescription abrégée pour revendiquer la pleine propriété du bien, faute d’un juste titre distinct du partage. Ce dernier ne fait que constater la situation existante, sans créer un nouvel état de droit.

C) La possibilité de joindre les possessions pour compléter une prescription

Toutefois, si le partage est inapte à servir de juste titre pour la prescription abrégée, il ne fait pas obstacle à la jonction des possessions successives. En vertu de l’article 2265 du Code civil, l’attributaire d’un bien indivis peut joindre à sa propre possession celle exercée antérieurement par la masse indivise. Ainsi, s’il démontre une possession paisible, publique et continue antérieure au partage, il pourra faire valoir son droit à la prescription en ajoutant la durée de possession de ses coindivisaires à la sienne.

Cette règle trouve notamment à s’appliquer dans l’hypothèse où un bien litigieux était déjà possédé par la famille du copartageant bien avant le partage. Dans ce cas, la prescription de trente ans pourrait être acquise, non en raison du partage lui-même, mais par l’addition des périodes de possession successives.

III) L’inapplicabilité du privilège du vendeur et des garanties propres aux ventes

L’effet déclaratif du partage a pour corollaire l’inapplicabilité des règles protectrices propres aux actes translatifs de propriété, parmi lesquelles figurent notamment le privilège du vendeur ainsi que les garanties relatives aux vices cachés et à l’éviction. En matière de paiement des soultes ou du prix d’une licitation, c’est un régime spécifique, distinct de celui applicable aux ventes, qui trouve à s’appliquer.

A) Le privilège du copartageant

Lorsque l’un des copartageants se voit attribuer un bien indivis moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers ou qu’un bien indivis est vendu par voie de licitation à l’un d’eux, la créance née de cette opération n’est pas assortie du privilège du vendeur (prévu à l’article 2402, 1° du Code civil), mais du privilège du copartageant. Ce dernier, bien que présentant des similitudes fonctionnelles avec le privilège du vendeur, s’en distingue par son assiette et son régime de priorité.

L’article 2402, 4° du Code civil (anciennement article 2374, 3°) confère au copartageant une sûreté qui ne grève que les immeubles attribués au débiteur de la soulte, contrairement au privilège du vendeur, qui porte plus largement sur l’ensemble des biens du débiteur. Cette limitation peut donc s’avérer préjudiciable lorsque l’immeuble en question se révèle insuffisant pour garantir le paiement. Toutefois, une compensation existe : l’inscription du privilège du copartageant dans le délai légal lui confère un effet rétroactif à la date de l’ouverture de la succession, ce qui lui permet de primer sur certaines hypothèques constituées postérieurement à cette date (Cass. 1ère civ., 13 juill. 2004, n° 02-10.073). Cette antériorité protège les créanciers issus du partage contre les sûretés prises par des tiers au cours de l’indivision ou après le partage.

Néanmoins, cette protection demeure imparfaite : à défaut d’inscription dans le délai prévu, le privilège est inopposable aux tiers inscrits, ce qui peut affaiblir la position du copartageant créancier.

B) L’exclusion des garanties propres à la vente : absence de garantie des vices cachés et d’éviction

En matière de vente, le droit commun confère à l’acquéreur deux protections : la garantie des vices cachés et la garantie d’éviction. Ces garanties sont expressément prévues aux articles 1625 et suivants du Code civil et permettent à l’acheteur de se retourner contre le vendeur si le bien acquis est atteint d’un vice affectant son usage ou si son droit de propriété est contesté par un tiers.

Or, ces mécanismes sont inapplicables au partage, précisément parce que les copartageants ne sont pas les ayants cause les uns des autres. En d’autres termes, le partage n’opère pas un transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, mais une simple individualisation des droits préexistants sur les biens issus de l’indivision.

En conséquence, un copartageant qui découvre après coup que le bien qui lui a été attribué est affecté d’un vice grave ou qu’un tiers en revendique la propriété ne pourra pas se prévaloir des garanties protectrices de l’acheteur. Il ne pourra ni demander la restitution d’une partie de la soulte versée, ni exiger la résolution du partage, sauf à démontrer une lésion de plus du quart, hypothèse très encadrée par l’article 889 du Code civil.

C) La seule garantie applicable : la garantie des vices de lotissement

Si les garanties protectrices du droit de la vente sont inapplicables au partage, une garantie spécifique demeure néanmoins prévue : la garantie des vices de lotissement. Elle découle de l’obligation d’assurer une répartition équitable des biens entre copartageants. L’article 889 du Code civil prévoit en effet que chaque copartageant est tenu de garantir ses coïndivisaires contre tout trouble ou éviction qui aurait pour effet de rompre l’équilibre du partage.

Toutefois, cette garantie ne joue pas dans les mêmes conditions que la garantie d’éviction propre à la vente. Elle ne protège pas contre toute éviction, mais uniquement contre celle qui remettrait en cause l’égalité entre les lots. Ainsi, si un copartageant perd un bien qui lui a été attribué du fait d’un tiers revendiquant un droit antérieur, la garantie ne pourra être invoquée que s’il en résulte une rupture manifeste de l’équilibre du partage.

En revanche, si la perte du bien ou la revendication du tiers ne modifie pas significativement la proportion des droits de chaque copartageant, aucune garantie ne pourra être mise en œuvre. Cette limitation renforce l’importance pour chaque copartageant de procéder à des vérifications approfondies avant d’accepter un lot.

IV) L’exclusion des règles de publicité foncière attachées aux actes translatifs

A) La publication foncière sans incidence sur l’opposabilité du partage

La publicité foncière vise, en principe, à assurer l’opposabilité des mutations immobilières aux tiers. Ainsi, dans le cadre d’une vente, le défaut de publication entraîne l’inopposabilité de l’acte aux tiers (Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 28). Cette règle protège notamment les acquéreurs successifs en garantissant la traçabilité des droits de propriété.

Toutefois, le partage n’étant pas un acte translatif, la sanction de l’inopposabilité ne saurait lui être appliquée. La Cour de cassation a clairement affirmé ce principe, jugeant qu’un partage non publié reste pleinement opposable aux tiers, en raison de son effet déclaratif (Cass. 1?? civ., 14 janv. 1981, n°79-14.687). Cette solution s’explique par le fait que le partage ne crée pas un droit nouveau, mais se borne à constater la répartition de droits déjà existants dans la masse indivise.

Dès lors, un héritier attributaire d’un bien immobilier par voie de partage n’a pas besoin d’avoir publié son acte pour opposer son droit aux tiers. L’absence de publication n’entraîne pas de difficulté tant que l’attributaire conserve le bien en question.

B) Publication des opérations de partage aux fins d’assurer la continuité des mutations immobilières

Si l’effet déclaratif du partage protège l’héritier attributaire contre l’inopposabilité, la logique de la publicité foncière impose néanmoins une certaine rigueur dans la transmission ultérieure du bien. En effet, l’article 3 du décret du 4 janvier 1955 pose le principe de l’effet relatif de la publicité foncière :

Un ayant cause ne peut publier son droit que si celui de son auteur a été publié au préalable.

En conséquence, un copartageant qui souhaite revendre un bien issu du partage doit nécessairement procéder à la publication de celui-ci. À défaut, son acquéreur ne pourra lui-même publier son titre et, par conséquent, ne pourra opposer son droit aux tiers.

Ainsi, la publication du partage ne vise pas tant à protéger l’héritier que son futur acquéreur. L’absence de publication empêche en effet toute chaîne de mutations ultérieures et entrave ainsi la circulation du bien sur le marché immobilier.

C) Responsabilité civile en cas de défaut de publication

Bien que le partage non publié demeure opposable aux tiers, l’inobservation des formalités de publicité foncière peut néanmoins engager la responsabilité civile de celui qui était tenu de les accomplir. L’article 30 du décret du 4 janvier 1955 prévoit en effet que l’omission ou l’irrégularité d’une publication foncière peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit de ceux qui subissent un préjudice du fait de ce défaut.

Ainsi, si un héritier attributaire revend un bien issu d’un partage non publié et que son acquéreur se trouve dans l’impossibilité d’opposer son droit, ce dernier pourra se retourner contre le vendeur pour obtenir réparation. Cette responsabilité constitue un incitatif fort à la publication du partage, même si celle-ci n’est pas requise pour l’opposabilité du droit de l’attributaire initial.

V) L’inapplicabilité des droits de préemption et des formalités propres aux cessions de créance

L’effet déclaratif du partage a pour conséquence d’exclure l’application de diverses règles attachées aux actes translatifs, notamment en matière de droit de préemption et de cession de créance. Puisque le partage ne constitue pas une aliénation à titre onéreux, il ne peut donner prise aux prérogatives reconnues à certains titulaires de droits de préemption, ni être assimilé à une cession impliquant des formalités spécifiques.

A) L’exclusion du droit de préemption en raison de l’absence d’aliénation à titre onéreux

Le droit de préemption permet à certaines personnes – preneurs à bail rural, locataires d’habitation, l’État en matière d’œuvres d’art, etc. – de se substituer à un acquéreur dans le cadre d’une vente ou d’une cession à titre onéreux. Or, le partage ne réalise pas une transmission de propriété entre copartageants, mais se borne à constater l’attribution de biens préexistants. Dès lors, il échappe aux mécanismes de préemption qui reposent sur l’existence d’un transfert à titre onéreux.

C’est ainsi que le fermier ne peut exercer son droit de préemption lorsque le bien loué lui est attribué dans le cadre d’un partage successoral. La Cour de cassation l’a affirmé avec constance, rappelant que l’attribution d’un bien dans le cadre d’un partage ne constitue pas une aliénation ouvrant droit à préemption (Cass. 3e civ., 16 avr. 1970, n°67-13.666).

De la même manière, le locataire d’un logement soumis au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ne peut se prévaloir de sa prérogative à l’occasion d’un partage, même si l’attribution porte sur l’appartement qu’il occupe. Son droit ne pourra s’exercer que si le bien est ultérieurement revendu. Il en va de même pour le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art mises en vente publique (C. patr., art. L. 123-1), qui ne s’applique pas si une œuvre est attribuée à un copartageant lors d’un partage.

Cette exclusion repose sur un principe clair : seuls les actes translatifs à titre onéreux peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption. Or, le partage, par son effet déclaratif, n’implique aucun transfert de propriété d’un copartageant à l’autre, ce qui justifie l’inapplicabilité des règles de préemption.

B) L’absence d’assimilation du partage à une cession de créance

L’attribution d’une créance dans le cadre d’un partage successoral soulève une question essentielle : celle de son assimilation, ou non, à une cession de créance régie par les dispositions du Code civil. L’effet déclaratif du partage conduit à exclure cette assimilation, avec des conséquences notables en matière d’opposabilité et de formalités.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, réformant le droit des obligations, a modifié le régime de la cession de créance, notamment en assouplissant les formalités d’opposabilité. Désormais, l’article 1324 du Code civil dispose que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Ainsi, sous le régime actuel du droit des obligations, la cession de créance devient opposable au débiteur dès lors qu’il a été informé de la cession, sauf s’il y avait déjà consenti lors de l’acte initial. Tant que la cession ne lui a pas été notifiée ou acceptée, il peut se libérer valablement entre les mains du cédant, sans être inquiété par le cessionnaire.

Toutefois, ce régime ne trouve pas à s’appliquer aux attributions de créances par voie de partage, précisément en raison de l’effet déclaratif de cette opération. Contrairement à une cession, le partage ne réalise pas un transfert de propriété :

  • Dans une cession de créance, le cédant transmet son droit de créance à un cessionnaire, ce qui justifie la nécessité d’une notification au débiteur afin de clarifier son nouvel interlocuteur.
  • Dans un partage, l’attributaire d’une créance est réputé en être titulaire depuis l’origine, ce qui exclut toute nécessité de notification : il n’y a pas de changement de titulaire, mais une simple individualisation des droits déjà existants.

C’est pourquoi l’attribution d’une créance dans un partage successoral échappe aux exigences de notification imposées par l’article 1324 du Code civil.

La Cour de cassation a consacré cette solution en jugeant que l’attribution d’une créance dans un partage n’implique ni signification, ni acceptation par le débiteur. Dans un arrêt du 13 octobre 2004, elle a affirmé que les formalités de signification prévues pour la cession de créance ne s’appliquent pas au partage (Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, n°03-12.968).

En conséquence :

  • Le débiteur n’a pas besoin d’être informé de l’attribution de la créance dans le partage : il est censé avoir toujours eu le même créancier.
  • L’attributaire de la créance peut agir directement en paiement, sans formalité préalable.
  • Le débiteur ne peut se prévaloir de la non-notification de l’attribution pour refuser de payer, contrairement à ce qui est prévu en matière de cession.

Ainsi, à la différence d’un cessionnaire, l’attributaire d’une créance dans un partage successoral ne risque pas de voir sa créance lui échapper en raison d’une absence de notification.

Le régime de la cession de créance prévoit également des règles spécifiques en matière d’exceptions opposables par le débiteur au cessionnaire.

L’article 1324, alinéa 2, du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette », notamment la nullité, l’exception d’inexécution ou encore la compensation de dettes connexes.

Toutefois, en matière de partage, ce mécanisme ne trouve pas à s’appliquer. L’attributaire d’une créance est censé en être titulaire depuis l’origine, ce qui signifie que :

  • Le débiteur ne peut lui opposer que les exceptions nées avant l’ouverture de la succession ou de l’indivision.
  • Les exceptions personnelles nées du rapport entre le débiteur et le copartageant initial ne sont pas transmissibles, sauf si elles existaient avant l’indivision.

Cette distinction est fondamentale car elle garantit à l’attributaire une meilleure protection que celle accordée à un cessionnaire de droit commun, qui, lui, reste soumis aux exceptions personnelles opposables au cédant avant la notification de la cession.

Enfin, la réforme de 2016 a introduit des règles en cas de concurrence entre plusieurs cessionnaires successifs d’une même créance.

L’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ».

Toutefois, cette problématique est totalement étrangère au partage successoral, dès lors que :

  • Il ne peut y avoir de pluralité d’attributaires successifs d’une même créance dans un partage, chaque créance étant attribuée définitivement à un copartageant.
  • L’attribution opérée par le partage s’impose à tous sans qu’il soit possible de revendiquer une créance attribuée à un autre copartageant.

Ainsi, le partage successoral échappe aux règles de conflits entre cessionnaires successifs, qui ne concernent que les véritables cessions de créance.

VI) L’exclusion du partage en tant que mutation de référence en matière d’expropriation et de fiscalité

L’effet déclaratif du partage le distingue des actes translatifs de propriété, ce qui a des implications directes en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique et de fiscalité.

En droit de l’expropriation, la fixation de l’indemnité d’expropriation repose notamment sur une référence aux mutations intervenues dans le secteur concerné. Or, le partage, n’étant pas un acte translatif, ne peut être pris en compte comme mutation de référence aux fins de détermination de l’indemnisation du bien exproprié.

La Cour de cassation a consacré ce principe dans un arrêt du 17 janvier 1973, affirmant que le partage, ayant un effet purement déclaratif, ne peut être assimilé à une mutation et ne saurait servir de référence dans le cadre d’une procédure d’expropriation (Cass. 3e civ., 17 janv. 1973).

Cette solution repose sur la distinction entre :

  • Une mutation à titre onéreux, qui suppose un transfert de propriété entre deux parties et qui peut donc être prise en compte pour évaluer le prix du bien exproprié.
  • Le partage, qui ne transfère pas de propriété mais attribue à chaque copartageant la fraction du bien dont il était déjà propriétaire en indivision.

Dès lors, une autorité expropriante ne peut se prévaloir du prix d’un bien attribué dans un partage pour fixer l’indemnité due aux expropriés, puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable transaction reflétant la valeur vénale du bien.

L’effet déclaratif du partage a également des conséquences fiscales notables. En principe, les actes translatifs de propriété sont soumis aux droits de mutation à titre onéreux. Toutefois, le partage, n’opérant pas de transmission de propriété entre les copartageants, échappe à cette taxation.

L’article 746 du Code général des impôts (CGI) consacre cette exonération en disposant que les partages ne sont assujettis qu’à une taxe spécifique de 2,5 % et non aux droits de mutation applicables aux ventes.

Cependant, le régime fiscal du partage a connu des aménagements, notamment concernant :

  • Les licitations entre copartageants : Lorsqu’un bien indivis est attribué à un seul héritier moyennant le paiement d’une soulte à ses cohéritiers, l’administration fiscale peut considérer cette opération comme une vente partielle, soumise aux droits de mutation (CGI, art. 750).
  • Les partages impliquant des tiers : Lorsque le partage ne se limite pas aux seuls membres de l’indivision d’origine (par exemple, lorsqu’un tiers entre dans le partage), l’administration fiscale peut également requalifier l’opération en cession taxable.

La jurisprudence a cependant rappelé que ces exceptions ne doivent pas conduire à dénaturer l’effet déclaratif du partage, qui demeure un principe fondamental du droit civil.

Quid des conséquences pratiques?

  • En matière d’expropriation, l’exproprié ne peut se voir imposer une indemnité fixée sur la base d’une attribution en partage, car il ne s’agit pas d’une vente permettant d’évaluer la valeur vénale du bien.
  • En matière fiscale, le partage reste en principe soumis à une taxation réduite, sauf exceptions concernant certaines licitations ou opérations impliquant des tiers.
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